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Merci de nous donner cette possibilité. Je suis Deborah Richardson. Je suis membre de la Première nation de Pabineau, au Nouveau-Brunswick, et j'occupe mes temps libres en assumant les fonctions de directrice générale régionale intérimaire de la Région de l'Ontario, au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Mon collègue James Cutfeet m'accompagne aujourd'hui.
James et moi sommes les deux responsables de la Région de l'Ontario chargés du dossier de Pikangikum. Nous sommes ici pour faire une mise à jour générale, faire connaître les priorités que la collectivité a exprimées relativement aux changements désirés et pour répondre aux questions du comité.
La première nation voudrait qu'on donne la priorité à l'électrification, à l'école, à l'eau courante et au réseau d'égout ainsi qu'au logement. La première nation est en train de mettre au point un plan d'initiatives communautaires qui portera aussi sur le traitement des questions sanitaires et sociales au sein de la collectivité. Il s'agit vraiment d'initiatives prises par la communauté, qui s'emploie aussi à concevoir des stratégies pour amener les jeunes à s'impliquer.
Pikangikum est une priorité du gouvernement du Canada. Bien sûr, nous nous demandons tous aujourd'hui ce qui est advenu de Pikangikum et qu'est-ce qui est en voie de réalisation dans ce dossier. Nous continuons à travailler avec la première nation et les aînés. Pour vous mettre un peu dans le contexte, je précise que les aînés sont vraiment la grande force de la collectivité. On le voit tout de suite en arrivant, et je sais que Robert Valley et d'autres qui y sont allés peuvent probablement en témoigner. On peut s'y asseoir à une grande table comme celle-ci, autour de laquelle se réunissent entre 40 et 50 aînés, dont l'âge peut varier de 70 ans à 100 ans et plus. C'est phénoménal la passion et l'énergie que ces aînés investissent, tellement ils veulent voir leur collectivité progresser et devenir un meilleur endroit où vivre pour les gens de Pikangikum.
J'ai participé aux réunions de la collectivité pendant trois jours complets. Le grand chef Stan Beardy, de la nation Nishnawbe Aski, et moi avons vraiment travaillé activement à ce dossier. Nous avons ainsi passé trois jours avec des représentants de Santé Canada et le conseil tribal à chercher des moyens d'amener la collectivité à s'engager dans la réalisation d'un plan d'action qui lui permettra de progresser.
Vous verrez au fil de mon exposé que beaucoup d'aînés s'inquiètent du fait que, lorsque les médias ou les gens en général parlent de Pikangikum, ils parlent de la pauvreté, de la faim et de tout ce qu'il y a de négatif dans cette localité, et non de ce qu'il y a de vraiment positif. Par exemple, même si l'école ne convient pas aux besoins de la collectivité, le programme scolaire est irréprochable. Les enseignants sont fantastiques. Le directeur de l'école a une maîtrise. Les possibilités de développement économique sont excellentes. La collectivité a un énorme projet de foresterie qui pourrait donner du travail à plus de 300 personnes. Elle a six camps de pêche où l'on se rend en avion. Quand les gens pensent à Pikangikum, il importe de penser à ce que Pikangikum offre de positif. Nous allons donc respecter l'engagement que nous avons pris envers les dirigeants de la nation et nous en tenir à cette perspective.
Nous y sommes allés le 14 décembre, et ma visite m'a vraiment ouvert les yeux. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont déjà visité une localité nordique. On s'y rend en avion. Il n'y a pas d'autre moyen, à part les chemins d'hiver. Par contre, la population de Pikangikum dégage vraiment du dynamisme et de l'énergie positive, par sa façon de vouloir que les choses s'améliorent.
Une délégation de cette collectivité a aussi rencontré le secrétaire parlementaire, M. Rod Bruinooge, à Dryden, le 18 janvier. On avait profité de la rencontre pour faire une annonce. Les gens sont si enthousiastes au sujet de leur projet, qu'on appelle Whitefeather Forest, et le gouvernement y a, de son côté, investi des sommes importantes au fil des années. À Dryden, on a annoncé l'injection de 560 000 $ de plus dans ce projet.
La semaine dernière, j'ai passé un peu de temps avec le ministre Prentice. Le ministre a parlé personnellement, par téléphone, au chef Pascal, de Pikangikum, et s'est engagé à aller visiter la collectivité le 10 avril. La date est fixée, c'est un engagement ferme et nous y allons tous. J'y vais moi-même la semaine prochaine, et nous nous assurerons d'avoir un solide dossier à présenter au ministre quand il se rendra dans cette localité. Je pense que le secrétaire parlementaire se joindra également à nous à cette occasion.
Ce projet mis à part, nous avons aussi travaillé efficacement avec Pikangikum sur les questions touchant les capitaux, l'infrastructure, la production énergétique, le financement et l'éducation.
Nous avons fait des annonces importantes concernant Pikangikum et pris des engagements dans le cadre de notre plan d'immobilisations à long terme. Nous avons prévu plus de 40 millions de dollars sur cinq ans en investissements dans le réseau électrique, afin que la collectivité soit mieux approvisionnée en électricité, ainsi que dans le réseau d'eau et dans la construction d'une nouvelle école.
Pour mettre les choses en contexte, sans un réseau électrique suffisant, le reste ne peut se faire. On ne peut brancher l'école sans électricité. On ne peut alimenter le réseau d'eau sans électricité. C'est vraiment une priorité pour Pikangikum et le conseil tribal. On a l'intention de travailler avec ardeur, en collaboration avec le ministre de l'Énergie, la province et Hydro One Remote Communities pour installer le réseau et le rendre fonctionnel.
La première nation a aussi engagé un facilitateur indépendant pour aider la collectivité, collaborer à la mise au point de ce plan d'action et assurer la coordination avec les différents gouvernements ou organismes qui doivent participer au projet. C'est la contribution de la première nation.
Je recommanderai fortement à la première nation d'établir le mandat d'un ingénieur indépendant et gestionnaire du projet, parce que c'est une énorme infrastructure qui sera installée dans les prochaines années. Il est donc essentiel qu'elle ait quelqu'un qui organise et dirige l'ensemble des travaux. Comme je le disais, il est absolument indispensable de fournir à cette collectivité la puissance énergétique dont elle a besoin. Sans cela, aucun des projets ne peut se réaliser.
Le fait que toutes les parties en cause aient finalement accepté de brancher Pikangikum au réseau électrique de l'Ontario, Hydro One assurant le fonctionnement, a été un véritable progrès pour nous, pour le ministère. Il y a eu des discussions à savoir si la première nation voulait en assurer le fonctionnement elle-même ou plutôt confier la tâche à une tierce partie comme Hydro One. De notre point de vue, cela a vraiment fait progresser les choses. Depuis lors, le personnel d'AINC demeure en contact avec le ministère de l'Énergie de l'Ontario pour discuter du raccordement avec le système actuel de production énergétique, qui fonctionne au diesel. De son côté, Pikangikum demeure en contact avec le réseau Hydro One Networks de l'Ontario pour obtenir soutien et assistance. Se brancher à une ligne de transport de l'électricité est une entreprise très complexe.
Nous avons aussi approuvé une dépense de 246 000 $ qui servira à permettre le branchement au nouveau réseau aussi vite que possible. La première nation a engagé un consultant qui a travaillé à ce projet par le passé. On avait déjà accompli un peu de travail sur cette question. Les grandes lignes sont tracées et le travail préliminaire ainsi que la conception du système ont été faits. Nous tâchons d'améliorer les travaux de conception pour nous assurer que cela fonctionnera correctement pour cette collectivité.
Entre-temps, les génératrices au diesel ne fonctionnaient pas comme elles l'auraient dû. Nous avons donc engagé jusqu'à 2 millions de dollars en décembre pour améliorer les génératrices au diesel afin qu'elles assurent une alimentation suffisante jusqu'à l'entrée en service de la ligne d'alimentation électrique. Les travaux en ce sens sont en cours. Ils sont même presque terminés, mais pas tout à fait. On estime que le branchement à la ligne d'alimentation nécessitera probablement 14 millions de dollars de plus.
La localité sera raccordée au réseau électrique d'ici deux ans, probablement, ce qui est très excitant pour les habitants. C'est ce dont parlent les aînés. Ils rêvent d'avoir une alimentation électrique suffisante, une école qui réponde à leurs besoins et l'eau courante.
Pour ce qui est de l'école, elle ne répond vraiment pas aux besoins en fait d'installation, mais les programmes sont administrés par des enseignants dynamiques. La visite est étonnante. On y trouve un atelier extraordinaire, où l'électricité est enseignée à certains des élèves du secondaire. C'est un bon programme, mais les installations ne sont pas adéquates. C'est vraiment prioritaire de fournir une nouvelle école à ces élèves. Une partie des 40 millions de dollars prévus sont destinés à sa construction. Nous avons facilité les contacts avec l'une des grandes institutions financières, qui s'est rendue dans la localité pour discuter de financement, afin d'accélérer certains de ces projets. Nous avons un plan d'immobilisations à long terme de plus de cinq ans, mais la collectivité ne veut pas attendre cinq ans avant de pouvoir profiter de cette nouvelle école. Nous devons trouver d'autres moyens de faciliter cela pour que, quand la localité sera raccordée à la ligne d'alimentation électrique, l'école soit construite et qu'il ne reste plus qu'à la brancher au réseau. Ainsi, tout pourra se faire simultanément.
Concernant l'eau et le réseau d'égout, étant donné la situation sur le plan de l'électricité, il est impossible pour le moment d'installer l'eau courante dans toute la localité. Nous avons effectué des travaux de réparation à court terme et des améliorations pour nous assurer que l'eau… Il y a une usine de traitement de l'eau, mais les maisons n'y sont pas reliées. Une résidence pour enseignants et une école y sont reliées. Nous avons fourni 942 000 $ pour faire réparer les sorties d'eau. On trouve de ces sorties reliées à l'usine de traitement dans toute la localité, et les gens s'y rendent pour remplir des contenants qu'ils rapportent à la maison. Nous avons donc vu à remplacer beaucoup de ces contenants pour assurer la salubrité et nous avons remplacé toutes les sorties d'eau.
Sur le plan du logement, ce qui est vraiment, vraiment important en ce moment, pour Pikangikum, c'est la réalisation d'une étude sur la planification des immobilisations, parce qu'on ne peut tout simplement pas construire des maisons n'importe où. Il faut prévoir où les nouvelles installations de traitement d'eau seront installées, où sera la nouvelle école et quel sera le tracé du réseau électrique. Pour le moment, le mandat a été défini. Les responsables de la collectivité me l'ont d'ailleurs communiqué, et nous finaliserons l'affaire mardi prochain à Sioux Lookout. Il est vraiment essentiel de pouvoir se fier à une étude de planification qui permettrait de savoir où toutes ces installations seront construites et comment elles fonctionneront, en vue de la planification du logement futur.
Nous avons pris des engagements. Nous offrons un petit budget d'immobilisations à la première nation afin qu'elle puisse construire des routes et des maisons ou ce qu'elle jugera bon. Elle peut utiliser jusqu'à 660 000 $ par année pour le logement. Elle a aussi obtenu récemment un prêt de la SCHL pour construire davantage de logement. Cette localité est gravement surpeuplée. Les gens vivent dans des conditions inacceptables. Il faut donc faire diligence pour nous assurer que les habitants de Pikangikum aient l'électricité, l'eau courante et un logement convenable. Le financement annualisé des travaux d'immobilisation est de l'ordre de 1,34 million de dollars. Je voulais faire cette précision également.
Je pense que cela résume l'ensemble du travail pratique que nous avons accompli. Comme vous pouvez le voir, nous avons travaillé comme des fous dans les deux derniers mois pour répondre à tous ces besoins.
J'ajoute que je n'ai pas passé beaucoup de temps au ministère, mais que je suis étonnée et heureuse de voir à quel point tous ceux qui travaillent au ministère, allant des réceptionnistes au ministre en passant par le sous-ministre, ont à cœur d'améliorer la qualité de vie des habitants de Pikangikum. C'est également le cas du gouvernement et de vous tous autour de cette table. Je suis vraiment, vraiment heureuse, en tant que membre d'une première nation, de voir que le gouvernement du Canada bouge pour veiller au bien des membres de la première nation de Pikangikum.
Je vous remercie beaucoup de votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Vous m'interromprez avant la fin, monsieur le président, parce que je veux partager mon temps de parole avec Anita Neville.
Je suis impressionné par votre enthousiasme. C'est beau à voir. Je dois dire que je suis renversé d'apprendre que vous avez passé trois jours dans cette localité. C'est toute une preuve d'engagement. Je suis heureux de savoir que vous ne passez pas beaucoup de temps au ministère, parce que vous devez visiter les collectivités. Dans mes conversations en dehors de cette pièce, j'encourage tout le monde à faire la même chose, à se rendre en personne dans ces collectivités.
J'ai trois questions, mais je peux les regrouper. Vous avez abordé tous ces sujets. Premièrement, je reviens à une observation que vous avez faite au sujet des aînés. La force de toute communauté réside dans ses aînés. Le soutien qui me vient des collectivités dépend du nombre d'aînés que je rencontre aux réunions ou qui me rendent visite à l'aéroport quand je pars. Je comprends donc tout à fait, c'est absolument exact. Pikangikum a des ressources fantastiques, et des capacités fantastiques par la présence de ses aînés, et la communauté doit vraiment en profiter pleinement. Que ce soit à Toronto ou à Pikangikum, il faut de la continuité à une collectivité.
Je crois que vous avez fait allusion à la manière dont vous allez assurer la suite des choses en cas de changement dans l'administration, à la manière de faire en sorte que tout se déroule comme prévu.
Voici mes trois questions. Je serai bref parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Dans le cas de l'électrification, vous avez parlé d'un délai de deux ans. C'est long. Je sais qu'une partie du réseau était déjà installée. Nous avons peut-être eu des difficultés de parcours, mais deux ans, c'est trop long. Je veux donc savoir à quelle date nous allons vraiment commencer la construction véritable. Je sais que c'est difficile pour vous, parce que vous devez traiter avec d'autres professionnels.
Sur la question de l'école, je pense que le ministre se rendra dans la localité le 10 avril. C'est le moment idéal pour annoncer quand on commencera à creuser les fondations de l'école.
Pour ce qui est de l'eau, je suis très heureux d'entendre que vous avez des contenants, parce que c'est l'une des choses que j'ai mentionnées au ministre la première fois que cette question a été soulevée. Il devait s'occuper des contenants utilisés dans cette collectivité, parce que je les ai vus personnellement. Je suis très heureux d'entendre cela. C'est un changement très utile et j'en suis reconnaissant.
Sur les sorties d'eau et les 942 000 $, pourriez-vous préciser s'il s'agit uniquement des endroits où les gens se rendent pour aller chercher de l'eau? J'ai visité chacun de ces sites lors de ma visite là-bas.
Si vous pouviez me dire, ou dire au comité, comment nous allons planifier le raccordement de ces maisons, qui est un énorme travail… Il y a environ 400 maisons. Comment allez-vous vous y prendre pour ce faire? Quels plans ont été établis à cette fin? C'est un travail d'envergure.
Je pense que nous avons discuté ad nausem des problèmes que nous percevons dans cette collectivité. On peut faire n'importe quoi s'il ne s'agit que d'injecter les ressources.
Je sais que c'est beaucoup en peu de temps, mais j'aimerais laisser les dernières minutes à Anita Neville. Aidez-moi si vous le pouvez.
Je n'aurai pas la chance de reprendre la parole, alors j'en profite pour vous remercier de votre engagement envers cette collectivité. Je veux vous remercier personnellement de cela. Nous devons maintenir le cap pour cette collectivité.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vais commencer par faire mes commentaires en français.
[Traduction]
Et je les terminerai en anglais. Ce ne sera pas facile de le faire en moins de dix minutes, mais je ferai de mon mieux.
[Français]
Au nom du Service correctionnel du Canada, j'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir donné la possibilité de réagir aux conclusions et aux recommandations contenues dans le rapport annuel 2005-2006 de l'enquêteur correctionnel en ce qui concerne les délinquants autochtones.
Le Service correctionnel du Canada, le SCC, reconnaît depuis longtemps que les Autochtones sont surreprésentés dans le système correctionnel fédéral. Ils comptent pour 17 p. 100 de la population totale, alors qu'ils ne constituent que 2,7 p. 100 de la population adulte du Canada. Les Autochtones représentent actuellement 19 p. 100 des délinquants incarcérés et 14 p. 100 de ceux qui sont surveillés dans la collectivité.
Je me concentrerai aujourd'hui sur les mesures prises par le SCC pour s'attaquer à la surreprésentation des délinquants autochtones.
Il me faut tout d'abord souligner la contribution fournie par les organismes autochtones nationaux ainsi que par le personnel autochtone, les aînés et les collectivités autochtones au cours des 10 dernières années, alors que le SCC s'employait à mettre au point de nouvelles méthodes novatrices qui donnent maintenant de bons résultats avec les délinquants autochtones.
Je commencerai par parler du rapport de 1996 de la Commission royale sur les peuples autochtones, dans lequel la Commission déclarait que la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes ne constituait qu'une partie du problème et que ce n'était, en fait, que l'aboutissement d'une série de décisions prises par les détenteurs du pouvoir décisionnel du système de justice pénale.
La Commission a également déclaré que la surreprésentation des Autochtones constituait un indicateur éloquent de l'échec du gouvernement, qui n'avait pas su s'attaquer aux problèmes systémiques avec lesquels les Autochtones étaient aux prises depuis longtemps, dont leur désavantage socio-économique et leur marginalisation dans la société canadienne. Or, ces facteurs sociétaux et leurs répercussions sur les individus doivent être pris en considération à l'arrivée des délinquants au SCC.
Une modification apportée au Code criminel oblige maintenant les juges à prendre en considération des solutions de rechange à l'incarcération lorsqu'ils imposent des peines aux délinquants autochtones.
La Cour suprême du Canada a clarifié l'application de ces dispositions dans la décision rendue en 1999 dans l'affaire R. c. Gladue, en déclarant notamment ce qui suit:
[...] En déterminant la peine à infliger à un délinquant autochtone, le juge doit examiner: a) les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux; b) les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l’égard du délinquant en raison de son héritage ou attaches autochtones. [...]
[...] En l’absence de solution de rechange à l’incarcération, la durée de la peine devra être soigneusement examinée. [...]
Dans l'ensemble, la décision Gladue semble avoir eu une incidence positive. En effet, depuis 2001-2002, soit depuis cinq ans, la proportion des délinquants autochtones dans la population carcérale est demeurée relativement stable, alors qu'elle avait connu une augmentation constante pendant plus de 10 ans auparavant.
En outre, le profil des délinquants autochtones admis dans les établissements témoigne d'un « durcissement » de cette population. Cette tendance laisse entendre que les mesures de rechange à l'incarcération sont mises à profit pour les délinquants qui ont commis des infractions de peu de gravité.
Les délinquants condamnés à une peine de détention dans un établissement fédéral sont ceux pour lesquels aucune solution de rechange n'a été jugée appropriée en raison souvent de nombreux problèmes de dysfonctionnement social qui remontent à loin.
Les délinquants qui entrent maintenant dans nos établissements sont plus jeunes et ils montrent des antécédents de délinquance plus lourds, des antécédents de violence souvent associés à la toxicomanie, des problèmes de santé mentale et, de plus en plus, une affiliation avec des gangs.
Dans notre système de justice pénale, les gouvernements des provinces et des territoires ont l'entière responsabilité des délinquants condamnés à une peine de moins de deux ans, des délinquants condamnés à une période de probation ainsi que des jeunes contrevenants. Les délinquants adultes qui sont condamnés à une peine de deux ans ou plus sont pour leur part placés dans un pénitencier fédéral.
Le mandat du Service correctionnel du Canada énoncé à la partie I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, promulguée en 1992, est de:
[...] contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.
La loi prescrit des procédures et des processus précis pour les opérations correctionnelles et énonce que la sécurité publique doit être le critère prépondérant dans toutes les décisions prises au cours d'une peine. La loi contient également des dispositions qui protègent les droits individuels tout en fournissant des mécanismes de recours internes aux délinquants qui estiment faire l'objet de décisions ou de mesures injustes. L'enquêteur correctionnel joue un rôle à cet égard. Il doit s'assurer que les processus sont bien exécutés.
La partie II de la loi énonce les étapes au cours d'une peine où les délinquants sont admissibles à diverses formes de mise en liberté, et toutes les décisions relatives à cette mise en liberté sont prises par la Commission nationale des libérations conditionnelles, qui est un organisme décisionnel indépendant du portefeuille de la sécurité publique.
[Traduction]
Les données changent tous les jours, mais le SCC gère actuellement environ 21 100 délinquants, dont 12 700 situés dans les 58 établissements du pays, et 8 400 qui purgent la fin de leur peine dans 71 collectivités canadiennes, sous la surveillance d'un agent de libération conditionnelle. Sur les 3 514 délinquants autochtones qui étaient sous la responsabilité du SCC à la fin de mars 2006, 2 373 d'entre eux étaient incarcérés et 1 141 jouissaient d'une forme de liberté conditionnelle ou une autre. La population carcérale autochtone est principalement composée de membres des Premières nations, qui en représentent 68 p. 100, tandis que les Métis sont à 28 p. 100 et les Inuits à 4 p. 100. La surreprésentation dans la région des Prairies et du Pacifique, où est située la grande majorité des délinquants autochtones, reflète les taux de criminalité plus élevés dans l'Ouest et le Nord du pays.
Le SCC étant la seule organisation fédérale responsable du soin et de la détention quotidiennes d'une partie de la population autochtone canadienne, il a dû trouver des moyens de combiner les obligations législatives de la LSCMLC aux approches autochtones en matière de justice et de réconciliation. Le SCC utilise des instruments d'évaluation actuariels à chaque étape de la peine des délinquants. Il a été dit, à propos de ces outils, qu'ils ne répondent pas aux réalités culturelles des Autochtones. Cependant, le 12 janvier 2007, dans le cas d'un délinquant autochtone qui a dit faire l'objet de discrimination raciale parce qu'on avait utilisé ces outils dans son cas, la Cour fédérale a décidé que, en l'occurrence, les outils d'évaluation font une distinction entre les délinquants non pas en fonction de leur race, mais bien de leur comportement passé. La cour a rejeté la demande du délinquant.
Puisqu'ils ont souvent des antécédents criminels et de violence plus lourds, il n'est pas étonnant que les délinquants autochtones soient plus fréquemment classés à des niveaux de sécurité plus élevés lorsqu'ils arrivent au SCC. En 2005-2006, par exemple, 70 p. 100 des délinquants autochtones à qui les tribunaux ont imposé une peine de ressort fédéral avaient commis une infraction avec violence, comparé à 54 p. 100 chez les délinquants non-autochtones.
Après l'évaluation initiale du risque et des besoins, il s'agit ensuite de trouver des moyens de répondre aux facteurs qui font que les délinquants autochtones présentent un risque plus élevé de récidive. La recherche dans la communauté a démontré que le fait de rétablir des liens avec la culture, la famille et la collectivité contribuait beaucoup à la réinsertion sociale des délinquants autochtones en toute sécurité.
Des représentants d'organisations autochtones nationales et des intervenants autochtones collaborent avec le SCC, depuis l'année financière 2001, à l'élaboration d'approches adaptées. Cette collaboration a mené à la création du modèle de continuum de soins des services correctionnels pour Autochtones, élaboré avec l'aide des délinquants autochtones. Le modèle a été adopté par le SCC en 2003. Il fait fond sur les constatations selon lesquelles la culture, les connaissances et la cérémonie — les aspects fondamentaux de l'identité autochtone — sont essentiels au processus de guérison.
En avril 2006, le SCC a adopté des politiques tenant compte des besoins des Autochtones pour tous les processus de gestion des cas. Des séances de formation sur la sensibilisation culturelle destinés aux employés non-autochtones ont été élaborés et sont en cours d'évaluation. La priorité sera de les offrir à tous les agents de libération conditionnelle du SCC.
J'aimerais simplement vous énumérer les éléments principaux du modèle de continuum de soins. Pour commencer, les aînés et agents de liaison autochtones participent au processus d'évaluation initiale. Les aînés — il y en a actuellement 74 qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada, dans nos établissements — font partie de l'équipe de gestion des cas des délinquants qui choisissent de suivre un sentier de guérison. Des unités des Sentiers autochtones ont été créées — y compris dans un établissement pour femmes — afin de créer un environnement culturel adéquat qui appuiera les délinquants sur le chemin de la guérison.
Sept nouveaux programmes correctionnels destinés aux Autochtones, conçus conjointement avec des intervenants autochtones et qui seront offerts par des employés autochtones sont à diverses étapes de leur évaluation et mise en oeuvre. Ces programmes ont pour but de prévenir la violence et la toxicomanie, deux choses qui accroissent le risque de récidive chez les Autochtones.
Huit pavillons de ressourcement autochtones, sept établissements pour hommes à sécurité minimale et un établissement multiniveaux pour femmes sont assujettis à des ententes officielles avec des collectivités ou organisations autochtones de la région.
Enfin, des agents de développement auprès de la collectivité autochtone font participer de plus en plus de collectivités autochtones à l'établissement de plans de libération et à la préparation en vue du retour des délinquants dans leurs collectivités.
Le SCC est fier du progrès que représentent ces nouveaux programmes et nouvelles approches. Par exemple, en 2005, une évaluation préliminaire du programme intensif de prévention de la violence destiné aux hommes, intitulé « En quête du guerrier en vous », a révélé qu'une grande partie des participants ont réintégré leur collectivité avec succès. Une partie considérablement plus faible des participants a commis une nouvelle infraction violente — 7 p. 100, par rapport à 57 p. 100 dans un groupe de comparaison composé de personnes qui n'avaient pas participé au programme.
Récemment, le comité d'experts du Rapport sur les progrès réalisés depuis dix ans dans le domaine des services correctionnels pour femmes du SCC a dit que le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci pour femmes sert de « point de repère illustrant la mesure dans laquelle la collaboration avec les intervenants communautaires clés peut se traduire en action concrète ».
Ces initiatives semblent avoir une incidence sur le taux de délinquants autochtones sous surveillance dans la collectivité, qui est passé de 12 p. 100 en 2000 à 14 p. 100 en 2005, ce qui ne tient pas compte du durcissement de la population carcérale. Entre-temps, le taux de délinquants sous surveillance qui commettent une nouvelle infraction avec violence a diminué, passant de 5,6 p. 100 en 2001 à 3,6 p. 100 en 2005.
L'enquêteur correctionnel recommande aussi que le SCC améliore considérablement le pourcentage de la main-d'oeuvre autochtone à tous les niveaux. Le SCC est déjà l'employeur fédéral qui a le deuxième taux le plus élevé d'employés autochtones. En effet, 6.7 p. 100 de tous ses employés sont Autochtones, comparé à leur disponibilité sur le marché du travail, qui est de 4,7 p. 100. Leur représentation est particulièrement élevée dans les deux groupes professionnels qui travaillent étroitement avec les délinquants autochtones — 9,3 p. 100 de tous les agents correctionnels et 7,7 p. 100 des employés responsables de la prestation de programmes et de la libération conditionnelle. Nous reconnaissons toutefois la nécessité d'accroître le recrutement, le perfectionnement et le maintien en poste d'employés autochtones.
En conclusion, bien que les données sur la représentation des délinquants autochtones soient très révélateurs des aspects des services correctionnels sur lesquels il faut travailler, une recherche et une évaluation plus poussées nous renseigneront sur l'efficacité des initiatives données. Le SCC a toujours d'importants obstacles à surmonter et doit faire fond sur ce qu'il a appris au cours des cinq dernières années.
Il reste beaucoup à faire. Notre Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones, rendu public en octobre 2006, fait fond sur ces connaissances et exprime notre vision pour les cinq prochaines années; nous voulons veiller à ce que le système correctionnel fédéral soit à l'écoute des besoins des délinquants autochtones et contribue à la création de communautés sûres et saines. Le SCC continuera de travailler en partenariat avec les collectivités et les organisations autochtones nationales, régionales et locales à l'élaboration de solutions qui tiennent compte des priorités, des besoins et des capacités des collectivités autochtones.
Merci de votre patience.
:
J'ai une observation à faire, monsieur Marston.
Je ferais écho à ce qui a été dit plus tôt. Si 25 attachés de recherche se trouvaient dans une pièce, ici, et qu'on leur demandait de donner une définition de la discrimination systémique, on obtiendrait probablement une vaste gamme de réponses.
Je vais essayer de vous donner un exemple concret. Si vous me demandez si les détenus autochtones sont plus nombreux que les détenus non autochtones à être admis dans les établissements à sécurité maximale, je vous répondrais oui, absolument. Certaines personnes qui se trouveraient dans la pièce pourraient interpréter cela comme étant de la discrimination systémique. Nous continuons de répondre à cela en disant que nous examinons les facteurs de risque associés à la capacité de gérer un détenu en particulier, sans égard à sa race, mais plus spécifiquement en fonction de ses activités criminelles et des facteurs criminogènes.
Malheureusement, les Autochtones ont des taux plus élevés de toxicomanie, de difficultés d'emploi et de tous les facteurs liés à cela. J'ai déjà mentionné le taux élevé de violence, de sorte que, effectivement, du strict point de vue de la sécurité publique, pour veiller à ce que notre capacité de mesurer la sécurité publique et la sécurité de nos employés et des détenus dans un établissement... ceux qui ont des tendances de comportement violent sont habituellement incarcérés davantage si nous regardons l'ensemble de la situation.
Ce débat sur la discrimination systémique est donc interminable. Au-delà des chiffres, il y a beaucoup plus que des affirmations, et je pense que c'est la raison pour laquelle nous parlons souvent de ces éléments en évoquant le risque ou la race.
Vous avez posé une question au sujet des outils actuariels, et je crois que M. Demers en a parlé. Pourquoi examinons-nous ces outils? Dans le cadre de notre processus habituel, ce qui nous intéresse à Service correctionnel Canada, c'est ce qui fonctionne. Nous voulons des résultats. Qu'est-ce qui nous donne de bons résultats en matière de sécurité publique? Nous examinons constamment nos programmes. Nous accréditons constamment nos programmes. Les outils évoluent.
Nous avons parlé dans nos observations préliminaires du profil changeant des délinquants. Il y a 15 ans, si nous avions été ici à avoir une conversation, nous n'aurions pas beaucoup parlé des gangs. Il y a 15 ans, si nous avions été ici à discuter, nous n'aurions pas parlé de santé mentale.
Les choses ont changé radicalement. Notre réaction est de nous adapter au changement, de sorte que nous examinons et examinerons constamment nos outils et que nous développons ainsi une réceptivité à tout ce qui touche le classement et le reclassement, pour en évaluer la validité. Ce sont là des outils qui reposent sur la recherche. Ce ne sont pas des éléments sortis de nulle part.
En outre, comme M. Demers l'a souligné, c'est la Commission nationale des libérations conditionnelles qui décide en dernier ressort de la mise en liberté des détenus. Notre travail consiste à préparer les détenus pour la libération, à gérer le risque et à présenter nos exposés à cet organisme.