:
Je vais commencer par une déclaration, monsieur le président, avec votre permission. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions.
Je sais que M. Lemay est impatient d'avoir un dialogue sur ce sujet et j'apprécie toujours la discussion avec lui.
Monsieur le président, je vous remercie de me donner la possibilité de m'exprimer sur le projet de loi . Je me réjouis que les membres du comité examinent cet important projet de loi sur la protection des droits de la personne qui consiste à abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le projet de loi C-44 propose de mettre fin à une exemption qui a été inscrite dans la loi initiale lorsqu'elle a été promulguée il y a pas mal d'années, soit en 1977.
Cette exemption fait en sorte que certaines personnes, dont la plupart sont des résidents de collectivités des Premières nations, n'ont pas pu profiter pleinement de la protection offerte par la Loi canadienne sur les droits de la personne dans des situations où leurs droits semblaient avoir été bafoués. Cette injustice fondamentale entache la démocratie du Canada. J'attire votre attention sur un certain nombre de rapports des Nations Unies qui ont attiré l'attention là-dessus et recommandé ce changement.
L'article 67 légalise la discrimination contre certains citoyens et le projet de loi vise à assurer l'application uniforme des lois canadienne à l'ensemble des citoyens du pays.
[Français]
Le Parlement n'en est pas à sa première tentative d'abrogation de l'article 67. Le projet de loi C-108, présenté il y a près de 15 ans, est mort au Feuilleton. Plus récemment, les projets de loi C-7 et S-45, qui avaient le même objectif que le projet C-108, ont subi le même sort. Mais aujourd'hui, les parlementaires ont l'occasion de régler le problème.
L'abrogation de l'article 67 est appuyée par des groupes de différents horizons, dont votre comité qui, dans son rapport sur les biens immobiliers matrimoniaux intitulé Pour résoudre ensemble la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, s'est prononcé en faveur de cette abrogation.
[Traduction]
La position de votre comité à cet égard était fondée en grande partie sur le témoignage de représentants de plusieurs groupes importants, dont l'Association des femmes autochtones du Canada. Je cite d'ailleurs un propos tenu par Beverley Jacobs à l'époque à votre comité :
— de nombreuses femmes des Premières nations n'ont absolument aucun recours lorsque leurs droits sont bafoués dans leur collectivité. Elles n'ont pas le recours d'intenter des poursuites contre leur conseil de bande pour avoir fait de la discrimination contre elles et les avoir forcées à quitter leur collectivité. Nous exigeons que les droits humains fondamentaux soient reconnus à nos femmes et nos enfants.
En tant que ministre, ces paroles me touchent. Rien ne changera si nous ne prenons aucune mesure en ce sens. Et c'est précisément ce à quoi je m'emploie.
Au fil des ans, différents groupes ont dit vouloir l'abrogation de l'article 67, comme l'Assemblée des Premières Nations, le Congrès des peuples autochtones et la Commission canadienne des droits de la personne et d'autres observateurs indépendants qui ont déposé des plaintes auprès des Nations Unies.
L'injustice fondamentale engendrée par l'article 67 a également attiré l'attention de la communauté internationale, ce qui a malheureusement valu au Canada d'être censuré par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies.
[Français]
Monsieur le président, je crois que tout le débat se résume à la question des droits de la personne. Le Canada ne peut pas se permettre de tolérer la discrimination rendue possible par l'article 67.
Je sais que certains groupes ont exprimé des réserves à l'égard du projet de loi , malgré la noblesse des buts visés. La plupart des critiques se résument en trois points : l'absence perçue de la consultation, l'absence d'une disposition interprétative et la crainte de répercussions négatives.
Je m'emploierai aujourd'hui à répondre à chacune de ces préoccupations.
[Traduction]
Au sujet de la première des préoccupations, j'aimerais dire qu'il y a eu de nombreuses discussions et consultations sur l'abrogation de l'article 67, et toutes ont contribué à façonner le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui. En réalité, l'abrogation de l'article 67 est en discussion depuis 30 ans, depuis 1977.
Le processus de consultation le plus important a sans doute été celui lancé en 1999 dans le cadre d'un examen en règle de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme vous le savez, la Commission canadienne des droits de la personne elle-même s'est prononcée sur le sujet.
Parmi les nombreuses organisations autochtones régionales et nationales ayant participé à cet examen, mentionnons l'Association des femmes autochtones du Canada, l'Aboriginal Human Rights Commission de l'Alberta et l'Aboriginal Peoples Council du Nouveau-Brunswick.
Dans son rapport final de 2000, la commission d'examen a recommandé l'abrogation de l'article 67 et, il y a deux ans, la Commission canadienne des droits de la personne, suite à des consultations avec des groupes autochtones, a déposé elle aussi un rapport spécial sur l'article 67 dans lequel elle recommandait l'abrogation.
En 2003, lorsque votre comité a tenu des audiences sur le très controversé , Loi sur la gouvernance des Premières nations, la question de l'article 67 a encore fait l'objet de débats. Lors de ces audiences, de nombreux groupes autochtones ont fait pression pour l'abrogation de l'article 67 et ont réaffirmé cette position lors d'audiences tenues en 2005 sur la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. L'Assemblée des Premières Nations a également exprimé son point de vue publiquement à cet égard.
[Français]
S'il n'a pas été possible, pour chaque intervenant et chaque Autochtone, de prendre part aux consultations, il n'en demeure pas moins qu'un effort considérable a été réalisé pour recueillir des avis pertinents. Il ne fait aucun doute qu'il y a consensus : l'article 67 doit disparaître. Trente ans, c'est suffisamment long.
[Traduction]
Une seconde critique adressée à l'endroit du concerne l'absence d'une disposition interprétative. Selon les tenants de cette position, il faut prévoir une disposition interprétative dans la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'assurer l'équilibre entre les intérêts de ceux demandant à être protégés contre la discrimination et les intérêts collectifs de la communauté autochtone. Voilà l'argumentation présentée.
Je partage l'avis que la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être appliquée de façon à tenir compte de la situation particulière des collectivités autochtones, mais la vérité est que trois raisons expliquent l'inutilité d'une clause d'interprétation dans la loi. Tout d'abord, il existe déjà des lois assurant l'équilibrage entre droits collectifs et droits individuels. Je signale en particulier l'article 35 de la Loi constitutionnelle qui reconnaît les droits autochtones collectifs et les droits issus de traités et qui représentent l'autorité suprême dans notre système judiciaire.
Compte tenu de ces protections, les membres du Tribunal canadien des droits de la personne, l'organe chargé de statuer sur les plaintes déposées en vertu de la loi, sont légalement tenus de prendre en compte les considérations humaines en rapport avec les droits ancestraux et issus de traités. On peut s'attendre également à ce qu'ils interprètent dans cette perspective les défenses offertes par la loi. Étant donné la présence de toutes ces mesures de protection qui orientent l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n'est pas nécessaire d'ajouter une disposition interprétative au . Dans la pratique, la Loi constitutionnelle fournit elle-même ce cadre d'interprétation général.
La deuxième raison a trait au rôle déterminant de la Commission canadienne des droits de la personne. La Commission est responsable de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce qui veut dire qu'en plus de statuer sur les plaintes, elle entreprend des activités de sensibilisation à la loi. Depuis sa création il y a près de 30 ans, la Commission a acquis une expertise inégalable dans l'interprétation et la résolution des cas de discrimination — c'est son travail, et elle le fait bien. La Commission a aussi déployé des efforts remarquables pour prévenir la discrimination.
[Français]
Ainsi, pour protéger leurs intérêts, les groupes autochtones peuvent discuter avec la commission de la façon d'appliquer la loi au lieu de s'en remettre à une disposition interprétative. En fait, de nombreux gouvernements autochtones ont déjà eu à composer avec des plaintes déposées en vertu de la loi dans des situations où l'article 67 n'était pas appliqué.
[Traduction]
La Commission a fait voeu de travailler directement avec les groupes autochtones à la mise en oeuvre. Effectivement, elle s'est déjà dotée d'un programme autochtone et a organisé une série d'ateliers dans les régions qui visent à guider et appuyer les groupes autochtones qui ont besoin d'aide dans l'exercice des nouvelles responsabilités qui leur échoiront en vertu de la loi. En outre, la Loi canadienne sur les droits de la personne confère déjà à la Commission le pouvoir de formuler des directives ou des règles sur la façon d'appliquer la loi à une catégorie particulière de plaintes. Ces directives constituent des textes réglementaires qui ont autant de poids légal qu'un règlement, tout en étant suffisamment souples pour être adaptés en fonction des besoins. Je ne doute pas que, de par son mandat, son expérience et son dialogue avec les Premières nations, la Commission canadienne des droits de la personne soit l'organisation la mieux placée pour donner des avis au fil du temps sur l'application de la loi. Avec l'adoption du , ce travail va pouvoir commencer officiellement.
Troisièmement, nous avons fait l'expérience au moment du projet de loi C-7, la Loi sur la gouvernance des Premières nations, de la difficulté extrême à trouver une formulation qui saisisse dans une seule disposition toutes les considérations concurrentes applicables à une plainte pour violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le contexte autochtone. Je considère comme très problématique de vouloir condenser en une seule disposition tout le pouvoir d'interprétation de la Commission des droits de la personne. En outre, une disposition interprétative, si elle est inscrite dans une loi, devra elle-même être interprétée par la Commission et le Tribunal canadien des droits de la personne dans le cadre de causes spécifiques et n'acquerra de clarté qu'une fois que de nombreuses plaintes auront été jugées et des contentieux résolus, dont certains mettront en jeu sans aucune doute la Charte.
En résumé, je suis convaincu que, grâce à la protection assurée par le cadre légal canadien, à l'appui de la Commission et aux pouvoirs dont elle dispose, ainsi qu'à la portée actuelle de la Loi canadienne sur les droits de la personne, cette dernière peut être pleinement appliquée aux collectivités autochtones dans le respect de ce qu'elles sont. Je suis convaincu que la Commission des droits de la personne est la mieux placée pour assurer cet encadrement et exercer cette fonction d'interprétation.
D'autres éléments du projet de loi ne doivent pas non plus être perdus de vue. L'examen obligatoire prévu au , par exemple, offre une protection supplémentaire pour ceux qui s'inquiètent des répercussions. Le projet de loi prévoit qu'un comité parlementaire entreprenne un examen exhaustif des effets de l'abrogation de l'article 67 dans un délai de cinq ans. Cela me paraît être un garde-fou utile.
À ce sujet, je signale au comité que le Parlement a le pouvoir d'entreprendre un tel examen plus tôt. Je mets respectueusement en garde contre la tentation de le faire, mais cela demeure la prérogative du Parlement.
[Français]
Je conviens que l'abrogation de cet article aura des répercussions importantes sur de nombreux groupes, y compris les premières nations et les ministères fédéraux. Pour que les premières nations puissent s'y préparer, le projet de loi prévoit un délai d'application de six mois après la sanction royale pour les gouvernements des premières nations.
[Traduction]
Puisque nous avons l'appui de la Commission, qui a déjà commencé à sensibiliser les représentants d'organisations régionales et nationales relativement à la législation sur les droits de la personne, je crois que le moment est venu de concrétiser l'abrogation de l'article 67 tout en permettant aux Premières nations de prendre des mesures préparatoires en vue d'une pleine mise en oeuvre.
La question des ressources a également été soulevée, mais tant que le projet de loi ne sera pas adopté, ces coûts demeurent hypothétiques. Certes, il importera d'évaluer les ressources nécessaires et je vous invite à vous exprimer sur la question.
Monsieur le président et membres du comité — et nous avons autour de la table aujourd'hui un groupe de parlementaires très avisés — le moment est venu de faire en sorte que tous les Canadiens soient égaux devant la loi. Le propose une approche juste et réaliste qui vise à mettre fin à près de 30 ans de discrimination légalisée dans notre pays. Les membres du comité peuvent saisir l'occasion qui se présente, sans esprit de parti, et assurer à tout un chacun la pleine protection de ses droits. Il est temps de mettre un terme à l'injustice créée par ce qui devait être une mesure temporaire il y a 30 ans. C'est une occasion historique pour ce Parlement, pour tous les partis représentés aujourd'hui à la Chambre des communes, d'accomplir quelque chose de très important. J'encourage vivement les membres du comité à examiner le projet de loi C-44 et à l'adopter.
[Français]
Merci. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions de M. Lemay et des autres.
:
Permettez-moi de commencer, monsieur le président, et j'espère que vous serez indulgent avec moi.
Je tiens à démentir les positions qui m'ont été attribuées à la Chambre des communes. Sachez ceci, monsieur le ministre, et je vous le dis avec respect : je ne me suis jamais opposée au ou à la réforme du régime des biens matrimoniaux. Je pense que si vous vérifiez les procès-verbaux, tant de ce comité que ceux de la Chambre des communes, vous verrez que ni moi ni mon parti n'avons jamais exprimé d'opposition à cela.
Mais nous formulons des réserves sur le processus. Nous en parlerons probablement aujourd'hui, et nous en parlerons dans les semaines qui viennent au cours de notre examen de ce projet de loi. Mais pour ce qui est de l'intention du projet de loi et de la réforme du régime des biens matrimoniaux, j'y suis favorable et mon parti y est favorable. Nous pensons que ce sont là des questions importantes qu'il faut régler. J'espère que les choses sont dorénavant claires.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué plusieurs aspects et anticipé les objections au projet de loi. Vous avez parlé de la consultation.
J'ai travaillé sur le . Tout comme mon collègue ici, j'ai siégé pendant son examen jour et nuit, pendant des séances de 24 heures et 48 heures. Je connais le projet de loi et je comprends l'importance de l'abrogation de l'article 67 pour de nombreux groupes. Mais je peux vous dire que l'échec du tient en partie à l'insuffisance de la concertation.
Vous avez souligné qu'il y a eu 30 années de discussion — et je souligne le mot « discussion » — mais il existe une différence entre la discussion et la consultation. Il n'y a pas eu de consultation avant l'introduction de ce projet de loi. Il n'y a pas eu de concertation avec les Premières nations, les associations de femmes autochtones ni toute une ribambelle de groupes concernant ce projet de loi.
Plusieurs problèmes se posent. À mon avis, on va entreprendre la consultation après l'introduction au lieu de la tenir avant, et cela va retarder l'avancement de ce projet de loi. J'aimerais que vous expliquiez pourquoi il n'y a pas eu de véritable consultation sur ce projet de loi, spécifiquement sur ce projet de loi, avant son introduction.
J'aimerais également votre explication du délai abrégé de six mois, alors que la Commission des droits de la personne avait recommandé un délai minimal de 18 à 30 mois avant la prise d'effet.
J'ai d'autres questions encore, mais commençons par celles-ci.
:
Merci, monsieur le président et merci de comparaître aujourd'hui devant le comité, monsieur le ministre.
Je pense pouvoir dire sans risque que nous sommes nombreux à approuver l'abrogation de l'article 67, mais la difficulté réside dans les détails et je pense que nous avons une divergence de vues fondamentale sur ce que l'on peut considérer comme une consultation adéquate. C'est une divergence philosophique, une divergence idéologique, et une divergence culturelle. C'est tout le noeud de l'affaire.
Les Chefs de l'Ontario ont dit qu'à leur avis il n'y a pas eu de discussion formelle de gouvernement à gouvernement sur le texte même du projet de loi. Beaucoup de gens ont vécu l'expérience du projet de loi C-31 au milieu des années 80 — et vous et moi en avons déjà parlé — qui a rétabli les femmes comme membres de la collectivité, mais l'alinéa 6(2)b) a eu pour conséquence fortuite de priver de leur statut certains membres d'une même famille. C'est le genre de préoccupation que d'aucuns expriment.
J'ai une question générale et une question particulière pour vous. Je vais poser les deux afin que vous ayez le temps d'y répondre.
Je vais vous citer une convention internationale... Je vais parler de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones que, malheureusement, le Canada n'a pas signée. Il s'agit de l'article 14 de cette dernière. Les deux articles traitent expressément du droit à l'éducation. Dans la Déclaration universelle, on parle du droit à l'éducation et au plein épanouissement de la personnalité, et dans la Déclaration sur les droits des Autochtones, on parle du droit des peuples autochtones à créer et contrôler leurs systèmes éducatifs.
Ma question générale est de savoir comment les conseils de bande sont censés faire face aux nombreuses plaintes qui pourraient être déposées concernant les différences dans l'éducation que reçoivent les Autochtones dans les réserves et l'éducation publique en général. Voilà ma question générale, soit comment les conseils de bande sont censés faire face et se préparer à cela.
Ma deuxième question porte sur une réserve particulière dont M. Lemay a déjà fait état. Je m'attends à ce que les gens de Kashechewan fassent la queue pour déposer plainte concernant le manque de logements adéquats, le manque d'eau potable. Pourriez-vous nous donner des indications quant à la façon dont le conseil de Kashechewan pourrait faire face aux plaintes potentielles pour violation des droits de la personne et quant aux ressources dont il pourra disposer pour cela.
Pourriez-vous répondre à ces questions?
:
Eh bien, c'est une question légitime.
On a beaucoup parlé de l'obligation de consulter. Si l'on lit les arrêts de la Cour suprême du Canada dans les causes Haida et Taku et d'autres, on voit que c'est une obligation élastique, une obligation dont la teneur dépend du sujet discuté. L'obligation de consulter dans le contexte d'un projet d'exploitation de ressources est une chose et l'obligation de consulter dans le contexte de l'abrogation d'une privation de droits fondamentaux est quelque chose d'entièrement différent, à mon avis.
D'aucuns semblent considérer que l'obligation de consulter est une obligation de réaliser l'unanimité, et je n'admets pas cette notion. D'aucuns arguent que l'obligation de consulter confère à toutes fins pratiques un droit de veto à certaines parties dans ce pays qui pourrait empêcher que l'on écarte certaines injustices. Je n'admets pas cela non plus.
J'ai examiné les débats au Parlement, les débats publics tenus dans ce pays depuis 1977, et plus particulièrement depuis 1999, concernant l'abrogation de l'article 67. J'en conclus qu'il y a eu des discussions et des consultations publiques continues et poussées avec les dirigeants autochtones sur cette question.
Pratiquement personne ne milite contre l'abrogation de l'article 67 de la Loi sur les droits de la personne. Cela étant le cas, j'estime qu'il y a eu consultation adéquate. Je pense en fait qu'il y a un consensus sur cette mesure et qu'il est temps de la prendre.
Si quelqu'un a la témérité de se lever et de faire valoir publiquement qu'il y a un risque que les autorités judiciaires invalident l'abrogation de l'article 67 pour la raison que la consultation est insuffisante, je l'encourage à présenter cette argumentation, mais franchement je n'imagine pas qu'elle soit bien reçue.
Un certain nombre de juristes éminents de notre pays nous ont appelés à prendre cette mesure. Au bout du compte, la question est de savoir si tous les partis de la Chambre des communes auront le courage de mettre de côté l'esprit de parti et d'adopter ce projet de loi. C'est aussi simple que cela.
Si vous voulez vous cacher derrière tel ou tel argument, allez-y, mais je ne pense pas que ce soit approprié. Je pense que nous avons une occasion historique de prendre cette mesure.
Je pense que ce comité a un rôle à jouer, en ce sens que si vous souhaitez vous pencher sur certains détails connexes, vous avez amplement l'occasion de le faire et d'inviter des témoins et de contribuer au processus de consultation.
Je suis très attristée par la démarche que vous avez choisie, alors que vous parlez de changer en bien la vie des Autochtones. Je pense réellement que la façon dont nous aurions pu le faire était par le moyen du respect mutuel, des partenariats, de l'octroi de ressources et du pouvoir de transformer la communauté, par l'action de ses membres. À mes yeux, c'est ce que faisait l'accord de Kelowna et c'était le point de départ.
Ce que je vois dans votre démarche, monsieur le ministre, c'est une façon très confrontationnelle de poursuivre les objectifs. Cela revient à dire que les bandes n'écouteraient pas leurs membres sans une loi pour les y forcer, au lieu de reconnaître qu'il faut pallier le manque de ressources et édifier la capacité dans les collectivités. Je suis très préoccupée de voir que ces mesures vont être source de division, au lieu d'instaurer une collaboration en vue d'un changement positif.
Nul n'entre nous dit qu'il ne faut pas protéger les droits de la personne, mais je suis aussi très troublée par votre affirmation que les droits individuels l'emportent sur les droits collectifs. C'est le point de départ du malentendu entre vous et moi.
Prenons la terre... Lorsque nous concluons des accords sur les revendications territoriales, la terre reste un bien collectif. C'est le fondement de la plupart des revendications territoriales. Si vous dites que les droits individuels l'emportent sur les droits collectifs, alors nous tous qui avons signé des accords sur les revendications territoriales risquons de perdre notre part de la terre au profit de quelqu'un d'autre parce qu'un droit individuel aura pris le pas sur un droit collectif. Je pense qu'il faut un équilibre. C'est pourquoi une clause d'interprétation est si importante à nos yeux.
Le délai de mise en oeuvre est également très troublant : six mois. Six mois pour permettre à une bande de se préparer à un changement aussi fondamental ne me paraissent pas un délai équitable.
J'ai d'autres reproches encore. Je suis très troublée par la démarche. On ne nous donne pas assez de temps, on ne nous donne pas assez de ressources et il n'y a pas de partenariat et pas de respect mutuel pour les collectivités qui vont devoir concrètement affronter ce changement.
Encore une fois, je suis juste très préoccupée par la démarche que vous avez choisie avec ce projet de loi.