AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 mai 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord du jeudi, 17 mai 2007, est ouverte.
Membres du comité, vous avez l'ordre du jour devant vous. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Nous accueillons aujourd'hui à titre de témoins Mme Wendy Cornet, de la firme Cornet Consulting and Mediation Inc., et M. Larry Chartrand, directeur du programme de gouvernance autochtone de l'Université de Winnipeg. Je vous souhaite la bienvenue.
Je demanderais aux témoins de faire des déclarations d'une dizaine de minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
Madame Cornet, voulez-vous commencer?
Bonjour, et merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je dirige la firme Cornet Consulting and Mediation Inc. Permettez-moi de vous dire quelques mots à mon sujet. Je travaille dans le domaine de la politique relative aux affaires autochtones depuis 1976, avant même mon entrée à la faculté de droit. J'ai fait partie du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement et depuis que j'ai quitté cet emploi, je travaille à titre d'expert-conseil pour le gouvernement fédéral et pour diverses organisations autochtones aux niveaux national, régional et communautaire.
La première question que je voulais aborder est le défi de la consultation. À cet égard, il importe de considérer les rôles respectifs de l'exécutif, d'une part, et du Parlement, d'autre part, en vue d'assurer l'observance de l'article 35 de la Loi constitutionnelle.
Le volet exécutif est maître des activités de consultation, bien qu'il soit aussi possible qu'une mesure législative fournisse des directives à ce sujet. En définitive, c'est le volet législatif qui détient le pouvoir d'influencer la jouissance des droits ancestraux et issus de traités; par conséquent, c'est à lui qu'il incombe de les prendre en compte lorsqu'il adopte des mesures législatives. Si le pouvoir législatif ne respecte pas cette obligation, le pouvoir judiciaire peut constituer un recours afin d'assurer le respect de la règle de droit et la suprématie de la Constitution.
Même si les volets exécutif et législatif jouent des rôles distincts, ils sont en relation l'un avec l'autre. Comme Peter Hogg l'a fait remarquer dans son ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada, même un gouvernement minoritaire est en mesure d'exercer un contrôle substantiel sur le processus législatif. À titre d'exemple, citons le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de déposer et de retirer un projet de loi ministériel.
L'article 35 de la Loi constitutionnelle est la loi suprême du pays, au même titre que la Charte des droits et libertés. Cela signifie que le produit final du processus législatif, le projet de loi adopté, doit respecter les exigences de l'article 35. Lorsqu'il existe une obligation légale de consulter, pour s'acquitter convenablement de cette obligation, il faudra peut-être déterminer s'il y a eu une atteinte injustifiable aux droits ancestraux et issus de traités.
Il incombe au premier chef à l'exécutif d'identifier toute obligation légale de consulter et de s'assurer qu'elle est respectée. Conséquemment, le pouvoir législatif dépend de l'exécutif pour s'acquitter dûment de cette obligation, mais au bout du compte, c'est à lui qu'il appartient de décider s'il y a lieu d'adopter une mesure législative donnée. Pour se conformer à l'article 35, la Couronne doit obligatoirement pouvoir répondre correctement à plusieurs questions d'ordre juridique avant d'adopter un projet de loi lorsqu'une obligation légale de consulter existe. Elle doit aussi faire un effort raisonnable pour tenir compte des perspectives des peuples autochtones.
Le gouvernement doit d'abord répondre correctement à la question de savoir si un droit ancestral ou issu de traités pourrait être menacé, ou si un droit ancestral ou issu de traités potentiel pourrait être compromis et, par conséquent, donner lieu à une obligation de consulter. Lorsque le gouvernement répond correctement à cette question et prend des mesures pour mener un exercice de consultation, cette consultation doit aussi avoir une portée et un contenu suffisants pour satisfaire aux exigences de l'article 35. Encore là, cela exige une analyse juridique, en supposant que l'on ait répondu correctement à la première question au sujet de la portée et du contenu existants des droits autochtones et issus de traités. C'est que la portée et le contenu d'un droit autochtone peuvent influer sur la portée et le contenu de l'obligation de consulter. De même, la solidité d'une revendication relative à un droit ancestral et issu de traités potentiel peut aussi influer sur la portée et le contenu de l'obligation de consulter.
Lorsque le gouvernement organise une consultation, il doit déterminer correctement si la mesure législative envisagée doit être modulée ou modifiée suite à toute information que la Couronne aurait obtenue au cours d'un processus de consultation. L'avant-dernier défi pour la Couronne consiste à répondre à toutes ces questions juridiques correctement et à dûment assumer toute obligation légale de consulter qui lui incombe avant d'adopter un projet de loi.
Toutefois, de par sa nature, un projet de loi peut être modifié à diverses étapes de son étude par le Parlement avant son adoption; par conséquent, ce processus peut lui aussi avoir des répercussions sur les droits ancestraux et issus de traités. Il s'ensuit que l'obligation de s'assurer qu'un projet de loi n'entraîne pas une atteinte — et, spécifiquement, une atteinte injustifiée — aux droits ancestraux et issus de traités repose en dernier ressort sur le Parlement dans son ensemble. Bien entendu, le Parlement peut compter sur les avis des comités parlementaires et sur les opinions exprimées au cours de ses délibérations.
En outre, le Parlement pourrait peut-être se fonder sur un aval que lui fournirait le ministère de la Justice concernant un projet de loi déposé par le gouvernement, après analyse de l'article 35. Un tel processus existe à l'heure actuelle pour la Charte des droits et libertés, mais il n'existe pas... Je ne fais qu'évoquer une possibilité qui pourrait se concrétiser mais qui, à ma connaissance, n'existe pas pour le moment.
En ce qui concerne les consultations menées avant le dépôt d'un projet de loi, on se demande comment les peuples autochtones du Canada pourraient discuter d'une atteinte potentielle à leurs droits au cours d'un tel exercice quand les détails de la proposition législative du gouvernement seront uniquement révélés aux peuples autochtones concernés au moment du dépôt du projet de loi. Cela soulève la question de savoir si, dans un cas particulier, il y a eu des consultations suffisantes pour que les peuples autochtones puissent évaluer la possibilité d'une atteinte à leurs droits de concert avec les représentants de la Couronne et s'engager avec eux dans un dialogue visant à concilier les droits ancestraux et issus de traités et la souveraineté de la Couronne.
Deux domaines d'information cruciaux permettent d'évaluer de façon satisfaisante l'existence potentielle d'un droit ancestral ou issu de traités et le risque potentiel d'une violation de ce droit. Le premier concerne les détails de l'activité législative proposée. Si l'exécutif ne peut empiéter sur le processus législatif, il a le pouvoir, moyennant une décision du Cabinet, de communiquer les détails du projet de loi aux peuples autochtones concernés avant sa présentation au Parlement.
L'autre domaine d'information crucial concerne une situation où le gouvernement et les peuples autochtones auraient tous deux certains renseignements quant à l'existence ou à l'existence possible d'un droit ancestral ou issu de traités. À cet égard, il est utile de se rappeler que la Cour suprême du Canada a déclaré qu'il faut prendre en compte les perspectives des peuples autochtones dans l'étude de ces questions. Tout cela montre à quel point il est important que les processus de consultation impliquent un échange approfondi de l'information et des perspectives de chaque partie afin d'assurer une évaluation juste et éclairée du risque de violation.
Je voudrais dire quelques mots au sujet de la forme que pourrait prendre le processus de consultation et de la gestion des conflits. Historiquement, la réforme de la Loi sur les Indiens a parfois affiché la dynamique et les caractéristiques de conflits que l'on a parfois qualifiés d'insolubles. On voulait dire par là que les enjeux sous-jacents au conflit sont profondément ancrés, multigénérationnels et articulés autour de luttes de pouvoir, de problèmes d'inégalité, d'identité et d'attribution de ressources considérables.
Les interactions entre les premières nations et les gouvernements fédéral et provinciaux ont été caractérisées par le déséquilibre en termes de pouvoirs, par la méfiance et par des comportements négatifs répétés. Et s'il existe une documentation assez abondante sur les résultats des poursuites engagées en justice, il y a étonnamment peu de matériel sur les processus de négociation mettant en cause les premières nations et les gouvernements dans une perspective de gestion des conflits. Il y a bien quelques études consacrées aux expériences de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, la CTCB, ou de la Commission des revendications des Indiens, mais très peu de ces travaux portent sur les discussions menées au niveau national, particulièrement en ce qui a trait à l'élaboration de la législation nationale.
En dernier lieu, j'aborderai la question de l'article 35 et de la clause interprétative. Si la Loi canadienne sur les droits de la personne est une mesure quasi-constitutionnelle, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a un statut constitutionnel explicite en tant que loi suprême du pays. Il semble inévitable que des questions ayant trait à l'article 35 soient soulevées en rapport avec certaines plaintes émanant des communautés des premières nations. Cela s'est déjà produit dans certaines causes où l'on a jugé que l'exemption prévue à l'article 65 ne s'appliquait pas.
Dans l'affaire de la Nation crie Ermineskin contre le Canada, en 2001 — et je pense que le litige pacifique qui se poursuit en est un exemple —, il semble qu'en vertu du paragraphe 50(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de divers cas de jurisprudence, le Tribunal canadien des droits de la personne ait compétence pour examiner des questions constitutionnelles se rapportant à sa capacité d'entendre une plainte dont il aurait été saisi, y compris des questions concernant la Charte et l'article 35. Toutefois, selon l'article 96, les tribunaux sont concurremment habilités à entendre de telles questions. Dans l'affaire concernant la Nation crie Ermineskin, la Cour suprême devait déterminer si le Tribunal canadien des droits de la personne avait compétence pour trancher une question constitutionnelle portant sur les droits de l'article 35 et, dans l'affirmative, si la cour elle-même avait une compétence concurrente et devrait exercer son pouvoir discrétionnaire dans cette affaire et rendre une décision.
En l'occurrence, la Cour suprême a jugé que le Tribunal des droits de la personne avait compétence, mais qu'à cause de son manque d'expertise eu égard aux droits de l'article 35, l'affaire devait être tranchée par une instance supérieure.
Cette décision prouve que des questions touchant l'article 35 en rapport avec la Loi canadienne sur les droits de la personne peuvent être soulevées et tranchées indépendamment de l'existence d'une clause interprétative faisant référence aux droits collectifs. Par exemple, on soulèvera sans doute la question suivante: les droits collectifs relevant de la Loi sur les Indiens, comme le maintien de l'intérêt vis-à-vis de la propriété collective sur les terres de réserve, qui exclue les non-membres de la bande, ont-il un statut constitutionnel à titre de droits ancestraux? Et, dans l'affirmative, lesquels précisément?
À cet égard, l'affaire Guerin permet de penser que la plupart, voire la totalité, des premières nations ont à l'égard des terres de réserve un intérêt indissociable de l'intérêt pour un titre ancestral ou équivalent. En outre, l'intérêt d'une première nation à l'égard de ses terres de réserve est inextricablement lié à la question cruciale de l'appartenance. L'exclusion des non-membres des terres de réserve bénéficierait sans doute de la protection constitutionnelle asurée par l'article 35 de la Loi constitutionnelle et aurait préséance sur toute directive conflictuelle découlant des mesures de protection figurant dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Toutefois, la façon différente dont la Loi sur les Indiens ou les codes des premières nations établissent les critères d'appartenance à la collectivité offre un fondement moins solide pour ce qui est de loger des plaintes de discrimination en vertu de la Charte ou de la LCDP, en ce sens qu'elles sont fondées sur des exigences arbitraires ayant un lien ténu avec la notion de peuples. En effet, elles reposent plutôt sur des éléments de discrimination fondée sur le sexe ou sur des exigences strictes de consanguinité, à l'exclusion d'autres critères.
Il y a des questions structurelles et procédurales qu'il convient d'examiner dans le contexte d'une éventuelle abrogation de l'article 67. Selon l'affaire de la Nation crie Ermineskin, un plaignant peut devoir attendre qu'une instance supérieure se prononce sur une question constitutionnelle, et si cette question est résolue en faveur de la compétence du tribunal, c'est uniquement à ce moment-là que ce dernier pourra se prononcer sur le bien-fondé d'une plainte. Cela évoque la perspective d'un long processus pour certaines causes émanant de collectivités des premières nations, indépendamment de la façon dont se réglera la question d'une clause interprétative ou d'une clause de dérogation.
Il serait possible de faciliter le traitement des plaintes susceptibles de mettre en cause l'article 35 en conférant à la commission le pouvoir de créer des groupes d'experts des droits autochtones et des droits de la personne qui seraient chargés d'entendre les plaintes logées par les collectivités des premières nations. Les nominations à ces groupes d'experts pourraient se faire en consultation avec les premières nations et les peuples autochtones.
On pourrait résoudre le problème de la clause interprétative en ajoutant, pour plus de sûreté, un sous-alinéa au paragraphe 50(2). Je propose le libellé suivant:
Il est entendu que l'interprétation et l'application de la présente loi doivent respecter les droits des peuples autochtones du Canada protégés par la Constitution.
Ce libellé devrait suffire à assurer la prise en compte des droits collectifs protégés par la Constitution et de leur relation avec les droits individuels, et constituer une directive permettant d'équilibrer les droits collectifs et individuels en conformité de la Loi constitutionnelle de 1982.
Merci.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler brièvement des conséquences de l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Je m'excuse. J'ai un rhume que m'a refilé mon fils de cinq ans, et le fait d'avoir pris le vol de nuit hier n'a guère aidé.
Il y a trois points que je veux aborder au sujet de l'abrogation de l'article 67 de la loi. Premièrement, je vous signale que j'ai effectué certains travaux de recherche pour le Congrès des peuples autochtones en 2003. J'ai rédigé quelques rapports, dont le comité ignore peut-être l'existence, sur les conséquences de l'abrogation de l'article 67.
Dans un rapport à deux volets, j'ai d'abord analysé ce qui se passerait advenant l'abrogation de l'article 67. Dans un second volet, je me suis penché sur les conséquences passées et futures de l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ce document, j'évoque l'avenir, mais aussi le passé car je me suis demandé si, une fois la modification à la loi adoptée, il serait possible de loger des plaintes au sujet d'événements survenus antérieurement.
Je n'ai pas eu l'occasion de m'informer auprès du CAP au sujet du droit d'auteur applicable à ces rapports, mais je suis convaincu que l'on acceptera volontiers de vous les communiquer. Dans le cas contraire, si le comité souhaite bénéficier d'une analyse un peu plus fouillée des conséquences de cette décision, je lui en enverrai un exemplaire.
Mais aujourd'hui, je veux me concentrer sur trois grandes questions. La première est l'incidence de cette modification à la loi sur la collectivité autochtone. Dans quelle mesure l'accès à la justice est-il entravé?
Je ne suis pas certain de la date précise, mais je crois que c'est en 2002 ou en 2003 que j'ai obtenu de la Commission canadienne des droits de la personne des statistiques sur le nombre de personnes qui ont été privées de recours et n'ont pu porter plainte pour discrimination à cause de l'existence de l'article 67. Selon une estimation modérée, une centaine de personnes par année essuient un refus de la Commission des droits de la personne à cause de l'article 67.
Toutefois, comme nous le savons tous, le tribunal, la commission et les diverses cours ont interprété l'article 67 de façon très étroite. Pourtant, le déni d'accès au système de justice a sans doute une incidence plus considérable que l'article 67 en soi. Dans la majorité des cas, les gens trouvent moyen de porter plainte devant la commission, n'est-ce pas?
Des voix: Oh, oh!
M. Larry Chartrand: Dans la majorité des cas, ils découvrent qu'ils peuvent faire cela. Par conséquent, cela a eu pour effet de restreindre l'incidence de l'article 67.
Mais il reste que dans une minorité importante de cas, l'article 67 continue de faire entrave à la justice. Si l'on multiplie ce chiffre de 100 personnes par les 30 ans au cours desquels cette disposition, qui devait être provisoire, a été en vigueur, c'est plus de 3 000 personnes qui, concrètement, n'ont pas eu accès au système judiciaire pour faire respecter leurs droits humains — et il s'agit là d'un chiffre très prudent.
À mon avis, il est vraiment important d'aller de l'avant et d'abroger cette disposition, simplement pour permettre aux gens d'avoir un recours contre des actions discriminatoires.
Voilà qui vous éclaire quelque peu sur ce qui devrait se passer concrètement advenant l'abrogation de cette disposition. Contrairement à ce que certains documents laissent entendre, cette initiative n'aura pas de lourdes conséquences. Sans vouloir les minimiser, ces conséquences seront modestes. Un certain nombre de personnes pourront avoir accès à la justice alors qu'elles ne le pouvaient pas auparavant.
Cela signifie que la commission devra obtenir des ressources pour traiter ces cas additionnels. Les premières nations devront aussi avoir davantage de ressources pour développer leur capacité de préparer et de défendre leurs causes. Mais cela n'aura pas des répercussions énormes; au bout du compte, cela n'aura pas de conséquences considérables.
En fait, ce qui sera sans doute plus notable, bien sûr... Et je me permettrai ici quelques brefs propos au sujet des droits de la personne en général.
La pauvreté, le manque de logements et l'absence de débouchés économiques attribuables en grande partie à l'isolement des collectivités vivant dans les réserves créent un environnement propice aux actions discriminatoires. Les recherches en sciences sociales montrent le rapport entre ce mode de vie et les violations des droits de la personne. Pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il existe un lien important entre les deux.
Si l'on veut vraiment rehausser le respect des droits humains dans notre pays, l'Accord de Kelowna aurait pu faire une différence. Pour s'attaquer aux problèmes des droits humains, il faut s'investir au coeur des collectivités autochtones. Il faut amener ces collectivités au niveau de viabilité économique qu'elles méritent en tant que nations fondatrices du Canada. Nous ne pouvons tolérer que se perpétuent les conditions de vie qui y règnent présentement, des conditions dignes du tiers monde.
À l'heure actuelle, des organismes internationaux, comme l'agence internationale de protection de l'enfance, font enquête au Canada. C'est la première fois qu'un organisme international vient ici pour enquêter sur le sort des enfants qui vivent dans des conditions analogues à celles des pays du tiers monde.
À l'Université du Manitoba, je donne un cours sur la politique autochtone. Mes étudiants viennent de certaines de ces réserves isolées et ils dressent le profil de leur communauté. Ils nous montrent des photos. Les conditions de vie y sont parfois déplorables. Les gens vivent dans des motels délabrés parce qu'il n'y a pas de logements là-bas.
Ce sont des droits humains fondamentaux qui sont en cause, et nous devons prendre tous les moyens pour régler ce problème.
Mon autre point concerne la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Il est tout simplement gênant qu'un pays qui se targue de respecter les droits de la personne n'appuie pas la déclaration des droits des peuples autochtones. C'est carrément lamentable et scandaleux.
Mais je vais m'en tenir là. Je voulais simplement faire cette courte parenthèse.
L'autre point que je veux aborder est la question du motif justifiable. Au cours de discussions antérieures et aussi dans certains rapports, on s'est inquiété de l'absence d'une disposition d'interprétation de l'amendement existant. D'après certains. ce n'est pas très grave étant donné qu'il existe déjà dans la Loi sur les droits de la personne une disposition sur le motif justifiable. Par conséquent, les gouvernements de bande, pour des raisons culturelles, linguistiques, ou autres, liées à la culture autochtone, sont autorisés à exclure certaines personnes, selon divers critères pour se protéger des influences colonisatrices du courant dominant et du processus d'assimilation de la colonisation.
Permettez-moi une autre parenthèse. Nous savons tous que les collectivités autochtones ont un système de valeur fondamentalement différent du système libéral démocratique occidental, lequel accorde préséance aux droits individuels alors que dans les collectivités autochtones, les droits collectifs... Mais encore là on ne peut pas vraiment parler de droits collectifs. C'est une réalité qui oppose les gouvernements autochtones aux divers ordres de gouvernement canadien. Les Autochtones ont plutôt un système axé sur leurs relations avec le monde animé et inanimé. Ce système de valeurs fondamentales est fondé sur ces relations et le respect qui leur est dû.
Si l'on imaginait une charte des droits ou un code des droits humains qui reflète la tradition autochtone, on aurait un document bien différent du code des droits humains canadiens, qui met l'accent sur les droits individuels, ou de la Charte des droits qui, elle aussi, privilégie les droits individuels.
C'est une chose dont il faut se rappeler. Il est très important pour les collectivités autochtones, soumises à la pression de l'assimilation, de pouvoir disposer d'un mécanisme qui leur permette de conserver leur système de valeurs fondamentales, qui se distingue du système des valeurs libérales canadien.
En l'absence d'une clause interprétative, il faut que le motif justifiable soit ce mécanisme qui permette aux communautés autochtones de protéger leurs intérêts culturels collectifs.
Dans certaines causes, on a déjà eu recours à la disposition du motif justifiable pour appuyer ce type d'initiative. Par exemple, dans l'affaire MacNutt c. Shubenacadie, qui remonte à 1997, la section de première instance de la Cour fédérale a rendu un arrêt favorable aux actes discriminatoires d'une bande. En vertu de la disposition du motif raisonnable, ces actes étaient justifiés car ils visaient à protéger un intérêt collectif fondamental. La bande était donc fondée d'agir ainsi. Ses actes étaient justifiés selon cette disposition.
Si les cours et le tribunal continuent d'avoir recours à cette disposition, le fait que la modification proposée ne prévoie pas de clause interprétative n'a guère d'importance. Toutefois, il existe une objection de taille. En fait, une clause d'interprétation risque d'édulcorer la disposition du motif justifiable car elle constitue une défense absolue. C'est le deuxième point que je voulais aborder.
Mon troisième point concerne toute la question de la consultation. Nous sommes en 2007 et bien des choses ont changé depuis 1977, date à laquelle cette modification est entré en vigueur. De plus, il y a eu une évolution notable au chapitre de la reconnaissance des rôles et des responsabilités des collectivités autochtones en matière de gouvernance et de leurs rapports avec le gouvernement fédéral du Canada. À la lumière de cette évolution et de l'interprétation par les tribunaux de la Constitution et de la protection des droits de l'article 35, il existe une obligation légale, une obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones sur toute question qui touche leurs intérêts.
J'aimerais poursuivre dans cette veine. Il est temps que le gouvernement fédéral comprenne une chose: chaque fois qu'il lance une politique ou propose un projet de loi, il doit s'engager conjointement avec les peuples autochtones dans une analyse de la politique ou du projet de loi en question si ces derniers sont touchés.C'est la moindre des choses.
Il y a en Finlande un bon exemple d'un mécanisme qui permet aux peuples autochtones d'avoir leur mot à dire dans le processus de rédaction des lois. Il s'agit du parlement Sami, un parlement séparé pour les peuples autochtones. C'est un modèle que le Canada aurait sans doute intérêt à étudier plus sérieusement en raison des implications de l'obligation de consulter découlant de l'analyse de l'article 35.
Par conséquent, le projet de loi à l'étude n'aurait pas dû être présenté sous sa forme actuelle. Il aurait dû y avoir un processus de rédaction conjointe avec l'APN et d'autres organismes représentant les peuples autochtones. Ensuite, la modification aurait pu aller de l'avant.
À l'heure actuelle, on exerce des pressions pour faire adopter cette modification. Même si les groupes autochtones y sont généralement favorables compte tenu de la protection des droits humains qu'elle renferme, particulièrement pour les femmes autochtones, cette démarche ne reflète pas la relation véritable qui existe au Canada entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada, une relation que reflète le traité Two Row Wampum, soit un partenariat de nation à nation. Voilà comment devrait fonctionner le processus décisionnel à l'heure actuelle.
Je vais terminer sur ce point. Je sais que je me suis quelque peu écarté du thème de la discussion, mais c'est un élément important qu'il faut garder à l'esprit.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
Merci.
Comme je dois partir à 12 h 50, si le comité n'a pas terminé ses délibérations, je demanderai à Mme Karetak-Lindell d'occuper le fauteuil.
Autre chose: les membres du comité souhaitent-ils avoir des exemplaires des rapports de 2003 mentionnés par M. Chartrand?
Une voix: Oui, cela nous intéresse.
Le président: D'accord. Je vais demander à la greffière de vous les fournir.
Par qui allons-nous commencer?
Madame Karetak-Lindell.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux de vos interventions.
Vous avez évoqué certains articles qui m'ont énormément préoccupée tout au long de nos délibérations au sujet du projet de loi C-44. Vous avez parlé de l'obligation de consulter. Wendy, vous avez aussi mentionné les négociations dans la perspective de la gestion des conflits, et vous, Larry, vous avez mentionné la rédaction conjointe des projets de loi. Ce sont là des éléments absolument fondamentaux qui, à mon avis, définissent le rapport entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. En effet, comme je l'ai répété à maintes reprises, nous ne pouvons plus procéder comme on le faisait dans les années 60. Je le mentionne car à cette époque, tout le monde prenait des décisions en notre nom sans que nous ayons notre mot à dire.
J'aime à croire, comme vous, qu'en 2007, cette époque est révolue. Cela dit, il est très difficile pour moi d'accepter la façon dont le projet de loi C-44 a vu le jour car de nombreux témoins qui ont comparu devant nous avaient vraiment l'impression que l'on était revenu à cette ancienne façon de faire, que quelqu'un dans un bureau à Ottawa décidait quelles politiques et quelles lois étaient bénéfiques pour nous, sans nous demander notre avis.
Je vais maintenant poser des questions spécifiques. La négociation dans un contexte de gestion des conflits m'inquiète beaucoup. Je crains que les communautés autochtones ne soient pas prêtes à participer à ce type de résolution des conflits. Dans ma culture, par exemple, comme je le mentionnais à Wendy, nous privilégions des solutions favorables aux parties en présence. Nous sommes très mal à l'aise face au système judiciaire actuel qui produit un gagnant et un perdant. Comme nos collectivités sont petites, il n'est pas possible d'avoir constamment des gagnants et des perdants car cela divise la communauté. Nous souhaitons des situations où les deux antagonistes gagnent et où le compromis est de rigueur. C'est sans doute pourquoi nous avons un style de gouvernance fondé sur le consensus.
Je vais vous dire ce qui m'inquiète au sujet de ce projet de loi. S'il n'y a pas de consultations adéquates, s'il n'y a pas suffisamment de développement des capacités au sein des collectivités autochtones, celles-ci seront divisées quand on désignera des gagnants et des perdants. Pourtant, nous pouvons opter pour une solution qui ne fait que des gagnants en proposant l'adoption de ce projet de loi de la bonne façon. Pourriez-vous commenter cela tous les deux?
Comme vous le disiez dans votre question, les questions de gestion et de résolution des conflits se posent aux niveaux national et communautaire.
Au niveau national, il y a relativement peu d'exemples, à l'exception du processus ayant fait appel à Wendy Grant-John sur les biens immobiliers matrimoniaux,qui vient de prendre fin. Cela a été une expérience relativement brève. Je suis sûre qu'on peut en tirer des leçons, mais on ne voit pas cela très souvent.
Habituellement, au niveau national, dans les discussions portant sur les orientations stratégiques et les mesures législatives, les participants se bornent à présenter leurs arguments à leurs vis-à-vis. Généralement, aucune des parties en cause n'applique des stratégies de résolution de conflits. On consacre beaucoup d'énergie aux stratégies de communication, aux phrases clés, mais même s'il existe de nombreux documents spécialisés et une vaste expertise sur la résolution de conflits dans le monde en général et au Canada en particulier, nous ne les appliquons pas vraiment très souvent dans ce domaine. Je ne sais vraiment pas pourquoi il en est ainsi.
Je crois savoir que la Commission canadienne des droits de la personne a mentionné la nécessité de doter les collectivités autochtones d'une capacité de gestion des conflits lorsque ses représentants ont comparu devant votre comité. À mon avis, madame Karetak-Lindell, vos inquiétudes sont légitimes, surtout si l'on considère le contexte social dans lequel s'inscriront les conflits sur les droits de la personne dans les communautés autochtones, communautés qui sont de petite taille.
Dans des villes comme Ottawa, Halifax, Vancouver ou Regina, une plainte relative aux droits de la personne ou une affaire judiciaire est généralement réglée par des étrangers, par des gens que l'on ne connaît pas. Un expert — je crois que c'était Russell Barsh —, a fait une analogie à cet égard: dans le sud, dans notre grande démocratie, nous sommes des étrangers gouvernés par d'autres étrangers alors que dans les collectivités autochtones, les gens se connaissent; bon nombre d'entre eux ont même des liens de parenté. Par conséquent, une fois qu'un litige est réglé, les antagonistes doivent pouvoir continuer de se côtoyer jour après jour.
Je pense donc que vous-même et la commission avez raison. Il est nécessaire d'intégrer un ingrédient autre que la stricte lettre de la loi pour s'assurer de promouvoir la cohésion sociale. Il ne faut pas s'en tenir uniquement à la procédure et se retrouver au bout du compte, comme vous l'avez dit, avec des gagnants et des perdants et une brèche dans le tissu social.
Oui. Je veux faire écho à ces propos. Il y a passablement de querelles dans les collectivités autochtones, entre familles, entre clans, etc. Cette situation, qui existe déjà, s'inscrit dans un système de plus en plus accusatoire. Étant donné que le système judiciaire canadien leur a été imposé, les mécanismes traditionnels de résolution des conflits fondés sur la médiation et une approche harmonieuse axées sur le consensus, ont été discrédités. À tel point que les membres de ces collectivités en arrivent à préférer le système canadien plutôt que leur propre système traditionnel, ce qui a pour effet de favoriser la création d'un milieu adversatif.
La modification à l'étude, qui autorise des particuliers à poursuivre leur conseil de bande, par exemple, aura sans doute pour effet d'exacerber cette tendance, même si la Loi canadienne sur les droits de la personne offre des possibilités de médiation et tente de résoudre les conflits selon un mode moins accusatoire. Il y aura donc une augmentation des litiges, j'en suis sûr, mais il n'y aura guère de changement par rapport à la situation actuelle parce que bien des cas dont la Commission des droits de la personne a été saisie ont pu être résolus grâce à la façon dont le tribunal et les cours ont limité les répercussions de ce recours.
Nous devons passer à la prochaine question. J'ai des contraintes de temps. Je ne veux pas être impoli, mais je dois tenir compte du temps qui passe. Les députés me surveillent.
Monsieur Lemay.
[Français]
Merci d'être là. J'ai vraiment apprécié ce que j'ai entendu et je voudrais vous en faire part. Je ne vais pas reprendre tout ce que vous avez dit. Je pense que vous êtes des personnes qui connaissez vraiment le milieu. Ma question va être simple et directe. Comme le disait mon professeur d'examen, ou mon professeur à l'université, c'est une question courte mais qui mérite d'être développée par sa réponse.
Croyez-vous aujourd'hui, en ce 17 mai, que les communautés autochtones sont prêtes, préparées à faire face à l'abrogation de l'article 67 de la loi? Donc, est-ce que les communautés auxquelles s'adresse le projet de loi C-44 sont prêtes à y faire face aujourd'hui? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi?
Je veux vous laisser le plus de temps possible pour répondre.
[Traduction]
[Français]
[Traduction]
Certaines collectivités autochtones disposent de cette capacité; elles ont un gouvernement solide. Certaines ont même reçu des prix de bonne gouvernance. Ces collectivités bénéficient d'une capacité suffisante pour ce qui est des personnels ainsi que des avis et des services juridiques qu'elles reçoivent. Elles pourraient sans doute faire face à la situation sans trop de problème. Il se peut qu'elles reçoivent des ressources additionnelles en raison de l'augmentation du nombre de cas. Mais il y a aussi bon nombre de collectivités autochtones qui auraient probablement de la difficulté à faire valoir équitablement leurs points de vue, même si un motif justifiable explique leurs actes discriminatoires. Elles ne disposeront tout simplement pas des ressources, des avis juridiques nécessaires. Je parle de certaines communautés très éloignées où l'accès aux experts, à ces compétences et à ces connaissances spécialisées est très rare. Leurs énergies sont souvent axées sur la simple survie et les violations des droits de la personne fondés sur la discrimination sont reléguées au second plan.
Par conséquent, on verra de tout. Certaines collectivités seront plutôt bien préparées alors que d'autres ne le seront pas du tout. On pourrait prolonger l'échéance de cinq ans et elles ne seront toujours pas prêtes. On verra donc toute la gamme.
Je suis d'accord avec les commentaires de Larry, mais à mon avis, il ne s'agit pas tellement de savoir si les collectivités sont prêtes pour l'abrogation de l'article 67, mais plutôt quels sont leurs besoins en matière de protection des droits de la personne. Évidemment, des allégations et des plaintes relatives à diverses formes de discrimination surviennent en milieu autochtone comme ailleurs. Par conséquent, il m'apparaît évident qu'un mécanisme quelconque est nécessaire.
La situation actuelle est inacceptable en ce sens que l'exception prévue dans l'article 67 s'applique de façon tout à fait arbitraire et irrégulière. Dans une étude que j'ai effectuée pour le Conseil du statut de la femme, je faisais valoir que quelle que soit le mérite de cette disposition en 1976, avant l'adoption de la Constitution, en 1982, la façon dont elle s'applique aujourd'hui, notamment ce qu'elle vise et ne vise pas, est absolument irrationnel. Par conséquent, j'estime qu'il faut absolument faire quelque chose.
La question de savoir si l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne est la meilleure façon d'assurer la protection des droits humains dans les collectivités des premières nations est intéressante. Mon collègue ici présent a fait état d'un travail de recherche qu'il a rédigé sur la question de l'exception prévue à l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Selon lui, l'actuelle politique fédérale d'autonomie gouvernementale ne précise pas, dans un sens ou dans l'autre, si les peuples des premières nations ont en matière de droits de la personne une compétence inhérente ou si cette compétence devrait leur être reconnue, ce qui leur permettrait d'adopter leurs propres codes à cet égard. C'est plutôt curieux étant donné que la politique fédérale d'autonomie gouvernementale renferme trois listes de questions qui peuvent être négociées: les questions que le gouvernement fédéral ne veut pas négocier, celles qu'il veut négocier et d'autres, qu'il peut négocier, selon les circonstances. Les droits de la personne ne figurent sur aucune de ces trois listes, même s'il existe une politique ayant trait à l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Je suis d'accord avec la réponse de Larry à votre question: « Sont-elles prêtes? ». Je pense que cela dépend de la collectivité. Mais à mon avis, il est plus pertinent de se demander ce qu'il faut faire pour assurer la protection des droits de la personne.Je suis sûre que les membres des premières nations ont beaucoup à nous apprendre sur la teneur d'une éventuelle charte des droits de la personne.
Monsieur Lemay, vous avez environ une minute et demie. En fait, vous avez moins que cela — une minute.
[Français]
Je vais relancer la discussion en vous posant une question très simple. Si je comprends bien ce que vous nous dites, ce n'est pas seulement une question de gouvernance des premières nations. Il faudra aussi que les premières nations soient prêtes et acceptent qu'on rappelle l'article 67, qu'on l'abolisse. Est-ce là ce que je dois comprendre?
[Traduction]
Mon opinion, dans la mesure où elle est pertinente puisqu'à mes yeux, l'opinion des premières nations est beaucoup plus importante, c'est qu'il y a un besoin à combler. Il y a des plaintes. Je pense que nous avons maintenant l'occasion d'apprendre comment assurer l'équilibre entre les droits collectifs et individuels, et ce, en élargissant l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Mais il reste la question de savoir si ce recours à la LCDP est la meilleure façon de répondre aux besoins des collectivités des premières nations en matière de droits humains. C'est mieux que rien. C'est mieux que la façon tout à fait anormale dont s'applique présentement l'article 67. Quant à savoir si nous pourrions faire mieux, il y a lieu de se le demander.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être venus comparaître devant le comité aujourd'hui.
On a vanté la simplicité du projet de loi et on nous a encouragés à l'adopter sans faire de difficultés. Pour ma part, j'appuie sans réserve l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. D'ailleurs, la plupart des témoins qui ont comparu devant le comité y sont également favorables. Le problème, c'est le processus.
Madame Cornet, la lecture de votre mémoire — M. Chartrand en a aussi parlé — nous a appris qu'il existe déjà un certain nombre d'autres moyens auxquels les gens recourent pour soulever des questions relatives aux droits de la personne; vous avez mentionné 2001. À l'heure actuelle, par exemple, l'Assemblée des Premières nations a déposé une plainte concernant les droits humains en évoquant le sous-financement accordé pour la protection de l'enfance. Il y a aussi eu d'autres plaintes concernant des atteintes aux droits de la personne fondées sur le déni de services d'éducation. C'est d'ailleurs l'un des cas mentionnés dans votre document.
Vous ajoutez également, madame Cornet, que la simple abrogation de l'article 67 ne règle pas les autres problèmes d'égalité, ou plutôt d'inégalité, qui sont inhérentes à la Loi sur les Indiens. Il me semble que l'on devrait faire beaucoup plus pour assurer le respect des droits de la personne que se limiter à abroger l'article 67.
Je vous demanderais à tous les deux de commenter les violations généralisées des droits humains qui existent et auxquelles nous devons nous attaquer de façon beaucoup plus intégrée et cohérente.
C'est bien de soulever la question des droits de la personne de façon plus générale.
À la base, j'estime qu'il faut faire un effort sérieux pour comprendre la relation entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada. C'est une relation d'égal à égal.
Au niveau des peuples... et nous parlons de peuples par opposition à des personnes. L'égalité entre les personnes est un principe démocratique fondamental occidental, canadien et libéral, tout comme l'égalité entre les peuples, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes en fonction du principe de l'autodétermination. C'est aussi un droit humain fondamental. C'est un droit humain dont jouit une collectivité et, bien souvent, ces deux droits fondamentaux sont opposés l'un à l'autre.
Au Canada, les droits humains collectifs des peuples autochtones sont ignorés depuis environ 200 ans. On commence à mettre au point des mécanismes qui en permettent la reconnaissance. L'article 35 est un aspect important de cette évolution à long terme. Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant d'arriver au point où les peuples des premières nations seront traités sur un pied d'égalité en matière de gouvernance, où l'on reconnaîtra leur souveraineté et le fait que leurs traités sont des traités internationaux, et non des arrangements contractuels nationaux.
Si nous voulons reconnaître les droits humains des peuples autochtones, il nous faut d'abord reconnaître que ces traités sont des traités internationaux au sens propre du terme et que les peuples autochtones peuvent exercer leur souveraineté, leurs traités ayant été négociés en fonction de cette notion. Tout autre perspective est une atteinte aux droits de la personne étant donné cette relation fondamentale.
Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, certains problèmes concernant les droits de la personne demeurent en suspens; certains sont devant les tribunaux en ce moment même, notamment les règles légales prévues dans la Loi sur les Indiens pour déterminer le statut d'Indien et l'appartenance à une bande dans les cas où les premières nations n'ont pas assumé cette responsabilité. Il y a aussi d'autres problèmes en matière de droits de la personne qui concernent certains codes des premières nations concernant l'appartenance.
Permettre des poursuites en vertu de la Charte pour essayer de résoudre ces problèmes est un exercice plutôt coûteux, et certaines causess attendent depuis déjà très longtemps. Par conséquent, en lien avec certains de mes propos concernant le besoin d'adopter des stratégies de gestion et de résolution de conflits, j'estime qu'il faut commencer à envisager cette approche pour tenter de régler des problèmes d'orientation stratégique épineux, qu'il s'agisse de mettre au point une politique et des protocoles de consultation ou de régler une fois pour toute les problèmes entourant le statut d'Indien. Ce sont là des enjeux fort sérieux. Selon moi, notre compréhension des termes « Indien » et « peuples autochtones » tels qu'ils figurent dans les dispositions de la Constitution ne pose pas de difficulté du point de vue des droits de la personne. En passant, j'ai aussi rédigé des articles à ce sujet.
Cela dit, je pense que la façon dont le terme « Indien » est défini dans la Loi sur les Indiens pose certains problèmes. Il y a encore certains vestiges de stéréotypes raciaux dans la Loi sur les Indiens dans la façon dont on définit les « Indiens ». Cela ne veut pas dire qu'il est impossible d'élaborer une définition juridique qui évoque les peuples autochtones du Canada de façon respectueuse, sans tomber dans les stéréotypes raciaux. C'est simplement qu'à mon avis, la Loi sur les Indiens n'y parvient pas. Contrairement à notre Constitution. Il y a sans doute des gens qui ne sont pas d'accord avec moi, mais je considère que nous n'avons pas ce problème dans notre Constitution. Par contre, il y en a un dans la Loi sur les Indiens.
Merci, monsieur le président.
En fait, je voulais justement conclure en citant M. Chartrand. Je tire celat d'un sommaire portant sur les exceptions de la Loi sur les Indiens et sur les options en vue de reformuler la Loi canadienne sur les droits de la personne. À mon avis, la déclaration suivante résume fort bien l'orientation qu'il convient de prendre :
Il convient de laisser aux parties négociatrices le soin de décider s'il y a lieu d'appliquer la LCDP. Dans la perspective des nations autochtones, elles seules savent de quelle façon et dans quelle mesure l'imposition des normes « occidentales » de protection des droits humains individuels auront un effet négatif sur leurs traditions et leurs valeurs culturelles collectivistes.
C'est à mon avis un énoncé marquant, et je pense que le comité se doit d'y prêter attention.
Merci, monsieur le président.
J'ai trouvé vos témoignages fort intéressants.
J'aimerais revenir sur certains de vos commentaires, monsieur Chartrand. Si je ne m'abuse, vous venez de ma ville natale. Je crois que vous enseignez à l'Université de Winnipeg ainsi qu'à l'Université du Manitoba, n'est-ce pas?
Présentement, j'enseigne seulement à l'Université de Winnipeg et je travaille un peu pour l'Université Athabasca.
Bien.
Vous avez évoqué la clause du motif justifiable auquel on a présentement recours à l'occasion dans la LCDP. Selon vous, une clause interprétative risque d'édulcorer cette disposition du motif justifiable. Je suppose que cela est attribuable au fait que les droits mentionnés dans l'article 35 représentent un principe très important, mais vous pourriez peut-être clarifier cela pour moi.
Souvent, l'interprétation qu'on en fait consiste à y voir un principe fondamental en cas de conflit avec un autre principe; ainsi, on oppose un intérêt collectif, comme le maintien de la culture, par exemple, à une allégation de discrimination fondée sur le sexe. On pourrait essayer, au moyen d'une disposition d'interprétation, d'établir un équilibre entre ces deux droits concurrents. Cette approche pourrait générer l'harmonie, dans la mesure du possible, puisque la clause interprétative accorde de l'importance aux intérêts collectifs de la communauté.
Le critère du motif justifiable représente véritablement un principe essentiel. Si la collectivité respecte ce critère du motif justifiable, elle peut poursuivre ses actes discriminatoires car le tribunal ou la cour aura été convaincu qu'il convient d'accorder préséance à ses intérêts collectifs. Que ceux-ci s'expriment sous forme de pratiques culturelles, linguistiques ou de croyances spirituelles, ils ont préséance si on leur oppose une violation d'un droit individuel dans le contexte des droits de la personne. Voilà ce que peut accomplir le motif justifiable, si on le lui permet, et c'est ce que les cours et les tribunaux ont déjà fait dans le passé.
À propos de la clause interprétative, si j'ai dit qu'elle risquait d'édulcorer le motif justifiable, c'est qu'on pourrait chercher à en faire un compromis au lieu d'accorder son plein effet à cette défense. C'est tout.
Pensez-vous que l'abrogation de l'article 67 doive déboucher sur une clause interprétative? Compte tenu de ce que vous venez de dire, comment la Commission canadienne des droits de la personne pourrait-elle continuer de recourir à cette exception justifiable eu égard à l'article 35?
Même si j'ai dit que la disposition du motif justifiable pourrait être une option, je pense qu'il faut réfléchir sérieusement avant d'envisager de rédiger une clause interprétative. Je sais que le libellé des clauses interprétatives proposé dans le passé n'a pas été jugé très satisfaisant. Les plaintes et les critiques ont été nombreuses. On a dit que le libellé ratissait trop large, qu'il était vague et que sa portée faisait problème. La formulation d'une telle disposition devrait faire l'objet de vastes consultations auprès des collectivités autochtones et des organisations politiques autochtones.
L'Accord de Charlottetown renfermait une clause interprétative dont le libellé était passablement détaillé et significatif. Il y aurait peut-être lieu de commencer par examiner cela, mais il faudra que les collectivités autochtones puissent participer au processus car certaines choses sont importantes à leurs yeux hormis la culture, la langue et les croyances spirituelles. De nombreuses collectivités veulent interdire l'alcool dans les réserves en raison de leur expérience passée. La consommation d'alcool est devenue une façon d'oublier les souffrances causées par les effets du colonialisme, les internats, etc. Par conséquent, de nombreuses collectivités veulent interdire l'alcool dans les réserves. Elles ne peuvent justifier cela nécessairement par des motifs culturels, linguistiques ou spirituels. Il faut donc aborder avec sérieux la question d'une disposition d'interprétation et réfléchir très soigneusement à sa teneur. Un tel exercice exigera des consultations poussées.
Je vais poursuivre dans la même veine. Les droits en vertu de l'article 35 ne seront-ils pas pris en compte par la Commission canadienne des droits de la personne si elle est appelée à rendre une décision?
Je vais poser cette question à Mme Cornet. Ces droits n'influenceraient-ils pas la commission? Ne seraient-ils pas pris en compte? Compte tenu de la feuille de route de la commission, il n'y a pas de raison de croire que le collectivisme serait exclu de ses décisions. Êtes-vous d'accord avec cette façon de voir?
Je pense que c'est vrai. On a soulevé la question de l'expertise de la commission en ce qui a trait aux droits en vertu de l'article 35. C'est une question intéressante et on s'est demandé comment la régler. Certains ont proposé de constituer des panels dont les membres auraient une expertise spécifique, non seulement dans le domaine des droits humains, mais aussi des droits selon l'article 35.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, des problèmes liés à l'article 35 surgiront inévitablement. Apparemment, les tribunaux sont compétents pour examiner ces questions, mais leur compétence peut aussi être contestée, auquel cas l'affaire peut être renvoyée à une instance supérieure. Cela ne me semble pas une façon simple et efficace de traiter une plainte ayant trait aux droits de la personne. Comme on peut s'attendre à des discussions sur la relation entre les droits collectifs et les droits humains protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne, il serait peut-être judicieux de réfléchir à l'expertise dont auront besoin les tribunaux chargés d'appliquer la LCDP pour traiter ces questions.
Merci, monsieur le président.
Bonjour, Wendy et Larry. C'est bon de vous revoir. Je vous remercie de vos témoignages qui ont été aussi clairs que concis. À mon avis, ils ouvrent une perspective nouvelle et soulèvent certaines questions sur lesquelles le comité ne s'est pas penché depuis un certain temps.
J'aimerais revenir sur la question de la consultation. Le gouvernement a demandé à pratiquement tous les groupes de témoins représentant des Autochtones de nous dire ce qu'ils considèrent être une consultation suffisante. Combien de temps faudrait-il consacrer à cet exercice? Quelle forme devrait-il prendre? Je ne suis pas sûr qu'il incombe aux peuples autochtones de décider cela. La cour a déclaré très clairement que l'obligation légale de consulter incombe à la Couronne, en l'occurrence, le gouvernement fédéral.
Pensez-vous que l'obligation légale de consulter s'applique préalablement à la rédaction d'un projet de loi comme celui-ci? Nous n'avons pas tenu de consultations avant de rédiger ce projet de loi. Et nous ne prévoyons pas qu'il y en aura après son dépôt. La consultation se fait ici. Après son passage au comité, le projet de loi est acheminé à la Chambre. Ensuite, nous l'adoptons ou nous ne l'adoptons pas.
Dans ce scénario, le gouvernement a-t-il déjà enfreint la loi, si je puis dire, en ne respectant pas son obligation légale de consulter?
Il peut toujours y avoir des opinions différentes sur cette question. Il faudrait peut-être se demander si le gouvernement a effectué une analyse de l'article 35 avant de proposer le projet de loi. Je n'en sais rien.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai soulevé cette question dans mon exposé. Même s'il existe un processus très formel visant à donner aux parlementaires l'assurance qu'avant d'entreprendre l'étude d'un projet de loi, celui-ci a été examiné par le ministère de la Justice, qui a certifié que tout était en règle, même si les fonctionnaires du ministère ont vérifié que la mesure ne pourrait faire l'objet d'une contestation en vertu de la Charte avant qu'elle soit présentée, ce processus, s'il existe, n'est pas public. J'ignore ce qu'il en est. Peut-être se livre-t-on à un tel exercice, mais le gouvernement ne s'est pas engagé publiquement à faire cela à chaque fois. Par conséquent, premièrement, nous ne savons pas vraiment si cette analyse a été effectuée à l'égard d'un projet de loi en particulier et, deuxièmement, si elle a été effectuée, nous ignorons si le gouvernement a jugé bon de consulter les peuples autochtones pour connaître leur opinion.
Je sympathise avec le gouvernement car la gestion de l'obligation de consulter est fort complexe. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, cela implique d'entreprendre une série de démarches juridiques pour, espérons-le, trouver la bonne réponse. Et pour trouver la bonne réponse, il faut à tout le moins être sensible à la perspective des Autochtones.
Je suis simplement allée au bout de cette logique dans mon exposé. Si la Cour suprême privilégie la réconciliation comme moyen de mettre en oeuvre l'article 35 en expliquant que cette réconciliation passe par des consultations et des arrangements lorsqu'existe un droit ancestral et issu de traités, il s'ensuit que pour comprendre si un droit ancestral et issu de traités existant ou potentiel est en cause, il faudra sans doute engager le dialogue avec les peuples autochtones concernés. N'est-ce pas?
Pour en arriver à une décision éclairée, il faut se demander si l'activité législative prévue est susceptible de porter atteinte à un droit et, si c'est le cas, s'il y a lieu d'intervenir.
En somme, cela s'inscrit dans le vaste processus d'actualisation de l'orientation que nous a donnée jusqu'ici la Cour suprême du Canada. Il s'agit de savoir ce que l'exécutif doit faire avant de soumettre quelque question que ce soit à des gens comme vous, au Parlement, et il faut circonscrire votre rôle de surveillance.
Encore une fois, dans mon déclaration, en me fondant sur la simple logique, et non sur la jurisprudence ou quoi que ce soit d'autre, je me suis dit ceci: même si le gouvernement fédéral faisait un travail de consultation fabuleux avant de présenter un projet de loi au Parlement, le Parlement est évidemment libre de le modifier. Que faire à ce moment-là? N'est-il pas nécessaire de continuer de fouiller la question de l'article 35 tout au long du processus? De quelle aide aura-t-on besoin pour s'acquitter de cette tâche? Comment peut-on engager le dialogue avec les peuples des premières nations ou d'autres peuples autochtones à ce sujet?
Je veux simplement dire que la complexité n'est pas une excuse pour ne pas respecter la loi ou s'acquitter de l'obligation de consulter.
Absolument. La seule option qui n'est pas disponible pour la Couronne est de dire: « Je ne sais pas ». Il faut avoir une opinion; il faut arriver à une conclusion fondée sur une information solide, une analyse juridique sérieuse, et ensuite, quelle qu'elle soit, la défendre, l'expliquer, la communiquer. Mais on ne peut dire: « C'est trop compliqué. La solution m'échappe. »
Monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Blaney.
Je vais simplement poursuivre le raisonnement de M. Russell pendant un moment. Il voulait savoir si le gouvernement avait enfreint la loi. Évidemment, j'ai une opinion à ce sujet.
Madame Cornet, je vous demanderais de nous expliquer ce qui se passerait, théoriquement, si le gouvernement avait enfreint la loi. En l'occurrence, s'agissant du projet de loi C-44, quel mécanisme interviendrait si le gouvernement avait violé la loi? À quoi ressemblerait ce mécanismel? Si le projet de loi C-44 avait été adopté, que se passerait-il par la suite?
Y a-t-il eu consultation ou consultation suffisante? Pour répondre à cette question, il faut déterminer s'il y a eu une atteinte justifiable au droit, ce qui suppose une atteinte, ce qui suppose un droit autochtone. Malheureusement, c'est comme ça. Tous les éléments sont interdépendants les uns avec les autres; et la conclusion qui s'impose, c'est que plus tôt on s'investira dans ces questions, meilleur sera le résultat à la fin du processus législatif.
Par conséquent, s'il y a un problème — et je n'en sais rien puisque je ne suis pas au courant de ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé avant que le projet de loi soit présenté —, il existe un recours possible en ce sens que le processus législatif lui-même permet de déterminer si des droits ancestraux et issus de traités existants sont en jeu, s'il y a un risque de porter atteinte à ces droits et si ce risque peut être minimisé ou éliminé complètement.
Si l'abrogation devait être annulée, ce serait le retour au statu quo. Comme c'est le cas lorsqu'une disposition est jugée inconstitutionnelle, il faudrait revenir à la case départ pour tenter de faire mieux.
En principe, cependant, il y aurait une période de temps au cours de laquelle la Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquerait aux peuples des premières nations. Ensuite, si l'abrogation était annulée, elle ne s'appliquerait plus aux peuples des premières nations. Est-ce là le scénario que vous envisagez?
Je n'ai pas connaissance d'un cas où l'abrogation d'une disposition ait été annulée, mais je suppose que c'est possible, en théorie. Il faudrait présumément plusieurs années pour établir cela. En effet, il faudrait que quelqu'un fasse la preuve qu'un droit ancestral et issu de traités existant ou potentiel risquerait d'être sérieusement compromis par l'abrogation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, faire valoir cet argument devant une instance supérieure et obtenir un jugement favorable. Cela pourrait prendre du temps.
Pensez-vous que ce serait logique? Qu'un juge exempterait les peuples des premières nations de l'application des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne?
Tout dépend des arguments qui seraient présentés. Nous parlons d'un cas tout à fait hypothétique, mais cela montre bien pourquoi le processus de consultation et le partage d'information entre les parties revêtent autant d'importance puisqu'à l'heure actuelle, nous en sommes réduits à échafauder des hypothèses. S'il était possible de discuter de ces questions bien avant l'étape de la rédaction d'un projet de loi, cela donnerait aux parties intéressées le temps d'affirmer l'existence de droits ancestraux spécifiques et de les expliquer. Les tribunaux ont été clairs à ce sujet: il ne suffit pas d'affirmer un droit dans l'abstrait; il doit être spécifique.
Je ne sais pas quelles sont les chances d'affirmer l'existence d'un droit ancestral ou issu de traités qui soit concrètement compromis par l'abrogation de l'article 67. Je n'en ai aucune idée.
Pour répondre à votre question, je suppose qu'il est possible, en théorie, que l'abrogation soit annulée.
Pour expliciter davantage la perspective du gouvernement, je mentionnerai les arrêts rendus dans les causes Taku et Haida, qui constituent essentiellement la référence dans toute analyse en matière de consultation avec les collectivités des premières nations. Ces arrêts traitent spécifiquement des ressources. C'est une partie du problème que l'on voit, particulièrement lorsqu'on discute de ce sujet: l'élément ressources n'y est pas. Cela ne veut pas dire qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de consultations, mais l'obligation de consulter découlant des arrêts Taku et Haida n'a pas de rapport avec la mesure législative à l'étude.
Comme le temps est écoulé, je ne pourrai malheureusement pas vous laisser répondre à cette question.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Ce qui m'horripile ici, c'est qu'on discute de droits qui ne sont pas que constitutionnels mais qui doivent aussi être des droits sociaux de certaines nations. On parle d'un gouvernement qui a refusé de reconnaître certaines nations aux Nations Unies. Je reviens sur une pointe que Larry a faite tout à l'heure lorsqu'il a parlé de Kelowna, et qui, je pense se situe très bien dans le débat.
Je vais poser toutes mes questions; vous y répondrez par la suite.
Si on avait appliqué l'entente de Kelowna au tout début et qu'on avait parlé de l'abrogation de l'article 67 par la suite, on aurait ainsi amené les premières nations à un niveau acceptable, même s'il n'avait pas été pas tout à fait égal à celui de l'ensemble du Canada, pour l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Ma prochaine question s'adresse principalement à Mme Cornet. L'article 25 de la Charte canadienne est souvent considéré comme une clause de protection. Il stipule d'ailleurs que le fait que la Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou aux libertés ancestraux issus de traités ou autres. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, quant à lui, reconnaît et confirme les droits existants, ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada.
Madame Cornet, pouvez-vous commenter les différents rôles que joue chacun des ces articles? Mon collègue est criminaliste. Pour ma part, je suis plutôt un sociologue en relations de travail. Il y a donc un vide entre nos deux opinions, et nous aimerions que vous puissiez le combler. Le cas échéant, pourriez-vous nous dire comment les tribunaux ont interprété l'article 25 jusqu'à maintenant?
Je vous laisse la parole.
[Traduction]
L'article 25 évoque l'obligation de ne pas abroger des droits ancestraux et issus de traités ou de ne pas y déroger. Mais nous ne connaissons pas véritablement la portée d'un conflit potentiel.
Comme de point de départ de l'analyse, j'ai déjà proposé d'adopter une grille plus conforme à la théorie internationale des droits de la personne, qui n'est pas fondée sur la prémisse que les droits individuels et collectifs sont nécessairement en conflit. En effet, les mêmes conventions internationales en matière de droits de la personne qui protègent les droits individuels dans les sphères économique, culturelle et du développement social, et qui interdisent la discrimination raciale, reconnaissent aussi le droit des peuples à l'autodétermination. Un principe fondamental de la théorie internationale des droits de la personne veut qu'il n'existe pas de hiérarchie des droits; ils sont interdépendants. Par conséquent, la jouissance pleine et entière des droits humains individuels en matière de culture et de développement social implique le droit des peuples à l'autodétermination, et vice versa; un peuple ne peut jouir du droit à l'autodétermination s'il est victime de discrimination raciale.
En conséquence, nous serions peut-être moins hésitants et nous aurions la possibilité de régler ces problèmes si nous adhérions au départ à la notion émanant de la théorie internationale des droits de la personne selon laquelle tous les droits sont interdépendants et sont censés pouvoir exister de concert. Il peut arriver que l'on soit confronté à un conflit insoluble et qu'il faille trouver un moyen de les concilier. Mais je pense que les tribunaux — comme la Commission canadienne des droits de la personne a aussi tenté de le faire dans le passé — ont déployé tous les efforts possibles pour concilier ces droits de façon à leur accorder le même respect.
Je pense que c'est là l'orientation générale de la Constitution. Nous sommes tous censés faire tout en notre pouvoir pour respecter ces droits et leur permettre d'exister harmonieusement au lieu d'accorder la préséance à l'un ou à l'autre. Évidemment, il peut arriver des situations où cela est nécessaire. À ce moment-là, les dispositions constitutionnelles existantes guideront les tribunaux quant à ce qu'il convient de faire dans des situations aussi épineuses.
[Français]
Je voudrais seulement permettre à Larry de me situer en me donnant une réponse brève. D'abord, n'aurait-il pas été plus acceptable pour les peuples des premières nations de commencer par régler l'entente de Kelowna et ensuite parler de l'abrogation de l'article 67?
[Traduction]
Les collectivités auraient la possibilité de mettre en place certaines infrastructures qui n'existent pas encore et de s'attaquer à certains problèmes comme la pauvreté ou l'éducation. Bien sûr, cela susciterait au sein de la communauté une prise de conscience qui favoriserait des relations plus positives. Lorsque les gens vivent empilés dans des taudis insalubres et que cette situation navrante entraîne des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, cela débouche sur des violations des droits de la personne à divers niveaux. Cela ne concerne pas uniquement le gouvernement de bande.
Lorsqu'on s'attaque à la pauvreté, on s'attaque aux problèmes des droits humains. Malheureusement, le gouvernement n'a pas jugé bon de le faire.
[Français]
Je vais m'exprimer en français. Ma première question s'adresse à M. Chartrand. D'abord, je veux vous remercier de nous faire part de votre point de vue d'expert ayant une bonne compréhension des enjeux.
Madame Cornet, lors des échanges de ce matin, vous avez dit que la situation actuelle était inacceptable, que nous devions faire quelque chose, que nous devions agir.
Nous avons reçu plusieurs groupes, comme vous le savez, entre autres l'Assemblée des Premières Nations, de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, des représentants des communautés, des juristes du Barreau du Québec, des spécialistes dans le domaine et des groupes de femmes. Il a aussi été question de consultations ainsi que des points évoqués par M. Chartrand au sujet des clauses pour protéger les droits collectifs et les droits des premières nations.
Ma question ce matin est très simple. Bien sûr, on est conscients que le processus parlementaire n'est pas nécessairement parfait et qu'on souhaite se diriger vers une nouvelle forme de relations, mais dans le cadre des structures actuelles, on a l'occasion de faire un petit pas, bien qu'il ne règle pas les problèmes énormes que vous avez évoqués, tels ceux du logement, de l'éducation, qu'on veut aussi examiner.
J'aimerais vous demander si c'est un bon départ, si on est sur une lancée. Ensuite, on se dirige vers une étape de révision article par article. Comment voyez-vous la suite des choses par rapport au projet de loi actuel?
Monsieur Chartrand, vous pourriez peut-être commencer.
[Traduction]
Merci beaucoup. Vous avez soulevé des arguments intéressants.
À mon avis, c'est une étape importante, ne serait-ce qu'en raison de l'incidence historique globale de la colonisation et de l'assimilation, ainsi que de la nature des collectivités autochtones aujourd'hui. J'estime que c'est une étape intérimaire dans le cheminement des communautés autochtones vers l'autonomie et l'application de leurs propres principes et processus en matière de droits de la personne.
Dans l'intervalle, en attendant que les communautés autochtones acquièrent une compétence propre dans le domaine des droits de la personne, cela représente une étape importante. Comme Wendy l'a mentionné, certaines ententes sur l'autonomie gouvernementale commencent à inclure une référence aux droits de la personne. Cela suppose des négociations. Certaines collectivités sont d'avis que les droits actuels devraient s'appliquer, mais d'autres souhaitent élaborer leur propre modèle, et cela fait partie du processus de négociation relativement à l'élaboration de traités.
Voilà pourquoi j'estime que c'est un premier jalon important pour les communautés qui exercent déjà leur autonomie gouvernementale. Certaines collectivités accepteront très bien le modèle des droits humains individuels alors que d'autres préféreront un mariage entre les idéaux traditionnels et occidentaux.
Vous avez dit qu'une centaine de personnes par année auraient demandé à saisir la commission d'une plainte, soit environ 3 000 personnes au total au cours des 30 dernières années. Advenant l'adoption de ce projet de loi, avec ou sans amendement, serait-il possible que les droits fondamentaux de ces personnes soient reconnus ou qu'elles aient à tout le moins la possibilité de recourir aux tribunaux en vue de les faire reconnaître?
Oui, absolument. D'ailleurs, il s'agit là d'une estimation très prudente qui ne tient pas compte de l'effet paralysant de l'existence de cette disposition depuis 30 ans. Par conséquent, c'est une estimation très modérée.
Il n'y a rien de plus frustrant que de se présenter devant une instance qui est censée vous rendre justice et d'essuyer un refus.
Certains témoins ont recommandé qu'il y ait une période d'adaptation avant l'entrée en vigueur de la mesure. Pensez-vous qu'un amendement proposant une période de transition serait positif et constructif? Pensez-vous qu'une telle période serait utile, ou qu'elle ne le serait pas nécessairement?
Je pense que ce serait très utile. Une période de transition donnerait aux collectivités autochtones la possibilité et le temps de réfléchir à l'incidence de cette mesure pour leurs gouvernements et leurs membres.
C'est difficile à dire car certaines collectivités sont sans doute prêtes maintenant alors qu'il faudra beaucoup plus de temps à d'autres.
Je pense que les recommandations qu'avait faites auparavant la Commission des droits de la personne à ce sujet... Je pense que la commission envisageait 16 mois environ; je n'en suis pas sûr exactement. Ce pourrait être un peu plus d'un an, mais certainement plus de six mois.
Je voudrais revenir à l'exposé des représentants de l'Association du Barreau canadien. Au sujet de l'incidence du projet de loi C-44 sur la Loi sur les Indiens, ils ont mentionné les arguments avancés par le juge Muldoon de la Cour fédérale du Canada. D'après lui, en l'absence d'une approche cohérente et d'une analyse des répercussions plus larges qu'elle pourrait avoir, l'abrogation de l'article 67 pourrait entraîner la destruction, pièce par pièce, de la Loi sur les Indiens.
Je voudrais savoir si vous avez réfléchi à cela et si vous avez des commentaires à ce sujet.
Oui, j'y ai réfléchi. Je pense que cela aurait certainement été vrai avant 1982, et c'est d'ailleurs pourquoi on a intégré cette exemption dans la loi en premier lieu.
Depuis, je pense que la loi est moins vulnérable à un éclatement, particulièrement en ce qui a trait à la protection des terres de réserve pour les membres de bandes. Mais il est intéressant de se demander ce qui se passerait si des poursuites mettaient en cause les dispositions relatives au statut d'Indien, qui sont plus ou moins le fondement de la Loi sur les Indiens, ou des dispositions concernant l'appartenance à la bande dans les cas où celle-ci est déterminée par la Loi sur les Indiens.
Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose, car à mon avis, ces questions doivent faire l'objet de discussions, en grande partie parce que la teneur des propos du juge Muldoon dans cette affaire reflète à mes yeux une fausseté. Les mesures de protection prévues pour les Indiens, que l'on appelle aujourd'hui plus couramment les peuples des premières nations, ne visent pas à protéger « les Indiens » selon l'étiquette raciale qui leur a été imposée, mais à protéger leurs droits en tant que peuples.
À mon avis, et en toute déférence, les propos que le juge Muldoon a tenus dans cette affaire semblent traduire une certaine confusion au sujet de la distinction qu'il convient de faire entre des peuples et leurs droits et une mesure législative du XIXe siècle, une mesure archaïque comme la Loi sur les Indiens, qui véhicule encore aujourd'hui certaines vieilles idées au sujet de la race.
Rappelez-vous ce qui s'est passé lors des premières interactions avec les peuples autochtones, y compris les Inuits et les Métis ainsi que les premières nations. Ils ne se sont pas présentés en tant que membres d'une race. Ils se sont présentés en tant que peuples.
Je suis sûre que vous avez entendu dire que dans de nombreuses langues indigènes, le terme que les Autochtones emploient pour se nommer signifie, en fait, « peuple ». L'affirmation par les peuples autochtones de leurs droits collectifs repose non pas sur la race, mais sur leur statut distinct en tant que peuples qui étaient ici avant les autres peuples et qui ont le droit à l'autodétermination. Cela n'a rien à avoir avec le fait qu'ils soient physiquement différents. Je n'ai jamais entendu personne dire: mon apparence physique me donne un droit quelconque. Ce n'est pas le fondement de ces droits.
Dans la mesure où la loi est vulnérable sur les questions relatives à la race, il est possible que nous obtenions des précisions qui pourraient être utiles pour faire comprendre à la population en général et à d'autres que les droits ancestraux des Autochtones sont assimilables aux droits des peuples, et non...
Si j'ai bien compris l'exposé des membres de l'Association du Barreau, on craignait qu'au lieu d'adopter une approche planifiée et intégrée, des articles de la loi seraient radiés en dehors du contexte d'une consultation appropriée, ce qui se solderait sans doute par la révocation de la Loi sur les Indiens.
Bien des gens nous disent que la Loi sur les Indiens devrait être abandonnée ou reformulée de fond en comble, mais l'on craint que cela se fasse de façon fragmentaire, sans égard à l'ensemble de la loi.
L'arrêt Corbiere a annulé une disposition de la Loi sur les Indiens concernant les élections. Présentement, les dispositions relatives au statut d'Indien font aussi l'objet de contestations en vertu de la Charte. On suppose qu'au plan stratégique, le fait que certains aspects de la Loi sur les Indiens soient présentement contestés en vertu de la Charte est un sujet de préoccupation pour le gouvernement et un signe qu'il convient de réfléchir sérieusement à tout cela.
Bien entendu, les choses sont beaucoup plus difficiles depuis l'élimination du programme de contestation judiciaire. Il faut disposer de ressources financières pour pouvoir s'attaquer à de tels dossiers, et on a fermé la porte au nez des gens qui n'ont pas de moyens avec la suppression du programme de contestation judiciaire.
Me reste-t-il du temps?
Pas vraiment. J'ai décidé que vous aviez eu suffisamment de temps.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous allons passer au côté ministériel.
Monsieur Storseth.
Merci, monsieur le président.
Madame Cornet, ce qui m'intéresse, ce n'est pas nécessairement que vous me parliez de la mesure à l'étude ou du processus, mais bien de l'idée même d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Y êtes-vous favorable?
Je le suis. C'est une opinion personnelle. Comme je l'ai dit, ce qui est plus pertinent, c'est ce qu'en pensent les membres des premières nations qui seront touchés par cette mesure. C'est beaucoup plus pertinent.
J'estime que c'est une bonne idée, en partie parce que les tribunaux sont déjà saisis de certaines causes. L'article 67 n'est pas une exemption généralisée applicable à tous les actes et décisions des conseils de bande relevant de la Loi sur les Indiens. Il y a de nombreux actes et décisions que prennent ces conseils de bande qui ne sont pas du ressort de la Loi sur les Indiens.
Lorsque cela se produit, des poursuites sont engagées devant les tribunaux. Si vous prenez connaissance de ces causes, il est clair que certaines abordent des questions très sérieuses. Tout comme dans la société dans son ensemble, des plaintes pour harcèlement sexuel et discrimination sont présentées en vertu de tous les motifs possibles relevant de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Si l'on considère ces diverses affaires pour voir, comme je l'ai dit tout à l'heure, quelles questions relèvent ou ne relèvent pas de l'exemption, je ne vois pas de motif rationnel d'établir une distinction. Si la Loi canadienne sur les droits de la personne a joué un rôle utile compte tenu de sa portée actuelle — et je pense que c'est le cas —, je ne vois pas pourquoi on appliquerait une exemption pour ces autres cas.
Vous êtes donc essentiellement d'accord avec ce que disait ma collègue Mme Crowder: c'est le processus qui est en cause plutôt que de savoir s'il s'agit ou non d'une bonne chose.
Je ne sais pas si c'est vous, M. Chartrand, qui avez mentionné la possibilité de consulter les premières nations, et notamment des organismes comme l'APN, avant de rédiger certains textes législatifs. Une idée intéressante a été évoquée à la dernière séance du comité. J'aimerais bien savoir si vous êtes d'accord avec certains de mes collègues libéraux qui estiment que nous devrions sonder toutes les collectivités et leur permettre de choisir quels aspects des droits de la personne ils veulent pouvoir appliquer dans leur milieu. Êtes-vous d'accord avec cela?
L'avantage de communiquer avec les collectivités des premières nations, c'est que cela vous donnera une meilleure idée des changements structurels et de programme qui doivent accompagner cette abrogation. D'ailleurs, je pense que la commission a mentionné certaines de ces questions.
Par exemple, le groupe d'examen s'est penché initialement sur l'ensemble de la Loi canadienne sur les droits de la personne, y compris cette exemption. Il a soumis diverses recommandations au sujet du fonctionnement de la Commission canadienne des droits de la personne et du tribunal. Je ne pense pas que le gouvernement, celui-ci ou un autre, ait répondu à ce rapport dans son intégralité. Par conséquent, il y a d'autres enjeux concernant le fonctionnement de la commission et la meilleure façon d'assurer la protection des droits humains de tous les Canadiens.
Il y a sans doute dans la communauté des premières nations des enjeux spécifiques dont nous devrions être conscients. Voilà pourquoi il serait bénéfique de parler à leurs membres au sujet de l'application de la loi.
Êtes-vous d'accord avec mon collègue d'en face pour dire que chaque collectivité devrait pouvoir choisir les droits de la personne qu'elle voudrait appliquer ou non dans son milieu?
À mon sens, si nous allons aussi loin que cela, on se retrouvera avec un galimatias de droits à l'échelle du pays.
À mon sens, tout comme chaque gouvernement provincial a le pouvoir de mettre en oeuvre la législation relative aux droits de la personne dans les domaines de compétence qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral, on peut concevoir que les premières nations pourraient faire de l'excellent travail en appliquant leurs propres codes en la matière.
Mais les municipalités locales fonctionnent sous le régime de gouvernance du gouvernement provincial.
Je voudrais simplement que vous me disiez si l'on devrait aller directement au niveau communautaire individuel, comme le préconise mon collègue d'en face, ou s'il serait préférable d'adopter une approche plus large. Devrions-nous nous investir au niveau de l'APN? Je vous demande simplement votre opinion.
Je ne suis pas sûr que ce soit les seuls choix, et c'est sans doute pourquoi j'ai du mal à répondre à votre question.
Si une collectivité des premières nations estime, pour une raison quelconque, que la Loi canadienne sur les droits de la personne dans son intégralité fait problème, au lieu de fragmenter en morceaux une loi qu'elle n'a pas contribué à rédiger en premier lieu, la solution la plus judicieuse serait peut-être de lui reconnaître l'autorité de mettre en oeuvre un code qui fonctionne tout en étant conforme au droit international en matière de droits de la personne.
On note des références au droit international en matière de droits de la personne dans les ententes d'autonomie gouvernementale. Par exemple, si le gouvernement d'une première nation met en oeuvre une loi qui contrevient à l'observance du droit international en matière de droits de la personne, les derniers accords d'autonomie gouvernementale prévoient des mécanismes qui permettent au Canada d'engager avec la première nation ou la collectivité autochtone en question des discussions en vue de trouver une solution pour que le Canada, collectivement, respecte les normes internationales en matière de droits de la personne.
Je n'essaie pas de vous forcer à choisir l'une ou l'autre. J'essaie simplement de trouver des solutions.
Mais votre temps est écoulé.
Membres du comité, nous avons terminé deux tours de table complets. Voulez-vous continuer?
Je ne veux pas que vous le fassiez uniquement parce que c'est commode pour la présidence. Vous pouvez poursuivre si vous avez d'autres questions.
Je veux simplement faire une déclaration. Je pense que le député d'en face dénature le point de vue de quelqu'un qui n'est pas ici...