Je regrette de ne pas avoir de présentation pour vous. J’ai organisé ceci à la dernière minute, et j’espère pouvoir mettre en évidence certaines de mes notes d’allocution ici et vous en remettre une copie plus tard.
Tansi, membres distingués du comité. Je m’appelle Marcel Balfour. Je suis le chef de la Nation des Cris de Norway House, ou ce que la Loi sur les Indiens ou le Traité 5 appellerait la bande indienne de Norway House. Nous sommes établis dans la réserve indienne de Norway House, ou sur la terre de réserve de la Nation des Cris de Norway House, située dans le Moyen Nord du Manitoba, à environ 850 kilomètres de Winnipeg. Nous avons maintenant une population de plus de 6 000 habitants, environ 4 500 vivant dans la réserve et environ 1 600 vivant à l’extérieur de la réserve.
Au fil du temps, plusieurs nous ont désignés comme l’une des premières nations les plus progressives du Manitoba.
Pour vous mettre en contexte, j’ai été élu chef en mars 2006, et de 2002 à 2006, j’ai été conseiller élu de la Nation des Cris de Norway House. Grâce à cette expérience, j’ai acquis une compréhension intime des droits de la personne dans une réserve, ou plutôt de l’absence de tels droits, car au cours de mon mandat, j’ai dû comparaître devant les tribunaux pour pouvoir accomplir certaines de mes fonctions d’élu.
En février 2006, la Cour fédérale a déclaré que j’étais victime de trafic d’influence et de chantage de la part de celui qui était alors le chef et de certains de mes collègues membres du Conseil. La Cour fédérale a aussi noté que la primauté du droit n’était pas respectée à Norway House. Heureusement, avec le temps, les choses ont changé et certains membres de mon conseil et moi-même demeurons soucieux de respecter les droits de la personne, de dépenser les deniers de la bande de façon responsable et de protéger les droits autochtones et les droits issus de traités.
C’est dans ce contexte que je vous fais part de mes préoccupations et de mon enthousiasme mesuré au sujet de l’abrogation de l’article 67 de la Loi sur les droits de la personne du Canada prévue dans le projet de loi . Dans ma présentation, j’aimerais d’abord aborder brièvement la question des droits de la personne, des droits des Autochtones et des droits issus de traités. Deuxièmement, je définirai le besoin d’équilibrer les droits individuels et les droits collectifs. Troisièmement, je vous ferai part de certaines préoccupations relevées par mon peuple dans la réserve de Norway House, lorsque nous nous sommes réunis pour discuter du projet de loi C-44. En dernier lieu, je préciserai certaines solutions possibles pour corriger les lacunes du projet de loi.
J’aimerais saluer les efforts déployés par le gouvernement actuel du Canada en vue de faire progresser les droits de la personne pour les Indiens et les bandes indiennes, conformément à ce qui est établi dans la Loi sur les Indiens. Il est reconnu que l’article 67, adopté en 1977, était à l’origine une mesure temporaire. Je crois qu’il est plus que temps de se pencher sur les inégalités imposées par l’article 67.
Malheureusement, cependant, malgré le temps qui a passé, les choses n’ont pas beaucoup changé pour Norway House du point de vue de cette question. Au cours des 30 dernières années, aucune consultation n’a été tenue auprès de la Nation des Cris de Norway House, ni auprès de la bande indienne de Norway House, ni auprès de membres individuels de la bande de Norway House. Ainsi, nous n’avons pas travaillé avec la Commission canadienne des droits de la personne, le gouvernement fédéral, l’Assembly of Manitoba Chiefs, l’Assemblée des Premières nations, l’AFAC, ni aucune autre organisation autochtone qui s’est adressée à vous ou s’est penchée sur cette question en particulier.
Or, on me presse aujourd’hui de faire une présentation sur un sujet qui a été examiné au fil des ans et qui doit vraiment aller de l’avant. Si je ne m’abuse, la Commission canadienne des droits de la personne vous a fait une présentation et vous a demandé pourquoi l’abrogation était si urgente, estimant qu’elle aurait dû avoir lieu il y a longtemps. Je vous dirais, pourquoi est-ce si urgent maintenant? Je n’ai pas eu la chance d’examiner cette question. Ce programme législatif est extrêmement rapide pour moi en tant que chef, mais aussi pour ma bande. Fait assez ironique, nous n’avons été ni avisés ni consultés.
J’ai demandé à la Commission canadienne des droits de la personne et à Affaires indiennes et du Nord de bien vouloir faire une présentation à Norway House pour à tout le moins informer mon peuple de ce qui se passe. Les deux ont répondu ne pas avoir suffisamment de ressources pour pouvoir le faire. Heureusement, j’ai pu profiter d’un technicien de l’Assembly of Manitoba Chiefs qui est venu tenter d’expliquer ce qui se passe ici, ce qui était très difficile.
Lors de cette séance — qui s’est déroulée la semaine dernière seulement — nous avons accueilli 30 personnes pour en discuter. J’ai un peu obligé mon personnel à y assister, parce que je savais que les gens ne seraient probablement pas très intéressés. Des 30 membres de ma bande dans la réserve, 17 sont des femmes et 13 sont des hommes. Il m’est apparu clairement que je devais vous expliquer que bien que nous appuyions l’abrogation de l’article 67, nous n’appuyons pas le projet de loi .
La LCDP et les répercussions du projet de loi C-44 ne sont pas nécessairement bien comprises par mon peuple, qui n’a pas été consulté. Je suis de tout cœur pour l’abrogation de l’article 67, mais je ne peux appuyer le projet de loi.
Je fonde ma position sur deux facteurs interdépendants: ma croyance en l’importance fondamentale des droits de la personne, des droits des Autochtones et des droits issus de traités, et le rôle crucial des consultations au sein du processus démocratique.
Les premières nations du Canada — tant les particuliers indiens que les bandes indiennes — qui vivent sous la Loi sur les Indiens ont depuis longtemps leurs propres coutumes de gouvernance, dont de nombreuses datent d’avant le Canada lui-même, et qui ont traditionnellement permis un équilibre harmonieux entre les droits de la personne collectifs de la communauté et les droits de la personne individuels.
Je pourrais poursuivre sur ce point, mais je crois que je pourrai probablement mieux aborder ces enjeux en répondant à vos questions, parce que je suis convaincu que vous les avez déjà entendus d’autres présentateurs.
Selon mon point de vue, la LCDP, dans sa forme actuelle, intègre une notion essentiellement occidentale ou euro-américaine d’un aspect des droits de la personne individuels, soit l’égalité des droits, et des correctifs et des mécanismes de résolution des conflits occidentaux ou euro-américains pour garantir la protection de ces droits. La LCDP offre peu du point de vue de la protection des autres droits de la personne, qu’ils soient collectifs ou individuels, à l’égard de la communauté, comme les droits issus de traités protégés par la Constitution et les droits autochtones inhérents.
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Bien. Merci. Alors je parlerai beaucoup plus lentement, parce que j’avais moi-même de la difficulté à me suivre.
Des voix: Oh, oh!
Chef Marcel Balfour: Bien que le projet de loi , peut-être de manière admirable, accroisse la protection de l’égalité des droits pour le peuple autochtone en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n’aborde pas la question de l’équilibre entre les droits à l’égalité individuels et la protection des autres droits de la personne individuels. C’est un élément essentiel que vous avez, je crois, entendu souvent des autres témoins.
Je suppose que lorsque je me penche sur la question, c’est aussi en tenant compte d’un point de vue international. Si on examine le contexte international, on peut citer du point de vue de l’égalité les articles 2 et 3 du Pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Ces dispositions, que l’on dit souvent violées par l’article 67, protègent les droits à l’égalité individuels en exigeant que les États assurent à toutes les personnes qui se trouvent dans leur territoire et qui sont assujetties à leur autorité les droits reconnus dans le Pacte, sans aucune distinction que ce soit, comme la race, le sexe, la couleur ou la religion, et en exigeant que les États fournissent des mesures correctives dans le cas de violations. Cependant, du même coup, le Pacte prévoit que ces droits à l’égalité individuels peuvent être limités pour protéger l’existence des États, soit de la collectivité, par exemple, dans des situations de danger public comme on le mentionne à l’article 4.
Par ailleurs, et c’est très significatif pour les premières nations, l’article 1 du Pacte établit d’importants droits collectifs, notamment que tous les peuples ont droit à l’autodétermination, et que conformément à ce droit, ils peuvent librement déterminer leur statut politique et poursuivre leur développement économique, social et culturel.
La Constitution canadienne, dans le contexte canadien, reconnaît aussi l’importance des droits individuels, y compris des droits à l’égalité individuels et des droits collectifs. Vous avez entendu l’analyse de l’article 15. D’un point élargi, il protège aussi, bien sûr, les droits collectifs. La Charte, cependant, ne limite pas la protection des droits de la personne ainsi protégés aux droits à l’égalité individuels. Faisant directement référence aux droits collectifs, la Charte reconnaît et protège, en plus des droits collectifs des premières nations, les droits collectifs des communautés linguistiques en ce qui a trait aux langues officielles du Canada.
Par exemple, la Charte reconnaît que les membres des minorités linguistiques anglophones ou francophones ont droit, dans certaines circonstances, à ce que leurs enfants soient éduqués dans leur propre langue officielle. À cet effet, les droits collectifs accordés aux communautés linguistiques anglophones et francophones du Nouveau-Brunswick sont particulièrement frappants.
Les articles 16 et 16.1 de la Charte reconnaissent précisément que les communautés linguistiques anglophones et les communautés linguistiques francophones du Nouveau-Brunswick ont une égalité de statut et des droits et privilèges égaux, y compris le droit à des établissements d’enseignement distincts, et que de tels établissements culturels distincts sont nécessaires à la préservation et à la promotion de ces communautés.
Je reconnais les limites de toute analogie que l’on peut établir avec la situation des premières nations du Canada, mais j’estime que le libellé de la Charte, en ce qui a trait aux communautés linguistiques du Nouveau-Brunswick, constitue un exemple intéressant du rôle important des droits collectifs.
Dans la même veine, il faut tenir compte du fait que la Charte, tout comme la Loi sur les Indiens, exige que les premières nations soient habilitées à prendre des mesures pour préserver leur existence, leur identité et la culture de leurs communautés.
Lorsque j’examine la question, je crois qu’il y a peut-être une tendance à considérer que les opposants au projet de loi dans sa forme actuelle, s’il en existe, sont contre les droits de la personne. Mais je crois que là n’est pas la question, et ce n’est pas mon opinion. La diversité des droits protégés tant dans la Charte que dans les instruments internationaux démontre que le concept de droits de la personne s’étend bien au-delà de l’égalité des droits visée par le projet de loi . Compte tenu de la vaste gamme de droits de la personne reconnus dans le droit canadien et dans le droit international, et de la reconnaissance que l’égalité des droits peut aussi s’appliquer sur une base collective, je crois que d’affirmer que le projet de loi C-44 est pour les droits de la personne et que ses opposants sont contre est à la fois improductif et trompeur.
Deuxièmement — et je crois que ce point est au cœur de nombre de mes réserves au sujet du projet de loi C-44 dans sa forme actuelle —, le concept des droits de la personne dans son ensemble reconnaît aussi les droits de la collectivité, et le fait qu’il faut concilier les droits de la personne collectifs et les droits individuels.
Même si je ne veux pas aborder les avantages et les inconvénients de la Loi sur les Indiens — et cela me semble drôle parce qu’à mon dernier passage ici, j’ai abordé la LGPN et nous avions parlé de ne pas bricoler la Loi sur les Indiens — il est plutôt ironique de voir que nous proposons actuellement d’appliquer une loi sur les droits de la personne à une loi fondée sur la race. Dans les faits, nous sommes en train de bricoler la Loi sur les Indiens.
Donc si je dis oui à ceci, cela signifie que je dis oui à la Loi sur les Indiens, et je ne peux le faire. En tant que chef, je me trouve dans une position intenable.
Il existe tout de même des droits reconnus dans la Loi sur les Indiens ainsi que dans la Charte qui sont exercés par les bandes en vue de protéger la culture, la langue et le bien-être, et on y retrouve aussi des pouvoirs précis. Et bien sûr, vous le savez déjà. Il y a toujours des problèmes avec la Loi sur les Indiens, du point de vue du pouvoir d’adopter des règlements, de la désignation des terres et du rôle du ministre. Il y a quelque chose là, malgré sa faiblesse.
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D’accord, je ne vais pas aller plus vite, mais je vais beaucoup abréger.
Mon peuple a exprimé sa crainte à l’égard du projet de loi . Comme je l’ai mentionné, le petit groupe de travail avec lequel j’en ai discuté — quoi que dans la réserve seulement, je ne parle même pas de mes membres à l’extérieur de la réserve — et certains membres de la bande ont dit craindre qu’ils puissent être exclus du logement dans la réserve. D’autres se préoccupent du fait que la bande pourrait devoir commencer à fournir des services, comme les soins de santé, aux personnes de l’extérieur de la réserve. D’autres membres ont déclaré ne pas comprendre ou ne pas savoir en quoi consiste la Loi sur les droits de la personne, ni quelles sont les mesures correctives disponibles. D’autres craignaient que la mise en œuvre du projet de loi ne diminue nos droits issus de traités ou nos droits autochtones, et d’autres considéraient que cela nous menait à une assimilation encore plus grande.
J’aimerais peut-être relever rapidement trois domaines auxquels j’ai pensé mais que je n’ai pas vraiment… Je me suis assis pour présenter ceci, mais je n’ai pas pensé à tout.
L’une des idées relatives à ce projet de loi en particulier — ou à une approche à l’égard d’un projet de loi, si vous souhaitez aller de l’avant à un autre moment où il y aura une consultation véritable auprès de ceux qui se trouvent dans la réserve et qui seront touchés, de même qu’auprès de ceux qui sont à l’extérieur de la réserve et des bandes — serait une disposition de dérogation pour les premières nations.
Je sais que vous avez écouté plusieurs présentations, et qu’elles ont été prises en compte de manière appropriée. Assurément, dans la présentation de l’APN, il y avait de bonnes analyses.
L’établissement d’une disposition de dérogation dans la LCDP permettrait aux premières nations de passer outre aux mesures de la LCDP visant à protéger l’égalité, mais bien sûr une telle disposition exigerait de toute évidence un libellé soigné et nombreux sont ceux qui pourraient la considérer comme inadmissible.
Bien que la question de la disposition de dérogation soit controversée, l’histoire nous a montré que son existence n’a pas constitué un obstacle insurmontable à la protection des droits de la personne au Canada. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en bénéficient, alors pourquoi les gouvernements des premières nations ne pourraient-ils pas en bénéficier eux aussi?
La deuxième considération, une autre option qui pourrait être envisagée, serait une disposition de sauvegarde ou de justification qui aurait une fonction similaire à l’article 1 de la Charte, et qui permettrait aux premières nations d’imposer des restrictions aux droits garantis par la LCDP dans la mesure où l’on peut démontrer que de telles restrictions sont justifiées. De nombreuses possibilités doivent être prises en compte. Le libellé devrait en définitive être bien pensé, et ici encore, les consultations seraient sans aucun doute un élément clé.
Troisièmement, comme l’a présenté l’APN — et nous réfléchissons à ceci avec prudence — on retrouve un mécanisme indépendant pour les premières nations, qui bien sûr mène à ce que nous pouvons en fait faire nous-mêmes.
Je serai heureux de répondre à vos questions et je suis désolé d’avoir pris tant de temps et d’avoir adopté un rythme trop rapide au début.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs de cet estimé comité, sekoh, sge:no. Sekoh est le terme mohawk pour bonjour. Sge:no est le terme cayuga pour bonjour.
Je désire d’abord saluer la Nation algonquine, qui nous accueille aujourd’hui sur son territoire pour une discussion très précieuse sur les nations, et cette discussion sur les droits de la personne s’inscrit tout à fait dans la discussion plus générale sur le statut de nation.
Nous avons fourni un court contexte sur la bande Six Nations dans notre document officiel, remis à la greffière. Je désire tout d’abord énoncer clairement que cette présentation et notre participation au processus du présent comité ne doivent pas être considérées comme une consultation. Il n’y a pas eu de consultation sur le présent projet de loi, ce dont je parlerai plus tard. Je fais référence au fait qu’il n’y a pas eu de discussion en bonne et due forme avec la bande Six Nations of the Grand River sur ce sujet en particulier.
L’adoption du projet de loi proposé sera une fois encore une imposition d’une loi externe à notre communauté, ce qui constitue une violation de nos rapports fondés sur des traités avec la Couronne au Canada. Le Canada a été colonisé dans la paix en raison des traités avec les premières nations et des rapports fondés sur des traités qui ont suivi. Ces ententes solennelles sont considérées comme sacrées par de nombreuses premières nations.
Il faut souligner qu’aucun des traités, avant les exemples d’aujourd’hui, n’a jamais mentionné les droits à l’autonomie gouvernementale. Nous n’avons jamais eu de négociations à ce sujet. Cela se poursuit à ce jour. Permettez-moi d’être clair à ce sujet. Nous nous considérons toujours comme les organismes dirigeants de ceux dont nous avons la responsabilité.
La bande Six Nations a conclu l’un des plus anciens traités avec la Couronne en Amérique du Nord, appelé Kahswentha, le traité du wampum à deux rangs. Ce traité reconnaît le statut égal, mais distinct, de nos gouvernements respectifs et forme la base de notre relation actuelle. Il signifie que nos gouvernements et nations sont égaux. Le traité du wampum à deux rangs signifie que tout comme les deux rangs ne se recoupent pas, nos gouvernements respectifs conviennent aussi de ne pas interférer les uns avec les autres. Les droits de la personne relèvent de la bande Six Nations. Cette dernière a le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et elle seule est la mieux placée pour établir un équilibre entre les droits des particuliers et les droits collectifs de nos citoyens.
Nous proposons que toute loi reconnaisse la compétence des premières nations dans ce domaine, et qu’elle ne soit en vigueur que jusqu’à ce que les premières nations adoptent leurs propres codes de législation sur les droits de la personne. Il est important de souligner que toute nouvelle loi fédérale pouvant toucher nos droits autochtones ou issus de traités peut déclencher l’obligation de consulter, d’accommoder et d’obtenir notre consentement. Cette obligation est reconnue par la Cour suprême du Canada. Cependant, il s’agit également d’une obligation préexistante qui émane de nos rapports fondés sur des traités et de nos alliances avec la Couronne dans le cadre de notre traité du wampum à deux rangs. La Cour suprême du Canada a déclaré que l’honneur de la Couronne exigeait l’obligation de consulter les premières nations, et le principe est ancré dans l’honneur de la Couronne, qui est aussi en jeu dans ses affaires avec les peuples autochtones.
L’obligation qu’a le gouvernement fédéral de consulter n’a clairement pas été respectée en ce qui concerne le projet de loi . Vous avez entendu les parrains du projet dire que l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne fait l’objet de discussions depuis 30 ans. Cependant, bien des choses ont changé depuis ce temps, y compris les relations, l’histoire, et le droit canadien. Durant ce temps, on a adopté une constitution au Canada, laquelle protège les droits autochtones et les droits issus de traités des peuples autochtones du Canada. Le libellé précis dans ce projet de loi est différent des tentatives antérieures.
Il est peut-être vrai que les gouvernements antérieurs ont consulté des organisations autochtones par le passé, dans le cadre d’autres tentatives visant à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cependant, l’obligation consiste aujourd’hui à consulter les titulaires de ces droits. Cela signifie que le gouvernement doit consulter les communautés des premières nations représentées par leurs gouvernements, et non pas les organisations autochtones. Cela signifie que des consultations doivent être tenues avec plus de 133 gouvernements de premières nations au Canada qui seront touchés par cette législation. Seule la bande Six Nations parle pour la bande Six Nations. Les consultations tenues auprès de n’importe qui d’autre qui prétend nous représenter sont invalides.
Nous estimons que des consultations doivent être organisées avant d’aller de l’avant avec la loi. Un délai de six mois avant la mise en œuvre de la législation ne suffira tout simplement pas; les jeux sont déjà faits. Un délai de six mois ne compte pas si le résultat final est l’abrogation ou la violation de nos droits protégés par la Constitution.
Toute consultation doit nous fournir une analyse complète et éclairée des incidences possibles de cette loi. Personne ne peut dire avec certitude quel sera l’impact de cette loi sur nos collectivités. Par conséquent, des études d’impacts doivent être effectuées pour que nous disposions de la meilleure information disponible.
Il faut terminer ces études avant d’aller de l’avant avec la loi. Cela signifie que le calendrier de consultation doit être prolongé à au moins un an. Nous ne voyons pas comment le gouvernement fédéral pourrait consulter 633 communautés dans un aussi court délai. Cela signifie également que des ressources doivent être accordées aux premières nations pour qu’elles puissent participer de manière efficace. Pour être clair, le fait de consulter les organisations de premières nations ne respectera pas l’obligation de consulter.
Les parrains gouvernementaux de ce projet de loi ont déclaré que tout nouveau report des délais mènerait à encore plus de violations des droits de la personne au sein des communautés de premières nations. Pourtant, j’estime qu’il n’existe aucun besoin pressant ou immédiat en lien avec cette loi. La Commission canadienne des droits de la personne n’a elle-même cité que 20 exemples par année de plaintes déposées par les premières nations. Ce n’est pas un problème important compte tenu des millions de citoyens de premières nations que l’on trouve au Canada.
La période de mise en œuvre et de transition prévue dans le projet de loi doit être prolongée. S’il a fallu 30 années au gouvernement pour passer à l’action, il peut certainement en prendre quelques-unes de plus pour faire les choses correctement.
Il est important de souligner que lorsque l’article 15 de la Charte des droits et des libertés a été adopté, on a accordé trois ans pour sa mise en œuvre. Les premières nations méritent le même traitement et le même délai, soit 36 mois, pour la mise en œuvre et la transition, et pour veiller à ce qu’aucune erreur grave ne soit commise.
Ce temps additionnel devrait être mis à profit au début du processus, et la loi devra être modifiée après la consultation en fonction des résultats de celle-ci.
La Loi canadienne sur les droits de la personne traite des droits individuels. Comme d’autres lois fédérales, elle a été établie à partir de systèmes législatifs, de traditions et d’histoire différents, et elle correspond à une vision du monde que les premières nations ne partagent pas et qui met l’accent sur les droits individuels au détriment des droits collectifs. Nos histoires, nos coutumes, nos traditions et nos droits sont fondés sur les droits collectifs, et ceux-ci se reflètent dans nos cultures, nos pratiques, nos traditions et nos langues uniques.
En termes clairs, nous appuyons pleinement les droits de la personne individuels, mais un équilibre doit être assuré avec les droits collectifs de nos communautés, de nos cultures et de nos sociétés. Nous voulons nous assurer que cette législation ne nuira pas à la fonction de nos gouvernements traditionnels. Cela constituerait une injustice, et irait de plus à l’encontre des documents internationaux qui reconnaissent et protègent nos droits à notre culture, à nos traditions et à nos pratiques.
Aucun autre gouvernement ni aucun autre peuple n’a le droit d’imposer ses cultures et ses impératifs culturels à nos nations et à nos sociétés. Ici encore, Mesdames et messieurs, on retrouve ce concept des deux rangs.
L’article 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques prévoit que les personnes qui appartiennent à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques « ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue ». Les peuples autochtones sont, du point de vue du nombre, une minorité, de sorte que les droits des minorités s’appliquent à eux. Cependant, il est important de souligner que nous avons le statut juridique de peuple… et le droit à l’autodétermination en vertu du droit international. Le gouvernement fédéral est dans l’obligation, en vertu du droit international, de respecter et de protéger les droits prévus à l’article 27.
La bande Six Nations se préoccupe aussi des groupes et des organisations hostiles aux droits des premières nations qui pourraient se servir de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour remettre en cause les programmes et les services existants mis sur pied précisément à l’intention des premières nations, comme l’éducation, le logement et l’exonération fiscale, alléguant une discrimination à l’encontre des non-Indiens. S’ils avaient gain de cause, cela pourrait détruire toute la base des programmes sociaux établis au sein des communautés de premières nations et y créer davantage de pauvreté. Je suis convaincu que ce n’est pas là l’intention du projet de loi. Cela imposerait un programme de nivellement du livre blanc de 1996.
Cela justifie le besoin d’une disposition interprétative et d’une disposition de non-dérogation dans la législation pour équilibrer les droits individuels et les droits collectifs, et pour protéger les droits issus de traités et les droits autochtones des premières nations. Toutes les premières nations doivent pouvoir continuer de fournir des programmes et des services propres aux premières nations à leurs citoyens sans être accusées de discrimination par des intérêts extérieurs.
La législation proposée imposerait des coûts non fondés, imprévus et possiblement majeurs à tous les gouvernements des premières nations. Ces derniers devront participer à des tribunaux coûteux. La base de financement actuelle est totalement inadéquate, et nous avons été assujettis à un plafond de financement de 2 p. 100 depuis le début des années 1990. Il est impossible de connaître les incidences à court et à long terme. Cependant, nous savons que la bande Six Nations ne possède pas actuellement les ressources nécessaires pour supporter les coûts possiblement considérables qui découleraient d’une telle loi.
Ainsi, il est possible que les citoyens handicapés soient les premiers à aller de l’avant et à déposer des plaintes en raison du manque d’accessibilité de nos installations, alors que nous n’avons jamais obtenu de financement adéquat et que nous ne disposons pas des ressources requises pour rendre nos installations accessibles aux personnes handicapées. C’est un exemple très concret d’une situation où des ressources devront être immédiatement accordées aux premières nations. Une formation sur l’ensemble du processus sera requise. Lorsque vous prenez en compte les 633 communautés de premières nations, vous pouvez voir qu’il faudra beaucoup plus de temps que la période de transition de six mois proposée.
Le gouvernement fédéral a déclaré que les pressions internationales l’avaient poussé à passer à l’action maintenant, et nous trouvons de fait ironique que le gouvernement, qui s’efforce de se dépeindre comme un chef de file en matière de droits de la personne, bloque actuellement l’approbation de l’ébauche de déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies.
La Haut Commissaire aux droits de l’homme, Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, a déclaré ne pas comprendre pourquoi le Canada était si opposé à la déclaration. À titre d’ancienne juge de la Cour suprême, elle ne voit aucune menace pour le Canada dans cette déclaration, ce qu’elle a déclaré au gouvernement du Canada. Le présent comité pourrait peut-être plus tard persuader le Canada de mettre fin à son hypocrisie et de retirer son opposition à l’ébauche de la déclaration des Nations Unies, qui vise simplement à protéger les droits de la personne internationaux des peuples autochtones.
La bande Six Nations se préoccupe également des droits de la personne autochtones et rappelle au Canada et au présent comité que les droits de la personne comprennent aussi les droits à de l’eau potable; à un logement décent; à un emploi; à de l’air pur; à une bonne santé; à une éducation culturellement appropriée; et le droit d’élever nos enfants dans notre propre culture et notre propre langue de premières nations.
Cela conclut mes commentaires au comité pour aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions. De notre territoire, je vous dis niawen ko:wa, qui se traduit à peu près par un gros merci.
Niawen ko:wa.
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Merci, monsieur le président.
D’abord, je tiens à vous remercier pour vos présentations ici aujourd’hui. Je crois que vos commentaires étaient très bien présentés et que vous avez fait preuve d’une analyse approfondie dans votre façon de vous adresser à nous.
J’ai entendu de nombreux points de vue différents des communautés autochtones sur le et sur les droits de la personne. Je respecte le chef Balfour pour ses commentaires, selon lesquels nous devons parfois établir une distinction entre l’abrogation et la loi, parce que ce sont deux choses différentes. Vous avez dit que vous appuyiez l’abrogation, mais pas nécessairement la loi, et je crois que c’est une déclaration très valide et appréciable. De ce que j’ai entendu au cours des derniers mois à ce sujet, on assiste à un appui majeur aux questions des droits de la personne et à tout ce qui s’y rattache.
En 1985, le gouvernement conservateur — de cette époque-là, bien sûr — s’est précipité dans une modification de la Loi sur les Indiens — le bricolage dont vous parliez plus tôt, chef Balfour — qui s’est terminée par le projet de loi C-31. On a précipité les choses, et ce, au nom de la protection des femmes. Je crois qu’à ce moment-là, le gouvernement conservateur estimait que c’était la bonne chose à faire. J’espère qu’il n’y avait pas d’autres motifs; je ne le crois pas. Cependant, le projet de loi C-31 s’est révélé beaucoup plus discriminatoire et il est en fait plus injuste pour les femmes et les enfants sous plusieurs aspects, et de nombreuses études ont dit qu’il mènera à la perte du statut d’Indien d’ici quelques décennies. C’était donc un projet de loi très problématique qui a été établi à la hâte au nom de l’idéologie.
Aujourd’hui, en 2007, nous observons la même hâte à l’égard du . On le précipite, encore une fois au nom de la protection des femmes et des enfants. Je crois fermement que mes collègues de l’autre côté estiment que c’est la bonne chose à faire et, sous de nombreux aspects, j’en conviens, car nous devons faire un certain travail dans ce domaine.
Des groupes de femmes, d’autres organisations autochtones, des témoins ont comparu devant ce comité et ont exprimé leurs préoccupations. Je souhaite résumer certaines de ces préoccupations.
Très logiquement, comme vous l’avez mentionné ce matin, nous avons entendu des personnes parler du besoin d’une disposition interprétative, d’une disposition de non-dérogation ou d’une disposition de dérogation; d’une période de transition plus longue que celle actuellement accordée; d’une analyse des incidences plus détaillée d’un point de vue juridique, parce que nos travaux auront des conséquences sur d’autres lois au fur et à mesure que nous progresserons, y compris sur la Loi sur les Indiens en tant que telle; et de l’analyse de l’équilibre entre les droits collectifs de nos peuples, les droits issus de traités et les titres ancestraux, et ainsi de suite.
Or, ces arguments et ces positions me semblent justes. Je n’ai entendu personne se déclarer contre les droits de la personne, et je crois qu’il est important de mentionner que si vous êtes contre le — je répète à nouveau ce qui a été dit ici — vous n’êtes pas contre les droits de la personne. C’est une façon injuste de dépeindre les personnes qui parlent de leurs préoccupations à l’égard du projet de loi C-44.
J’ai aussi entendu certaines préoccupations selon lesquelles les conservateurs auraient déclaré que le présent processus constitue une consultation. Je ne sais pas si c’est le cas, car une consultation se déroule habituellement avant qu’un projet de loi ne soit ébauché, rédigé, et ainsi de suite.
En fait, toutes ces préoccupations peuvent être classées dans deux catégories, à mon avis. La première suppose que nous déchirions le projet de loi et que le gouvernement amorce immédiatement des consultations pour corriger cette lacune dans la protection des droits de la personne, et l’équilibrer avec tous les autres enjeux — les droits collectifs, l’incidence sur la Loi sur les Indiens, toutes ces autres choses — de sorte que nous puissions commencer à aborder cette question de manière juste et raisonnable.
L’autre catégorie de préoccupations suppose que si le projet de loi n’est pas mis à la poubelle, alors nous avons besoin d’une période de transition plus longue, nous avons besoin de plus d’études, nous avons besoin de dispositions de non-dérogation ou interprétatives, et ainsi de suite.
J’entends des gens qu’ils appuient l’objectif, mais que le n’est pas le moyen pour l’atteindre. Est-ce exact? Que pensez-vous de ce que je viens de résumer?
Je ne sais pas qui souhaite commencer.
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Encore une fois, je vous remercie de me poser cette question.
Je puis vous dire qu’on aurait dû prendre en considération la norme rigoureuse et l’obligation de consulter. Ce projet de loi, sur l’échelle mobile qui nous a été fournie par les tribunaux, a une incidence sur nos droits ancestraux et issus de traités, et il mérite donc la plus grande attention. Cela exige une importante obligation de consulter et beaucoup de temps à cette fin.
Cela peut exiger un accommodement. Un accommodement important serait de nous laisser exercer nos pouvoirs comme nation, de les reconnaître, et de nous permettre de nous occuper des codes et des lois sur les droits de la personne dans nos territoires. Cela pourrait même exiger notre consentement.
Nous devons donc examiner en quoi consistent exactement nos obligations mutuelles. Nous avons une obligation envers notre peuple. L’État a une obligation envers nous dans le cadre de ce processus. Afin de bien comprendre ces obligations et de les faire comprendre à nos concitoyens, nous avons besoin de plus de temps pour le seul volet de ce processus qui concerne la consultation.
Un projet de loi comme celui-ci, même s’il est justifié et nécessaire, nous force à examiner les questions à la hâte. Le fait que nous l’ayons attendu pendant 30 ans fait oublier les 200 ans que nous avons dû attendre pour résoudre nos problèmes relatifs à la terre et aux ressources, et une partie de l’histoire des pensionnats que notre peuple a endurée.
Aussi, lorsque vous nous demandez de comparer 30 ans et 200 ans, j’estime que vous devriez nous laisser plus de temps afin que nous puissions nous assurer de bien faire les choses. Nous n’aurons pas alors à nous adresser aux tribunaux par la suite afin d’obtenir des interprétations et des recours judiciaires.
Prenons le temps, soyons prudents et réfléchis, et procédons de la bonne manière dès le départ.
Je devrais préciser tout d’abord que depuis que j’ai été nommé chef, j’ai participé à plusieurs assemblées publiques. Je prends la plupart de mes décisions dans le cadre de réunions officielles qui sont enregistrées, comme la présente procédure, et diffusées sur nos ondes locales. J’ai également participé à quatre ou cinq assemblées générales de la bande, auxquelles a assisté l’ensemble de la bande et où les gens sont venus discuter de questions précises.
Lorsque nous avons discuté de cette question — qui a été enregistrée — et après l’avalanche d’information qui leur a été présentée au début, les gens ont commencé à démontrer beaucoup d’intérêt et d’engagement, et ont tenu à ce que les chefs et les conseils fassent un suivi de la discussion sur les droits individuels par opposition aux droits collectifs, ainsi que sur le contexte général de la gouvernance.
Ce n’est pas par hasard que j’ai mentionné qu’avant mon élection à ce poste, il existait de réelles préoccupations concernant l’application de la règle de droit et la façon dont les dirigeants s’acquittaient de certaines tâches. Et je pense que la façon de procéder des dirigeants est extrêmement importante pour qu’on puisse traiter cette question.
S’il y avait un processus de consultation après le fait — ce avec quoi, bien entendu, je ne suis pas nécessairement d’accord —, j’espère qu’on commencerait par sensibiliser les dirigeants à la nature de ce processus. J’ai eu le privilège de me familiariser avec le présent projet de loi lorsque je fréquentais la faculté de droit, contrairement à mes collègues du conseil.
Par conséquent, il faudrait d’abord mobiliser les dirigeants. Ensuite, je crois qu’il serait raisonnable de sensibiliser les membres de la bande, dans les réserves et hors réserves, au moyen de divers ateliers et de séances d’information, à l’aide de différentes technologies et de matériel.
On nous a demandé de prendre certaines mesures en relation avec la Loi sur les Indiens, par exemple en ce qui a trait à la terre, sur laquelle nous devons organiser un référendum. Et en ce qui concerne Norway House, je crois que cela serait approprié dans les circonstances.
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Je vous remercie de votre question, monsieur Lévesque. Vous nous présentez une multitude de possibilités.
J’ai la chance d’avoir ici Richard Powless et plusieurs membres de mon conseil, qui ont participé à l’ensemble des discussions sur le projet de loi . Ils sont ici sur la Colline parlementaire.
Je crois que si nous devions aller de l’avant avec ce projet de loi — encore une fois, je ferais ressortir les pouvoirs comme étant la principale réalisation — pendant votre mandat au gouvernement, cela serait quelque peu rassurant. Mais dans l’ensemble, je crois qu’il serait sage de prendre du recul, d’examiner tout ce qui a été réalisé jusqu’ici et de nous rendre compte que, peut-être — et je ne dis probablement rien de nouveau —, nous allons encore une fois trop vite. Nous devons obtenir plus d’information. Quant au fait de parler de mise en œuvre sans en connaître les conséquences, qu’elles soient positives ou négatives, comme chef, j’estime qu’il serait imprudent d’approuver la poursuite du processus.
Même si une autre solution serait d’insérer les pouvoirs et un délai plus long dans une modification à apporter au texte législatif actuel, je crois que les 633 premières nations doivent obtenir plus de temps à ce chapitre.
Je peux vous assurer, et je serai bref, que les Six Nations constituent le plus important groupe de premières nations, et je suis très fier de notre capacité et des experts que nous pouvons affecter à cette question, mais cela même n’est pas suffisant. J’éprouve un profond respect pour le chef Balfour et sa collectivité, et pour les autres collectivités dans l’ensemble du pays qui n’ont pas et n’ont pas eu le temps de se consacrer à cette question.
Je leur rendrais un mauvais service en disant que nous devons aller de l’avant. Nous avons tous besoin de plus de temps.
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Bon après-midi. Merci de me donner l’occasion de revenir.
Je crois que lorsque j’ai interrompu ma présentation, nous parlions des réponses aux questions de consultation. Dans le rapport du comité sur le système canadien des droits de la personne, on recommande une abrogation immédiate, ainsi qu’une période de transition de 18 à 30 mois, et le projet de loi prévoit une période de transition de six mois.
Vous savez comme moi que nous appuyons l’abrogation, mais on doit prévoir au moins 36 mois. C’est ce que nous avons établi comme période de transition. Selon moi, on ne devrait pas raisonnablement s’attendre à ce que les collectivités soient prêtes à une modification radicale de la loi et, jusqu’ici, le mode de fonctionnement du processus juridique est trop complexe pour qu’on puisse concilier quoi que ce soit en six mois. Nous devons être informés et nous assurer d’avoir des ressources suffisantes dans les collectivités pour résoudre ce problème de façon appropriée.
Dans le cadre des travaux que nous avons réalisés, nous voulions nous assurer qu’il y aurait une véritable consultation. Au cours du processus relatif aux biens immobiliers matrimoniaux, la nécessité de cette consultation est apparue évidente. Nous nous sommes préoccupés sérieusement, et avec raison, du fait que nous n’aurions pas suffisamment de temps pour mener un processus de consultation valable, étant donné que nous n’avions que trois mois à cette fin.
Par conséquent, au début des discussions, l’AFAC a demandé au moins une année de consultation. Les femmes autochtones avec lesquelles nous avons parlé ont exprimé cette préoccupation et ont manifesté beaucoup de scepticisme à l’égard du processus, soulignant l’aspect fondamental de la consultation lorsqu’une modification législative importante influe directement sur les peuples autochtones.
Dans le rapport de la Représentante spéciale sur la protection des droits des femmes des premières nations, une recommandation clé était un consentement libre, préalable et éclairé. Cela est absolument crucial lorsque les droits individuels et collectifs des femmes autochtones sont touchés. Il est précisé dans le rapport que les femmes autochtones jugent la loi difficile à comprendre, et qu’elles seraient mieux en mesure de fournir des commentaires constructifs si elles étaient informées sur les lois qui ont une incidence sur leurs droits collectifs et individuels.
Le groupe de discussion a recommandé la mise en œuvre d’une stratégie de sensibilisation et d’information dans laquelle les organisations de femmes autochtones fourniraient les outils et les ressources permettant de sensibiliser ces femmes à leurs droits juridiques.
Puis, en juin 1998, AINC a reconnu l’absence d’une politique ou d’une directive ministérielle explicite qui orienterait la consultation avec les premières nations. Même si la méthode souple et globale utilisée par le gouvernement a été utile pour répondre aux différents besoins, on a noté un manque d’uniformité dans les principes et le partage des pratiques exemplaires.
Dans son rapport de 2006, la vérificatrice générale soutient qu’une consultation valable donnera une image positive des relations entre les Autochtones et le gouvernement. Une bonne gouvernance et une relation empreinte de confiance entre les collectivités autochtones et les gouvernements sont essentielles à l’amélioration de la qualité de vie des Autochtones.
Si l’on veut que les mécanismes du système canadien des droits de la personne aient quelque poids dans les collectivités autochtones, une consultation approfondie et valable doit être engagée. Puisque les femmes et les enfants autochtones sont les plus touchés par les violations des droits de la personne en vertu de la Loi sur les indiens, il faut qu’ils soient intégrés dans ce processus.
Comme je l’ai mentionné au cours de notre dernière réunion, nous avons élaboré un plan de mise en œuvre quinquennal. AINC, le ministère de la Justice et Condition féminine Canada devraient y participer. Par ailleurs, nous avons engagé des discussions officielles avec l’ancienne Commission du droit du Canada et la Commission canadienne des droits de la personne.
Nous avons également mené des discussions avec le président de l’Association du Barreau Autochtone relativement à des traditions juridiques autochtones particulières qui doivent être respectées dans nos processus.
Nous n’avons reçu aucune rétroaction d’aucun des ministères fédéraux relativement à notre proposition. Nous croyons que ce plan est judicieux et que les collectivités des premières nations doivent participer activement à la mise en œuvre de l’abrogation.
Ce plan de mise en œuvre répond à la plupart des préoccupations exprimées relativement au projet de loi et à l’abrogation immédiate. On doit mettre à profit les recherches antérieures en vue d’assurer la reconnaissance des traditions juridiques autochtones et d’étudier la meilleure façon de concilier les principes juridiques canadiens énoncés dans la Charte et ceux qui figurent dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le Canada a été proactif en favorisant l’intégration des traditions juridiques autochtones dans certaines collectivités de premières nations par la mise en œuvre de diverses initiatives autochtones de justice réparatrice. Selon nous, les partis au pouvoir, conjointement avec les premières nations, peuvent miser sur cette approche pour aborder également la question des protections en matière de droits de la personne.
Nous pensons qu’on doit reconnaître la nouvelle base de connaissances des aînés de notre collectivité au chapitre des traditions juridiques autochtones et examiner les responsabilités au sein des collectivités elles-mêmes et le leadership dans les collectivités afin de répondre à ces questions.
Nous pensons qu’il faut entreprendre une démarche ascendante en sollicitant la participation des premières nations par le renforcement de la capacité. De cette façon, les collectivités auront les moyens d’accéder à la justice et aux ressources, et de les encadrer.
C’est à peu près tout. Nous avons élaboré un plan quinquennal grâce auquel nous espérions travailler directement avec les collectivités des premières nations, avec lesquelles nous avons établi des relations très positives dans le cadre de nos consultations sur les biens immobiliers matrimoniaux. De plus, il existe déjà des pratiques exemplaires qui traitent sérieusement de cette question.
À notre avis, les protections en matière de droits de la personne exigent beaucoup plus qu’une modification de la règle de droit immuable. Le processus de mise en œuvre et l’affectation des ressources sont essentiels à la réussite. On doit mener des consultations valables avec les organismes autochtones nationaux, les collectivités de premières nations et les particuliers d’un bout à l’autre du processus.
Nous devons nous assurer qu’il y aura une période de transition de 36 mois. Moins que cela, ce serait ne pas tenir compte des conséquences à long terme et des causes profondes des violations des droits de la personne.
Nous insistons auprès du gouvernement pour qu’il entame immédiatement un processus ouvert et transparent afin d’évaluer les répercussions sur les personnes et les collectivités de premières nations et pour qu’il s’engage à poursuivre un plan de mise en œuvre élaboré conjointement par le gouvernement et les collectivités de premières nations, notamment une participation approfondie et valable des femmes autochtones. Ce plan permettra d’instaurer un véritable processus d’engagement par lequel nous nous préparerons aux répercussions de l’abrogation de l’article 67.
Merci.
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Bon après-midi à vous tous. Je vous souhaite la bienvenue pour la deuxième fois.
Je trouve cela assez incroyable. Le gouvernement a soulevé cette question entourant la consultation et il continue de poser des questions aux témoins autochtones en face de nous: « Que pensez-vous des consultations? Comment savoir si elles sont suffisantes? Devons-nous parler à chaque Autochtone que nous rencontrons? » Je dirais que vous devez parler avec au moins un représentant de la collectivité autochtone, pas nécessairement avec tous les Autochtones.
En ce qui concerne les échéanciers, j’estime que le gouvernement fait preuve d’une grande hypocrisie sur un point en particulier. Pour obtenir des excuses sincères concernant les pensionnats indiens, nous avons dû attendre quatre ou cinq ans que la Commission de la divulgation des faits et de la réconciliation fasse son travail. Mais pour mettre en œuvre le projet de loi , on nous dit que cela doit se faire en six mois sans aucune consultation. Par conséquent, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au chapitre de la réponse du gouvernement, il existe deux poids deux mesures.
Le gouvernement a également utilisé les femmes autochtones comme excuse pour adopter et mettre en œuvre en toute hâte le projet de loi . Mais ce que j’ai observé et appris, c’est que les femmes autochtones ont des préoccupations similaires, presque identiques en fait, à celles des autres témoins.
Que pensent les femmes que vous représentez de la méthode utilisée par le gouvernement? Cela ressemble pratiquement à une stratégie fractionnelle, qui fait ressortir un segment de société en particulier, du fait que les droits de la personne concernent une vaste gamme de questions, non seulement l’égalité entre les sexes, mais aussi différentes situations.
Par conséquent, j’aimerais avoir votre avis à ce sujet.
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Merci d'être présents, encore une fois. Je vais essayer d'être clair. Je vais peser mes mots. Je vais essayer d'être bref, concis, mais cela sera difficile.
Il évident que le projet de loi, tel qu'il est présenté actuellement, devra être amendé. C'est clair. Nous aurons probablement des propositions d'amendement très précises. Par exemple, il faut qu'il y ait une clause interprétative, il faut qu'il y ait une consultation, etc. De plus, selon moi, le délai d'entrée en vigueur de ce projet de loi devrait être de 36 mois, environ trois ans, parce que c'est la durée du délai, par exemple, qu'a donné la Cour suprême pour l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. On ne peut demander moins que cela, selon moi.
Madame Jacobs, madame Gabriel, je veux comprendre une chose. Iriez-vous jusqu'à demander la suspension des travaux tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu une consultation adéquate, en prenant le risque que ce projet de loi meure — on appelle cela « mourir au Feuilleton » — advenant un déclenchement d'élections au cours de la prochaine année, puisque nous sommes en présence d'un gouvernement minoritaire?
Ou encore êtes-vous prêtes à accepter que le projet de loi soit adopté avec des amendements très précis, et même avec — c'est la première fois que j'entends cette suggestion mais elle me semble intéressante — des délais pour l'implantation? Vous suggérez un délai de cinq ans; moi, je propose un délai de trois ans.
Je ne veux pas négocier sur la place publique, mais iriez-vous jusqu'à dire que vous seriez d'accord pour que le projet de loi soit adopté, mais avec des conditions très précises, des amendements très précis, ou préférez-vous prendre le risque qu'on se retrouve de nouveau avec un gouvernement minoritaire, soit conservateur ou peut-être libéral, mais... C'est une hypothèse, farfelue bien, évidemment, mais supposons que le gouvernement dépose un nouveau projet de loi dans lequel il n'est plus question de consultation.
J'aimerais avoir une réponse. Je suis partagé et j'aimerais vous entendre à ce sujet.
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J’ai lu les bleus et tout.
La véritable question à se poser est pourquoi ces violations se produisent-elles? Pourquoi y a-t-il des inégalités dans nos communautés? Penchons-nous là-dessus.
En ce qui concerne les violations des droits des personnes handicapées, il n’existe aucune disposition dans la Loi sur les Indiens ni politique des Affaires indiennes qui garantisse les services médicaux, physiques ou psychologiques dont ont besoin les personnes qui souffrent d’incapacité dans une réserve. Le seul moyen pour ces gens d’obtenir des services est de se faire appréhender, parce qu’ils ne peuvent pas obtenir de services à la réserve. Nous le savons aujourd’hui; je dirais donc, faisons quelque chose.
Le logement est un autre exemple. La plupart des fonds dont dispose une réserve sont basés sur la population qui habite la réserve. Quand un membre de la bande qui vit hors réserve présente une demande de logement et qu’on la rejette, à qui revient la faute? Est-ce la faute de la bande ou du gouvernement?
En ce qui regarde le projet de loi C-31, une jeune mère donne naissance à un enfant et n’identifie pas le père. Ce bébé perd son statut. À qui la faute? Faut-il blâmer le projet de loi C-31 ou la bande?
Ce sont des questions de droits de la personne; c’est la réalité. Ce que je constate, c’est que le gouvernement se rend compte de ces lacunes, comme l’indique son étude sur les facteurs de coûts, selon laquelle le financement est nettement insuffisant et on n’apporte pas de solution. Ils essayent de rejeter le blâme sur les communautés des premières nations, ce qui équivaut, à mon avis, à un manque de respect et à un acte abusif en soi.
Examinons ce cas particulier. Une plainte de violation des droits de la personne est déposée, mettons par une personne handicapée qui habite une réserve. La Commission des droits de la personne reçoit la plainte, l’évalue, détermine qu’elle est fondée, la renvoie à un tribunal, puis le tribunal l’examine. On tranche en faveur du plaignant, la personne handicapée, mais on apprend en même temps que la bande ne reçoit aucuns fonds à cet effet.
Que se passe-t-il? Le tribunal rend une décision exécutoire par le MAINC. Le ministre va-t-il agir immédiatement? Je ne le sais pas. J’oserais espérer que oui, mais l’expérience du passé ne laisse pas supposer que ce serait le cas.
La bande aura donc dépensé entre 40 000 et 50 000 $ pour ses audiences et autres rencontres avec le tribunal. Entre-temps, aucun service n’est offert à la personne qui est dans le besoin. Cela crée de l’animosité. Personne en particulier n’est trouvé en défaut, sauf une disposition législative. Il est possible que le plaignant, la personne handicapée, avance elle-même des fonds pour lancer cette plainte et pour essayer de la mener jusqu’au bout.
Qu’avons-nous accompli?
Oui, je suis pour l’abrogation de l’article 67. Je pense qu’il faudrait trouver un équilibre entre les droits de la personne et les droits collectifs. Cela devrait être inscrit dans la charte, comme l’a déjà indiqué le président, en tant qu’article d’interprétation, comme tout le reste dont nous avons parlé.
En fin de compte, nous avons un gouvernement qui refuse de corriger une situation que nous savons aujourd’hui injuste — à preuve les exemples que j’ai mentionnés — et qui vise plutôt une mesure qui ne corrigera peut-être même pas la situation, c’est-à-dire le projet de loi C-31, comme je l’ai déjà indiqué. Je pense qu’il s’agit d’un abus de processus, et c’est ce que j’en pense.
Ma question, s’il en faut une, serait la suivante: Pensez-vous que ce gouvernement fait montre d’abus en ne réglant pas les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui?