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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 avril 2007

[Enregistrement électronique]

(0840)

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d’aujourd’hui, alors que nous poursuivons notre tournée pancanadienne et notre étude sur le cadre stratégique de l'agriculture. Nous accueillons Hervé Bernier, d'Agrobiopole, Pierre Lemieux, de la Fédération québécoise des producteurs acéricoles du Québec, Benoit Martin et Jean-Philippe Deschênes-Gilbert, de la Fédération de la relève agricole du Québec, ainsi que Maurice Vigneault, de l’Union des producteurs agricoles de Lotbinière-Mégantic.
    À vous tous, bienvenue à cette séance.
    Pour ce qui est des déclarations liminaires, je demanderais à chaque organisme de s'en tenir à dix minutes au maximum, afin que nous ayons plus de temps pour la discussion et les questions des membres du comité.
    Et maintenant, monsieur Bernier, je vous cède la parole.

[Français]

    Ce matin, je vais vous entretenir du rôle de l'innovation dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
    Il faut d'abord situer l'importance du secteur agroalimentaire dans une perspective régionale. Dans l'est du Québec, le secteur agroalimentaire, incluant l'agriculture, génère 8 p. 100 du PIB régional, comparativement à 7 p. 100 pour l'ensemble du Québec. On parle de 16 000 emplois dans la région, soit 20 p. 100 de l'emploi total à l'échelle régionale. Il s'agit donc d'un secteur primordial pour la région.
    Dans le cadre d'une série d'articles publiés en décembre 2005, on pouvait lire dans le journal Le Soleil le titre suivant au sujet de l'industrie bioalimentaire du Québec : « Une mine d'or pour les villes-centres et les régions ». On y faisait état d'un taux moyen de croissance de 3,8 p. 100, comparativement à 2,5 p. 100 pour l'ensemble de l'économie québécoise. Cette performance remarquable du secteur agroalimentaire était essentiellement due à la production à valeur ajoutée. Ça semble bien intéressant, mais quels sont les défis auxquels on doit faire face? On peut classer ces défis en trois catégories : la productivité des entreprises face à la mondialisation, la préservation de la qualité de l'environnement et le vieillissement de la population.
    En ce qui concerne la productivité, on sait qu'en 2006, le Canada a glissé au 16e rang mondial au chapitre de la compétitivité économique. Au Québec et même à Toronto, des gens prétendent que notre main-d'oeuvre est responsable du manque de compétitivité. Cette explication m'apparaît simpliste. Pour être plus compétitives, des entreprises situées ailleurs dans le monde investissent en recherche et développement ainsi que dans le renouvellement du parc technologique. Or, nos entreprises se sont contentées de profiter — et ici, je veux dire de façon générale et non spécifiquement dans le domaine agroalimentaire — de la faiblesse du taux de change du dollar canadien pour produire à prix compétitif et exporter.
    Pour ce qui est de l'environnement, les pratiques agricoles sont de plus en plus remises en question par les environnementalistes de même que par les citoyens. Tout porte à croire qu'au cours des années à venir, l'environnement va rester au centre des préoccupations des citoyens. Nos entreprises doivent donc s'adapter à cette réalité, qui peut aussi être une source de nouveaux débouchés.
    En ce qui a trait au vieillissement de la population, il est clair que ce phénomène aura une incidence sur le secteur agroalimentaire, notamment sur la main-d'oeuvre, le transfert de fermes et la taille des entreprises. Par contre, ce phénomène est porteur de nouveaux débouchés pour le secteur. On constate en effet chez les consommateurs une préoccupation accrue pour l'innocuité des aliments, la consommation de produits dits de santé et la santé de façon générale, préoccupation à laquelle l'agroalimentaire peut répondre.
    Au sujet de l'innovation, il faut comprendre que notre société est de plus en plus urbaine. En effet, plus de 80 p. 100 de la population vit en milieu urbain. De grands penseurs du domaine économique nous disent qu'il faudrait investir dans les biotechnologies et l'aérospatiale ainsi que dans le secteur des finances, du logiciel et de la pharmacologie, soit des secteurs dont on dit qu'ils sont porteurs de richesse. Mais pour qui sont-ils porteurs de richesse? Pour les grands centres et les métropoles comme Montréal et Toronto. Que fait-on des régions et de l'agroalimentaire?
    Je vous mentionnais précédemment qu'il avait été démontré, statistiques à l'appui, que le secteur agroalimentaire pouvait être porteur de développement. Il faudra que nos experts et nos penseurs réfléchissent aux débouchés qu'offrent la multifonctionnalité du territoire rural et la bioéconomie dans le cadre de l'évolution des préoccupations de la société post-industrielle en termes de qualité de l'environnement et de santé.
    Le Québec et le Canada détiennent un avantage vert qui peut être une source d'occasions à saisir dans des secteurs variés comme les produits de spécialité, les technologies de traitement décentralisé et les agromatériaux comme les  bioplastiques et les biocarburants, notamment.
(0845)
    Appuyés adéquatement par des experts, les milieux ruraux sont capables d'être innovants et de produire de la valeur ajoutée en valorisant de façon durable les bioressources présentes sur le territoire. En innovant et en réinventant l'agriculture, il sera possible d'assurer l'avenir de nos régions rurales.
    Pour terminer, j'aimerais souligner que dans toutes les analyses qui ont été faites, et ce même dans le cadre de l'élaboration du premier Cadre stratégique agricole canadien, on a fait la démonstration qu'il y avait une lacune dans la chaîne d'innovation au niveau du transfert des technologies. On doit s'assurer que la recherche ou les résultats de la recherche se rendent aux entreprises. Alors, collectivement, la société québécoise et canadienne s'est dotée de centres de recherche, de centres d'expertise, mais qui malheureusement, à mon point de vue, fonctionnent plus ou moins en circuit fermé. Je pense qu'il est grandement temps de changer cette situation. Comment la changer? Il faut mobiliser les intervenants et créer des synergies avec les autres acteurs, comme les institutions de formation qui sont présentes sur le territoire.
    Les institutions de formation collégiales en agriculture et en agroalimentaire regroupent 80 p. 100 des étudiants qui se destinent à une carrière dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Ces gens sont le futur et ils sont en mesure de faire pénétrer les innovations et de relayer l'information aux entreprises. Ce sont des agents de changement crédibles. On a des institutions de formation sur l'ensemble du territoire, et ces institutions, plus spécifiquement au Québec, ne sont pas utilisées à leur plein potentiel. On pourrait penser à utiliser les institutions de formation comme partenaires de premier plan pour le transfert des technologies. Ces institutions travaillent déjà avec les futurs agriculteurs, elles les forment et elles forment aussi les futurs conseillers agricoles de même que, en formation continue, les agriculteurs et les conseillers. Donc, c'est un milieu très propice aux transferts des technologies, lacune qui a été identifiée antérieurement et qui, à ma connaissance, n'a pas été corrigée au moment où on se parle.
    La tentative que l'on a faite a été de mettre des agents de transfert des technologies dans les centres de recherche ou les universités. Je m'excuse, mais cela n'a pas fonctionné et cela ne fonctionne pas ainsi. Il faut être près des agents de changement et miser, tabler sur la jeunesse.
    Strictement à titre d'exemple, je vais vous mentionner que si on considère la situation au Québec, trois institutions de formation collégiale en agriculture et en agroalimentaire regroupent à elles seules 1 200 étudiants et touchent plus 5 600 personnes par année au chapitre de la formation continue. Ce sont effectivement des ressources qui sont là, qui sont disponibles et qui pourraient être mises à contribution. Alors, au lieu de travailler dans des silos fermés, pourquoi ne pas créer de la synergie au niveau des institutions et des organisations qui existent déjà? Selon moi, c'est ce qui manque. Si on veut que notre agriculture soit compétitive dans les années à venir, oui, il faut miser sur l'innovation, et la façon de faire pénétrer l'innovation, c'est en travaillant en réseau.
    La constitution de l'Agrobiopole est un regroupement de centres d'expertise, d'institutions de formation et d'agences de développement économique qui veulent travailler ensemble pour créer un environnement favorable à l'émergence et à la croissance d'entreprises innovantes dans le secteur agroalimentaire régional. Pour ce faire, il faudra aussi qu'il y ait des politiques qui viennent appuyer ce type de démarche.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lemieux, vous disposez de 10 minutes.
    Je peux attendre que les autres aient fini. Ces gens étaient pressés.
    Monsieur Martin.
    Bonjour à tous et merci de vous être déplacés jusqu'ici. Mon nom est Benoit Martin et je suis un producteur laitier installé à 30 minutes à l'est d'ici, près de La Pocatière. Jean-Philippe Deschênes-Gilbert, qui m'accompagne, est le secrétaire de la Fédération de la relève agricole du Québec.
    La Fédération de la relève agricole du Québec est un regroupement de jeunes âgés de 16 à 35 ans qui compte 1 500 membres au Québec. La mission principale de notre organisation est d'améliorer les conditions d'établissement et travailler à une meilleure préparation des jeunes qui s'établiront en agriculture. Nous sommes affiliés à la Canadian Young Farmers Forum et nous avons eu la chance de vous rencontrer au mois de février dernier, à Ottawa.
    Je vais tracer rapidement un état de la situation du transfert des fermes au Canada. Le Canada perd 10 000 fermes chaque année, 28 par jour. À ce rythme, dans 15 ans, il restera moins de 100 000 fermes. Les actifs ont énormément augmenté dans les entreprises. Au Canada, la ferme moyenne vaut un million de dollars. La rentabilité des entreprises est présentement déficiente, les revenus sont médiocres depuis déjà quelques années et, évidemment, l'endettement a beaucoup augmenté. Les gens ont essayé d'améliorer leurs profits en grossissant leur entreprise, mais ce faisant, ils se sont aussi endettés. Il y a présentement deux fois plus d'agriculteurs âgés de plus de 55 ans que de jeunes âgés de moins de 35 ans. Les jeunes vont vers d'autres secteurs. Beaucoup de jeunes Québécois vont travailler dans les sables bitumineux de l'Ouest. J'imagine que la situation est la même dans d'autres provinces. Si rien n'est fait dans les régions, il va rester tellement peu d'entreprises que les jeunes ne trouveront plus une place pour s'établir dans des entreprises agricoles et vont plutôt aller vers les grands centres.
    Le premier enjeu que nous avons identifié consiste à favoriser le transfert des fermes existantes vers une nouvelle génération. Il y a des besoins reliés à cela, entre autres au chapitre de l'accompagnement. Il y a des jeunes qui entrent, mais il y en a aussi qui partent. Il faut donc garantir une sécurité financière aux gens qui vont prendre leur retraite. Il doit y avoir une meilleure planification du développement des entreprises. Les relations humaines sont aussi un facteur très important dans le cadre des transferts de ferme; c'est un aspect qui doit être privilégié.
    Je vous donne un exemple précis de ce qui se passe présentement. Il y a un producteur dans mon village qui a deux enfants qui travaillent à Québec et qui ne sont pas intéressés à reprendre son entreprise. Il voudrait la transférer, mais il a de difficulté à le faire, pour des raisons financières. Le jeune à qui il voudrait transférer son entreprise n'étant pas de la ferme même, il a de la difficulté à la lui transférer parce que, entre autres, il manque d'accompagnement, de ressources, de sécurité financière pour prendre sa retraite. Le producteur, qui voulait transférer sa ferme, sera probablement obligé de la vendre. C'est un exemple précis de ce qui se passe dans mon village.
    Il y a un deuxième enjeu. Nous pensons, à la Fédération de la relève agricole du Québec, qu'on doit permettre l'entrée de nouveaux jeunes qui ne sont pas nécessairement issus du secteur agricole. On doit leur permettre d'accéder à la profession d'agriculteur. Il y a des besoins à cet égard. Le plus important serait d'avoir du capital pour pouvoir acheter une ferme, car il est présentement difficile d'avoir accès à du capital. Il faut aussi des services d'accompagnement. Il doit y avoir un accès aux connaissances techniques. Il faut également développer un service de mentorat, avoir recours aux producteurs qui prennent leur retraite pour accompagner les jeunes qui veulent démarrer une entreprise.
    Il y a un projet précis dans la région du Bas-Saint-Laurent, qui est la région voisine. Il s'agit d'un projet de parrainage, un genre d'incubateur d'entreprises. Cela fonctionnerait bien, mais il y a un problème : ce sont les jeunes qui sont intéressés à se diriger vers cet incubateur. Dans le fond, ce sont des fermes abandonnées qui pourraient être mises à la disposition des jeunes, auxquels on pourrait jumeler des parrains, des mentors qui pourraient les encadrer. Cela fonctionnerait, mais les jeunes qui veulent s'établir manquent vraiment de liquidités et n'ont pas assez accès à du capital pour acheter ces entreprises.
    Nous avons identifié des pistes de solution que nous voudrions vous soumettre. D'abord, je pense qu'il faudrait inscrire les jeunes agriculteurs au centre du volet renouveau. On a beaucoup parlé des services-conseils, mais il faut aussi inscrire les jeunes agriculteurs au centre de la politique agricole canadienne. Présentement, bien peu d'aspects du Cadre stratégique pour l'agriculture traitent des jeunes agriculteurs. Il faut, comme je le disais, s'ouvrir à une nouvelle génération de jeunes qui ne sont pas issus du secteur agricole.
(0850)
    Je pense que ce sont des jeunes qui pourraient être dynamiques et apporter une autre vision. Le document de travail d'Agriculture et Agroalimentaire Canada le mentionne dans ces mots :
Le fait de faciliter l'entrée de producteurs débutants aura d'importantes répercussions sur la concurrence et la durabilité à long terme de l'agriculture canadienne.
    Au fond, tous ces jeunes qui viennent d'ailleurs et qui ont vu autre chose pourraient donner une nouvelle énergie à l'agriculture. En France, on a vraiment mis l'accent là-dessus. Le président des Jeunes agriculteurs de France nous disait que ce sont les jeunes qui réussissent le mieux en agriculture parce qu'ils ont un bagage de l'extérieur. Ils ont vraiment misé là-dessus et ça fonctionne.
    Il existe plusieurs initiatives provinciales. Au Québec, il y a le regroupement de la Fédération de la relève agricole du Québec, mais il existe également des regroupements à l'Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse. Plusieurs autres provinces ont présentement une forme de regroupement. Au Québec, ça existe depuis plus longtemps, mais à l'échelle pancanadienne, on se rend compte qu'il y a vraiment de bons leaders dans toutes les provinces du Canada. Il faudrait donc miser beaucoup sur les regroupements de jeunes à la grandeur du Canada.
    Comme deuxième solution, je parlais tout à l'heure de l'accès à du capital pour les agriculteurs débutants. C'est beau de miser sur les compétences et les connaissances des jeunes producteurs, mais s'ils n'ont pas accès à du capital, ils ne pourront pas débuter en agriculture. Dans le document de travail d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, on mentionne que les nouvelles entreprises sont confrontées à des défis particuliers dans la mise sur pied de leurs opérations, particulièrement en ce qui touche le financement et l'investissement de capitaux.
    En agriculture, pour pouvoir emprunter un million de dollars, ce qui correspond à la valeur moyenne d'une ferme actuellement, il faut posséder environ 400 000 $ comptants. Je ne connais pas beaucoup de jeunes qui sont dans cette situation. Les seuls qui peuvent avoir cet argent sont ceux qui ont un oncle très riche ou un parent qui a vendu ses terres à bois, par exemple. Il est très rare qu'un jeune ait une telle somme d'argent. C'est donc pratiquement utopique de penser qu'un jeune va pouvoir emprunter un million de dollars. Or, c'est ce qu'il faut maintenant pour débuter en agriculture.
    Pour nous, il existe une solution à ce problème. Au Québec, on appelle cela du capital patient. Je ne sais trop comment cela se traduit dans les autres provinces, mais le capital patient consiste en du financement à des conditions avantageuses pour les jeunes, par exemple des congés d'intérêts pendant les premières années ou des remboursements très bas. Il n'y a pas tellement d'organisations qui offrent cela présentement au Canada. Il faudrait penser à mettre sur pied un fonds à cet effet.
    Un rôle d'accompagnement des jeunes agriculteurs débutants devrait être mis en place. On pensait à un fonds fédéral d'accompagnement. Il faudrait laisser les provinces gérer ce fonds en fonction des besoins des jeunes agriculteurs. L'accompagnement dont je parlais pourrait prendre la forme de banques de fermes. Il faudrait faire une banque de noms de gens qui veulent quitter le milieu et une autre de noms de gens qui sont intéressés à entrer dans le milieu, de façon à leur donner la possibilité de se parler entre eux. Présentement, on sait seulement, en feuilletant les pages de La Terre de chez nous, qu'il y a des fermes à vendre. Toutefois, on sait également qu'il y a des jeunes qui sont intéressés à entrer dans le secteur agricole. Il y a donc probablement une possibilité de faire du maillage entre ces gens.
    En terminant, si demain matin je devenais ministre de l'Agriculture du Québec, j'aimerais recevoir une enveloppe budgétaire pour pouvoir appuyer la relève. Avec cet argent, je réaliserais certaines choses dont j'ai parlé plus tôt : des banques de fermes; un service d'accompagnement, surtout pour les relations humaines, qui sont très importantes; un fonds de capital patient pour soutenir les jeunes; un réseau de mentorat et de parrainage; un appui aux organisations qui regroupent les jeunes agriculteurs, comme la Fédération de la relève agricole du Québec et le Canadian Young Farmers Forum; la création de guides techno-économiques et de fiches qui pourraient diriger les jeunes vers différents types d'établissements. Avec cela, je pense qu'on pourrait réellement, d'ici une quinzaine d'années, renverser la tendance à la baisse du nombre de fermes. Je crois qu'il s'agit d'un objectif réaliste.
(0855)
    Merci. Monsieur Vigneault.
(0900)
    Je suis Maurice Vigneault, producteur acéricole et forestier, président de la Fédération de l'UPA de Lotbinière-Mégantic. Cette région est située un peu à l'ouest d'où on se trouve actuellement.
    Je constate qu'il y a une crise du revenu qui perdure et qui s'accentue au Canada, à laquelle le Québec n'échappe pas. Il y a quelques indices qui nous alarment. Des revenus extérieurs viennent accompagner les revenus des producteurs agricoles, soit le revenu de la conjointe ou un travail à temps partiel. Actuellement, 40 p. 100 de nos membres sont des membres à temps partiel. Ce n'est pas qu'on n'aimerait pas qu'ils le soient à temps complet. Il faut prendre ce chiffre pour ce qu'il est : une indication que de plus en plus, les gens ont de la difficulté à ne vivre que de l'agriculture. Il y a une tendance de plus en plus forte vers les fermes à temps partiel, ce qui n'est pas incorrect en soi, mais c'est un indice inquiétant.
    La crise est sûrement due au contexte mondial et au développement des marchés en général, auquel le marché agricole n'échappe pas. Environ 10 p. 100 des produits agroalimentaires de la planète sont exportés, mais ce phénomène entraîne une baisse de l'ensemble des revenus agricoles partout sur la planète. Le Québec n'échappe pas à cette réalité. On est dans une situation où une petite partie de nos produits a une grande influence sur la majorité, ou sur la très grande partie, des produits agroalimentaires. Ce sont des constatations.
    Si on veut que le Canada ou que les producteurs canadiens se sortent de cette situation, il faut absolument améliorer notre façon de soutenir l'agriculture au Canada. Et quand je parle de soutien, je parle d'investir de l'argent. Mais cela ne s'arrête pas là, il faudra être capable de mieux accompagner nos producteurs face à ce nouveau défi à relever, si on veut maintenir une agriculture dynamique au Canada.
    Je ne reprendrai pas les propos de la Fédération de la relève agricole du Québec, je trouve que ses représentants les ont très bien présentés, mais je vais appuyer leur inquiétude concernant la relève. On a une population agricole vieillissante. Ce n'est pas parce qu'on vieillit plus vite que les autres, c'est que les jeunes ne se dirigent pas vers l'agriculture, et la moyenne d'âge des agriculteurs augmente rapidement. Il ne faut pas que cela nous fasse paniquer, mais il faut par contre que cela nous fasse voir les choses telles qu'elles sont. Il est de moins en moins intéressant pour les jeunes de se lancer en agriculture, et ce, pour toutes sortes de raisons, la plus grave étant la raison économique. Ce n'est pas parce que c'est un travail dur, car lorsqu'on est passionné, que le travail soit dur ou pas, on le fait. Les jeunes sont aussi passionnés qu'on l'est, mais ils n'ont pas les moyens de leur passion. Je ne reprendrai pas toutes les suggestions qu'ils vous ont faites; je les appuie toutes. Je veux vous assurer que nous, en tant qu'organisation syndicale, sommes aussi préoccupés que la Fédération de la relève agricole par le phénomène de la difficulté d'établissement.
    Pour relever tous ces défis, on aura besoin de programmes souples et complémentaires à ceux qui existent dans chacune de nos organisations provinciales, dans chacune des régions du Canada. On n'a pas besoin de situations où les penseurs d'une organisation gouvernementale iront à l'encontre des réflexions des autres organisations gouvernementales. On a besoin de paliers de gouvernement qui collaborent pour nous offrir des programmes complémentaires les uns aux autres, et non pas un palier de gouvernement qui impose sa vision à l'autre palier.
    Il faut que les producteurs soient engagés dans l'élaboration de ces programmes, par le biais de leurs organisations, pour que ces programmes soient bien adaptés à nos nouvelles réalités, qui changent constamment. L'agriculture évolue extrêmement vite, alors il faut s'adapter vite. C'est nous qui en prenons conscience en premier.
    Je vais accélérer parce que j'ai seulement 10 minutes. J'aborde les thèmes rapidement et je vous donne seulement les grandes lignes. Il y a des choses qu'on vous a dites maintes et maintes fois. On vous les confirme, on les répéter et on ajoute quelques éléments.
(0905)
    Parlons d'abord de traçabilité. Il est très important qu'on puisse établir de bons mécanismes de traçabilité, mais tout cela ne donnera rien au bout de compte si les consommateurs canadiens ne peuvent pas identifier correctement les produits qui viennent du Canada ou du Québec.
    Dernièrement, un de mes confrères m'a dit avoir trouvé des olives produites au Québec dans un supermarché. Par quel miracle de la nature s'est-on mis à produire des olives au Québec? Je ne le sais pas. Mais si on peut avoir un doute sur la provenance de ces olives, imaginez-vous ce qu'il en est dans le cas des fraises et des pommes. Le consommateur est complètement berné. Une fois la traçabilité faite, il faut absolument rendre cette identification possible et facile pour le commun des mortels. Tout le système de traçabilité ne donne rien si le consommateur ne peut pas, au bout du compte, conclure par exemple que des olives ne proviennent pas du Québec. 
    On a une société de plus en plus exigeante en ce qui a trait à ses produits. On est tout à fait disposés à offrir des produits de qualité. On le fait déjà, on se donne tous les mécanismes nécessaires. On est partenaires dans cette démarche, on a établi des programmes de traçabilité, notamment dans le secteur des bovins. On est en train d'en mettre en place pour les agneaux et les moutons, et on va continuer de cette manière. Tout cela est fait en vue de répondre à des exigences sociétales et, jusqu'à présent, il n'y a que les producteurs et l'État qui ont investi un peu, beaucoup, dans ces mécanismes, dans leur démarrage. Maintenant, les producteurs assument ces coûts seuls, à toutes fins pratiques, alors que l'objectif est de répondre à des exigences sociétales. Il est inacceptable qu'on assume ces coûts seuls alors que des producteurs d'autres régions de la planète nous vendent des produits qui ne répondent pas à ces mécanismes et auxquels il faut faire concurrence.
    En ce qui touche l'innovation et la recherche, il en faut, c'est intéressant. Il nous faut des mécanismes pour soutenir les producteurs qui en font. Je veux particulièrement attirer votre attention sur la recherche fondamentale. On a besoin de développer des connaissances dans des domaines où personne ne le fera parce qu'il n'y a pas de débouchés en termes de marché. Les compagnies investiront dans la recherche pour développer de nouveaux produits phytosanitaires, de service, mécaniques. Mais lorsqu'il s'agit de comprendre des phénomènes environnementaux, des phénomènes d'adaptation à des climats qui sont en train de changer, il s'agit de recherche fondamentale, et personne ne voudra y investir, sauf l'État. L'État doit donc absolument continuer à jouer son rôle en ce sens parce que c'est à partir de là qu'on pourra développer la recherche appliquée et intéresser les gens à y investir.
    Au chapitre des services-conseils, on a développé de bons mécanismes au Québec. On a une bonne expertise. Les choses progressent rapidement. On a besoin, entre autres, de soutenir nos conseillers pour leur permettre de demeurer à la fine pointe des connaissances. On ne peut pas demander aux producteurs de soutenir tout cela. On peut leur demander d'en soutenir une partie, mais il faudra des investissements de l'État pour que nos conseillers en agro-environnement, en gestion, en technicalité agricole soient à jour.
    En environnement, on a besoin d'un État compagnon qui aidera les gens à se motiver et à appuyer toute la démarche environnementale. Jusqu'à présent, chaque fois que l'on a accompagné les producteurs dans des projets-pilotes — on peut vous donner des exemples —, les gens se sont engagés volontairement, ils ont posé de grands gestes. Encore hier, j'ai assisté à une démarche dans un petit bassin versant, un projet dans lequel 100 p. 100 des producteurs sont engagés. Ils vont corriger, probablement d'ici deux ans, 100 p. 100 de leur bande riveraine et intervenir dans les cours d'eau, avec l'aide de l'État fédéral et de l'État provincial. Quand on le fait, ça fonctionne; il faut répéter ces expériences. Il faut accompagner les producteurs dans cette démarche.
    Je voudrais ajouter que l'amélioration environnementale est importante pour l'agroalimentaire et l'agriculture, mais c'est aussi très important pour la société en général. Ce n'est pas une mission agricole, c'est une mission sociale. Si on n'accompagne pas socialement les producteurs dans cette démarche, on ne pourra pas relever le défi à la hauteur des attentes avec nos seuls et propres moyens. Encore une fois, je ne parle pas seulement d'argent. Je parle d'argent, mais je parle aussi de compagnonnage de l'État dans les domaines de l'information, du transfert des connaissances, de la compréhension des phénomènes.
    Passons maintenant aux programmes de soutien.
(0910)
    On a besoin de programmes de soutien qui vont nous permettre d'être compétitifs face aux autres pays. Certains d'entre eux fournissent un soutien important à l'agriculture. Ils entrent dans nos marchés et ne respectent pas l'aspect moral des engagements qu'ils ont pris en matière de libéralisation du commerce. Ça n'a pas fonctionné, et rien ne nous indique que les choses vont changer pour le mieux. La concurrence nous met des bâtons dans les roues, et il faudrait que l'appui de l'État soit à la mesure de ces problèmes.
    Pour ce qui est de la nécessité de simplifier le programme, je dirai que présentement, aucun producteur agricole n'est capable de comprendre à fond le PCSRA. Le comptable peut dire que tout va bien, qu'il a fait le travail à la place du producteur et que celui-ci n'a qu'à signer le chèque en même temps que celui visant à payer ses honoraires; il reste qu'aucun producteur n'est capable de comprendre ce programme. Il est trop complexe. C'est pourquoi il faut le simplifier. Il tend à favoriser la séparation des entreprises. Certains produisent du porc et du boeuf, mais ont tendance à séparer ces productions parce que le programme est plus profitable de cette façon. Les entreprises diversifiées, c'est notre modèle d'agriculture au Québec, mais on est en train de mettre ça en péril avec le PCSRA. Il va falloir y apporter des modifications afin d'arrêter ce phénomène.
    Par ailleurs, il est inadmissible qu'un individu étant à la fois producteur agricole et électricien bénéficie pleinement de la sécurité du revenu pour la partie agricole et qu'un producteur agricole exploitant deux types de production soit touché par cette situation. Il y a un genre de discordance là-dedans. En fin de compte, on encourage les gens à faire à la fois de l'agriculture et autre chose. Bientôt, l'agriculture va devenir un abri fiscal ou une façon d'obtenir des subventions. Les gens vont être électriciens ou professeurs d'école en même temps qu'ils vont être agriculteurs. Je n'ai rien contre ces professions, mais ce n'est certainement pas ce qu'on recherche. Il faut corriger ce problème également.
    Pour ce qui est de la formation, je pense qu'il est grand temps qu'on développe de nouvelles méthodes pour faire en sorte que la formation agricole soit dispensée aux gens quand ils sont jeunes. La formation continue, c'est bien, et j'encourage cela, mais il faudrait assouplir notre façon de faire pour arriver à former les gens avant qu'ils entrent dans le marché du travail.
    Au Québec, il existe un bel exemple de réussite. Il faut aller voir l'école de formation à Mirabel. Les niveaux secondaire et collégial se trouvent dans le même édifice. Il n'y a pas de division entre les deux, ce qui assure une belle continuité. Je pense qu'il faudrait reproduire ce modèle en d'autres endroits parce que dans toutes les régions du Québec, le bassin de population du milieu rural est insuffisant pour faire vivre des écoles de formation professionnelle de niveaux secondaire et collégial. Il faut trouver une façon de dispenser de la formation plus appropriée et davantage à la portée des gens. Autrement, on assiste à un exode. Allez voir à Mirabel, c'est super intéressant. Je n'en dis pas plus.
     J'ai été un peu long et je m'en excuse.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Lemieux.
    Je voudrais vous saluer d'une façon plus particulière parce que vous êtes de ma région. Je demeure dans la municipalité voisine, Cap-Saint-Ignace. La ville de Montmagny est donc ma ville-centre. Je suis un producteur de sirop d'érable. Dans notre région, la place de l'acériculture est très importante. Dans ma région de Montmagny — L'Islet, qui représente 50 p. 100 de la circonscription de M. Crête, on produit plus de sirop d'érable que dans les provinces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick réunies. Vous voyez l'importance de l'acériculture pour la région.
    En tant que producteur de sirop d'érable et représentant des producteurs — je suis président de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec —, je dois vous dire que je suis très heureux de pouvoir m'adresser aujourd'hui aux représentants de tous les partis politiques. C'est la première fois que j'ai l'occasion de m'adresser à tous ces gens en même temps. Bien souvent, on rencontre un à un des gens des partis et on leur raconte un peu notre histoire. Mais c'est la première fois que je suis en mesure de la raconter à tout le monde en même temps, et j'en suis très heureux. Je vous remercie de l'attention que vous nous accordez.
    La Fédération des producteurs acéricoles du Québec représente 7 300 producteurs de sirop d'érable du Québec. Nous produisons 90 p. 100 du sirop d'érable canadien. Le chiffre d'affaires des producteurs acéricoles du Québec est d'environ 175 millions de dollars. Souventes fois, on entend parler du sirop d'érable comme d'une production de plaisir. On aime en parler et le consommer, mais on n'est jamais porté à y penser comme à une production agricole comportant des risques, comme toutes les autres productions agricoles. Je peux vous dire que les producteurs de sirop d'érable en sont maintenant rendus à un niveau industriel et que leurs entreprises sont comparables à celles des autres secteurs de production. Les producteurs aimeraient que dans les politiques agricoles canadiennes, on reconnaisse qu'il y a des risques, des risques sur le plan du revenu, sur le plan des conditions climatiques, sur le plan des désastres causés par des vents ou des intempéries. Comme producteurs, on aimerait que ces outils nous soient également accessibles.
    Je vais vous entretenir de dossiers plus particuliers. Dans les secteurs agricoles, on peut obtenir des revenus de deux façons. On peut aller les chercher sur le marché, avec des réglementations provinciales qui peuvent être accessibles à cause des réglementations fédérales qui existent. Dans le secteur de l'érable, on va chercher notre revenu sur le marché en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche du Québec. Cette loi résulte de réglementations et de lois qui existent au niveau fédéral et qui permettent aux offices de réglementer au niveau provincial. En ce qui nous concerne, c'est très important que cela soit préservé. Cela devrait même être renforcé.
    Dans un contexte de mondialisation, les producteurs sont laissés à eux-mêmes et il y a une concentration des capitaux. Oui, il y a une concentration des producteurs, mais la concentration des capitaux est beaucoup plus forte que la concentration des producteurs. Même si on pense qu'on est mieux armés ou mieux équipés pour vendre notre produit, je peux vous dire que quand on est laissés à nous-mêmes, sans réglementation qui nous permette de nous structurer et qui nous donne des outils collectifs, on est encore plus en difficulté qu'avant la mondialisation. Je vous demande de ne pas affaiblir la réglementation, mais de la renforcer pour donner aux producteurs et aux productrices les moyens de s'organiser et de se regrouper pour aller chercher les meilleurs prix possibles sur le marché.
    Je ne vous demande pas nécessairement de l'argent. Je vous demande des outils, des moyens pour nous permettre d'aller en chercher. Je trouverais inconcevable que les producteurs de sirop d'érable soient obligés d'avoir recours à des programmes comme celui de l'assurance-stabilisation ou autres. Notre produit est unique. Si on veut être capables de le mettre en marché, il faut avoir des outils pour s'organiser.
    Je voudrais aussi vous parler de la salubrité et de l'innocuité du produit. Dans le secteur de l'érable, au Québec, en tant que producteurs, on s'est donné des outils pour contrôler notre produit. Tout notre sirop d'érable est classé et inspecté avant d'être vendu à des transformateurs. On observe que certains transformateurs importent du sirop d'érable des États-Unis, entre autres du Maine et du Vermont. Aucun contrôle de qualité n'est exercé sur ces produits. Nous trouvons déplorable que ce sirop d'érable puisse entrer ici sans subir les contrôles de qualité que nous nous sommes donnés. Quand vient le temps de l'exporter, on aimerait que la réglementation fédérale voie à la traçabilité du produit et impose pour cela certaines exigences à tous les gens qui font de l'exportation.
(0915)
    Actuellement, dans la réglementation, on laisse cela ouvert. Les gens peuvent demander des certificats d'inspection à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais ils le font volontairement. S'ils ne veulent pas en demander, ils peuvent exporter le produit comme cela, sans l'avoir soumis aux contrôles de la qualité de l'ACIA. Dans les permis, on demande aux entreprises d'être responsables. Étant donné qu'on ne fait qu'une ou deux visite par année — et parfois aucune —, la souplesse à l'égard de l'exportation du sirop d'érable est un peu trop large à notre point de vue. Nous aimerions qu'il y ait un peu plus de rigueur dans le contrôle des entreprises qui exportent du sirop d'érable. Il faut mettre en oeuvre toutes les lois et tous les règlements qu'on s'est donnés, et que tous les producteurs et productrices les appuient. Il ne faut pas que seul un petit groupe appuie le système au détriment de tous les autres.
    J'aimerais maintenant vous parler du renouveau. Dans le dernier Cadre stratégique pour l'agriculture, nous avons été un peu gâtés. Nous avons bénéficié de certains programmes de recherche d'Agriculture Canada. Nous aimerions que cela se poursuive à l'avenir.
    En ce qui concerne la recherche, nous demandons que de l'argent neuf y soit affecté. Il faudrait même en affecter un peu plus. Par contre, on ne voudrait pas que cet argent soit puisé dans les mécanismes de sécurité du revenu. Il faut que ce soit un nouvel apport d'argent. Pour nous, l'avenir passe par la recherche et l'innovation. Nous ne voulons pas que cela se fasse au détriment d'autres secteurs comme celui de la sécurité du revenu.
    Pour ce qui est du développement des marchés, c'est la même chose. La Fédération des producteurs acéricoles est très satisfaite du dernier Cadre stratégique pour l'agriculture. Agriculture Canada a reconnu que nous étions l'organisme qui administre le programme SPCA. On peut aller chercher l'argent disponible à Agriculture Canada pour faire de la promotion générique des produits de l'érable à l'extérieur. Cela a été très avantageux pour nous au cours des dernières années. Nous aimerions que cela se poursuive.
    Je vais parler un peu plus précisément des programmes de sécurité du revenu. Les producteurs agricoles sont d'avis qu'il doit y avoir beaucoup de souplesse dans l'administration des programmes de sécurité de revenu. Dans le secteur du sirop d'érable, nous avons mis en place un mécanisme de gestion des inventaires. Au Québec, on gère une banque de sirop d'érable pour pallier les conditions climatiques. Cette banque de sirop d'érable a contenu jusqu'à 60 millions de livres, il y a deux ans. Aujourd'hui, elle en contient 37 millions. Le printemps prochain, au début de la récolte, elle en contiendra probablement de 20 à 22 millions.
    Par contre, on aimerait qu'à l'avenir, il s'ajoute un partenaire additionnel pour soutenir cette réserve. Actuellement, les seuls à soutenir cette réserve stratégique sont les producteurs et la Financière agricole, autrement dit le gouvernement du Québec. Quand on gère une réserve stratégique de sirop d'érable, cela équivaut aux mécanismes de sécurité du revenu pour les producteurs de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Ils peuvent produire du sirop d'érable. Ils habitent des régions où ils produisent bien souvent avant nous. Je pense notamment à la Nouvelle-Écosse et à l'Ontario. Ils peuvent donc transiger toute leur production avant nous. La production du Nouveau-Brunswick ressemble à celle du Québec sur le plan de la période de coulée. Par contre, ce n'est pas nécessairement une province qui a un grand volume d'exportation. Comme les producteurs n'ont pas organisé un office de mise en marché, ils vendent leur sirop d'érable à des transformateurs qui l'achètent avant d'en acheter au Québec. La banque de sirop d'érable du Québec est l'organisme qui gère le mécanisme de sécurité du revenu de l'ensemble des producteurs canadiens. Cela fait en sorte que le programme PCSRA n'interviendra presque plus à l'avenir dans le monde de l'érable.
    Si la gestion d'une bonne banque de sirop d'érable avec un prix stable donne de bons résultats pour l'ensemble des producteurs canadiens, pourquoi le gouvernement fédéral n'investirait-il pas avec nous pour appuyer cette réserve afin que les producteurs du Québec aient toujours intérêt à faire une gestion de l'inventaire qui soit la plus économique possible afin qu'il y ait de la stabilité dans le secteur de l'érable?
(0920)
    Ce dont nous aurons besoin pour compléter notre mécanisme de revenu, ce sera un processus pour gérer les conditions climatiques. Au fond, il suffirait de développer une forme d'assurance-récolte qui deviendrait accessible pour pallier aux conditions climatiques, versus les petites ou les grandes récoltes, en termes de production.
    L'autre élément dont nous aurions besoin dans le secteur de l'érable, c'est un programme catastrophe. Quand il arrive des tempêtes de vent et que les arbres sont arrachés, parfois tous nos équipements sont en place. Si on n'a plus de boisé pour produire, c'est une perte nette. Les producteurs n'ont plus de revenus pendant plusieurs années parce que notre arbre prend au moins 40 ans avant de pouvoir produire. Donc, on doit attendre 40 ans avant d'avoir un autre arbre qui donnera le même rendement. Les producteurs acéricoles auraient donc absolument besoin d'un programme catastrophe. D'ailleurs, à cause des grands vents qu'il y a eu cet été, certains producteurs du Québec ont perdu une bonne partie de leur érablière et sont encore en attente de programme. Ils n'ont pas eu d'aide.
    Au début de l'hiver, dans les premiers jours de décembre, il y a eu une tempête de verglas entre l'Ontario et le Québec. Les producteurs ont subi des bris assez importants dans leur érablière, je dirais même plus importants que lors du grand verglas de 1998. Ils sont encore en attente de programme, ils n'ont pas reçu d'aide. Nous pensons que ce sont des situations inacceptables. Dans le secteur de l'érable, nous ne pouvons plus vivre ainsi, compte tenu des investissements que nous avons faits.
    À titre d'exemple, pour une érablière de 10 000 entailles, on frôle environ 500 000 $ à 600 000 $ d'investissements pour l'achat du boisé et des équipements, afin d'être en production. Nous sommes rendus à des niveaux comparables à toutes les autres productions.
    J'ai fait le tour rapidement de tout ce que j'avais à vous demander à titre de représentant de la fédération. Comme je l'ai dit plus tôt, j'espère que le fait de parler aux députés des trois partis en même temps, à tous nos représentants au Canada, fera en sorte d'accélérer le dossier de l'acériculture, principalement en ce qui concerne le contrôle aux frontières et le besoin de programmes de sécurité du revenu tels que ceux qui ont été mis en place, et ce, pour répondre aux besoins des producteurs et productrices acéricoles du Canada.
    Je vous remercie.
(0925)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Steckle, c'est vous qui commencez; vous avez cinq minutes.
    Merci, messieurs, de votre présence ce matin; nous sommes heureux de passer la journée dans la province.
    Je signale au représentant de l’industrie acéricole que je suis aussi producteur agricole et que je viens d’une région où il y a du sirop d’érable, mais en plus petite quantité.
    Au cours de notre traversée du pays, on a soulevé assez régulièrement le problème lié à toute la question de la surréglementation au Canada et de la sous-réglementation des produits importés au Canada.
    Je veux que vous sachiez que nous avons pris bonne note de ce que vous avez dit ce matin au sujet des produits que nous importons et au fait qu'ils sont soumis à moins de contrôles que ceux produits ici. C’est quelque chose que nous devons examiner très sérieusement dans l’intérêt des jeunes agriculteurs. Nous devons envisager l’élaboration d’une stratégie pour l’avenir afin d'assurer la relève dans le secteur agricole.
    Pour ceux d’entre nous qui vivent dans d’autres provinces — et je vis en Ontario —, le Québec est probablement le premier à offrir un programme d’ASRA. C'est à vous, monsieur Martin, que je vais adresser ma question sur l'ASRA étant donné que vous êtes un jeune producteur. Si des programmes permanents similaires à ce programme existaient, seriez-vous assez motivé pour vouloir continuer?
    J'au une autre question à vous poser parce que vous avez parlé de mentorat. J’ai entendu parler d'un projet de programme qui permettrait à de jeunes producteurs de devenir propriétaires d'une exploitation agricole, ou encore à un père de céder à son fils son exploitation d’un million de dollars sans problème d’impôt. Le fils prendrait la relève et son père détiendrait le prêt hypothécaire et le rembourserait sur une période de 20 ans à raison de 50 000 $ par année — et les chiffres que je donne sont à titre d’exemple.
    Si nous pouvions avoir des lois fiscales qui offraient cette possibilité, est-ce que ce type de programme pourrait être intéressant pour les jeunes parce que le père pourrait continuer de jouer son rôle de mentor? Ce pourrait être n’importe qui d’autre, mais nous parlons ici du père ou d'un ami. Je me demande si un programme de ce genre serait utile et, s’il s’agit d’une mesure fiscale, alors peut-être que notre comité doit examiner la façon de proposer au gouvernement de modifier les lois fiscales en conséquence. Qu’en pensez-vous ?

[Français]

    Vous avez parlé de l'ASRA qui, sauf erreur, existe seulement au Québec. Cela donne aux producteurs agricoles du Québec une certaine sécurité et une certaine crédibilité face aux créanciers. Quand on arrive à la banque et qu'on a une production protégée par l'ASRA, on court beaucoup moins de risques, par exemple dans le cas d'intempéries, que d'autres producteurs au Canada. C'est un avantage marqué pour nous.
    Vous avez aussi parlé de mentorat. Les transferts qui se font de père en fils sont souvent agréables. Dans mon cas, par exemple, le transfert se fait graduellement. J'acquiers donc beaucoup de connaissances de mon père au sujet du troupeau, des champs, et c'est très intéressant. Cependant, quand il s'agit d'un transfert à une personne qui n'est pas apparentée au propriétaire de l'entreprise, cela peut se faire plus brusquement. L'agriculteur débutant a souvent moins accès à des services de mentorat de la part de celui qui vend.
    Vous avez soulevé la piste de la fiscalité pour faire en sorte d'étaler le transfert. Au Québec, on pense que la piste des mesures fiscales est une mesure qui serait à prioriser parce que présentement, au Canada et au Québec, si un producteur veut prendre sa retraite, peu importe que l'entreprise soit démantelée, vendue à un voisin ou à un jeune qui entre dans l'entreprise, le taux d'imposition est le même. Celui qui transfère son entreprise à un jeune va la transférer à un prix deux ou trois fois moins élevé que celui qui la vend, mais il est imposé de la même façon. On pense donc que quelque chose doit être fait sur ce plan afin d'assouplir la fiscalité pour ceux qui feront l'effort de transférer leur entreprise. On pense que c'est inconcevable que la personne qui démantèle ou qui transfert son entreprise soit sur un même pied d'égalité sur le plan de la fiscalité. Il y a quelque chose à faire à ce sujet, ce qui permettrait l'entrée de jeunes qui ne sont pas nécessairement issus du monde agricole ou qui sont, par exemple, le neveu d'un producteur. Il pourrait aussi s'agir d'un fils de producteur, mais qui n'a pas eu la chance de reprendre l'entreprise parce qu'il y avait d'autres enfants dans l'entreprise. Cela se produit souvent. Ce jeune pourrait prendre la relève d'une autre entreprise. En favorisant ces jeunes par le moyen de la fiscalité, on pourrait vraiment les aider à reprendre des entreprises existantes qui fonctionnent bien. Reprendre une entreprise existante est plus facile que de repartir une entreprise qui a été arrêtée pendant quatre ou cinq ans. Reprendre une entreprise où le troupeau est déjà performant et où l'équipement fonctionne bien, c'est une chose qui se fait relativement bien. Donc, on pense que la fiscalité serait un moyen à privilégier.
(0930)

[Traduction]

    Merci Paul. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Crête, vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Merci au comité d'avoir choisi de venir à Montmagny et merci aux gens de la grande région d'avoir si bien répondu.
    Je pense que vous faites des portraits intéressants de la situation. On est dans une région où l'agriculture a toujours été très importante. On s'est donné des outils dans le passé et on en a encore aujourd'hui.
    Imaginez un jeune qui sort de l'ITA de La Pocatière, qui est l'école d'agriculture du coin, et qui travaillera durant 20 ans dans le domaine l'agriculture, soit jusqu'à la quarantaine. Vous avez parlé de plusieurs mesures tout à l'heure. J'aimerais que chacun de vous me donne une mesure qui lui apparaît comme un changement significatif qu'il faudrait apporter, par exemple privilégier la transformation. On a d'excellents producteurs; peut-être doit-on devenir des producteurs et, de plus en plus, aller au marché en même temps. J'aimerais que chacun de vous me dise quelle est la mesure principale qu'il aimerait que le gouvernement fédéral mette sur la table, dans la vision de ce qu'il fait comme travail actuellement, afin qu'on ait des conditions qui contribuent à faire en sorte que l'agriculture dans la région soit encore saine dans 20 ans.
    Je pense qu'il faut absolument, dans un premier temps, maintenir la possibilité pour les producteurs de s'organiser et de faire une mise en marché commune de leurs produits. Je pense que cela a été un gage de succès dans le passé et que cela va le demeurer dans l'avenir si on veut faire des affaires à titre de producteurs. On ne peut pas demander à des producteurs d'être à la fois des travailleurs, des exploitants agricoles, des gens qui sont en affaires et qui vont s'occuper de vendre et de transformer leurs produits au complet. Je pense qu'il existe des chaînes de valeur en ce qui concerne la production et la transformation, et chacun à le droit de travailler à ce niveau. En ce qui concerne la production, le besoin d'outils pour organiser la mise en marché commune dans un contexte de mondialisation est encore plus important.
    Le deuxième élément essentiel est le contrôle des produits qui entrent chez nous. Il faut qu'ils soient de qualité égale. On exige de nous de respecter des conditions de production particulières. Si on n'a pas les mêmes exigences envers les autres pays et qu'on permet l'entrée de leurs produits agricoles, comment va-t-on faire pour être compétitifs?
    Je pense que ce sont les deux éléments essentiels dont on aura besoin.
    Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?
    Je n'aime pas beaucoup donner une seule réponse, mais si vous exigez de moi que je le fasse —
(0935)
    Contrôlez votre réponse.
    Je vous dirais que s'il faut absolument donner une seule réponse, je choisirais la mesure la plus urgente. Le Québec a un excellent programme de stabilisation du revenu, l'ASRA, dont on a parlé tout à l'heure. Il faut bien comprendre que c'est un programme de stabilisation du revenu. Alors, sa mission, son rôle est d'intervenir dans le cas de fluctuations du marché à la hausse et à la baisse autour d'un coût de production.
    Présentement, on est en concurrence avec des programmes de soutien du revenu ailleurs dans le monde. Donc, pour complémenter un programme de stabilisation du revenu, il faudrait d'abord avoir un programme qui s'ajoute à ce dernier, qui n'interfère pas avec celui-ci, qui est un programme de soutien du revenu, parce que c'est à cela qu'on fait concurrence. Ou bien on se donne des règles pour contrôler l'importation de produits qui ont été subventionnés honteusement ailleurs, ou bien on décide de se donner des mesures de soutien du revenu comme il y en a ailleurs. C'est l'un ou l'autre, mais c'est la question la plus urgente.
    Cependant, avec ce programme seulement, l'agriculture ne s'en tire pas. Il faut beaucoup d'autres mesures qui, encore une fois, ne sont pas nécessairement des montants d'argent, mais plutôt des façons de faire et la possibilité pour les producteurs de se doter de moyens pour aller chercher un maximum de revenus sur le marché, comme M. Lemieux le mentionnait. Ce programme à lui seul —
    Complétez.
    Ce programme à lui seul ne suffira pas.
    Il vous reste une minute, je pense.
    Monsieur Bernier.
    J'aurais tendance à répondre que dans le contexte de la mondialisation, les produits qui entrent ici, comme on l'a mentionné, ne sont pas soumis aux mêmes règles que ceux du marché national. Selon moi, ce n'est pas une tendance qui va être inversée, mais plutôt une tendance qui va s'accélérer. Il faudra donc miser davantage sur la transformation de nos produits et sur des produits spécialisés, afin d'être dans des chaînes de valeur spécifiques qui nous garantiront l'accès à des marchés où il y a une valeur ajoutée.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Devolin, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci d’être ici aujourd’hui.
    Concernant la question de la salubrité des aliments et des aliments importés, à la télé, hier soir et aujourd’hui, alors que je regardais CNN, il y avait des nouvelles sur les préoccupations des États-Unis à propos de la salubrité des aliments. Bien sûr, la grande ironie, c’est que c’est un problème de nourriture pour animaux de compagnie qui a exposé le problème au grand jour.
    Je veux parler de l’accès au capital pour les jeunes producteurs agricoles et du problème de la relève dans le secteur agricole.
    Dans ma circonscription, qui se trouve à environ une heure de route au nord de Toronto, les fermes à vendre peuvent être convoitées autant par d'autres producteurs que par des gens — je dis toujours des avocats de Toronto — qui recherchent une propriété pour des fins récréatives, ce qui a entraîné la hausse des prix.
    On peut se demander comment un jeune pourrait se permettre d’acheter une ferme qui vaut, par exemple, un million de dollars dans cette région mais, s'il ne l’achète pas, qui d’autre va le faire? Est-ce un autre producteur qui va l'acheter à ce prix? Je vois que vous hochez la tête. Il doit donc y avoir un modèle d’affaires — si un producteur trouve que cela vaut le coup de payer un million de dollars pour acheter une autre ferme parce qu’il peut la rentabiliser.
    La disponibilité du capital est-elle un problème pour les jeunes producteurs? Comme vous le disiez, si on vous demande une mise de fonds de 30 ou 40 p. 100, vous devez payer 300 000 $ ou 400 000 $, et vous empruntez le reste à la banque. Dans le marché résidentiel, la valeur d'emprunt a atteint des proportions élevées il y a 15 ans, et les prêts pouvaient correspondre à plus de 75 p. 100 de la valeur de la propriété. Est-ce une partie de la solution que de trouver une façon d’aider les jeunes à trouver du financement? Est-ce là le défi?

[Français]

    Monsieur Martin.
    Quand on achète la ferme d'un étranger, il faut souvent investir 100 p. 100 de sa valeur marchande. Dans le domaine de la production laitière, par exemple, les jeunes qui arrivent dans le milieu réussissent souvent mieux que les personnes qui y sont depuis plusieurs années. Les jeunes sont d'excellents producteurs. Dans tous les types de production, ils sont dynamiques et arrivent à rendre leur production rentable. Par contre, ils ne sont pas capables de rembourser 100 p. 100 de la valeur de la ferme.
    Un fonds pourrait être créé pour que la mise de fonds, qui se situe autour de 30 ou 40 p. 100, ne soit pas exigible pendant les 10 premières années de la vie de l'entreprise, par exemple. Le jeune pourrait vraiment prendre son envol et, au bout de la dixième année, commencer à rembourser cette mise de fonds. C'est une idée qui nous semble intéressante. Cependant, ça ne règle pas le problème de la spéculation qui se pratique autour des grandes villes. Ça existe aussi au Québec.
    Quoi qu'il en soit, il est certain qu'en permettant aux jeunes d'être sur un pied d'égalité avec les producteurs qui les entourent, on leur permettrait d'investir et de se consacrer à leur production.
(0940)

[Traduction]

    En effet, et je comprends que les problèmes constatés en périphérie des grandes villes existent partout dans le monde. Ils ne sont pas uniques à l’Ontario ou au Québec.
    Pour revenir à ma question, sur le marché de l'habitation, la Société canadienne d’hypothèques et de logement existe. Elle offre de l’assurance afin que les gens soient capables d’obtenir un prêt hypothécaire pour 90 ou 95 p. 100 de la valeur de la propriété. C'est donc ce qui a facilité l'accès à la propriété aux gens qui étaient en mesure de s'acheter une maison, mais qui ne pouvaient pas réunir un montant initial de 50 000 $, par exemple. Ils avaient simplement une plus grosse hypothèque à amortir sur une plus longue période.
    Plus particulièrement, s’il y avait un programme qui permettait aux jeunes producteurs d’obtenir un prêt hypothécaire représentant un pourcentage plus élevé de la valeur d'emprunt — c’est vraiment ce dont je parle — cette mesure les aiderait-elle? Il faudrait toujours rembourser le prêt et il y aurait peut-être une aide plus importante pour faire face aux taux d’intérêt élevés les premières années. C’est faisable. Je ne sais pas combien cela coûterait, mais c’est certainement faisable. Est-ce le genre de chose que vous recherchez?
    Monsieur Martin.

[Français]

    On pense que ce serait vraiment une bonne solution, dans la mesure où on pourrait l'étaler sur une plus longue période et à des taux d'intérêt plus bas. C'est un système qui a déjà existé au Québec. Bien sûr, il faut tenir compte du niveau d'endettement de l'entreprise et ne pas faire en sorte qu'en facilitant le crédit, on augmente le prix de vente de la propriété d'une personne qui veut se retirer de l'agriculture. Je pense toutefois que cette idée est intéressante.

[Traduction]

    Merci Barry.
    Monsieur Lemieux.

[Français]

    On a parlé des fermes qui sont en production. Benoit a abordé la question plus tôt. Lorsque ces fermes sont vendues, il devrait exister une forme d'obligation voulant qu'elles restent en production. Je ne parle pas nécessairement de règlements, mais plutôt d'un encadrement fiscal faisant en sorte que l'entreprise, une fois vendue, reste en production. Dans ces conditions, des avantages fiscaux assez importants devraient être offerts.
    En ce qui concerne le transfert des fermes, je pense que l'avenir de l'agriculture doit passer par des mesures fiscales avantageuses, de façon à ce que les entreprises restent en production. Dans les cas où l'entreprise serait vendue à des fins de spéculation et que l'acheteur n'en ferait qu'un passe-temps, le vendeur ne profiterait pas d'avantages fiscaux. Le financement assorti de mesures patientes pourrait constituer une forme d'aide qui inciterait les jeunes à rester dans le domaine de l'agriculture ou à mettre sur pied des entreprises agricoles.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Atamanenko, c’est votre tour.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous ce matin. J'aimerais entendre votre point de vue sur l'agriculture au Canada, mais tout d'abord, je voudrais demander à M. Lemieux de préciser un point.
    Vous avez dit, au sujet du sirop d'érable venant des États-Unis, qu'il faisait l'objet d'un contrôle de la qualité insuffisant. Par ailleurs, y a-t-il des quotas? Peut-on faire circuler le sirop librement entre les deux pays?
    Oui, il peut circuler librement entre les deux pays. Au Québec, les producteurs sont soumis à un système de quotas, de façon à limiter jusqu'à un certain point le volume de production. Je parlais plus tôt de l'importance du contrôle de la qualité ou de la salubrité dans le cas des produits qui passent les frontières. Dans le domaine de la production, il n'y a qu'un tout petit noyau de gens qui connaissent le sirop d'érable pur et naturel.
    Nous avons un marché mondial, mais ailleurs dans le monde, il est impossible de comparer ce produit à un autre produit agricole. C'est au Québec qu'on peut le faire. Le consommateur européen ou asiatique, par exemple, n'a aucun point de référence. Si pour ma part, je consomme du boeuf, du lait ou un autre produit agricole, je peux le comparer à ce qui se trouve dans mon pays sur le plan de la production. Par contre, en ce qui concerne le sirop d'érable, le consommateur n'a pas de point de comparaison lui permettant de déterminer si le produit est de qualité ou non. Il doit absolument se fier à ce que lui envoie le transformateur.
    En outre, notre produit n'est même pas inscrit au Codex Alimentarius. Le consommateur n'a aucun point de référence, de là l'importance d'appliquer des règlements relatifs au contrôle de la qualité. C'est d'une très grande importance pour notre secteur.
(0945)
    Je comprends, mais si je suis un transformateur, ai-je le droit d'importer n'importe quelle quantité de sirop et, si c'est le cas, quel effet cela aura-t-il sur le prix que vous obtiendrez ici comme producteurs ayant des quotas?
    Actuellement, tout le monde peut importer du sirop d'érable à sa guise, selon les volumes disponibles. En ce qui concerne l'impact sur nos prix, normalement, si le secteur de la production du côté des États-Unis se développait pleinement, cela pourrait avoir pour effet de faire baisser nos prix. L'avantage, au Québec et dans les provinces canadiennes, est que nous sommes les plus avantagés sur le plan des différents facteurs de production.
    En volume.
    Pas seulement en volume. Les conditions climatiques au Canada nous permettent d'avoir un meilleur rendement qu'ailleurs, et c'est grâce aux périodes de gel et de dégel. C'est au Québec, principalement dans la région de Chaudière-Appalaches, qu'on retrouve le plus grand nombre de jours de gel et de dégel, ce qui signifie qu'on a ici la possibilité d'avoir de meilleurs rendements. Plus on va vers le sud, plus cela diminue. On remarque que la différence entre la plus petite et la plus grosse année est plus grande au Québec qu'aux États-Unis.
    Une de nos inquiétudes quant à l'environnement et au réchauffement de la planète concerne ce facteur. Notre crainte est de voir une augmentation de la variabilité en ce qui a trait à la petite et à la grande récolte.
    Merci.
    Pour ce qui est de la vision pour l'agriculture, il y a quelques jours, à l'Île-du-Prince-Édouard, on nous a donné la possibilité de discuter de deux visions. Suit-on le volet de la mondialisation ou se concentre-t-on plutôt sur la sécurité alimentaire? Vous avez soulevé la question de la collectivité. Quelle doit être notre vision à nous, au Canada? Faut-il assurer la sécurité alimentaire d'abord et ensuite encourager les producteurs de la région, ou faut-il trouver une solution au marché mondial?
    Vous savez, il y a une menace au niveau mondial. Par exemple, la Commission canadienne du blé est actuellement menacée et il s'agit d'un organisme collectif. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet, si on a encore du temps.
    Lorsqu'on parle de mondialisation du commerce, on entend bien des mots. On parle notamment de l'organisation du marché mondial. Il n'y a pas d'organisation du marché mondial, mais bien une désorganisation du marché mondial. Expliquez-moi comment il se fait qu'on prenne du poulet aux États-Unis, qu'on le vende en Afrique pour moins cher que les producteurs africains sont capables de le produire, qu'on détruise leur production et qu'on mette ces gens à la merci du marché international?
    Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, 10 p. 100 des produits sur le marché mondial sont exportés. On est en train d'établir la règle de 90 p. 100 de la consommation locale partout sur la planète. S'il y avait véritablement une organisation du marché mondial, on demanderait au Burkina Faso s'il est capable de produire du poulet, on le laisserait faire sa production et s'il lui en manquait 10 p. 100, on ferait intervenir des pays capables d'en produire. On le laisserait produire ce qu'il est capable de produire chez lui.
    On appuie le concept de la souveraineté alimentaire. On n'a pas l'intention de détruire l'agriculture locale ailleurs sur la planète, celle de nos confrères qui travaillent aussi fort que nous et qui méritent autant que nous de gagner leur pain. La mondialisation des marchés n'a jamais rapporté quoi que soit aux producteurs de la planète. Elle a beaucoup bénéficié aux grandes entreprises qui font du commerce international. Ce sont elles qui en bénéficient. Si c'est ce qu'on veut, laissons agir les lois naturelles du marché ou la loi de la jungle : le gros mange le petit.
    Si on veut une société canadienne et planétaire qui repose sur la protection des ressources et que les gens des communautés soient impliqués dans le développement de leur environnement économique et social, on se donnera des règles d'organisation du commerce qui reposent sur la souveraineté alimentaire d'abord. Jamais on n'en démordra. C'est le choix d'une société, pas seulement québécoise ni même canadienne, mais planétaire. Si on veut que la population du monde soit capable de vivre dignement de l'agriculture, il faudra bien utiliser le terme « organisation du commerce », notamment sur le plan de l'agriculture.
    Je n'ai pas l'intention de faire la concurrence aux gens des autres pays s'ils sont capables de faire leur propre production. Je suis producteur de sirop d'érable, et cela me fait plaisir de livrer du sirop d'érable au Japon pour donner à ces gens le plaisir de consommer un produit bien de chez nous. Cependant, cela me dérange quand je dois obliger à réduire ses prix quelqu'un qui a du mal à tirer son épingle du jeu chez lui, pour permettre à quelqu'un d'autre de faire de l'argent à notre détriment à nous deux. On veut la souveraineté alimentaire pour cette raison. Excusez-moi, mais cela venait du coeur.
(0950)

[Traduction]

    Merci, monsieur Atamanenko.
    Monsieur Easter, c’est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai bien aimé vos derniers commentaires, monsieur Vigneault, parce que c’est là le problème. Les seuls qui profitent de la situation présentement sont les multinationales. Les règles que nous discutons à l’OMC sont des règles pour les pays, pas les commerçants eux-mêmes.
    J’ai quelques questions.
    Je dois dire, monsieur Martin, que tout ce que vous avez dit m'a plu, autant vos propos sur les banques de fermes, le capital patient que le mentorat. Je pense que ce sont toutes de bonnes idées et que le comité doit les étudier.
    Monsieur Lemieux, je crois que vous fonctionnez selon un système de vente à comptoir unique. Est-ce exact?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Actuellement, c'est le principe qui nous préoccupe. Il y a deux principes en cause concernant l'intervention du gouvernement fédéral auprès de la Commission du blé, ce qui, je crois, devrait vous intéresser. Cela se rapporte au cadre stratégique pour l’agriculture dont nous discutons : est-ce que la commercialisation ordonnée sera permise et est-ce un outil de gestion des risques de l'entreprise? Le gouvernement semble vraiment faire primer le choix personnel sur le choix collectif. C’est ce qu'a fait la stratégie du gouvernement dans le cas de la Commission canadienne du blé. Je me demande si vous pourriez commenter cela. Ainsi, les producteurs, qui avaient toujours choisi collectivement de passer par la Commission canadienne du blé pour commercialiser leurs produits, vont maintenant pouvoir faire un choix personnel. Celui qui veut vendre son produit sans faire appel au système détruit vraiment tout le système. C’est une préoccupation pour nous et j’aimerais avoir votre avis là-dessus.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Vigneault de l’UPA. Monsieur Vigneault, j’aimerais simplement avoir des précisions sur l'effort de diversification des exploitations agricoles et le fait que des programmes viennent compromettre ces efforts. Parlez-vous du PCSRA qui s'adresse à l’ensemble de l’exploitation agricole ou parlez-vous d’autres programmes?
    Ce sont mes deux questions.
    Monsieur Vigneault

[Français]

    C'est moi qui ai gagné au tirage au sort.
    Vu qu'on a le temps, je vais commencer par poser une question au sujet d'une citation que vous avez faite, monsieur Easter. Vous avez dit que les règles du commerce international sont imposées. 
    Qui les impose? Je croyais que nos États devaient définir entre eux les règles du commerce internationale. Je me demande si c'est eux qui imposent ces règles. À mon avis, les producteurs agricoles de la planète voudraient avoir un concept de souveraineté alimentaire, et beaucoup de personnes dans la société y seraient plutôt favorables. Ce serait préférable aux règles du commerce internationale telles qu'on les connaît présentement.
    Si ce n'est pas l'État qui en a décidé ainsi, c'est l'argent, mais l'État devrait être au-dessus de l'argent. C'est peut-être utopique, mais j'ose espérer qu'on a établi des règles gouvernementales mettant les valeurs humaines au-dessus de la valeur de l'argent. Les États devraient décider de mettre en place un concept faisant en sorte que l'argent soit un outil, et non une fin. C'est philosophique, mais j'ose encore espérer cela. J'ai confiance en l'avenir.
    On n'est pas contre un concept selon lequel un individu devrait être soutenu dans une entreprise, mais on prend conscience que le PCSRA — et on a actuellement des exemples — a tendance à amener les entreprises à se diviser.
    Par exemple, un producteur de boeuf, un producteur de céréales, un producteur de porc ou un producteur de sirop d'érable divisera son entreprise si elle est assez grande. Si c'est une petite entreprise, il n'a pas les moyens de le faire, aussi il est désavantagé à cause d'un programme qui répond mieux quand les entreprises sont divisées. Lorsque l'entreprise est assez grande, on la divise. Par exemple, on fait une partie porcine, une partie bovine. Ainsi, on a la possibilité d'accéder au PCSRA.
    On est dans une agriculture qui a toujours reposé sur la diversification. Or, ce programme nous cause une inquiétude. Le concept selon lequel on soutient l'individu est correct. Le concept selon lequel on soutient la globalité de l'entreprise est aussi correct. En réalité, l'expérience nous démontre que de plus en plus de producteurs vont diviser leur entreprise. Certains ont déjà commencé à le faire.
    Je me pose beaucoup de questions sur le portrait agricole québécois du futur. Cela ne veut pas dire qu'il faille tout jeter. Au contraire, il faut prendre acte de ce qui se passe et tenter d'améliorer les choses de sorte qu'on retire les bienfaits d'une agriculture, qu'on soutienne les humains en production et non des unités de production : des cochons, des vaches et des boeufs — ce n'est pas eux qui doivent avoir la subvention, c'est nous —, sans que cela entraîne une division de l'entreprise. Car cela modifiera notre portrait agricole, mais je doute que cela l'améliore au bout du compte.
    Notre agriculture repose sur la diversité. Ici, dans Chaudière-Appalaches, il y a presque toutes les productions, presque tous les climats, et notre agriculture repose grandement sur cette diversité. À mon avis, il y a un risque qu'il faut évaluer et il faut s'assurer de la possibilité de modifier ce programme, de sorte qu'il repose sur l'humain sans favoriser la division de l'entreprise. Cela s'adresse directement au PCSRA, sur le plan de l'analyse.
(0955)

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Miller.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui ainsi que de vos commentaires.
    Il y a quelque chose que je dois dire. En général, notre comité fonctionne vraiment sans aucune partisanerie; nous laissons les considérations partisanes de côté. Je regrette d’avoir à utiliser mon temps de parole, qui est limité, pour rectifier quelque chose que M. Easter a dit.
    Je veux que vous sachiez tous très bien que les producteurs de l'Ouest eux-mêmes avaient des opinions très partagées à propos de la Commission du blé. Ils veulent que des changements y soient apportés et ils l’ont fait savoir.
    Monsieur Lemieux, je comprends par votre signe de tête que les producteurs acéricoles ne demandent rien d'autre que ce qu’ils ont. Cela serait-il exact? Ils veulent continuer de vendre en groupe comme ils le font. Est-ce juste, oui ou non?

[Français]

    Au Québec, oui, c'est ce qu'on veut —

[Traduction]

    Monsieur, mon temps est compté. Pouvez-vous me répondre par oui ou non?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Oui. Bon.
    Et c’est la même chose pour le système de la gestion de l’offre. C'est intégré. Tout le monde veut —
(1000)
    Non.
    Je veux seulement établir ceci. Cela n’arrivera jamais dans ces secteurs d’activité à moins que les producteurs eux-mêmes le veuillent.
    Je suis producteur de bœuf, mais j’ai aussi été soumis au régime de la gestion de l’offre. J’ai eu des vaches laitières. Je sais ce qui se passe et ce que les gens pensent. Les offices de commercialisation relèvent des provinces. Ils sont de compétence provinciale et je peux vous dire que le gouvernement fédéral ne s’en mêlera pas. Je tenais à le préciser.
    Au sujet de certains points et il y avait —
    Ce n’est pas juste de forcer les témoins à répondre par oui ou non. Le fait est que, selon votre proposition, si un producteur veut choisir, le gouvernement devrait le lui permettre.
    C'est M. Miller qui a la parole.
    Larry, veuillez continuer.
    C’est dommage que nous ayons dû prendre le temps de rectifier une question soulevée par M. Easter.
    Monsieur Martin, vos propos sur l’aide aux jeunes producteurs m'ont vraiment intéressé. C’est un problème partout au pays. Le problème, ce sont les capitaux disponibles.
    Je comprends l’idée de taux d’intérêt plus bas pour donner du répit, mais il y a quelque chose que je veux clarifier. Est-ce que le prix moyen d’une ferme — que vous avez évalué à environ un million de dollars — est le même dans tous les secteurs? Disons qu'il s'agit d'une ferme laitière — et je sais qu’il y en a beaucoup au Québec —, sa valeur tient-elle compte du prix des quotas laitiers? Par exemple, celui qui veut se lancer dans la production porcine, bovine ou autre et qui n'a pas besoin de quota, paiera-t-il le même prix? Les quotas ont-il une incidence sur le prix moyen? Est-ce que le prix d'achat d'une ferme dépend pour beaucoup des quotas?

[Français]

    Vous pouvez y aller.
    C'est sûr qu'on peut attribuer une certaine partie du tort aux quotas. Cela a fait monter le prix des fermes au cours des dernières années, c'est vrai. Par contre, la gestion de l'offre est un système qui permet aux producteurs de mettre du lait en marché et d'avoir une sécurité du revenu. C'est un système qui vaut quelque chose pour les producteurs, mais aussi pour le gouvernement et la population canadienne. Le fait que les citoyens n'ont pas à payer d'impôt pour soutenir ce système a une certaine valeur, je pense. C'est sûr que les producteurs ont investi là-dedans et que le prix a monté, ce qui a aussi fait monter le prix des entreprises. Au Québec, on a pris la décision dernièrement de mettre un plafond au prix des quotas pour empêcher qu'il y ait spéculation. D'ici trois ans, je pense, le prix va baisser à 25 000 $, ce qui est juste et très raisonnable. Je ne crois pas que ce soit vraiment le système qui a fait monter le prix des terres et des quotas. Je crois que c'est plutôt attribuable au fait qu'il y a peu de revenus dans les entreprises. Chez nous, on avait peu de revenus, donc on a essayé de grossir les entreprises, on a essayé d'acheter le voisin. Ce fut ainsi un peu partout parce que nos revenus de l'agriculture ne nous permettaient plus de vivre décemment. Les revenus nets des entreprises étaient très peu élevés.

[Traduction]

    Je ne voulais absolument pas dire que le prix des quotas est une mauvaise chose. Je suis en faveur de la gestion de l’offre, qui fonctionne bien toute seule.
    Pour poursuivre, vous avez parlé de la formation pratique. C'est quelque chose que j'ai connu. J’ai travaillé sur la ferme avec mon père au début, pendant quelques années. C'est utile. On peut partager l’équipement et faire un certain nombre de choses. Selon vous, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour aider les jeunes producteurs en plus de financer des écoles d’agriculture, par exemple?

[Français]

    Jean-Philippe, qui m'accompagne, siège à une table sur la formation. Il est vraiment le spécialiste de notre fédération en la matière. Je pourrais lui demander de répondre à cette question.
    Au chapitre la formation, on se rend compte que lorsqu'on parle du transfert de ferme, les relations humaines sont une des principales raisons qui expliquent qu'un transfert peut fonctionner ou échouer. On pense donc qu'il devrait y avoir un investissement dans la formation en relations humaines. Vous l'avez vu, vous avez certainement eu de bonnes discussions avec votre père au moment du transfert de la ferme. Vous n'aviez pas nécessairement la même vision de l'entreprise. On pense qu'il devrait y avoir un investissement dans la formation en relations humaines à l'intérieur des équipes qui font un transfert de ferme.

[Traduction]

    Monsieur Hubbard.
(1005)
    Merci, monsieur le président.
    C'est vraiment agréable d’être au Québec, ce matin.
     M. Fréchette, qui est assis à côté du président, vient bien sûr d'une famille qui connaît bien l’agriculture au Québec. À notre retour à Ottawa, son travail va nous aider à rédiger un rapport sur tout ce que nous aurons entendu durant nos délibérations et sur les propositions que nous pourrions faire. Je sais que, même s’il se contente de prendre paisiblement des notes ce matin, il est crucial pour vous et pour nous de faire consigner au compte rendu ce qui est si important pour l’agriculture au Canada, et spécialement ici, dans la province de Québec.
    Il y a certains mots clés à retenir. Nous avons parlé d’« innovation », de « recherche » et de « relève ». Toutes ces questions sont très importantes. Mais Maurice, vous parlez de l’OMC, ce qui fait penser essentiellement au pouvoir politique. C’est l’un des problèmes majeurs dans notre pays et probablement dans le monde entier : est-ce que les producteurs et les groupes agricoles ont suffisamment d’influence politique?
    Quand on participe à des rencontres de l’OMC, on peut peut-être rencontrer des représentants de l’Union européenne? Les producteurs de la France influencent beaucoup la façon dont l’UE voit l’agriculture. Je pourrais donc poser cette question aux témoins ici présents : vous sentez-vous, en tant que producteurs —?
    Nous avons entendu ce matin que 45 p. 100 des producteurs du Québec ont besoin d'un revenu d'appoint pour subvenir aux besoins de leur famille. C’est un fait plutôt alarmant, monsieur le président, et cela va en s’empirant. Il y a 50 ans, des gens de ma propre province sont allés s'établir en Nouvelle-Angleterre pour exploiter une ferme; peu après, leur travail agricole est devenu une activité de fin de semaine parce que le revenu qu'ils en tiraient n'était pas suffisant pour subvenir aux besoins de leur exploitation et à ceux de leur famille.
    Alors permettez-moi de poser cette question. Avez-vous suffisamment d’influence politique ? La province où la relation entre le gouvernement et le secteur agricole est probablement la plus étroite est le Québec, qui est suivi peut-être par l’Alberta. Pourriez-vous dire au comité que vous exercez suffisamment d’influence sur vos politiciens et vos dirigeants politiques pour obtenir ce dont vous avez besoin afin d'avoir une économie agricole florissante?
    Je sais que Maurice attend justement cette question.

[Français]

    Monsieur Vigneault.
    C'est une question d'appréciation. Je crois qu'on a passablement d'influence politique en agriculture. Je ne veux pas être prétentieux. Ce concept de souveraineté alimentaire, dont on parlait tout à l'heure, en est un où chacun des produits ou chacune des régions du monde devrait d'abord être capable de s'autosuffire et où il y aurait un marché excédentaire et un marché de région déficitaire dans une production donnée. Ce concept est relativement facile à vendre dans le monde agricole sur le plan mondial. L'organisation de la mise en marché est aussi relativement facile à vendre. Il n'est pas obligé que ce soit une copie conforme de ce qui se fait au Québec, mais une forme d'organisation du marché, la disposition des produits vers le consommateur local est en train de se développer dans toutes sortes de pays. L'UPADI est allée faire des chantiers, des projets en Amérique latine et en Afrique et a eu de belles réussites dans l'organisation de la mise en marché locale.
    Alors, je pense que notre organisation, malgré que nous soyons peu de producteurs agricoles par rapport au nombre total de producteurs agricoles dans le monde, a quand même une assez bonne influence politique à l'extérieur de nos frontières. Si telle était la question, la réponse est oui.

[Traduction]

    Deuxièmement, nous avons entendu dire que le PCSRA est un bon programme, mais qu'il est probablement trop compliqué et qu'il ne répond peut-être pas aux différents besoins des producteurs agricoles du Québec. Est-ce exact?

[Français]

    Les principes de base du programme sont valables. Ils reposent sur le revenu global de l'entreprise. Des améliorations ont déjà été apportées au programme, entre autres les 15 p. 100 investis dans une ferme. On a fait l'annonce l'hiver ou le printemps dernier. Il reste toutefois des améliorations à apporter. Le temps de réponse de ce programme est trop long. En effet, il se passe beaucoup trop de temps entre le moment où le producteur est aux prises avec un problème et celui où il reçoit de l'aide pour le régler.
    Il y a des aménagements à faire de façon à ce qu'il soit plus compatible avec nos programmes provinciaux. En outre, il est trop compliqué. La documentation est vraiment très complexe. On parle donc de rendre ce programme plus accessible aux producteurs, de l'assouplir pour qu'il concorde avec nos programmes provinciaux et d'en rendre le temps de réponse plus rapide. Ce n'est pas un mauvais fonds. Par contre, il faut y apporter un bon nombre d'améliorations.
(1010)
    Merci beaucoup.
    Il faudrait qu'il soit fondé sur les coûts de production des producteurs plutôt que sur des [Note de la rédaction: inaudible]. C'est là que se situe le problème principal.
    Monsieur Bellavance.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être présents parmi nous ce matin. C'est une journée assez intéressante, en ce sens que ça nous permet de rencontrer les producteurs dans leur milieu et d'entendre leurs préoccupations face au nouveau Cadre stratégique agricole et à la gestion du risque, une préoccupation que vivent bien des producteurs agricoles.
    Monsieur Lemieux, j'aimerais commencer par vous parce que j'ai eu l'impression plus tôt qu'on vous obligeait à répondre oui ou non. Vous aviez peut-être l'intention de développer un peu plus votre réponse concernant la gestion de l'offre et la mise en marché collective. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre opinion de la façon dont vous auriez aimé le faire.
    Je pense qu'il est essentiel de préserver la gestion de l'offre. On parle ici d'outils qui procurent une sécurité de revenu aux producteurs et qui ne coûtent rien au gouvernement. Je vais vous donner un exemple. Dans le domaine du sirop d'érable, il n'y avait pas d'outils de mise en marché collective au début des années 1990. Les producteurs étaient en faillite parce qu'il n'y avait plus d'acheteurs de sirop d'érable. Le gouvernement fédéral a dû investir 23 millions de dollars dans ce secteur. En 2000, on a vécu une crise semblable. Même si le système de paiements anticipés existait, Agriculture et Agroalimentaire Canada a été obligé d'investir quelques millions de dollars pour venir en aide aux producteurs qui n'étaient pas capables de rembourser leurs paiements anticipés. La Financière agricole du Québec a investi de son côté 22 millions de dollars et a consenti des marges de crédit aux producteurs. Il a fallu cinq ans pour fermer ce dossier.
    Aujourd'hui, nous avons une mise en marché collective et un système qui fonctionne bien. La question est de savoir si le droit individuel prime sur le droit collectif. On pourrait aussi demander à notre gouvernement si, à son avis, le droit individuel prime sur le droit collectif de gouverner et de réglementer. Je dois dire qu'en tant que citoyen, je ne suis pas toujours d'accord sur les règlements qui sont mis en vigueur, mais je suis obligé de composer avec eux, étant donné qu'ils ont été adoptés par le gouvernement. Il en va de même dans le cas de tous les ordres de gouvernement qui appliquent des règlements, même ma municipalité.
    J'espère qu'on va pouvoir continuer à vivre dans une société canadienne où le droit collectif, qui permet de réglementer, est un peu plus fort que le droit individuel. Autrement, je me demande bien à quoi tout ça va nous mener.
    Merci beaucoup. Je suis heureux que vous ayez pu exprimer correctement ce que vous vouliez dire. C'est très intéressant.
    Monsieur Vigneault, vous avez mis le doigt sur un point très sensible. Je pousse là-dessus depuis le début des consultations. C'est-à-dire que je n'ai pas vraiment besoin de pousser, mais je reviens souvent sur cette même question.
    Vous avez exprimé en une ou deux phrases exactement [Note de la rédaction: difficultés techniques], c'est-à-dire quand vous avez parlé des programmes souples, des programmes complémentaires. Vous avez dit qu'un palier qui impose sa vision aux autres n'était pas nécessaire. C'est de cette préoccupation qu'on a entendu parler dans plusieurs provinces, mais pas partout. Il existe encore cette fâcheuse tendance, au sein même du comité et des officines gouvernementales parfois : on émet le souhait de centraliser parce qu'on pense que c'est la meilleure solution.
    Je veux rappeler à tout le monde que, pour ce qui est du premier volet du Cadre stratégique agricole, c'est exactement ce qui s'est passé. On a procédé à bon nombre de consultations, et finalement, le ministre de l'époque, M. Vanclief, a dit que tel était le Cadre stratégique agricole.
    Au Québec, nous nous sommes rendu compte que, bien qu'on ait dit une foule de choses lors de consultations, ces choses ne se sont pas retrouvées dans le Cadre stratégique agricole, qui a été imposé. Cette mentalité du Ottawa knows best existe encore. Je ne crois pas que ce soit de la mauvaise foi de la part des décideurs politiques ou même des fonctionnaires, etc. On pense sincèrement que c'est probablement la bonne solution. On sait ce qui est bien pour les gens et on va l'appliquer. Cependant, si l'on procède à des consultations comme on le fait aujourd'hui, comme le gouvernement l'a fait également, c'est parce qu'on veut connaître l'opinion des gens.
     Ce que vous dites se répète souvent. Aussi, j'aimerais que vous donniez des exemples, au regard du Cadre stratégique agricole, qui font en sorte qu'on a les mains liées, que cela nous a été imposé et qui montrent que la souplesse dans les programmes et la décentralisation seraient les meilleures solutions.
(1015)
    Monsieur Vigneault.
    Si nous avions nous-mêmes [Note de la rédaction: difficultés techniques] le Cadre stratégique agricole, cela aurait été extrêmement simple : notre organisation aurait suggéré au gouvernement fédéral d'envoyer l'argent au Québec, afin que nous le gérions. Cela peut paraître simpliste, mais ça aurait tout simplement ressemblé à cela.
    Je ne veux pas faire de politique, de partisanerie ou quoi que ce soit. Ce n'est pas mon rôle. Je veux que les gens comprennent qu'on est gérés par différents paliers de gouvernement à différents niveaux : fédéral, provincial, régional, MRC, municipal. Il y a cinq paliers de gouvernement au-dessus de nous, en plus d'une foule d'organisations collectives qui essaient de trouver des solutions sur le terrain.
     C'est agréable, mais en général, pour que ce modèle de gouvernance de notre société soit fonctionnel et efficient — ce qui n'est pas incorrect; c'est correct —, une collaboration entre ces différents paliers est absolument nécessaire. Ainsi, cela nous permettrait non seulement d'avoir une vision générale canadienne intéressante, mais de l'adapter à chacune des particularités régionales ou sous-régionales en fonction des enjeux et des réalités.
    S'il n'existe pas de collaboration entre chacun des paliers de gouvernement, cela devient lourd, cela coûte une fortune et cela apporte peu de résultats. Il peut être question du PCSRA, mais aussi d'une foule de domaines dans notre vie de tous les jours où les paliers gouvernementaux posent problème. Il y a de ces domaines où la cohésion entre les gestes des uns et des autres se fait difficilement, où l'un empêche l'autre de toucher à sa chasse gardée, alors que l'autre veut imposer telle chose parce que...  On perd notre temps, ce n'est pas efficient. Alors, de grâce...
    J'ai élu des gens à tous ces paliers et je prie tous les matins pour qu'ils s'entendent sur quelque chose. Cette prière vient tout de suite après : protégez-moi de mes amis; mes ennemis, je m'en charge!
    Des députés: Ah, ah!
    M. Maurice Vigneault: Les paliers de gouvernement doivent se parler et trouver des solutions efficientes sur le terrain.
    Je ne veux pas faire de politique. Je transmets un message à tous les partis, à tous les paliers. Il n'y a pas de préfet ici. S'il y en avait un, je le lui dirais aussi.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci André. Votre temps est écoulé.
    Avant de suspendre la séance, je voulais obtenir une clarification, parce que M. Vigneault vient juste de dire qu'il y a trop de règlements et de paliers de gouvernement. Nous avons eu de nombreuses discussions depuis une semaine et demie sur la nécessité d'avoir une politique de l’agriculture plus centralisée au Canada; or, M. Lemieux a parlé d'une réglementation accrue. Il n’est pas opposé à ce qu'il y ait plus de règlements. Alors comment concilier ce dernier commentaire si, d'un côté, un secteur d’activité veut une plus grande réglementation et, de l'autre, les producteurs disent en général être étouffés par l'administration.

[Français]

    Monsieur Lemieux.
    Je n'ai pas entendu M. Vigneault dire qu'il y avait trop de règlements. Je l'ai entendu dire qu'il y avait plusieurs paliers de réglementation. Il demandait que les gens puissent se parler et échanger afin d'en arriver à un résultat satisfaisant pour les producteurs et les productrices. Je ne l'ai pas entendu dire qu'il y avait trop de règlements.
    En ce qui nous concerne, à titre de citoyens — je vous l'ai dit plus tôt —, on pourrait dire la même chose des gouvernements qui nous gouvernent: il y a trop de règlements. Il faut aller au-delà et voir à la promotion d'une agriculture régionale vivante au Canada.
     Le gouvernement devrait alors se demander ce qu'il peut faire qui soit le plus économique possible afin de maintenir ces gens en place, tout en leur permettant de bénéficier de conditions de vie semblables à celles de la société, à celles des gens à côté desquels ils vivent tous les jours. Il devrait se demander ce qu'il peut apporter au producteur agricole pour qu'il soit un citoyen à part entière dans sa collectivité au même titre que le professeur, le journalier ou celui qui travaille dans n'importe quel métier. Il devrait se demander ce qu'il peut lui apporter, compte tenu des risques qu'il doit prendre. Pensons aux conditions climatiques, à l'inconnu du marché, à la mondialisation. Le gouvernement devrait se demander ce qu'il peut lui apporter qui soit le plus économique possible. Telle est la question.
     Dans un tel contexte, une forme de réglementation est nécessaire pour nous permettre, en tant que producteurs et productrices, de faire face à tout ce qui arrive de l'extérieur.
(1020)

[Traduction]

    J’ai une question à poser à nos jeunes producteurs.
    Je suis un producteur du Manitoba, un éleveur-naisseur. Jusqu’à il y a deux ans, je pouvais encore participer au programme de prêts aux jeunes producteurs agricoles du Manitoba, grâce auquel j’ai bénéficié d’un allègement de mes taux d'intérêts à chaque année. Cela m’a indéniablement aidé, mais je pense déjà à la prochaine génération — étant donné que j’ai des enfants et que je sais que ma fille aînée s'intéresse à l’agriculture — et j’envisage des politiques facilitant la cession des exploitations agricoles.
    Barry a eu une bonne idée en proposant qu'il nous fallait peut-être offrir un programme comme celui de la SCHL pour les acheteurs d’une première maison. Une mesure semblable pourrait être nécessaire dans le secteur agricole. L’organisme Financement agricole Canada existe déjà. On devrait peut-être lui demander de créer un fonds en fiducie pour aider les jeunes producteurs agricoles à se lancer en affaires.
    A-t-on envisagé des mesures du genre au Québec? De quels programmes provinciaux précis pouvez-vous vous prévaloir?

[Français]

    Au Québec, La Financière agricole gère ce qu'on appelle le Programme d'appui financier à la relève agricole. Ces subventions d'établissement sont versées selon le niveau de formation que les jeunes ont obtenu. Cela incite les jeunes à obtenir une formation. Par exemple, les subventions aux détenteurs d'un diplôme d'études collégiales sont de 40 000 $, et on peut y ajouter une certaine forme de protection du taux d'intérêt pendant les premières années; c'est encore en fonction du niveau de formation. On pense que ces initiatives pourraient être mises en place dans les autres provinces pour soutenir la relève.
    On a également pensé à une autre chose: la création d'un fonds de retraite propre aux producteurs agricoles. En tant que jeune producteur, je pourrais déjà commencer à investir dans un fonds, de sorte que lorsque le transfert se produira, je ne serai pas obligé de me fier à la valeur de mon entreprise pour prendre ma retraite. Je pourrai dès lors obtenir une certaine partie de mon fonds et ainsi demander une somme moins importante à ma relève lorsqu'elle s'établira. Cela pourrait être quelque chose d'intéressant.
    Merci.

[Traduction]

    Il est intéressant de noter que le transfert des biens agricoles entre générations est un problème systémique à travers le monde. L’Europe a tenté de s’y attaquer. Je sais que la Suisse a établi qu’une ferme est une unité de production et qu’elle doit demeurer dans la famille ou être transférée comme telle, ce qui essentiellement empêche l'expansion des exploitations agricoles. En fait, il y a beaucoup de producteurs suisses qui viennent s'établir au Canada, et il y en a d'ailleurs un bon nombre dans ma circonscription au Manitoba, parce qu’ils n’avaient pas l’occasion d'accroître leurs activités et d'augmenter leurs revenus. Ils avaient l’impression qu’il y avait plus de possibilités ici au Canada qu’en Suisse. Nous devons toujours pensé que les politiques que nous établissons comportent des inconvénients. Le PCSRA en est un bon exemple. En fait, il n’a pas été utile pour tous.
    De toute façon, je vous remercie de toutes vos interventions, et d'avoir pris le temps, malgré votre horaire chargé, de venir nous rencontrer pour nous aider à préparer notre rapport que nous allons déposer à la Chambre des communes plus tard ce printemps.
    Là-dessus, nous allons suspendre la séance. Je recommanderais à ceux d'entre vous qui doivent libérer leur chambre de le faire tout de suite. Nous reprendre nos travaux à 10 h 30.

(1035)
    Nous allons reprendre nos travaux.
    Je veux souhaiter la bienvenue aux trois représentants de l'Union des producteurs agricoles de la Côte-du-Sud, Louis Desjardins, Hervé Dancause et Charles Proulx, ainsi qu'à Hélène Méthot, qui travaille au Centre d'expertise en production ovine du Québec.
    Je demande à tous les témoins de ne pas dépasser 10 minutes pour leur déclaration d'ouverture.
(1040)

[Français]

    Monsieur Desjardins, président de l'Union des producteurs agricoles de la Côte-du-Sud, vous disposez de 10 minutes, s'il vous plaît.
    La Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud vous remercie de l'occasion qui lui est offerte pour vous transmettre ses préoccupations et les attentes des productrices et producteurs agricoles de notre région. Cela nous démontre votre intérêt à procéder au renouveau du Cadre stratégique agricole.
    Dans ce document, nous nous permettrons de vous présenter d'abord la fédération régionale. Ensuite, nous indiquerons nos préoccupations et nos recommandations pour soutenir un modèle d'entreprise agricole familiale au Québec. Les thèmes abordés porteront sur la valorisation de la profession et la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.
    La Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud est un organisme sans but lucratif qui a pour objectif la défense des intérêts des productrices et des producteurs agricoles établis sur son territoire. La fédération régionale regroupe, en date du 22 mars 2007, 1 389 entreprises agricoles familiales et exploitées par 1 945 productrices et producteurs agricoles. À l'intérieur de la structure de la fédération, les productrices et producteurs sont regroupés sous sept syndicats de base et quatorze syndicats spécialisés et de services : acéricoles, agneaux et moutons, agricultrices, bovins, bois, cultures commerciales, horticoles, lait, pommes de terre, porcs, relève, volailles, groupes conseil agricole de la Côte-du-Sud.
    La Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud offre différents services à ses productrices et producteurs : centre d'emploi agricole, prévention agricole, services-conseils en aménagement du territoire, environnement et faune, concertation et développement régional, formation, animation, information et soutien aux syndicats affiliés, promotion et valorisation de la profession, etc.
    Depuis 1998, elle offre aussi des services d'un professionnel en agroenvironnement qui a pour rôle de sensibiliser les productrices et les producteurs à l'importance d'adopter des pratiques agricoles durables pour favoriser la pérennité des ressources eau-air-sol du territoire. Elle appuie aussi les regroupements de productrices et producteurs dans des projets ayant pour but de résoudre une problématique propre à leur production.
    La Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud chevauche deux régions administratives, soit celle de Chaudière-Appalaches et celle du Bas-Saint-Laurent. Le territoire englobe, d'ouest en est, les MRC de Kamouraska, de Montmagny, L'Islet, Kamouraska, et en partie celle de Rivière-du-Loup ainsi que celle du territoire de Témiscouata. Couvrant les municipalités de Berthier-sur-Mer à l'ouest, jusqu'à l'extrémité est de Rivière-du-Loup, et bordée par le fleuve Saint-Laurent au nord et par la frontière américaine au sud, notre fédération régionale est située entre le fleuve et les frontières américaines, et les entreprises agricoles ont à composer avec des conditions bien différentes. Les productrices et producteurs agricoles exercent leur profession dans de multiples productions agricoles. Leurs entreprises sont caractérisées par les diversifications et surtout par la gestion, qui est essentiellement familiale.
    Le développement agricole des dernières décennies a été caractérisé par la spécialisation et la concentration de la production agricole. Ces tendances économiques ont pour objectif d'offrir à la population canadienne des produits agricoles d'excellente qualité en quantité et à des prix concurrentiels sur les marchés mondiaux.
    Cette évolution rapide de l'agriculture a provoqué un isolement grandissant des producteurs et productrices agricoles. En parallèle, nous avons une population qui s'urbanise et qui a perdu graduellement cette connaissance des réalités agricoles.
     Il est évident que le développement agricole des dernières années a provoqué des effets secondaires qu'il faut corriger, et nous y travaillons. Cependant, nous sommes convaincus que l'avenir de l'agriculture, qui demeure le secteur à la base de l'économie canadienne, passe par le rétablissement du dialogue permanent entre les productrices et producteurs agricoles et la population.
    La population canadienne a besoin d'être rassurée sur la qualité des aliments que nous produisons et qui correspondent aux plus hauts standards de qualité de la planète. Elle doit mieux connaître les techniques de production que nous utilisons et qui ont été développées et adaptées le plus souvent par des chercheurs canadiens.
    Nous devons surtout faire comprendre que l'agriculture canadienne, et en particulier l'agriculture québécoise, est faite encore aujourd'hui presque essentiellement par des femmes et des hommes qui habitent le milieu rural et qui vivent de l'exploitation de leur propre ferme.
    Comme dans les différents secteurs, les entreprises agricoles ont bénéficié du développement technologique. Elles subissent les pressions de la fusion des grandes entreprises, que ce soit au niveau des chaînes alimentaires, des vendeurs d'intrants, des banques ou des bureaux de poste.
(1045)
    Nous croyons qu'il appartient aux productrices et producteurs de rétablir ce dialogue. Cependant, les moyens doivent être adaptés aux particularités d'une population majoritairement urbanisée. Nos contacts à la ferme avec nos concitoyens et concitoyennes ne sont plus suffisants. Nous avons aujourd'hui développé de nouveaux moyens pour les rencontrer dans leur milieu de vie.
    Par conséquent, nous demandons au gouvernement canadien de s'impliquer comme partenaire dans la réalisation d'événements et de projets qui ont pour but la promotion des productrices et producteurs agricoles et de leur savoir-faire. Ces activités peuvent être réalisées aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. Nous lui demandons également de soutenir les fédérations spécialisées canadiennes et québécoises dans leur campagne de promotion des produits agricoles.
    En ce qui concerne la pénurie de main-d'oeuvre, le monde agricole peut compter sur une relève solide et motivée. Par contre, cette relève est insuffisante en nombre pour combler tous les postes disponibles. Pourtant, l'agriculture offre un milieu de vie dynamique, varié et composé de gens passionnés. Même si le métier d'ouvrier est aux yeux des producteurs agricoles une profession intéressante et motivante, il n'en demeure pas moins que la majorité des jeunes restent indifférents face à ce secteur. Les préjugés et les idées préconçues qu'entretient généralement la population face à l'agriculture, l'ignorance qu'ont les jeunes de l'évolution qu'a connu le métier d'ouvrier agricole depuis une quinzaine d'années sont des aspects réduisant l'attrait de la profession pour les jeunes.
    Pourtant, les conditions de travail présentement offertes dans les entreprises agricoles sont souvent comparables à celles des autres secteurs de l'activité économique. Quelques moyens d'action sont présentement en branle pour changer cette perception et attirer du même coup certains jeunes vers un choix plus éclairé en termes de carrière. Cependant, cela n'est pas suffisant, à cause du manque de ressources financières.
    En somme, il est primordial et important de poursuivre nos efforts et nos démarches de valorisation du secteur agricole auprès de la clientèle ciblée, afin d'assurer un avenir plus prometteur pour les agriculteurs en termes de disponibilité de la main-d'oeuvre.
    C'est pourquoi nous demandons au gouvernement fédéral d'appuyer financièrement, avec le gouvernement provincial, les centres d'emplois agricoles, les CEA, dans l'élaboration d'activités de promotion et de valorisation du secteur, afin d'améliorer la perception qu'ont les gens de l'agriculture, de planifier et d'organiser une campagne pancanadienne de valorisation et de promotion du secteur agricole et de ses métiers.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dancause.
    Je vous parlerai de mes préoccupations et je vous ferai part de nos recommandations.
    Voici des faits concernant le programme d'effarouchement de la grande oie des neiges. Au cours des 40 dernières années, la population de la grande oie des neiges a connu une croissance exponentielle. Les scientifiques, tant Canadiens qu'Américains, ont conclu que la surabondance de l'espèce avait des répercussions sur la communauté végétale des aires de rassemblement et de reproduction, au point de menacer leur établissement. À cela s'ajoute le phénomène marqué de la déprédation des cultures, tenant compte que lors de la migration saisonnière, les oies ont adopté les terres agricoles qui leur fournissent des ressources alimentaires énergétiques et prisées.
    Devant l'ampleur de la problématique, un bilan scientifique a été préparé en 2002 et une stratégie de gestion de la grande oie des neiges fut entérinée conjointement par les gouvernements signataires de la Convention concernant les oiseaux migrateurs, le Canada et les États-Unis. Pour sa part, le gouvernement fédéral, de qui relève la responsabilité des oiseaux migrateurs, a adopté une série de mesures afin de répondre aux objectifs de cette stratégie de gestion.
    Ainsi, pour protéger les écosystèmes nordiques, les dispositions mises en oeuvre par Environnement Canada sont la libéralisation des quotas et des techniques de chasse incluant, depuis 1999 au Québec, une chasse de récolte printanière de la grande oie des neiges en territoire agricole. Reconnaissant que la chasse seule ne suffirait pas à en contrôler la population, le rapport du groupe d'experts canado-américains proposait au gouvernement d'explorer simultanément d'autres formules. Le contrôle actif des mouvements des oies dans les milieux agricoles, à l'aide du dérangement planifié, l'effarouchement, a été retenu comme méthode additionnelle.
    En outre, l'effarouchement constitue l'unique intervention préventive autorisée avec la chasse printanière, ce qui rend nécessaire le maintien de cette activité. Pour la Côte-du-Sud tout particulièrement, l'effarouchement est aussi l'unique mesure permise dans les zones d'interdiction de chasse de Berthier-sur-Mer, Montmagny et Cap-Saint-Ignace.
    Les productrices et producteurs agricoles ont pu constater l'efficacité des méthodes d'effarouchement comme mesures complémentaires aux activités synergiques. Elles répondent également à un des objectifs arrêtés par Environnement Canada dans son projet de modification du règlement sur les oiseaux migrateurs, soit la réduction des dommages aux récoltes. Compte tenu de la récurrence des dommages, l'assurance-récolte ne peut indemniser les producteurs et productrices agricoles, de sorte qu'un programme spécial, appelé Plan sauvagine, fut mis en place en 1992 afin de les dédommager pour les pertes subies après le passage des oies.
    Les producteurs agricoles subissent également des pressions de facteurs externes tels que les attentes sociétales en matière de protection de l'environnement et le maintien de la biodiversité, par exemple. Nous croyons cependant que la contribution au maintien de cette biodiversité ne peut se faire qu'aux dépens des producteurs agricoles. En effet, dans la mesure où l'abondance des oies peut générer des activités économiques importantes, soit pour la chasse et les activités d'observation, par exemple, il est normal de s'attendre à ce que les individus qui en subissent les dommages puissent bénéficier de programmes d'aide publics, d'une part pour financer des mesures de prévention qui ont fait leurs preuves, telles les activités d'effarouchement et, d'autre part, pour indemniser les pertes causées aux cultures lors du passage des oies, puisqu'elles utilisent dorénavant les terres agricoles pour se nourrir.
    Nous insistons ici sur l'importance de retenir qu'il est reconnu que les activités d'effarouchement contribuent à la réduction des dommages aux cultures et, ce faisant, aux indemnisations versées dans le cadre du Plan des sauvagines. Si les activités d'effarouchement devaient être réduites faute de soutien financier adéquat, il est prévisible que les dommages aux cultures augmenteront et, inévitablement, les demandes d'indemnisation qui y seront rattachées.
    De plus, il est évident que les dommages occasionnés aux cultures fourragères sont irréversibles et affectent le rendement des fermes laitières, bovines, etc., pas uniquement pour l'année en cours, mais pendant plusieurs années. Les caractéristiques particulières des fermes québécoises font que la grande oie des neiges, et même la bernache du Canada, occasionnaient davantage de dommages au Québec avant l'application de ce programme d'effarouchement et de chasse printanière.
(1050)
    Depuis plus de 15 ans, la fédération régionale a mis sur pied des projets d'effarouchement printanier. Ces projets, jumelés aux programmes de chasse printanière, ont fait leurs preuves et ont permis de diminuer les pertes de récolte. Par contre, chaque année, nous demeurons dans l'incertitude d'un appui financier du gouvernement fédéral.
    Par conséquent, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud demande au gouvernement canadien de renouveler le financement du Projet d'effarouchement de la grande oie des neiges pour la protection des cultures, permettant aux producteurs qui subissent des dommages récurrents causés par les oies de bénéficier d'une aide financière par le biais de la fédération régionale afin de défrayer les activités organisées d'effarouchement des oies. Ce projet, issu d'un accord de contribution entre Agriculture et Agroalimentaire Canada et le Conseil pour le développement de l'agriculture du Québec, pour la gestion des fonds, viendra à échéance le 31 mars 2008, et nous réclamons son renouvellement pour une autre période de cinq ans.
    J'aimerais vous parler de la mesure fiscale et la transférabilité des entreprises agricoles. Depuis plusieurs années, l'Union des producteurs agricoles travaille avec la Fédération de la relève agricole du Québec afin de trouver diverses solutions pour maintenir une relève agricole active. Au-delà des efforts fournis pour valoriser l'emploi agricole, intéresser des jeunes à prendre la relève ou à demeurer en agriculture, il faut que les paliers gouvernementaux démontrent un intérêt plus marqué pour mettre en place des programmes et des mesures fiscales pour faciliter et favoriser le transfert des entreprises agricoles entre non apparenté ou apparenté.
    Pour plusieurs entreprises situées dans les municipalités au sud des MRC de L'Islet et de Montmagny, le phénomène est encore plus criant, puisque les entreprises agricoles sont souvent isolées. L'exode des jeunes s'y fait ainsi sentir plus fortement, les services offerts sont plus restreints. En plus, le crédit à l'investissement est inapplicable pour ces deux MRC qui se comparent facilement, en termes économiques, à plusieurs municipalités des régions ressources telles le Bas-Saint-Laurent et le Saguenay—Lac-Saint-Jean.
    De la même façon, notre région bénéficiait auparavant d'une aide au transport. Ce soutien permettait à nos entreprises de demeurer concurrentielles par rapport aux entreprises des régions centrales.
    Par conséquent, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud demande au gouvernement canadien : de mettre en place des moyens fiscaux ou autres favorisant le transfert des entreprises agricoles, au lieu de leur démantèlement; de considérer pour les MRC de L'Islet et de Montmagny l'agrandissement du territoire pour l'application du crédit d'impôt à l'investissement aux entreprises agricoles; une mesure de soutien qui va dans le même sens que l'amortissement accéléré pour les entreprises récemment adoptée dans le dernier budget fédéral; et de soutenir les entreprises agricoles pour qu'elles demeurent concurrentielles face aux entreprises situées près des grands centres.
    En ce qui a trait à la sécurité du revenu, l'agriculture a été et demeure aujourd'hui encore un secteur économique important pour le développement des régions du Québec et des autres provinces. Même si ce secteur d'activité n'occupe plus, comme par le passé, le rôle quasi unanime de moteur unique de développement régional, il n'en demeure pas moins qu'il continue de jouer un rôle de premier plan. Au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, il serait difficile et presque impossible de concevoir un plan de développement régional sans nécessairement penser aux producteurs agricoles qui sont au coeur de l'action.
(1055)
    L'agriculture dans notre région contribue à la création de richesse et d'emplois. D'après les chiffres publiés en 2004 par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le MAPAQ, on remarque que dans Chaudière-Appalaches, les MRC de Montmagny et de l'Islet contribuent sensiblement dans les mêmes proportions au PIB régional, soit 4 p. 100 pour la MRC de Montmagny et 4,1 p. 100 pour celle de l'Islet. Les MRC de Kamouraska, Rivière-du-Loup et de Témiscouata contribuent respectivement 26 p. 100, 13 p. 100 et 12 p. 100 au PIB agricole.
    En dépit du fait que ces chiffres témoignent bien de la contribution exceptionnelle du secteur agricole à la santé économique des régions, il serait souhaitable d'inclure dans l'analyse son apport indéniable dans le développement d'autres secteurs d'activité connexes de l'agriculture situés en amont, soit les fournisseurs d'intrants et de services, et en aval, les transporteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants et restaurateurs, pour mesurer l'envergure et toute la portée économique du secteur.
    Le maintien d'une agriculture dynamique dans toutes les régions du Québec, même celles qui sont éloignées, a été rendu possible grâce à nos outils de mise en marché collective et à nos programmes de sécurité du revenu. Le revenu net en agriculture ne cesse de diminuer au fil des années. Même si cette crise du revenu se généralise à toutes les productions, elle n'est pas vécue de la même façon par tous les producteurs. Il faut reconnaître que la situation n'est pas reluisante dans les productions contingentées, mais elles s'en tirent mieux que toutes les autres, grâce à la gestion de l'offre ou au système de plan conjoint. Cette situation vient encore une fois démontrer l'importance des outils syndicaux dont on dispose au Québec et milite en faveur de leur maintien.
    Par ailleurs, on sait que l'un des postes importants de dépenses de l'entreprise agricole est le transport. Or, grâce à nos outils de mise en marché collective, on note une certaine équité dans le partage des frais de transport entre les producteurs. Cette même équité est appliquée également à d'autres niveaux, permettant ainsi de partager les coûts de mise en marché, que l'on soit à Saint-Just-de-Bretenières, à Saint-Athanase, à Kamouraska ou à Montmagny — Cela procure certainement une planche de salut à de nombreuses entreprises familiales en région situées loin des centres de transformation souvent localisés dans la région de la capitale nationale ou dans la métropole.
    Par conséquent, la Fédération de l'union des producteurs agricoles de la Côte-du-Sud demande au gouvernement canadien de maintenir les piliers de la politique agricole canadienne, soit les lois de mise en marché collective, le système de gestion de l'offre et les outils de sécurité du revenu; de refuser toute concession sur la réduction des tarifs douaniers; de défendre et promouvoir à l'échelle internationale la mise en marché collective et la gestion de l'offre comme étant des modèles équitables; d'élaborer les orientations de la politique agricole canadienne en complémentarité avec celles des provinces; de laisser suffisamment de marge de manoeuvre afin de maintenir et concevoir des programmes québécois; de confier, entre autres aux organisations déjà en place au Québec, la livraison des programmes agricoles; et d'accorder les budgets nécessaires au secteur agricole canadien afin qu'il demeure dynamique et concurrentiel.
    Merci.
(1100)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Proulx.
    Merci, monsieur le président, messieurs les commissaires. J'ai deux sujets à vous présenter : les nouvelles productions et l'environnement.
    Commençons par les nouvelles productions. Les nouvelles habitudes alimentaires permettent de développer dans certaines de nos régions de nouvelles productions qui répondent à ces nouveaux marchés. Elles constituent pour certaines personnes une occasion de s'établir en agriculture et de développer une entreprise qui met en valeur le potentiel agricole du milieu.
    En règle générale, les personnes qui s'y investissent sont laissées pour compte. Elles sont continuellement aux prises avec le sous-financement de leurs entreprises. Les connaissances disponibles sont limitées et peu accessibles, et le soutien technique est quasi inexistant.
    De plus, lorsque nous désirons effectuer la commercialisation de ces produits transformés ou non, nous nous butons à une restriction de la part des chaînes alimentaires, mais surtout à une concurrence déloyale des produits importés qui ne respectent même pas les règles qui nous sont imposées, qu'elles soient environnementales, phytosanitaires ou qu'elles portent sur l'innocuité.
    La région de la Côte-du-Sud bénéficie présentement de nombreux centres d'expertise tels que l'incubateur bioalimentaire, le CDBQ, qui peuvent donc assurer un apport important aux producteurs agricoles. Par contre, tous les centres doivent demeurer à la fine pointe et doivent donc être appuyés financièrement par les différents paliers gouvernementaux.
    Finalement, si le consommateur était mieux informé de toutes les règles de sécurité alimentaire auxquelles les productrices et producteurs agricoles et les transformateurs sont assujettis, il choisirait plus souvent un produit alimentaire canadien. À cela, nous pouvons ajouter tous les impacts favorables qu'engendrerait une campagne d'information sur l'importance économique de l'achat chez nous.
     Pour ce faire, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud a développé au cours des dernières années une marque de commerce : elle distribue aux gens un sac qui identifie l'achat local. Habituellement, nous les donnons, mais vu la crise financière importante que nous traversons actuellement, c'est avec plaisir que nous les vendons, ces temps-ci. Que les personnes intéressées sachent que nous les vendons 5 $, étant donné notre situation financière.
    Par conséquent, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud demande au gouvernement canadien de reconnaître l'importance des productions et des produits nouveaux ou en émergence qui font appel au développement des ressources du milieu; de rendre accessibles des ressources et des équipements en recherche et développement pour soutenir certaines entreprises agricoles qui doivent concevoir ou adapter des techniques de production; de maintenir voire augmenter son soutien pour que les organismes de recherche et de développement demeurent dynamiques dans notre région, tels que le CDPQ, le CQEPP ou le Centre d'expertise en production porcine; de soutenir la création d'un centre d'expertise pour le bovin; de maintenir le financement et le soutien aux organismes de surveillance des aliments et de gestion des contrôles de qualité ou des normes HACCP — l'ACIA, Agri-Traçabilité Québec, les fédérations spécialisées pour la mise en place de programmes d'assurance de la qualité—; d'exercer un meilleur contrôle à la douane pour éviter toute introduction clandestine de produits agroalimentaires et agricoles; d'exiger que tous les produits alimentaires importés respectent les mêmes normes que celles exigées des producteurs canadiens ou québécois.
    Parlons maintenant de l'environnement. Vous n'êtes pas sans savoir que la province de Québec a une réglementation environnementale extrêmement sévère pour le secteur agricole. Les producteurs doivent investir des sommes importantes pour répondre à ces nouvelles exigences. Présentement, le développement de l'agriculture dans nos régions est freiné et, dans bien des cas, c'est en raison de cette nouvelle réglementation ou de diverses pressions. Par exemple, en matière de production porcine, le Québec, qui était au début des années 1990 un leader mondial et était cité en exemple, est presque devenu aujourd'hui l'objet d'une risée. C'est la preuve que les choses ont changé au fil des ans.
    Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral investisse de façon plus importante dans la recherche, le développement et l'implantation technologique relatifs au domaine de l'environnement. Nous avons besoin de nouvelles technologies dans le domaine des fumier et lisier, que ce soit quant à leur traitement, à leur entreposage ou à leur épandage.
(1105)
    Depuis quelques années, certaines activités liées à la culture des terres sont considérées comme nuisibles pour l'environnement. Au banc des accusés se retrouvent les épandages de fumier et de lisier, et plus particulièrement la production porcine. Cette production, qui est à l'origine du premier Portrait agroenvironnemental des fermes du Québec en 1987, se retrouve aujourd'hui pointée du doigt. Le fait que la production porcine soit décriée amène l'ensemble des producteurs à se poser la question suivante : quelle sera la prochaine production au banc des accusés?
    Avant qu'il ne soit trop tard, il est important que tous travaillent ensemble pour donner la bonne information sur le mode de fonctionnement et l'encadrement qui régit l'agriculture.
    À qui revient l'obligation de faire ces ajustements demandés pour certaines méthodes utilisées en production agricole? Qui paie la facture pour protéger ce bien collectif qu'est l'environnement? Sont-ce les producteurs agricoles seuls?
    Au Québec, beaucoup d'argent a été investi pour l'analyse du territoire. À titre d'exemple, pensons aux orthophotos. Il m'est venu une image plus tôt : en regardant un film de James Bond dans lequel un satellite prend une photo de la Terre, on peut voir quelqu'un sur un édifice en train de se faire bronzer ou encore quelqu'un en train de commettre un vol. La même chose existe en agriculture. Grâce à ces données, on a une vue d'ensemble d'une terre. On peut voir comment le drainage fonctionne et comment les cultures et les bandes riveraines se comportent. On a donc besoin de mettre en lumière et d'étudier plus en profondeur ces outils. Seuls, on ne pourra pas le faire.
    Les producteurs ont fait ces actions au cours des dernières années afin de se démarquer et d'être des modèles pour d'autres régions. Ces sommes d'argent ont été investies dans le but de protéger le milieu et d'assurer la pérennité. Les autorités gouvernementales ont l'obligation de tenir compte de l'historique de l'agriculture du Québec et de s'assurer que les politiques qui seront mises en oeuvre permettront le maintien et le développement de ce secteur.
    Par conséquent, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud demande au gouvernement canadien : d'augmenter ses budgets en recherche et développement et de soutien à l'implantation de nouvelles technologies; d'utiliser les moyens nécessaires pour que les normes d'importation des produits agricoles au Canada soient aussi sévères que les normes actuellement en vigueur au pays, principalement en matière environnementale; d'augmenter et d'assurer à long terme le financement du Conseil pour le développement de l'agriculture du Québec, le CDAQ; de soutenir financièrement la réalisation des plans stratégiques agroenvironnementaux de la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud; de considérer comme des crédits d'impôt remboursables tous les investissements dans les travaux effectués par les producteurs agricoles pour la préservation du milieu; de soutenir financièrement le développement de nouvelles méthodes d'analyse de protection du milieu telles que LIDAR, dont j'ai parlé brièvement plus tôt; de prolonger le Programme de couverture végétale du Canada, afin d'appuyer financièrement les producteurs et les productrices agricoles dans la réalisation de leurs travaux d'aménagement et d'environnement.
    Le développement de notre milieu rural représente une préoccupation importante pour nos producteurs et nos productrices. L'agriculture et l'agroalimentaire demeurent certes des maillons importants. C'est pourquoi le gouvernement fédéral doit intervenir de façon concrète dans les champs d'activité énumérés précédemment.
    En guise de conclusion, si vous le permettez, nous voudrions vous présenter la vision d'avenir des agriculteurs et des agricultrices de la Côte-du-Sud, fruit d'une réflexion de ces producteurs au cours de l'année 1986. La déclaration se lit comme suit :
Nous, agriculteurs et agricultrices de la Côte-du-Sud, affirmons qu'il y a de l'avenir pour l'agriculture dans notre région et que nous sommes fiers et passionnés de pratiquer notre profession. Nous souhaitons qu'elle soit connue, reconnue et mise en valeur pour sa vocation première qui est de nourrir la population d'ici et d'ailleurs.

À l'intérieur de notre agriculture, toutes les productions de toutes les tailles d'entreprises auront leur place dans la mesure où elles respectent les critères de développement durable, à savoir un développement qui soit viable économiquement, respectueux de l'environnement et acceptable socialement.
Nous nous engageons à contribuer à l'occupation du territoire et à la valorisation de notre région par le développement de l'agriculture.

Notre devenir repose sur l'épanouissement des personnes qui vivent de notre secteur d'activité et qui souhaitent s'y engager pour leur propre bien et celui de leurs communautés. Nous voulons que la population apprécie et soit fière, comme nous, de la qualité et de la diversité des produits de notre agriculture.

Nous mettrons tout en oeuvre pour que l'écoute, le dialogue et le respect mutuel entre les producteurs et les productrices de la collectivité soient au coeur d'un développement [...]
(1110)
Nous voulons partager cette vision avec nos partenaires gouvernementaux, les établissements de formation, les milieux locaux et régionaux, agricoles, urbains ainsi que l'industrie agroalimentaire.
    Nous espérons que cette présentation permettra aux membres de votre comité de bien comprendre les enjeux particuliers de l'agriculture et de favoriser ainsi le renouveau du Cadre stratégique agricole correspondant aux besoins et attentes des producteurs et productrices agricoles de la Côte-du-Sud.
    Je vous remercie de votre attention.
    Madame Méthot.
    Je vous remercie de vous être déplacés pour apprendre à connaître un peu mieux notre industrie.
    Je représente le Centre d'expertise en production ovine du Québec, le CEPOQ, donc la production de moutons au Canada.
    Pour dresser rapidement un portrait, il y a près d'un million de brebis au Canada, et le Québec en possède environ le quart. Nous sommes le deuxième plus gros producteur en termes d'importance, derrière l'Ontario. On se suit de très près, car au début de l'année, nous étions les premiers. L'activité en production ovine est très intense dans l'est du pays.
    Il faut savoir également que nous sommes choyés au Québec. En effet, à cause d'un retournement de situation, nous possédons maintenant un centre de recherches. Il y a 10 ans, Agriculture et agroalimentaire Canada, qui avait une ferme de recherches à La Pocatière, a décidé de se retirer de ces activités. Alors, pour ne pas perdre cette occasion de travailler à l'amélioration de leur production, les producteurs se sont regroupés. Ils ont été chercher des partenaires, entre autres François Castonguay, un chercheur de AAC, ainsi que des gens au gouvernement fédéral pour créer le Centre d'expertise en production ovine. Ils ont pu reprendre les installations de AAC, qui les avait cédées au Centre de développement bioalimentaire du Québec.
    Le CEPOQ travaille en production ovine depuis 10 ans. Nous nous sommes donné comme mission d'améliorer la rentabilité des entreprises agricoles ovines du Québec. Depuis quelques années, il y a eu une ouverture de la part des autres provinces canadiennes ainsi que plusieurs partenariats.
    Nous sommes une très petite équipe d'une dizaine de personnes. Nous avons essentiellement des gens qui ont une formation en agronomie, en recherche au niveau de la maîtrise, des vétérinaires, des techniciens agricoles. Nous possédons également un troupeau de recherche d'environ 350 têtes, qui a été amélioré au cours des 10 dernières années pour les besoins de la recherche.
    Ayant une petite équipe, nous n'avons d'autre choix que de développer toutes sortes de partenariats pour aller chercher des expertises à l'extérieur qui vont nous permettre d'élargir un peu nos visées et les retombées potentielles pour notre secteur. Nous avons travaillé de très près avec des gens d'AAC, du MAPAQ et des universités. Parmi les principales collaborations, et les plus récurrentes, il y a l'Université de Guelph et l'Université Laval. Nous travaillons présentement à la mise en oeuvre d'un projet en génétique avec l'Université de la Nouvelle-Écosse. Bref, nous développons différents partenariats.
    Quant au conseil d'administration du CEPOQ, AAC et MAPAQ sont présents ainsi que des producteurs qui représentent les regroupements de producteurs.
    Au cours des dernières années, AAC s'est retiré, en quelque sorte, de la recherche en production ovine, mais pas complètement. Par contre, en ce qui a trait aux investissements en production ovine, particulièrement pour la recherche — ce qui me concerne —, dans l'organisation pour laquelle je travaille, il y a très peu de participation directe à l'avancement de nos travaux.
    Je dois souligner que les investissements au Conseil pour le développement de l'agriculture du Québec, le CDAQ, qui appuie des projets de recherche, contribuent énormément à la production ovine. En effet, nous avons la chance d'avoir plusieurs projets en partenariat avec cet organisme qui bénéficie de fonds fédéraux. Dans ce sens, le gouvernement fédéral est actif en production ovine. Cependant, pour ce qui est du soutient direct, comme des partenariats du même type que celui que nous avons avec le MAPAQ, il y a très peu d'interventions.
    Également, au cours des dernières années, le Québec et l'Ontario ont développé un programme d'amélioration génétique qu'on appelle GenOvis. On peut faire un parallèle, un peu boiteux, avec le Programme d’analyse des troupeaux laitiers du Québec, le PATLQ.
    L'idée du programme d'amélioration GenOvis est de prendre des données de production sur les fermes du Québec pour ensuite orienter les décisions de sélection pour le cheptel de façon à améliorer les performances de nos animaux. Donc, comme je le disais plus tôt, le Québec et l'Ontario ont investi des sommes très importantes au cours des dernières années pour développer ce programme d'amélioration génétique.
(1115)
    L'an passé, AAC a attribué un soutien financier à la Société canadienne des éleveurs de moutons, la SCEM, permettant l'expansion et l'ouverture du programme à toutes les provinces canadiennes. Par contre, le projet s'est terminé en mars dernier.
    Nous avons un programme national d'amélioration génétique qui est déjà reconnu à l'étranger. En effet, nous avons été invités au Congrès mondial du mouton et de la laine qui aura lieu au Mexique en juillet prochain. Nous allons y présenter notre programme d'amélioration génétique, qui fait l'envie de plusieurs autres nations, de même que la production ovine au Canada. Ce sont des ouvertures de marchés pour nous. Ce leadership en amélioration génétique est un aspect qui nous permet d'entrer chez des gens. En même temps, nous profitons de ces occasions pour présenter notre industrie, notre agriculture. Le Maroc a également montré un intérêt et soulevé des questions au sujet de notre programme d'amélioration génétique. C'est un outil qui nous procure un rayonnement international, et cela nous permet de dépasser la simple génétique, pour parler de notre agriculture plus largement.
    Le projet est terminé, et le Québec et l'Ontario ne pourront pas tenir à bout de bras ce programme très longtemps pour les autres provinces, puisque ce sont les gouvernements provinciaux, en partie, et les producteurs de ces provinces qui le financent. Alors, il y a certainement un besoin en matière d'implication financière de la part du gouvernement fédéral pour assurer le maintien et le développement de ce programme d'amélioration génétique national.
    En outre, le marché québécois couvre à peine 50 p. 100 de la consommation totale de produits de l'agneau ici, au pays. Alors, il y a une place énorme pour le développement de notre production. La problématique, c'est qu'on se bat contre des joueurs extrêmement importants, qui sont la Nouvelle-Zélande, particulièrement, et l'Australie. Il y a des sommes faramineuses qui sont injectées pour la recherche et le développement dans ces pays. Ils avancent très rapidement. Historiquement, nous avons toujours eu un avantage sur les produits qui entraient congelés au Canada. Par contre, avec la recherche et le développement des dernières années, ils ont réussi à développer des méthodes pour fournir des produits frais. On entend par « frais », des produits qui n'ont pas été congelés. Ce sont des produits d'animaux qui ont été abattus plusieurs semaines auparavant. C'est un peu épeurant en soi, parce que ces produits entrent maintenant à plein cargo au Canada.
    Nous sommes une petite industrie qui offre une alternative non négligeable en agriculture et pour le soutien des régions canadiennes, et nous faisons face à un joueur qui a des moyens financiers qui, par rapport aux nôtres, sont un peu débalancés.
    Dans ce sens, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le CDAQ nous donne un sérieux coup de main et c'est extrêmement apprécié. Cela nous a permis de développer des projets de recherche pour l'amélioration de la qualité de notre produit, pour les techniques de production et pour améliorer l'efficacité des fermes canadiennes et québécoises. Par contre, des investissements seraient les bienvenus afin d'accélérer un peu ce rythme et d'être en mesure de rester debout face à la concurrence qui s'en vient à grande vapeur.
    Donc, pour simplifier, on peut dire que les besoins en production ovine sont très larges. Si on ne veut ne pas perdre notre crédibilité, il faut porter une attention spéciale aux priorités et à l'amélioration génétique, particulièrement pour le programme GenOvis. Il faut améliorer et consolider ce programme. Enfin, il est clair qu'il faut soutenir nos entreprises dans leur développement et leur consolidation en matière de recherche.
(1120)
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Hubbard.
    Merci, monsieur le président.
    Il est bien certain que notre comité n'est pas très familier avec les questions liées à l'élevage du mouton et de l'agneau — ce n'est pas un sujet dont on nous a souvent entretenu — mais j'aimerais vous dire d'abord et avant tout que votre exposé était fort intéressant. Je pense que la plupart d'entre nous sommes prêts à reconnaître que, compte tenu tout particulièrement de nos marchés ethniques, nous ne produisons pas suffisamment d'agneau au Canada; nous nous tournons plutôt vers les producteurs étrangers.
    Par rapport à la concurrence, dans quelle mesure les prix que vous obtenez à Montréal, où n'importe où, pour vos agneaux se compare-t-il à ceux des produits que les Néo-Zélandais ou les Australiens, par exemple, peuvent mettre sur notre marché? Du point de vue du prix, êtes-vous capable de soutenir la concurrence?
    Oui, nos prix sont concurrentiels.
    La situation est directement attribuable au fait que les gens ont cette fausse impression que nos produits sont beaucoup plus chers que ceux de la Nouvelle-Zélande, mais nous étions tout récemment à

[Français]

l'Hôtel L'Oiselière, à Lévis,

[Traduction]

et les gens avaient cette idée, mais lorsque vous commencez à négocier avec certains distributeurs comme

[Français]

Berac Inc. ou Agneaux de l'Est,

[Traduction]

vous pouvez obtenir des prix qui se rapprochent beaucoup de ceux-là. Qui plus est, vous avez un produit original très particulier à offrir, ce qui est vraiment important pour les consommateurs parce qu'ils attribuent une grande valeur à l'agneau,

[Français]

c'est-à-dire que c'est un produit haut de gamme,

[Traduction]

et nos clients apprécient habituellement de savoir qu'ils achètent un produit local dont ils peuvent connaître le mode de production.
(1125)
    Pour ce qui est de vos préoccupations quant à la génétique — et il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu avec le mouton, pour ce qui est de l'agnelage notamment — quelle est votre vision à ce sujet? Qu'essayez-vous de faire exactement? Quel est votre objectif principal?
    Lorsqu'on examine la situation, la première préoccupation vient du fait que nous avons 140 races différentes au Canada. En outre, nous ne préconisons pas une façon unique de produire de l'agneau, mais bien une façon viable de le faire; c'est-à-dire en tenant compte du fait que nos éleveurs ont leurs

[Français]

forces et faiblesses,

[Traduction]

et que la production doit s'effectuer en fonction des possibilités locales.
    Quant à la génétique, nous essayons de faire valoir qu'il faut faire de l'élevage en maximisant le gain moyen quotidien, ce qui serait déjà un bon point. Nous avons également intégré des mesures du gras dorsal et de la longe afin de réduire le taux de gras de notre agneau, car les consommateurs l'ont jugé un peu trop élevé au cours des dernières années. C'est un problème pour notre industrie, mais nous nous employons à trouver des solutions.
    Au Québec, vous est-il possible de vendre votre laine?
    Très honnêtement, si le mouton n'avait pas de laine, ce serait vraiment merveilleux pour nous, car on ne nous en donne que quelques sous la livre au Canada. Il est vraiment difficile de soutenir la concurrence de nos compétiteurs internationaux étant donné que nous avons ici des races bouchères, alors que d'autres pays se spécialisent dans les races lainières. C'est une question de finesse et de qualité de la fibre, et nous ne pouvons rien y faire. Il est très difficile de mener les deux activités de front, ce qui nous a incité à opter pour le volet boucherie de la production ovine il y a plusieurs années déjà.
    Au Nouveau-Brunswick, nous avons le Briggs and Little Woolen Mills, l'une des dernières filatures de laine qui restent au Canada. J'espère que certains de vos producteurs profitent de cette installation.
    Je n'ai plus de temps, monsieur le président, mais je suppose que la question des bêtes sauvages est très importante dans bien des provinces, y compris le Québec, que j'ai traversé en voiture bien souvent. Dans ma province d'origine, cela ne se limite pas aux oies; il y a également le cerf, l'ours et bien d'autres animaux qui causent des pertes financières considérables aux agriculteurs. Peut-être que quelqu'un d'autre pourra enchaîner sur cet aspect.
    Il vous reste encore un peu de temps.
    Nous avons encore un peu de temps?
    Si on en reste à la question de l'oie des neiges, Hervé, vous avez parlé des coûts pour votre industrie ou notre industrie. Ces coûts sont-ils considérables au Québec? Pourriez-vous les chiffrer seulement pour ces oies que je vois à La Pocatière et tout le long de la côte du Saint-Laurent?

[Français]

    Monsieur Dancause.
    Je ne sais pas si ce chiffre se trouve dans mon dossier. M. Desjardins a peut-être plus d'information à ce sujet.
    Je ne pourrais pas vous donner de chiffre précis. Les oies sont ici depuis très longtemps; nous sommes donc des pionniers. Nous avons beaucoup travaillé, entre autres pour leur donner à manger. Quand on a commencé à travailler avec les propriétaires de ces oies, soit le gouvernement canadien, je pense, on nous disait que ce qu'elles laissaient derrière elles compensait ce qu'elles mangeaient. Il n'y avait pas de quoi être très fier. On avait l'assurance récolte, mais elle coûtait très cher. On s'est dit qu'on ferait de l'effarouchement. On parle ici d'une équipe d'hommes qui fait fuir les oies. Si je passe dix fois sur votre pelouse, ce ne sera peut-être pas grave, mais si je passe un million de fois, ça va probablement laisser des traces. En fait, il ne restera plus rien.
     À Montmagny, il y a un événement qui s'appelle le Festival de l'Oie Blanche. Il y a des zones protégées où les producteurs ont accepté de laisser manger les oies, ce qui est à l'avantage du festival.

[Traduction]

    À cet égard, nous avons à l'échelle fédérale le permis de chasse aux oiseaux migrateurs pour lequel vous investissez des fonds. Pouvez-vous récupérer une partie de ces sommes? C'est ce que je voulais savoir.
(1130)

[Français]

    Je pense que ça fait économiser entre 300 000 $ et 500 000 $ à l'assurance récolte. Cette assurance ne nous rembourse pas tous les dommages. Vous me demandiez plus tôt de quel montant il s'agissait. La directrice nous dit que c'est près d'un million de dollars.
    Pour ce qui est de l'autre question, je ne l'ai pas saisie.

[Traduction]

    Vous n'avez plus de temps. Désolé, monsieur Hubbard.
    Monsieur Crête.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci pour votre présentation. Vous êtes les premiers à vraiment nous donner un portrait de notre agriculture. À titre d'information, je précise pour les membres du comité qu'il y avait ici une ferme expérimentale fédérale. On l'a fermée en 1993 ou 1994. Le milieu a repris ça en main, autant les agriculteurs que d'autres intervenants.
    À ce sujet, j'aimerais que vous m'éclairiez sur l'importance de la garantie de financement dans le domaine de la recherche et développement. Peut-être pouvez-vous nous donner des détails sur la question de la génétique relative aux ovins. Vous avez parlé de la grande oie des neiges, mais il s'agit là d'un autre programme, même s'il comporte un aspect de recherche et développement.
    Parlez-moi de l'importance de ce financement pour l'avenir et du fait qu'il doit être clair que celui-ci porte sur 5 ans ou 10 ans, de façon à assurer une sécurité et à permettre de continuer à développer des....
    Si vous le permettez, je vais dire quelques mots. Je ne voudrais pas prendre la place de Mme Méthot. En ce qui concerne les produits émergents, c'est bien beau de les produire, mais encore faut-il s'arranger pour allonger la période où le consommateur y a accès. En effet, il faudrait que ça ne se limite pas au moment de la récolte, au mois de mai. Il nous faudrait un endroit où il y aurait des chercheurs et des installations permettant à des producteurs de transformer ces produits et de faire en sorte qu'ils se rendent dans l'assiette du consommateur. Pour ma part, je ne peux pas faire ça sur ma ferme. En tant que producteurs agricoles, nous voudrions que le Centre de développement bioalimentaire ait cette vocation.
    Diverses recherches se font, entre autres au niveau de la production porcine, des nouveaux produits, de la viande biologique, etc. Il s'agit surtout de produits émergents. Nous avons besoin de ce centre pour les promouvoir.
    Un des problèmes qui, je pense, ne touchent pas seulement la production ovine est que les attentes et les demandes des consommateurs évoluent à une très grande vitesse. Certains producteurs qui ont un cheptel suivent des objectifs précis depuis 10 ans. Toutefois, les consommateurs peuvent leur dire d'un jour à l'autre qu'ils veulent un produit différent.
    Si on laisse les producteurs s'adapter eux-mêmes à ces nouvelles exigences, le processus va être beaucoup trop long. Nous allons perdre des parts de marché parce que de leur côté, les compétiteurs investissent des sommes faramineuses dans la recherche et développement, précisément pour cibler ces marchés et adapter leurs produits.
    Il est vraiment essentiel de soutenir l'évolution des productions agricoles au Canada par la recherche et le développement, afin de s'assurer que les producteurs seront toujours à la page, que leurs produits seront à jour et conformes aux exigences de leurs consommateurs au moment où celles-ci seront exprimées, et non trois ans plus tard.
    Merci. Je voudrais aborder une autre question. M. Desjardins ou M. Dancause seraient peut-être plus à même de répondre. Expliquez au comité ce qu'il en est du crédit d'impôt à l'investissement dans la circonscription.
    Le crédit d'impôt à l'investissement s'applique au Québec. Or, la moitié de ma circonscription y a droit et l'autre moitié n'y a pas droit. Expliquez-nous quelle est la situation des agriculteurs face à ce problème.
    Je me suis toujours compté chanceux. Là d'où je viens, je ne suis pas dépourvu en matière d'agriculture. Je vis tout près de la rive. J'ai accès au meilleur des deux mondes. Auparavant, une prime couvrait les frais de transport des produits vers Montréal. Quand elle a été abolie, on nous a dit que nous aurions droit à un crédit de 10 p. 100. C'est un système qui fonctionne de la façon suivante.
    Une fois que j'ai terminé ma déclaration de revenus, comme tout le monde, si je dois 5 000 $ au fédéral, je fais un chèque à ce montant, puis je regarde ce que j'ai investi durant l'année. Si j'ai acheté un tracteur de 100 000 $, j'ai droit à 10 p. 100 de ce montant, donc à 10 000 $. De ces 10 000 $, une proportion de 60 p. 100 peut m'être payée en comptant. Ça peut tout être dégrevé de mes impôts à payer. Si je n'ai pas besoin de ça, une partie peut me revenir personnellement.
    C'est assez amusant de voir régulièrement des industries s'établir juste de l'autre côté de la ligne pour être en mesure de bénéficier de ces crédits d'impôt. J'ai toujours pensé que ça avait été réservé au comté de Kamouraska. Quand le fédéral a élargi notre comté, il n'a pas élargi l'accès à ces mesures en conséquence, et c'est malheureux. Il aurait dû le faire. Quand il a procédé à la fusion entre notre région et L'Islet, il aurait dû accorder le même crédit aux gens de L'Islet. Nous sommes loin des grands centres. Nous subissons des pertes au niveau du transport et dans bien d'autres domaines, mais au moins, nous avons cet avantage. J'ai toujours dit à mon copain qui habite L'Islet, dans le rang 26, que je n'échangerais pas sa terre contre la mienne. Par contre, j'ai toujours dit que ces gens devraient eux aussi bénéficier de cet avantage.
     Avec M. Crête, je crois, on s'est penché sur la possibilité d'appliquer cette mesure à la grandeur du comté de Kamouraska, Rivière-du-Loup, Lévis, Montmagny, et ainsi de suite.
    Je ne sais pas si ça répond bien à votre question.
(1135)
    Ça nous fait comprendre que dans la même circonscription, il y a deux traitements différents pour les citoyens: certains ont droit au crédit d'impôt et d'autres n'y ont pas droit.
     Il faudrait que la prochaine intervention soit brève.
    Pour répondre à la première question de M. Crête [Note de la rédaction: difficultés techniques] et d'expliquer qu'il existe des programmes réalisables. Pour ce qui est du crédit d'impôt à l'investissement, je n'ai pas de chance: je suis de l'autre côté de la clôture, et par conséquent, je n'y ai pas droit. Le secteur agricole est moins favorisé dans la MRC de L'Islet que dans Kamouraska, et pourtant, on n'a pas droit à cette mesure. Il faut souligner que 10 p. 100, c'est important pour chacun de nous.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Miller.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Méthot et messieurs, je vous remercie beaucoup pour votre présence.
    C'est formidable de se retrouver ainsi dans la circonscription de M. Crête. Pendant des années, je suis venu ici à tous les mois d'octobre pour acheter des bestiaux. Je l'ai fait jusqu'en 1999 et je suis très heureux d'être de retour.
    Madame Méthot, vous avez parlé du financement de la recherche et, en quelque sorte, du manque de financement. Certains projets ont été annulés. Seriez-vous favorable à ce qu'il y ait un seul niveau de financement pour autant que le gouvernement fédéral est concerné? Le gouvernement fédéral devrait-il prendre le dossier en main et financer toutes les activités de recherche, ou convient-il de collaborer avec les provinces à cet égard ? Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je crois que la province de Québec collabore déjà en partie avec Agriculture Canada, par le truchement du CDAQ, étant donné que ces fonds sont affectés aux besoins particuliers de notre province.
    Cependant, pour ce qui est des activités de recherche et développement dans le secteur ovin, le CEPOQ reçoit environ 35 p. 100 de ses fonds du MAPAQ, c'est-à-dire du gouvernement provincial, et quelque 15 p. 100 des producteurs eux-mêmes. Environ un autre tiers de notre budget nous est consenti aux fins de différents projets de recherche et développement — par exemple, via le financement du CDAQ pour un projet donné.
    Agriculture Canada ne contribue pas à notre financement. Nous avons droit à une aide financière du gouvernement provincial et à d'autres fonds provinciaux pour des projets précis de recherche et développement. Il pourrait donc être possible pour Agriculture Canada de s'intégrer à nos autres partenaires pour appuyer nos efforts dans ce secteur.
(1140)
    J'ai une autre question, simplement par curiosité et pour ma culture personnelle. Vous avez parlé de qualité de la laine en réponse à une question posée par M. Hubbard. Notre climat nordique influe-t-il d'une manière ou d'une autre sur la qualité de la laine?
    C'est le cas indirectement parce que nous devons généralement garder les moutons dans la bergerie. Cela pose problème parce que nous utilisons de la paille et de la ripe de bois. Ces matériaux s'incrustent dans la laine et sont vraiment problématiques au moment de la transformation du produit.
    Mais le principal problème demeure vraiment la qualité de la laine de nos moutons. C'est suffisant pour fabriquer des tampons isolants, mais cela ne convient pas pour les vêtements.
    J'étais curieux parce que ma circonscription est la plus importante en Ontario pour ce qui est de l'élevage ovin et bovin.
    Monsieur Proulx, je crois que c'est vous qui avez parlé tout à l'heure de l'épandage de fumier et du travail que les agriculteurs devaient faire pour réduire les impacts environnementaux. À mon point de vue, et j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, lorsque les producteurs agricoles, peu importe dans quel secteur, travaillent à la protection de l'environnement — et je crois qu'ils sont généralement de très bons gardiens de la terre et de l'environnement —, il me semble qu'ils oeuvrent pour le bien public.
    Êtes-vous d'accord pour dire — et j'invite tous les autres témoins à intervenir — que la population devrait contribuer au financement de ce travail qui profite à tous? Nous protégeons l'eau, notamment.
    Avez-vous des observations à formuler à ce sujet? Avez-vous bien compris la question?

[Français]

    Il y a 40 ans, le public participait à certains travaux. Il y a eu, par exemple, au Québec une vaste campagne de creusage des cours d'eau pour permettre de drainer les terres. C'était le public qui finançait ce projet parce qu'il était subventionné par le gouvernement du Québec. C'était le public qui le faisait, d'une façon indirecte, mais c'était quand même lui. C'est impossible pour moi d'aller demander à mon voisin de me donner de l'argent parce qu'il faut que je protège les bancs de la rivière; c'est collectivement que ça doit se faire. En ce qui touche l'environnement, la Fédération de l'UPA de la Côte-du-Sud a déjà investi 1,9 million de dollars à elle seule à des fins de protection.
    Vous posiez tout à l'heure une question sur la recherche. On a besoin d'un leader qui nous permette d'investir dans ce domaine et qui serve de levier pour recueillir davantage de fonds. Si vous investissez 30 p. 100 d'un budget dans la recherche, ce 30 p. 100 va se multiplier par deux ou par trois. C'est ce qui est important. On l'a déjà dit: ce n'est pas seulement aux agriculteurs de payer. Actuellement, il n'y a que les agriculteurs qui payent la note en ce qui a trait à l'environnement. Protéger l'eau est un devoir collectif, c'est un bien qui sert à tout le monde. Ce ne sont pas les agriculteurs qui vont à la pêche le plus souvent, c'est M. et Mme Tout-le-monde. On a besoin de tout le monde pour protéger cette ressource.

[Traduction]

    Monsieur Atamanenko.

[Français]

    Bonjour, merci d'être venus.
    Avant de continuer, j'aimerais savoir quel est le secteur agricole le plus important du point de vue économique ici, dans la région? Est-ce que ce sont les produits laitiers?
    Le secteur le plus important, c'est celui des produits laitiers. Il y a plus de fermes laitières que d'autres types de fermes. Depuis 30 ou 40 ans, même si le nombre de producteurs a diminué, le quota a toujours augmenté parce qu'on achète à l'extérieur et les fermes grossissent.
    En suivant par —
    Je parle du secteur le plus important en termes de revenus. Si on parle d'importance en terme de personnes, ce serait peut-être le secteur acéricole et celui des céréales, parce que beaucoup de fermes produisent des céréales, mais ce n'est pas la principale source de revenu. Ici, il y a beaucoup d'exploitation acéricole aussi. L'élevage du porc est aussi assez important.
    D'accord.
    En ce qui a trait à l'élevage du mouton, notre région est la plus importante au Québec. C'est ici qu'on retrouve le plus grand nombre de fermes et le plus grand nombre d'animaux également.
(1145)
    Puisqu'on parle de ce secteur, madame, vous faites face à une concurrence mondiale, par exemple de la part de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. J'aimerais savoir si ce que vous produisez est destiné à l'exportation ou à la consommation domestique?
    C'est destiné à la consommation domestique. Il y a eu un peu d'échanges avec les États-Unis avant la fermeture des frontières, à cause de la crise du ESB. Il y avait un peu d'échanges, mais il s'agissait surtout d'animaux vivants parce que nos moutons sont reconnus aussi pour leur génétique intéressante. En ce qui touche la production de viande comme telle, elle est majoritairement destinée à la consommation locale, et, comme je le mentionnais, on répond à peine à 50 p. 100 des besoins du marché.
    Alors il faut importer, évidemment.
    On importe énormément, principalement de la Nouvelle-Zélande.
     Y a-t-il des restrictions, des quotas pour protéger notre industrie, ou s'agit-il d'un marché libre? Comment est-ce que ça fonctionne?
    En fait, vous me posez la question durant une période de transition, parce que le 1er juin prochain, une agence de vente sera mise en place par la Fédération des producteurs d'agneaux et moutons du Québec. C'est donc une première en ce qui a trait à la production ovine au Québec. Par contre, puisque ce n'est pas encore en place, je ne peux pas vous préciser comment ça va se passer, mais on est à mettre sur pied une organisation pour la mise en marché de l'agneau.
    Monsieur Desjardins.
    En ce qui concerne le lait, il y a des quotas et un contrôle; on ne peut pas importer de lait. Pour ce qui est de l'agneau, je ne connais pas de contraintes à l'importation. C'est la loi du libre marché, je crois. Même si les producteurs du Québec se dotent d'une agence commune de mise en marché, ça ne changera rien aux importations en provenance de la Nouvelle-Zélande.
    Paraît-il que la production de la Nouvelle-Zélande représente une menace à cause des techniques d'innovation et tout ça, de la capacité de garder la viande fraîche durant une plus longue période de temps.
    Pensez-vous que cela menace notre industrie?
    C'est une inquiétude. M. Desjardins avait raison: effectivement, la mise en place d'une agence de vente ne va pas entraîner la fermeture des frontières, pas du tout. Ça va plutôt servir à l'identification du produit. Il y aura une promotion du produit du Québec. Par contre, ça ne vient pas régler le problème du gros joueur néo-zélandais qui exporte ses produits chez nous. La mise sur pied de l'agence ne va pas régler ce problème. Effectivement, on n'a donc pas d'autre choix que de se prendre en main et de maintenir le rythme sur le plan de l'innovation dans notre production.
    Monsieur Desjardins.
    Auparavant, les producteurs d'agneaux et de moutons pouvaient dire aux consommateurs d'acheter de l'agneau frais parce que c'est meilleur. Il est vrai que la viande fraîche est meilleure que de la viande congelée. On exportait aussi notre porc congelé, mais on est parvenu à exporter du porc frais dans d'autres pays grâce à des méthodes de refroidissement rapide et d'autres moyens. On subit le même traitement qu'on a fait subir à d'autres. Ces producteurs sont capables d'exporter par IT, international transit. Alors, l'argument selon lequel la viande congelée est moins bonne a moins de poids. Par contre, il y a des coûts liés à ce type de transport.

[Traduction]

    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Proulx?

[Français]

    J'aimerais simplement mentionner quelque chose puisqu'on parle un peu de commerce et de produits importés vers le Québec ou le Canada. Je suis un producteur de porc. Je vous donnerai un exemple. La production porcine québécoise est de 150 p. 100 supérieure à nos besoins. Malgré cela, on retrouve encore dans les comptoirs des supermarchés de la viande porcine en provenance des États-Unis, et ce, même si elle contient des produits interdits dans l'alimentation au Canada depuis 10 ans. Cette viande est quand même importée au Canada. Alors, quand on vous dit qu'on a besoin d'aide et qu'on vous demande la permission de se battre avec les mêmes armes que nos concurrents, c'est aussi cela qu'on veut dire.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Easter.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins pour leurs exposés.
    J'aimerais d'abord préciser un détail. Pourriez-vous m'indiquer, Hélène, le nom du programme? Pour quelle raison le nouveau gouvernement fédéral a-t-il supprimé ce programme le 31 mars?
(1150)
    Le programme n'a pas été supprimé, parce qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un programme, mais bien d'un projet. Lorsque vous soumettez un projet de recherche, il y a toujours un échéancier. Tout le travail doit être effectué à l'intérieur d'un délai d'une, deux ou trois années. Pour le projet en question, l'échéance avait été fixée au 31 mars et nous avons terminé le travail nécessaire à la mise en oeuvre du programme dans toutes les autres provinces.
    Cela m'amène à ma deuxième question. Depuis que l'ensemble du réseau des centres de recherche a été transformé au sein d'Agriculture et Agroalimentaire Canada — en 1995 ou 1996, ou aux environs de ces années-là — on semble mettre davantage l'accent sur la recherche visant la valeur ajoutée en cours de transformation, au détriment de la recherche liée à la production primaire.
    Vous avez pris ici la responsabilité de ce centre, mais pourriez-vous nous dire combien de leur précieux temps les chercheurs et les autres personnes en charge de l'administration doivent utiliser pour chercher des fonds aux fins des projets comme celui qui vient de prendre fin, ou des partenaires privés en vue d'accomplir un travail qui devrait en réalité incomber, selon moi, au gouvernement, tant à l'échelon fédéral que provincial? Des chercheurs m'ont dit qu'ils consacraient la moitié de leur temps à essayer de trouver des fonds, plutôt qu'à faire de la recherche, alors que cette recherche est financée par le gouvernement dans les autres pays.
    Pour ma part, je dois dire — et je suis responsable des projets de recherche et développement au CEPOQ — que je ne passe vraiment qu'une petite partie de mon temps à chercher du financement. Je travaille surtout sur les projets eux-mêmes, sur l'analyse des protocoles, la rédaction et toutes ces choses. Alors, dans mon cas, ce n'est pas si considérable, car nous ne pourrions pas nous permettre de me laisser passer autant de temps à chercher du financement.
    En outre, comme nous sommes une équipe plutôt petite, nous ne sommes pas vraiment en mesure de réaliser de nombreux projets simultanément, ce qui fait qu'il ne nous sert à rien d'essayer d'obtenir 25 projets en même temps.
    Il serait bon de tenir tous ces projets, mais les ressources ne sont tout simplement pas suffisantes.
    En définitive, il convient de pouvoir compter sur une contribution marquée du gouvernement fédéral pour la recherche au niveau de la production primaire, tant pour la capacité de recherche fondamentale dans les centres spécialisés que pour les projets d'amélioration génétique comme celui qui vient de prendre fin. Vous avez indiqué que le programme était reconnu à l'échelle internationale et qu'il permettait d'ouvrir l'accès à des marchés, notamment.
    C'est donc certes un secteur où le gouvernement fédéral devrait être présent — et nous entendons beaucoup d'interventions à cet effet. Tout le monde parle de recherche et développement et on nous dit partout que ce sont les fonds publics qui devraient financer ces activités au niveau de la production primaire.
    Ma dernière question s'adresse à M. Proulx. Vous avez indiqué que tous les produits alimentaires importés devraient être assujettis aux normes que doivent suivre nos producteurs. Je crois que vous avez donné l'exemple du porc. Avez-vous d'autres cas à nous citer? C'est également un commentaire que nous avons entendu dans toutes les provinces que nous avons visitées. Les Canadiens doivent se soumettre à certaines normes en matière de sécurité alimentaire, mais on permet la vente chez nous d'aliments étrangers qui sont produits différemment. Pourriez-vous nous dire brièvement ce que vous en pensez?

[Français]

    Monsieur Proulx.
    Des exemples, on pourrait en donner beaucoup. On n'a qu'à penser à la production laitière, à tous les substituts laitiers qui peuvent être importés. Il y a aussi la production maraîchère de concombres ou de cornichons; appelons ça comme on veut. Il y a des producteurs québécois capables de les produire, dans un environnement de qualité qu'on défend et qui est imposé, mais on importe des cornichons de pays asiatiques, que ce soit l'Inde ou la Chine, qui ont des critères environnementaux complètement différents des nôtres.
    Permettez-moi de reprendre le sujet de la recherche. Dans les années 1960-1970, il y avait une ferme fédérale à La Pocatière. Cette ferme effectuait des recherches, des essais. Ça permettait aux agriculteurs d'aller voir comment ces recherches s'appliquaient. Ça permettait de transférer directement aux producteurs agricoles le fruit des recherches qui étaient faites. Aujourd'hui, on n'a plus cette capacité.
(1155)
    Monsieur Desjardins.
    Des produits chimiques sont employés aux États-Unis, des produits qu'ici le gouvernement ne veut pas faire homologuer parce que le besoin n'est peut-être pas aussi grand. Ça coûte de l'argent de les faire homologuer au Canada. Ils arrosent les fruits et les légumes avec toutes sortes de produits que nous n'avons pas le droit d'utiliser ici. Certains nous aideraient à contrôler les mauvaises herbes dans les cultures de poireaux. Ces légumes nous sont envoyés des États-Unis, et on les mange. Pensez seulement à la somatotrophine dans le lait. Les Américains ont le droit de donner ce produit à leurs vaches pour qu'elles donnent plus de lait, mais il est banni au Canada. Il y a des quantités d'autres exemples de ce genre.
    Monsieur Devolin, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions.
    Je veux d'abord dire à M. Desjardins que j'ai été le premier à sortir mon 5 $ pour son sac. Comme on dit chez nous, c'est premier arrivé premier servi.

[Français]

    Mais —

[Traduction]

    Madame Méthot, je voudrais aborder quelques sujets avec vous. Il y a d'abord la question de la recherche dont nous venons de traiter. Il me semble que des fonds sont disponibles pour la recherche actuellement. En êtes-vous conscients? Menez-vous de nouvelles initiatives de recherche pour le développement de l'industrie ovine?
    Oui, nous en sommes conscients, mais comme votre collègue M. Easter le soulignait, lorsque vous devez prendre le temps nécessaire pour obtenir ce financement, compte tenu de toutes les formalités administratives à remplir, c'est autant d'énergie que vous ne pouvez pas consacrer à la recherche elle-même.
    Par ailleurs, nous nous intéressons principalement dans le cadre de cette tournée du pays à la gestion des risques opérationnels. Ma circonscription du centre de l'Ontario compte également des producteurs ovins qui ont connu des problèmes récemment en raison de la crise de l'ESB. Les producteurs qui élèvent des géniteurs destinés à l'exportation ont été indirectement pris au piège dans la foulée de cette crise. Est-ce que vos membres ont connu le même problème? Le PCSRA, par exemple, a-t-il aidé à compenser quelques-unes des pertes attribuables à l'ESB pour les éleveurs ovins?
    Ceci n'est pas vraiment mon domaine d'expertise, mais si ma mémoire est fidèle, je crois que les producteurs ovins ont été oubliés dans la première mouture du programme d'aide financière pour la crise de l'ESB. Ce fut une période vraiment difficile pour eux, car leurs marchés étaient fermés comme c'était le cas pour tous les autres producteurs.

[Français]

    Monsieur Dancause, vous avez la parole.
    Au Québec, les producteurs ont souvent deux ou trois productions, soit le lait ou d'autres productions. Le PCSRA couvre l'ensemble des revenus agricoles totaux, et la partie lait annule le revenu tiré de l'élevage des moutons, de la culture d'autres céréales, etc. C'est un problème au Québec.
    Deux ou trois productions font vivre une ou deux familles. Si on n'exploitait qu'une ferme de moutons, le programme serait efficace. Mais il ne fonctionne pas dans le cas des producteurs qui ont deux ou trois productions.

[Traduction]

    Quelqu'un a déjà souligné que l'une des meilleures façons de gérer le risque était de diversifier ses activités. Lorsqu'un programme comme le PCSRA favorise les gens qui se concentrent sur un seul produit et se montre discriminatoire à l'encontre des producteurs qui optent pour plusieurs secteurs d'activité, nous n'envoyons pas le bon message. Nous ne sommes pas cohérents. Nous demandons aux agriculteurs d'être responsables et de gérer leurs risques, mais nous créons un programme qui les incite à agir autrement.
    Ma dernière question est pour M. Proulx. Vous avez parlé d'achat local et d'un programme de sensibilisation visant à inciter les gens à consommer davantage de produits locaux. Je pense qu'il s'agit là d'une autre façon de gérer les risques; on établit un lien plus direct entre le producteur et le consommateur et on évite de vendre toute sa production sur les marchés internationaux, en perdant ainsi tout contrôle sur les prix.
    Croyez-vous qu'il s'agit d'une bonne stratégie de gestion du risque pour les agriculteurs de cette région et qu'ils doivent essayer d'établir de meilleurs liens avec leurs consommateurs, plutôt que de produire des denrées qui sont vendues au prix fixé par les marchés internationaux?
(1200)
    Monsieur Proulx, puis monsieur Desjardins.

[Français]

    En règle générale, les producteurs sont laissés à eux-mêmes, d'une certaine façon. On a parlé plus tôt du fait qu'il y avait plusieurs productions. Pour ma part, j'en ai quatre, dont une production d'asperges et de pommes de terre certifiées biologiques. Le problème, c'est la mise en marché. Le marché est à Montréal et à Toronto, à six, sept, huit ou dix heures de chez nous. Mon fils n'ira pas livrer notre production à Montréal. La mise en marché est un problème pour nous.
    Oui, c'est une bonne façon de faire. Cependant, quand ma femme va à l'épicerie et qu'elle y achète des concombres, il est écrit sur le pot que c'est un produit du Canada. Or, ces concombres ont été importés en vrac et mis en pot à Montréal, Toronto ou Mississauga. On y a ajouté du vinaigre et c'est devenu un produit canadien. C'est un peu mêlant. Les concombres viennent de l'extérieur, mais comme ils sont mis en pot ici, ils deviennent un produit du Canada. L'étiquetage quant à l'origine du produit sera de plus en plus important, qu'il s'agisse de mouton, de porc ou de n'importe quel autre produit.

[Traduction]

    Monsieur Desjardins.

[Français]

    En regard du PCSRA, les prix des céréales sont trop bas. On n'en sort pas. La moyenne des mauvaises années reste mauvaise.
    Quant aux sacs, ils ont été conçus par notre directrice. Ils comprennent des prospectus qui font la promotion de nos produits. La première condition que nous avions imposée était que les produits soient faits ici. Nous ne voulions pas de produits en provenance du Japon ou d'ailleurs. Les produits sont donc faits à L'Islet. Je vais faire circuler ce sac, qui est spécial. Nous ne ferons pas de jaloux, car il y en a pour tout le monde.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Steckle.
    Nous disposons de très peu de temps et nous avons une discussion très intéressante avec vous ce matin, mais nous sommes surtout ici aujourd'hui pour entendre votre point de vue afin d'éclairer notre démarche en vue du renouvellement du cadre stratégique de l'agriculture.
    Très rapidement — et je vous demande donc des réponses très courtes, si possible — quel pilier du cadre stratégique de l'agriculture a probablement besoin des plus importants changements dans le cadre de ce processus? Certains ont fait valoir que la gestion de l'offre devrait être l'un de ces piliers. À quel niveau des améliorations peuvent-elles être apportées? Je sais que les programmes offerts au Québec diffèrent quelque peu de ceux des autres provinces, mais pourriez-vous nous indiquer rapidement quels changements vous jugeriez nécessaires?

[Français]

    Monsieur Desjardins.
    La sécurité du revenu était déjà assurée par la stabilisation du revenu. Ce programme avait été élaboré par et pour des producteurs, et il fonctionnait assez bien. L'argent était très bien dépensé. Je comprends que le fédéral ait décidé de créer son propre programme, mais on a eu beaucoup de difficulté, certains problèmes.
    Si l'argent du PCSRA destiné au Québec avait été injecté au Québec, notre programme de sécurité du revenu aurait continué à fonctionner. Cependant, il faut trouver un moyen de le faire. Il faut aussi avoir un programme en cas de catastrophe. C'est le gouvernement fédéral qui est le mieux placé pour fournir ce genre de programme à la grandeur du Canada. On y a déjà eu recours dans le cas du déluge au Lac-Saint-Jean, et dans l'Ouest quand —
    Je n'ai jamais été victime d'un incendie, mais je suis prêt à payer tous les ans pour m'assurer contre les incendies. C'est un peu la même chose pour les catastrophes. M. Proulx a dit que les fermes du Québec étaient mixtes. Elles ont été développées de cette façon afin de diversifier la production. Quand une production est contingentée, cela veut dire que le niveau est égal. L'autre fait ça à côté, mais ça vient tout annuler.
(1205)

[Traduction]

    Est-ce quelqu'un d'autre veut commenter? Très rapidement, parce qu'il me reste encore une question.
    Monsieur Dancause, aviez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

    Comme M. Desjardins l'a dit, au Québec, on a développé... Il y a plusieurs paiements ad pensum dans mon secteur. J'habite près de la frontière, dans les hautes contrées, comme je l'ai mentionné dans mon allocution. On vit de l'acériculture. Plusieurs producteurs y vivent de la forêt. On produit aussi des céréales et du lait. Dès qu'on s'inscrit au PCSRA, on est pénalisé. Cette année, notre récolte de sirop est très faible. Le producteur qui produit uniquement du sirop d'érable et qui travaille aussi à l'extérieur sera avantagé parce qu'il pourra se prévaloir du programme. Mais pour moi, qui produit du lait et un peu de céréales, tout cela s'annulera. Je suis obligé de souscrire au PCSRA pour avoir des céréales et toutes sortes de choses. C'est problématique.

[Traduction]

    Je vais vous poser une dernière question. Si une nation, comme celle que nous formons tous au Canada, estimait que la sécurité alimentaire — la souveraineté alimentaire serait peut-être un terme plus approprié — est un objectif à atteindre et doit servir de base fondamentale pour l'élaboration de tous nos programmes agricoles, cela ne permettrait-il pas de concevoir des programmes plus efficaces, en sachant que, d'abord et avant tout, nous croyons au concept de sécurité alimentaire, tant pour nos modes de production qu'au niveau de l'accès à nos marchés pour les producteurs étrangers? Tous nos programmes s'articuleraient ensuite autour de cette base. Ne s'agirait-il pas d'un bon point de départ, d'un idéal à atteindre? Nous n'avons jamais exprimé cette volonté. Nous l'avons tenue pour acquise, mais nous ne l'avons jamais pas vraiment affirmée.

[Français]

    Au Québec, on aime bien parler de souveraineté. Je vais prendre le risque de parler de la production laitière, que je connais moins, car je suis un producteur de porc. On a visé les marchés mondiaux. À mon avis, la production laitière, qui est encadrée par un système de contingentement, ressemble à une forme de souveraineté.

[Traduction]

    Je ne veux pas vous interrompre, mais ce n'était pas vraiment ma question. Voici ce que je voulais savoir. Ne devrions-nous pas avoir une politique de souveraineté alimentaire au Canada, pas de souveraineté provinciale, mais bien de souveraineté alimentaire, qui nous permettrait d'être en contrôle de la situation pour nous assurer de bien nourrir nos concitoyens?
    Monsieur Desjardins.

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord sur cela. Quoi qu'ils en disent, les producteurs laitiers ont une souveraineté au Canada et ils vivent assez bien. Lorsque les gens nous demandent de ne pas produire de porc en vue de l'exportation car on n'en a pas besoin, je leur réponds qu'on pourrait le faire à la condition d'arrêter de manger des bananes, des pêches, etc.
    Les gens ne réalisent pas que si on achète des produits provenant d'autres pays, il faudra les payer un jour. Ils disent qu'il vaudrait mieux acheter le porc ailleurs plutôt que de le produire nous-mêmes. Mais avec quoi va-t-on payer? Si on ne fait rien, on paiera avec de l'argent Monopoly! Il ne faut pas en arriver à ressembler à un pays africain. Il est très important que nous puissions manger notre production locale. Ce serait l'idéal, un rêve, si les produits que les magasins vendaient étaient à 75 p. 100 canadiens et québécois. Lorsqu'on achète des produits d'ailleurs, il faut les payer.
    Demandez-le à n'importe qui dans la rue, vous verrez ce qu'il vous répondra : il ne sait pas cela.
(1210)
    Monsieur Dancause.
    Les Américains, qui sont mes voisins en plus, ont compris ce qu'était la souveraineté alimentaire. Ils offrent une aide au transport, qui est gratuit sur le fleuve. Leur armée fait du drainage pour les producteurs. On devrait avoir leur patriotisme. Je ne veux pas les vanter, mais les Américains subventionnent leur agriculture parce qu'ils ont compris qu'ils devaient produire de quoi nourrir leur pays. Lorsqu'ils constatent qu'ils manquent de pétrole, ils vont le chercher ailleurs.
    On devrait peut-être refermer un peu plus et regrouper les gens qui sont déjà en place, au lieu de défaire notre pays en freinant l'agriculture et en diminuant les subventions, peu importe le sens qu'on donne à ce mot. Les Américains l'ont compris avant nous. Ils ont adopté le Farm Bill et augmenté les subventions directes et indirectes, ce qui leur profitera au cours des prochaines années.
    Il faudrait trouver une façon détournée ou une autre, qui ne soit pas interdite au niveau des MP, d'aider l'agriculture en région et dans toutes les provinces, selon la particularité de chaque province. L'Ouest se consacre à l'élevage de bovins, et l'Est est multifonctionnel. Il existe aussi d'autres particularités. On devrait aller dans cette direction prochainement.

[Traduction]

    Vous n'avez plus de temps, monsieur Steckle.
    Monsieur Bellavance.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Desjardins.
    J'ai toujours trouvé qu'il était malheureux qu'on se fasse mener par les Américains. Si j'étais le premier ministre du Canada, je dirais aux Américains que c'en est assez et qu'on a deux choses qu'ils n'ont pas et dont ils ont besoin, que nous avons fini de marcher à quatre pattes. Les Américains ont besoin de notre pétrole et de notre eau. Je leur dirais également de cesser de subventionner les grains et de les exporter au Canada. Vous connaissez le procès sur les céréales, l'exportation, etc. Les Américains nous ont écoeurés au sujet de la vache folle. Ils n'ont pas de problème de vache folle parce qu'ils ne font pas de tests. C'est clair: ils n'en feront pas. Les Américains n'ont jamais été barrés et ne s'enfargent dans rien. Nous, on s'enfarge dans des pelures de banane. Je vais arrêter ici.
    Monsieur Dancause, je suis content que vous ayez parlé de la relève agricole. Nous avons entendu justement, plus tôt ce matin, un groupe de jeunes de la relève agricole de votre région. Comme notre temps était limité, je n'ai pas pu leur poser cette question parce qu'il y avait d'autres intervenants.
    Nous avons déposé une motion à quelques reprises et nous la déposons de nouveau. Cette motion concerne les mesures fiscales qui pourraient aider la relève agricole. Notre motion parle, par exemple, d'une sorte de régime d'épargne-transfert agricole qui permettrait à un producteur d'accumuler des fonds de retraite à l'abri de l'impôt, bien sûr, auquel le gouvernement contribuerait, comme il le fait dans le cas du Régime enregistré d'épargne-études, à condition qu'on maintienne la ferme en place.
    Notre motion propose également d'assouplir les règles concernant l'achat d'une maison au Québec, soit d'étendre le Régime d'accession à la propriété, ou RAP, à l'acquisition d'une entreprise agricole. Ce serait un REER qui permettrait d'acquérir une entreprise agricole. Une autre mesure pourrait viser à permettre le report de la déduction pour le gain en capital quand on transfère une ferme à un membre de la famille autre qu'un parent ou un enfant, par exemple, à un neveu ou une nièce. On pourrait aussi augmenter le montant admissible de la déduction pour gain en capital dans le cas de biens agricoles, lequel passerait de 500 000 $ à 1 000 000 $. Cela pourrait être une mesure intéressante. Évidemment, il faudrait transférer de l'argent de façon récurrente au gouvernement du Québec pour lui permettre d'adopter ces mesures.
    En gros, ce sont les mesures fiscales que propose notre motion. Je n'irais pas aussi loin que de dire qu'elles assureraient la pérennité de notre agriculture, mais permettraient-elles au moins de favoriser la relève agricole? Plusieurs jeunes de votre région sont intéressés par de telles mesures.
(1215)
    Monsieur Dancause.
    Ce sont tous de bons programmes qu'il faudrait mettre en oeuvre dans une perspective d'avenir. On parlait plus tôt de secteurs où il y a plus de roche et où les terrains sont plus difficiles à cultiver. Il ne s'agit tout de même pas de fermes du Grand Nord. Je pense que ce serait un avantage de plus pour ces régions, qui ne sont pas très prisées par les jeunes parce que ça demande beaucoup plus de travail. Il faudrait les encadrer dans des fermes de ce genre. Ça les inciterait à rester sur la ferme sans avoir à investir une fortune pour tenter d'avoir un revenu adéquat.
    Certains de mes employés, des jeunes, auraient envie d'avoir une ferme. Quand on en discute, ils me disent ne pas pouvoir investir autant d'argent sans savoir s'ils auront un revenu net annuel rentable. Je pense que ce serait avantageux d'appliquer des mesures de ce genre pour inciter les jeunes à exploiter une ferme ou à reprendre la ferme familiale. Il serait grand temps de le faire parce que nous sommes en train de perdre et la relève et les travailleurs. En effet, on a beaucoup de difficulté à trouver des travailleurs agricoles, étant donné la morosité du milieu. Les revenus insuffisants, la maladie de la vache folle, les problèmes dans le domaine du mouton, tout ça a causé des dommages. C'est une morosité qui affecte le secteur agricole. Je pense que l'application de ces mesures serait comme un baume.
    Merci.
    Monsieur Proulx.
    Si vous le permettez, je vais ajouter un commentaire.
    Monsieur Bellavance, j'ai près de 60 ans et j'ai quatre enfants. Deux d'entre eux ont décidé de prendre la relève, mais depuis ce temps, j'ai des problèmes. On dit toujours que les agriculteurs sont bien, mais qu'ils ont un point faible. Chaque année que le Bon Dieu m'a donnée et où j'ai travaillé, je n'ai jamais acheté de REER. Avec le petit peu qui me restait, j'essayais d'améliorer ma ferme. Ma ferme, c'est mon fonds de pension. Si je la vends, j'endette mes enfants pour le reste de leurs jours et ils ne s'en sortiront jamais. Si je leur donne, je vais être obligé de passer mes vieux jours avec comme seul revenu ma pension de vieillesse, et elle est un peu moins élevée que celle d'un député, je pense.
    Que faire? Si je la vends, je vais être imposé assez abondamment. J'ai un problème. Je suis obligé de composer avec mon point faible, et je ne pense pas être le seul dans cette situation. Ma ferme a toujours été mon fonds de pension, mais je pourrais être forcé de l'encaisser demain matin. Je dois faire face à mes enfants. Mes petits-enfants commencent eux aussi à me pousser dans le dos. Je ne sais pas comment on va procéder. C'est vrai qu'il s'agit d'un problème criant. La relève est inexistante et il y a des lacunes en termes de fiscalité et de sécurité du revenu.
     Monsieur Desjardins.
    Si on adopte des mesures pour la relève agricole, il faudrait qu'il y ait vraiment un transfert à la parenté ou à d'autres personnes. Si on accorde des exemptions d'impôt et que les gens s'en servent pour se mettre plus d'argent dans les poches, ça ne vaut rien. Il vaut mieux trouver des mesures qui vont vraiment faciliter le transfert. Je pense que c'est très important.
    Comme M. Proulx, je suis en train de procéder au transfert de ma ferme. Quand on possède une ferme de trois millions de dollars et qu'on doit un million de dollars, les gens pensent qu'on est riche, vu qu'on possède deux millions de dollars. En réalité, on est pauvre parce qu'on ne peut pas vendre sa ferme à ses enfants. Il faut trouver un moyen d'y arriver.
    En Gaspésie, on a mis sur pied un projet d'usine de papier. Deux millions de dollars par emploi ont été investis. Avec cet argent, le gouvernement aurait pu proposer à des jeunes qui sortaient de l'ITA de leur acheter une ferme d'un million de dollars pour qu'ils la cultivent, mais d'en rester propriétaire. Dans le cas où ces jeunes auraient réussi à rentabiliser l'entreprise, le gouvernement aurait pu leur vendre la ferme. Le gouvernement du Québec ou du Canada serait riche : en effet, les terres ont pris de la valeur. On investit dans des choses que l'on perd ensuite. La terre a de la valeur. Elle ne brûle pas. Quelqu'un peut-il m'affirmer que la valeur de la terre a diminué en 50 ans? Au contraire, elle a simplement pris de la valeur.
     Les gouvernements pourraient investir dans la terre et ne pas voir ça comme une dépense. Ils investissent toujours dans des choses qui perdent de la valeur. Ils devraient faire le contraire. Si les gens ne peuvent plus garder leurs terres parce que ça leur coûte trop cher, les gouvernements peuvent les céder à des jeunes ou à des moins jeunes qui seront performants.
(1220)
    Merci.

[Traduction]

    J'ai seulement deux courtes questions. Notre réunion tire à sa fin alors je vous demanderais d'être brefs dans vos réponses. Je vous en remercie à l'avance.
    Avant d'être politicien, alors que je débutais dans l'agriculture, j'avais un emploi à l'extérieur de la ferme comme responsable d'un centre d'évaluation génétique des taureaux où l'on mesurait le rendement, la qualité de la carcasse et différents facteurs semblables, comme cela se fait dans bon nombre des centres d'évaluation des béliers qui existent actuellement.
    J'ai toujours cru aux vertus de la recherche et de l'amélioration génétique, de la sélection des plantes et de la recherche liée à la production primaire. À l'heure actuelle, on s'intéresse davantage à l'innovation et à la mise en marché de nouvelles gammes de produits à valeur ajoutée.
    Je me demande donc ce qui est le plus important. La recherche et l'innovation constituent l'un des piliers du cadre stratégique de l'agriculture, mais sur quels aspects devons-nous concentrer nos efforts? La production primaire ou l'innovation? Une combinaison 60-40, ou 75-25?
    Seulement des réponses très brèves, s'il vous plaît
    Monsieur Desjardins.

[Français]

    À Sainte-Anne-de-la-Pocatière, on avait le plus beau des centres fédéraux, mais il a été fermé. Imaginez: un groupe d'individus a pris ce centre aux producteurs et se l'est approprié. Faire de la recherche fondamentale pour les producteurs nécessite des sous, et on ne les a pas. Dans le cas d'un transfert de technologie, les frais devraient à mon avis être partagés à part égale. Quelqu'un va devoir financer la recherche fondamentale. À Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il y avait aussi un programme de recherche sur les pommes de terre, mais tout ça a été aboli. Ce ne sont pas les producteurs qui l'ont aboli.
    Madame Méthot.

[Traduction]

    Dans le cas des productions animales de moindre envergure, qu'il s'agisse de lapin, d'agneau ou peu importe, il est notamment difficile de trouver du financement privé. Les entreprises privées ne considèrent pas qu'elles pourront réaliser de grands profits en investissant dans la recherche sur ce type de production. Il devient donc extrêmement difficile pour nous d'améliorer nos activités sans l'aide du gouvernement.
    Cette diversité est pourtant essentielle pour l'agriculture. La diversité est primordiale pour le concept de souveraineté alimentaire dont nous traitions tout à l'heure, ce qui rend d'autant plus importants les investissements à ce chapitre. Comme mon collègue le mentionnait, la recherche fondamentale s'éloigne un peu plus des producteurs, ou encore il peut être difficile de les inciter à investir eux-mêmes dans ce type de projets, mais c'est ainsi que doivent s'amorcer les transferts de technologie. J'estime donc que les gouvernements ont un rôle à jouer dans le financement de la recherche, mais que nos organisations doivent tout mettre en oeuvre pour obtenir également des fonds privés.
    Merci beaucoup.
    Nous n'avons plus de temps. Nous vous remercions d'avoir trouvé un peu de place dans vos horaires très chargés pour venir nous aider dans notre étude de ces questions. Nous allons donc en demeurer là pour l'instant. Il nous reste encore une journée de réunion dans notre tournée du pays et ce sera en Ontario. Nous allons nous assurer de produire un bon rapport que nous déposerons à la Chambre des communes. Nous vous sommes donc reconnaissants pour vos interventions et vos points de vue éclairés qui nous guideront dans la rédaction de ce rapport.
    Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour l'heure du repas. Nous allons reprendre nos discussions le plus rapidement possible après coup. Je crois que la reprise est prévue pour 14 h 15, mais si nous pouvions débuter un peu plus tôt, ce serait encore mieux.
    Merci beaucoup.