:
Merci, monsieur le président.
Ma déclaration liminaire est un peu plus longue que d'habitude et, si vous le voulez bien, je vais vous donner un aperçu du rapport de cette année.
[Français]
J'ai le plaisir, en tant que commissaire à l'environnement et au développement durable, de vous présenter mon sixième rapport. Les personnes qui m'accompagnent ce matin sont Neil Maxwell, Richard Arseneault, David McBain et Kim Leach.
Ce rapport est le fruit de 18 mois de travail et porte sur les activités du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques jusqu'à la mi-juin 2006. Lors de nos travaux de vérification, nous avons cherché à répondre à trois questions fondamentales: Le gouvernement est-il en voie de respecter ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre? Est-il prêt à aider les Canadiens à s'adapter aux répercussions des changements climatiques? Est-il organisé et gère-t-il bien ses activités?
La réponse à ces trois questions est non. Il devient de plus en plus évident que le Canada ne pourra réduire ses émissions de gaz à effet de serre comme il s'était engagé à le faire en vertu du Protocole de Kyoto. En fait, au lieu de diminuer, les émissions ont augmenté de 27 p. 100 depuis 1990.
Permettez-moi, ce matin, de vous présenter chacun des cinq chapitres de mon rapport.
[Traduction]
Le chapitre 1 est intitulé « La gestion des activités fédérales en matière de changements climatiques ».
Le chapitre 1 porte sur les mécanismes mis en place par le gouvernement fédéral pour gérer ses activités liées aux changements climatiques. Il traite également de la mesure dans laquelle il peut rendre compte des coûts et des résultats de ses initiatives, ainsi que des critères dont il s'est servi pour élaborer ses principales cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons aussi examiné de nouveaux moyens retenus par le gouvernement fédéral pour atteindre ses cibles en matière de changements climatiques. Il s'agit du système national d'échange des droits d'émission de gaz à effet de serre et de la fondation Technologies du développement durable Canada, mise sur pied pour faciliter la réduction des émissions de gaz à effet de serre au moyen de l'innovation technologique.
Les interventions du gouvernement n'ont été ni bien organisées ni bien gérées. Le gouvernement n'a pas défini son rôle comme chef de file, et n'a pas précisé les responsabilités de chaque ministère. Il n'a pas réussi non plus à se doter des outils essentiels pour mesurer ses progrès. Malgré de multiples annonces de financement depuis 1997, qui totalisent plus de six milliards de dollars, il n'y a toujours pas, à l'échelle du gouvernement, de système de suivi des dépenses et du rendement en matière de changements climatiques. Autrement dit, le gouvernement n'est pas en mesure de dire quels résultats il a obtenus grâce aux sommes investies.
Autres problèmes majeurs: le gouvernement n'a pas abordé de front la question des émissions produites par le transport et les grandes industries, les secteurs qui, ensemble, sont responsables de la majeure partie des émissions au Canada.
Pour ce qui est du secteur des transports, qui produit 25 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre, la seule mesure bien définie est une entente volontaire avec l'industrie de l'automobile visant à réduire de 5,3 millions de tonnes, d'ici à 2010, les émissions de gaz à effet de serre. Cela ne représente que 2 p. 100 de la réduction totale nécessaire pour respecter l'engagement pris en vertu du Protocole de Kyoto. De plus, nous avons constaté que cette entente ne répond pas à certains critères clés établis pour les ententes volontaires. Notons surtout l'absence de vérification indépendante du modèle par un tiers et le manque de données et de résultats qui serviront à déterminer les progrès.
Pour ce qui est des grandes industries, qui produisent 53 p. 100 de toutes les émissions, le gouvernement a constamment revu à la baisse, depuis 2002, leurs cibles de réduction. Ce secteur pourrait, selon les prévisions actuelles, ne réduire ses émissions que de 30 millions de tonnes sur le total prévu de 270 millions de tonnes qui seraient nécessaire pour respecter les engagements pris en vertu du Protocole de Kyoto. En d'autres mots, d'après les données disponibles au moment de notre vérification, ces deux secteurs qui sont responsables de 78 p. 100 de toutes les émissions au Canada contribueraient seulement à réduire d'à peu près 20 p. 100 ces émissions. Même si les mesures proposées étaient mises en oeuvre, elles ne feraient que, dans le meilleur des cas, ralentir la croissance des émissions de gaz à effet de serre, et non la réduire.
Les deux principaux outils pour ce faire, le système des grands émetteurs finaux et le système national d'échange de droits d'émission, sont toujours en chantier après plus de quatre ans. Des problèmes compromettent leur succès, et le système national d'échange pourrait coûter cher aux contribuables. Il reste encore à préciser si le gouvernement mettra en oeuvre les principales mesures prévues dans son ancien plan, à savoir le système des grands émetteurs finaux, le système national d'échange des droits d'émission, le fonds pour le climat et le système de compensation, ainsi que les modalités de la mise en oeuvre de ces mesures.
[Français]
Le chapitre 2 s'intitule « L'adaptation aux répercussions des changements climatiques ».
Ce chapitre porte sur l'adaptation. Le Canada s'est engagé à aider la population à affronter les répercussions des changements climatiques. Les Canadiens doivent être préparés à faire face à des phénomènes comme la propagation des organismes nuisibles et des maladies, des sécheresses plus fréquentes dans les Prairies et des périodes de chaleur et de smog plus longues et plus intenses.
Malheureusement, encore plus qu'ailleurs, les efforts du gouvernement consacrés jusqu'à maintenant aux mesures d'adaptation ont été décevants. En dépit des engagements pris à cet égard depuis 1992, le gouvernement fédéral n'a aucune stratégie qui précise la manière dont il compte gérer les effets des changements climatiques. Une telle stratégie indiquerait aussi les responsabilités de chaque ministère et la manière dont les décideurs pourraient accéder aux renseignements importants sur les climats.
Par exemple, la conception des égouts pluviaux pourrait devoir être modifiée en fonction des nouvelles données sur les pluies torrentielles. L'absence de progrès importants dans la mise en oeuvre de mesures d'adaptation menace le bien-être économique et social des Canadiennes et des Canadiens.
[Traduction]
Le chapitre 3 s'intitule « La réduction des émissions de gaz à effet de serre attribuables à la production et à la consommation d'énergie ».
Le chapitre 3 porte sur trois programmes de Ressources naturelles Canada qui ont chacun reçu au moins 100 millions de dollars afin de réduire les gaz à effet de serre attribuables à la production et à la consommation d'énergie: encouragement à la production d'énergie éolienne, dans le secteur des énergies renouvelables; EnerGuide pour les maisons existantes, programme qui a été aboli en mai 2006 et qui portait sur l'efficacité énergétique; programme d'expansion du marché de l'éthanol, dans le secteur des carburants renouvelables.
Bien que ces programmes aient donné des résultats, il a été difficile de déterminer dans quelle mesure ils avaient contribué aux réductions d'émissions prévues parce que leurs objectifs de réduction n'étaient pas clairs. De plus, peu d'information a été communiquée sur l'argent dépensé et les résultats obtenus.
Nous nous attendions à ce que Ressources naturelles Canada ait informé la population canadienne de la mesure dans laquelle les programmes ont contribué à réduire les gaz à effet de serre. Mais nous nous demandons comment les parlementaires peuvent évaluer l'efficacité de ces programmes si les objectifs de ces derniers sont flous et si l'information à leur sujet est plus ou moins bien communiquée au public.
Le chapitre 3 examine également les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour réduire les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur pétrolier et gazier. Nous avons constaté que dans la lutte qu'il mène contre les changements climatiques, le gouvernement fédéral n'a pas tenu compte de l'essor sans précédent de l'industrie pétrolière et gazière. Les émissions résultant de l'exploitation accrue des sables bitumineux pourraient doubler d'ici 2015. Cette augmentation pourrait ainsi annuler tout autre effort de réduction des émissions.
[Français]
Le chapitre 4, qui s'intitule « Les stratégies de développement durable », porte sur les stratégies de développement durable considérées par le gouvernement fédéral comme un outil important grâce auquel il peut progresser vers le développement durable.
Les constatations de la présente vérification sont de bon augure, jusqu'à un certain point. Dans les trois quarts des cas que nous avons examinés, les ministères ont réalisé des progrès satisfaisants quant à la mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre de leur stratégie. Nous avons constaté que les ministères qui n'avaient pas fait de progrès satisfaisants ne disposaient généralement pas de système de gestion efficace. Il est troublant de constater qu'après 10 ans, certains ministères ne sont toujours pas à la hauteur.
Le gouvernement n'a toujours pas honoré son engagement de longue date consistant à définir un plan général en faveur de l'environnement et du développement durable. Pourtant, il avait récemment promis de le faire avant le milieu de 2006. Le comité souhaitera peut-être demander au gouvernement pourquoi il n'a pas respecté son engagement.
Enfin, le chapitre 5 porte sur les pétitions.
[Traduction]
Le chapitre 5 comporte deux sections: le rapport annuel sur le processus de pétitions en matière d'environnement, et les résultats de notre vérification d'un engagement pris par Ressources naturelles Canada, Environnement Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada d'acheter, avant 2006, 20 p. 100 d'électricité provenant de sources d'énergie verte.
Il est intéressant de constater que, de plus en plus, les Canadiens soulèvent, dans les pétitions en matière d'environnement, des questions sur les changements climatiques et la qualité de l'air. Les Canadiens sont informés et ils s'inquiètent des changements climatiques.
La plupart des réponses données étaient pertinentes; d'autres ne l'étaient pas. Par exemple, la réponse du ministère des Finances à la pétition no 158 portant sur les subventions accordées à l'industrie pétrolière et gazière et les initiatives fédérales visant à lutter contre les changements climatiques n'était pas pertinente. Le comité souhaitera peut-être demander au ministère des Finances d'expliquer clairement la mesure dans laquelle ce secteur est subventionné.
Nous avons constaté que le gouvernement n'avait pas été en mesure de respecter son engagement d'acheter, avant 2006, 20 p. 100 d'électricité provenant de sources d'énergie vertes, comme il s'était engagé à le faire dans une réponse donnée à une pétition en 2002. Par conséquent, le gouvernement n'a pas contribué autant que prévu à la réduction des gaz à effet de serre au Canada.
[Français]
À l'issue de nos travaux, j'en viens à la conclusion que le gouvernement fédéral a fait trop peu et a agi trop lentement pour donner suite aux engagements du Canada en matière de changements climatiques.
Le gouvernement devra redoubler d'efforts. J'ai recensé cinq mesures qui, selon moi, sont primordiales: exercer un leadership soutenu; intégrer les enjeux énergétiques et les changements climatiques; élaborer un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre; promouvoir les mesures d'adaptation et assurer la gouvernance ainsi que la reddition de comptes.
Chacune de ces mesures est importante et le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership à l'égard de chacune d'entre elles.
Je considère que les parlementaires ont une occasion unique de prendre en compte les préoccupations que j'ai soulevées dans mon rapport. En fait, les fonctionnaires doivent répondre à diverses questions, incluant les suivantes: Des progrès ont-il été réalisés en vue d'établir un système efficace pour recueillir et communiquer l'information sur les dépenses et les résultats? Comment les rôles et les responsabilités des ministères seront-ils précisés? Quels mécanismes seront mis en place pour coordonner les activités fédérales? Quelles leçons ont été tirées à la suite de l'examen des programmes de lutte contre les changements climatiques mené par le Conseil du Trésor? Comment cette information sera-t-elle communiquée et utilisée? Comment les ministères arrivent-ils à préciser les résultats escomptés de leur programme de réduction des gaz à effet de serre? Comment les résultats obtenus seront-ils communiqués?
Le gouvernement a accepté toutes mes recommandations. Je m'attends donc à ce que, dans son nouveau plan, le gouvernement précise clairement comment mes recommandations seront considérées. Dès que le nouveau plan de lutte contre les changements climatiques sera prêt, les parlementaires pourront évaluer comment le gouvernement a donné suite aux recommandations précises formulées dans mon rapport, ainsi que les mesures prises relativement aux cinq mesures qui sont, selon moi, garantes de progrès futurs.
Voilà ce qui termine ma déclaration d'ouverture. Mes collègues et moi serons ravis de répondre à vos questions.
:
La section à laquelle vous faites allusion porte le titre « Intégrer les enjeux énergétiques et les changements climatiques ».
Dans le cadre de la vérification, il est devenu évident, assez rapidement, que le développement économique était à la hausse, de même que la consommation et la production énergétiques, et que dans ce contexte, les changements climatiques étaient un enjeu.
La question était de savoir comment on réconcilierait deux objectifs qui peuvent sembler, à première vue, diamétralement opposés. Le principe ici est de pouvoir dissocier croissance économique et production énergétique. Il s'agit de s'orienter vers une transformation qui permet de diminuer le plus possible l'utilisation des énergies fossiles.
On sait que d'autres pays, entre autres la Suède, ont réussi à dissocier ces deux éléments. Ce n'est pas impossible. Évidemment, on pourra toujours appliquer des programmes ou des mesures qui réduiront les gaz à effet de serre, mais ce dont nous parlons ici, c'est de la nécessité d'effectuer une réflexion en profondeur pour s'assurer de continuer sur la voie du développement économique tout en tenant compte des impératifs que cela entraîne. Il faut pour ce faire que la gestion soit plus efficace. On parle donc de conservation d'énergie et d'utilisation d'énergie renouvelable.
Ce n'est pas à nous de déterminer le modèle. Nous disons simplement que vous parlez actuellement d'approche, mais que nous n'avons rien vu, dans le cadre de notre vérification, qui donne à penser qu'il existe une approche fédérale visant à réconcilier le développement énergétique et la réduction des gaz à effet de serre.
A priori, il nous faut un élément de cette nature. C'est pourquoi on a mentionné, entre autres, la présentation du ministre Lunn devant votre comité en juin dernier selon laquelle il y aurait un document d'orientation sur le développement énergétique au Canada.
À notre avis, il est important que l'on connaisse l'orientation générale et que les Canadiens puissent se positionner relativement à l'approche suggérée. Par la suite, il s'agira de mettre en oeuvre les programmes afin d'atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Vous avez commencé vos observations, tant dans votre rapport que ce matin, en disant qu'il est de plus en plus évident que le Canada ne réussira pas à respecter les engagements qu'il a pris dans le cadre du Protocole de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Vous avez parlé du manque de cibles et du manque de planification. Ma question est liée à la gouvernance et à la reddition de comptes.
À la page 17 de votre tour d'horizon, vous avez parlé de l'importance de la bonne gouvernance:
La planification, la gestion et le rendement forment un tout indissociable. Un bon plan est important, mais il est tout aussi important d'agir et d'arriver à des résultats. La gouvernance efficace et la bonne reddition de comptes sont à la base de tous les secteurs stratégiques. Elles sont encore plus essentielles dans des dossiers complexes, horizontaux et à long terme comme les changements climatiques.
Vous avez par la suite une liste à puces:
À la définition claire des rôles, des responsabilités et des pouvoirs de tous les ministères et organismes fédéraux;
à la conception et à la mise en place de mécanismes de coordination des activités de tous les ministères et organismes fédéraux;
au suivi régulier du rendement de tous les programmes...
Mes collègues d'en face ont parlé du rapport annuel. Nous sommes d'accord avec ses recommandations. La recommandation 288, bien entendu, nous ramène non seulement à l'établissement annuel de rapports, mais également à un système qui, pendant 13 ans, ne fonctionnait pas. Nous avons un plan qui, selon nous, comporte des résultats pouvant être atteints, pour ce qui est de la question des changements climatiques.
Votre conclusion fait référence au paragraphe suivant. Vous avez indiqué que la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation aux effets actuels et futurs des changements climatiques constituent des défis. Il s'agit d'un long processus, et il pourrait y avoir des écueils. Les Canadiens devraient pouvoir s'attendre à ce que le gouvernement fédéral maintienne le cap jusqu'à ce que des solutions durables soient créées. C'est dans notre intérêt. Vous avez indiqué que nous sommes à la croisée des chemins, et je suis tout à fait d'accord.
Croyez-vous que nous avons commis une erreur lorsque nous avons établi nos cibles initiales dans le cadre de Kyoto, en ne réalisant pas les analyses suffisantes? D'après ce que vous avez dit, je présume que la réponse est oui, mais je veux simplement confirmer qu'il est important pour vous de disposer d'un plan bien établi, au moyen de consultations et d'analyses pertinentes — au plan social et environnemental — et qui serait réel et pourrait être atteint et pour lequel le gouvernement pourrait prendre des mesures.