AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 novembre 2006
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte cette séance du Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord du mardi 21 novembre 2006.
Chers collègues, vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous traiterons des affaires du comité à la fin de la séance afin d'entendre d'abord les témoins. Je crois savoir que la question de Pikangikum n'est pas urgente, nous pouvons donc en traiter dans le cadre de notre discussion sur les travaux futurs. Je vous demanderai alors ce que vous en pensez.
Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Ghislain Picard, chef régional de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, le grand chef Phil Fontaine, de l'Assemblée des Premières nations, Mary Simon, la présidente d'Inuit Tapiriit Kanatami, ainsi que Rosemarie McPherson, membre du conseil, et Marc LeClair, chef négociateur du ralliement national des Métis. Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus.
Je vous remercie sincèrement d'avoir bien voulu témoigner devant notre comité. Je crois que vous savez déjà que chaque groupe dispose de 10 minutes.
Je cède d'abord la parole à M. Picard.
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Merci beaucoup de nous donner cette occasion de vous faire part de notre position sur le projet de loi C-292, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de Kelowna.
J'ai trois principaux messages à vous transmettre. J'espère que vous aurez une influence positive sur votre institution, le Parlement, qui, à son tour, pourra forcer le gouvernement fédéral à agir avec honneur et diligence pour répondre aux préoccupations de l'APNQL.
Voici ces trois messages. Premièrement, les premières nations qui composent l'APNQL se sont dotées d'un plan, comprenant des mesures prioritaires, pour rehausser leur niveau de vie et améliorer leurs conditions de vie. C'est ce qu'on appelle la mission Dix mille possibilités.
Deuxièmement, nous ne jouissons pas de l'appui et de la collaboration que nous nous attendons du gouvernement fédéral; autrement dit, le gouvernement n'a pas discuté de notre plan avec nous et n'en a pas appuyé la mise en oeuvre, même si cela fait partie de ses obligations.
Troisièmement, je vous demande respectueusement, au nom de l'APNQL, de prévoir dans votre rapport une section distincte reflétant l'approche de l'APNQL en matière d'amélioration des conditions socio-économiques, et que cette section soit distincte de la partie du rapport qui traitera de l'Accord de Kelowna. Permettez-moi de vous en dire plus long à ce sujet.
L'APNQL et ses commissions sectorielles ont, au fil des ans et avec des fonds limités, déployé de grands efforts pour dresser des plans et formuler des propositions visant à accroître les pouvoirs des premières nations, le financement des programmes et la capacité opérationnelle.
Le 25 octobre 2006, j'ai annoncé au nom de l'APNQL la mission Dix mille possibilités qui vise à obtenir du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois l'engagement d'agir dans au moins trois grands domaines prioritaires. Elle vise aussi la création de 10 000 nouveaux emplois sur cinq ans, le retour de 10 000 de nos enfants à l'école et la construction de 10 000 nouveaux logements.
Toutefois, comme je dispose de peu de temps aujourd'hui, je ne vous donnerai que deux exemples.
Une bonne éducation est la voie vers l'autonomie et la qualité de vie. Il y a 30 ans, le gouvernement fédéral a permis aux premières nations de contrôler leur éducation. Le problème, c'est qu'il n'a jamais eu la volonté d'appuyer les institutions scolaires des premières nations comme il appuie l'éducation publique. À cause de l'indifférence et du manque d'intérêt du gouvernement fédéral, l'instruction dispensée aux premières nations est mal en point.
Le fiduciaire fédéral des premières nations n'a jamais donné suite à ses déclarations et à ses lieux communs. Il y a 30 ans, Ottawa a annoncé que les Indiens contrôleraient leur éducation, mais, depuis, il n'a établi aucun cadre juridique pour concrétiser ce pouvoir. Nos écoles et nos enseignants souffrent de sous-financement chronique; nos écoles sont moins bien équipées que les écoles publiques; les salaires et avantages sociaux des écoles autochtones sont inférieurs à ceux des écoles publiques; les services de niveau secondaire sont rares ou non existants; le perfectionnement professionnel est rare ou non existant; il n'y a pratiquement pas de soutien pour la culture, les langues et les arts; aucun fonds n'est prévu pour les sports et les loisirs; il n'y a pas de formation professionnelle au niveau secondaire et aucun plan solide pour financer l'Internet dans les écoles après 2007.
Le vendredi 17 novembre dernier, nous avons appris que le ministère des Affaires indiennes avait pris une décision en matière d'éducation spécialisée qui aura pour effet de limiter considérablement les possibilités d'éducation spécialisée pour nos enfants ayant des besoins particuliers. Pourtant, le ministère des Affaires indiennes affirme que l'éducation est une priorité. Vous comprenez mon scepticisme.
Mais ce ne sont pas seulement les gardiens actuels de notre prison de la négligence qui sont à blâmer. Les 30 dernières années de règne libéral et conservateur, progressiste ou non, sont marquées de l'inaction fédérale. Nous sommes maintenant vaccinés contre les belles promesses d'Ottawa.
[Français]
Les premières nations ont un but collectif et un plan pour exercer la juridiction sur un système scolaire global et autonome d'ici cinq ans. Notre espoir est que le Parlement — vous, ici présents — prenne action de façon non partisane pour faire en sorte que le gouvernement fédéral soit fidèle à ses obligations de soutenir ce but sans réserve par des gestes concrets.
Parmi les nombreuses questions qui exigent une attention immédiate se retrouve la question essentielle du logement de qualité. C'est un fait connu parmi les planificateurs communautaires que le coeur et la base d'une bonne éducation, de citoyens en bonne santé et de travailleurs productifs repose sur des conditions de logement saines et adéquates. Depuis des années, les premières nations du Québec et du Labrador ont vécu et continuent de vivre une situation de crise du logement aux proportions gigantesques.
Depuis l'an 2000, l'APNQL compile ses propres données sur l'habitation, et une récente mise à jour démontre un besoin actuel de 8 800 nouvelles unités: un besoin sans cesse croissant. Le besoin repose sur plusieurs facteurs essentiels. Les premières nations visent: à diminuer le surpeuplement, afin d'atteindre les normes d'occupation qui existent ailleurs au Québec; à rapatrier dans la communauté leurs citoyens qui ont quitté la réserve principalement à cause du manque de logement; à ériger une nouvelle collectivité à Kitcisakik et à remplacer les maisons déclarées inhabitables, dont plusieurs sont toujours occupées par la force des choses, parce qu'il faut un toit.
La réponse du fédéral laisse entendre qu'il accepte que les premières nations aient à vivre dans des habitations dont la condition s'apparente au tiers monde.
En dépit de nos efforts considérables déployés au cours des dernières années pour convaincre les gouvernements de la nécessité d'obtenir des sommes d'argent majorées, il n'en résulte pas moins que nous continuons à recevoir des sommes dérisoires qui ne répondent pas aux besoins.
Deux cent quatre-vingt quinze millions de dollars additionnels furent alloués au niveau national en 2005 pour le logement, et la quote-part de la région du Québec est descendue de 12 p. 100 à 7 p. 100. Les sommes annuelles fédérales allouées au logement pour la région du Québec sont de 21 millions de dollars. En contraste, la région du Québec et du Labrador a besoin de 1,5 milliard de dollars, et le besoin continue d'augmenter.
En septembre dernier, l'APNQL a présenté au ministre des Affaires indiennes et du Nord un plan qui s'échelonne sur une période de 10 ans, soulignant une fois de plus qu'il en avait fait une de ses priorités. Nous sommes toujours en attente d'une réponse.
Le plan de l'APNQL, qui est composé de deux parties, nécessite un investissement immédiat afin de réduire l'immense accumulation en besoins. Il propose également un processus de négociation afin de développer et de mettre en oeuvre d'ici 10 ans un système de juridiction sur l'habitation sous l'autorité des premières nations, afin de remplacer l'approche actuelle sur l'habitation qui ne fonctionne absolument pas.
En éducation, comme en habitation, il y a suffisamment de blâmes pour tous. L'aide fédérale au logement a été plutôt stagnante, au cours des 25 dernières années, avec seulement deux injections de nouvelles sommes, qui n'étaient pas permanentes ou continues.
Membres du comité, la coopération et le soutien du gouvernement fédéral font cruellement défaut. Par exemple, il y a moins d'un mois, l'APNQL a été l'hôte d'une conférence tripartite d'importance majeure à Mashteuiatsh. Nous y avons travaillé pendant plus d'un an. Son but d'ensemble consistait à réunir les gouvernements fédéral et québécois avec les premières nations et de voir à l'implication de la société civile québécoise, de planifier, de s'engager à agir et de développer des partenariats afin d'améliorer les conditions socioéconomiques des premières nations.
La réponse du fédéral fut déplorable. Il a engagé certaines sommes en éducation, en habitation et ailleurs, mais ces dernières étaient tellement négligeables, en comparaison avec les besoins, que c'en était gênant. Le manque d'engagement du fédéral à nous aider et à répondre aux besoins de nos enfants et de nos familles est cohérent avec son refus d'endosser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les énormes surplus du fédéral sont dirigés vers la réduction de la dette et servent à soutenir le militarisme croissant, pendant qu'une grande partie de nos enfants vit dans la pauvreté. Il n'y a pas de doute que dans deux jours, le ministre Flaherty dira aux Canadiens que les prévisions économiques du gouvernement fédéral sont sur la bonne voie, principalement à cause de ses politiques fiscales. Nous serions très surpris qu'il porte une attention aux conditions de vie des premières nations, qui ont été qualifiées par les Nations Unies comme étant la plus grande honte du Canada.
Jusqu'à maintenant, ce gouvernement ne s'est pas affiché comme étant notre allié. Il n'en demeure pas moins que nous l'invitons, encore une fois, à entretenir des discussions sincères avec nous afin de soutenir les actions nécessaires à l'amélioration des conditions socioéconomiques de nos membres.
Si le comité est intéressé, je peux lui transmettre une copie de nos plans de développement.
[Traduction]
L'APNQL n'a pas participé aux discussions sur l'Accord de Kelowna, car elle préfère se consacrer à ses besoins et à ses plans. Toutefois, nous tenons à ce qu'il soit bien clair que l'APNQL appuie entièrement les autres régions de l'APN dans l'atteinte de leurs objectifs, qui comprennent la mise en oeuvre de l'Accord de Kelowna. L'APNQL demande respectueusement au comité d'inclure dans son rapport au Parlement une recommandation encourageant le gouvernement fédéral à agir de toute urgence, à appuyer les plans de l'APNQL et à entamer des discussions et des négociations de haut niveau avec nous pour que nous puissions atteindre nos objectifs. Les solutions que nous proposons sont en général conformes aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones rendues publiques il y a 10 ans. Aujourd'hui, toutefois, il faut se tourner vers l'avenir et, si le gouvernement fédéral a la volonté d'agir, c'est lui qui a le pouvoir d'améliorer nos conditions de vie.
En terminant, je note que le dernier « attendu » du projet de loi indique qu'il incombe au gouvernement du Canada d'honorer sa parole et ses engagements. L'APNQL ne s'oppose pas officiellement aux engagements pris dans l'Accord de Kelowna, et surtout, nous espérons que le Parlement exigera du gouvernement qu'il remplisse son obligation à l'égard des premières nations et qu'il ne se contente pas de tenir ses promesses.
Merci beaucoup. Merci .
Merci, chef Picard.
Je cède maintenant la parole au grand chef Phil Fontaine de l'Assemblée des Premières nations.
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, comme vous pouvez le constater, j'ai apporté avec moi beaucoup de documents prouvant les faits relatifs à l'Accord de Kelowna. J'ai suivi de près les délibérations de votre comité et je suis heureux d'être ici pour répondre une fois pour toutes aux questions que vous pouvez avoir sur ce qui s'est passé à Kelowna il y a un an.
Je vais vous montrer qu'il existe véritablement un plan, un plan clair comprenant des mesures détaillées, des indicateurs et des mécanismes de reddition de comptes; qu'un engagement ferme, national et public a été pris; qu'on a prévu un processus clair de mise en oeuvre et que, en effet, ce plan s'accompagnait de sommes d'argent. Je vous montrerai hors de tout doute raisonnable que ce sont là les faits.
Toutefois, ce n'est pas pour cela que je suis ici aujourd'hui. Je suis ici pour prier instamment le Parlement de collaborer avec nous, de reconnaître la gravité de la situation de notre peuple, de créer des débouchés, de redonner espoir et de rendre justice aux premières nations et à tout le Canada.
Je commencerai par répondre aux questions qui ont été soulevées.
On vous a dit que l'Accord de Kelowna avait été bâclé à la veille des dernières élections. Je suis personnellement indigné par cette affirmation, tout comme tous les autres chefs des premières nations. En fait, l'Accord de Kelowna représentait la réponse des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à une très longue série d'événements, de démarches et d'interventions.
Dès le début de 2004, à la première table ronde, les premières nations ont déposé des plans d'action précis sur des enjeux clés. Ces plans ont été peaufinés dans le cadre de nos propres forums nationaux de politiques et assemblées de chef, ainsi que lors de rencontres avec les gouvernements. Nos travaux ont été officiellement déposés et ont mené à notre inclusion à la conférence des premiers ministres sur la Santé, à l'automne 2004. En juillet 2005, j'ai moi-même, au nom de tous les gouvernements autochtones, lancé un défi pour que l'écart dans nos conditions de vie soit comblé d'ici 10 ans.
Je dépose auprès du comité un historique détaillé de ce processus. C'est une liste de 11 pages des principaux événements, rencontres et mesures s'inscrivant dans une démarche prudente et délibérée qui a précédé la conférence des premiers ministres à Kelowna.
J'ajoute deux événements importants qui ont suivi cette conférence. Premièrement, l'honorable ministre Jim Prentice a assisté, à titre de porte-parole du Parti conservateur, à l'assemblée spéciale des chefs de décembre 2005. À cette réunion, il s'est clairement et explicitement engagé à appuyer les objectifs et résultats de l'Accord de Kelowna. Puis, le 18 janvier 2006, les chefs régionaux Angus Toulouse de l'Ontario et Rick Simon de la côte Est et moi-même avons rencontré M. Prentice à l'aéroport d'Ottawa. Encore une fois, M. Prentice a reconnu l'importance de l'Accord de Kelowna et s'est engagé à faire en sorte que cet accord donne des résultats concrets. Il m'a même dit sans équivoque que le Parti conservateur, s'il accédait au pouvoir, ne mettrait pas l'accord en veilleuse ni tous les efforts qui avaient mené à l'Accord de Kelowna.
Deuxièmement, on vous a dit que l'accord ne comportait aucun détail, aucun plan concret. Je remets au comité en guise de preuve cette liste de quatre pages de documents clés. J'ai aussi apporté avec moi le plan d'action détaillé. J'ai déjà fait mention des résultats précis des séances de négociations, des plans concrets de mise en oeuvre, de surveillance et d'évaluation, ainsi que du plan de reddition de comptes et des rapports.
Troisièmement, on a fait valoir que parce que cet accord n'avait pas été signé, il n'y avait pas eu d'accord comme tel ni de consensus. Je signale que, d'après les informations que j'ai obtenues du Secrétariat des conférences intergouvernementales du Canada, il y a eu 78 conférences des premiers ministres et bon nombre d'entre elles n'ont produit aucun document. Certaines se sont soldées par un simple communiqué de presse. Seul un très petit nombre de ces conférences ont donné lieu à une entente signée. Pourtant, dans presque tous les cas, on a pris un engagement clair et on s'est engagé à prendre les mesures pour y donner suite.
À Kelowna, bien des documents ont été produits, y compris un communiqué, l'accord de mise en oeuvre de l'Assemblée des Premières nations et du gouvernement du Canada, le plan de mise en oeuvre des premières nations, un document décrivant les engagements financiers du gouvernement fédéral et l'accord de transformation pour le changement intervenu avec la Colombie-Britannique, qui devait être le premier de nombreux autres accords semblables au niveau provincial-territorial visant à lancer des initiatives adaptées aux circonstances particulières de chaque région. Je note aussi l'accord sur l'éducation qu'ont signé Ottawa et la Colombie-Britannique en présence des chefs des premières nations et qui découlait directement de l'Accord de Kelowna.
Je ne peux m'empêcher de me demander ce que notre peuple pense de toutes ces questions qui sont soulevées. Est-ce que vous, les parlementaires, voulez véritablement dire aux premières nations et à tous les Canadiens que, même si tous les gouvernements du pays prennent un engagement en public, à la télévision nationale, cela ne signifie rien à moins qu'ils ne signent publiquement un accord? Je ne peux croire que c'est là votre intention.
On a aussi présenté de façon inexacte l'absence de certaines premières nations à Kelowna. En fait, certaines premières nations estimaient que l'Accord de Kelowna n'allait pas assez loin, mais presque toutes les premières nations appuient les résultats de cette conférence et considèrent qu'ils constituent des exigences minimales.
Certains ont aussi fait valoir qu'il n'y avait pas de plan financier. Je crois que des témoins que vous avez déjà entendus en ont traité, mais j'aimerais aujourd'hui déposer une lettre du ministre des Finances de l'époque, ainsi qu'un document qui confirme ces engagements.
On a aussi soulevé des questions quant à l'absence de reddition de comptes sur les objectifs de l'Accord de Kelowna. Encore une fois, à ce sujet, les faits sont clairs. Un ensemble exhaustif d'indicateurs visant à mesurer les progrès a fait l'objet de discussions dans un groupe de travail qui a aussi déposé une ébauche de rapport. Des engagements ont été pris dans le cadre d'une initiative commune de responsabilité. De plus, des ressources précises devaient être consacrées à la reddition de comptes et aux indicateurs.
Mesdames et messieurs, si l'Accord de Kelowna soulève d'autres questions, permettez-moi de vous renvoyer au résumé très utile qu'a produit la Bibliothèque du Parlement, votre propre institution, et de vous suggérer de profiter des informations qui sont à votre disposition.
J'en arrive enfin à notre plan, le plan d'action des premières nations. Ce travail avait été amorcé bien avant la l'Accord de Kelowna et se poursuit encore. En fait, ce travail ne pourra jamais cesser et ne cessera jamais. Notre plan d'action, le plan d'action des premières nations, est un appel à agir de toute urgence pour régler la situation de crise qui prévaut dans nos collectivités. Ce plan est un énoncé clair et concis des mesures qui doivent être prises. Il illustre aussi très bien comment cela doit se réaliser et quels sont les résultats escomptés.
Notre plan n'est pas statique. Nous ne nous sommes pas arrêtés après la conférence de Kelowna, parce qu'elle constituait plutôt le début, un jalon important pour la route vers la prise en compte pleine et entière des premières nations vivant hors réserve et dans les zones urbaines. L'Accord de Kelowna, c'est important de le souligner, a néanmoins servi de vision collective de ce vers quoi nous nous dirigeons.
Le plan des premières nations vise à créer des débouchés et à garantir l'avenir de notre peuple. Il comprend quatre volets : gouverner nos terres, nos ressources et nos communautés—affirmer nos droits et nos compétences; obtenir l'équité et notre juste part—faire appliquer les traités; renforcer les communautés des premières nations—diminuer la pauvreté, et assurer des possibilités aux premières nations au Canada et sur la scène internationale.
Des priorités claires ont été établies pour chacun de ces volets. Nous avons aussi établi avec soin un cadre d'élaboration des politiques et proposons un modèle équilibré et cohérent. Ce modèle se caractérise par la viabilité en équilibre avec le changement structurel. Les processus clés sont le plein engagement des premières nations, les accords trilatéraux entre les premières nations et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et les principaux mécanismes pour l'atteinte de résultats comprennent des projets régionaux pour l'innovation et des mesures de rendement.
Le plan d'action des premières nations reflète une perspective holistique et une ligne de conduite précise. Nous avons appliqué ce cadre à tous les enjeux socio-économiques touchant nos collectivités et nous avons produit des plans sectoriels détaillés. Le plan renvoie aussi à la relation qui existe entre les premières nations et la Couronne fédérale par le biais de la reconnaissance de l'établissement de gouvernements autochtones.
Nous avons conclu que les trois étapes essentielles sont les suivantes: premièrement, la création de processus communautaires et de capacités permettant d'aboutir à la mise en oeuvre de gouvernements des Premières nations compétents; deuxièmement, la réforme des politiques visant à assurer l'avancement des gouvernements des premières nations, y compris celles concernant les revendications, l'application des traités et l'autonomie gouvernementale, et, troisièmement, les changements structuraux et à l'appareil gouvernemental, y compris un rôle moindre pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada, qui dorénavant serait un simple prestateur de programmes, ainsi que la création d'un nouveau ministères des relations autochtones, d'un bureau du commissaire au traité, d'un bureau des relations financières, d'un vérificateur général des premières nations, d'un bureau de l'ombudsman des premières nations et d'un tribunal des droits autochtones et issus de traité.
Chef Fontaine, vous avez déjà pris plus de 10 minutes. Je vais vous permettre de continuer si vous avez presque terminé...
Merci.
Mesdames et messieurs les membres du comité, les faits sont clairs. Le plan est clair et la nécessité d'agir l'est aussi. Nous avons tous la responsabilité et le pouvoir d'agir. Je suis très fier du travail que nous avons accompli—nous, les chefs autochtones—pour produire des plans détaillés, engager des dialogues avec les gouvernements du pays et ouvrir la voie en dépit des nombreux obstacles qui s'y trouvaient. L'Accord de Kelowna fait partie de ce travail.
Le temps est venu de cesser de s'interroger et de se mettre au travail. Notre peuple, nos enfants, ne doivent plus souffrir de l'inaction des gouvernements. La pauvreté, l'iniquité et l'injustice ne peuvent plus être tolérées.
Plus précisément, je demande respectueusement aux membres du comité d'encourager vivement le gouvernement du Canada à honorer l'Accord de Kelowna et à prendre trois mesures préliminaires : premièrement, convoquez immédiatement une conférence fédérale, provinciale et territoriale des ministres des Affaires autochtones; deuxièmement, supprimez les plafonds injustes de financement des services et programmes de base pour les premières nations et s'engager à financer ces services et ces programmes en fonction des véritables générateurs de coûts, notamment la population et l'inflation; et, troisièmement, donnez aux bureaux régionaux du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada et de Santé Canada le mandat de tenir des discussions multilatérales pour établir les cibles.
L'honorable ministre, M. Prentice, a affirmé être prêt à retrousser ses manches et à se mettre au travail. Ce dossier est le plus grand enjeu de justice sociale au pays. Le temps est venu pour le gouvernement, pour le Parlement tout entier, de prendre position, de travailler avec nous et non pas contre nous et de se joindre à une vision, un plan et un engagement qui mèneront à un véritable changement.
Merci.
Merci, monsieur le président.
[Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
Merci de nous avoir invités.
Avant de commencer, j'aimerais faire une observation. Je vois de nombreux leaders autour de cette table et cela est révélateur. Nous sommes ici, encore une fois, pour parler d'une situation très grave, la situation de notre peuple et de nos collectivités. Si la situation n'était pas grave à ce point, nous ne serions pas tous ici aujourd'hui. Je tenais simplement à souligner cela.
J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui au nom d'Inuit Tapiriit Kanatami, ITK.
Conformément à l'importance de l'avenir de l'Accord de Kelowna, j'ai rédigé un mémoire que j'aurais pu vous présenter, mais en raison du temps qui m'a été accordé, je vous en présenterai des extraits. Je demande toutefois au comité de considérer que le mémoire dans son intégralité fait partie du compte rendu.
Il y a encore beaucoup à faire pour définir un partenariat durable et dynamique entre les Inuits et la Couronne au sein du Canada, mais nous avons connu un départ prometteur. Moi, je n'oublie jamais que je suis à la fois Inuk et Canadienne. Je sais que les Canadiens de tout le pays savent que les peuples autochtones représentent une des caractéristiques de la société canadienne. Je sais que les Canadiens de tout le pays regrettent tout ce qui empêche et compromet l'unité et la solidarité entre les Autochtones et les non-Autochtones.
Quel Canadien n'est pas scandalisé de voir les logements insalubres décrépis et surpeuplés qui caractérisent trop de localités autochtones autant dans les régions du Sud que du Nord du pays? Quel Canadien ne sait pas que le reste du monde sait que notre pays, qui se classe régulièrement parmi les 12 premiers pays pour son niveau de vie tolère que, dans les localités autochtones, on inhale des vapeurs d'essence et on érige des barrages qui mènent à des affrontements?
Ces problèmes ne sont pas des problèmes autochtones. Ces enjeux ne sont pas des enjeux autochtones. Ce sont des problèmes canadiens qui nécessitent et méritent l'attention, l'énergie, la créativité et les ressources de nous tous, et surtout du Parlement du Canada.
J'en profite pour féliciter les députés de la Chambre des communes d'avoir renvoyé ce projet de loi au comité pour un examen détaillé. Le sort de l'Accord de Kelowna est trop important pour qu'on s'embourbe dans la politique à court terme. Le projet de loi C-292 est bien plus que le projet de loi d'un député. C'est la preuve qu'on a beaucoup exagéré la mort de l'Accord de Kelowna. L'Accord de Kelowna est encore bien vivant.
L'Accord de Kelowna, le point culminant de deux ans de travail accompli par 19 partis, a mené le gouvernement du Canada à s'engager à investir 5,1 milliards de dollars pour commencer—et j'insiste sur les mots « pour commencer »—à régler les problèmes de santé, d'éducation et de logement qui paralysent les peuples autochtones et qui font la honte de notre pays. J'ai été la facilitatrice inuite à toutes ces tables rondes et je sais donc pertinemment ce qu'on y a dit. La situation est essentiellement la même aujourd'hui. Très peu à changé.
Abandonner ses promesses sans offrir de solution de rechange, ce n'est pas prendre simplement un détour, mais bien reconnaître la défaite. Une attaque ciblée, financée par Ottawa, contre les problèmes sociaux qui assaillent les Autochtones est une nécessité, et non pas un luxe idéologique. Les graves lacunes dans le bien-être social et économique des Autochtones qui ont inspiré l'Accord de Kelowna ne se combleront pas d'elles-mêmes.
Du point de vue des Inuits, il y a quatre éléments clés qui font la force de Kelowna. Tout d'abord, l'accord part du principe que les écarts importants qui séparent les Autochtones des autres Canadiens dans le domaine de la santé, de l'éducation et du logement sont d'une importance fondamentale, tant pour les Autochtones que pour les autres Canadiens, et le soin de combler ces écarts est une responsabilité partagée.
Deuxièmement, l'accord reconnaît que pour réaliser des progrès en vue de combler ces écarts, il ne faut pas viser un modèle unique qui conviendrait à tous.
Troisièmement, l'accord de Kelowna comportait des plans d'action bien étayés en vue de réaliser des progrès dans les domaines d'importance cruciale que sont la santé, l'éducation et le logement. Malheureusement, un certain nombre de mythes ont surgi relativement à l'accord de Kelowna, notamment le mythe voulant que l'accord tout entier ait en quelque sorte été élaboré dans les coulisses sans que les faits, les chiffres ou la raison y aient été pour quoi que ce soit. C'est faux. L'accord et les plans d'action qu'il comporte sont le fruit d'un effort multipartite qui s'est déroulé sur plusieurs années et qui a été caractérisé par des discussions vives, intensives et informées sur les options et les priorités.
Enfin, l'accord de Kelowna fixait des résultats ciblés à atteindre et prévoyait un niveau élevé de reddition de comptes publics en ce qui concerne l'évaluation des progrès réalisés en vue de l'atteinte de ces résultats.
Permettez-moi de vous donner quelques faits qui illustrent les graves problèmes sociaux avec lesquels les Inuits sont aux prises. L'espérance de vie moyenne des femmes inuites est inférieure de 14 ans à l'espérance de vie moyenne des femmes canadiennes. Le taux de tuberculose chez les Inuits sont 70 fois plus élevés que chez la population canadienne. Les données statistiques montrent qu'il y a des écarts semblables dans le domaine du logement et de l'éducation. Ainsi, en 2001, 68 p. 100 des Inuits du Nunavik, ma région, vivaient dans des logements surpeuplés; au Nunavut, la proportion était de 54 p. 100; dans la région d'Inuvialuit, elle était de 35 p. 100; et au Labrador, elle était de 28 p. 100. La moyenne canadienne, par contre, était d'environ 7 p. 100.
Le processus qui a conduit à l'accord de Kelowna n'a pas cherché à esquiver ces réalités douloureuses. Il s'y est plutôt attaqué de front en établissant des plans d'action.
Les Inuits forment une petite population au Canada. Nous ne sommes qu'environ 55 000. Pourtant, nous occupons une très forte proportion de la superficie terrestre et marine du Canada. Les défis sur le plan de la prestation et des services sont de taille, mais ils ne sont pas insurmontables. Ainsi, la santé mentale est un sérieux problème chez les Inuits. Même si le counselling aux personnes en situation de crise est inclus dans le programme fédéral des services de santé non assurés, les Inuits ont du mal à se prévaloir de ce service. L'accroissement annuel des inducteurs de coût pour les programmes de santé à l'intention des Inuits est évalué à 14 p. 100, mais Santé Canada est aux prises avec un plafond de 3 p. 100.
L'accord de Kelowna reconnaît en toute honnêteté que, dans une économie fondée sur l'argent, l'argent n'est peut-être pas la solution à tous les problèmes sociaux, mais l'absence d'investissements ciblés et imaginatifs dans l'infrastructure et les programmes sociaux garantira que ces problèmes persisteront.
Le chef national a parlé du plan d'action des premières nations. Les Inuits ont aussi leur plan d'action. Nos régions ont élaboré ensemble ce plan d'action national que nous avons présenté au gouvernement du Canada. Nous discutons avec le gouvernement du Canada de la façon de le mettre en oeuvre.
J'aimerais vous parler d'un autre aspect de la mise en oeuvre de l'accord de Kelowna. Il a beaucoup été question ces dernières années, dans les tribunaux et ailleurs, de l'honneur de la Couronne et de la façon dont l'honneur de la Couronne se trouve engagé lorsque la Couronne, qui représente la population du Canada, traite avec les peuples autochtones. Pour les Inuits — et je crois que cela vaut également pour l'ensemble des Canadiens — se comporter de façon honorable, c'est d'abord et avant tout tenir parole. Or, la parole qui a été engagée à Kelowna par la partie fédérale n'était pas celle d'un particulier ou d'un parti politique en particulier. C'était la parole du premier ministre du Canada, du premier serviteur de la Couronne et de la population canadienne ainsi que d'un des gardiens par excellence de l'honneur de la Couronne et de la population canadienne.
Certains soutiennent que l'Accord de Kelowna peut être écarté parce qu'il n'a jamais été signé, mais cela est trompeur. Tout ceux qui étaient à Kelowna savaient bien que les engagements qui y ont été pris n'étaient pas censés constituer un contrat juridique, mais tout le monde était convaincu que ces engagements étaient porteurs d'une grande autorité politique et morale et qu'ils joueraient un rôle catalyseur.
Madame Simon, il vous reste une minute. Vous avez en fait dépassé vos 10 minutes, et si vous pouviez résumer, je vous en serais reconnaissante.
D'accord.
Il a beaucoup été question ces derniers temps de l'importance de faire de la responsabilité un thème central de la prise de décisions au niveau politique. J'incite vivement votre comité et tous les parlementaires à faire la preuve de leur engagement et à tenir parole à l'endroit des peuples autochtones du Canada. J'invite vivement votre comité et tous les parlementaires à faire la preuve de l'importance qu'ils accordent à l'unité et à la solidarité entre tous les Canadiens. J'incite vivement votre comité et tous les parlementaires à appuyer le projet de loi afin que ses dispositions fassent dorénavant partie de la loi au Canada.
Merci beaucoup pour votre attention.
Je m'appelle Rosemarie McPherson, et je suis accompagnée de Marc LeClair. Ensemble, nous allons représenter ici le Ralliement national des Métis.
Je tiens à remercier le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord d'avoir invité les trois organisations nationales qui représentent les premières nations, les Inuits et la nation métisse à présenter aujourd'hui leur point de vue sur le projet de loi C-292.
Le projet de loi d'initiative parlementaire du très honorable Paul Martin visant la mise en oeuvre de l'Accord de Kelowna revêt une importance fondamentale pour la nation métisse.
La nation métisse y accorde son appui inconditionnel afin d'assurer la mise en oeuvre de l'Accord de Kelowna. Ayant été au nombre des dirigeants métis qui ont eu le privilège de participer au processus qui a conduit à l'Accord de Kelowna et ayant été de ceux qui ont eu l'occasion de participer l'an dernier à la rencontre historique des premiers ministres, c'est là une question qui me tient beaucoup à coeur.
Permettez-moi de préciser d'entrée de jeu que le Ralliement national des Métis est représenté par des structures de gouvernance provinciale en Ontario et dans toutes les provinces de l'Ouest. Ces gouvernements métis régionaux comprennent la Fédération des Métis du Manitoba et les nations métisses de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Chacun de ces gouvernements tient une liste de membres ou un registre des citoyens, fondée sur notre définition nationale de la citoyenneté, et organise à intervalles réguliers des élections provinciales pour choisir ses dirigeants.
Fort de ces mandats, les gouvernements métis représentent les intérêts de leurs électeurs respectifs. Par ailleurs, ces gouvernements métis ont fait la preuve depuis longtemps de leur efficacité et de leurs responsabilités en ce qui concerne la prestation de programmes et de services à nos concitoyens dans les centres urbains, ruraux et isolés de tout le territoire de la nation métisse. Au total, les gouvernements métis administrent plus de 250 millions de dollars de fonds qui leur sont versés chaque année par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, de même que les revenus que leur rapportent leurs diverses initiatives de développement économique.
Ensemble, nos gouvernements régionaux forment le Ralliement national des Métis, qui a pour mandat de représenter la nation métisse au niveau national et international et qui est régie par un conseil des gouverneurs composé de six membres. Siègent à ce conseil les présidents des cinq gouvernements métis régionaux ainsi que notre président national élu. Les femmes de la nation métisse et les représentants du Conseil consultatif national des jeunes Métis participent également à toutes les réunions du Conseil des gouverneurs.
Nos structures de gouvernance sont l'expression contemporaine de la lutte que mène la nation métisse depuis plus de 100 ans pour faire reconnaître son droit à l'autodétermination au sein de la fédération canadienne. Notre histoire montre que avons systématiquement cherché à protéger nos droits, notre culture, notre langue et notre mode de vie au sein du Canada. Malheureusement, l'approche que suit depuis longtemps le Canada en ce qui concerne le peuple métis se caractérise par la négligence, l'aveuglement délibéré et le déni. Par conséquent, les Métis sont marginalisés par rapport à leurs terres et à leurs ressources et ils sentent que l'écart entre notre qualité de vie et celle des autres Canadiens s'est élargi.
Ces dernières années, cependant, les Métis ont vu de nombreux développements positifs qui donnent à penser qu'il pourrait y avoir un changement dans les rapports difficiles que nous avons eus jusqu'à maintenant avec le Canada. En 2003, dans l'arrêt R. c. Powley, la Cour suprême du Canada a affirmé notre existence en tant que peuple autochtone distinct et qui a des droits protégés par la Constitution. En mai 2005, nos dirigeants ont signé l'accord-cadre entre le Canada et la nation métisse qui engageait les deux parties à suivre un processus visant à résoudre beaucoup des problèmes de longue date qui rendent difficiles nos rapports avec le Canada.
Bien sûr, en novembre 2005, les Métis ont vu le gouvernement fédéral ainsi que les provinces et les territoires s'entendre pour mettre en oeuvre l'Accord de Kelowna en partenariat avec les peuples autochtones.
Afin que le comité comprenne bien l'importance du projet de loi C-292, la nation métisse estime qu'il faut comprendre ce qu'est l'Accord de Kelowna et ce qu'il n'est pas.
L'Accord de Kelowna est l'aboutissement de plus de 18 mois de consultation et d'efforts soutenus auxquels ont participé tous les paliers de gouvernement au Canada, y compris les gouvernements autochtones. Fait plus important encore, dans le cadre de ce processus, on a fait appel aux travailleurs des premières lignes, aux jeunes, aux leaders communautaires, aux experts et aux praticiens afin de solliciter les meilleures idées et solutions pour éliminer l'écart entre Autochtones et les autres Canadiens.
Les Métis, tout comme les autres peuples autochtones, ont participé à ce processus parce que nous croyions avoir entrepris un nouveau cheminement axé sur la collaboration avec les gouvernements, un cheminement où nos opinions et nos connaissances étaient reconnues, un cheminement où les gouvernements allaient travailler avec nous, un cheminement où, ensemble, nous allions établir des cibles et des objectifs et mesurer les résultats. Pour la nation métisse, l'Accord de Kelowna représente aussi un acte de foi en ce qui concerne les défis de longue date avec lesquels nous sommes aux prises.
Comme vous le savez, d'après la position juridique qu'il défend depuis longtemps, le gouvernement fédéral n'a aucune responsabilité à l'égard des Métis aux termes de l'article 124 de la Constitution de 1986. La position juridique des provinces est exactement à l'opposé de celle du gouvernement fédéral. Cette prise de position permet aux gouvernements de se renvoyer constamment la balle en ce qui concerne les Métis, ce qui n'est pas sans les arranger. Ainsi, les Métis se voient refuser les programmes et les services qui sont offerts aux autres peuples autochtones, si bien qu'ils perdent encore plus de terrain par rapport aux autres Canadiens et que, dans certains cas, ils perdent aussi du terrain par rapport aux autres peuples autochtones.
Avec l'Accord de Kelowna, au lieu de s'engager dans les querelles de compétence habituelles qui caractérisent les relations entre la Couronne et les Métis, les gouvernements et la nation métisse se sont entendus pour passer outre à ces obstacles juridiques en vue d'élaborer un programme d'action axé sur l'avenir afin de régler les défis socio-économiques particuliers avec lesquels les Métis sont aux prises. Avant l'Accord de Kelowna, lorsque les ministres de la Couronne répétaient comme toujours qu'ils souhaitaient régler d'abord les questions de compétence relatives au dossier métis, il n'y avait jamais aucun progrès. L'Accord de Kelowna constitue une solution partielle à cette impasse. Au lieu de pinailler et de nous en tenir à nos positions juridiques, nous avons plutôt concentré nos efforts sur ce que nous pouvions faire pour les gens. En termes simples, les participants au processus de Kelowna se sont frayé un chemin à travers l'impasse de compétence relativement aux Métis et ils ont travaillé avec les collectivités sur des initiatives et des processus propres aux Métis et qui permettraient de répondre à nos besoins à nous.
L'Accord de Kelowna, c'est aussi bien plus qu'un plan d'action pour éliminer l'écart entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. Cet accord est aussi un symbole d'espoir, de confiance, de respect et de compromis de la part de toutes les parties. C'est un effort pour réconcilier les revendications, les intérêts et les ambitions de la Couronne avec ceux des peuples autochtones. On ne saurait sous-estimer, par ailleurs, l'importance de faire en sorte que la Couronne respecte ses obligations envers les peuples autochtones dans le cadre de ce processus de réconciliation. Dans de nombreux arrêts, la Cour suprême a insisté sur le principe de départ voulant que la Couronne souhaite respecter ses promesses à l'endroit des peuples autochtones.
Si les parties à l'Accord de Kelowna renonçaient à leur parole, ce serait un nouveau symbole de déshonneur pour la Couronne, et cela ne ferait qu'aggraver le climat de méfiance entre la Couronne et les Autochtones. Il y a toute une génération de jeunes Autochtones qui vont grandir en sachant que, même si l'on voit les dirigeants autochtones aux côtés du premier ministre du Canada et de tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux s'entendre devant les caméras de télévision sur un plan d'action pour améliorer leur avenir, ils ne peuvent pas se fier à leur parole.
Cela n'est pas acceptable. Cela n'est pas honorable. Cela n'est pas compatible avec les valeurs canadiennes.
En outre, l'Accord de Kelowna, ce n'est pas l'affaire d'un homme, d'un gouvernement ou d'un parti politique. C'est plus que les personnes en cause ou leur héritage. C'est une promesse solennelle aux Autochtones par laquelle la Couronne s'est engagée à aller au-delà des doléances du passé afin d'améliorer la qualité de vie des premières nations, des Inuits et des Métis.
Les dirigeants de tout le pays et de toutes les allégeances politiques se sont entendus avec les dirigeants autochtones afin de tracer un nouveau chemin marqué au coin de l'espoir et de l'opportunité. L'accord ne devrait pas être politisé pour des raisons partisanes. Il faudrait plutôt l'épouser pour ce qu'il...
... c'est-à-dire un effort concerté pour redresser les circonstances honteuses avec lesquelles les peuples autochtones du Canada sont aux prises aujourd'hui.
Je n'ai même pas voulu parler du fait que, parce qu'il n'a pas été signé officiellement, l'Accord de Kelowna ne peut pas être mis en oeuvre. Les gouvernements prennent sans cesse des engagements politiques qui sont mis en oeuvre. La confiance du public l'exige. La relation de confiance particulière qui existe entre la Couronne et les peuples autochtones exige également que l'Accord de Kelowna soit mis en oeuvre.
Si les Autochtones ne peuvent pas compter sur la mise en oeuvre d'un document écrit sur lequel tous les paliers de gouvernement du Canada se sont entendus devant les caméras de télévision, à quoi pouvons-nous nous fier? L'honneur de la Couronne doit vouloir dire quelque chose. Sinon, que nous réserve l'avenir? Encore plus de litige, encore plus de gestes politiques sans lendemain et une génération entière qui aura perdu tout espoir. Cela n'est dans l'intérêt de personne.
Nous demandons à votre comité de tout faire pour que l'Accord de Kelowna ne devienne pas synonyme de l'incapacité de la Couronne à tenir ses promesses encore une fois. En votre qualité de député, il vous incombe à tous et chacun de veiller à ce que cette promesse soit respectée. La promesse de Kelowna, c'est plus que la promesse d'un ministre, d'un parti politique ou d'un gouvernement. Il appartient à la Couronne d'en assurer la mise en oeuvre.
Encore une fois, au nom de la nation métisse, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de nous entretenir avec lui aujourd'hui sur cette question d'importance nationale.
Merci.Meegwetch.
Merci à vous, madame McPherson.
Je constate qu'il y a un libéral de trop.
Madame Neville, je sais que vous allez partir.
Non, je ne pars pas, monsieur le président.
Mme Keeper ne s'est pas inscrite. Elle vient de se joindre à nous à la table.
Très bien. Je voulais simplement que le reste du comité en soit conscient.
Qui va commencer?
Madame Neville.
Pourriez-vous me le signaler quand cinq minutes se seront écoulées pour que je puisse partager les deux minutes qui restent avec M. Merasty?
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier tous et chacun d'être venus nous rencontrer ici aujourd'hui. J'estime que votre témoignage est important pour ce qui est d'établir ce que l'Accord de Kelowna et le processus qui y a conduit représentent pour chacune de vos organisations.
Je vais poser une question à chacun d'entre vous, puis j'aurai une question qui s'adressera plus particulièrement au chef national.
Quelles seront les pertes qui découleront d'après vous pour les premières nations, les Inuits et les Métis du non-respect de l'Accord de Kelowna ?
Quant à vous, monsieur le chef national, je vous demande de nous dire quel est d'après vous le rôle des gouvernements des premières nations dans la mise en oeuvre de l'accord.
Nous pourrions peut-être commencer par le chef national?
Merci beaucoup.
Nous sommes très circonspects pour ce qui est de nos déclarations relativement à Kelowna, y compris aux faits entourant l'accord de Kelowna, parce que nous voulons être justes envers toutes les parties concernées, y compris le gouvernement, dans nos interventions publiques. Nous savons qu'il ne s'agit pas uniquement de l'accord de Kelowna, puisque cet accord représente un engagement de 5,1 milliards de dollars. Il y aussi d'autres considérations, y compris le fait que nous sommes limités à un accroissement de 2 p. 100 pour nos programmes et services de base depuis 1996, si bien qu'il y a maintenant 10 ans... D'après nos estimations, nous avons perdu 10 milliards de dollars. Voilà ce que nous avons perdu en raison du plafond. C'est donc une considération importante dans ce que nous disons ici.
En ce qui concerne les 5 milliards de dollars, puisque nous parlons d'argent, le fait est que, d'après la Commission royale sur les peuples autochtones, le coût de la pauvreté s'élevait à 7,5 milliards de dollars en 1996. D'ici à 2016, si rien n'est fait pour enrayer la pauvreté, le coût s'élèverait aux alentours de 12 milliards de dollars. Alors, nous sommes importants, même si nous ne parlons que d'argent.
Pour ce qui est des espoirs perdus, comment pouvez-vous en mesurer la valeur en dollars? C'est presque impossible. Voilà ce avec quoi nous sommes aux prises. Nous ne devrions pas avoir à parler de la pauvreté et de ses conséquences pour nous; nous devrions parler de toutes les réalisations que nous comptons maintenant. Quand nous parlons de pauvreté, quand nous parlons des problèmes et de tous les maux qui frappent les collectivités des premières nations, le fardeau se trouve placé non pas tellement sur les épaules des dirigeants des premières nations mais sur celles de nos jeunes gens, de nos enfants. Il n'y a pas un enfant qui devrait avoir à assumer un tel fardeau. Nous estimons qu'il s'agit là du plus grand défi que notre pays doit relever.
Pour ce qui est du rôle des gouvernements des premières nations à l'échelle locale, des chefs et des conseils des premières nations, le processus de l'accord de Kelowna est important en ce sens que la mise en oeuvre devait se faire entièrement au niveau régional, c'est-à-dire au niveau des collectivités. À l'échelle nationale, nous aurions eu la responsabilité de nous occuper de suivre les progrès dans les collectivités et d'en faire rapport. Rien ne devait être imposé d'en haut; c'est au niveau des collectivités que tout devait se faire ou presque, y compris des collectivités dans les centres urbains.
J'ai la même question pour Mme Simon et pour Mme McPherson aussi, au sujet des pertes attribuables au fait que...
Très bien, alors passons. Nous allons poursuivre, puis c'est M. Merasty qui sera le premier à intervenir au prochain tour.
Merci.
Merci beaucoup pour votre question.
Tout comme le chef national... Il est très difficile de mesurer ce qu'on a perdu. Quand nous avons négocié avec les provinces et le gouvernement fédéral en vue de l'accord de Kelowna, nous avons pris acte de la situation qui prévaut dans nos collectivités. S'agissant du nombre d'étudiants qui terminent leurs études secondaires, des taux de suicide dans le Nord qui sont attribuables aux nombreux problèmes avec lesquels les jeunes de nos collectivités sont aux prises et des conditions avec lesquelles les familles doivent composer, sur le plan des services sociaux et des services de santé, il n'y a rien qui a changé en fait. Le montant de 5 milliards de dollars devait permettre de commencer à réduire l'écart. Il est très difficile de mesurer en dollars et en cents à ce moment-ci.
Le ministre a annoncé des mesures pour le logement au Nunavut. Je représente toutes les régions du Nord. Il y a le Nunavut, qui a sans doute la plus forte proportion de logements surpeuplés. Puis, il y a le Labrador. Même s'il ne semble pas y avoir autant de logements surpeuplés, l'état des logements au Labrador est très grave. Au Labrador, on ne semble pas avoir eu droit aux mêmes types de programmes de logements auxquels ont eu accès, par exemple, certaines collectivités du Nord. Je dois dire que cette annonce, même si elle a été très appréciée, ne répond même pas aux besoins du Nunavut ou des autres régions.
Je crois que l'autre aspect, à savoir l'intégrité et l'espoir qui se rattachait à l'annonce et la façon dont les gens voient cela aujourd'hui, est très important.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Merci à vous quatre d'être présents.
Comme je suis un représentant d'un parti politique qui n'aspire pas à prendre le pouvoir à Ottawa, on va se parler entre nous. Les députés d'en face et ceux qui sont de ce côté étaient au pouvoir à un certain moment important de la vie des Autochtones, des premières nations et des Inuits de ce pays.
J'ai plusieurs questions à poser et plusieurs remarques à faire, mais au départ, je dirai que ce que l'on vit aujourd'hui est assez cynique. Vous me permettrez de le signaler. Aujourd'hui, nous sommes le 21 novembre. Il y a exactement 10 ans, le rapport Erasmus-Dussault était déposé. Ce soir, je sais que l'Assemblée des premières nations va le souligner. Je tenais à le souligner parce que c'est drôle et ça ne l'est pas. Les conservateurs étaient au pouvoir lorsque le rapport Erasmus-Dussault a été demandé et obtenu; c'était l'époque du gouvernement Mulroney. C'est drôle et ça ne l'est pas. En 2005, à Kelowna, les libéraux qui étaient au pouvoir.
Je ne comprends pas certaines choses. Je vais vous en faire part et je veux obtenir des réponses assez brèves à mes questions. Je vais d'abord m'adresser à M. Picard.
Je sais que vous avez tenu une rencontre très importante. Je veux vous féliciter, au nom du comité et en mon nom personnel, du travail accompli à Mashteuiatsh. J'y étais pendant les trois jours, contrairement au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je peux vous dire qu'il s'est fait du travail. Cela a été extraordinaire. J'espère que vous pourrez, si on vous le demande, venir présenter les recommandations devant ce comité. Je ne sais pas si vous accepteriez de venir les présenter devant ce comité et de nous dire comment vous allez travailler, à partir de ces recommandations faites à la suite au forum socioéconomique de Mashteuiatsh.
Je vais vous laisser répondre à cela dans trois minutes.
Aujourd'hui, j'ai un problème. J'ai maintenant la confirmation, depuis 15 jours, avec la présence de M. Martin, de M. Goodale et de M. Scott, qu'on avait prévu, dans le budget du gouvernement, une somme additionnelle de 5,1 milliards de dollars au montant de 6,2 milliards de dollars dont disposait déjà le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ces sommes d'argent étaient prévues dans le budget.
Comment peut-on faire? Je connais tous les problèmes des premières nations, des Inuits et des Métis. Je vous jure que je les connais par coeur, parce que je les vis dans ma propre circonscription. Je veux savoir comment nous, qui sommes réunis ici autour de la table, pouvons aller chercher ces 5,1 milliards de dollars auxquels vous avez droit à la suite à l'Accord de Kelowna.
C'est ma seule question. J'aimerais que vous y répondiez rapidement, en commençant par M. Picard.
Merci beaucoup, monsieur Lemay.
Vous m'enlevez les mots de la bouche, car j'allais saisir l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour demander que le comité se saisisse du rapport du forum, une fois que les conclusions seront prêtes et que l'analyse sera complétée. Il est extrêmement important que nous puissions trouver une façon d'engager le gouvernement.
Quant à l'autre question que vous posez, j'aimerais y répondre par une autre question: combien de temps allons-nous nous prêter à ce jeu?
Je reprends un peu les paroles que Mme Simon a prononcées un peu plus tôt. Le nombre de fois que nous avons été convoqués, que nous avons comparu devant vos comités, les comités du Parlement, fait que la situation devient ridicule et injuste envers les communautés que nous sommes appelés à défendre. Je trouve cela tout à fait inacceptable, et c'est un peu ce qui a guidé notre région dans son positionnement par rapport à Kelowna, et non — je le précise encore une fois — contre les objectifs qui étaient poursuivis.
Vous êtes revenu tout à l'heure sur le rapport de la commission royale d'enquête déposé il y a 10 ans. On souligne son dixième anniversaire aujourd'hui. Il faudra se souvenir qu'à l'origine de cette commission, une situation prévalait au Québec, une situation qui non seulement allait dégénérer, mais qui a carrément dégénéré, une situation qui impliquait, à ce moment-là, l'État fédéral et la communauté de Kanesatake.
On peut retourner 20 ans, 30 ans, 40 ans en arrière et on trouvera ce genre de situation. Combien de temps nous satisferons-nous de ces épisodes qui nous rappellent que, finalement, il y a une injustice profonde au Canada, et qui se reflète dans perception du pays sur la scène mondiale. Je trouve cela tout à fait abominable. Il y a des leaders que je respecte beaucoup, qui ont fait des carrières à la défense de leurs communautés. Moi, je ne le fais que depuis 15 ans et je commence à être fatigué. Je pense qu'il faut que ça change.
[Traduction]
Au fait, nous n'avons malheureusement plus de temps pour une autre réponse, chef Fontaine.
Je vais donner la parole à Mme Crowder.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous et chacun d'entre vous d'être venus témoigner devant notre comité aujourd'hui. Je sais qu'il est difficile de devoir répéter des choses qui ont déjà été dites à de nombreuses reprises.
Je tiens également à remercier le chef Fontaine pour l'historique très détaillé qu'il nous a fait de ce qui a conduit à l'accord de Kelowna, car je pense que cela nous permet d'écarter l'idée que l'accord aurait été rédigé au dos d'une serviette dans quelque restaurant. La documentation très complète dont dispose le comité fait certainement état de cet historique.
Vous avez parlé du fait que l'accord prévoyant un changement transformationnel avait conduit à la signature d'un document ici en Colombie-Britannique, au nom du First Nations Leadership Council et du Sommet des premières nations. J'ai le document signé si cela intéresserait quelqu'un de le voir.
Je crois que ce qui me pose problème, c'est que dans une note d'information qui avait été adressée à l'actuel ministre lorsqu'il a assumé son portefeuille, on disait bien clairement que pour réaliser des progrès durables et réels, il faut trouver des façons entièrement nouvelles de faire les choses. On parlait des engagements relatifs à Kelowna. On disait qu'il fallait mettre l'accent sur les résultats et que les provinces et les territoires, les dirigeants des premières nations, des Métis et des Inuits étaient d'accord. Je crois qu'on y soulevait deux ou trois points.
Mme McPherson a fait remarquer que l'accord de Kelowna, c'était en quelque sorte un cheminement axé sur la collaboration, un cheminement collectif. Mme Simon a quant à elle parlé d'intégrité et d'honneur.
Or, il me semble que nous sommes maintenant en présence d'une certaine fragmentation. On nous annonce des politiques d'application particulière, si bien que c'est la fragmentation en ce qui concerne l'eau, en ce qui concerne le logement. Bien souvent, ces politiques ne s'adressent pas aux collectivités. Pikangikum, dont nous allons parler plus tard, ne figurait même pas sur la liste pour l'eau.
Il me semble que je vois poindre une grave différence sur le plan de l'orientation. L'accord de Kelowna, même s'il n'était pas parfait, était un pas dans la bonne voie qui nous amenait à reconnaître enfin, après tant d'années, qu'il nous faut traiter de nation à nation, mais nous assistons maintenant à un recul. Pourriez-vous nous dire si, à votre avis, l'accord de Kelowna était un pas de plus vers la reconnaissance du fait que nous devons traiter de nation à nation et si les mesures qui ont été prises depuis se trouvent à éroder cette reconnaissance?
Je ne m'adresse pas à un témoin en particulier.
D'accord. Merci. pour votre question.
L'heure n'est plus aux demi-mesures. Nous ne sommes pas venus ici vous supplier de nous donner 5,1 milliards de dollars ou des demi-mesures. Ce dont nous avons besoin, c'est que les parlementaires ici présents respectent leurs obligations en tant que parlementaires et en tant que Canadiens.
Il y a maintenant 30 ans que nous nous présentons devant vous. Nous avons conclu des accords avec le gouvernement conservateur à Charlottetown. Nous en avons conclus avec le gouvernement libéral. Nous faisons de notre mieux. Tous ces gens-là derrière moi, et beaucoup d'entre eux sont des vieux de la vieille, sont venus au Parlement pour demander aux parlementaires d'assumer leurs responsabilités.
Quel message transmettez-vous à ces jeunes qui font partie de gangs à Edmonton et à Winnipeg ou dans les autres régions du pays si vous ne respectez pas les promesses que vous faites publiquement? Voilà ce dont il est question ici.
Il ne s'agit pas ici de considérations partisanes, il ne s'agit pas du Parti conservateur ni du Parti libéral. Il ne s'agit pas de Paul Martin. Il s'agit de respecter les obligations qui ont été négociées avec les gens dans le cadre d'un processus politique qui est une source d'émerveillement pour le monde.
Faire marche arrière maintenant serait irresponsable, et le Parlement manquerait à ses obligations, obligations qu'il doit respecter.
Oui, j'en ai eu.
Tout d'abord, je ne veux pas rater l'occasion de signaler ce qui a été perdu. Le budget de 2006 contenait un engagement financier de 450 millions de dollars. Cela représente 100 millions de dollars pour l'exercice en cours et 350 millions de dollars pour le prochain.
Selon l'Accord de Kelowna, deux ans pourraient représenter 1,6 milliard de dollars. Si vous voulez mon avis, la perte est considérable quand on compare l'engagement financier pris dans le budget de 2006 et ce que prévoyait l'Accord de Kelowna.
Chef Fontaine, une des choses soulevées en comité est le fait que le gouvernement actuel dit avoir alloué davantage aux Autochtones dans son budget.
À mon avis, une partie des engagements pris dans le budget comprend des obligations légales auxquelles est tenu l'État fédéral. Je fais allusion en particulier à l'Accord de règlement final relatif aux pensionnats indiens. Cela représente 2,2 milliards de dollars.
Là, il serait injuste de ne pas saluer toutes les parties, y compris le gouvernement, d'avoir fait ce qui s'imposait, mais il ne s'agit pas d'un programme ou d'un service. Ce n'est pas non plus un investissement dans des programmes et des services. C'est un règlement en vertu d'une obligation légale, et la différence est énorme.
Or nous parlons de programmes et de services. Il y a une différence énorme entre ce que le budget de 2006 proposait et ce que nous avons réussi à obtenir en vertu de l'accord.
Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les témoins d'être venus rencontrer le comité aujourd'hui. Chef Fontaine, je voudrais aussi vous remercier à titre de Manitobain d'être venu ici aujourd'hui.
Voici ma première question: Avez-vous eu l'occasion de lire le projet de loi C-292?
D'accord.
Le projet de loi comporte trois parties, trois articles sur deux pages. Vous me corrigerez si je me trompe, mais je pense que le message principal contenu dans le projet de loi est celui qui se trouve à l'article 2, dont voici la teneur :
Le Gouvernement du Canada prend sans délai toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de...l'« Accord de Kelowna »...
Alors voici ma question: Comment notre gouvernement est-il censé mettre en oeuvre ce texte législatif alors qu'il semble difficile, du moins d'après moi, d'affirmer exactement ce qu'est l'Accord de Kelowna? Le projet de loi demande au gouvernement du Canada de mettre en oeuvre quelque chose qui a plusieurs définitions.
Je sais que vous avez une opinion sur ce qui a été réalisé lors de la rencontre des premiers ministres. Je pense que Mary Simon aussi, ainsi que tous les membres du comité, Rosemarie, Ghislain... Mais en tant que parlementaires, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte législatif qui nous exhorte, nous membres du gouvernement, à faire quelque chose. Or j'ai besoin de savoir comment est définie cette chose. Comment définir la partie du projet de loi, la partie mentionnée dans la partie I:
Le Gouvernement du Canada prend sans délai toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de... l'« Accord de Kelowna »...
Qu'est-ce que nous sommes censés mettre en oeuvre exactement?
Tout d'abord, pour ce qui concerne nos tentatives de compréhension de l'Accord de Kelowna et des détails qui l'entourent, la définition ne nous pose pas de problème. Il s'agissait d'un plan des premières nations, un plan que nous avions soumis aux premiers ministres fédéral et provinciaux pour les inviter à conjuguer leurs efforts aux nôtres en faveur de l'éradication de la pauvreté massive qui sévit dans nos collectivités. Le plan a été spécifique quant à sa mise en oeuvre. Il s'agissait de supprimer l'écart.
Jusqu'en 1996, l'écart de qualité de vie était en train de se refermer. En effet, un plafond de 2 p. 100 avait été intégré à nos programmes et services de base. À partir de cette période, et jusqu'à la rencontre de Kelowna, voire à ce jour, l'écart a commencé à se creuser. Bien entendu, cela signifie que la qualité de vie dans nos collectivités était en train de se détériorer et que nous devions prendre des mesures très précises et concrètes. Justement, l'Accord de Kelowna, ainsi que les plans en découlant, représentaient, à nos yeux, une réponse très précise à ce défi. C'est pourquoi nous avons apporté avec nous cette boîte de preuves, si vous me passez l'expression. Le but était d'indiquer en termes on ne peut plus clairs que nous n'avions pas discuté de généralités, mais bien de choses très précises.
Si le projet de loi C-292 a pour but de relancer tout le processus, pourquoi est-ce que nous nous y opposerions? Si l'objectif est moins que cela, alors, nous ne ferons qu'aggraver le problème.
C'est précisément ma question. Quel est le but de ce texte législatif? Le rôle de notre comité est d'examiner le projet de loi dont nous sommes saisis. C'est pourquoi nous vous avons convoqué à titre de témoin. Nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-292et c'est le noyau même de la question d'aujourd'hui. En quoi le projet précise-t-il la définition de l'Accord de Kelowna? Comme vous l'avez constaté, il n'y a pas de document concret auquel nous pourrions nous reporter pour dire que c'est l'accord.
L'accord de Charlottetown a été évoqué par M. LeClair. Ce document a été signé par plusieurs partis. Il n'a pas été approuvé, parce M. Elijah Harper, du Manitoba, avait décidé que les Autochtones n'étaient pas présents à la table des négociations et qu'ils n'avaient pas apposé leur signature à l'accord. Quoi qu'il en soit, un document concret a été signé et c'est ce qui aurait servi...
À titre d'exemple, si nous étions dans les années 90, nous aurions alors un projet de loi portant exécution de l'accord de Charlottetown. C'est là ma question. Qu'est-ce que nous joignons à ce projet de loi? Quel document concret accompagnera le projet de loi?
Tout d'abord, l'action d'Elijah Harper n'avait pas été prise contre l'accord de Charlottetown. C'était dans le cadre de l'Accord du lac Meech, et le fait que l'Accord du lac Meech...
Oui. L'Accord du lac Meech était , d'après nous, un déni du caractère distinct de notre peuple. On nous avait dit que notre tour allait venir plus tard, mais qu'il fallait d'abord régler la question québécoise.
Elijah s'était inscrit en faux contre cela, et nous partagions son point de vue, car nous sommes les nations fondatrices de ce pays et qu'ils...
Mais ne seriez-vous pas d'accord avec moi pour dire que l'Accord du lac Meech était un accord associé à un document comportant des pages signées, et que c'est ce qui aurait servi de base à la mise en oeuvre?
Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais je dis simplement que nous sommes aux prises avec un problème qui tient au fait qu'il n'existe pas de document concret associé au projet de loi.
Tout d'abord, merci beaucoup à tous. Vos exposés étaient excellents.
J'ai une question à laquelle vous répondrez par un oui ou un non et peut-être une autre question après cela. Je vais partager aussi mon temps avec mon collègue.
En deux mots, le gouvernement conservateur affirme que l'Accord de Kelowna n'existe pas. Je crois que nous venons tout juste de l'entendre dans le cadre de mes questions, il n'y a pas d'accord signé, par conséquent, il n'y a rien à mettre en oeuvre.
Je suis d'avis que l'actuel gouvernement n'a pas non plus d'accord signé pour dépenser des crédits publics importants pour démanteler la Commission canadienne du blé. Il n'avait pas d'accord signé non plus pour imposer les fiducies de revenu. Dans les deux cas, il est allé de l'avant quand même.
De notre côté, nous avons des accords écrits pour le Rescol autochtone, les programmes s'adressant aux femmes autochtones, les programmes linguistiques et autres—et si on a des accords signés, on les annule de toute façon. Je crois donc, et je paraphrase ici le chef Stewart Phillip de la Colombie-Britannique, essentiellement, que l'actuel gouvernement, parce qu'il a un coeur de bois et un sourire de bois, n'a aucune intention de mettre en oeuvre l'Accord de Kelowna. L'argument qu'il invoque pour cela est faux.
Donc revenons à la question, oui ou non. Je crois fermement—et je le sais parce que j'ai parcouru le pays et aussi parce que j'en ai parlé au téléphone avec des gens partout au pays, des gens des Premières nations, des Métis et des Inuits—qu'une promesse a été faite, et c'est l'Accord de Kelowna, et que le gouvernement n'a pas tenu cette promesse. Êtes-vous d'accord?
Je vois des hochements de tête de l'autre côté qui me disent « oui ».
Croyez-vous que l'Accord de Kelowna aurait pu remédier à la pauvreté autochtone dans un sens fondamental et positif? Est-ce qu'on aurait commencé ainsi à changer les choses, fondamentalement? Cette question s'adresse également à tous.
Tout d'abord, l'Accord de Kelowna doit être vue pour ce qu'il comptait faire et pour ce qu'il était. Il s'agissait en fait d'un investissement, de la part de tout le pays, en vue de remédier au problème de justice sociale le plus important du pays, à savoir la pauvreté chez les premières nations. On investissait ici dans notre avenir. Il était enfin loisible à notre pays de tourner la page en ce qui concerne notre situation, et ce n'était qu'un début. C'était censé être le premier investissement dans une série d'investissements que le pays s'était engagé à faire pour remédier à cette situation.
Le problème ici tient simplement au fait que nous vivons dans un des pays les plus riches du monde et qu'il n'y a absolument rien qui justifie la pauvreté qui accable les Premières nations—absolument rien. Rien ne justifie le fait que nous n'ayons pas de logements décents, le fait qu'il y a près de 200 communautés autochtones où un avis d'ébullition d'eau est en vigueur, le fait que nous n'ayons pas accès à des soins de santé de qualité ni le fait que nous ne pouvons pas scolariser nos enfants dans de bonnes écoles—c'est tout cela.
Je n'avais pas eu la possibilité de répondre, et je serai très brève.
Je pense que M. Bruinooge pose une question très importante. Je crois que si le gouvernement honorait l'Accord de Kelowna, nous n'aurions pas besoin du projet de loi C-292. Ça ne serait pas nécessaire. Le projet de loi C-292 ne fait pas état de tous les détails de l'Accord de Kelowna, mais il dit bien que les engagements pris à Kelowna doivent être honorés.
Les gens mentionnent le fait qu'il n'a pas été signé. Dans cette trousse de documents, vous allez probablement trouver des documents qui ont été négociés par les représentants des premières nations, des Inuits, des Métis et des sous-ministres ainsi que des sous-ministres adjoints du gouvernement. Il y a un plan pour la santé. Il y a d'autres documents qui esquissent les rapports qui fonderont le partenariat envisagé dans l'Accord de Kelowna. Comme d'habitude, tout serait négocié entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.
Nous avons toujours été très réceptif à la négociation de nouveaux accords. Il n'y a donc aucune raison, si le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre l'Accord de Kelowna, pour lesquels nous ne pourrions pas poursuivre les discussions sur le genre d'initiatives qu'il faut pour mettre en oeuvre le financement qui a été approuvé, même si nous avons identifié nous-mêmes bon nombre des problèmes qui se posent. Il y a des recommandations très précises dans les rapports qui émanent des tables rondes, où l'on trouvait des représentants de tous les secteurs et, dans notre cas, de la communauté inuite. Il y a des recommandations très précises sur l'éducation et l'édification de programmes scolaires. Il y a beaucoup de choses, pour ainsi dire, auxquelles il ne serait pas très difficile de donner suite si c'est cela qu'il faudrait faire.
Merci.
Nous allons maintenant passer à la députation gouvernementale, s'il vous plaît. Qui va intervenir?
Monsieur Blaney.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venus nous rencontrer ce matin. Votre présence est appréciée et démontre l'importance que vous attachez à améliorer les conditions des premières nations.
Je remercie plus particulièrement le chef Picard d'être présent ce matin, puisque j'ai participé, avec lui, au Forum socioéconomique des premières nations à Mashteuiatsh, forum au cours duquel notre gouvernement a signé un protocole en vue de transférer aux Autochtones la responsabilité de l'éducation de leurs communautés.
La problématique du logement a également été abordée. Un comité et des mécanismes de suivi ont été établis. Une rencontre est prévue au printemps.
À cet égard, je pense que l'idée de mon collègue Lemay de vous donner l'occasion de partager avec nous les réflexions du forum est brillante. Je pense que c'est dans notre intérêt à tous. J'appuie entièrement cette idée, comme j'appuie les principes qui sont évoqués ce matin pour éliminer la pauvreté, non seulement dans les communautés autochtones, mais dans tout le pays.
C'est difficile de revenir là-dessus en trois minutes. J'aurais quelques questions pour le chef Picard. Avez-vous participé aux rencontres préparatoires menant à la rencontre des premiers ministres à Kelowna?
Avez-vous été impliqué dans le processus de répartition? On avait convenu d'un montant. Avez-vous été impliqué dans la détermination des montants qui seraient attribués pour les premières nations du Québec?
D'accord.
Est-ce que le Québec s'était engagé, à Kelowna, à participer financièrement à l'amélioration des conditions de vie des communautés?
Le Canada et les provinces ont dit qu'il y avait eu un accord, mais lors de cette rencontre des premiers ministres à Kelowna, le Québec s'était-il engagé envers les communautés Autochtones, sur le plan financier?
Ce qui n'a pas été le cas à Mashteuiatsh, où le gouvernement du Québec a pris plusieurs engagements.
Dans votre allocution, vous avez dit que le système de juridiction en matière de logement ne fonctionne pas. Vous proposez des changements. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
On sait déjà qu'il y a un écart important en matière de logement, puisque qu'on a fait la démonstration que les chiffres qui ont été donnés sont déjà là. Nous disons que si cette responsabilité était transférée directement aux premières nations, avec les crédits qui y sont associés, la gestion des programmes en matière de logement serait sûrement meilleure.
Donc, il faudrait non seulement un financement additionnel, mais il faudrait aussi apporter des changements à la méthode de transfert des fonds aux premières nations.
En fait, tout cela fait partie de notre démarche vers la mise en place éventuelle d'un gouvernement autonome.
D'accord.
[Traduction]
J'aimerais poser une question au chef Fontaine.
Chef, vous avez mentionné plusieurs fois ce matin cet écart qui est un fardeau pour les premières nations. Comment définissez-vous cet écart? Vous avez dit que depuis 1986, on a créé un écart de 10 milliards de dollars. Quel rapport y a-t-il entre cet écart et les discussions qui ont eu lieu à Kelowna? En ce qui concerne cet écart, quelle difficultés entrevoyez-vous pour les premières nations? Vous voudrez peut-être répondre à cette question.
Tout d'abord, je tiens à profiter de cette occasion pour réfuter respectueusement, si je puis dire, cette fausse conception que l'on a à l'égard de Kelowna et cette idée selon laquelle, si l'on veut que l'Accord de Kelowna prenne effet, il faut qu'il y ait un document signé. J'ai fait remarquer dans mon exposé qu'il y avait eu 78 rencontres entre premiers ministres. Seulement six d'entre elles ont débouché sur un document signé.
Ce qui est évident ici, c'est qu'on en exige davantage de nous. C'est totalement injuste de dire que parce qu'il n'y a pas de document signé, ça ne tient pas, même si un engagement a été pris d'une manière transparente devant le pays tout entier—et qu'il faut qu'il y ait des signatures de 14 juridictions pour donner effet à ces engagements très importants.
Nous ne sommes pas venus ici pour jouer le jeu politique, pour accabler ou encenser tel ou tel parti. Nous sommes ici parce que nous sommes aux prises avec le plus grand défi que notre pays a...
Une voix: C'est vrai.
Le chef Phil Fontaine: Et je parle de la pauvreté chez les premières nations et des solutions qu'il faut y apporter. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, et non pour nous livrer à ce jeu très partisan. Je ne suis pas venu ici pour accabler qui que ce soit. Je suis venu ici parce que je crois que nous pouvons faire un certain bien ensemble. C'est aussi simple que cela.
Merci, monsieur Blaney.
Malheureusement, nous n'avons plus de temps. Nous allons maintenant passer au Bloc.
Monsieur Lévesque, s'il vous plaît.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Merci de vous êtes présentés ici aujourd'hui. Je suis très heureux de vous rencontrer de nouveau, même si, de l'avis de Mme Simon, c'est devenu une habitude peut-être trop fréquente que de devoir vous présenter. De toute façon, il me fait toujours plaisir de vous voir.
Monsieur Picard, vous avez mentionné à un moment donné qu'il manquait 8 800 unités de logement. Je suppose que cela vise le Québec seulement. Je me demande si cela inclut aussi les 800 unités de logement du Nunavik.
Avant de vous permettre de répondre à ma question, je veux dire que ce qui me dépasse ici, au Canada, c'est de voir qu'on fait venir des immigrants d'un peu partout pour satisfaire à des besoins économiques et que l'on adopte des lois pour respecter la culture des gens de différentes nationalités qui viennent vivre au Canada, alors qu'on oublie de faire vivre nos propres nations et qu'on oublie de les former. On parle d'éducation avant de parler de logement et on sait très bien que tant que les enfants n'auront pas une maison pour étudier et dormir, il sera difficile pour eux d'aller à l'école, premièrement, et de réussir leurs études, deuxièmement.
La grande question qui a été posée tout à l'heure et à laquelle mon collègue voulait en venir est celle-ci: êtes-vous d'accord pour reconnaître que l'Accord de Kelowna était, pour les premières nations, un accord de nation à nation?
J'aimerais que vous répondiez à tour de rôle. Monsieur Picard, vous aviez fourni un élément de réponse, mais quand M. Fontaine a tenté de répondre à la question à son tour, le temps était écoulé. J'aimerais donc que vous puissiez tous les deux répondre à tour de rôle à ma question et que vous nous fassiez part de votre opinion sur cet accord.
D'abord, j'apporterai une précision à la question des logements. Les données que nous avons validées reflètent les besoins en matière de logement pour les premières nations uniquement, même si on sait que la partie inuite a quand même pris part au débat dans le cadre du Forum socioéconomique. D'ailleurs, Mme Simon disait un peu plus tôt qu'en matière de logement, les besoins sont là également. La démonstration est facile à faire.
Cela dit, en ce qui concerne la relation politique — et on parle vraiment de la relation politique entre l'État fédéral et les premières nations que nous représentons —, je pense qu'il n'en tient qu'à nous, à ce moment-ci, de donner pleine définition à ce concept. Nous nous reconnaissons comme telle, comme nation, et je pense que là où il y a un bout de chemin à faire, c'est de la part du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec, chaque fois que l'occasion s'y prête, la saisit pour se présenter comme étant le seul gouvernement au pays à être allé aussi loin, en adoptant, en 1985, une résolution à l'Assemblée nationale qui reconnaît les nations autochtones au Québec.
Cela étant dit, entre une telle déclaration, une telle reconnaissance et la mise en pratique, la mise en oeuvre d'une telle résolution, il y a aussi un bout de chemin à faire, et c'est peut-être ce qu'on n'a pas encore atteint comme idéal.
[Traduction]
Je crois que le processus lui-même, que les négociations qui nous ont conduits à Kelowna...n'étaient en rien différentes des négociations qui avaient eu lieu entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Étant donné la nature des changements dans les négociations, les organisations et les gouvernements ont pris les choses au pied de la lettre. D'où la grande clarté relativement à la nature et à l'ampleur des engagements qui ont été pris à Kelowna, entre autres au niveau des chiffres.
Les chiffres de l'Accord de Kelowna ont peut-être été présentés tardivement dans le processus, lorsqu'il a fallu déterminer exactement combien il en coûterait pour mettre en oeuvre ces engagements, mais les engagements eux-mêmes, dans les textes qui ont été négociés, ont été négociés comme s'il s'agissait de négociations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. Cela a été fait dans un cadre transparent. Il n'y avait pas de cachette pour qui que ce soit. Les discussions ont eu lieu. Des compromis ont été faits. Au bout du compte, un accord a été conclu. Le greffier vous le confirmera. Tous les hauts fonctionnaires qui ont pris part au processus confirmeront que ces négociations étaient transparentes et que chaque mot qu'il y avait dans ces textes avait un sens.
Poursuivons, Rob a posé une question sur la nature des engagements dont il est fait état dans le projet de loi. Je crois que Mme Simon a parfaitement raison. Je crois que ce projet de loi ne serait pas nécessaire si le gouvernement réexaminait sérieusement le dossier.
Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier tous les témoins que nous avons entendus ce matin, et je veux m'entretenir avec Mme Simon pendant quelques instants.
Vous auriez dit récemment, et je cite : « Nous ne sommes pas du tout obligés de l'appeler l'Accord de Kelowna. On pourrait lui donner un nom totalement différent. La situation ne change pas. Les besoins sont là. » Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet, et je comprends votre irritation. En fait, je partage même votre irritation. En fait, à la dernière séance, j'ai dit à l'ancien premier ministre que je tenais à siéger à ce comité parce que je me préoccupe vivement des besoins de tous les peuples autochtones, et je veux que ce dossier avance.
Je crois que le gouvernement fédéral croit résolument dans les principes qui animent l'Accord de Kelowna pour ce qui est de combler les écarts et de répondre aux besoins relativement à l'éducation, l'eau potable et le logement. Voyez le dernier budget que le gouvernement a mis en oeuvre, vous allez voir que nous nous sommes engagés à améliorer les conditions de vie pour tous les Autochtones: 3,7 milliards en crédits nouveaux sur deux ans. Ce montant comprend 450 millions de dollars pour l'éducation des femmes et des familles, pour l'eau potable et le logement sur les réserves. Pour remédier à la situation que vous mentionnez, on a réservé 300 millions de dollars pour le logement dans les territoires, dont 200 millions de dollars pour le Nunavut, en encore 300 millions de dollars de plus pour le logement hors réserve.
Ce que je veux dire, c'est simplement ceci. Il me paraît évident que nous nous sommes engagés à aller de l'avant et à combler ces besoins. Est-ce qu'on ne perd pas notre temps à revenir constamment à ce mot, « Kelowna », ce nom d'une ville où les négociations ont eu lieu? Il est évident que notre gouvernement s'est engagé à aller de l'avant. Pourquoi ne reprenons-nous pas nos discussions pour aller de l'avant au lieu de toujours revenir à novembre 2005?
Oui, j'ai dit cela, et il y avait une raison à cela. Il nous est apparu au courant de l'été que le mot « Kelowna » suscitait des réactions très négatives lorsqu'il s'agissait pour nous de répondre aux besoins de nos gens. J'ai été interviewée, et j'ai déclaré en effet qu'il m'importe peu de savoir comment s'appelle cet accord dans la mesure où le gouvernement doit respecter ses engagements qui ont été pris l'an dernier, en novembre, en Colombie-Britannique. C'est tout ce que j'ai dit.
Le ministre Prentice a dit aussi qu'il croit dans les principes de Kelowna. Le problème que nous avons, c'est que nous n'entrevoyons pas d'approche globale pour remédier au problème que nous avons, et qui était énoncé dans l'Accord de Kelowna.
Nous ne sommes pas là pour attaquer le gouvernement. Comme l'a dit M. Fontaine, nous ne voulons que des réponses à ces questions très graves. Il nous dire à nous et au Canada qu'on est en faveur du principe de Kelowna, mais le gouvernement doit également nous dire comment il va mettre en oeuvre ces principes dans le cadre d'une approche globale.
Nous ne sommes pas en désaccord avec les annonces qui ont été faites. Nous sommes très heureux de l'annonce qui a été faite concernant le logement, mais chose certaine, cela ne répond pas aux besoins de nos gens.
Ce que je veux dire, monsieur le président, c'est que les initiatives que notre gouvernement a annoncées comportent des solutions très concrètes aux besoins particuliers qu'on a relativement au logement.
J'ai une question de plus. Vous avez fait état des nombreux écarts qui existent relativement à la santé et à la longévité des habitants du Nunavut, et je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Vous avez énuméré toute une série de diverses conditions, par exemple le fait qu'il y a trop de monde dans 68 p. 100 des logements et les 35 p. 100. Qu'est-ce que Kelowna aurait pu faire pour répondre à ces besoins particuliers? Y avait-il un plan? Comment aurait-on pu changer ces statistiques?
Pour autant que je sache, il y avait des plans très précis pour la mise en oeuvre. De nouvelles discussions étaient prévues avec les hauts fonctionnaires. Des montants avaient été mis de côté pour mettre en oeuvre les priorités arrêtées à Kelowna. Il y avait des priorités très distinctes, et des montants précis y étaient reliés.
En ce qui concerne le logement, par exemple, je crois que les 300 millions de dollars qui ont été annoncés par le ministre Prentice répondent partiellement aux objectifs qui ont été énoncés à Kelowna. Mais cela ne répond pas aux besoins de certaines régions que je représente, par exemple, le Nunavik dans le Nord du Québec, ainsi que le Labrador et les Inuvialuit. Pour les secteurs hors réserve, il se peut qu'une partie du financement revienne au territoire inuit, mais nous n'en avons pas la certitude.
Merci, monsieur le président.
Je crois que les questions qu'on a entendues commencent à éclairer les divergences de vues fondamentales que nous avons relativement à l'intention de l'Accord de Kelowna et à ce qui se passe en ce moment.
Je vais revenir brièvement aux conseils qui ont été donnés au ministre dans un paragraphe d'un texte qui a été publié lorsqu'il est devenu ministre. Il y est dit :
En novembre 2005, les premiers ministres et les dirigeants des premières nations, des Inuits et des Métis se sont entendus sur les priorités à suivre pour combler l'écart socio-économique au cours des 10 prochaines années. Le plan comprenait des cibles de cinq et de dix ans dans le domaine de la santé, de l'éducation, du logement, du développement économique et des capacités organisationnelles autochtones, et l'on prévoyait des investissements fédéraux pour obtenir des résultats précis dans chaque domaine.
On dit plus loin :
Il ne fait aucun doute que cette rencontre est devenue, pour les dirigeants autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux, la référence qui nous permettra d'évaluer les approches du gouvernement fédéral.
Je reviens à ce cahier d'information qui a été préparé pour tous les membres du comité et qui contient des textes émanant de la rencontre des premiers ministres sur les questions autochtones. Il y a deux déclarations importantes ici. On fait état d'un engagement de 10 ans et d'un effort concerté en vue de combler l'écart au niveau de la qualité de la vie, et l'on énonce ensuite certains principes.
Je vais citer l'accord de métamorphose qui a été signé par le gouvernement de la Colombie-Britannique, le gouvernement du Canada et le conseil du leadership qui représentait les Premières nations de la Colombie-Britannique. Dans ce document, on parle de la concertation entre ces paliers de gouvernement :
pour atteindre ces buts, à savoir, combler l'écart social et économique entre les premières nations et les autres citoyens de la Colombie-Britannique au cours des 10 prochaines années, réconcilier les droits autochtones et leurs titres fonciers avec ceux de la Couronne et établir une nouvelle relation fondée sur la reconnaissance et le respect mutuels.
Il m'apparaît donc qu'il y a ici une intention, un intérêt, l'idée d'un vrai mouvement nation à nation. Je crois que la différence ici tient à la mise en oeuvre ponctuelle de certains éléments de l'Accord de Kelowna que l'on préfère à l'approche nation à nation qui était inhérente à l'Accord de Kelowna.
Si le projet de loi C-292 est adopté—et nous espérons que ce sera le cas—quelle différence y aurait-il entre les programmes qui sont annoncés isolément en ce moment et qui contribuent à remédier à certains de vos problèmes, et l'intention de l'Accord de Kelowna? Quelle différence y aurait-il entre ces annonces ponctuelles et ce que vous obtiendriez si ce projet de loi était bel et bien mis en oeuvre, dans l'esprit de l'accord?
Ce qu'il est important de reconnaître, c'est ce que tout le monde a reconnu—c'est-à-dire que les mesures ponctuelles et les demi-mesures n'ont pas fonctionné. Comme Alice au pays des merveilles, il faut faire du sur-place pour rester où on est. Nous n'en sommes plus là. Nous perdons du terrain. Comme le chef national l'a dit, nous avons peut-être réduit une partie de l'écart, mais nous ne réduisons plus l'écart maintenant.
En fait, votre comité parlementaire doit tenir compte de deux questions principales. Premièrement, le message qu'il envoie en disposant de ce projet de loi. Cela va au-delà de cette question. C'est peut-être une question très politique, mais si vous ne disposez pas de ce projet de loi de façon efficace, cela va créer beaucoup de cynisme et ce sera à vos propres risques et périls. Je ne connais personne qui ait examiné ce dossier, soit au gouvernement, soit à l'extérieur du gouvernement, et qui ait pensé que ce type d'approche ponctuelle fonctionne et est efficace. Personne ne dit cela.
Je peux peut-être répondre également à cette question.
Lorsque vous dites de nation à nation, c'est précisément là notre point de départ. En tant que premiers habitants du pays, nous nous sommes battus très fort pour faire reconnaître nos droits fondamentaux issus de traités pour les Autochtones dans la Constitution canadienne dans les années 80. Nous avons une relation avec la Couronne, et la Couronne a une responsabilité fiduciaire à l'égard du peuple autochtone. Lorsqu'on regarde la relation entre le Canada et les peuples autochtones, on doit conclure qu'il s'agit en fait d'un processus qui parle des peuples et de la Couronne. Nous sommes une collectivité; nous avons des droits autochtones et nous sommes le peuple autochtone du pays, alors je dirais, oui, il s'agit d'un processus de nation à nation.
Si le projet de loi C-292 était adopté et que l'on continuait à faire des annonces ponctuelles, nous ne serions jamais contre ces annonces. S'il y a quoi que ce soit qui puisse améliorer les conditions de vie de notre peuple, nous en sommes très heureux. Bien que dans de nombreux cas les Inuits sont souvent mis à l'écart du processus, nous sommes tout de même heureux pour les premières nations et les autres peuples autochtones lorsqu'il y a d'autres annonces.
L'Accord de Kelowna donnait non seulement le contexte d'un processus de nation à nation, mais aussi une vision de ce que nous, en tant que pays, voulons faire pour réduire l'écart par rapport aux conditions de vie du peuple autochtone. C'est une vision. C'est comme si nous établissions des objectifs. C'est un plan d'action, et bien que j'appuie des annonces ponctuelles, j'aimerais participer à un processus qui nous permette d'avoir une vision quant à la façon dont nous allons régler les problèmes des Autochtones en tant que pays. C'est ce que faisait l'Accord de Kelowna. Il nous donnait une vision.
Très brièvement, la valeur de Kelowna et la réunion des premiers ministres, c'est que nous étions à la table de négociations pour notre propre compte. Nous étions une présence constructive à cette réunion des premiers ministres. Nous tous qui étions à la table de négociations voulions examiner un plan global afin de régler, sur le plan pratique, les gros défis que nous avons à relever—le logement, l'éducation, la santé et les perspectives économiques—et réduire l'écart en ce qui concerne ces importants indicateurs en matière de santé. Nous étions tous là avec le même objectif. Nous pensions que ce que nous avions réalisé était considérable. C'était un plan global qui engageait tous les gouvernements au pays avec l'intention de mettre en place des accords multilatéraux transparents. C'est ce que l'Accord de Kelowna devait faire.
Comme Mary Simon l'a dit, nous ne sommes pas contre les annonces. Nous sommes cependant contre des mesures unilatérales. Nous avons besoin d'ententes et de processus multilatéraux, transparents.
Merci, chef Fontaine, chef Picard, madame Simon, madame McPherson et monsieur LeClair. Le comité vous remercie d'être venus ici aujourd'hui nous faire part de votre point de vue.
Une chose que j'ai toujours constatée en tant que président, c'est que lorsque nous parlons de réconciliation avec la Couronne, je pense qu'on veut parler de réconciliation avec les Canadiens, et cela est important. On ne peut pas nécessairement se réconcilier avec une institution, mais plutôt avec les Canadiens. Les membres du comité qui sont ici représentent les Canadiens, alors nous ferons de notre mieux pour réaliser ce souhait.
Je vous remercie d'être venus ici.
La séance est levée.