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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette réunion, ce lundi 19 juin 2006, du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
    Membres du comité, vous avez devant vous l'ordre du jour. Nous recevons aujourd'hui certains témoins. Les premier d'entre eux, que nous allons entendre entre 15 h 30 et 16 h 30, représentera la First Nations Child and Family Caring Society of Canada. Nous accueillons Cindy Blackstock, la directrice exécutive, et Rachel Levasseur, une étudiante en stage d'été. Bienvenue au comité.
    Nous allons écouter votre présentation, et ensuite nous vous poserons des questions.
    Vous pouvez commencer votre présentation.
    Merci, monsieur le président et honorables membres du comité, de prendre le temps de vous renseigner sur une merveilleuse possibilité qui s'offre à nous en tant que Canadiens — de faire une différence pour cette génération d'enfants et de jeunes des premières nations.
    À ce que j'ai compris, lorsque le Canada est confronté à un enjeu, il veut vraiment savoir si le problème est bien défini. Il veut savoir s'il y a des éléments probants pour le définir. Quelles sont les solutions ou les possibilités, et des recherches approfondies ont-elles été menées? Avons-nous les ressources et les compétences nécessaires pour le régler? La réponse, dans ce cas particulier, à toutes ces questions, c'est oui.
    Nous avons devant nous une occasion de bien répondre aux besoins des enfants des premières nations, décrits dans un document de plus de 500 pages qu'ont rédigé certains des meilleurs chercheurs du pays. Vous pouvez demander « En quoi cela a-t-il rapport avec l'éducation? Eh bien, l'éducation bilingue et holistique, dans le meilleur des mondes, doit aller bien au-delà du grand honneur que nous avons de parler le français et l'anglais dans notre pays. Elle doit aussi honorer, sur le même pied, les modes traditionnels d'apprentissage, parallèlement à l'enseignement académique. Elle doit aussi s'intéresser à l'enfant lui-même, qui fréquente l'école.
    Vous êtes peut-être pour la plupart conscients que le succès scolaire des enfants est très étroitement lié à son sentiment personnel de bien-être et de sécurité. C'est logique, n'est-ce pas? Si l'enfant est bien entouré à la maison, il a des chances être beaucoup plus attentif à l'école et de profiter du type d'enseignement qui lui est offert.
    Nous savons, par exemple, en ce qui concerne les enfants qui sont pris en charge par le système de bien-être de l'enfance, non seulement qu'ils sont moins nombreux à obtenir leur diplôme, ce qui est vrai, mais que même lorsqu'ils vont à l'école, d'après une étude qu'a effectuée la Casey Foundation des États-Unis, leur rendement est de 15 à 20 p. 100 inférieur à celui de leurs camarades.
    L'autre problème, c'est qu'ils ont un plus haut taux d'absentéisme. Et pourquoi cela? demanderez-vous. Les enfants en famille d'accueil, généralement, ne vivent pas l'expérience d'un seul placement, le traumatisme d'avoir vécu des mauvais traitements et d'être placés en famille d'accueil une seule fois; il n'est pas rare que ces enfants connaissent de 10 à 15 familles d'accueil pendant la période où ils sont à la charge des services sociaux. Donc, ce genre de mobilité fait réellement obstacle à leur capacité d'être vraiment pris en charge.
    Maintenant, pourquoi un comité comme le vôtre s'intéresserait-il le moindrement aux enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance? Quel pourcentage représentent-ils, les enfants qui vous intéressent particulièrement? Eh bien, selon une étude que nous avons effectuée l'année dernière, il est reconnu depuis longtemps que les enfants autochtones sont surreprésentés dans le système de bien-être de l'enfance du pays. Mais nos systèmes de données ne nous ont pas dit précisément dans quelle mesure ces enfants sont surreprésentés. Selon nos projections de base, environ 30 p. 100 des 67 000 enfants qu'a pris en charge le réseau de bien-être de l'enfance sont Autochtones.
    Ce que nous avons constaté l'année dernière, d'après des données recueillies sur un échantillon de quatre provinces, 10,23 p. 100 des enfants indiens inscrits étaient pris en charge par les services de bien-être de l'enfance dans ces quatre provinces, comparativement à un peu plus de 0,5 p. 100 des enfants non autochtones.
    Vous pouvez poser la question sur les enfants métis. Eux aussi sont surreprésentés, avec environ 3,31 p. 100 de tous les enfants métis de ces régions.
    Alors il ne s'agit pas que d'un petit nombre, mais de 10 p. 100 de la population d'enfants indiens sur un échantillon de quatre provinces qui étaient à la charge des services de bien-être de l'enfance en mai 2005. Ce nombre est plus élevé qu'à n'importe quelle autre période de notre histoire, trois fois plus que le nombre d'enfants des écoles résidentielles à l'époque culminante de leur exploitation, dans les années 1940.
    D'après John S. Milloy, l'historien, dans les années 1960, que nous pourrions maintenant appeler celles du « coup de pelle », à cause de la prise en charge massive d'enfants des Premières nations par les services de bien-être de l'enfance, 10 p. 100 d'entre eux étaient en famille d'accueil à ce moment-là. Ils sont maintenant 10,23 p. 100. Donc, quelle que soit la mesure appliquée, il y a actuellement plus d'enfants indiens inscrits pris en charges par les services de protection de l'enfance.
    Pourquoi ces enfants sont-ils pris en charge? C'est une question à laquelle nous n'avons pas pu répondre jusqu'à 1998. Mais avec deux cycles de l' Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, nous pouvons maintenant dire au comité que les enfants des Premières nations sont moins susceptibles de devoir être pris en charge par les services de protection de l'enfance pour des abus sexuels, physiques ou émotifs que leurs pairs non autochtones. Par contre, ils sont plus de deux fois susceptibles d'en avoir besoin pour cause de négligence.
    La négligence peut signifier bien des choses. Pour les enfants autochtones, ce que nous avons constaté, c'est que les principaux facteurs fondamentaux n'étaient pas au niveau de l'enfant, mais plutôt de la pauvreté de la famille, de la médiocrité du logement et de la toxicomanie chez les parents.
(1540)
    Tous ces facteurs, d'après Nico Trocmé et ses chercheurs, exigent vraiment des interventions de nature préventive pour le bien-être des enfants, ce qui nous amène à la question de ce que le Canada peut faire.
    Voyez-vous, les services de bien-être de l'enfance dans les réserves relèvent de l'autorité des provinces. Mais à l'exception de l'Ontario, qui est financée en vertu d'une entente distincte de financement, le ministère des Affaires indiennes et du Nord assure le financement des services de bien-être à l'enfance. Alors il n'y a pas de rapport entre la loi provinciale et le niveau de financement fourni par le ministère, et cela a suscité diverses difficultés.
    Selon la méthode actuelle de financement, il y a deux importantes enveloppes budgétaires. La première est illimitée, pour l'« entretien ». Elle contient un montant illimité de financement pour intégrer les enfants des Premières nations au système de bien-être de l'enfance et les placer en famille d'accueil. La deuxième enveloppe de financement, pour l'« exploitation », est réservée à l'entretien de tous les mécanismes opérationnels de l'organisme. Mais c'est aussi pour le financement des services préventifs qu'exigent les lois sur le bien-être de l'enfance, dont les mesures doivent être épuisées avant que nous puissions envisager la prise en charge de l'enfant.
    Dans un examen effectué en 2000 conjointement par l'Assemblée des Premières nations et le ministère des Affaires indiennes et du Nord, on a constaté, même en 2000, que l'enveloppe fédérale était inférieure de 22 p. 100 à l'enveloppe moyenne des provinces, en dépit de la surreprésentation des enfants indiens inscrits.
    Ce rapport renfermait 17 recommandations de McDonald et Ladd, et aucune d'elles qui, je le précise, auraient une incidence particulière sur le bien-être des enfants, notamment pas l'augmentation du financement des services de prévention, n'a jamais été mise en oeuvre.
    En 2004 on nous a demandé, à la Firts Nations Child and Family Caring Society, d'entreprendre la rédaction d'un vaste rapport de recherches multidisciplinaires, ce que nous avons fait, et que nous avons appelé la série Wen: de de rapports, que vous avez devant vous dans les deux langues officielles. La clé, dans ces rapports de recherche, c'est que nous avons pu déterminer, en nous fondant sur les preuves, dans le secteur des services d'aide sociale à l'enfance, qu'il manque 109 millions de dollars de financement du gouvernement par année. Et où est ce manque crucial? C'est dans les services visant à garder les enfants indiens inscrits bien en sécurité chez eux, en vertu d'une gamme de services officiels appelés « mesures les moins perturbantes possibles ».
    L'autre écart est lié à l'inflation. Il n'y a pas eu d'indexation à l'inflation depuis 1995, ce qui réduit un financement déjà très restreint. Comme nous l'illustrons dans la série de rapports Wen:de et dans tous les graphiques économiques que nous avons ici, cela signifie qu'en fait, l'écart se chiffre à au moins 21 millions de dollars, rien que pour l'indexation à l'inflation.
    L'autre chose qu'il y a eue, c'étaient les conflits de compétence. En ce qui les concerne, nous avons constaté que les enfants des Premières nations tombent entre les fentes des compétences bien souvent, et je ne vous donnerai pour cela qu'un exemple.
    Il y avait un petit garçon, appelé Jordan, né au Manitoba d'une famille des Premières nations. Sa famille l'a confié aux services de bien-être de l'enfance, non pas parce qu'il était victime de violence ou de négligence, mais parce que dans la réserve, il n'existait pas assez de services pour les enfants handicapés. Le seul moyen d'obtenir des services était de les confier aux services d'aide sociale à l'enfance. Pendant les deux premières années de sa vie, il est resté, par nécessité, à l'hôpital, jusqu'à ce que son état se stabilise. Entre-temps, la communauté et la famille avaient réussi à recueillir 30 000 $ pour aménager une fourgonnette pour l'amener à ses rendez-vous et voir sa famille, et on avait trouvé aussi une famille d'accueil ayant une formation médicale. Donc, dès que le médecin déclarerait qu'il pouvait retourner chez lui, un plan était prévu pour qu'il soit pris en charge dans sa communauté.
    S'il n'avait pas été un Indien inscrit, à son deuxième anniversaire ou peu après que le docteur ait déclaré qu'il pouvait retourner chez lui, c'est ce qu'il aurait fait. Mais comme c'était un Indien inscrit, la province a déclaré qu'elle ne pouvait pas le financer, que c'était une responsabilité fédérale. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a dit que c'était des problèmes de santé, donc c'était au ministère de la Santé de financer tout cela. Santé Canada a dit non, l'enfant relève des services de bien-être de l'enfance, alors c'est au ministère des Affaires indiennes et du Nord de le financer.
    Au bout du compte, après toutes ces tracasseries bureaucratiques, il a été décidé de laisser Jordan à l'hôpital, qui coûtait deux fois plus que de le garder à la maison, non pas pour un mois ou une année, mais pendant deux années, tandis que se livrait la bataille sur les dépenses pour Jordan. Ce n'est que lorsque les procédures juridiques sont parvenues à un point où le gouvernement du Canada a décidé de donner la priorité à l'intérêt de Jordan que le problème a été résolu, mais il était trop tard, malheureusement, pour Jordan et sa famille. Jordan est décédé à l'hôpital, sans avoir passé une seule journée dans son foyer familial, inutilement.
    Dans notre étude, dans les rapports Wen:de, 393 incidents sont survenus sur un échantillon de 12 organismes des Premières nations du pays.
(1545)
    Nous avons fait preuve de diligence et avons demandé si les Premières nations étaient responsables de ces conflits de compétence, parce que nous voulions savoir qui l'était. Notre but ultime est de nous assurer que les enfants reçoivent ce dont ils ont besoin. Dans plus de 90 p. 100 dans cas, les responsables étaient le gouvernement fédéral ou provincial.
    Nous avons demandé l'adoption, avec l'appui de la famille de Jordan, d'un principe que nous avons appelé « le principe de Jordan ». C'est très simple. Lorsque les gouvernements fournissent des services qui sont autrement accessibles aux enfants canadiens, et qu'un conflit de compétence survient, le gouvernement avec lequel a été pris le premier contact doit payer le service sans retard ou interruption, et le conflit peut être réglé plus tard. Si cela avait été adopté, Jordan aurait pu retourner chez lui à son deuxième anniversaire.
    Rappelez-vous que certaines personnes ont dit qu'il n'existe pas de pouvoir pour cela. Eh bien, quelqu'un a ce pouvoir. Il y a un niveau de gouvernement qui un pouvoir sur ce genre de services, parce qu'ils sont fournis à d'autres enfants du Canada. Nous disons tout simplement qu'il faut inclure les enfants des Premières nations dans cette théorie.
    Nous sommes attachés à ce travail — et par nous, j'entends collectivement, en tant qu'organisme des Premières nations du Canada — d'essayer de recueillir des preuves et d'obtenir l'appui nécessaire pour régler ces iniquités depuis bien plus de dix ans maintenant. Nous sommes tout à fait convaincus d'avoir une solution ici qui pourrait amener un virage fondamental dans le nombre d'enfants des Premières nations pris en charge dans le système de bien-être de l'enfance, et par conséquent, qui pourrait contribuer à leur succès social, notamment en éducation. Il faudra pour cela de la volonté politique.
    Nous avons fait une estimation des coûts de ces mesures, et il en coûterait moins de 1 p. 100 de l'excédent budgétaire pour faire ce qu'il faut pour ces enfants. Par la suite, les économies pour la société canadienne seraient d'importance. Non seulement aurions-nous moins de retraits sur le budget de maintenance du ministère des Affaires indiennes, avec la réduction des coûts des services à l'enfance, avec le temps, mais il y aurait aussi des économies dans le système judiciaire, où les enfants de l'aide sociale sont le plus susceptibles de se retrouver. Nous ferions des économies aux plans de l'aide sociale et ce genre de chose.
    Je vais demander à ce comité de pousser le ministère des Affaires indiennes, l'honorable ministre Jim Prentice, à mettre en oeuvre immédiatement et intégralement les recommandations du rapport Wen:de, y compris le versement intégral des 109 millions de dollars nécessaires. C'est le montant de base qui assurerait le traitement équitable des enfants des Premières nations des réserves pris en charge par le système social. Moins que cela les obligerait à continuer de recevoir un service de deuxième classe. Sans cela, nous ne pouvons nous attendre à ce le nombre d'enfants indiens inscrits pris en charge par le système social continue d'augmenter.
    Quand cette génération fera une rétrospective sur nous, donnons-leur la chance de dire que nous avions tous une solution, nous avions la possibilité de faire une différence et nous l'avons faite. C'est ce que nous avions espéré pouvoir faire avec les écoles résidentielles, et c'est la possibilité qui s'offre à nous maintenant.
    Merci, monsieur le président.
(1550)
    Merci, madame Blackstock.
    Nous allons commencer les questions, avec le Parti libéral d'abord pour sept minutes.
    Madame Keeper, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie pour cette présentation.
    Je connais un peu l'histoire de Jordan. Je suis députée pour la circonscription de Churchill au Manitoba. J'ai travaillé avec beaucoup de gens sur ces problèmes et en particulier sur celui dont vous avez parlé, le nombre d'enfants pris en charge qui ont besoin de soins médicaux complexes.
    J'aimerais que étoffiez un peu vos propos. Vous avez parlé de 393 enfants qui se trouvent dans cette situation. Je ne sais pas de quelle période vous parlez. Peut-être pourriez-vous parler un peu plus de la période et expliquer les divers aspects de ces situations. Peut-être pourriez-vous tirer cela au clair.
    Merci.
    Je tiens à préciser que nous avons demandé aux organismes des Premières nations de signaler les conflits de compétence survenus au cours de la dernière année civile, entre mai 2004 et mai 2005. Il importe aussi de comprendre que c'était au sein d'un échantillon de 12 organismes des Premières nations. Il y en a plus de 115 dans le pays, alors vous pouvez imaginer que si nous faisions un échantillonnage sur l'ensemble des organismes, la situation serait bien pire.
    Nous avons demandé aussi quelles étaient les parties concernées. J'ai déjà dit que c'était surtout les administrations fédérales et provinciales, mais combien de temps les travailleurs sociaux des Premières nations consacrent-ils à la médiation de ces conflits? Ce que nous avons découvert, c'est qu'en moyenne, il leur faut 54,25 heures pour résoudre chaque incident, faire en sorte qu'on réponde aux besoins de l'enfant. Quant à la nature des besoins des enfants, dans la plupart des cas, ce sont des choses bien simples, qui sont accessibles aux autres enfants du Canada. En deux mots, avec les enfants indiens inscrits, il est possible à un ministère de dire que ce n'est pas à lui de payer, et que c'est à l'autre ministère de le faire; et ceci l'emporte sur les besoins de l'enfant.
    Donc, dans le cas de Jordan, c'est parce qu'il était à la charge de la province et que la province répondrait à ce besoin s'il restait à l'hôpital, n'est-ce pas?
    Dans la situation de Jordan, s'il n'avait pas été un Indien inscrit, il serait retourné chez lui à son deuxième anniversaire et la province aurait payé la facture.
    Mais hors de la réserve, n'est-ce pas? C'est ça, le problème, non? Nous comparons les enfants hors réserve et en réserve?
    Oui, hors réserve et en réserve.
    Et comme il était un résident de réserve et parce qu'il était pris en charge par les services de bien-être de l'enfance, c'est là que les divers niveaux de gouvernement ont commencé à se relancer la balle.
    Je voudrais revenir sur le fait que vous avez dit que 393 enfants avaient ce genre de besoins médicaux complexes, qui sont la source de conflits de compétence pour ce qui est de répondre à leurs besoins. Il ne s'agissait que de 12 organismes, et d'une seule année financière.
    Nous savons que cette situation existe depuis au moins vint ans, n'est-ce pas?
    C'est vrai.
    Il est aussi important de noter que le rapport de 2000 contenait une recommandation pour résoudre ce type de conflit, laquelle n'a jamais été mise en oeuvre. Si elle l'avait été, Jordan ne se serait jamais retrouvé dans cette situation.
    D'accord.
    En ce qui concerne les problèmes de compétence, je sais qu'au Manitoba, ils sont en train de mettre en oeuvre des mesures pour que les Premières nations et la nation Métis administrent leur propre service d'aide à l'enfance, mais comme vous l'avez dit, cela relève encore d'une loi provinciale.
    L'un des problèmes qu'il y a eu, aussi, c'est qu'il n'existe pas de mécanisme pour combler leur déficit, comme il en existe pour les services d'aide à l'enfance qui relèvent de la compétence provinciale. Alors peut-être pourriez-vous parler un peu de ce type d'incidence, et aussi dire si vous avez constaté cela dans tout le pays?
    Oui, c'est une grande préoccupation, et je vais expliquer un peu la situation pour les gens.
    Hors réserve, en général, c'est la province qui fourni les services de bien-être de l'enfance pour les enfants autochtones, la plupart du temps. Certains services d'aide aux enfants autochtones hors réserve sont en voie d'être créés, mais ils sont généralement limités aux centres urbains.
    Nous avons le Native Child and Family Services, à Toronto. Nous en avons aussi un à Vancouver et un autre à Victoria, et les Mi'kmaq Family and Children's Services de la Nouvelle-Écosse, mais maintenant, il y a ce nouveau modèle novateur au Manitoba, qui semble très prometteur.
    Mais le problème...
(1555)
    Mais le Conseil du Trésor ne va pas combler leur déficit, comme cela s'est fait dans le passé.
    C'est vrai.
    Une autre chose, c'est que selon les données que nous avons de Nico Trocmé, les enfants des Premières nations ont beaucoup plus besoin des services d'aide à l'enfance que les enfants non autochtones. De fait, ils sont surreprésentés, étant deux fois plus à chaque stade du processus d'évaluation, alors dès le signalement, en passant par les preuves documentaires jusqu'à l'accès au service d'aide à l'enfance.
    Il soutient que si vous êtes une province et que vous allez transférer le programme à une collectivité autochtone, le transfert de l'enveloppe budgétaire actuelle ne suffit pas parce que ce sont tous des enfants qui ont beaucoup de besoins. Ce qu'il faut, c'est tenir compte de leurs besoins plus grands, augmenter l'enveloppe, et intégrer les filets de sécurité que le gouvernement a déjà à sa disposition.
    C'est un peu ce que nous avons fait, dans le rapport Wen:de , quand on a demandé la création de budgets nationaux pour que les organismes aient certains recours en cas de frais imprévus. Mais cela a posé un problème réel dans le pays, de s'assurer que quand les communautés autochtones prennent le contrôle des services d'aide à l'enfance, elles aient vraiment des ressources suffisantes et assez flexibles pour les aider à faire un bon travail.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Nous en sommes à six minutes, donc il en reste une.
    J'aimerais poser une autre question, à propos de la prestation de services adaptée à la culture. Vous allez parler de défis que pose l'insuffisance du financement, mais nous parlons aussi d'une prestation de services adaptés à la culture, qui est nécessaire, et le genre de démarches qu'il faut pour y parvenir. Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous avez envisagé, avec votre étude sur la question?
    L'un des principaux éléments que nous avons constaté, c'est que les organismes des premières nations souhaiteraient promulguer leurs propres lois traditionnelles, dans un optique de bien-être de l'enfance, et bon nombre d'entre eux ont déjà pris cette voie. Le système de valeurs qui sous-tend la loi sur le bien-être de l'enfance en tant qu'entité provinciale est vraiment fondée sur une base de valeurs britanniques et françaises. Il est aussi fondé sur les conditions sociales qu'affrontent la plupart des enfants non-autochtones, qui sont très différentes de celles que connaissent les enfants autochtones.
    Avec des services adaptés à la culture, il faut une loi et un cadre fondés sur la culture qui appuie les principes de cette communauté distincte et, de là, des normes, des politiques et des programmes qui ont une certaine cohésion culturelle. Ce que nous avons trouvé, dans le rapport Wen:de , c'est que la plupart des organismes des Premières nations ont affirmé qu'avec le niveau actuel de financement inéquitable, ils ne peuvent pas faire le genre de travail qu'ils veulent faire pour offrir des service adaptés à la culture. Ils ont dit qu'il ne suffit pas que ce soient des membres des premières nations qui fournissent le service; ils veulent faire plus, qui réponde aux besoins de leur communauté. L'un des principes fondateurs de la culture des Premières nations, c'est le renforcement des familles pour soutenir l'enfant dans son propre environnement, et cette formule est tout à fait contredite.
    Hors réserve, vous le savez probablement bien dans votre région, bien des travailleurs sociaux... J'ai travaillé avec des services de protection de l'enfance pendant 13 ans, et je n'ai jamais reçu de formation sur la manière de travailler avec les peuples autochtones. Bien des agents de protection de l'enfance reçoivent peut-être une demi-journée ou une journée de formation. Dans de nombreuses universités du pays, il est possible d'obtenir un baccalauréat en travail social sans jamais avoir suivi de cours en bien-être de l'enfance, ou un cours sur les peuples autochtones.
    Alors nous devons travailler avec diligence avec les collectivités autochtones, en réserve et hors d'elles, pour créer des services culturellement adaptés, parce que ce sont eux qui ont le plus de conséquences pour les enfants.
    Merci.
    Nous passons la parole au Bloc, à monsieur Lévesque.

[Français]

    Madame Blackstock, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être venue témoigner.
    Au début de votre témoignage, vous avez parlé d'une étude qui avait été réalisée sur plusieurs milliers d'enfants. Vous avez dit que 30 p. 100 des enfants placés étaient autochtones et que plus de 10 p. 100 des enfants autochtones étaient placés. Vous avez également dit que certains de ces enfants pouvaient être placés jusqu'à 10 ou 15 fois et que, bien sûr, certaines de leurs capacités intellectuelles s'en trouvaient altérées.
    Vous avez donné l'exemple d'un jeune du Manitoba qui a dû se prévaloir de l'aide sociale pour pouvoir recevoir des soins. D'autre part, vous dites que vous souhaitez avoir le contrôle de l'ensemble des soins pour les premières nations, autant dans les réserves que hors réserve.
    J'aimerais vous poser deux questions très importantes. Premièrement, avez-vous un moyen de contrôler le nombre de membres des premières nations et d'Inuits qui sont hors réserve? Deuxièmement, en quoi la formule de financement des services à l’enfance et à la famille des premières nations est-elle comparable à la formule de financement de l’éducation dans les réserves?
(1600)

[Traduction]

    Une petite précision, le chiffre du début était sur un échantillon de quatre provinces, quand on comparaît le proportion d'enfants qui étaient pris en charge par les services de bien-être de l'enfance, par groupe culturel. Alors nous avons constaté que 0,67 p. 100 des enfants non autochtones de ces quatre provinces de l'échantillon étaient pris en charge par les services d'aide à l'enfance en mai 2005, comparativement à 10,23 p. 100 des enfants indiens.
    En ce qui concerne les données, vous soulevez une question très importante. De fait, c'est quelque chose que nous voulions déterminer, avec les organismes de bien-être de l'enfance — quelles données ils recueillent et quelles sont leurs capacités en matière de cueillette de données — parce que c'est tellement important pour éclairer la modification progressive de la politique et les pratiques exemplaires.
     Eh bien, la formule a été établie en 1989, avant que les systèmes informatisés se répandent; par conséquent, il n'y a pas d'argent, dans cette formule, pour du matériel ou des logiciels informatiques. Ainsi, nous avons des organismes des Premières nations en réserve qui utilisent encore des systèmes administratifs tenus au crayon.
    Hors réserve, nous avons des provinces qui recueillent des données sur les enfants pris en charge par le réseau de bien-être social de diverses façons. Certaines provinces réussissent très bien à recueillir des données désagrégées en réserve et hors réserves — les Premières nations, les Métis et les Inuits. D'autres ne recueillent pas du tout ce genre de données. Alors nous ne pouvons pas répondre à certaines des questions les plus fondamentales relativement au bien-être de l'enfance aujourd'hui, comme combien d'enfants sont pris en charge par le système de bien-être de l'enfance? Nous ne pouvons pas vous donner de données nationales sur cet aspect, mais c'est quelque chose que nous recommandons dans le rapport Wen:de. Nous avons dit qu'il faut un centre national de données. Je ne doute pas que si l'État a le pouvoir de venir chercher nos enfants chez nous, il a aussi un devoir égal, sinon supérieur, de s'assurer de savoir exactement ce qui arrive à ces enfants, et qu'il fait de son mieux pour s'acquitter de sa responsabilité. Et cela ne peut se faire qu'avec des systèmes nationaux de collecte de données.

[Français]

    Avez-vous un relevé des familles qui vivent à l'extérieur des réserves? Je crois que vous offrez des services aussi aux familles qui vivent à l'extérieur des réserves.
    En fait, vous demandez de recevoir de l'argent autant pour les familles hors réserve que pour celles qui vivent dans les réserves. Possédez-vous un moyen de connaître, par exemple, le nombre d'enfants qui vivent à l'extérieur des réserves et le nombre d'enfants qui vivent dans les réserves? Cela vous permettrait de prévoir quels services ils devront recevoir étant donné que vous demandez de l'argent pour le financement de ces services.

[Traduction]

    Les 109 millions $ seraient pour les enfants en réserve seulement. Malheureusement, nous n'avons pas de bonnes données dans toutes les régions sur le niveau de financement nécessaire et la manière dont il devrait être réparti pour les services de bien-être de l'enfance hors réserve, pour l'instant.
    En ce qui concerne les chiffres, nous ne pouvons que nous fier aux données auxquelles vous avez accès en tant que comité, c'est-à-dire les données du recensement. Selon l'APN, environ 60 p. 100 des membres des Premières nations vivent en réserve, et environ 40 p. 100 hors réserve, actuellement.
    Nous travaillons avec les provinces pour essayer de mieux cerner le nombre d'enfants des Premières nations qui vivent hors réserve, ainsi que pour les aider à trouver un moyen de financer adéquatement des services culturellement adaptés aux enfants hors réserve, mais ces démarches n'en sont encore qu'embryonnaires.
    Merci.
    Madame Crowder.
    Merci, monsieur Blackstock, d'être venu témoigner devant nous.
    J'aimerais parler de plusieurs choses.
    Je n'ai pas apporté les deux rapports, mais dans « We are coming to the Light of Day », il y avait un énoncé d'impact, dans le rapport, qui traitait de ce qu'il en coûterait de ne rien faire. Il disait en gros, et je traduis:
L'analyste a estimé que les effets intergénérationnels de la violence faite aux enfants sur le système de justice pénale et d'autres services sociaux se chiffrent à environ 511 500 $ par enfant.
    Si je comprends bien, si on ne fournit pas un soutien adéquat aux enfants et à leurs familles, à plus long terme, c'est le système d'éducation, le système de justice pénale, le système de services sociaux et probablement le système de santé qui en assumeront les frais de plus de un demi-million de dollars. Ai-je bien compris?
    Vous avez très bien compris.
    Bowlus et McKenna ont fait une excellente étude sur ce que coûtent aux contribuables canadiens les mauvais traitements aux enfants, laquelle laisse entendre que les coûts immédiats des mauvais traitements aux enfants, ainsi que les coûts attribuables aux facteurs comme leur surreprésentation dans le système de justice et le manque d'éducation, etc., se chiffrent à 16 milliards de dollars par année.
    L'Organisation mondiale de la Santé suggère que si on investit un dollar dans les services de bien-être de l'enfance maintenant, les contribuables économisent 7 $ sur la durée de la vie de l'enfant. C'est vraiment plein de bon sens économique et moral que d'investir maintenant dans ces enfants.
(1605)
    Nous avons tendance à tout mesurer en dollars et en cents. Est-ce que l'avantage économique réel d'un enfant qui devient une personne économiquement productive est inclus là-dedans? Je ne sais pas si c'est tenu en compte.
    Non, nous n'avons pas pu aller jusque là dans cette étude.
    Je pense que nous conclurions à des économies astronomiques si nous examinions cet aspect-là particulièrement, surtout quand on sait que les jeunes autochtones sont le segment de la population qui affichent la croissance la plus rapide. Si, collectivement, en tant que société, nous pouvions réellement définir les priorités pour nous assurer qu'ils grandissent dans le type de contexte optimal qui entoure les autres enfants du Canada, nous aurions une génération de jeunes adultes et de leaders de demain. Ils seront bien placés pour favoriser l'avancement économique et social pour tous les Canadiens.
    J'aimerais parler brièvement du rapport Hughes de la Colombie-Britannique. Je suis sûre que vous le connaissez. Pour les membres du comité, le rapport Hughes était en réponse à la situation d'un jeune autochtone qui a été tué.
    Je pense que les recommandations de M. Hughes sont dans le même esprit que bien des choses dont vous parlez, la consultation, l'adaptation à la culture, l'engagement continu des collectivités, et l'offre d'un soutien approprié aux enfants et à la famille, de soutien continu aux familles d'accueil, et de soutien continu aux travailleurs sociaux qui font face à ces situations.
    Y a-t-il des éléments du rapport Hughes qui sont différents de ce que vous recommandez?  
    Non. Il y a beaucoup de cohésion dans ce rapport.
    L'une des choses qu'il est important de comprendre, cependant, c'est que la Colombie-Britannique, dans ce cas particulier, a dit qu'elle investirait dans les enfants autochtones, dans le système de bien-être de l'enfance, ce qui est, bien entendu, très apprécié.
    Mais cela n'aurait fait aucune différence pour Sherry Charlie, parce que c'était l'une de ces enfants qui vivent en réserve. Sans l'adoption du principe de Jordan, et s'il n'avait pas été établi que ses besoins étaient prioritaires et que nous allions décider plus tard qui paierait, elle n'aurait pas pu profiter de ces services.
    Le conflit de compétences doit encore être résolu.
    Exactement.
    Vous savez probablement très bien que le grand chef Edward John a travaillé dur et longtemps pour le transfert des services à l'enfance et aux familles aux collectivités des Premières nations, même s'il faut reconnaître qu'il n'y a pas toujours eu les mesures de soutien nécessaires pour appuyer ce transfert.
    J'aimerais revenir un moment au financement. Bien des collectivités qui pourraient en profiter sont des collectivités rurales et isolées, qu'elles soient en réserve ou hors réserve. À ce que je comprends, bien souvent, le financement est réparti par habitant, ce qui ne tient pas compte des situations des collectivités plus isolées.
    Je vis sur la côte Est de l'Île de Vancouver, mais bien des collectivités qui y sont n'ont pas accès au transport et à d'autres mécanismes qui leur permettraient de tirer parti des services. Il leur faut donc des fonds supplémentaire en plus du financement par habitant. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
    Oui, c'est un élément important. La formule actuelle prévoit un ajustement pour l'éloignement, mais nous recommandons quelque modification. La partie qui est fonction de la population est celle des opérations, qui finance les services de prévention.
    Mais si vous vous trouvez à vivre dans une petite communauté, votre enveloppe budgétaire pour les services de prévention est quasiment inexistante. Elle est fondée sur le dépassement d'un seuil de population de 251 enfants indiens inscrits, puis 501, 801 et 1 001. Dans notre recherche, nous voulions déterminer la logique, les preuves à l'appui de ces différents seuils de population. Nous n'avons pas pu trouver de documents pouvant nous expliquer comment ces seuils ont été déterminés.
    Ce que nous recommandons, avec notre équipe économique, et après consultation des organismes des Premières nations, c'est d'établir des seuils de 25 enfants. Cela correspond plus au volume de cas recommandé par la Child Welfare League of America, et simplifierait un peu cette situation. Alors au lieu que ce soit comme ceci, pour les niveaux de financement de la prévention, ce serait plus comme une courbe, et cela augmenterait la capacité des petites communautés d'offrir certaines mesures de soutien.
    En outre, nous avons créé un seuil que nous avons appelé le fonds des situations extraordinaires, parce que les collectivités isolées qui ont moins accès aux services, en particulier, se retrouvent dans des situations extraordinaires que ne prévoit pas l'enveloppe budgétaire actuelle. Nous leur permettons de recouvrir à ce fonds de financement pour les situations exceptionnelles afin de s'assurer que les enfants de ces collectivités isolées ne reçoivent pas moins parce que les choses coûtent plus et sont moins disponibles.
(1610)
    Je vous remercie.
    Nous passons au parti au pouvoir. Est-ce que vous voulez poser une question?
    Monsieur Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui.
    Je remarque à la page 4 du rapport que nous avons reçu aujourd'hui, intitulé La lutte pour les droits égaux des enfants des Premières nations en matière de bien-être de l'enfance, une section bien étoffée sur la Loi sur les Indiens. Je pense que nous sommes tous conscients que cette loi existe depuis longtemps et a besoin de changements en profondeur, ou même d'être complètement supprimée.
    J'aimerais, pour ma propre gouverne, savoir comment vous procéderiez pour éliminer certains de ces principes discriminatoires qui s'appliquent sans aucun doute ici. Alors dites-moi donc, comment feriez-vous?
    En ce qui concerne le statut d'Indien, je pense qu'il y a eu une certaine réticence à agir sur ce plan, parce que la question est la suivante: si le Canada renonce à ses critères pour déterminer qui est Indien ou qui ne l'est pas, est-ce que cela entraînera une érosion des droits des Autochtones et du titre d'Autochtone? Est-ce que cela signifiera qu'un tas de personnes non autochtones, soudainement, voudront se faire déclarer Indiens?
    C'est un peu la même chose qui est arrivée aux gouvernements de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Il y a de nombreuses années, ils ont trouvé une solution assez valable, soit qu'ils respectent l'auto-identification comme l'un des critères pour classifier qui est indigène ou non.
    Le critère est double: est-ce que vous vous considérez comme étant indigène, et est-ce que les membres de votre communauté vous reconnaissent comme l'un d'eux? C'est aussi simple que cela. Ainsi les droits et le titre des Autochtones n'ont-ils pas été érodés dans ces territoires. Aussi, le peuple jouit-il de la dignité élémentaire de pouvoir définir sa propre culture et sa propre race.
    Pour moi, c'est simplement l'une des libertés fondamentales que devraient avoir les enfants. Le gouvernement doit cesser de se sentir obligé de distribuer ces cartes d'Indiens inscrits, ou de décréter à certains enfants savez-vous quoi? D'après nous, vous n'êtes pas vraiment des Indiens.
    Ce n'est pas le genre de message que nous devrions communiquer en 2006.
    Je me demande, monsieur le président, s'il y a eu un espèce de sondage, ou d'étude auprès de la communauté autochtone pour connaître son avis sur ce genre de changements? J'aimerais bien le savoir.
    Il vaudrait mieux poser cette question aux groupes comme l'Assemblée des Premières nations. Je sais qu'une étude a été faite sur ce qu'il adviendrait si la situation ne changeait pas. Et si on ne change rien? Je suis une Indienne inscrite. J'ai assez de sang indien dans mes veines pour être déclarée Indienne. C'est la réalité: il faut pouvoir prouver qu'on a assez de sang indien pour l'être. Ma soeur est aussi inscrite, mais elle a épousé un non-Autochtone, alors ses enfants sont des Indiens non inscrits. La Native Women's Association a dit que si le Canada persiste avec cette définition, il n'y aura plus d'Indiens inscrits d'ici peu. Selon moi, c'est vraiment l'une des plus graves conséquences que nous réserve l'avenir. Il faut vraiment passer à autre chose si on veut respecter les droits et le titre des Autochtones. Dans le premier cas, cela veut dire l'auto-identification.
    À la page 6, vous parlez d'un manque de financement comparativement à l'ensemble des provinces qui dépensent tant, et le Canada dépense 22 p. 100 de moins. Est-ce que je comprends bien?
    C'est bien cela, pour la province moyenne, et le chiffre plus précis, c'est vraiment qu'il manque 109 millions de dollars. Cette estimation date de 2005, et s'appuie également sur les données économiques et des données des recherches, pour chacun de ces chiffres. C'est dans le rapport Wen:de .
    Merci.
    Monsieur Blaney.

[Français]

    Je vous remercie d'être venue nous rencontrer. Vous êtes très bien préparée et vous exprimez vos idées avec éloquence. Votre point de vue est clair en ce qui a trait au trop grand nombre de jeunes autochtones qui ont recours aux services d'aide à la famille. L'étude à laquelle vous avez fait référence a-t-elle été commandée par votre organisme ou a-t-elle été faite en collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Nous avons été chargés par le comité mixte, qui est connu sous le titre du comité consultatif national sur l'examen des politiques, qui est coprésidé par le ministère des Affaires indiennes et l'Assemblée des Premières Nations. Il a parmi ses membres, aussi, des représentants des organismes de service aux enfants et aux premières nations de tout le pays. Nous avons été chargés de coordonner l'étude. Nous avons engagé environ 25 chercheurs indépendants, parmi les meilleurs chercheurs universitaires du pays. Il y avait des gens comme Nico Trocmé, qui est détenteur de la chaire Philip Fisher et le principal chercheur de l'étude intitulée Canadian Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect; John Loxley, qui est membre de la Société royale du Canada et ex-doyen du département d'économique de l'Université du Manitoba; et Fred Wein, ex-doyen du département de travail social à l'Université Dalhousie.
(1615)

[Français]

    L'étude a donc porté sur les communautés. On se rend compte qu'il existe des besoins au sein des réserves, mais également à l'extérieur des réserves. Avez-vous noté des différences entre l'état des jeunes dans les réserves et celui des jeunes à l'extérieur des réserves, en ce qui a trait au taux de placement, par exemple?

[Traduction]

    Le ministère des ministère des Affaires indiennes a ciblé cette étude sur les réserves, mais nous avons tout de même des données, grâce à l'étude comparative qui a été faite, qui compare la situation dans les réserves et en dehors. Ce que nous avons constaté, c'est que les taux de prise en charge restent très élevés en dehors des réserves. Cela revient à ce que disait l'honorable membre Keeper, tout à l'heure, que nous aimerions bien examiner la question de l'accès pour les services adaptés à la culture pour les Autochtones hors réserves, parce qu'ils ont bien moins de chances d'avoir accès à ces services.
    Maintenant, c'est au tour du parti libéral.
    Monsieur Regan.
    Tout d'abord, merci à nos témoins. Merci d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Je remarque qu'il y a à peine un an, ce sera un an demain, vous étiez chez moi, en Nouvelle-Écosse, à l'Université que j'ai fréquentée, l'Université de St. Francis Xavier, pour une conférence. Le site de la conférence, vous le saurez, est encore actif et indique que vous êtes parmi les principaux et les plus éloquents porte-parole du Canada pour la promotion et le renforcement des cultures et des connaissances des Premières nations. Vous avez confirmé cette affirmation aujourd'hui, je peux vous le dire.
    Vous avez parlé de certains des défis qui se posent en réserve, relativement à la pauvreté des familles, au piètre état des logements et à la toxicomanie dans les familles, et j'aimerais que nous nous concentrions un moment sur le logement. Vous avez parlé, bien sûr, des conditions optimales qui sont la norme en dehors des réserves. Pouvez-vous parler un peu plus de la situation au plan des normes de logement dans les réserves, et la difficulté qu'ont les Premières nations pour relever ces défis, et les mesures qu'il faut prendre pour y faire face?
    Avez-vous l'impression que les mesures proposées dans l'accord de Kelowna étaient suffisantes, ou non? Qu'en pensez-vous?
    Ensuite, peut-être pourriez-vous nous parler un peu plus de ce que vous pensez de... Aidez-moi donc à mieux comprendre, donnez-moi des exemples de la manière dont, selon vous, un meilleur système fonctionnerait, dans lequel les Premières nations auraient leurs propres lois adaptées à la culture, en réserve et peut-être ailleurs.
    Puisque le logement, la toxicomanie et la pauvreté sont les principaux facteurs qui font que les enfants autochtones sont surreprésentés dans les services d'aide à l'enfance, il apparaît avec évidence qu'il faut des investissements à deux niveaux, dont l'un dans les budgets de base du logement dans les communautés des Premières nations.
    Dans le cadre de l'étude intitulée Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, nous avons constaté que les familles autochtones sont largement surreprésentées dans les statistiques sur la surpopulation des logements, et sur leur manque de sécurité — c'est la perception qu'en ont eue les travailleurs sociaux, quand ils entrent dans le logement et qu'ils voient que ce n'est pas sécuritaire pour les enfants — sur la dépendance sur les prestations, et sur les services de lutte contre la toxicomanie. Mais nous savons aussi, par exemple, qu'il faut prendre garde à ne pas se dire « Eh bien, inutile d'investir dans le bien-être de l'enfance; il suffit d'investir strictement dans le logement ».
    Je vais vous donner un exemple. Nous avons le grand honneur, actuellement, de travailler en étroite collaboration avec la nation Innu du Labrador. Comme vous le savez, lors de leur réinstallation, quand ils ont quitté Davis Inlet, le logement était l'un des principaux problèmes qu'il fallait résoudre. Mais avec cela, la collectivité a clairement dit qu'il fallait un investissement correspondant dans les programmes pour les enfants, notamment pour les services de lutte contre la toxicomanie.
    L'investissement dans le logement a été fait et la collectivité a été réinstallée dans de bien meilleures habitations, mais l'investissement correspondant dans les programmes de lutte contre la toxicomanie n'a pas été fait. Alors, la situation maintenant, c'est que nous avons des gens réinstallés dans une communauté, qui souffrent toujours autant. Il faut une proposition d'investissement qui dise « oui, et en plus ».
    En ce qui concerne l'accord de Kelowna, je peux dire, à titre seulement d'observateur éclairé, qu'il me semble qu'il est allé dans le bon sens. Nous avons des collectivités autochtones autour de la table, qui pensent que c'était un bon premier pas pour essayer de réduire un peu le déficit de logements dans les réserves. J'ai été certainement très encouragée de voir le gouvernement prendre ce type de mesures progressives, et elles sont réellement nécessaires dans toute la communauté. Que ce soit suffisant ou non, c'est ce dont je ne suis pas sûr.
    L'autre chose, au sujet des lois, c'est que nous savons d'après les communautés des Premières nations et les collectivités autochtones américaines aussi que les définitions des mauvais traitements aux enfants, selon les cultures, sont très similaires à celles qu'on trouve dans tout ce qui concerne les mauvais traitements faits aux enfants aujourd'hui. La grande différence, c'est dans la négligence. Personne ne conteste le fait qu'un enfant ne devrait pas être violenté physiquement ou sexuellement, mais la négligence peut être une conséquence de la pauvreté.
    Comme je l'ai dit, dans bien des collectivités autochtones, les enfants ne devraient pas être pris en charge parce qu'ils sont pauvres. C'est conforme à la perspective des Nations Unies, selon laquelle la toute première obligation de l'État-partie est de réduire la pauvreté, et non pas de prendre l'enfant en charge.
    Pour ce qui est de laisser les Premières nations appliquer leurs propres lois, le premier exemple de cela serait celui de la Première nation de Kahnawake, qui a formulé sa propre loi en consultation avec la collectivité, et cette loi doit être appliquée dans cette communauté. Elle va beaucoup plus loin, d'après mon expérience, que les dispositions de la loi provinciale, en ce sens qu'à titre de membre de la collectivité, selon la loi normale de protection de l'enfance, en ma qualité d'agent de protection de l'enfance, j'arriverais à votre porte et je ferais une évaluation des risques que court l'enfant, et je pourrais suggérer des services pour résoudre la situation.
    Selon le système de Kahnawake — et je le décris en toute humilité, parce que je sais que ce sera sursimplifié — dans leur communauté, nous ferions la même chose : j'arriverais à votre porte, nous ferions une évaluation ensemble, en tant que famille, et je pourrais recommander des services, mais devant un tribunal tribal.
    Le tribunal tribal a le pouvoir de dire à un autre citoyen « Savez-vous quoi? Vous avez un don particulier dont vous pouvez faire profiter cette famille ». Peut-être avez-vous un potager et cette famille a besoin de légumes frais. Alors le tribunal tribal vous enjoint de fournir ce service, en tant que citoyen. Si vous ne le faites pas, vous et votre famille devrez expliquer pourquoi vous n'avez pas pu ou voulu le faire.
    L'effet est double. Nous sommes tous concernés par le problème des mauvais traitements de l'enfant, et c'est ce qu'il faut, dans ce pays. Malheureusement, de nos jours, le lieu le moins sécuritaire pour les enfants du Canada reste encore le foyer familial. Les agents de protection de l'enfance ne peuvent pas agir seuls. Nous devons engager les Canadiens dans l'intervention contre le mauvais traitement des enfants, et Kahnawake est un exemple de cette orientation.
(1620)
    Nous revenons au parti au pouvoir. Monsieur Albrecht, vous avez la parole.
    Monsieur le président, j'aimerais continuer dans la même veine.
    Je suis certainement d'accord avec votre initiative pour, autant que possible, garder les enfants dans leur famille, à la maison, en sécurité, avec l'appui des services dont ils ont besoin.
    Si nous pouvions obtenir ces 109 millions de dollars dont vous parlez, pourriez-vous me donner un aperçu pratique de ce qui sera mis en oeuvre au niveau de chaque foyer?
    Ce que nous avons fait avec le rapport Wen:de, c'es que compte tenu de la grande diversité des collectivités des Premières nations, non seulement au plan de la diversité culturelle, mais aussi, comme l'a souligné l'honorable députée Crowder, le fait que certaines sont dans des régions rurales isolées et d'autres en régions urbaines, nous avons suggéré que les collectivités s'appuient sur ce qui est dans la formule actuelle de financement, soit l'évaluation des besoins, laquelle doit être fait avant de créer un organisme.
    Ce que ne prévoit pas la formule actuelle, c'est l'aide aux collectivités pour concevoir des services d'après la nature de ces besoins. Nous avons plusieurs exemples, qui sont déjà décrits dans le rapport Wen:de, de l'accès qu'ont eu certaines collectivités à des fonds de prévention, et de la différence que cela a fait pour elles. Je vais en citer un exemple très rapidement, celui des Services à l'enfant et à la famille de la région de l'Ouest. Ils ont eu plus de flexibilité grâce à un projet pilote du ministre de Affaires indiennes, pour investir leur argent différemment, en conséquence de quoi ils ont pu concevoir des programmes de prévention axés sur la communauté, qui reflètent la culture de leur collectivité.
    Sur une période de dix ans, ils ont maintenu le nombre d'enfants pris en charge, en dépit de la croissance de leur population, ce qui signifie en réalité une baisse. Plus que cela, ils estiment que l'économie pour le gouvernement du Canada a été d'environ 1,5 millions de dollars par année, et bien sûr, il y a aussi l'économie sociale, puisque ces enfants s'en tirent beaucoup mieux, et on ne peut pas chiffrer cette économie.
    Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de la nature de ces services de prévention?
    Il y a un programme qu'ils ont mis en oeuvre, qui combinait les services à la petite enfance, un programme d'emploi, la lutte contre la toxicomanie et un programme d'aide aux parents, réunis en un programme particulier. Cela a bien du bon sens, n'est-ce pas? Ils s'attaquent à tous ces aspects. Ce qu'ils ont constaté — et c'était toutes des familles à haut risque qui étaient placées dans ces situations — c'est un haut taux de succès, en ce sens que très peu de familles, au bout de programme de deux ans, ont été de nouveau portées à l'attention des services de bien-être de l'enfance; bon nombre des parents ont maintenant un emploi rémunéré, ils tirent grand orgueil de leur capacité de s'occuper efficacement de leurs enfants; et en raison de la composante du développement de la petite enfance, les enfants eux-mêmes traversent les étapes de leur développement de façon beaucoup plus progressive.
(1625)
    Monsieur Blaney.

[Français]

    Merci.
    Je vous ai écoutée attentivement. Vous proposez des mesures pour faire en sorte que les enfants restent dans leur milieu afin d'y être éduqués. En ce qui a trait à ces mesures, pensez-vous que l'utilisation de projets pilotes pourrait être une façon intéressante d'agir? S'il fallait commencer à faire l'évaluation des besoins de l'ensemble des communautés, celles-ci seraient peut-être un peu laissées à elles-mêmes. Ne serait-il pas bon de cibler quelques projets dans chaque région et de les implanter graduellement, ce qui nous permettrait de nous assurer de leur efficacité, ayant plus d'encadrement?

[Traduction]

    Vous soulevez là un élément important. De fait, nous l'avons intégré dans les recommandations du rapport Wen:de. Si vous regardez bien la manière dont nous avons réparti les fonds pour les mesures moins perturbantes, c'est en fait moins la première année, et il y a une progression pendant à peu près sept ans. La raison à cela, c'est que la première année, nous suggérerions à ces organismes qui n'ont peut-être pas déjà tout prêt une méthode de recherche ou un programme pour leur collectivité, pour procéder à cette consultation, de faire les recherches, de formuler et concevoir les programmes qui ont le plus de sens pour les membres de leur collectivité; ensuite, la deuxième année, ils mettraient ces programmes en oeuvre et la troisième année, la cinquième et la sixième années, ils les évalueraient et les élargiraient. Donc, ce type de processus d'apprentissage a déjà été intégré.
    L'autre chose que nous avons faite, en tant qu'organisation, parallèlement, c'est toute une mise en valeur des pratiques exemplaires de services de bien-être de l'enfance dans tout le pays. Si vous allez voir notre site Web, vous constaterez que certains programmes des Premières nations, en dépit des restrictions du financement, partagent avec leurs collègues certaines de leurs pratiques exemplaires. Alors cet élément est déjà accessible aux organismes pour appuyer leurs progrès.
    Monsieur Lessard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je veux, moi aussi, vous saluer et vous remercier d'être ici ce matin.
    Ma question sera globale, mais je m'expliquerai par la suite. Le gouvernement fait-il vraiment les bonnes choses en ce qui a trait à nos obligations envers les communautés autochtones?
    Je m'explique. Dès mon jeune âge, dès que j'ai commencé à travailler, j'ai été près des communautés autochtones, les nations algonquines, notamment, et toutes celles du nord du Québec. Je les ai côtoyées aussi dans le réseau hospitalier. Si je compare la situation actuelle à celle d'il y a environ 45 ans, j'ai l'impression que les écarts sociaux entre Autochtones et non-Autochtones sont demeurés. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'évolution sur le plan des conditions de vie, mais étant donné qu'il y a eu aussi une évolution des conditions de vie des non-Autochtones, l'écart est demeuré le même. Aujourd'hui, vous constatez, par exemple, qu'il y a un plus grand état de pauvreté que chez les non-Autochtones. Bien sûr, on trouve aussi chez ceux-ci une difficulté liée au logement, mais elle est plus grave chez les Autochtones, de même que les questions d'abus et de toxicomanie.
    Je constate que les écarts sont demeurés. Il semble aussi y avoir un sentiment de fatalité qui fait dire à certains que l'on travaillera avec ce qui existe et qu'on continuera à agir sensiblement comme on le faisait autrefois sur le plan de la bureaucratie et des interventions gouvernementales. J'aimerais que vous me parliez de votre statut et de la fonction que vous occupez maintenant. Vous voyez cela plus globalement. Ai-je tort?
    En conclusion, j'ai toujours constaté que les parents autochtones sont des parents, comme les parents non autochtones. Ils désirent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. J'ai huit ou neuf filleuls autochtones. En effet, jadis, les parents autochtones tâchaient de trouver des parrains non autochtones car ils voulaient que, si jamais ils ne pouvaient plus pourvoir aux besoins de leurs enfants, ce soit un non-Autochtone qui s'en occupe. À cet égard, je trouve que nous avons parfois des préjugés, notamment quand on dit qu'ils ne savent pas s'organiser. On ne tient pas suffisamment compte des conditions de vie dans lesquelles ils se trouvent, qui sont différentes des conditions de vie des non-Autochtones. J'aimerais vous entendre là-dessus.
(1630)

[Traduction]

    Mon point de vue est réellement fondé sur l'expérience que j'ai moi-même vécue, et le grand honneur que j'ai eu de travailler avec des enfants et des familles des Premières nations dans les communautés qui les servent.
    Si je peux humblement vous faire une suggestion, le Canada finance certains programmes qui sont déployés à l'échelle nationale, mais il y a une chose qu'il ne finance pas et qui en a peut-être le plus besoin, et c'est pour permettre aux collectivités autochtones et des Premières nations de rêver.
    Dans mon travail, j'ai analysé cette question pour savoir ce qui est accessible en réserve et en dehors des réserves. Le soutien social du secteur du bénévolat aux Canadiens se chiffre à 115 milliards de dollars. Dans un rapport de recherche que nous avons fait en 2003, nous n'avons pu trouver que six occasions où un enfant en réserve avait reçu des services.
    Comme nous l'avons déjà constaté, les enfants autochtones en réserve sont moins susceptibles de recevoir des services provinciaux, ils sont sous-financés par le gouvernement fédéral, par les services de bien-être de l'enfance, auxquels il manque 109 millions de dollars, et il n'y a que très peu d'équivalents municipaux.
    Bon nombre d'entre vous qui avez été dans les réserves n'avez que rarement pu voir une bibliothèque ouverte — à part celle qui est liée à l'école — où des installations où les enfants handicapés et leurs familles peuvent faire de tout. Du point de vue du revenu familial, d'après Campagne 2000, le revenu familial d'une personne hors réserve est d'environ 37 000 $, comparativement à environ 9 000 $ en réserve.
    Ce que je dis, c'est que si nous appliquions les mêmes conditions à tous les Canadiens que celles que nous appliquons aux enfants indiens inscrits, nous aurions des milliers d'enfants pris en charge par les services de bien-être social.
    Ce qu'il nous faut, c'est financer les Premières nations pour faire ce que l'ACDI fait déjà à l'étranger — dresser des plans de développement durable des communautés, qui soient axés sur les enfants et les adolescents, et financer les services pour réaliser ces rêves comme il se doit. C'est, à mon avis, ce qui devrait être fait.
    Le gouvernement n'a pas besoin de trouver les solutions; il doit reconnaître que bien des collectivités ont déjà leurs solutions. Il a seulement besoin de les appuyer et de les célébrer.
    Merci.
    Monsieur Blaney.
    Je pense que vous soulevez là quelque chose qui va bien plus loin que les droits des enfants. Il me semble que vous projetez une belle vision du développement communautaire.
    Vous avez parlé de développement communautaire durable. Je pense que nous faisons face au même défi, parce qu'on demande à toutes les communautés de mettre en oeuvre, actuellement ce type de plans, et ce pourrait être une erreur, parce qu'on ne leur donne pas les outils pour le faire. Elles n'ont pas forcément été préparées. Alors cela devient plus un exercice bureaucratique qu'une véritable démarche pour atteindre les gens et leur faire prendre les rênes de leur avenir.
    Vous avez dit que les Premières nations doivent pouvoir rêver, et vous parlez de renforcer les capacités et d'habiliter les gens à croire dans leur propre pouvoir de changer leur avenir.
    À ce propos, ma question est très simple. Vous avez parlé de la nécessité de fonds supplémentaires pour améliorer les services à l'enfance, mais est-ce que l'argent est le seul problème? Dans la négative, que pourrait-on faire d'autre en tant que législateurs, que gouvernement, qu'organisme ou que ministère, pour améliorer la situation?
    Nous avons, en fait, proposé plusieurs recommandations assez générales, en plus de l'augmentation du financement. L'une consiste à essayer de modifier le pouvoir de dépenser pour qu'il y ait une collaboration interministérielle et interdisciplinaire. Au lieu que l'argent soit versé aux Premières nations de manière cloisonnée, il faudrait pouvoir avoir des agents de lutte contre la toxicomanie au sein des équipes de protection de l'enfance. Il faudrait une mise en commun des fonds entre les programmes pour en tirer le meilleur parti possible pour les collectivités.
    L'autre aspect qui nous intéresse, c'est le moyen d'appuyer le secteur du bénévolat. Une grande part de ce financement annuel de 115 milliards de dollars qui est versé au secteur du bénévolat vient des gouvernements. Je vais vous donner un exemple.
    En Colombie-Britannique, en 2001, le budget pour les enfants handicapés et les services de bien-être de l'enfance se chiffrait à 1,5 milliard de dollars en tout; et 1,1 milliard de dollars de ce montant a été versé au secteur sans but lucratif pour l'offre de ces services. Ce que nous suggérons, c'est pourquoi ne pas modifier certains de ces budgets pour cibler spécifiquement leur utilisation par les collectivités autochtones au profit de leurs enfants, afin que ces fonds aillent là où ils sont le plus nécessaires?
    Ce sont certaines des recommandations qui vont plus loin que les services de bien-être des enfants, qui feraient une grande différence.
(1635)
    Y a-t-il d'autres questions?
    Madame Crowder.
    J'ai deux ou trois questions très brèves.
    Mon collègue d'en face a parlé de projets pilotes. Je suis toujours un peu inquiète quand j'entends parler de « projets pilotes », tout simplement parce que nous avons souvent vu dans le passé quelqu'un exécuter un projet pilote, puis décréter que c'est ainsi que quelque chose doit se faire d'un bout à l'autre du pays, sans tenir compte de la diversité ou les différences des communautés.
    Je sais que vous avez parlé de pratiques exemplaires. Il me semble qu'il y a déjà beaucoup d'information sur les pratiques exemplaires. Pourriez-vous nous dire pourquoi nous ne devrions pas examiner ces pratiques exemplaires et offrir un financement pour que les responsables des diverses collectivités choisissent celles qu'ils veulent mettre en oeuvre?
    Le problème, avec le projet pilote, c'est qu'il peut fonctionner si on a déjà réglé la question de l'équité, mais on ne devrait pas devoir choisir entre l'exécution des projets pilotes ou le financement équitable des services de bien-être de l'enfance.
    L'une des choses que nous avons dites clairement quand nous avons formulé la solution du rapport Wen:de, c'est qu'elle ne devrait pas être mise en oeuvre de façon fragmentaire, parce que nous pensons que ce ne serait pas efficace.
    Je me dois de porter à votre attention le fait que le ministère des Affaires indiennes a annoncé publiquement dans son budget — c'était sous le gouvernement libéral — un investissement de 125 millions de dollars, dont 25 millions de dollars par année pendant cinq ans, de financement supplémentaire des services d'aide à l'enfance des Premières nations. C'était en 2005.
    Pour beaucoup d'entre nous, des services de bien-être de l'enfance des Premières nations, c'est quelque peu rassurant, mais depuis lors, l'honorable Jim Prentice vient de confirmer dans une lettre que 14,7 millions $ de ces fonds vont être remis au ministère pour couvrir les frais du supplément d'enfants qui vont être pris en charge par les services de bien-être, et pour embaucher du personnel. Ils ont prévu des fonds pour l'évaluation, mais ce n'est pas l'une des priorités des organismes. Ils veulent que l'argent aille aux enfants d'abord, et peut-être l'évaluation suivra-t-elle.
    De ce montant, 8,6 millions $ seront pour l'indexation à l'inflation, mais nous avons recommandé un minimum de 21,1 millions $ rien que pour rattraper ce qui a été perdu.
    Alors une démarche fragmentaire ne sert à rien, parce ce que ce qu'il nous faut, c'est un changement radical. Nous voulons un nombre d'enfants des Premières nations pris en charge par les services sociaux qui soit proportionnel à celui des enfants non autochtones. Nous n'avons pas besoin que d'un petit changement; il faut un changement radical. Ce que nous demandons, c'est le même niveau de ressources dont jouissent les autres enfants du Canada, pour amener ce changement. Alors c'est vraiment crucial.
    Avez-vous une ventilation des fonds fédéraux qui sont directement investis dans la prestation des services?
    Je peux probablement vous faire parvenir cela. Les 22 p. 100 de moins, comparativement à 2000, c'était pour les dépenses par enfant. L'auteur de ce rapport, de Blue Quills Consulting, a dit clairement que c'était par enfant que l'on constatait une réduction.
    Lorsque nous avons regardé ces 109 millions $ et parlé de 62 millions $, par exemple, pour des mesures moins perturbantes, ce serait pour des services directes aux enfants qui ne sont pas fournis.
    Actuellement, cependant, vous pensez que ce groupe de consultation pourrait nous dire exactement combien est investi directement dans la prestation des services sur le montant global que verse le gouvernement fédéral? Je pose la question parce qu'il me semble que bien souvent, l'argent finit par être dépensé pour soutenir des processus bureaucratiques; ce peut être valable, mais ce n'est pas directement pour la prestation des services aux enfants et à leurs familles.
    D'accord.
    Ce que nous pouvons faire, c'est vraiment de dire que ces services sont actuellement fournis conformément à la formule — par exemple, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien verse beaucoup d'argent pour faire prendre des enfants en charge par les services sociaux — alors ce n'est pas seulement qu'une question de combien est investi en argent, mais où cela s'en va. Si nous investissons autrement cet argent, est-ce que ces enfants pourraient rester chez eux plus en sécurité? C'est la solution que nous proposons dans le document intitulé Wen:de: The Journey Continues.
    Nous ne trouvons pas, en passant, de sur... Quand nous analysons les coûts d'exploitation des organismes des Premières nations, ils sont bien inférieurs à ceux d'une province. Pour vous donner un exemple, les provinces ont d'énormes infrastructures de politiques. En Colombie-Britannique, la province elle-même a une infrastructure des politiques autochtones qui coûte plus de 33 millions de dollars chaque année. C'est probablement à peine plus que le budget global de tous les services pour les enfants en réserve de la province, qu'assume le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
    Merci beaucoup.
    Je vais terminer la discussion.
    J'ai rencontré Cindy Blackstock pour la première fois sur un vol entre Toronto et Ottawa. C'était mon deuxième vol vers Ottawa. Je n'ai jamais pensé que je serais un jour président de ce comité et que j'aurais la possibilité de l'influencer.
    Elle m'a un peu parlé, lors de ce voyage, de ces enjeux, et j'ai pensé que ce serait très important que ce comité l'entende. Je suis très heureux d'avoir pu exercer une certaine influence et inviter Cindy ici. Comme vous pouvez le voir, elle connaît très bien son affaire.
    Je pense aussi que ce problème a besoin d'urgence de mesures, et que ce comité le communique, alors j'espère recevoir bientôt une espèce de motion du comité, dès que possible. Je sais qu'il faut 48 heures pour en présenter une, mais je demande au comité d'y réfléchir.
    Merci beaucoup, madame Blackstock, pour les renseignements que vous avez fournis au comité. Nous espérons pouvoir résoudre certains de ces problèmes et réaliser l'équité dans les services en réserves de bien-être des enfants des Premières nations.
    Merci.
(1640)
    Merci beaucoup, honorable président et honorables membres du comité.
    Je suspends la séance pour cinq minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos]