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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2007

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Je déclare la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord ouverte, en ce mardi 1er mai 2007.
    Chers collègues, vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, chef régional, et des Chiefs of Ontario, Angus Toulouse, chef régional de l'Ontario. Messieurs, bienvenue au comité.
    Nous allons vous accorder 10 minutes chacun pour vos remarques liminaires, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Qui veut commencer?
    Monsieur Picard, si vous voulez bien commencer.

[Français]

    [Salutations en langue innue]
     J'aimerais en tout premier lieu signaler le décès de Mme Bertha Wilson, qui a été une apôtre des questions qui nous intéressent puisqu'elle a fait partie de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous nous voyons évidemment très désolés de son décès, qui a été annoncé ce matin.
    Je vais commencer par une citation:
Le gouvernement discutera avec eux (les collectivités et les dirigeants autochtones) avant d'élaborer des politiques. Ce principe de collaboration constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat.
La coopération constituera la pierre angulaire du partenariat entre le Canada et les Premières Nations. Cela requiert des processus honorables de négociations, le respect des exigences de consultation, de l'accommodement, de justification ainsi que du consentement des Premières Nations, le cas échéant et selon les circonstances. Le maintien de l'honneur de la Couronne est toujours au coeur des relations de la Couronne avec les Autochtones.
Les peuples autochtones ont le droit de participer directement à la révision de la constitution et aux autres processus décisionnels susceptibles de les toucher ou de toucher leurs droits. Lorsque le statut, les droits et le territoire des peuples autochtones sont directement touchés, tout changement au cadre politique et constitutionnel canadien nécessite le consentement libre et éclairé des Peuples concernés.  
     Je vous remercie de me donner l'occasion de faire une présentation concernant cet important projet de loi.
    Aujourd'hui, mes commentaires seront brefs.
    Les citations que je viens de lire sont attribuables, dans l'ordre de lecture, à l'ancien premier ministre, qui s'exprimait au nom du gouvernement fédéral en 2004; à l'Accord politique entre les Premières Nations et la Couronne fédérale portant sur la reconnaissance et la mise en oeuvre des gouvernements des Premières Nations, le 31 mai 2005, et au principe no 16 faisant partie d'une série de 26 principes adoptés en 1998 par les Chefs de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
    J'ai commencé par ces citations parce que le projet de loi C-44 n'a pas été élaboré conjointement avec les Premières nations, du moins pas avec les membres de l'APNQL. Malgré les bonnes intentions de la Couronne et contrairement à ses belles promesses, voilà un autre exemple de ce qui est imposé aux Premières nations sans leur consentement. L'APNQL n'a connaissance d'aucune information qui viendrait corroborer les prétentions du ministre et de ses fonctionnaires voulant que cette disposition ait été débattue à de nombreuses occasions au fil des ans.
    Je vais maintenant vous lire un autre des 26 principes de l'APNQL et il est significatif qu'il soit le premier de la liste.
 Les peuples autochtones du Québec ont le droit de jouir pleinement et effectivement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales — collectifs et individuels — sans entrave ou discrimination, tels que reconnus par le droit international et interne. 
     Il ne fait donc pas de doute que l'APNQL défend l'ensemble des droits de la personne fondamentaux de nos peuples. Notre véritable raison d'être est d'ailleurs de faire progresser nos droits humains en tant que peuples des Premières nations.
    Idéalement, le projet de loi C-44, ou une version révisée, devrait être adopté seulement après avoir fait l'objet d'un examen en profondeur et d'avoir reçu l'aval des Premières nations. La protection des droits humains individuels des peuples de Premières nations doit être un sujet de discussion, de négociation et d'entente entre les Premières nations et le Canada. Le lien étroit entre les droits individuels et collectifs exige une approche globale. Le projet de loi C-44 n'est qu'une bonne intention dans une approche à la pièce sans véritable plan d'ensemble et peut se révéler tout autant positif que négatif pour les Premières nations.
(1110)

[Traduction]

    Il y a quelques semaines, le commissaire à la Commission canadienne des droits de la personne vous a suggéré qu'une déclaration de principes servant de lignes directrices soit élaborée à la suite de discussions avec les Premières nations, après l'entrée en vigueur du projet de loi. On présume ainsi que ces principes et ces lignes directrices serviront à garantir les bonnes intentions de la CCDP en matière de respect des droits ancestraux et des droits issus de traités, tout en continuant à respecter les droits individuels.
    Veuillez excuser mon cynisme, mais les premières nations en sont encore à essayer de se rétablir de décennies de bonnes intentions paternalistes. De négocier après coup des principes et des lignes directrices, dont la validité juridique et la légitimité sont douteuses, ne semble guère la meilleure façon de procéder.
    Je note que tous les groupes parlementaires ont déjà annoncé leur intention d'appuyer l'adoption du projet de loi C-44, en dépit de la possibilité d'amendement. J'aurais bien aimé vous confirmer aujourd'hui l'entier appui de l'APNQL face à une approche développée conjointement ou vous dire que les membres de nos Premières nations ont été consultés et accommodés. Hélas, je ne peux dire cela, parce que le gouvernement fédéral se dérobe à ses obligations constitutionnelles et à ses engagements politiques en la matière.
    L'une des options que les nations membres de l'APNQL auraient pu prendre en considération, si on avait pris le temps de nous consulter, aurait été d'amender le projet de loi de façon à reconnaître aux gouvernements de premières nations, aux conseils de bande, le pouvoir de permettre ou non à la LCDP de s'appliquer. Cela aurait pu être un genre de « clause nonobstant », semblable à celle de la Constitution canadienne, qui permet aux autorités législatives de suspendre l'application de la Charte des droits durant cinq ans, pour une législation précise.
    De surcroît, j'aurais pu être appuyé par le pouvoir ultime du peuple de décider par référendum dans les six mois s'il désire que la LCDP s'applique. La clause de référendum aurait pu être obligatoire pour les conseils de bande qui choisiraient la « clause nonobstant ». Cela aurait pu être une mesure intérimaire dans la mission vers la reconnaissance et la mise en oeuvre adéquates du droit inhérent des premières nations à l'autonomie gouvernementale.
    Il m'apparaît que ce comité a au moins quelques options pour faire ce qu'il y a à faire — pour faire ce que le gouvernement fédéral a négligé de faire. En fait, si vous croyez, tout comme moi et de nombreuses autres personnes, que le Parlement partage avec le gouvernement fédéral le désengagement des obligations légales de la Couronne envers les premières nations, vous n'adopterez ni l'une ni l'autre.
    Premièrement, vous pouvez soit interrompre provisoirement tout avancement des travaux sur le projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement fédéral et les premières nations fassent rapport que des consultations complètes furent tenues, que les premières nations ont donné leur aval et, par conséquent, que des amendements spécifiques, soit un nouveau projet de loi ou une nouvelle approche, sont maintenant nécessaires. Alternativement, ce comité peut recommander au Parlement qu'il dirige de vraies consultations et qu'il recherche des conditions propices au consentement des premières nations.
(1115)

[Français]

    En adoptant l'une ou l'autre des approches, vous offrirez aux Premières nations la garantie que rien ne nous sera imposé de force, même si vous croyez que cela peut être bon pour nous. Vous enverrez le message clair aux Premières nations que le Parlement adopte une approche sensée et impartiale qui respecte la loi la plus importante au pays, soit la Constitution. Cela donnera le temps nécessaire aux Premières nations pour analyser le tout et discuter entre elles pour savoir si leurs droits collectifs sont menacés par l'application de la loi et, si oui, comment cela peut être atténué.
    Il n'y a aucune situation contraignante ou de situation urgente exigeant que ce projet de loi soit adopté à ce moment précis. Prenons ensemble le temps de bien faire les choses.
    En terminant, je dois souligner deux points importants. Premièrement, l'APNQL n'a jamais favorisé, ne favorise pas et ne favorisera probablement jamais aucun parti fédéral. Nous sommes impartiaux. La relation de gouvernement à gouvernement, de nation à nation des Premières nations avec le Canada se fait surtout par le biais de son gouvernement plutôt que de partis politiques. Le danger d'être mis sur la touche pour des années si nous favorisons un parti plutôt qu'un autre est trop grand. Mon allusion à l'engagement du premier ministre envers les Premières nations en 2004 et à l'entente que son ministre des Affaires indiennes a signée au nom du Canada avec l'Assemblée des Premières Nations en 2005 n'a rien à voir avec une quelconque allégeance politique. Il s'agit plutôt d'indications dans nos dernières relations qui doivent être considérées comme des engagements solennels de la Couronne envers les Premières nations.
    Je termine en soulignant la nécessité pour les Premières nations d'obtenir des ressources adéquates pour minimiser les impacts du projet de loi. Une fois de plus, l'histoire nous démontre qu'aucun projet de loi fédéral affectant dans ses grandes lignes les Premières nations ne prévoit les ressources nécessaires à son application, ce qui constitue un autre élément de la stratégie d'assimilation à long terme du fédéral. L'étude des impacts possibles et la garantie concernant la fourniture de ressources adéquates doivent être déterminées conjointement avec les Premières nations avant que le projet de devienne loi.
    Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
    [Quelques mots en langue innue]

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Picard.
    Monsieur Toulouse, s'il vous plaît.
    J'aimerais remercier le comité de nous permettre de nous exprimer sur le sujet important qu'est le projet de loi C-44, même si nous devons le faire brièvement. Mes commentaires d'aujourd'hui s'inspirent d'un mémoire plus complet, dont j'invite instamment les membres du comité à prendre connaissance. Il devrait parvenir à la greffière d'ici un jour ou deux; il est en cours de traduction.
    En tant que chef régional de l'Ontario, je travaille en étroite collaboration avec le Secrétariat des chefs de l'Ontario, un organisme de coordination qui couvre les 134 collectivités des premières nations situées dans la province de l'Ontario. Cette province est celle qui compte le plus grand nombre d'Indiens inscrits au Canada. Par conséquent, le comité et le gouvernement fédéral devraient accorder d'autant plus d'importance au point de vue exprimé par les chefs de l'Ontario sur le projet de loi C-44.
    Ce point de vue est d'ordre général: il porte sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sur les autres droits constitutionnels conférés non pas aux chefs de l'Ontario, mais à chacune des premières nations. Par conséquent, il se pourrait que chacune d'entre elles comparaisse devant le comité et exprime un point de vue différent en fonction de ses droits et de ses antécédents spécifiques.
    Avant de traiter précisément du projet de loi C-44, j'aimerais faire part aux membres du comité des préoccupations prioritaires des premières nations ontariennes. Ces préoccupations ont été formulées à l'occasion d'un exercice stratégique auquel nous nous livrons en permanence. En résumé, ces préoccupations prioritaires sont les suivantes: 1. Il faut reconstruire nos nations; 2. Il faut négocier le respect et la reconnaissance de la compétence des premières nations; 3. Il faut élaborer conjointement de nouvelles politiques fédérales en matière de revendications territoriales; et 4. Il faut obtenir la garantie du respect des traités, des terres et des ressources des premières nations. Chacune de ces priorités est évoquée en détail dans le mémoire.
    Dans le court texte des priorités des premières nations de l'Ontario, j'aimerais maintenant en venir au sujet spécifique du projet de loi C-44. Sous réserve des six conditions suivantes, les chefs de l'Ontario acceptent la révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    La première condition concerne la consultation et les accommodements. Le gouvernement ne devrait pas adopter le projet de loi C-44 sans mener des consultations complètes auprès de toutes les premières nations intéressées. Il a reconnu qu'aucune consultation n'avait précédé la présentation du projet de loi C-44. Les consultations minutieuses et les accommodements constituent une exigence juridique et morale. L'adoption du projet de loi C-44 ne comporte aucun caractère d'urgence, puisque la question de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne se pose depuis une trentaine d'années et que les actions des premières nations qui ne sont pas en rapport direct avec la Loi sur les Indiens sont déjà assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Dans le contexte des consultations, le gouvernement fédéral devrait être tenu de présenter une politique législative détaillée et une évaluation des conséquences financières du projet de loi C-44. Il s'agit là d'une question de diligence raisonnable à laquelle le gouvernement fédéral s'est toujours dérobé jusqu'à maintenant.
    La deuxième condition concerne la disposition d'interprétation. Ce projet de loi devrait comprendre une disposition d'interprétation qui équilibre les tensions entre les droits individuels et les droits collectifs. Il est à craindre que les droits individuels consacrés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne aient de graves répercussions négatives sur les droits collectifs et sur les traditions des autorités des premières nations. Cette disposition d'interprétation doit également garantir que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'aura pas pour effet d'anéantir la Loi sur les Indiens. Toutes les propositions législatives et administratives de révocation de l'article 67 avancées depuis l'an 2000 comprenaient une disposition d'interprétation. C'est le point commun positif de toutes les mesures proposées dans ce domaine.
    Je fais particulièrement référence aux mesures suivantes: tout d'abord, le document du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne intitulé « La promotion de l'égalité: Une nouvelle vision » de juin 2000; deuxièmement, le rapport du Comité consultatif ministériel mixte concernant la législation sur la gouvernance de 2002; troisièmement, le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations, de 2003; quatrièmement, le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne intitulé « Une question de droits » de 2005.
(1120)
    Révoquer l'article 67 sans disposition d'interprétation, c'est jeter une grenade dans les droits collectifs et dans la Loi sur les Indiens.
    La troisième condition, c'est une période transitoire réaliste. La période transitoire de mise en oeuvre du projet de loi devrait être portée de six mois, comme on le propose actuellement, à trois ans. Encore une fois, l'aspect positif de toutes les propositions sérieuses formulées depuis 2000, c'est qu'elles prévoyaient une période transitoire de 18 à 36 mois. On est tenu de permettre aux premières nations d'adapter leurs programmes, leurs pratiques et leur législation.
    On peut prévoir que le projet de loi C-44 va créer un chaos administratif. J'ai pris acte de la proposition de la Commission des droits de la personne qui entend aider les premières nations pendant la phase de transition. Néanmoins, cette commission devra aussi se préoccuper de sa propre transition et n'aura pas les ressources nécessaires pour garantir que les 600 premières nations pourront s'adapter en six mois seulement.
    Je signale que la période de transition de six mois prévue dans le projet de loi C-44 est contestable à double titre. La disposition transitoire de l'article 3 fait référence à « toute autorité autochtone » sans définir une telle autorité. On ne sait pas si la notion inclut les gouvernements des premières nations et les entités connexes.
    La quatrième condition concerne les ressources financières suffisantes. Le gouvernement fédéral doit doter les gouvernements des premières nations de nouvelles ressources financières suffisantes pour faire face à tous les aspects de la mise en oeuvre du projet de loi C-44. Les nouvelles responsabilités illimitées résultant du projet de loi C-44 comprennent notamment la formation et la capacité, les frais juridiques en cas de plaintes, le coût des règlements et les dépens. Ces responsabilités pourraient augmenter à long terme. Les gouvernements des premières nations ne sont pas en mesure d'assumer de nouvelles responsabilités sans ressources financières. La croissance de l'enveloppe de financement des premières nations a été plafonnée par le gouvernement fédéral à environ 2 p. 100 depuis 1996. En conséquence, de nombreuses premières nations, particulièrement dans le Nord, sont à la limite de la faillite.
    La cinquième condition est la clause de non-dérogation. Les droits ancestraux et les droits issus de traités devraient être protégés par une clause de non-dérogation.
    Quant à la sixième condition, il s'agit de la compétence des premières nations en matière de droits de la personne. Le gouvernement fédéral devrait reconnaître que les gouvernements des premières nations ont pleine compétence pour définir eux-mêmes leur régime de protection des droits de la personne et pour créer leurs institutions nationales et régionales de défense des droits de la personne; cette reconnaissance devait avoir force exécutoire. Bien avant la création du Canada, les gouvernements des premières nations observaient une longue tradition de protection des droits collectifs et individuels. Le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne pourrait être considéré comme une position de repli pour les premières nations qui choisissent de ne pas exercer leurs compétences en matière de droits de la personne.
    Ces six conditions sont toutes essentielles. La plupart d'entre elles sont conformes aux éléments positifs des mesures sérieuses proposées depuis l'an 2000. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-44 constitue un écart radical et inexplicable par rapport à ces éléments positifs.
    Dans des arrêts majeurs comme Guerin, Sparrow, Delgamuukw et Taku et Haida, la Cour suprême du Canada a établi spécifiquement que le gouvernement fédéral a l'obligation constitutionnelle fiduciaire de consulter les premières nations et de leur consentir des accommodements lorsque ce qu'il propose risque d'avoir des conséquences négatives pour des droits revendiqués ou établis des premières nations.
    L'étendue de cette obligation dépend de l'importance des droits considérés et des conséquences négatives appréhendées. Le projet de loi C-44 risque fort d'avoir un effet négatif très lourd sur d'importants droits collectifs des premières nations, d'autant plus que le projet de loi ne comporte pas de disposition d'interprétation. Il est à craindre que l'application intégrale de la Loi canadienne sur les droits de la personne fasse directement obstacle à l'action des gouvernements des premières nations sur leur territoire et neutralise des parties importantes de la Loi sur les Indiens. On peut prévoir l'élimination des dispositions de la Loi sur les Indiens qui protègent les terres, ce qui entraînerait des prises d'hypothèques en fief simple et des pertes de terres de réserve.
    Dans la perspective de la probabilité d'effets négatifs importants sur des droits fondamentaux, la jurisprudence de la Cour suprême est explicite. La Constitution exige au minimum un exercice majeur et minutieux de consultations et d'accommodements auprès des premières nations.
(1125)
    Comme le projet de loi C-44 s'écarte radicalement des éléments positifs des propositions formulées depuis l'an 2000, le gouvernement fédéral ne peut pas se fonder sur ces propositions pour justifier l'actuel projet de loi. Elles sont pour l'essentiel en contradiction avec l'orientation du projet de loi.
    J'ai le plus grand respect pour les travaux du comité et je comprends qu'on le presse d'approuver le projet de loi C-44, mais je ne peux accepter la révision de dernière minute qui lui est présentée. Un énoncé de principes généraux ne peut pas protéger les droits des premières nations. Rien ne garantit que des lignes directrices ultérieures puissent avoir un effet déterminant par rapport à la formulation concrète de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Ce qu'il faut, c'est une disposition d'interprétation obligatoire élaborée en consultation avec les premières nations. Avant l'adoption du projet de loi, se contenter de moins serait faire un acte de foi insensé envers un gouvernement fédéral qui a déjà montré son vrai visage en reniant l'Accord de Kelowna de 2005 et en sabordant l'ébauche de déclaration des droits des peuples autochtones.
    En conclusion, le projet de loi C-44 représente une approche punitive et maladroite de la délicate et complexe question de la révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le gouvernement fédéral a fait fi des éléments positifs des propositions sérieuses formulées depuis l'an 2000 et envisage aujourd'hui de mettre en oeuvre la Loi canadienne sur les droits de la personne sans protéger les droits collectifs et la situation financière des premières nations.
    Le projet de loi C-44 s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée contre les premières nations pour neutraliser leurs droits collectifs et détruire des pans entiers de la Loi sur les Indiens. Le refus du gouvernement fédéral de mener des consultations sur le projet de loi C-44 est inacceptable dans le contexte du droit constitutionnel canadien et déshonore la Couronne ainsi que toute la population canadienne.
    Comme nous l'indiquons en détail dans notre mémoire, la révocation de l'article 67 ne peut être envisagée qu'à six conditions. J'invite respectueusement le comité à prendre la bonne décision, c'est-à-dire à rejeter ce projet de loi punitif, à adopter des amendements et un calendrier conformes à nos six conditions. Ce faisant, il franchira une nouvelle étape vers le rétablissement des relations avec les premières nations.
    En revanche, l'adoption du projet de loi C-44 tel quel va enfoncer un autre clou dans le cercueil. On peut en prévoir les résultats: une détérioration des relations avec les premières nations, des contestations judiciaires, notamment à cause de l'absence de consultations, le chaos administratif et une crise financière de plus en plus grave au sein des premières nations.
    Voilà l'exposé que je tenais à vous soumettre ce matin.
    Merci.
(1130)
    Merci, monsieur Toulouse.
    Nous passerons maintenant à la période de la séance consacrée aux questions.
    Auparavant, je signale que comme nous allons continuer pendant l'heure du déjeuner, nous avons fait venir de quoi manger. Les membres du comité et les témoins sont invités à aller se servir.
    Monsieur Valley, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je ne savais pas que vous alliez nous nourrir; voilà d'excellentes nouvelles.
    Merci de me donner la possibilité de m'exprimer encore une fois à ce comité.
    Ma première question s'adresse au chef Picard. Laissez-moi citer une phrase de votre déclaration liminaire. Selon vous, les déclarations formulées en 2004 par l'ancien premier ministre indiquaient clairement une nouvelle façon de faire des affaires. Vous avez dit : « Le gouvernement discutera avec vous avant d'élaborer des politiques. »
    Je comprends très bien que vous ayez dit qu'il vous faut prendre soin de ne pas faire preuve de partisanerie. Mais à mon avis, nous commencions à créer une nouvelle relation qui devait changer notre façon de procéder. Je vous répète que je respecte votre voeu de non-partisanerie, mais pouvez-vous me dire ce qu'est la situation actuelle, après le nouveau départ de 2004?
    Encore une fois, au Québec, nous avons passé des années à tenter de réparer ce que nous considérons comme des injustices liées aux questions défendues et appuyées par les premières nations au Québec — pas seulement au Québec, mais également dans le reste du pays. Il me semble que tout ce que l'on fait, c'est répéter les déclarations faites par les leaders précédents. En examinant la situation qui prévaut dans la majorité des collectivités autochtones de partout au pays, il me semble qu'on devra finir par dire: Assez, c'est assez. Nous sommes coincés dans une situation où nous favorisons un parti au détriment des autres. Selon nous — c'est-à-dire de nombreux chefs au Québec — il faut s'attaquer à la capacité des institutions comme le Parlement ou l'Assemblée nationale du Québec de respecter leurs obligations.
    Par exemple, le gouvernement du Québec mentionne sans cesse une résolution adoptée en 1985 qui reconnaissait les nations autochtones dans la province. Cette résolution a été adoptée à l'unanimité par tous les partis du Québec. Toutefois, lorsque vient le temps de mettre en application cette résolution, nous sommes coincés entre ce que les libéraux ont promis et ce que les autres partis ne font pas. À mes yeux, les enjeux que nous défendons méritent certainement que nous passions outre aux politiques et aux allégeances partisanes.
(1135)
    Merci. Je suis d'accord avec vous.
    Chef Toulouse, vous avez mentionné les 134 communautés que vous servez. Vous savez sans doute que la circonscription de Kenora en compte 41, dont la moitié sont éloignées et sont en difficulté. J'aimerais vous parler du fait qu'il n'y a guère de consultation. Ce qui est pire encore, selon moi, c'est que le gouvernement tient des consultations sélectives. Je l'ai vu dans ma circonscription. Lorsque le gouvernement a une question à poser, il choisit soigneusement à qui il la pose. Ces consultations sélectives m'inquiètent réellement, parce qu'elles ne permettent que d'obtenir le message que l'on veut, sans traduire le message des gens.
    Selon vous, pourquoi le gouvernement est-il réticent à consulter, en général, tous ceux qui sont touchés?
    Je ne sais pas pourquoi le gouvernement est si réticent à mener les consultations. Je sais qu' il est extrêmement important que les premières nations participent à la résolution de cette question. Trop souvent, en raison de la Loi sur les Indiens, des codes ou des politiques ont été élaborés par les premières nations et ils auront des répercussions négatives ou créeront le chaos dont j'ai parlé. Il faut prévoir du temps pour harmoniser les codes ou les lois actuelles et la nouvelle approche, qui consiste à abroger l'article 67.
    C'est de cela que nous discutions en Ontario. Il est impératif de discuter avec les collectivités des premières nations de partout en Ontario, et comme vous l'avez mentionné, monsieur Valley, les collectivités du nord de l'Ontario sont éloignées et on n'y pense pas. Elles devront réellement être consultées en raison de leurs façons de faire ou de leur façon de s'occuper de leur peuple depuis leur arrivée. Elles ont démontré qu'il faut parfois tenir compte de la volonté collective, plutôt que des droits individuels. Tous sont d'accord pour que prévalent les droits individuels de tout membre des premières nations.
    Merci. J'aimerais poursuivre dans la même veine.
    Je ne veux pas parler d'un seul groupe, mais vous avez parlé des communautés du nord de l'Ontario, accessibles seulement par avion, qui sont éloignées et auxquelles on ne pense pas. Partout au Canada, les communautés ont différents niveaux d'expertise et de ressources dont elles peuvent profiter.
    Ma question est peut-être un peu compliquée. J'aimerais savoir quels seront les effets sur les bureaux du conseil de bande locaux dans ces régions éloignées où les ressources sont rares et où il faut des ressources externes pour obtenir des avis juridiques et professionnels, par exemple. Je veux savoir ce que signifie une telle situation pour le bureau du conseil de bande local. Je vais tenter de deviner la réponse, ce qui est toujours dangereux pour nous, mais...
    Il ne vous reste que 30 secondes.
    J'imagine que c'est un manque de confiance envers les agissements du gouvernement.
    Il ne vous interrompra probablement pas, mais il va m'interrompre.
    Qu'est-ce que ça signifie, du point de vue des gens et du bureau de conseil de bande local? J'imagine, sans en être certain, qu'il doit y avoir un manque de confiance.
    N'oubliez pas que les peuples des premières nations ont toujours adopté une approche collective. C'est ainsi que nous vivons sur ces terres depuis des milliers et des milliers d'années. Il était extrêmement important de comprendre collectivement pourquoi certaines décisions étaient prises, dans l'intérêt de tout le peuple.
    Il n'y a pas de conseiller juridique au niveau populaire, au bureau du conseil de bande. Il n'y a pas suffisamment d'analystes des politiques. Personne ne peut aider la communauté à tenter de régler le problème de l'éducation, par exemple.
    Chaque communauté essaie tant bien que mal d'offrir un programme d'éducation à tous les étudiants. Il faut adopter une approche collective afin d'enrayer la perte de notre culture et de notre langue. La langue est le fondement de ce qui nous définit comme peuple, et je crois qu'il faut l'enseigner à l'école. Le problème, c'est que les communautés ne peuvent parfois pas se permettre de faire venir quelqu'un pour enseigner le français, par exemple. Il s'agit d'un droit fondamental.
    Voilà le type de préoccupation qui existe à l'heure actuelle, alors que les premières nations ont des ressources à peine suffisantes, dans le cadre de la structure de financement actuelle, pour enseigner leur première langue, c'est-à-dire leur langue autochtone, que ce soit l'otchipwe, le cri, ou autre. On leur demande par la suite de fournir toutes sortes de services additionnels qu'elles ne peuvent pas nécessairement se permettre en raison des ressources limitées.
    Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à la question.
(1140)
    Merci.
    Monsieur Lemay, je vous prie.

[Français]

    Je voudrais vous remercier d'être présents.
    J'ai écouté, lu et surtout relu le mémoire présenté par le représentant de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
     Monsieur Toulouse, soyez sans crainte, je vais lire votre mémoire avec beaucoup d'attention lorsqu'il aura été traduit et nous aura été distribué. Vous pouvez en être certain.
    Cependant, je suis préoccupé. Dans environ 10 minutes, quand les représentants du parti au pouvoir arriveront pour la période des questions, ils vous poseront la même question, mais probablement sous un angle différent.
    Le projet de loi C-44 arrive après 30 ans de discussions. C'est ce qu'on nous dit. Il y a 30 ans, je n'y étais pas. Je crois qu'aucun de vous n'y était à ce moment-là, mais vous êtes chef et grand chef de vos Premières nations respectives depuis plusieurs années.
    Ma question est toute simple. On nous dit qu'il y a eu énormément de consultations et que, pour cette raison, il faut revoir la loi et abroger l'article 67, qui est un symbole de discrimination pour les peuples autochtones.
    Ma question s'adresse à vous deux, et vous pourrez me répondre dans l'ordre que vous voudrez. Quelles consultations y a-t-il eu avec vous en tant qu'Assemblée des Premières nations de l'Ontario et du Québec en particulier? Ces consultations ont-elles eu lieu? Sous quelle forme ont-elles été faites? Outre l'Assemblée des Premières Nations, à part des grands chefs, y a-t-il eu des consultations auprès des communautés dites — et je n'aime pas le mot — isolées, qui sont dans le nord de l'Ontario? L'exemple qui me vient rapidement à l'esprit est celui de Kashechewan, en Ontario. Au Québec, ce pourrait être Winneway ou même Kitcisakik.
    À votre connaissance, y a-t-il eu des consultations depuis 1977 en vue d'abroger le fameux article 67? Si oui, sous quelle forme ont-elles eu lieu?
    Je vais tenter une réponse.
    Ça fait en effet 30 ans qu'on parle de ces questions et qu'il semble y avoir un vide. Ce vide méritait certainement d'être comblé. Il faut savoir, par contre, que les discussions ont porté sur les grandes questions, d'ordre général. On a devant nous un texte de loi qui n'a pas vraiment fait l'objet de consultations auprès des communautés. Je n'apprends rien à qui que ce soit en disant que dans certains cas, tout réside dans le libellé d'une intention ou d'une proposition.
    Je pense aussi, et on en a tous deux fait état, que la question des ressources adéquates est d'une très grande importance. J'ai saisi au vol la question posée plus tôt. Il y a des exemples marquants de l'état d'incapacité dans lequel sont souvent placés les gouvernements des Premières nations, les conseils de bande, lorsqu'il s'agit de mettre en application des textes législatifs, des amendements à des lois qui existent déjà. Je peux prendre l'exemple de 1985, soit l'amendement à la Loi sur les Indiens. Celui-ci redonnait aux femmes le statut qu'elles avaient perdu à la suite d'un mariage avec un non-autochtone.
    J'imagine que parmi les chefs qui sont derrière moi, nombreux sont ceux qui pourraient donner des exemples de manquements reliés à l'application de cet amendement . Du jour au lendemain, les conseils de bande se sont vus contraints à prioriser un certain nombre de services. Je fais une parenthèse ici parce qu'après l'adoption de l'amendement de 1985, les conseils de bande n'ont jamais vraiment reçu plus d'argent pour satisfaire les attentes ou les demandes légitimes d'un nombre important de personnes revenant dans la communauté. C'est un exemple qui, d'après moi, s'applique également dans ce cadre.
(1145)
    Monsieur Toulouse.

[Traduction]

    Les examens et les études qui ont eu lieu jusqu'à présent ne constituent pas des consultations adéquates. Il n'y a eu, avec les premières nations, aucune consultation directe et officielle qui aurait permis de discuter d'une disposition d'interprétation de façon à ce que les premières nations puissent parler des aspects détaillés qu'il faut aborder dans le cadre de l'harmonisation que supposera la prestation de programmes et de services par un gouvernement des premières nations.
    Nous considérons qu'il n'y a pas eu de véritables consultations. Les rapports indiqués ne sont pas le résultat des consultations, même si on a laissé entendre qu'on discute de cette question depuis 30 ans.

[Français]

    Je peux prendre une minute?

[Traduction]

    Une minute, je vous prie.

[Français]

    Le grand chef Picard propose que le comité arrête ses travaux et vous consulte. Je crois deviner que vous aussi, grand chef Toulouse, souhaiteriez un peu la même chose.
    Je suis vraiment embêté. Tout le monde semble d'accord pour dire qu'il faut retirer cet article, mais pour qu'une véritable consultation ait lieu, faut-il un, quatre, huit, douze mois? Est-ce qu'on devrait ajourner ces travaux et les reprendre en septembre? Je n'ai malheureusement pas votre expérience pour ce qui est de vos communautés, mais ce n'est pas votre cas. Je sais qu'il est difficile d'exprimer la chose en chiffres, mais je vais quand même m'essayer. Un de vous deux peut répondre, à moins que vous ne vouliez répondre tous les deux.

[Traduction]

    Les divers rapports qui se sont penchés sur la question au cours des dernières années ont proposé de prévoir une période de trois ans pour consulter les premières nations et décrire de façon détaillée comment cette loi fonctionnera. Donc il faudrait prévoir six mois à trois ans pour mettre l'accent sur cette question en particulier.
    Nous allons passer à M. Albrecht, du côté ministériel.
    Je vous remercie, monsieur le président
    Je tiens à remercier nos deux témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Je pense qu'il ne fait aucun doute que toutes les personnes ici présentes tiennent à ce que la vie des Autochtones s'améliore partout au Canada. Même si l'aspect politique intervient jusqu'à un certain point, il est vrai que certaines des déclarations faites par l'ancien premier ministre semblent excellentes. Malheureusement, le gouvernement précédent a eu beaucoup de temps pour mettre en oeuvre certaines de ses bonnes idées.
    Je pense que le problème avec lequel nous nous débattons à l'heure actuelle, c'est que le présent gouvernement a l'intention d'agir. Dès que l'on s'apprête à agir, nous devenons tous un peu nerveux à l'idée de ce que sera le résultat final, mais je pense qu'il est clair que nous devons agir dans ce dossier.
    Monsieur Toulouse, vous avez dit qu'il n'était pas urgent d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Êtes-vous convaincu qu'il n'existe aucun problème à l'heure actuelle pour ce qui est des violations des droits de la personne chez les premières nations, qui pourraient être évitées simplement en appliquant cet article à l'ensemble des premières nations, et ensuite, s'il est impossible de les éviter, que les personnes qui font l'objet de ces pratiques discriminatoires puissent avoir au moins le droit de se manifester?
(1150)
    Je dirais que l'adoption de cette mesure créera une situation encore plus chaotique. Elle suscitera davantage de conflits. Ce sur quoi j'insistais, c'est que l'on s'assure qu'il existe une disposition d'interprétation qui parle de toutes les bonnes mesures qui existent et de terminer ce travail dans les délais prévus. Nous devons agir sans tarder. Je sais ce que l'on a dit, mais que l'on s'y mette. Attelons-nous à la tâche au cours des trois prochaines années et terminons le travail.
    Très bien. L'une des questions qui revient constamment au cours des séances de notre comité, c'est la lenteur de la mise en oeuvre. Une autre, c'est la disposition d'interprétation. Les réserves que m'inspire l'ajout d'une disposition d'interprétation — et l'un ou l'autre d'entre vous peut répondre à cette question — est la suivante: comment pouvons-nous ajouter une disposition d'interprétation à ce projet de loi qui permettrait de répondre aux préoccupations particulières des 600 différentes collectivités des premières nations d'un bout à l'autre du Canada. La Constitution et les articles 15 et 25 de la Charte ne permettent-ils pas de concilier de façon satisfaisante les droits collectifs et individuels? Nous tenons tous à ce que l'on respecte cet équilibre.
    La meilleure façon de répondre à votre question serait probablement de vous dire que nous avons ici... Nous sommes probablement restreints à la portée du projet de loi qui, à mon avis, limite la notion de ce qu'est un droit fondamental de la personne. J'ai l'impression que les différentes collectivités autochtones pourraient l'interpréter de diverses façons. Des notions et des contextes différents pourraient s'appliquer.
    Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'en effet, nous avons l'impression que cette question n'est pas urgente parce que d'autres droits fondamentaux ont été refusés aux communautés autochtones, comme le droit à l'éducation. Dans ce secteur, il y a des restrictions budgétaires depuis des années. Pourquoi la situation ne semble-t-elle pas urgente? Selon moi, si nous avions suffisamment d'espace, suffisamment de temps pour réaliser des consultations adéquates, nous pourrions certainement...
    Merci pour votre réponse.
    Dans votre exposé, ainsi que dans votre réponse précédente, vous avez utilisé un terme de façon répétée: consultations exhaustives et adéquates. Pouvez-vous nous décrire à quoi cela ressemblerait. Il y a 600 communautés des premières nations partout au Canada. Comment saurions-nous que les consultations sont exhaustives et que nous pouvons poursuivre le processus?
    Ce qui me préoccupe, pour être tout à fait honnête, c'est que nous retardons le processus et nous nous cachons peut-être derrière cette idée nébuleuse de consultations exhaustives. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre.
    Je crois que nos communautés accepteraient probablement mieux le processus si nous pouvions veiller à ce qu'il y ait un seul point de départ pour tous. Ce matin, je viens vous parler de ce projet de loi, et je n'ai manifestement ni le temps ni les ressources pour consulter nos communautés de façon adéquate. Il est difficile de vous donner une idée du temps que cela prendrait, et de ce qui serait considéré comme une consultation adéquate, mais ce que nous vous disons, et qui a déjà été dit auparavant, c'est que cette question est en veilleuse depuis 30 ans.
    Bien entendu, nous souhaitons également nous adapter à l'environnement qui nous entoure, mais nous ne le ferions pas à n'importe quel prix. L'approche que nous avons été forcés d'adopter finira certainement par ne nous laisser aucun choix.
(1155)
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Pour ce qui est de la consultation portant précisément sur le projet de loi C-44, je crois pouvoir accepter votre déclaration. On a déjà tenté d'abroger l'article 67 — il y a eu les projets de loi C-108, C-7 et S-45 — et nous avons aussi tenu des séances de consultation partout au Canada en 1999, dans le cadre d'un examen officiel de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'article 67 a alors fait l'objet de discussions approfondies. Vos communautés ont-elles participé à ces discussions et à ces tentatives précédentes d'examiner cet article? Il faut s'attaquer à notre objectif. Le projet de loi C-44 est la priorité actuelle, mais l'idée d'abroger l'article 67 a été soulevée à de nombreuses reprises ces dernières années. Avez-vous participé à ces tentatives?
    Je ne peux répondre qu'en me fondant sur l'exemple du Québec et du Labrador. Nous avons été très peu consultés...
    En 1999, lorsque la Loi canadienne sur les droits de la personne...
    ...et par ailleurs, cette question a été soulevée pour la première fois il y a environ 30 ans. Bien entendu, la situation a évolué. Parfois, elle n'a pas évolué à notre avantage, mais ça fait néanmoins 30 ans.
    Merci.
    Monsieur Russell.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
    Vous savez ce qu'on dit: le projet de loi est « bien intentionnée », mais nous savons aussi quel chemin est pavé de bonnes intentions, et d'ailleurs, nous en avons quelque peu la confirmation en écoutant les commentaires. Pratiquement tous les dirigeants autochtones qui ont comparu devant nous nous ont dit que le projet de loi comporte des lacunes majeures. Il ne s'agit pas simplement de prendre des mesures concrètes. Je dirais à mes collègues qu'il faut agir de la bonne façon, en bonne et due forme. En effet, on peut agir en faveur de l'assimilation, comme on peut agir pour bafouer les droits communaux. On peut également agir pour saper le droit à l'autonomie gouvernementale des collectivités autochtones.
    Pour autant que je sache, il existe un droit à la consultation. Ce n'est pas particulièrement complexe. Les tribunaux ont statué que les autochtones, y compris leurs collectivités, doivent être consultés sur toute question les concernant.
    Je voulais vous poser cette question. Il semble y avoir peu de différences entre les deux positions. Bien entendu, chacun est libre d'adopter la position qui lui convient. Monsieur Toulouse, vous dites que le projet de loi doit satisfaire à six conditions avant d'être adopté. Si toutes ces conditions devaient être respectées au moyen d'amendements par le comité, si cela était même possible, estimeriez-vous alors avoir été adéquatement consultés? Cela satisferait-il les collectivités que vous représentez? C'est hypothétique, je le sais. Si nous pouvions satisfaire à ces six conditions en amendant le projet de loi, seriez-vous alors satisfait?
    Monsieur Picard, votre situation me paraît quelque peu différente. Vous dites que nous n'avons pas respecté les exigences fondamentales en matière de consultations et que, par conséquent, nous devons tout recommencer à partir du principe de la bonne relation, en gardant à l'esprit les droits collectifs et les droits inhérents et ainsi de suite.
    Pourriez-vous réagir à cela?
(1200)
    D'une manière générale, nous appuyons les droits humains. Garantir des droits humains ne nous pose aucun problème.
    Désolé, mais je n'ai pas compris l'autre volet de la question.
    Si nous pouvions satisfaire aux six conditions que vous avez évoquées devant le comité, seriez-vous satisfait ou estimeriez-vous que le principe de la consultation n'a toujours pas été respecté?
    Comprendre le caractère urgent de même que comprendre la nécessité d'abroger l'article 67 et de protéger les droits humains... En ce qui me concerne, si les six conditions étaient satisfaites, ce qui permettrait un processus de trois ans aboutissant sur quelque chose qui gagnerait l'aval de tous et qui serait compris de tous, alors là, notre position serait la même, nous serions disposés à l'accepter.
    Allez-y, monsieur Picard.
    J'abonde certainement dans le sens de mon collègue sur la question des droits humains et sur la nécessité d'offrir une protection suffisante. J'ajouterai cependant qu'à de nombreuses reprises dans le passé, des projets de loi ont été déposés au Parlement, nous avons comparu devant votre comité ainsi que devant un certain nombre d'autres comités pour exprimer nos réserves. Pourtant, le projet de loi finit par être adopté et mis en vigueur avec une contribution très limitée de la part des premières nations.
    C'est ce que j'aurais pu dire ce matin. Je ne l'ai pas fait, parce que je l'ai déjà dit à maintes reprises dans le passé. Au bout du compte, je tente d'obtenir un espace et du temps suffisants pour que l'on consulte notre peuple.
    Ce matin, j'ai notamment proposé l'insertion d'une clause de dérogation. J'aurais pu obtenir une confirmation auprès des collectivités que nous représentons au Québec en leur demandant si cela pouvait les intéresser. Cela nous donnerait-il suffisamment d'espace pour progresser plutôt que de maintenir le statu quo? Voilà juste un exemple des genres de propositions que nous avons envisagées.
    Je donne maintenant la parole à M. Bruinooge, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs déclarations.
    Je vais peut-être commencer selon l'ordre de comparution, d'abord par M. Picard.
    Dans votre déclaration, vous avez dit que la Couronne — le Canada — avait l'obligation de se doter de processus de négociations honorables et de respecter le principe de la consultation, de l'accommodement, de la justification et du consentement des premières nations. Comme M. Albrecht, je vous demanderais de définir comment parvenir à cet objectif.
    En ma qualité de législateur, je dois faire face à une situation où les droits de la personne ne sont pas respectés sur les réserves autochtones. Notre gouvernement a décidé d'y remédier. Peut-être pourriez-vous nous expliquer comment vous envisageriez une méthode acceptable pour atteindre cet objectif.
    Eh bien, je pense que nous savons tous, pas seulement de ce côté-ci de la table, mais de votre côté aussi, que la communauté autochtone du Canada représente une grande diversité. En effet, nombre de nos collectivités ont des relations pas seulement avec l'État fédéral, mais aussi avec l'État provincial. De même, nous faisons face à des situations différentes.
    Il m'est difficile de vous fournir un calendrier précis pour la tenue de ce genre de consultations. En ce qui nous concerne, au Québec et au Labrador, nous avons des structures en place qui nous fourniraient une assistance suffisante pour la consultation de nos collectivités. Mais encore là, nous avons toujours le même problème, celui des ressources.
    Est-ce qu'on nous a donné l'occasion de contribuer à ce projet de loi? Non. Encore une fois, je veux insister là-dessus. Ne nous mettez pas dans une situation où on a l'impression que nous bafouons les droits de la personne les plus fondamentaux. Ce n'est pas le cas. Nous nous opposons seulement à la façon dont ce processus se déroule.
(1205)
    Monsieur Picard, vous venez tout juste de dire que vous ne comprenez pas vraiment comment cela se produirait. Vous pourriez peut-être nous suggérer certaines des pratiques dans votre province natale, pratiques que vous avez utilisées dans le passé. Je pense que vous avez vraiment mis le doigt dessus. Il n'existe pas de processus sur lequel s'accordent toutes les premières nations, ni de processus gouvernemental qui dicte la façon de tenir des consultations.
    Nous avons constaté, depuis 1977, que des consultations ont été tenues sur ce sujet en particulier en 1985, en 1992, puis de façon exhaustive en 2000, et enfin encore une fois en 2002.
    Ayant été élu au Parlement canadien pour régler certains problèmes au pays... Je pense que tous les députés de l'opposition seraient d'accord avec moi pour dire que nous aimerions que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique aux réserves, notamment en ce qui a trait à des questions particulières que j'aborderai probablement au prochain tour. Étant donné que le processus de consultation est très nébuleux, comment le législateur que je suis peut-il ne pas intervenir puisque je ne sais pas en quoi consiste la consultation? C'est ce que nous tentons tous de comprendre. Trente ans, est-ce suffisant? Je l'ignore. N'empêche qu'une occasion se présente à nous aujourd'hui. C'est pourquoi nous voulons agir. Nous voulons entendre votre point de vue, puis intégrer dans nos discussions vos suggestions et celles de M. Toulouse.
    Je ne peux pas faire ce que vous avez suggéré dans votre déclaration, soit tout arrêter. Mes électeurs m'ont envoyé ici pour agir, et c'est tout simplement ce que j'ai l'intention de faire.
    Je présume que les décisions et les agissements du gouvernement entraînent toujours des conséquences; c'est certainement le cas pour nous. Si nous avons pris le temps de comparaître devant vous et de vous faire part de notre point de vue — je ne parle bien entendu qu'en mon propre nom ici — c'est que nous connaissons les gens que nous représentons et nous savons quelles sont leurs opinions à ce sujet. Sinon, nous n'aurions pas pris le temps de comparaître devant ce comité pour faire valoir nos arguments. Il est important que vous compreniez tous cela.
    Il existe une grande ambigüité dans toute cette notion de droits collectifs par rapport aux droits individuels... Je vous le répète: nous ne sommes pas contre les droits individuels. Nous voulons simplement bien distinguer ce concept et le concept de droits collectifs, qui est très important aux yeux de nos communautés.
    Tout ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait suffisamment de temps et d'espace ainsi que des consultations adéquates; nous pouvons ainsi, au bout du compte, tous nous entendre sur un processus en vue de la promulgation du projet de loi de manière adéquate. C'est tout ce que nous voulons dire.
(1210)
    Je dois vous interrompre.
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Messieurs Picard et Toulouse, veuillez excuser mon retard. C'est la faute des libéraux, qui ont soulevé la question des pensionnats. On ne pouvait pas laisser passer ça. Il nous fallait plaider votre cause.
     J'aimerais savoir si vous prévoyez qu'au terme de cette période supplémentaire de trois ans dont il a été question un peu plus tôt, vous aurez des amendements à la loi à proposer, et si vous pensez avoir besoin de fonds additionnels pour la tenue des consultations.
    Je crois que nous ne sommes pas les premiers à comparaître devant ce comité et à suggérer qu'il y ait une période supplémentaire pour permettre la consultation. Je pense ici à la position des femmes autochtones au Québec, par exemple. Il s'agit de disposer d'assez de temps pour mener à bien une consultation. Dans leur cas, et je pense à leurs membres, ainsi que dans celui de divers organismes dans les communautés, les ressources sont de toute évidence très limitées.
    Il ne s'agit pas de dire que les droits de la personne ne sont pas une priorité, mais en réalité, les gouvernements des Premières nations, les conseils de bande, sont constamment placés dans une situation très inconfortable quand il s'agit de vraiment déterminer ce que sont les priorités pour une communauté. Je pourrais faire une litanie de tous les exemples qui existent, mais je ne le ferai pas.
    Pour ce qui est de savoir si nous aurons des amendements à proposer, je dirais que ce sera sans doute le cas, étant donné que nous avons exprimé nos préoccupations concernant le projet de loi.

[Traduction]

    J'aimerais répondre, si vous me le permettez. L'article 67 protège la mise en application de la Loi sur les Indiens. Il existe des droits de la personne au sein des communautés des premières nations — par exemple, les congédiements injustifiés sont réglés par les administrations des premières nations. L'abrogation de l'article 67 porte sur la protection d'une loi archaïque, la Loi sur les Indiens. Les droits fondamentaux de la personne sont respectés. Nous ne vivons pas dans l'anarchie totale, et nous avons des lois; les droits sont reconnus par les premières nations. En fait, de nombreux droits sont reconnus et respectés.
    Si on souhaite réellement régler les problèmes des premières nations, il faut s'attaquer à la question de la protection de l'enfance, qui a été soulevée en reconnaissance des droits de la personne. À l'heure actuelle, le sous-financement atteint 22 p. 100. Certaines mesures pourraient être prises immédiatement pour garantir l'égalité au sein des premières nations; il faut en tenir compte.
    Le plafond de 2 p. 100 existant est également discriminatoire. Le gouvernement fédéral continue de choisir les priorités pour nous, alors que nous en avons recensé... Si on souhaite s'attaquer à la pauvreté chez les femmes et les enfants, alors faisons-le. Réglons certaines des questions liées à la protection de l'enfance. Les communautés et les organisations des premières nations ont proposé des solutions afin de régler les problèmes non résolus.
(1215)
    Merci.
    Revenons au gouvernement; monsieur Blaney, je vous prie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Toulouse, je voudrais simplement vous rassurer: les membres du comité sont conscients des besoins importants des Premières nations, notamment en matière de logement au Québec. Présentement, nos travaux portent sur le projet de loi C-44, et à ce jour, nous avons reçu plusieurs groupes. Je salue au passage le chef Picard, qui est également préoccupé par ces enjeux. Je le sais pour avoir participé au Forum socioéconomique des Premières Nations.
    Dans le cadre du projet de loi C-44, nous recevons des groupes et des recommandations concrètes. C'est malgré tout un processus de consultation, et la loi n'est pas encore adoptée, il faut le rappeler. Le comité va émettre des recommandations, revoir les articles et renvoyer le projet de loi à la Chambre. Il y a tout de même un processus, aussi imparfait soit-il. C'est celui que nous donne notre système parlementaire.
    Le mémoire de l'Association des femmes autochtones du Canada, qui a été porté à mon attention, dit que l'article 67, ajouté comme mesure temporaire à l'époque, a plutôt empêché les gens les plus vulnérables de déposer une plainte concernant une violation des droits de la personne lorsque celle-ci impliquait une disposition de la Loi sur les Indiens. Trente ans se sont écoulés et nous devons maintenant régler ce problème.
    Je vous écoute ce matin, et je suis conscient que le processus de consultation n'est peut-être pas parfait, mais comme le mentionnait plus tôt M. Lemay, des efforts ont été faits au cours des 30 dernières années pour corriger les lacunes en matière de droits de la personne. Je me demande s'il faut encore attendre ou s'il ne serait pas mieux de saisir l'occasion qui nous est donnée pour améliorer les droits et les conditions de vie des Premières nations. On ne parle pas ici d'un pas de géant, mais d'un petit pas qui permettrait d'avancer dans cette direction.
     On sait que les Premières nations font un travail important au chapitre des droits collectifs, mais je serais curieux de savoir si des démarches ont été entreprises pour promouvoir les droits individuels des Autochtones dans les communautés.
    Pour moi, c'est assez simple. Le respect et l'amélioration des droits collectifs peuvent, en soi, être une réponse aux droits individuels. Cependant, personne ne sera en désaccord sur la nécessité de rétablir un équilibre qui, autrement, n'existerait sans doute pas. On doit passer du temps et réfléchir sur l'impact de la Charte, une fois son application confirmée par le projet de loi C-44, sur des communautés qui n'ont peut-être pas les moyens d'en appliquer les dispositions.
    Prenons l'exemple du Québec. Dans plusieurs cas, des personnes prennent les moyens à leur disposition pour faire valoir des revendications vraiment illégitimes, que ce soit sur le plan territorial ou de l'accès à certains services. Je pourrais aller dans n'importe quelle région au Québec et vous citer des exemples de ce genre de situation. On pourrait facilement concevoir que l'application d'une charte comme celle-ci dans les communautés pourrait amener de l'eau au moulin pour ce genre d'individus ou de groupes.
    L'exemple parfait est le barrage de la route 117. Il y a déjà quelques semaines, des groupes se sont donné une cause. Un groupe a présenté publiquement des prétentions qui appartiennent normalement à nos groupes. Qu'est-ce qui empêcherait une collectivité de se fonder sur la Charte pour dire qu'il y a une situation de non-respect des droits de la personne? Selon moi, il est possible qu'on ouvre la porte à ce genre de situation.
    Je pourrais aussi citer en exemple les négociations territoriales entre ma propre nation et les gouvernements du Québec et du Canada. Bon an mal an, parce que cela fait des années qu'elles durent, il n'est pas rare d'entendre des gens se prononcer publiquement sur leur statut et leurs droits qui sont bafoués dans le cadre des négociations territoriales. Qu'est-ce qui empêcherait des groupes existants et futurs de se fonder sur la Charte pour signaler un manquement évident au respect des droits de la personne?
(1220)

[Traduction]

    Merci.
    Vous n'avez plus de temps, monsieur Blaney.
    Madame Crowder, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chef Picard et chef Toulouse, de comparaître devant le comité. Je m'excuse d'avoir dû quitter la salle; il y avait une motion à la Chambre.
    On a beaucoup parlé de l'obligation de consulter. De nombreux témoins ayant comparu devant le comité ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'avoir été consultés adéquatement, et je dirais qu'ils n'ont pas été bien consultés.
    Certaines recommandations portant sur les biens immobiliers matrimoniaux portent justement sur la consultation. Je veux vous lire ce document. On y dit ceci:
Le ministère devrait élaborer, le plus tôt possible, des politiques et des procédures précises en matière de consultation afin que les activités futures de consultation puissent identifier toute obligation juridique de consulter, et s'en acquitter, tout en réalisant les objectifs de bonne gouvernance et de politique publique en:

1) S'assurant que les premières nations reçoivent toute l'information pertinente à la question en jeu, pour prendre une décision en temps opportun;

2) Offrant aux premières nations la possibilité d'exprimer leurs préoccupations et leurs points de vue sur les conséquences possibles d'une proposition législative et sur les questions liées à l'existence d'une obligation de consulter;

3) Écoutant, en analysant et en examinant sérieusement les commentaires et les préoccupations des premières nations à propos des principes juridiques et politiques pertinents, y compris leur relation avec d'autres principes constitutionnels et liés aux droits de la personne;

4) Veillant à ce que le ministère de la Justice réalise des analyses approfondies sur les questions liées à l'article 35 touchant toute initiative législative proposée avant, durant et après la tenue de consultations;

5) Accordant une attention particulière aux propositions visant à mitiger les conséquences négatives possibles sur les droits ancestraux et issus de traités ainsi que sur d'autres droits et intérêts des premières nations, et en prenant des mesures pour modifier la proposition du gouvernement;

6) Établissant, en consultation avec les premières nations, un protocole pour l'élaboration des propositions législatives.
    Selon moi, cela montre bien ce qui pourrait être compris dans une obligation de consulter. Qu'en pensez-vous?
    Je serais heureuse de vous remettre cette copie; je suis désolée, mais je n'ai apporté que la version anglaise.
    Ces recommandations sont les mêmes que celles formulées par les premières nations depuis un certain temps. Selon nous, le terme « consultation » a une signification très précise. Il signifie qu'il faut faire les choses de façon équitable et respectueuse. Quelqu'un nous a demandé plus tôt ce que nous allions faire pendant ces trois ans; je présume qu'il faudra voir les éléments à intégrer dans la disposition d'interprétation, c'est-à-dire qu'il faut commencer à parler des droits liés aux programmes et services du gouvernement des premières nations; de la façon dont un gouvernement des premières nations peut accorder la préférence à ses membres dans le cadre de la formation et de l'embauche d'employés et d'entrepreneurs; du droit d'un gouvernement des premières nations d'accorder la préférence à ses membres lors de l'attribution de terres, de ressources ou d'autres avantages économiques. Il y a donc différentes questions au niveau local, au niveau des premières nations, qui portent sur les droits d'un individu, dont il faut parler, qui doivent être peaufinées et, finalement, qui doivent être communiquées à toute la communauté.
    Voilà donc ce que nous disons. Il ne s'agit pas d'attendre encore trois ans, puis de dire que nous sommes désolés mais que nous souhaitons avoir trois autres années. Non, il faut réellement accomplir le travail. Il faut avoir les ressources nécessaires pour bien expliquer à tous les membres des premières nations ce que sont leurs droits, afin qu'ils les comprennent et qu'ils en soient pleinement conscients.
(1225)
    Selon moi, la liste que vous avez présentée comporte les exigences fondamentales et presque tout ce qui est requis pour réaliser des consultations adéquates dans nos communautés.
    En vous écoutant, je me suis souvenu d'un protocole que nous avons élaboré très difficilement au Québec, et que nous avons tenté de présenter aux deux ordres de gouvernement en leur disant qu'il s'agissait d'un guide. J'ai pu établir un parallèle entre certaines de ces recommandations et certaines des exigences que nous avons adoptées. C'est peut-être un peu limité, puisque évidemment, les réalités des premières nations sont souvent différentes à certains égards, mais certains des points sont semblables, c'est certain.
    Monsieur Bruinooge, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Monsieur Toulouse, je souhaite revenir sur certains points que vous avez mentionnés. Je voulais surtout vous poser une question au sujet des consultations. Nous avons reçu des avis constitutionnels au sujet des consultations requises en vertu des décisions relatives aux nations Taku et Haida; on nous a dit que cela portait spécifiquement sur les ententes liées aux ressources. Par exemple, si le gouvernement de la Saskatchewan décidait d'installer une ligne de transport d'électricité en plein milieu d'une communauté des premières nations, ce serait au gouvernement de la Saskatchewan de mener les consultations et les négociations adéquates afin que la communauté soit bel et bien d'accord. Mais en citant les décisions relatives aux nations Taku et Haida et en mentionnant l'obligation de consulter, comme vous l'avez fait, vous avez dit que des conflits surviendraient sans doute si le gouvernement ne vous consultait pas avant d'abroger l'article 67.
    J'aimerais que vous me disiez, selon vous, quel juge au Canada entendrait une affaire au sujet des droits des membres des premières nations dans les réserves, en y voyant un affront aux premières nations.
    Ce que j'ai dit, c'est que nous ne sommes pas contre les droits de la personne. Nous comprenons et respectons leur nécessité. Nous ne disons pas que ces droits ne devraient pas exister. Ils sont absolument nécessaires.
    Au sujet de la consultation, nous sommes du même avis que la députée Jean Crowder. Nous avons les six recommandations suivantes: premièrement, s'assurer que les premières nations reçoivent toute l'information pertinente aux questions en jeu pour prendre des décisions en temps opportun; deuxièmement, offrir aux premières nations la possibilité d'exprimer leurs préoccupations et leurs points de vue sur les conséquences possibles d'une proposition législative et sur les questions liées à l'existence d'une obligation de consulter; troisièmement, écouter, analyser et examiner sérieusement les commentaires et les préoccupations des premières nations à propos des principes juridiques et politiques pertinents, y compris leur relation avec d'autres principes constitutionnels et liés aux droits de la personne; quatrièmement, veiller à ce que le ministère de la Justice réalise des analyses approfondies sur les questions liées à l'article 35 touchant toute initiative législative proposée avant, pendant et après la tenue des consultations; cinquièmement, accorder une attention particulière aux propositions visant à mitiger les conséquences négatives possibles sur les droits ancestraux et issus de traités ainsi que sur d'autres droits et intérêts des premières nations, et prendre des mesures pour modifier la proposition du gouvernement; sixièmement, établir, en consultation avec les premières nations, un protocole pour l'élaboration des propositions législatives.
    Ce processus nous permettra de procéder à un partage respectueux des pouvoirs au Canada. Les membres de la société des premières nations contribueront ainsi à la prospérité économique du pays. Ce que nous souhaitons, c'est que nos droits soient les mêmes que ceux de tout le monde, sauf au niveau communautaire, ce qui nous permet de créer notre propre loi des premières nations sur les droits de la personne, si on veut.
(1230)
    Je m'excuse; je ne peux tout simplement pas m'imaginer un juge qui infirmerait une abrogation, abolissant par le fait même les droits des membres des premières nations. Je ne crois pas que ce serait possible.
    Tout ce que nous demandons, ce sont des conditions, que je vous énumérerai encore. La première condition dont j'ai parlé est le besoin de mener des consultations, de fournir des accommodements et de veiller à ce que nous nous comprenions. La deuxième condition est la présence d'une disposition interprétative. La troisième condition demande une période de transition réaliste pour permettre aux premières nations de comprendre les dispositions et de les mettre en application. La quatrième condition exige des ressources financières suffisantes pour pouvoir appliquer cet article ainsi qu'une clause de non-dérogation.
    En 1977, lorsque la Loi canadienne sur les droits de la personne est entrée en vigueur, il y a eu une période de transition d'environ sept mois et demi. Selon vous, est-ce suffisant?
    Manifestement pas; ça n'a mené nulle part.
    Naturellement, la loi existe depuis 30 ans. Je n'ai entendu personne dire que cette période de sept mois et demi n'était pas suffisante, mais je crois que c'est ce que vous indiquez.
    Ce que je veux dire, c'est que si vous respectez les six conditions que nous avons énumérées et que vous nous donnez trois ans, nous allons appuyer l'abrogation de l'article 67, si le comité peut se mettre d'accord.
    Très bien, merci.
    Monsieur Valley, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais vous remercier, chef Toulouse, d'avoir précisé que l'anarchie ne règne pas dans les communautés. C'est important de le dire. Les communautés fonctionnent.
    J'ai la chance de représenter certaines des meilleures communautés du Canada, dont certaines connaissent beaucoup de défis. Les choses ne sont pas parfaites, certes, mais ce n'est pas l'anarchie qui règne. Il est important de le préciser.
    Il est important pour nous tous que l'ensemble des Canadiens soient protégés. Vous nous avez parlé des options qui existent à cet égard.
    J'aimerais que vous nous disiez ce qui vous fait le plus de tort. Est-ce le fait que le gouvernement actuel ne veut pas mener de consultations? M. Picard a précisé que nous devions tous travailler ensemble. C'est quelque chose que nous remarquons. Les députés de l'opposition doivent collaborer avec le gouvernement, autrement rien ne se fera; on ne pourra jamais rien accomplir pour le Canada ou pour nos commettants.
    Un des grands défauts de l'actuel gouvernement, c'est le manque de collaboration dont il fait preuve. Tôt ou tard, les ministériels vont se retrouver du côté de l'opposition et vont bien devoir travailler avec les autres. Ils vont bien devoir le comprendre.
    Ma question s'adresse aux deux témoins. Qu'est-ce qui vous porte réellement préjudice? Le manque de consultations adéquates? Le fait que vous n'ayez pas voix au chapitre? Les effets dommageables des relations entre gouvernements et de tout ce qui est mis de l'avant? Les hésitations par rapport à la marche à suivre?
    Qu'en pensez-vous?
    Nous avons tenté de discuter de nos priorités pour l'Ontario avec le gouvernement, par exemple. Il est clair qu'on pourrait mettre en place des mesures prioritaires qui permettraient d'améliorer la vie et de protéger les droits des membres des premières nations de toutes les collectivités, sans être obligés d'adopter à la hâte un texte législatif comme celui-ci.
    Comme vous l'avez dit, monsieur Valley, ce n'est pas l'anarchie qui règne dans nos collectivités des premières nations; il existe des lois qui sont respectées et appliquées. Si les autorités gouvernementales étaient prêtes à discuter avec nous de certaines des conditions que nous soulevons, on pourrait réaliser des progrès.
    Nous sommes prêts à étudier la question en respectant un échéancier préétabli... J'ai parlé de trois ans parce que c'est cela qui m'est venu à l'esprit. Je voulais tout simplement vous faire comprendre que si on agissait à la hâte, on n'aurait pas les résultats escomptés...
    Souvent les premières nations, faute de ressources financières, ne sont pas en mesure de fournir des analyses ou des recommandations sur-le-champ. C'est pour cela qu'il faut leur permettre d'obtenir les ressources nécessaires pour traiter de cette question.
    Les droits de la personne ne sont pas absents des communautés des premières nations. Je répéterai qu'en vertu de l'article 67, seule la mise en oeuvre de la Loi sur les Indiens fait l'objet d'une exemption. Ce ne sont pas les premières nations qui ont créé cette loi, comme vous le savez. Prenons le temps de travailler ensemble pour créer des conditions propices à la planification. Si on tentait de nous imposer un texte législatif sans avoir pris en compte la mise en oeuvre de l'ensemble des articles, cela créerait beaucoup de confusion.
    Pourquoi le gouvernement forcerait-il les premières nations à faire appel aux tribunaux sachant que des discussions élargies permettraient de régler le problème? Il serait dommage de nous acculer au pied du mur et de nous contraindre à solliciter les tribunaux.
(1235)
    Allez-y, monsieur Picard.
    J'ajouterai simplement que le non-respect des droits fondamentaux est tout à fait courant parmi les Autochtones. Il me semble tout à fait injuste de prendre cet exemple pour essayer d'interpréter ceci ou nos positions comme un signe de non-respect des droits de la personne chez les Autochtones.
    Je répète ce que j'ai déjà dit, à savoir que le droit à l'éducation est très limité, que le droit à un logement correct est également très limité tout comme le droit à la santé et à d'autres choses. C'est une constante pour les Autochtones en général. C'est la raison pour laquelle on risque de mal interpréter notre présence ici.
    Il me semble très important de pouvoir dire publiquement que nous défendons les droits de la personne mais qu'en même temps nous défendons les droits collectifs de notre peuple.
    En fait, l'absence de progrès concernant les droits collectifs peut avoir une certaine incidence sur les droits individuels et il est très important de le rappeler.
    Merci.
    Nous allons passer au côté ministériel.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Aimeriez-vous prendre la parole, monsieur le président? Je pourrais partager mon temps de parole avec vous, si vous le désirez.
    Je comprends la frustration de mes collègues d'en face, qui ont eu la chance d'agir et de faire avancer les droits des Autochtones mais qui, malheureusement, n'y sont pas parvenus. Je pense au projet de loi sur la gouvernance qui a été amené de façon maladroite et qui n'a pas pu aboutir. Heureusement, nous pouvons agir et je souhaite pouvoir le faire grâce au projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Ma question ne s'adresse pas à un grand chef en particulier. J'aimerais avoir un commentaire de votre part.
    Trente communautés ont déjà des ententes d'autonomie gouvernementale qui ne sont pas assujetties à la Loi sur les Indiens. Cela veut donc dire que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique sans restrictions. À ma connaissance, il n'y a pas eu nécessairement de période transitoire au moment de la signature de ces ententes. Monsieur Toulouse, vous avez parlé de chaos advenant l'adoption de cette loi. Pour ces 30 communautés, il n'y a pas eu de tremblements de terre ou de conséquences, de répercussions dramatiques, ni de répercussions financières substantielles. J'aimerais comprendre les fondements de votre affirmation puisque l'expérience semble démontrer que ces 30 communautés continuent à exercer pleinement leurs droits collectifs, alors que les droits individuels sont pleinement assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés.
(1240)

[Traduction]

    Certaines de ces ententes sur l'autonomie gouvernementale dont vous avez parlé représentaient l'aboutissement de très longues négociations, de très longues consultations, d'un dialogue qui a duré des années — dans certains cas jusqu'à 30 ans. Il y a eu des discussions spéciales sur la façon dont on allait considérer les droits individuels et les droits collectifs. Aussi, dans tout le processus de consultation qui a mené à la négociation d'ententes d'autonomie gouvernementale, on a pendant longtemps dialogué sur ce que cela représentait et sur la façon dont les dispositions d'interprétation, si vous voulez, allaient entrer en jeu. Tout cela a donc été fait en prévision des ententes d'autonomie gouvernementale. Ces discussions ont eu lieu.
    Donc, dans ces cas particuliers, il y a eu des discussions spéciales justement là-dessus.

[Français]

    Désirez-vous ajouter quelque chose?
    Je me joins à mon collègue et appuie ses commentaires. D'autre part, il faut savoir que la négociation d'une entente d'autonomie gouvernementale implique aussi une refonte majeure de la relation financière entre le gouvernement du Canada et les communautés concernées.
    Ce sont des considérations dont on a certainement tenu compte, ce qui ne serait pas nécessairement le cas en ce qui a trait à la situation des autres communautés qui ne font pas partie de ce cadre. On sait qu'il y a plus d'un type d'accord financier entre nos communautés et le gouvernement fédéral, dépendamment des réalités de ces communautés. Encore une fois, je répète ce que mon collègue dit: dans beaucoup de cas, ces discussions ne se sont pas conclues du jour au lendemain.
    Il y a donc eu des pourparlers auparavant, mais après l'adoption, il n'y a pas nécessairement eu de problème.
     Me reste-t-il du temps, monsieur le président, ou vous reste-t-il du temps?

[Traduction]

    C'est une question que j'ai posée aux témoins de la Commission canadienne des droits de la personne.
    À propos de certaines discussions concernant les droits de la personne et les Autochtones, monsieur Picard, vous avez abordé la question du logement. Or, qu'est-ce qu'un logement convenable et comment peut-on définir cela? Pour ce qui est d'un accès raisonnable à l'éducation et de soins de santé convenables, là aussi, comment peut-on définir cela?
    Ce sont là des inconnues. Comment va-t-on définir ce genre de choses? Cela devrait-il se faire en cour? Peut-on réellement négocier ce que cela doit être? Les problèmes ce sont ces inconnues.
    Monsieur Toulouse, vous avez dit que vous vous préoccupiez de ces inconnues et de la nécessité d'avoir davantage de consultation avant d'aller plus loin. Par exemple, quand certains groupes autochtones ont reçu le droit de percevoir des impôts pour aménager des terres cédées à bail, il n'était pas prévu que les collectivités qui offraient des services dans ces municipalités soient payées pour les services assurés sur ces terres.
     L'ancien gouvernement est allé de l'avant avec la loi, sachant que ces inconnues demeuraient. Certaines affaires ont été portées en justice. Notre municipalité est notamment allée en cour pour savoir ce que signifiait une entente de service appropriée pour ces propriétés parce que les Autochtones percevaient les impôts d'aménagement foncier ou les impôts immobiliers sur ces biens à bail.
    Pensez-vous réellement que l'on puisse, à force de consultations, définir de façon absolue ou préciser un cadre juridique ferme concernant ces questions?
(1245)
    Comme je l'ai déjà dit, si l'on avait le temps et les ressources voulus pour le faire, nous pourrions en effet régler ces questions. Là encore, les autres rapports ont parlé de trois ans pour régler les questions en suspens. C'es ce que je continue à dire.
    Avec les conditions que j'ai citées, je pense que nous pourrions avancer.
    J'ai le sentiment que tous les exemples auxquels vous avez fait allusion sont facilement mesurables.
    Pour ce qui est d'un logement convenable, pour moi, c'est évidemment ce que tout Canadien considère être comme une moyenne acceptable. Si c'est être trois à cinq par maison, quand on compare cela à la situation des peuples autochtones, qui est presque le double de cela, il y a certainement un problème.
    Pour ce qui est des consultations, nous avons plus d'un exemple dans l'histoire récente de peuples autochtones qui ont considéré avoir été convenablement consultés. J'ai parlé de la Commission royale et c'est là une forme de consultation. Cela a pris cinq ans et plus de 500 recommandations mais, 10 ans plus tard, il n'y a encore aucune de ces recommandations qui a été mise en oeuvre.
    Il me semble que c'est toujours nous qui perdons. Nous sommes toujours prêts à participer à des processus qui prétendent offrir une consultation de notre peuple, mais cela ne donne pas grand résultat.
    Merci.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Cela fait une heure que j'écoute, et j'ai tout entendu. Je vais vous poser une question très précise.
    Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est interdit à tout employeur ou fournisseur de services sous réglementation fédérale d'exercer de la discrimination fondée sur la race, l'origine nationale, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, y compris la grossesse et l'accouchement, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience physique ou mentale, y compris la dépendance actuelle ou passée à l'alcool ou aux drogues.
    Si on adoptait demain matin le projet de loi C-44, qui abroge l'article 67 de la Loi sur les indiens, vos communautés seraient-t-elles prêtes à faire face à des poursuites en vertu de l'article dont je viens de vous faire part?
    Monsieur Lemay, j'ai cité certains exemples un peu plus tôt, et je crois à la vulnérabilité de nos communautés par rapport à ces situations. Ces exemples ne disparaîtront pas avec l'application de la loi, qui pourrait au contraire fournir des munitions additionnelles à ce genre de groupe, justement pour faire valoir des revendications ou des prétentions qui pourraient ne pas être jugées légitimes. C'est une réalité qui se fait déjà sentir chez nous.
(1250)
    Chef Toulouse, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Est-ce que ce nouveau projet de loi va apporter un changement important immédiatement? Je ne pense pas que cela sera immédiat. À l'heure actuelle, comme je l'ai dit, pour ce qui est des gouvernements des premières nations et des organisations des premières nations, en général, ceux-ci traitent bien les membres des premières nations. Le gros problème est de faire en sorte que, collectivement, les premières nations aient ce qu'ont les autres Canadiens. C'est probablement là qu'il faut considérer les iniquités.
    J'ai pris tout à l'heure l'exemple du bien-être des enfants. Cela reste un gros problème. Pourquoi se fait-il que les enfants des premières nations reçoivent 22 p. 100 de moins que les autres à ce titre.
    C'est cela qui va nous préoccuper: notre situation par rapport aux autres Canadiens, dans chaque province. Ce n'est pas tellement que cela va changer les choses et que des membres des premières nations vont tout d'un coup entamer des procédures contre les conseils de bande. Non. Ce qui va se produire, en fait, c'est que l'on va voir ressortir les inégalités qui existent depuis toujours, les cas de discrimination dus à la Loi sur les Indiens, les normes différentes selon qu'il s'agit d'Autochtones ou du reste des Canadiens.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Puis-je mettre fin aux questions? Tout le monde a-t-il pu poser ses questions?
    Merci beaucoup à nos deux chefs régionaux, M. Picard et M. Toulouse. Nous avons apprécié cet échange.
    La séance est levée.