[Salutations en langue innue]
J'aimerais en tout premier lieu signaler le décès de Mme Bertha Wilson, qui a été une apôtre des questions qui nous intéressent puisqu'elle a fait partie de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous nous voyons évidemment très désolés de son décès, qui a été annoncé ce matin.
Je vais commencer par une citation:
Le gouvernement discutera avec eux (les collectivités et les dirigeants autochtones) avant d'élaborer des politiques. Ce principe de collaboration constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat.
La coopération constituera la pierre angulaire du partenariat entre le Canada et les Premières Nations. Cela requiert des processus honorables de négociations, le respect des exigences de consultation, de l'accommodement, de justification ainsi que du consentement des Premières Nations, le cas échéant et selon les circonstances. Le maintien de l'honneur de la Couronne est toujours au coeur des relations de la Couronne avec les Autochtones.
Les peuples autochtones ont le droit de participer directement à la révision de la constitution et aux autres processus décisionnels susceptibles de les toucher ou de toucher leurs droits. Lorsque le statut, les droits et le territoire des peuples autochtones sont directement touchés, tout changement au cadre politique et constitutionnel canadien nécessite le consentement libre et éclairé des Peuples concernés.
Je vous remercie de me donner l'occasion de faire une présentation concernant cet important projet de loi.
Aujourd'hui, mes commentaires seront brefs.
Les citations que je viens de lire sont attribuables, dans l'ordre de lecture, à l'ancien premier ministre, qui s'exprimait au nom du gouvernement fédéral en 2004; à l'Accord politique entre les Premières Nations et la Couronne fédérale portant sur la reconnaissance et la mise en oeuvre des gouvernements des Premières Nations, le 31 mai 2005, et au principe no 16 faisant partie d'une série de 26 principes adoptés en 1998 par les Chefs de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
J'ai commencé par ces citations parce que le projet de loi n'a pas été élaboré conjointement avec les Premières nations, du moins pas avec les membres de l'APNQL. Malgré les bonnes intentions de la Couronne et contrairement à ses belles promesses, voilà un autre exemple de ce qui est imposé aux Premières nations sans leur consentement. L'APNQL n'a connaissance d'aucune information qui viendrait corroborer les prétentions du ministre et de ses fonctionnaires voulant que cette disposition ait été débattue à de nombreuses occasions au fil des ans.
Je vais maintenant vous lire un autre des 26 principes de l'APNQL et il est significatif qu'il soit le premier de la liste.
Les peuples autochtones du Québec ont le droit de jouir pleinement et effectivement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales — collectifs et individuels — sans entrave ou discrimination, tels que reconnus par le droit international et interne.
Il ne fait donc pas de doute que l'APNQL défend l'ensemble des droits de la personne fondamentaux de nos peuples. Notre véritable raison d'être est d'ailleurs de faire progresser nos droits humains en tant que peuples des Premières nations.
Idéalement, le projet de loi C-44, ou une version révisée, devrait être adopté seulement après avoir fait l'objet d'un examen en profondeur et d'avoir reçu l'aval des Premières nations. La protection des droits humains individuels des peuples de Premières nations doit être un sujet de discussion, de négociation et d'entente entre les Premières nations et le Canada. Le lien étroit entre les droits individuels et collectifs exige une approche globale. Le projet de loi C-44 n'est qu'une bonne intention dans une approche à la pièce sans véritable plan d'ensemble et peut se révéler tout autant positif que négatif pour les Premières nations.
[Traduction]
Il y a quelques semaines, le commissaire à la Commission canadienne des droits de la personne vous a suggéré qu'une déclaration de principes servant de lignes directrices soit élaborée à la suite de discussions avec les Premières nations, après l'entrée en vigueur du projet de loi. On présume ainsi que ces principes et ces lignes directrices serviront à garantir les bonnes intentions de la CCDP en matière de respect des droits ancestraux et des droits issus de traités, tout en continuant à respecter les droits individuels.
Veuillez excuser mon cynisme, mais les premières nations en sont encore à essayer de se rétablir de décennies de bonnes intentions paternalistes. De négocier après coup des principes et des lignes directrices, dont la validité juridique et la légitimité sont douteuses, ne semble guère la meilleure façon de procéder.
Je note que tous les groupes parlementaires ont déjà annoncé leur intention d'appuyer l'adoption du , en dépit de la possibilité d'amendement. J'aurais bien aimé vous confirmer aujourd'hui l'entier appui de l'APNQL face à une approche développée conjointement ou vous dire que les membres de nos Premières nations ont été consultés et accommodés. Hélas, je ne peux dire cela, parce que le gouvernement fédéral se dérobe à ses obligations constitutionnelles et à ses engagements politiques en la matière.
L'une des options que les nations membres de l'APNQL auraient pu prendre en considération, si on avait pris le temps de nous consulter, aurait été d'amender le projet de loi de façon à reconnaître aux gouvernements de premières nations, aux conseils de bande, le pouvoir de permettre ou non à la LCDP de s'appliquer. Cela aurait pu être un genre de « clause nonobstant », semblable à celle de la Constitution canadienne, qui permet aux autorités législatives de suspendre l'application de la Charte des droits durant cinq ans, pour une législation précise.
De surcroît, j'aurais pu être appuyé par le pouvoir ultime du peuple de décider par référendum dans les six mois s'il désire que la LCDP s'applique. La clause de référendum aurait pu être obligatoire pour les conseils de bande qui choisiraient la « clause nonobstant ». Cela aurait pu être une mesure intérimaire dans la mission vers la reconnaissance et la mise en oeuvre adéquates du droit inhérent des premières nations à l'autonomie gouvernementale.
Il m'apparaît que ce comité a au moins quelques options pour faire ce qu'il y a à faire — pour faire ce que le gouvernement fédéral a négligé de faire. En fait, si vous croyez, tout comme moi et de nombreuses autres personnes, que le Parlement partage avec le gouvernement fédéral le désengagement des obligations légales de la Couronne envers les premières nations, vous n'adopterez ni l'une ni l'autre.
Premièrement, vous pouvez soit interrompre provisoirement tout avancement des travaux sur le projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement fédéral et les premières nations fassent rapport que des consultations complètes furent tenues, que les premières nations ont donné leur aval et, par conséquent, que des amendements spécifiques, soit un nouveau projet de loi ou une nouvelle approche, sont maintenant nécessaires. Alternativement, ce comité peut recommander au Parlement qu'il dirige de vraies consultations et qu'il recherche des conditions propices au consentement des premières nations.
[Français]
En adoptant l'une ou l'autre des approches, vous offrirez aux Premières nations la garantie que rien ne nous sera imposé de force, même si vous croyez que cela peut être bon pour nous. Vous enverrez le message clair aux Premières nations que le Parlement adopte une approche sensée et impartiale qui respecte la loi la plus importante au pays, soit la Constitution. Cela donnera le temps nécessaire aux Premières nations pour analyser le tout et discuter entre elles pour savoir si leurs droits collectifs sont menacés par l'application de la loi et, si oui, comment cela peut être atténué.
Il n'y a aucune situation contraignante ou de situation urgente exigeant que ce projet de loi soit adopté à ce moment précis. Prenons ensemble le temps de bien faire les choses.
En terminant, je dois souligner deux points importants. Premièrement, l'APNQL n'a jamais favorisé, ne favorise pas et ne favorisera probablement jamais aucun parti fédéral. Nous sommes impartiaux. La relation de gouvernement à gouvernement, de nation à nation des Premières nations avec le Canada se fait surtout par le biais de son gouvernement plutôt que de partis politiques. Le danger d'être mis sur la touche pour des années si nous favorisons un parti plutôt qu'un autre est trop grand. Mon allusion à l'engagement du premier ministre envers les Premières nations en 2004 et à l'entente que son ministre des Affaires indiennes a signée au nom du Canada avec l'Assemblée des Premières Nations en 2005 n'a rien à voir avec une quelconque allégeance politique. Il s'agit plutôt d'indications dans nos dernières relations qui doivent être considérées comme des engagements solennels de la Couronne envers les Premières nations.
Je termine en soulignant la nécessité pour les Premières nations d'obtenir des ressources adéquates pour minimiser les impacts du projet de loi. Une fois de plus, l'histoire nous démontre qu'aucun projet de loi fédéral affectant dans ses grandes lignes les Premières nations ne prévoit les ressources nécessaires à son application, ce qui constitue un autre élément de la stratégie d'assimilation à long terme du fédéral. L'étude des impacts possibles et la garantie concernant la fourniture de ressources adéquates doivent être déterminées conjointement avec les Premières nations avant que le projet de devienne loi.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
[Quelques mots en langue innue]
J'aimerais remercier le comité de nous permettre de nous exprimer sur le sujet important qu'est le projet de loi , même si nous devons le faire brièvement. Mes commentaires d'aujourd'hui s'inspirent d'un mémoire plus complet, dont j'invite instamment les membres du comité à prendre connaissance. Il devrait parvenir à la greffière d'ici un jour ou deux; il est en cours de traduction.
En tant que chef régional de l'Ontario, je travaille en étroite collaboration avec le Secrétariat des chefs de l'Ontario, un organisme de coordination qui couvre les 134 collectivités des premières nations situées dans la province de l'Ontario. Cette province est celle qui compte le plus grand nombre d'Indiens inscrits au Canada. Par conséquent, le comité et le gouvernement fédéral devraient accorder d'autant plus d'importance au point de vue exprimé par les chefs de l'Ontario sur le projet de loi .
Ce point de vue est d'ordre général: il porte sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sur les autres droits constitutionnels conférés non pas aux chefs de l'Ontario, mais à chacune des premières nations. Par conséquent, il se pourrait que chacune d'entre elles comparaisse devant le comité et exprime un point de vue différent en fonction de ses droits et de ses antécédents spécifiques.
Avant de traiter précisément du projet de loi , j'aimerais faire part aux membres du comité des préoccupations prioritaires des premières nations ontariennes. Ces préoccupations ont été formulées à l'occasion d'un exercice stratégique auquel nous nous livrons en permanence. En résumé, ces préoccupations prioritaires sont les suivantes: 1. Il faut reconstruire nos nations; 2. Il faut négocier le respect et la reconnaissance de la compétence des premières nations; 3. Il faut élaborer conjointement de nouvelles politiques fédérales en matière de revendications territoriales; et 4. Il faut obtenir la garantie du respect des traités, des terres et des ressources des premières nations. Chacune de ces priorités est évoquée en détail dans le mémoire.
Dans le court texte des priorités des premières nations de l'Ontario, j'aimerais maintenant en venir au sujet spécifique du projet de loi . Sous réserve des six conditions suivantes, les chefs de l'Ontario acceptent la révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La première condition concerne la consultation et les accommodements. Le gouvernement ne devrait pas adopter le projet de loi sans mener des consultations complètes auprès de toutes les premières nations intéressées. Il a reconnu qu'aucune consultation n'avait précédé la présentation du projet de loi C-44. Les consultations minutieuses et les accommodements constituent une exigence juridique et morale. L'adoption du projet de loi C-44 ne comporte aucun caractère d'urgence, puisque la question de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne se pose depuis une trentaine d'années et que les actions des premières nations qui ne sont pas en rapport direct avec la Loi sur les Indiens sont déjà assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Dans le contexte des consultations, le gouvernement fédéral devrait être tenu de présenter une politique législative détaillée et une évaluation des conséquences financières du projet de loi . Il s'agit là d'une question de diligence raisonnable à laquelle le gouvernement fédéral s'est toujours dérobé jusqu'à maintenant.
La deuxième condition concerne la disposition d'interprétation. Ce projet de loi devrait comprendre une disposition d'interprétation qui équilibre les tensions entre les droits individuels et les droits collectifs. Il est à craindre que les droits individuels consacrés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne aient de graves répercussions négatives sur les droits collectifs et sur les traditions des autorités des premières nations. Cette disposition d'interprétation doit également garantir que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'aura pas pour effet d'anéantir la Loi sur les Indiens. Toutes les propositions législatives et administratives de révocation de l'article 67 avancées depuis l'an 2000 comprenaient une disposition d'interprétation. C'est le point commun positif de toutes les mesures proposées dans ce domaine.
Je fais particulièrement référence aux mesures suivantes: tout d'abord, le document du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne intitulé « La promotion de l'égalité: Une nouvelle vision » de juin 2000; deuxièmement, le rapport du Comité consultatif ministériel mixte concernant la législation sur la gouvernance de 2002; troisièmement, le projet de loi , Loi sur la gouvernance des Premières nations, de 2003; quatrièmement, le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne intitulé « Une question de droits » de 2005.
Révoquer l'article 67 sans disposition d'interprétation, c'est jeter une grenade dans les droits collectifs et dans la Loi sur les Indiens.
La troisième condition, c'est une période transitoire réaliste. La période transitoire de mise en oeuvre du projet de loi devrait être portée de six mois, comme on le propose actuellement, à trois ans. Encore une fois, l'aspect positif de toutes les propositions sérieuses formulées depuis 2000, c'est qu'elles prévoyaient une période transitoire de 18 à 36 mois. On est tenu de permettre aux premières nations d'adapter leurs programmes, leurs pratiques et leur législation.
On peut prévoir que le va créer un chaos administratif. J'ai pris acte de la proposition de la Commission des droits de la personne qui entend aider les premières nations pendant la phase de transition. Néanmoins, cette commission devra aussi se préoccuper de sa propre transition et n'aura pas les ressources nécessaires pour garantir que les 600 premières nations pourront s'adapter en six mois seulement.
Je signale que la période de transition de six mois prévue dans le est contestable à double titre. La disposition transitoire de l'article 3 fait référence à « toute autorité autochtone » sans définir une telle autorité. On ne sait pas si la notion inclut les gouvernements des premières nations et les entités connexes.
La quatrième condition concerne les ressources financières suffisantes. Le gouvernement fédéral doit doter les gouvernements des premières nations de nouvelles ressources financières suffisantes pour faire face à tous les aspects de la mise en oeuvre du . Les nouvelles responsabilités illimitées résultant du projet de loi C-44 comprennent notamment la formation et la capacité, les frais juridiques en cas de plaintes, le coût des règlements et les dépens. Ces responsabilités pourraient augmenter à long terme. Les gouvernements des premières nations ne sont pas en mesure d'assumer de nouvelles responsabilités sans ressources financières. La croissance de l'enveloppe de financement des premières nations a été plafonnée par le gouvernement fédéral à environ 2 p. 100 depuis 1996. En conséquence, de nombreuses premières nations, particulièrement dans le Nord, sont à la limite de la faillite.
La cinquième condition est la clause de non-dérogation. Les droits ancestraux et les droits issus de traités devraient être protégés par une clause de non-dérogation.
Quant à la sixième condition, il s'agit de la compétence des premières nations en matière de droits de la personne. Le gouvernement fédéral devrait reconnaître que les gouvernements des premières nations ont pleine compétence pour définir eux-mêmes leur régime de protection des droits de la personne et pour créer leurs institutions nationales et régionales de défense des droits de la personne; cette reconnaissance devait avoir force exécutoire. Bien avant la création du Canada, les gouvernements des premières nations observaient une longue tradition de protection des droits collectifs et individuels. Le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne pourrait être considéré comme une position de repli pour les premières nations qui choisissent de ne pas exercer leurs compétences en matière de droits de la personne.
Ces six conditions sont toutes essentielles. La plupart d'entre elles sont conformes aux éléments positifs des mesures sérieuses proposées depuis l'an 2000. Dans sa forme actuelle, le constitue un écart radical et inexplicable par rapport à ces éléments positifs.
Dans des arrêts majeurs comme Guerin, Sparrow, Delgamuukw et Taku et Haida, la Cour suprême du Canada a établi spécifiquement que le gouvernement fédéral a l'obligation constitutionnelle fiduciaire de consulter les premières nations et de leur consentir des accommodements lorsque ce qu'il propose risque d'avoir des conséquences négatives pour des droits revendiqués ou établis des premières nations.
L'étendue de cette obligation dépend de l'importance des droits considérés et des conséquences négatives appréhendées. Le risque fort d'avoir un effet négatif très lourd sur d'importants droits collectifs des premières nations, d'autant plus que le projet de loi ne comporte pas de disposition d'interprétation. Il est à craindre que l'application intégrale de la Loi canadienne sur les droits de la personne fasse directement obstacle à l'action des gouvernements des premières nations sur leur territoire et neutralise des parties importantes de la Loi sur les Indiens. On peut prévoir l'élimination des dispositions de la Loi sur les Indiens qui protègent les terres, ce qui entraînerait des prises d'hypothèques en fief simple et des pertes de terres de réserve.
Dans la perspective de la probabilité d'effets négatifs importants sur des droits fondamentaux, la jurisprudence de la Cour suprême est explicite. La Constitution exige au minimum un exercice majeur et minutieux de consultations et d'accommodements auprès des premières nations.
Comme le s'écarte radicalement des éléments positifs des propositions formulées depuis l'an 2000, le gouvernement fédéral ne peut pas se fonder sur ces propositions pour justifier l'actuel projet de loi. Elles sont pour l'essentiel en contradiction avec l'orientation du projet de loi.
J'ai le plus grand respect pour les travaux du comité et je comprends qu'on le presse d'approuver le projet de loi C-44, mais je ne peux accepter la révision de dernière minute qui lui est présentée. Un énoncé de principes généraux ne peut pas protéger les droits des premières nations. Rien ne garantit que des lignes directrices ultérieures puissent avoir un effet déterminant par rapport à la formulation concrète de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Ce qu'il faut, c'est une disposition d'interprétation obligatoire élaborée en consultation avec les premières nations. Avant l'adoption du projet de loi, se contenter de moins serait faire un acte de foi insensé envers un gouvernement fédéral qui a déjà montré son vrai visage en reniant l'Accord de Kelowna de 2005 et en sabordant l'ébauche de déclaration des droits des peuples autochtones.
En conclusion, le représente une approche punitive et maladroite de la délicate et complexe question de la révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le gouvernement fédéral a fait fi des éléments positifs des propositions sérieuses formulées depuis l'an 2000 et envisage aujourd'hui de mettre en oeuvre la Loi canadienne sur les droits de la personne sans protéger les droits collectifs et la situation financière des premières nations.
Le projet de loi C-44 s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée contre les premières nations pour neutraliser leurs droits collectifs et détruire des pans entiers de la Loi sur les Indiens. Le refus du gouvernement fédéral de mener des consultations sur le projet de loi C-44 est inacceptable dans le contexte du droit constitutionnel canadien et déshonore la Couronne ainsi que toute la population canadienne.
Comme nous l'indiquons en détail dans notre mémoire, la révocation de l'article 67 ne peut être envisagée qu'à six conditions. J'invite respectueusement le comité à prendre la bonne décision, c'est-à-dire à rejeter ce projet de loi punitif, à adopter des amendements et un calendrier conformes à nos six conditions. Ce faisant, il franchira une nouvelle étape vers le rétablissement des relations avec les premières nations.
En revanche, l'adoption du projet de loi C-44 tel quel va enfoncer un autre clou dans le cercueil. On peut en prévoir les résultats: une détérioration des relations avec les premières nations, des contestations judiciaires, notamment à cause de l'absence de consultations, le chaos administratif et une crise financière de plus en plus grave au sein des premières nations.
Voilà l'exposé que je tenais à vous soumettre ce matin.
Merci.
:
Je voudrais vous remercier d'être présents.
J'ai écouté, lu et surtout relu le mémoire présenté par le représentant de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
Monsieur Toulouse, soyez sans crainte, je vais lire votre mémoire avec beaucoup d'attention lorsqu'il aura été traduit et nous aura été distribué. Vous pouvez en être certain.
Cependant, je suis préoccupé. Dans environ 10 minutes, quand les représentants du parti au pouvoir arriveront pour la période des questions, ils vous poseront la même question, mais probablement sous un angle différent.
Le projet de loi arrive après 30 ans de discussions. C'est ce qu'on nous dit. Il y a 30 ans, je n'y étais pas. Je crois qu'aucun de vous n'y était à ce moment-là, mais vous êtes chef et grand chef de vos Premières nations respectives depuis plusieurs années.
Ma question est toute simple. On nous dit qu'il y a eu énormément de consultations et que, pour cette raison, il faut revoir la loi et abroger l'article 67, qui est un symbole de discrimination pour les peuples autochtones.
Ma question s'adresse à vous deux, et vous pourrez me répondre dans l'ordre que vous voudrez. Quelles consultations y a-t-il eu avec vous en tant qu'Assemblée des Premières nations de l'Ontario et du Québec en particulier? Ces consultations ont-elles eu lieu? Sous quelle forme ont-elles été faites? Outre l'Assemblée des Premières Nations, à part des grands chefs, y a-t-il eu des consultations auprès des communautés dites — et je n'aime pas le mot — isolées, qui sont dans le nord de l'Ontario? L'exemple qui me vient rapidement à l'esprit est celui de Kashechewan, en Ontario. Au Québec, ce pourrait être Winneway ou même Kitcisakik.
À votre connaissance, y a-t-il eu des consultations depuis 1977 en vue d'abroger le fameux article 67? Si oui, sous quelle forme ont-elles eu lieu?
:
Je vais tenter une réponse.
Ça fait en effet 30 ans qu'on parle de ces questions et qu'il semble y avoir un vide. Ce vide méritait certainement d'être comblé. Il faut savoir, par contre, que les discussions ont porté sur les grandes questions, d'ordre général. On a devant nous un texte de loi qui n'a pas vraiment fait l'objet de consultations auprès des communautés. Je n'apprends rien à qui que ce soit en disant que dans certains cas, tout réside dans le libellé d'une intention ou d'une proposition.
Je pense aussi, et on en a tous deux fait état, que la question des ressources adéquates est d'une très grande importance. J'ai saisi au vol la question posée plus tôt. Il y a des exemples marquants de l'état d'incapacité dans lequel sont souvent placés les gouvernements des Premières nations, les conseils de bande, lorsqu'il s'agit de mettre en application des textes législatifs, des amendements à des lois qui existent déjà. Je peux prendre l'exemple de 1985, soit l'amendement à la Loi sur les Indiens. Celui-ci redonnait aux femmes le statut qu'elles avaient perdu à la suite d'un mariage avec un non-autochtone.
J'imagine que parmi les chefs qui sont derrière moi, nombreux sont ceux qui pourraient donner des exemples de manquements reliés à l'application de cet amendement . Du jour au lendemain, les conseils de bande se sont vus contraints à prioriser un certain nombre de services. Je fais une parenthèse ici parce qu'après l'adoption de l'amendement de 1985, les conseils de bande n'ont jamais vraiment reçu plus d'argent pour satisfaire les attentes ou les demandes légitimes d'un nombre important de personnes revenant dans la communauté. C'est un exemple qui, d'après moi, s'applique également dans ce cadre.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs.
Vous savez ce qu'on dit: le projet de loi est « bien intentionnée », mais nous savons aussi quel chemin est pavé de bonnes intentions, et d'ailleurs, nous en avons quelque peu la confirmation en écoutant les commentaires. Pratiquement tous les dirigeants autochtones qui ont comparu devant nous nous ont dit que le projet de loi comporte des lacunes majeures. Il ne s'agit pas simplement de prendre des mesures concrètes. Je dirais à mes collègues qu'il faut agir de la bonne façon, en bonne et due forme. En effet, on peut agir en faveur de l'assimilation, comme on peut agir pour bafouer les droits communaux. On peut également agir pour saper le droit à l'autonomie gouvernementale des collectivités autochtones.
Pour autant que je sache, il existe un droit à la consultation. Ce n'est pas particulièrement complexe. Les tribunaux ont statué que les autochtones, y compris leurs collectivités, doivent être consultés sur toute question les concernant.
Je voulais vous poser cette question. Il semble y avoir peu de différences entre les deux positions. Bien entendu, chacun est libre d'adopter la position qui lui convient. Monsieur Toulouse, vous dites que le projet de loi doit satisfaire à six conditions avant d'être adopté. Si toutes ces conditions devaient être respectées au moyen d'amendements par le comité, si cela était même possible, estimeriez-vous alors avoir été adéquatement consultés? Cela satisferait-il les collectivités que vous représentez? C'est hypothétique, je le sais. Si nous pouvions satisfaire à ces six conditions en amendant le projet de loi, seriez-vous alors satisfait?
Monsieur Picard, votre situation me paraît quelque peu différente. Vous dites que nous n'avons pas respecté les exigences fondamentales en matière de consultations et que, par conséquent, nous devons tout recommencer à partir du principe de la bonne relation, en gardant à l'esprit les droits collectifs et les droits inhérents et ainsi de suite.
Pourriez-vous réagir à cela?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Toulouse, je voudrais simplement vous rassurer: les membres du comité sont conscients des besoins importants des Premières nations, notamment en matière de logement au Québec. Présentement, nos travaux portent sur le projet de loi , et à ce jour, nous avons reçu plusieurs groupes. Je salue au passage le chef Picard, qui est également préoccupé par ces enjeux. Je le sais pour avoir participé au Forum socioéconomique des Premières Nations.
Dans le cadre du projet de loi C-44, nous recevons des groupes et des recommandations concrètes. C'est malgré tout un processus de consultation, et la loi n'est pas encore adoptée, il faut le rappeler. Le comité va émettre des recommandations, revoir les articles et renvoyer le projet de loi à la Chambre. Il y a tout de même un processus, aussi imparfait soit-il. C'est celui que nous donne notre système parlementaire.
Le mémoire de l'Association des femmes autochtones du Canada, qui a été porté à mon attention, dit que l'article 67, ajouté comme mesure temporaire à l'époque, a plutôt empêché les gens les plus vulnérables de déposer une plainte concernant une violation des droits de la personne lorsque celle-ci impliquait une disposition de la Loi sur les Indiens. Trente ans se sont écoulés et nous devons maintenant régler ce problème.
Je vous écoute ce matin, et je suis conscient que le processus de consultation n'est peut-être pas parfait, mais comme le mentionnait plus tôt M. Lemay, des efforts ont été faits au cours des 30 dernières années pour corriger les lacunes en matière de droits de la personne. Je me demande s'il faut encore attendre ou s'il ne serait pas mieux de saisir l'occasion qui nous est donnée pour améliorer les droits et les conditions de vie des Premières nations. On ne parle pas ici d'un pas de géant, mais d'un petit pas qui permettrait d'avancer dans cette direction.
On sait que les Premières nations font un travail important au chapitre des droits collectifs, mais je serais curieux de savoir si des démarches ont été entreprises pour promouvoir les droits individuels des Autochtones dans les communautés.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais vous remercier, chef Toulouse, d'avoir précisé que l'anarchie ne règne pas dans les communautés. C'est important de le dire. Les communautés fonctionnent.
J'ai la chance de représenter certaines des meilleures communautés du Canada, dont certaines connaissent beaucoup de défis. Les choses ne sont pas parfaites, certes, mais ce n'est pas l'anarchie qui règne. Il est important de le préciser.
Il est important pour nous tous que l'ensemble des Canadiens soient protégés. Vous nous avez parlé des options qui existent à cet égard.
J'aimerais que vous nous disiez ce qui vous fait le plus de tort. Est-ce le fait que le gouvernement actuel ne veut pas mener de consultations? M. Picard a précisé que nous devions tous travailler ensemble. C'est quelque chose que nous remarquons. Les députés de l'opposition doivent collaborer avec le gouvernement, autrement rien ne se fera; on ne pourra jamais rien accomplir pour le Canada ou pour nos commettants.
Un des grands défauts de l'actuel gouvernement, c'est le manque de collaboration dont il fait preuve. Tôt ou tard, les ministériels vont se retrouver du côté de l'opposition et vont bien devoir travailler avec les autres. Ils vont bien devoir le comprendre.
Ma question s'adresse aux deux témoins. Qu'est-ce qui vous porte réellement préjudice? Le manque de consultations adéquates? Le fait que vous n'ayez pas voix au chapitre? Les effets dommageables des relations entre gouvernements et de tout ce qui est mis de l'avant? Les hésitations par rapport à la marche à suivre?
Qu'en pensez-vous?
:
Nous avons tenté de discuter de nos priorités pour l'Ontario avec le gouvernement, par exemple. Il est clair qu'on pourrait mettre en place des mesures prioritaires qui permettraient d'améliorer la vie et de protéger les droits des membres des premières nations de toutes les collectivités, sans être obligés d'adopter à la hâte un texte législatif comme celui-ci.
Comme vous l'avez dit, monsieur Valley, ce n'est pas l'anarchie qui règne dans nos collectivités des premières nations; il existe des lois qui sont respectées et appliquées. Si les autorités gouvernementales étaient prêtes à discuter avec nous de certaines des conditions que nous soulevons, on pourrait réaliser des progrès.
Nous sommes prêts à étudier la question en respectant un échéancier préétabli... J'ai parlé de trois ans parce que c'est cela qui m'est venu à l'esprit. Je voulais tout simplement vous faire comprendre que si on agissait à la hâte, on n'aurait pas les résultats escomptés...
Souvent les premières nations, faute de ressources financières, ne sont pas en mesure de fournir des analyses ou des recommandations sur-le-champ. C'est pour cela qu'il faut leur permettre d'obtenir les ressources nécessaires pour traiter de cette question.
Les droits de la personne ne sont pas absents des communautés des premières nations. Je répéterai qu'en vertu de l'article 67, seule la mise en oeuvre de la Loi sur les Indiens fait l'objet d'une exemption. Ce ne sont pas les premières nations qui ont créé cette loi, comme vous le savez. Prenons le temps de travailler ensemble pour créer des conditions propices à la planification. Si on tentait de nous imposer un texte législatif sans avoir pris en compte la mise en oeuvre de l'ensemble des articles, cela créerait beaucoup de confusion.
Pourquoi le gouvernement forcerait-il les premières nations à faire appel aux tribunaux sachant que des discussions élargies permettraient de régler le problème? Il serait dommage de nous acculer au pied du mur et de nous contraindre à solliciter les tribunaux.
:
C'est une question que j'ai posée aux témoins de la Commission canadienne des droits de la personne.
À propos de certaines discussions concernant les droits de la personne et les Autochtones, monsieur Picard, vous avez abordé la question du logement. Or, qu'est-ce qu'un logement convenable et comment peut-on définir cela? Pour ce qui est d'un accès raisonnable à l'éducation et de soins de santé convenables, là aussi, comment peut-on définir cela?
Ce sont là des inconnues. Comment va-t-on définir ce genre de choses? Cela devrait-il se faire en cour? Peut-on réellement négocier ce que cela doit être? Les problèmes ce sont ces inconnues.
Monsieur Toulouse, vous avez dit que vous vous préoccupiez de ces inconnues et de la nécessité d'avoir davantage de consultation avant d'aller plus loin. Par exemple, quand certains groupes autochtones ont reçu le droit de percevoir des impôts pour aménager des terres cédées à bail, il n'était pas prévu que les collectivités qui offraient des services dans ces municipalités soient payées pour les services assurés sur ces terres.
L'ancien gouvernement est allé de l'avant avec la loi, sachant que ces inconnues demeuraient. Certaines affaires ont été portées en justice. Notre municipalité est notamment allée en cour pour savoir ce que signifiait une entente de service appropriée pour ces propriétés parce que les Autochtones percevaient les impôts d'aménagement foncier ou les impôts immobiliers sur ces biens à bail.
Pensez-vous réellement que l'on puisse, à force de consultations, définir de façon absolue ou préciser un cadre juridique ferme concernant ces questions?