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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Je veux d'abord remercier nos témoins.
    Je sais que certains d'entre vous ont eu de la difficulté à se libérer. Certains sont venus uniquement pour la réunion; M. Jaccard a pris un vol de nuit. Nous vous sommes très reconnaissants de vos efforts.
    Veuillez vous en tenir à une dizaine de minutes. Nous avons un chronomètre qui nous dit depuis combien de temps vous parlez. Si vous me voyez m'agiter, vous comprendrez que vos dix minutes sont écoulées et que nous allons passer aux questions.
    Commençons par M. Page.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'appelle Bob Page. Je suis vice-président, Développement durable, pour la TransAlta Corporation à Calgary.
    Nous sommes le principal fournisseur privé d'électricité au Canada. Nous avons des actifs au Canada, dans sept États américains, au Mexique et en Australie. Nous sommes une réussite canadienne en matière d'internationalisation. Pour produire de l'énergie, nous utilisons le charbon, le gaz naturel, l'hydroélectricité, le vent et la géothermie. Nous sommes des pionniers en matière de compensations et d'échange de droits d'émissions.
    Avant d'aborder le projet de loi, je veux souligner que notre stratégie de lutte contre le changement climatique consiste à nous améliorer constamment. Nous sommes actuellement à 8,8 p. 100 en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ce qui est bien inférieur à nos niveaux de 1990 — et notre capacité a augmenté de 77 p. 100. Nous avons connu une très forte croissance en Alberta et sur le marché international.
    Au Canada, nous sommes des pionniers des projets de compensations et d'échange de droits d'émissions — je parle du captage du CO2. Nous sommes le principal investisseur du secteur éolien au Canada. Nous sommes aussi un intervenant majeur dans le domaine de la géothermie en Californie.
    Comme plusieurs autres témoins ce matin, nous nous intéressons beaucoup à la bioénergie. Je préside actuellement BIOCAP Canada, qui a témoigné devant le comité antérieurement.
    En matière de changement technologique, dès que le cadre stratégique public sera en place nous sommes déterminés à développer le charbon écologique, une technologie qui englobe la gazéification du charbon, le captage de toutes les émissions et des impuretés et leur stockage souterrain. Dans ce domaine, notre société vise l'élimination totale des émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2024. Elle a pris cet engagement en 2000, et nous espérons que le cadre de politique publique nous permettra de respecter notre échéancier.
    Nous avons été invités à traiter de la politique canadienne devant le comité de l'environnement du Sénat américain en raison de l'intérêt qu'elle suscite sur la scène internationale.
    Aujourd'hui, je veux parler brièvement du coût des cibles de Kyoto. C'est le contexte du projet de loi, et mes opinions seront peut-être différentes de celles de mes distingués collègues.
    La cible était de 270 mégatonnes dans le plan Martin, en 2005, et elle a augmenté depuis. Actuellement, nous sommes à environ 35 p. 100 de cette cible de moins 6 p. 100 relativement aux niveaux de 1990. C'est plus difficile au Canada que dans tout autre pays. Le plan de 2005 regroupait des entreprises comme la mienne dans un programme de grands émetteurs finaux qui devaient couvrir environ 15 p. 100 de la cible canadienne.
    D'autres parties du plan s'appuyaient sur des estimations approximatives. Nous y étions favorables, mais elles étaient approximatives en termes de réalisme.
    Les 190 mégatonnes restantes seraient venues d'achats internationaux, à 20 $ la tonne d'après les estimations de la vérificatrice générale. Cent quatre-vingt-dix mégatonnes fois 20 $ la tonne pendant cinq ans, cela donne un coût de 19 milliards de dollars pour le Canada. C'est un lourd fardeau pour le contribuable canadien.
    Certains de ces crédits internationaux, notamment le vent de la Russie, n'offraient aucun avantage environnemental. Les formalités et la corruption accompagnant l'achat de droits d'émissions compliquaient énormément le projet. J'ai passé un certain temps en Russie pour examiner cette question, je sais donc de quoi je parle.
     J'essaie simplement de préciser le contexte de mon exposé.
    Je veux aussi aborder très rapidement la question des centrales thermiques. Le secteur de l'électricité au Canada est généralement la propriété des provinces; il est entièrement réglementé par les provinces. Il ne faut pas l'oublier. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, le Saskatchewan et l'Alberta s'intéressent aux centrales thermiques.
    Pour notre société et nos partenaires du PPA — les grossistes qui vendent notre électricité —, le coût économique du plan Martin pour les GEF serait d'environ 37 millions de dollars par année. Le total sur cinq ans pour notre société et nos partenaires du secteur de l'électricité atteindrait 185 millions de dollars. C'est notre estimation, compte tenu de certaines incertitudes liées au marché.
    Le coût pour l'ensemble du réseau d'électricité albertain a été estimé à environ 1,4 milliard de dollars pour cette période. Avec la Loi sur la qualité de l'air, nos coûts seraient égaux sinon supérieurs, en particulier pour le mercure. Il faut les ajouter aux coûts du changement climatique que notre entreprise devra absorber.
    Le charbon écologique est pour demain, mais cette solution ne pourra pas être commercialisée avant 2012. C'est la difficulté que soulève le projet de loi relativement aux échéances de Kyoto. Deuxièmement, il y a des coûts d'investissements de 25 p. 100 et une prime de fonctionnement de 25 p. 100 qu'il nous faudra payer.
    Quant aux cibles, à notre avis, l'ampleur de la cible canadienne est irréaliste; il est trop tard. Le comité doit examiner attentivement les échéances et les coûts liés à l'atteinte de cette cible ainsi que les questions d'équité au Canada. Selon moi, il ne s'agit pas tant de la cible. C'est une question d'échéancier. Notre société est prête à accepter les cibles si elle peut les intégrer sur le plan technologique.
    Le gouvernement n'a pas encore d'outils politiques adaptés au changement climatique. J'ai coprésidé une des tables sectorielles sur ce sujet il y a plusieurs années, et nous avons examiné la question en détail dans d'autres tribunes. Pour évaluer les cibles, nous devons reconnaître qu'au pays, le programme de GEF de Martin aurait couvert de 25 à 30 p. 100 de notre cible de Kyoto. Si vous mettez l'accent sur la politique nationale, quelles nouvelles mesures proposez-vous pour porter cela à 100 p. 100 plutôt qu'à 30 p. 100? À notre avis, et très respectueusement —, ce projet de loi ne vaut rien en l'absence d'un plan de mise en oeuvre qui préciserait les coûts connexes.
    Je comprends la frustration des membres du comité relativement à Kyoto. Par contre, je dois dire, au nom de nos clients et de nos actionnaires, que tout cela doit être intégré à un programme réaliste et viable.
    Par ailleurs, selon nous, la plupart des pays signataires du Protocole de Kyoto n'atteindront pas leurs cibles. Je suis allé deux fois en Europe depuis un mois, aux réunions de l'Agence internationale de l'énergie et à d'autres réunions de ce secteur. Les compensations dans le système de crédits et d'échange de droits d'émissions ne seront pas établies avant cinq ans. Alors, s'il vous plaît, dans ce dossier il faut prévoir un retard pour l'atteinte des cibles de Kyoto.
    L'accent aujourd'hui doit surtout porter sur l'après–2012, car je pense que nous aurons de véritables défis à relever pour progresser. Nos investisseurs ont besoin de certitude pour investir dans les usines au charbon ou les projets de compensations.
    Finalement, je veux souligner que si nous pouvons définir rapidement un cadre stratégique, le Canada pourra vraiment s'imposer comme leader mondial en matière de charbon écologique et de captage et dans d'autres dossiers du changement climatique...
    Pour terminer, monsieur le président, à mon avis, la question est très grave car nous proposons dans le cadre de Kyoto un échéancier irréaliste pour l'industrie, en particulier pour les grands émetteurs finaux comme nous. La seule façon d'aborder le problème est l'achat de très grandes quantités de crédits internationaux. D'après mon expérience du marché international, je ne suis pas convaincu que cela soit très productif, certainement pas dans le cas de la Russie ou de l'Ukraine, sur le plan environnemental.
(0910)
    Deuxièmement, notre société n'a pas les moyens d'acheter de grandes quantités de crédits pour se conformer immédiatement aux conditions de Kyoto tout en finançant le changement technologique essentiel à long terme pour réduire sensiblement les émissions après la période visée par Kyoto.
    Troisièmement, nous voulons souligner l'importance du changement technologique à long terme, qui constitue la véritable solution et qui permettra de garder les fonds au Canada, pour prendre des mesures qui profiteront ultérieurement à notre pays.
    Quatrièmement, notre société pourra largement dépasser les objectifs de Kyoto en adoptant cette approche à long terme qui prévoit des réductions considérables. Comme je l'ai dit, nous nous sommes engagés à atteindre la neutralité en matière de carbone d'ici 2024, et c'est un important engagement pour une entreprise d'énergie thermique.
    Finalement, si nous tentons d'atteindre les cibles immédiates et à court terme de Kyoto nous découragerons le type d'investissement propice au changement technologique essentiel pour atteindre les objectifs à long terme au Canada et dans le monde.
    Monsieur le président, merci.
(0915)
    Merci beaucoup, monsieur Page.
    Monsieur Jaccard.
    J'enseigne à l'Université Simon Fraser, à Vancouver, depuis 1986. Je suis spécialiste des systèmes d'énergie renouvelable et de la modélisation des systèmes énergétiques, en particulier les modèles d'économie d'énergie qui évaluent les coûts de l'atténuation ou de la réduction de divers coûts sociaux et autres préjudices causés par les systèmes énergétiques, qu'il s'agisse d'émissions de gaz à effet de serre ou d'autres facteurs, y compris l'utilisation des terres, etc.
    J'ai commencé à enseigner il y a 20 ans, mais j'ai pris cinq ans de congé au milieu des années 1990 pour occuper le poste de président et chef de la direction de la commission britanno-colombienne des services publics. J'ai aussi collaboré avec diverses organisations internationales. Dans les années 1990, j'ai été membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a produit le deuxième rapport d'évaluation. Pendant quelques temps, j'ai été membre du conseil chinois, un groupe de sept spécialistes internationaux qui conseille de hauts responsables du gouvernement chinois au sujet des énergies renouvelables. Ces expériences concrètes et la modélisation de systèmes énergétiques sous-tendent mes recherches et mes travaux.
    Entre 1998 et 2000, le processus national de lutte contre le changement climatique a chargé mon groupe de recherche sur l'énergie et son volet consultatif ainsi que quelques autres équipes de modéliser des systèmes économiques dans le domaine de l'énergie, pour voir comment nous pourrions atteindre les cibles de Kyoto. Notre analyse portait sur tous les types de mesures, les choix technologiques, les changements de comportement, etc. Nous avons examiné la rotation du capital national, c'est-à-dire le temps qu'il faut pour que les nouvelles technologies s'implantent sur les marchés. Nous avons utilisé les cibles de Kyoto dans nos modèles et produit l'information qui a ensuite été exposée dans le rapport national issu de tout ce processus.
    Notre étude montrait que pour atteindre les cibles de Kyoto le Canada devait imposer immédiatement une taxe de 150 $ par tonne de CO2. Au départ, nous avions prévu 120 $, mais c'était parce que nous avions reçu des renseignements peu fiables sur les comportements dans le domaine des transports. Moins de six mois après l'élaboration du modèle, nous avons refait nos calculs et obtenu la somme de 150 $ la tonne. Cette taxe sur le carbone devrait être imposée immédiatement. Nous avons aussi calculé les divers effets des coûts énergétiques, etc.
    Ce qui m'a ennuyé, comme chercheur et expert-conseil, c'est que le gouvernement a accepté nos résultats sur la réduction des gaz à effet de serre mais qu'il n'a pas adopté les politiques recommandées. Il a plutôt abord choisi des mesures volontaires, des programmes d'information et des subventions qui, d'après notre analyse, ne suffiront tout simplement pas à stimuler le changement technologique et comportemental requis pour réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre. Nous parlons de réductions considérables car le Canada risque fort, en raison de facteurs comme la démographie et la croissance économique, de dépasser la plupart des pays de l'OCDE. Nous sommes un pays riche en énergie, et cela nous distingue aussi très nettement de la plupart de nos partenaires de l'OCDE.
    Ces facteurs sont en hausse, et ils figurent dans notre modèle. Nous avons rapidement conclu qu'il faudrait adopter immédiatement une politique très stricte si nous voulions obtenir des résultats, mais il n'en a pas été ainsi. Les politiques adoptées auront très peu d'effets, d'après des spécialistes indépendants qui comptent parmi les chercheurs les plus respectés que je connaisse — des gens de Harvard, Stanford, Cambridge, etc., avec qui j'ai beaucoup travaillé dans de tels dossiers.
    Parce que la politique n'a pas été implantée, j'ai décidé de rédiger mon propre ouvrage sur le sujet. Je l'ai intitulé The Cost of Climate Policy. Au moins, la postérité saura que j'avais essentiellement prédit que les émissions canadiennes continueraient d'augmenter malgré les politiques mises en oeuvre.
    Je crois qu'on devait distribuer... Est-ce que quelqu'un l'a? Vous avez la liste des diverses politiques instaurées jusqu'ici. Elles portent essentiellement sur l'information et certaines subventions. Ce n'est pas le genre de politiques qui nous permettra de renverser la vapeur en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
(0920)
    J'ai deux ou trois choses à ajouter à mon introduction. Très tôt, je me suis étonné d'entendre certaines personnes affirmer qu'il ne fallait rien faire au sujet du changement climatique parce que nous n'étions pas absolument certains d'influer sur le climat. Ce n'est pas ainsi que l'on prend des décisions dans notre société. Nous n'avons jamais procédé ainsi. Il existe un risque. Les spécialistes nous disent qu'il existe un risque. Nous pouvons effectuer une analyse adéquate et déterminer les mesures à prendre immédiatement et à long terme.
    En 1995, en 1998 et encore aujourd'hui, j'ai conclu que nous devions adopter immédiatement des politiques strictes, d'abord modestes, pour envoyer un signal d'intensité croissante. Les seules politiques qui produiront une réduction des émissions de gaz à effet de serre sont celles qui imposent un fardeau financier ou une contrainte réglementaire à ceux qui utilisent l'atmosphère comme poubelle. Cela est inévitable. Les politiques mises en oeuvre et les expériences réalisées ces dix dernières années en Europe et ailleurs, pas seulement au Canada, le montrent bien. Quand je parle aux spécialistes du monde, qui sont indépendants entre autres des partis politiques, ils sont unanimes au sujet des types de politique nécessaires.
    Nous parlons beaucoup... Si nous imposons une taxe sur le carbone, comment devrons-nous nous y prendre — très progressivement. Mais cela enverrait le type de signal dont Bob dit que son entreprise a besoin pour savoir que les investissements se feront suivant des règles du jeu équitables pour elle et ses concurrentes. Et il faut indiquer aux clients les effets à prévoir sur les coûts. Vous parlez de millions de dollars, mais je pense qu'il faut parler en termes de cents par kilowatt-heure; les chiffres sont alors moins intimidants. Quand j'interroge des gens, ils proposent en général un quart de cent par kilowatt-heure sur 10 ou 15 ans. Ils sont prêts à payer ce montant pour réaliser des réductions progressives.
    Voilà le cadre stratégique. Nous savons que les politiques existent. Des gens ont beaucoup travaillé là-dessus. Au Royaume-Uni, on applique nombre de ces politiques. Il existe une taxe sur le carbone, mais pas uniforme. Il existe aujourd'hui un système de plafond et d'échange de droits en Europe. Le resserrement des règlements sur l'efficacité sont assortis de certaines subventions pour l'habitation à loyer modique, etc. Toute la politique est progressivement instaurée.
    Mon grand message, finalement, concerne d'abord les coûts que représenterait pour le Canada l'atteinte des cibles de Kyoto. J'ai des chiffres. Ces coûts sont très semblables à ceux dont Bob vient de parler. Mais s'il y a aujourd'hui au Parlement trois ou même quatre partis qui veulent faire quelque chose au sujet du changement climatique, c'est le temps de formuler une loi pour imposer des contraintes réglementaires ou des amendes qui s'appliqueront dès demain et augmenteront peu à peu. Je crois qu'il nous faut absolument quelque chose de ce genre.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Jaccard.
    Monsieur Bruce.
    Merci, monsieur.
    Pour commencer, je dois dire que j'ai été sous-ministre adjoint à Environnement Canada pendant des années. J'ai ensuite été sous-secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale, à Genève, où j'ai collaboré à l'établissement du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
    Je veux examiner quelques-uns des principaux impacts du changement climatique au Canada et essayer d'expliquer les coûts de l'inaction dans ce dossier.
    Il a été clairement montré que, jusque vers le milieu des années 1960, les facteurs naturels comme les variations de l'énergie solaire, de l'orbite terrestre, etc., avaient eu une influence considérable sur les fluctuations des températures moyennes et du climat dans le monde, mais que depuis 1970 le réchauffement rapide que nous constatons était presque entièrement dû aux gaz à effet de serre. C'est la seule explication raisonnable. Le changement climatique des prochaines décennies sera également régi principalement par l'augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère mondiale.
    La température de l'air n'est pas le seul signe du changement climatique. Le réchauffement atmosphérique s'accompagne d'un réchauffement des couches supérieures des océans. Ce réchauffement a deux conséquences malheureuses et même dévastatrices.
     Premièrement, l'eau qui se réchauffe prend du volume, et le niveau des mers monte. Deuxièmement, les ouragans et les tempêtes tropicales sont plus intenses, il suffit de penser à l'ouragan Katrina ou à l'ouragan Juan qui a frappé Halifax. Leur intensité augmente car leur énergie vient de la chaleur stockée dans les couches supérieures des océans.
    Comment ces changements touchent-ils le Canada? De bien des façons, et surtout négativement, mais pas toujours. La hausse du niveau marin accentue déjà l'érosion des rives, elle nous oblige a déplacer des bâtiments dans le nord, à Inuvik, et des routes sur la rive nord du Québec. Charlottetown et Delta, en Colombie-Britannique, sont particulièrement exposées à cette menace, surtout lors des tempêtes.
    Le changement se manifeste aussi par une réduction des débits de la plupart des rivières dans le sud du Canada, où est concentrée notre population, en raison de l'évaporation accrue, les températures élevées ayant plus d'effets que les modestes fluctuations des précipitations. Le niveau diminue dans la plupart des rivières et des lacs, que nous partageons avec les États-Unis, et cela complique d'autant le partage de ces eaux et la lutte contre la pollution de l'eau.
    Les Prairies sont particulièrement touchés par le retrait glaciaire, et le niveau de l'eau monte dans le cours supérieur des rivières des Rocheuses — malgré l'évaporation plus marquée.
    Le débit de la rivière Athabasca à Fort McMurray, principale source d'eau pour les projets des sables bitumineux, ne cesse de diminuer. Les projets des sables bitumineux utilisent de grandes quantités d'eau, de deux à 4,5 litres environ pour chaque litre de pétrole produit.
    L'investissement estimatif de 125 millions de dollars dans les projets des sables bitumineux entraînera, dans 10 ou 12 ans, une pénurie d'eau dans la rivière Athabasca en périodes de basses eaux, et il sera impossible de satisfaire à la fois aux besoins des sables bitumineux et à la nécessité spécifiée par l'Alberta de protéger les écosystèmes aquatiques et les populations en aval dans le réseau fluvial.
    Dans les Grands Lacs, les niveaux diminuent, et l'évaporation est plus marquée en automne et en hiver parce que les lacs sont plus chauds et moins couverts de glace. Les débits du Niagara diminuent depuis 1970, et l'on prévoit que la production d'hydroélectricité diminuera de 17 p. 100 d'ici 2050 en Ontario et au Québec, le long du Saint-Laurent.
    La valeur estimative de la production d'hydroélectricité perdue serait de 350 à 500 millions de dollars par année.
    Les pertes attribuables à des catastrophes d'ordre climatique augmentent au Canada: on constate de fortes pluies provoquent des inondations — surtout en zone urbaine — et des refoulements, des sécheresses intenses et des tempêtes plus violentes en automne et en hiver, surtout au Canada atlantique.
    Les forêts sont de plus en plus attaquées par les insectes et les maladies, par exemple le dendroctone du pin en Colombie-Britannique et maintenant en Alberta, et par les incendies de forêt. La superficie brûlée au Canada a augmenté de 800 000 kilomètres carrés pour une année moyenne depuis les années 1970, suite à l'augmentation des températures.
    Les glaces arctiques disparaissent rapidement, ce qui menace le mode de vie autochtone, la faune et la souveraineté canadienne.
    Le pergélisol est en régression, en particulier le long de la vallée du MacKenzie, et les routes de glace hivernales sont utilisables pendant une période beaucoup plus brève qu'il y a 20 ou 30 ans. Cela compliquera la construction du gazoduc de l'Arctique, qui devait coûter 12 milliards de dollars mais qui sera beaucoup plus cher et beaucoup plus difficile à construire sans danger.
(0925)
    L'agriculture présente un bilan mitigé. La saison de croissance plus longue comporte certains avantages, mais des études récentes révèlent une augmentation des températures nocturnes, une caractéristique du changement climatique. Les températures nocturnes sont plus élevées que les températures diurnes et réduisent le rendement du blé.
    Les problèmes de santé dans le monde sont aussi aggravées par la chaleur et l'avancée de maladies tropicales comme la malaria et la dengue et des maladies diarrhéiques. Ces problèmes, d'après les estimations, provoquent actuellement 150 000 décès par année dans le monde — c'est le nombre dû au changement climatique — et cinq millions de cas de maladies supplémentaires.
    Je crois que Quentin Chiotti pourra peut-être vous en dire plus sur les conséquences pour la santé au Canada.
    Même si nombre des effets négatifs peuvent être atténués grâce à des mesures adaptées, dont quelques-unes sont déjà en cours d'implantation dans les grandes villes et dans tout le Canada — je dois d'ailleurs dire qu'à cet égard les villes ont plus progressé que pratiquement tous les autres ordres de gouvernement —, l'adaptation sera beaucoup moins coûteuse si l'on freine le changement en diminuant les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre.
    Le projet doit être d'envergure internationale. Le climat du Canada sera profondément marqué par des décisions prises dans des pays comme l'Inde, la Chine et même les États-Unis. Les Nord-Américains sont actuellement les plus grands émetteurs par habitant dans le monde, et le Canada ne peut pas s'attendre à ce que les pays en développement, dont l'Inde et la Chine, contribuent à réduire le fardeau des gaz à effet de serre s'il ne le fait pas lui-même, s'il n'essaie pas de respecter ses engagements internationaux aux termes de Kyoto et de la convention-cadre de 1992 sur le changement climatique.
    Merci.
(0930)
    Merci beaucoup.
    Finalement, écoutons le représentant d'Enquête pollution, M. Chiotti... ou plutôt M. Ogilvie.
    Je dirai d'abord deux ou trois mots.
    Je devais prononcer notre introduction, mais j'ai constaté que je parlerais des impacts et de l'adaptation et que Jim Bruce serait assis à côté de moi. Quentin a donc pris l'avion en catastrophe ce matin, pour venir étoffer notre exposé à l'intention de ce remarquable personnage assis à côté de moi.
    Je dirai d'abord que vous devez croire tout ce que vous venez d'entendre. Vous vous demandez comment calculer les coûts de l'action et ceux de l'inaction. Il faut connaître les quantités et le moment; nous sommes empêtrés dans un problème apparemment sans issue. Si nous avions commencé il y a 20 ans, notre situation ne serait peut-être pas aussi précaire, mais le mal est fait.
    Mes antécédents... j'ai travaillé au gouvernement pendant presque toute ma carrière, 20 ans sur 30 et quelques années, et j'ai été gestionnaire de la politique dans les ministères ontariens de l'Environnement et de l'Énergie. J'ai été directeur exécutif d'une table ronde ontarienne. J'ai été membre du Conseil consultatif canadien sur l'environnement lorsque Bob Page en était le président, il y a des années. La position d'Enquête pollution sur un ensemble de dossiers stratégiques ou pertinents... Nous siégeons au conseil de BIOCAP Canada, que Bob préside; nous sommes membres du conseil d'administration de Technologies du développement durable Canada; nous sommes membres des conseils consultatifs des commissariats à l'environnement ontarien et fédéral; nous sommes membres du comité directeur des SMA sur l'efficacité énergétique, qui relève du Conseil des ministres de l'énergie; nous collaborons aux travaux de la table sur la viabilité du secteur de l'énergie, etc.
    Nous sommes donc très engagés dans des discussions multilatérales avec les nombreux intervenants de l'industrie, les gouvernements, les ONG, les groupes de la santé, etc. Nous sommes disposés à parler de stratégie et d'atténuation, mais il semble que les discussions doivent surtout porter, et Quentin nous en parlera, sur les impacts et certains coûts de l'inaction.
    Je m'arrête ici et je demande à Quentin de compléter, s'il le peut, ce que Jim vient de nous dire.
    Merci.
    Je m'appelle Quentin Chiotti, je suis directeur du programme aérien et scientifique principal à Enquête pollution. Je suis géographe de formation.
    Enquête pollution s'intéresse de près et depuis assez longtemps à tout le dossier des impacts et de l'adaptation. Ce mois-ci, de fait, nous célébrons le 10e anniversaire de la conférence nationale sur le changement climatique et la santé humaine, organisée par Enquête pollution, Environnement Canada et l'Université York en novembre 1996.
    Personnellement, j'étudie les impacts du changement climatique et les mesures d'adaptation depuis 1993, surtout dans les domaines de l'énergie, de la santé et de l'agriculture et, récemment, j'ai commencé à m'intéresser aux liens entre la qualité de l'air et le changement climatique. J'ai travaillé à Environnement Canada, au sein du groupe de recherche sur les impacts du changement climatique et l'adaptation, de 1995 à 2002. J'étais alors conseiller scientifique d'une étude multilatérale sur le changement atmosphérique dans la région de Toronto et du Niagara.
    J'ai aussi contribué à l'Étude pancanadienne, première évaluation nationale de l'incidence du changement climatique au Canada, à la fin des années 1990. J'ai collaboré à la rédaction du chapitre sur les coûts de l'inaction. C'est sans doute surtout pour cette raison que je suis venu à Ottawa tôt ce matin.
    Je fais actuellement partie du comité consultatif du réseau ontarien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation, qui est rattaché au C-CIARN, le réseau national. Je suis aussi codirecteur de la section ontarienne de l'évaluation nationale 2007 des impacts climatiques et de l'adaptation.
    J'ai diffusé une lettre que 90 scientifiques spécialistes du changement climatique ont adressée au premier ministre Harper en avril dernier et qui mettait l'accent sur l'importance du changement climatique, la certitude des milieux scientifiques et l'urgence d'intervenir. Cette lettre a été rédigée en partie pour souligner le caractère urgent d'une intervention qui avait été plus ou moins discutée lors de la CP 11, à Montréal, en novembre. J'ai aussi diffusé un diagramme qui explique que si nous attendons cinq ans, 10 ans ou 20 ans avant d'agir véritablement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous devrons obtenir des réductions beaucoup plus importantes pour chaque délai de cinq ou 10 ans.
    Je crois que tous, ici, reconnaissent l'existence d'un consensus général sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60 à 80 p. 100 d'ici 2050. Je vous rappelle que l'Union européenne envisage sérieusement de s'engager à réduire de 25 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, pour éviter ce que la convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique a décrit comme une interférence « dangereuse » avec le climat terrestre.
    J'aimerais aussi souligner que la recherche sur les impacts, et tout ce que vous avez entendu ce matin, repose en grande partie sur un scénario de CO2 en deux temps. Si, nous dépassons effectivement la cote de danger et que nous acceptons de plus fortes concentrations de CO2, les impacts seront probablement beaucoup plus importants.
    Jim Bruce a mentionné certains impacts touchant le Canada. J'aimerais insister sur l'importance du Grand Nord et sa vulnérabilité au changement climatique, la vulnérabilité de nos côtes, en particulier en cas d'inondations et de marées de tempête, et dans les Prairies, comme on l'a dit, les risques de pénurie d'eau, en particulier pour l'agriculture et l'exploitation des sables bitumineux.
    Je signale qu'au Québec, la préoccupation concernant les ressources en eau est telle, notamment pour la production d'électricité, que le Québec a déjà pris d'avance toutes les provinces du Canada et examine les impacts des changements climatiques et l'adaptation au sein du consortium Ouranos, qui réunit l'industrie, le gouvernement et les milieux universitaires.
    L'Ontario, pour sa part, vient de lancer une série de tables rondes consacrées au changement climatique et à la qualité de l'air; les incidences et l'adaptation en constitueront un important volet. En Ontario, les effets qualitatifs et quantitatifs sur l'eau des Grands Lacs ont été mentionnés. Les conséquences seront non négligeables, à en juger par l'expérience historique, en termes d'infrastructure essentielle — égouts pluviaux, électricité, communications  —, et pour les secteurs forestiers et agricoles, y compris pour les collectivités tributaires des ressources forestières. Et il ne faut pas oublier les incidences sur la santé humaine.
(0935)
    Malheureusement, lorsque l'on m'a appelé hier soir pour que je vienne ce matin, j'en avais seulement un exemplaire. C'est un abécédaire du changement climatique et de la santé que nous avons publié en 2004, après une étude de trois ans sur la santé humaine dans la région de Toronto-Niagara. Je le laisse au comité, à titre d'information.
    Revenons sur les coûts globaux de l'inaction. Dans l'Étude pancanadienne nous avons estimé, d'après l'expérience internationale, que les coûts du changement climatique seraient de l'ordre de 2 à 4 p. 100 du PIB, en dollars de 1988. À l'époque, cela représentait environ 10 ou 12 milliards de dollars annuellement. Nous aurions sans doute pu utiliser une fourchette de trois à 24 milliards de dollars annuellement.
    L'évaluation de 2007 ne chiffrera sans doute pas les incidences économiques, mais selon moi nous pouvons prédire que les coûts du changement climatique, d'après ce que nous savons actuellement, seront encore plus élevés.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons à M. Godfrey.
    Je remercie tous nos témoins. Ces exposés étaient très intéressants.
    J'aimerais résumer les buts du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Je crois qu'en premier lieu, il tente de mettre l'accent sur les cibles à court terme et aussi sur les questions de... Si vous manquez vos premières cibles, cela ne signifie pas que vous abandonnez l'idée; vous essayez de fixer de nouvelles cibles.
    Deuxièmement, il porte, conformément aux recommandations du commissaire à l'environnement, sur la reddition de comptes. Comment peut-on lier les efforts et les résultats?
    Troisièmement, il reconnaît que nous devons contribuer à l'élaboration d'une solution internationale. À défaut de discuter de nos intentions avec d'autres et d'oeuvrer à des solutions communes... Nous ne pouvons agir seuls.
    J'ai été frappé par le message très clair de M. Jaccard concernant l'adoption immédiate de politiques rigoureuses.
    De fait, je citerai M. Jaccard. Dans un article publié dans le Calgary Herald, le 7 octobre, vous avez dit, je crois :
Si nous commençons immédiatement, nous y arriverons peut-être en quatre ou cinq décennies. Si Stephen Harper annonce qu'il lance un dialogue de deux ans sur la politique, il manque à ses devoirs dans ce dossier.
    Je m'interroge — et j'espère que c'est vrai... Disons que nous adoptons dès demain un régime de réglementation, quel est le lien entre commencer demain et l'établissement de cibles à court terme, la responsabilisation, si nous commençons demain, la collaboration au processus international?
(0940)
    Monsieur Jaccard.
    Premièrement, pour mémoire, je crois avoir été mal cité. Vous avez probablement l'habitude d'être mal cité dans les journaux — je ne sais pas.
    Je n'aurais certainement pas mâché mes mots et j'aurais répété que si nous voulons vraiment réussir dans ce dossier, nous avons suffisamment d'information pour commencer immédiatement.
    Votre question porte sur les liens entre les cibles à court terme, les cibles à long terme et les responsabilités internationales, n'est-ce pas?
    Et la responsabilisation.
    Autrement dit, si vous reportez une cible, comme le fait le projet de loi C-30, jusqu'en 2020, 2025 ou 2050, si vous négligez des éléments ça et là — la première phase de Kyoto par exemple —, est-ce utile, si nous ne commençons pas par une responsabilisation et des cibles immédiates?
    On parle de 2010 ou de 2012. Selon moi, qui modélise l'économie d'énergie et qui crois comprendre l'inertie des systèmes d'aujourd'hui, de 2006, il est insensé de fixer des cibles en 2010 ou en 2012. Il me semble incroyable d'accepter une telle incertitude entre aujourd'hui et ce moment, cela est impensable. C'est pourquoi, depuis environ 1999, je ne parle plus de Kyoto, sauf si des journalistes m'interrogent, et je réponds alors que les coûts montent chaque jour mais que je ne vois pas comment nous pourrions y arriver.
    Vous vous demandez comment le Canada peut relever le défi du court terme et du long terme. Je vous répondrai pour ce qui est du long terme...
    Vous voulez dire garder le long terme à l'esprit.
    Oui. Sur le plan stratégique, je l'explique assez en détail dans une étude du C.D.Howe, The Morning After, publiée il y a deux ans, et dans un article que je viens de rédiger pour la table ronde nationale. Si j'ai bien compris, il ne suffit pas de dire: « Voilà ce que nous aurons réalisé d'ici 2050 ». C'est une illusion, à mon avis. Selon moi, il faut plutôt dire: « Voilà ce que je veux obtenir avec ce puissant instrument stratégique, cet instrument stratégique obligatoire, en 2015, en 2025, etc. »
    Si votre instrument stratégique est une sorte de taxe sur le carbone — l'une des deux options que je préconise, qui impose une amende pour l'utilisation de l'atmosphère comme poubelle —, il faudrait établir un échéancier pour que tous sachent bien quelle sera la taxe dans cinq ans, dans dix ans, etc.
    C'est ce que je réponds à votre question sur le lien entre le long et le court terme. Je dirais la même chose pour un éventuel plafond des émissions. L'échéancier préciserait le plafond en 2010, en 2015, etc. La politique qui m'intéresse le plus actuellement ressemble à ce que l'on appelle un échange de droits d'émissions en amont. Cela signifie se tourner vers les industries axées sur les combustibles fossiles et permettre aux compagnies d'électricité de vendre des droits d'émissions.
    J'appelle cela une norme de gestion du carbone. Cette solution suscite un certain intérêt à l'étranger, auprès des chercheurs et des concepteurs de politique. Il s'agit de signifier à l'industrie des combustibles fossiles que nous savons que pour obtenir les réductions réclamées par les scientifiques sur plusieurs décennies l'industrie devra assumer la responsabilité du carbone qu'elle extrait de l'écorce terrestre. Cette responsabilité sera modeste pendant 10 ou 15 ans — empêcher 2 p. 100 du carbone extrait de finir dans l'atmosphère — pour finalement atteindre 50, 80 p. 100, quelle que soit la cible qui nous paraîtra réaliste.
    Une telle approche a comme avantage qu'elle permet de modifier les cibles avec le temps. Les scientifiques fourniront de l'information indiquant si vous devez accélérer ceci ou cela. Vous pourrez peut-être même ralentir. Avec de nouveaux renseignements sur les coûts, vous pourriez constater qu'il est plus facile d'aller plus rapidement ou que vous pouvez prendre plus de temps. Ce genre d'échéancier doit offrir une certaine souplesse.
(0945)
    Monsieur Page, vous vouliez intervenir?
    Oui.
    Monsieur Godfrey, j'en ai parlé dans mon exposé, et je vais le répéter. Je sais que le temps presse, je ne dis pas le contraire.
    Premièrement, j'essaie d'expliquer qu'aux termes du projet de loi, notre société n'aurait d'autre choix que d'acheter des crédits nationaux et internationaux alors qu'elle vise à long terme un changement technologique. Dans le cadre de Kyoto, nos investissements technologiques ne seraient reconnus que lorsque les émissions commenceraient à diminuer suite à l'entrée en service de la nouvelle centrale. C'est un processus de cinq ou six ans qui comporte de nombreux obstacles liés, entre autres, à la réglementation.
    Notre technologie de captage du carbone, qui éliminera pratiquement toutes les émissions de nos centrales au charbon, ne sera fonctionnelle que vers 2012.
    Votre projet de loi nous oblige à assumer les coûts élevés des crédits que nous devrons acheter. J'ai donné des chiffres dans mon exposé, pour illustrer cela. Malheureusement, pour ce faire, nous devrons utiliser des sommes que nous aurions pu investir dans le changement technologique. Mark a lui aussi mentionné ce problème.
    Nous avons donc un dilemme. Si nous nous concentrons exclusivement, comme le projet de loi, sur le court terme, nous nuisons à l'objectif à long terme, c'est-à-dire le changement technologique fondamental dont le Canada a besoin. Vous en conviendrez certainement, les véritables réductions, après Kyoto, ne pourront venir que d'un changement technologique fondamental.
    C'est donc le dilemme que nous crée le projet de loi. Je déplore terriblement nous soyons placés dans une telle situation, mais pour notre société il est évident qu'il nous faut des cibles à long terme, des buts à long terme, et que nous devons commencer dès maintenant.
    Je crois que tous les intervenants ici reconnaîtront l'urgence de la situation. Notre société est déterminée à s'autoréglementer. Elle accepte les données scientifiques qui expliquent le changement climatique.
    Je crois que M. Ogilvie veut dire un mot.
    Si j'avais parlé au niveau stratégique, aujourd'hui, j'aurais dit qu'il y a un incontournable relativement à Kyoto. Mark a abordé un peut cette question, mais je ne sais pas s'il l'a complètement traitée. Le premier incontournable, c'est l'implantation d'une infrastructure stratégique robuste en matière de changement climatique d'ici la fin de la période visée par Kyoto. Il nous faut des systèmes d'échange de droits d'émissions, des codes du bâtiment modernisés, des normes d'efficacité énergétique. Il nous faut toute une architecture, des moteurs technologiques en place.
    Outre les réductions, nous devrions reconnaître qu'à tout le moins, Kyoto signifie que nous sommes complètement prêts. Nous devrions adopter des normes de rendement énergétique pour les voitures, des normes robustes, qui pourraient être resserrées de façon raisonnable si l'urgence du problème et le coût de l'inaction justifient des coûts supplémentaires et un effort accru, comme cela me semble à prévoir.
    Deuxièmement, nous avons accepté une cible et nous devrions mesurer notre rendement en conséquence. Si nous échouons, tant pis. L'Ontario a publié hier le premier rapport de son directeur de la conservation. Cette province avait obtenu un C moins l'an dernier, mais elle a un B plus cette année parce qu'elle a investi dans l'efficacité énergétique, qu'elle a ajouté des réductions de kilowatt-heure en période de pointe, etc.
    Nous devons mesurer notre rendement suivant la cible. Même si nous échouons, il est utile de mesurer en fonction de la cible et d'y trouver la motivation pour faire mieux. Voilà, c'est tout.
(0950)
    Merci.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Ma première question s'adresse à M. Page.
    Monsieur Page, dans votre présentation, qui était très dense, vous avez fourni beaucoup de chiffres. L'un d'entre eux m'a beaucoup frappé. Vous avez dit que 15 p. 100 de l'objectif canadien de réduction des gaz à effet de serre sont confiés ou attribuables aux compagnies d'électricité.

[Traduction]

    Non. Les compagnies d'électricité seraient responsables d'un tiers du total des GEF. Pardonnez-moi si j'ai manqué de clarté, mais les cibles des GEF, combinées — pétrole et gaz, électricité et industrie —, représenteraient environ 15 p. 100 du total de la cible canadienne de 270 mégatonnes.
    J'essayais simplement de dire qu'il y avait un immense écart entre ce que l'on demande à l'industrie et la cible canadienne totale.

[Français]

    C'est bien compris.
    Monsieur Jaccard, vous avez parlé de taxes et vous avez dit que la taxe sur le carbone pourrait se situer entre 120 $ et 150 $ par tonne. Si on considère que chaque Canadien a un objectif de réduction de 10 tonnes par personne, nous enverrions dès demain une facture de 1 500 $ à tout le monde au Canada.
    Je n'ai pas saisi votre calcul.
    La taxe sur le carbone serait de 150 $ par tonne, et chaque Canadien doit arriver à une réduction d'environ 10 tonnes par année. Comme il y a 30 millions de Canadiens, cela donne une réduction des gaz à effet de serre de 300 tonnes. Si chaque Canadien doit réduire les GES de 10 tonnes et que vous imposez une taxe de 150 $ par tonne, vous enverriez donc une facture de 1 500 $ dès demain à chacun des Canadiens.
    Je n'ai pas fait le calcul, mais dans le livre, j'ai calculé le changement des prix de l'énergie. C'est souvent plus facile à comprendre, pour les gens. Dans les calculs que nous avons faits pour le processus national, nous avons vu que le prix de l'essence a presque doublé et que le prix de l'électricité a augmenté beaucoup, surtout en Alberta et en Saskatchewan.
    Je reviens aux taxes. Vous avez parlé de taxes sur le carbone qu'on devrait imposer aux industries ou aux particuliers.
    Je n'ai pas proposé cela.
    Vous n'avez pas proposé cette solution?
    Non. J'ai dit que s'il fallait faire un tel changement sur une période de 10 ans, il faudrait alors une taxe aussi élevée. Sur une période de 50 ans, la taxe maximale serait peut-être, d'ici 40 ans, de 75 $ ou 100 $ par tonne. Les émissions de chaque Canadien seraient alors réduites de beaucoup à cause des progrès technologiques en prévision des augmentations de taxe. Le coût pour les Canadiens serait beaucoup moins élevé que cela, en tenant compte des progrès technologique et des menaces d'une taxe qui pourrait augmenter. Je dirais même qu'à mon avis, la consommation d'énergie ne diminuera pas. Il coûtera moins cher aux Canadiens d'apporter des changements technologiques et d'utiliser des formes d'énergie sans émissions de gaz à effet de serre, grâce aux technologies comme le captage des émissions, que de réduire leur consommation d'énergie.
(0955)
    M. Chiotti, vous avez mentionné que l'inaction pourrait provoquer une réduction du PIB de 2 p. 100 à 4 p. 100. Comment se comparent ces chiffres avec ceux du rapport Stern?

[Traduction]

    C'est une excellente question. Dans le rapport Stern, je crois que l'estimation mondiale était de sept billions de dollars. Je ne peux pas le relativiser, je n'ai jamais vraiment fait ce genre de comparaison, mais les chiffres utilisés pour l'Étude pancanadienne qui reconnaît nos dix années — il s'est écoulé dix ans — reposaient sur des estimations de même type que celles utilisées aux États-Unis et dans l'UE.
    Je suppose donc que le rapport Stern est cohérent, même si selon moi, dès que l'on parle d'écosystème, de qualité de vie — des aspects non liés au marché —, il est très difficile d'établir une valeur.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Bruce, vous avez parlé des Grands Lacs et de la réduction de la production hydroélectrique. Votre point de départ était les chutes Niagara.
    La diminution de 17 p. 100 dont vous faites état inclut-elle la chaîne de barrages de Moses-Saunders et Beauharnois?

[Traduction]

    La baisse estimative de 17 p. 100, d'ici le milieu du siècle, de la production hydroélectrique dans le système des Grands Lacs et du Saint-Laurent comprend non seulement le Niagara mais aussi St. Mary's, Niagara, Cornwall, Beauharnois, et toutes les autres centrales sur le Saint-Laurent. Cela touche donc le Québec et l'Ontario.

[Français]

    D'où viennent ces -17 p. 100? J'ai pris part à des études de la Commission mixte internationale, et nous avons développé des scénarios de sécheresse ou d'augmentation des précipitations sur les Grands Lacs. C'est la première fois que j'entends parler de ces -17 p. 100. De quelle étude cela vient-il?

[Traduction]

    Cela figure dans l'étude qui sortira lundi prochain. Cela repose sur les études que vous avez mentionnées, réalisées pour la Commission mixte internationale sur Ouranos et les études au sujet de l'impact du changement climatique sur la qualité de l'eau des Grands Lacs.
    On a aussi estimé les changements pour les quantités d'eau, les niveaux des lacs et les débits des voies interlacustres et du Saint-Laurent.

[Français]

    Dans votre analyse des coûts des infrastructures causés par la fonte du pergélisol, avez-vous également des chiffres concernant les émissions de CO2 que cette perte de pergélisol va provoquer?

[Traduction]

    D'après les connaissances actuelles, le pergélisol libérerait beaucoup plus de méthane, et c'est un gaz à effet de serre dangereux; il est environ 30 fois plus puissant que le CO2, molécule pour molécule. C'est ce que nous appelons une rétroaction positive, et elle accroîtrait le réchauffement. Pour le CO2, les émissions de carbone ou autre, à l'exception du méthane, cela serait sans doute neutre, il n'y aurait pas beaucoup de changement.
    Il faut aussi s'inquiéter de la forte teneur en mercure du pergélisol. Le dégel du pergélisol libérera du mercure dans l'océan Arctique et dans les rivières du nord, ce qui aura un grave impact supplémentaire sur les Autochtones qui vivent dans ces régions.
(1000)
    Merci.
    Écoutons maintenant M. Warawa.
    Merci. Je vais partager mon temps avec M. Watson.
    Je remercie nos témoins d'être venus, en particulier M. Jaccard. Tous les exposés m'ont intéressé, mais le vôtre plus particulièrement.
    Je viens de la Colombie-Britannique, de Langley. J'aime l'Université Simon Fraser, et j'y étais il y a deux ou trois semaines pour remettre un gros chèque, pour ainsi dire, pour le spectromètre à résonance magnétique du laboratoire de chimie. J'ai bien aimé revoir ce campus.
    Je n'ai que cinq minutes, je vais essayer d'être bref, et j'attends des réponses courtes. Nous avons entendu la ministre de l'Environnement. Elle a comparu devant le comité et elle ne croit pas non plus que nous atteindrons les cibles de Kyoto. Nous avons entendu des témoins mardi, en particulier M. Villeneuve, du Québec, qui ont affirmé que le plan de Kyoto, en fait le projet de loi C-288, aurait été un excellent projet en 1998, mais qu'il était maintenant trop tard, ce qui a fait rire les libéraux et les bloquistes. Nous prenons vraiment la situation au sérieux.
     Le gouvernement a déposé un projet de loi, la Loi sur la qualité de l'air, qui nous semble être un pas dans la bonne direction relativement à tout ce qui s'est dit ici aujourd'hui. Mais nous parlons du projet de loi C-288, qui aurait dû être déposé à l'époque où les libéraux étaient au pouvoir.
    C'est la première question que je pose à chacun de vous, et j'aimerais une réponse simple, un oui ou un non. Vu la situation dans laquelle se trouve le Canada, est-ce réaliste? Pensez-vous que nous pouvons vraiment atteindre la cible de Kyoto proposée dans le projet de loi C-288?
    Je dirais que non.
    Avant de dire non, je vous demande de m'aviser, la prochaine fois que vous viendrez à Simon Fraser avec un chèque. Je viendrai à votre rencontre.
    Mais cela ne modifierait pas ma réponse à votre question: c'est non.
    Je partage l'avis de Ken Ogilvie. Si notre objectif, ici, est d'encourager les pays en développement à réduire leurs émissions, je pense que quand nous entamerons des négociations en 2012, si nous n'avons réalisé aucun progrès relativement aux cibles de Kyoto, si nous n'avons pas adopté de règlement ni de plan pour réduire nos émissions, nous ne pourrons jamais persuader les pays en développement de le faire.
    Monsieur Bruce, ce n'est pas ma question. Nous parlons du projet de loi C-288. Pensez-vous que nous pouvons atteindre la cible? C'est ce que le projet de loi C-288 prévoit.
    Je suis plutôt d'accord avec mes collègues, mais je dis qu'à moins d'avoir quelque chose de positif à présenter, nous aurons beaucoup de difficultés en termes d'impacts futurs sur le Canada.
    Alors vous dites que non.
    C'est votre tour de voter.
    Non, mais nous pouvons fixer des repères. C'est un chiffre important.
    Monsieur Jaccard, vous avez dit que si nous voulions vraiment réduire les gaz à effet de serre... Je suis impatient de lire votre ouvrage, et vous avez déjà répondu par une précision au sujet d'une taxe sur le carbone. Vous préconisez l'adoption d'un plan progressif.
    J'ai l'expérience des administrations locales. J'ai été conseiller municipal pendant près de 14 ans, et chaque fois qu'on modifie quelque chose, il faut agir progressivement. Sinon, on provoque un tollé.
    Cela est tout simplement impossible à réaliser, à moins d'agir progressivement, parce que l'infrastructure doit être instaurée. Il faut s'ajuster, et vous ne pouvez pas exiger que tous conduisent des véhicules hybrides ou peu polluants dès demain, parce qu'ils ne sont pas disponibles. Je pense que le captage est la voie de l'avenir, mais il nous faudra du temps.
    Pour ce qui est de votre commentaire au sujet de notre détermination en matière de réduction des gaz à effet de serre... Je crois que vous disiez que jusqu'à maintenant — et je ne veux pas faire de politique — vous n'avez pas constaté de véritable volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ai-je raison?
(1005)
    En effet. Il ne manquait pourtant pas de conseils spécialisés judicieux, que d'autres pays ont utilisés, quant au type de politiques à instaurer. Quelqu'un a dit qu'il s'agissait d'un excellent projet de loi pour 1999, mais je pense que non, cela ne laisse pas encore assez de temps. C'est ce que j'essayais de dire dans mon exposé. Finalement, toutefois, c'est vrai, il faut agir progressivement, il faut du temps, mais je crois que la politique peut être adoptée immédiatement.
    Nous avons suffisamment parlé des détails. Certains pays ont implanté une taxe sur le carbone il y a 15 ans. Alors lorsque Ken dit — si j'ai bien entendu — que d'ici la fin de la période visée par Kyoto nous devrions avoir adopté les politiques, je suis totalement en désaccord. Les politiques peuvent toutes être instaurées d'ici l'an prochain. Je serais horrifié... J'ai rencontré récemment quelqu'un d'EPCOR qui me disait que son entreprise envisageait d'installer une centrale à charbon classique, sans captage. Je me suis dit que nous pourrions au moins commencer à payer pour certaines de ces nouvelles technologies. Nous avons déjà la politique voulue.
    Un dernier commentaire...
    Vous êtes à six minutes.
    Je veux ajouter que le projet de loi C-30, la Loi sur la pureté de l'air, me semble être la voie de l'avenir pour le gouvernement. Il nous faut l'appui de tous les partis. J'espère que vous pourrez revenir comme témoins lorsque nous l'examinerons.
    Monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    M. Godfrey l'a bien dit, nous ne pouvons y arriver seuls. Je crois que le gouvernement accepte cette réalité. C'est pourquoi nous participons au dialogue de Kyoto et à la préparation de l'avenir.
    Un de nos témoins a dit que nous devions commencer ici. J'aimerais d'abord soulever un point précis. Le projet de loi C-288, évidemment, la consécration dans la loi de la cible et des échéanciers de Kyoto, à mon avis — puisque nous convenons tous que cette cible et cet échéancier sont impossibles à respecter... Avec ce projet de loi, il sera difficile de mettre de l'ordre dans nos affaires, du moins à court terme.
    Je veux traiter un instant de l'échange de droits d'émissions. J'aimerais que l'on commente ce concept. Il me semble qu'à court terme, vu les quantités, l'échange de droits d'émissions entraînerait une fuite de capitaux dont nous aurions besoin pour l'investissement à long terme dans notre pays — autrement dit, pour mettre de l'ordre dans nos affaires. Nous finirions par envoyer tout cet argent à d'autres compétences, y compris les compétences internationales, sans effet environnemental mesurable dans l'immédiat. C'est simplement un transfert de capitaux, à court terme. Je ne parle pas du moyen ni du long terme.
    Qu'en pensez-vous? Est-ce que je me trompe?
    Monsieur Page.
    Notre société considère depuis longtemps que l'échange de droits d'émissions est le moyen le plus économique de satisfaire aux exigences réglementaires. En principe, nous somme d'accord. Nous sommes totalement opposés à des projets comme le vent de la Russie, qui n'est pas un échange de droit d'émissions mais un transfert d'UQA ou de crédits entre la Russie et le Canada, ou entre la Russie et un autre pays.
    Un système d'échange national empêcherait la fuite de capitaux et encouragerait immédiatement le développement de bioénergie, d'énergie éolienne et d'autres énergies renouvelables. Un système d'échange d'émissions pourrait être soigneusement défini pour offrir des avantages aux consommateurs canadiens, même lorsque nous avons recours au marché international comme soupape de sécurité en termes de hausses de prix.
    Je vous propose un autre exemple difficile. Notre société a effectivement investi dans un projet de MDP au Chili. Nous l'avons fait parce que, à compter du 1er janvier 2005, nous devions satisfaire aux exigences de la réglementation sur le CO2en Alberta pour les nouvelles centrales. Il n'y avait pas de politique canadienne en vigueur et il était impossible d'obtenir des crédits canadiens pour satisfaire à ces obligations. Nous avons donc dû nous tourner vers le marché international.
    Nous aimons utiliser l'expression « soupape de sécurité » pour désigner le marché international et nous sommes tout à fait contre le type de crédits obtenus en achetant le vent de la Russie.
(1010)
    Est-ce que le produit du Chili a amélioré vos émissions?
    Le produit du Chili a réduit les émissions mondiales. C'est le concept que nous devrions selon moi examiner, parce que le CO2 est un problème mondial, pas seulement national.
    Je serai bref. J'entends souvent dire que toute contrainte sur l'économie nationale, une taxe sur le carbone ou un système d'échange de droits d'émissions — et je ne parle pas de commerce mais bien de plafond, sinon il ne se passera rien —, entraînera une fuite de capitaux. Je crois qu'il est trop tard pour invoquer encore cet argument. Nous avons maintenant d'abondantes données sur la façon de concevoir les politiques dont je viens de parler, pour qu'elles soient progressives. Dans 10 ou 15 ans, si les coûts de production augmentent sensiblement ici mais pas dans le reste du monde, nous pourrons abolir notre politique et danser avec les autres pendant que la terre se consume. Mais actuellement, engager ces coûts ne risque guère d'entraîner une fuite de capitaux.
    Les Européens assument actuellement des coûts pour un système d'échange de droits d'émissions, alors le Canada ne peut même pas prétendre qu'il innoverait. Nous tergiversons alors que d'autres ont déjà adopté des politiques.
    Je ne crois pas que l'on puisse concevoir un bon système d'échange pour le Canada ni que l'incertitude créée par l'absence d'un tel système puisse nous coûter beaucoup plus que son existence.
    Combien de temps faut-il prévoir pour instaurer un tel système?
    Bob parlait de 2012, environ. Nous ne parlons pas d'un an.
    Mark a dit l'an prochain.
    Mark a dit l'an prochain. Je ne suis pas d'accord avec Mark, mais je crois que nous pourrions avoir un excellent système d'ici 2010.
    Je ne sais pas. Bob a peut-être d'autres renseignements.
    Eh bien, nous avons soumis des propositions au gouvernement du Canada aujourd'hui, et j'estime qu'il faudrait entre 18 et 24 mois pour établir la coopération avec le fédéral, les provinces et d'autres.
    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci à chacun de vous de s'être présenté ici aujourd'hui.
    Je veux simplement mentionner à M. Page que nulle part ici il n'est fait mention d'achat de crédits en Russie, ce que vous appelez hot air , ou quoi que ce soit. Il n'y a certainement pas non plus de volonté de le faire. Il y a moyen, par l'entremise de ce projet, d'investir dans des crédits verts à l'étranger. Il existe de bons crédits verts à l'étranger. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas aller du côté de la Russie, et ce n'est pas non plus l'intention, pas du tout.
    On peut ne pas être d'accord sur la possibilité de remplir à temps les objectifs de la première étape du Protocole de Kyoto. Il faut d'abord préciser de quoi on parle.
    Si cela semble difficile et même, pour certains d'entre vous, impossible, est-ce une raison d'abandonner le projet ou même de ne pas l'expérimenter à court terme? Quelqu'un a-t-il un commentaire à ce sujet?

[Traduction]

    Monsieur Page.
    C'est un point intéressant. C'est au coeur de ce que nous faisons.
    Nous avons tous dit que nous ne pouvions plus attendre; Mark a été très clair. Il nous faut agir rapidement. Mes investisseurs envisagent une nouvelle centrale de 1,8 milliard de dollars pour l'Alberta. Nous voulons savoir quelles seront les conditions pour les 40 années de vie du pipeline. Les questions d'échéancier sont importantes.
    Je veux vous expliquer pourquoi j'ai insisté sur le vent de la Russie. J'ai travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement Martin dans le dossier des crédits internationaux. J'ai présidé l'Association internationale du marché des émissions, à Genève. J'ai participé à Moscou et à Ottawa à des discussions sur ce sujet. Mes commentaires ne sont donc pas abstraits; ils portent sur des efforts en vue de définir une entente commerciale bilatérale entre la Russie et le Canada qui permettrait de prendre de telles mesures.
    Nous voulons vraiment faire quelque chose. Vous savez, en 2000, nous avions dressé un plan de 25 ans pour notre société. Nous n'avons jamais eu de réaction à ce sujet.
    Nous espérons que votre comité déploiera des efforts bipartisans pour faire adopter une perspective réaliste.
    Je voulais simplement, dans mon exposé, dire non pas qu'il ne faut rien faire mais qu'il faut, s'il vous plaît, consulter l'industrie pour que nos clients, nos gestionnaires et nos actionnaires puissent accepter les mesures. C'est mon message.

[Français]

    D'accord, merci.
    Je suis d'accord avec vous. Je veux aussi saluer tous les efforts de votre propre compagnie au fil des ans pour réduire vos émissions.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Ogilvie. Je parlais un peu tout à l'heure de l'importance de ne pas baisser les bras et d'essayer, même si le défi est grand.
    Si, à l'inverse, on décidait de baisser les bras et de ne rien faire à court terme, est-il réaliste ou responsable, selon vous, d'avoir des objectifs, par exemple, uniquement pour 2050 et rien à court terme?
(1015)

[Traduction]

    Pas du tout. En fait, lorsque je parle d'une infrastructure stratégique complète, je parle de systèmes opérationnels. Entre-temps, il nous faut des cibles provisoires. Il nous faut absolument des cibles.
    Nous devrions avoir des stratégies en matière d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique, avec des objectifs de réduction. C'est ainsi qu'il faut procéder. C'est pourquoi l'Ontario progresse maintenant en matière d'efficacité énergétique. Il était difficile de progresser dans ce domaine par le passé.
    Nous avons absolument besoin de cibles; il nous faut adopter des systèmes et des normes efficaces.
    Comment pouvez-vous déterminer ce que vous allez investir dans ce domaine? Sans cible ni but précis, je crois qu'il est extrêmement difficile de calculer le niveau d'investissement nécessaire pour atteindre nos buts et montrer à la population et au monde ce que nous faisons.
    Alors oui, tout à fait.

[Français]

    On parle d'investir mais il faut aussi considérer l'impact d'une absence d'investissement, qui serait considérable. On le dit; il y a l'étude Stern, il y a eu vos propres études. J'écoutais certains des propos énoncés ici. Par exemple, le pine beetle dans l'Ouest, les feux de forêt, la calotte polaire qui fond, l'impact sur l'agriculture, la santé. Il y a une obligation d'agir. Quand on observe cela, on ne peut pas seulement dire que ça coûte tant d'argent pour agir. Si je comprends bien, on n'a pas le choix que d'agir à court, à moyen et à long terme. Plus qu'une obligation morale, c'est aussi une obligation politique, pour nous, de prendre nos responsabilités comme parlementaires.

[Traduction]

    Vous parlez depuis cinq minutes, monsieur Rodriguez. Venez-en à votre question.

[Français]

    Simplement, monsieur Bruce, pourriez-vous nous parler des coûts en ce qui touche le secteur de la santé?

[Traduction]

    Au Canada, selon certaines estimations, 5 900 décès prématurés sont provoqués par les canicules et les épisodes de smog. La combinaison des produits chimiques producteurs de smog et du changement climatique aggrave les problèmes de santé. La situation empire. J'hésite à attribuer une valeur monétaire à la vie humaine, mais je crois que les questions de santé sont très graves.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Tout le monde s'entend pour dire que le réchauffement de la planète entraînera des conséquences. Avons-nous les moyens, en regard des objectifs que nous nous donnons, de réduire les émissions de CO2? C'est une question importante, si nous n'avons pas la technologie pour y parvenir. J'ai rencontré des gens de l'industrie des piles à hydrogène. Dans le moment, nous dépensons plus d'énergie en vue d'en produire que nous en produisons ultimement. Cela ne signifie pas qu'il faille arrêter de faire des recherches à ce sujet.
    Est-ce que nous avons aujourd'hui les technologies nécessaires pour avancer, monsieur Page?

[Traduction]

    Monsieur Page.
    La technologie du charbon écologique et du captage est presque au point.
    C'est-à-dire?
    Dix-huit mois.
    Évidemment, il y a aussi des questions réglementaires et autres. Je ne veux pas dire que dans 18 mois nous pourrons produire de l'énergie. Je veux dire que dans 18 mois nous aurons un projet à faire approuver, ce qui prendra encore sans doute deux ans.
(1020)

[Français]

    Puis-ajouter quelque chose?
    Au niveau international, les changements technologiques déjà faits par d'autres gouvernements permettent de dire — et presque tout le monde est d'accord — que nous possédons la technologie. On se demande si l'on se servira de l'énergie nucléaire, de l'énergie renouvelable, des combustibles fossiles, pour le captage des émissions. J'ai écrit un livre dans lequel je me suis penché sur l'avis des experts du World Energy Assessment, de l'International Energy Agency et de Intergovernmental Panel on Climate Change. Toutes ces organisations et leurs experts étaient d'accord pour dire que oui, nous pouvions faire beaucoup avec le nucléaire et avec les énergies renouvelables, de même qu'avec les combustibles fossiles, pour nettoyer les émissions. La question la plus intéressante est de savoir qui fera plus d'argent que l'autre durant cette transition vers un système énergétique propre. Lorsqu'on parle du captage des émissions de gaz à effet de serre, de l'utilisation propre des combustibles fossiles, comme M. Page vient de le dire, on n'a pas encore de centrale qui permette de se servir de ces technologies. Toutes ces technologies,

[Traduction]

la gazéification des combustibles fossiles, l'enfouissement du CO2, le transport de CO2 par pipeline — toutes ces technologies

[Français]

ont été utilisées durant des décennies dans le cadre d'autres activités, chimiques, etc. Nous avons grandement confiance en ces technologies, il s'agit simplement de les réunir de manière différente.
    Combien de temps cela prendrait-il?
    Comme l'a dit M. Page, il faudrait deux ans. Nous sommes en train de faire les investissements présentement.
    Monsieur Bruce.

[Traduction]

    J'ajouterais aux commentaires de Mark que les mesures d'efficacité énergétique sont déjà au point. Elles peuvent être très efficaces.
    Ken Ogilvie présidait un groupe qui a examiné l'efficacité énergétique dans l'industrie automobile, et nous devrions peut-être en parler car nous pourrions prendre certaines mesures qui produiraient des progrès véritables, progressivement, sur 10 ou 15 ans.
    C'est une question de choix. Dans le secteur automobile, entre 1975 et 1985, après les chocs pétroliers et l'adoption de normes d'économie de carburant, le rendement du carburant a doublé en dix ans. Nous aurions pu le doubler encore grâce au progrès technologique, mais nous avons préféré construire des véhicules plus lourds, plus puissants, plus rapides, plus luxueux, etc.
    Ce sont des choix que nous faisons. Ce sont des exemples. Nous pourrions faire beaucoup mieux que cela avec la technologie. C'est vraiment une question de choix; il faut décider où nous déployons ces technologies et qu'est-ce qui encouragera l'industrie à les développer.
    Je siège au conseil de Technologies du développement durable Canada. Nous examinons certaines technologies extraordinaires, mais il faut toujours trouver quelqu'un pour les déployer. Si vous êtes une entreprise, vous voulez être certain d'obtenir un rendement sur votre investissement.
    Les technologies sont multiples. Il n'y a pas une solution unique pour tous les problèmes. Dans certains secteurs, notamment le captage du carbone, il reste des incertitudes à régler. Nous disposons de nombreuses avenues — pas seulement d'une — pour obtenir le type de réductions dont nous parlons d'ici 2050. Il serait difficile d'y parvenir d'ici 2008, mais nous pouvons commencer notre démarche.
    Au fond, les technologies ne sont pas vraiment le problème. Il y aura toujours de nouvelles technologies. Nous ferons de grands progrès, j'en suis certain, d'ici 20 ans.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais sans doute suggérer au greffier de nous envoyer, à l'avenir, la liste des invités accompagnée de leur biographie et de la liste de leurs publications et peut-être aussi, avec cela, une liste de prix...
    Soyons sérieux. Je pense qu'il y présentement au Québec un plan qu'on appelle le plan de réduction de la dépendance au pétrole. Souvent, le Québec est cité en exemple pour son plan de contrôle des émissions de gaz à effet de serre.
    Parmi les personnes invitées à ce comité, on a vu des gens du secteur industriel, des produits chimiques, du secteur de l'automobile et de l'énergie nous dire qu'ils ont réduit considérablement les émissions de gaz à effet de serre depuis 1990. Or, le résultat global, total, est de 28 p. 100. Une réduction de 28 p. 100, plus un objectif de 6 p. 100 de réduction par rapport à 1990 nous amène à 34 p. 100.
    Ma question aux invités est la suivante. Si on a des plans de réduction de la dépendance au pétrole et qu'on investit des sommes considérables pour développer l'industrie du pétrole dans l'Ouest canadien, cela n'est-il pas contradictoire, en termes de politiques canadiennes?
    Monsieur Bruce, vous semblez vouloir me répondre.
(1025)

[Traduction]

    Oui. Si je comprends bien, les sables bitumineux, en particulier, sont la plus importante source d'augmentation des émissions au Canada.

[Français]

    De combien?

[Traduction]

    Je pense qu'il y a des façons de produire de l'énergie qui seraient beaucoup plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sans politiques gouvernementales, il est fort peu probable que ces techniques plus efficientes soient mises en oeuvre.

[Français]

    C'est, encore une fois, lié à la courbe de croissance.
    Lorsqu'on regarde derrière nous, il y a 20 ans, 40 ans, on constate que puisque l'énergie a un coût, les entreprises et même les équipements électroménagers se doivent de devenir de plus en plus efficaces. C'est un phénomène naturel. Mais en même temps, avec la croissance économique et la croissance des nouveaux services énergétiques, on a une augmentation de la demande en énergie.
    Alors, on commence à demander aux industriels quelles actions ils ont prises pour diminuer l'utilisation de l'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. C'est normal qu'ils puissent produire la liste de toutes les actions qu'ils ont prises, de toute façon. C'est un peu le problème quand on applique une politique d'action volontaire, une politique de subventions et d'information. Cela ne freine pas la venue de nouvelles technologies qui utilisent l'atmosphère comme une poubelle. Et ça continue.
    M. Marcel Lussier: Ce n'est pas cohérent.

[Traduction]

    M. Malo, avez-vous une brève question à poser?

[Français]

    Merci, monsieur le président. Vous ne serez pas surpris de ma question.
    Monsieur Jaccard, dans votre introduction, vous avez mentionné que vous aviez travaillé conjointement avec des partenaires chinois, il y a quelques temps.
    Monsieur Bruce, vous aviez déjà commencé à répondre à la question que je vais poser.
    Quelles actions notre comité devrait-il poser pour amener la Chine et les autres pays en développement à adopter des attitudes plus favorables à la réduction des gaz à effet de serre?
    Brièvement, l'expérience que j'ai eue, c'est alors que je faisais partie d'un groupe d'experts appelé à conseiller le gouvernement de la Chine, en 1990. Durant les sept premières années, nous avons suggéré une diminution des subventions accordées aux centrales au charbon, une politique d'électricité renouvelable, une politique de captage des émissions de gaz à effet de serre. Les Chinois ne s'y intéressaient pas, mais dès que nous avons signé le Protocole de Kyoto, ils ont changé d'idée parce qu'ils se sont rendu compte qu'il fallait prévoir la direction qu'allaient prendre les pays industrialisés, en termes de technologies. Ils se sont dit qu'un jour ou l'autre, ils subiraient nécessairement des pénalités financières s'ils continuaient à produire l'énergie de manière malpropre.
    Pour cette raison, je suis en faveur de l'idée que nous, les pays industrialisés, pouvons maintenant aller de l'avant. C'est pourquoi je dis, lorsqu'on parle des dangers de procéder à des changements technologiques, que je ne crois pas que ces dangers soient si importants.
(1030)

[Traduction]

    M. Jaccard, en ce qui a trait à la question de M. Malo, lui et moi étions en Chine il y a quelques semaines, et nous ne pouvions voir les immeubles de l'autre côté de la rue. Il semblerait qu'une centrale thermique alimentée au charbon de 800 mégawatts entre en service chaque semaine, et que plus de 500 autres en sont à l'étape de la planification. Par conséquent, je sais pourquoi la question a été posée. Nous pouvions littéralement mâcher l'air à la fin de la semaine. Nous étions étouffés par ce que ces usines produisaient.
    Notre temps est écoulé. Nous passons maintenant à M. Vellacott.
    Ma question fait suite à vos propos, parce que je sais ce dont ces messieurs parlent concernant la Chine. Je me rappelle la première fois qu'un de mes beaux-frères, qui est actif au plan provincial en Saskatchewan, avec le ministère, visitait la Chine, et il était possible de sentir quelque chose qui ressemblait à du kérosène quand vous ouvriez un livre aux pages très belles. Quand j'y étais, l'atmosphère était plutôt grise là-bas.
    Pour ce qui est de la crédibilité, particulièrement à l'égard d'autres pays — ceux qui ont signé le Protocole de Kyoto, ceux qui ne l'ont pas signé — j'ai posé la question l'autre jour. Je veux la poser à nouveau parce que j'estime qu'elle est importante. Elle fait référence à la question de l'analyse comparative. Je ne veux pas être injuste, mais le problème est que nous n'avons aucun espoir d'atteindre les objectifs de Kyoto. Tant que nous analysons et que nous comparons, c'est bien, et par la suite nous pourrons mesurer à quel point nous sommes éloignés de l'objectif.
    Je soulèverais l'autre question relativement à notre crédibilité et à notre niveau de confiance par rapport d'autres pays. J'estime qu'en termes de relations humaines et de relations de pays à pays, nous pourrions jeter le discrédit sur le processus et nous perdrions ensuite la cote d'estime au moment où nous serons plus sérieux et plus déterminés à aller de l'avant pour atteindre certains de nos objectifs.
    J'en parle un peu comme si c'était ma relation avec mes quatre enfants et avec mes cinq petits-enfants. Si je dois faire des promesses bizarres, par exemple dire que je consacrerai deux heures avec chacun d'entre eux, chaque soir, à faire ce qu'ils veulent. Il n'y a aucun espoir que je puisse respecter cette promesse, parce qu'elle n'est pas réaliste. On se moquerait de moi rapidement. Je détruirais toute ma crédibilité auprès de mes propres enfants puis, le jour où j'aurais besoin de la cote d'estime, de la relation de confiance et de crédibilité dans d'autres rapports cruciaux, dans mon rôle de père et de grand-père, au fil des années...
    Je pense que nous devrions être assertifs. Je pense que nous devons intervenir en matière de gaz à effet de serre et avec la loi sur l'assainissement de l'air, sur la pollution de l'air elle-même et, si nous sommes sérieux, nous parviendrons à réduire au maximum la pollution de l'air et les gaz à effet de serre. Mais, au moment où nous fixons ces objectifs et ces cibles, savons-nous ce que sont les inconvénients ou les retombées négatives? Oui, l'analyse comparative...
    Je pense qu'il est aussi possible de perdre de notre crédibilité, de ne pas avoir la confiance de pays comme la Chine, l'Inde et ainsi de suite plus tard, si nous essayons de jouer au plus fin, sans faire preuve de réalisme. Ce serait ma question du point de vue de la collectivité internationale, quand nous avançons des chiffres, moins 6 p. 100, concernant les engagements de Kyoto, et ainsi de suite.
    Selon la commissaire à l'environnement, il n'y a aucune analyse qui permette de soutenir ce fait. Je m'interroge sur l'aspect philosophique, sur la nécessité de faire le travail difficile et d'établir des objectifs réalistes pour y parvenir.
    J'estime qu'il s'agit là d'une question très importante, parce qu'elle concerne la crédibilité du Canada au plan international, de même que la crédibilité du Canada au plan intérieur.
    En tant que dirigeant d'une entreprise, je suis très préoccupé par la tentation de dépenser beaucoup d'argent dès maintenant — comme je le disais dans mon exposé — pour l'achat de crédits et non pour des investissements technologiques à long terme, puis de devoir faire marche arrière, mettons en 2010, pour changer le système au complet.
    J'aimerais que nous prenions le temps d'établir un programme avec des objectifs à court, à moyen et à long terme, un ensemble qui soit bien intégré. Si nous y parvenions, nous pourrions maintenir notre crédibilité. Mais nous devons également accepter le fait que nous avons subi quelques échecs au plan international en termes de perception de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, et je crois que cela devrait être abordé dans tout programme pour tenter de maintenir la crédibilité dont vous parlez.
    Ce n'est pas une question à laquelle je pense tellement, mais j'ai assisté à une rencontre internationale en Angleterre, il y a quelques semaines à peine, au cours de laquelle un délégué japonais a fait référence à la honte du Canada face à tout cela.
    Et me voici ici... Premièrement, je n'aime pas le mot « cibles », parce que nous avons déjà eu des cibles. Il faut des obligations, des contraintes, assorties de pénalités. Tout le monde peut établir des cibles. De fait, nous avons tous un talent fou pour le faire. Mais ce dont vous parlez véritablement, c'est d'une obligation, d'une exigence concernant ce que vous voulez faire, pourquoi vous voulez le faire et comment vous le ferez, et il faut que tout cela soit établi clairement dans l'économie plutôt que de parler de cibles.
    Du point de vue du Canada, je pense que notre seul choix est de dire simplement à la collectivité internationale que nous avons commis des erreurs, que notre approche n'a pas donné de résultats, et voici les politiques que nous mettons en oeuvre, pour marquer notre bonne volonté. Nous ne jouerons pas un rôle de leader avec ces politiques, mais nous voulons faire partie des pays qui vont maintenant de l'avant, et nous apporterons ces engagements lors des négociations futures.
(1035)
    Allez-y, M. Bruce.
    Si nous voulons éviter des répercussions pour l'économie canadienne et pour l'environnement plus désastreuses que ce que j'ai décrit plus tôt, nous devons faire en sorte que les pays en développement participent aux efforts post-Kyoto. Actuellement, des négociations sont en cours sur ce qu'il convient de faire dans l'après-Kyoto. Le Canada n'aura aucune crédibilité lors de ces négociations s'il ne peut, d'ici 2012, mettre en place certaines politiques, certains programmes qui démontrent à tout le moins que nous cherchons à atteindre les objectifs ou les obligations que nous avons acceptées plus tôt.
    À titre d'illustration, je dois vous dire que je suis très actif en ce qui a trait à la norme ISO 14000 aux plans international et intérieur, et que le Canada a joué un rôle clé pour l'intégration de la norme concernant les effets des gaz à effet de serre aux normes ISO 14064 et ISO 14065 à l'échelle internationale. Lors des assemblées plénières internationales auxquelles j'assiste, le Canada joue un très rôle très important de liaison entre les pays en développement et les pays industrialisés. Le Canada inspire confiance, ce qui nous permet de faire des choses que nous ne pourrions faire autrement. Si nous avons l'impression que nous ne pouvons nous acquitter d'une obligation internationale, nous reconnaissons tout de même que nous avons cette obligation-là, que nous nous comparons à cette obligation et que nous essayons de montrer que nous l'atteindrons. Cela devient un élément psychologique très important au moment où nous atteignons la cible.
    Reconnaissons-nous que nous...
    M. Vellacott, vous avez largement dépassé le temps qui vous était alloué.
    Pourrions-nous passer à M. Cullen, s'il-vous-plaît?
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je regrette d'avoir manqué la première heure. Je lirai le compte rendu.
    J'ai une question à poser. Je crois comprendre qu'il y a été largement question de la politique et de ses répercussions. Je cherche à ramener tout cela à notre projet de loi. Notre comité est chargé d'examiner ou de modifier le projet de loi et, en bout de ligne, de tenter d'un faire un texte législatif.
    Dans l'état actuel du projet de loi, je ne serais pas contre certaines observations concernant sa capacité de faire ce que le préambule prétend faire, dans les limites de la loi. Je ne veux pas supposer que les témoins ont tous lu le projet de loi. Je vois diverses... J'aimerais entendre les observations de ceux qui l'ont lu. Je commence avec M. Page, parce que vous être le premier à l'avoir dit.
    Selon vous, quel est l'aspect le plus préoccupant de ce projet de loi, et quel est l'aspect le plus positif de ce projet de loi?
    Je ne suis pas en désaccord avec les motifs du projet de loi. Par conséquent, je ne cherche pas à le dénigrer. Pour ce qui est de nos opérations commerciales, je ne vois rien qui démontre que vous cherchez à m'aider à atteindre ces obligations. De mon point de vue, les obligations associées au Protocole de Kyoto sont très onéreuses pour notre compagnie. Il y a cinq ans, nous avons proposé au gouvernement un plan de 25 ans qui devait nous amener un équilibre du carbone d'ici 2024. Dans mon exposé, j'ai cherché à dire que si nous devons acheter tous les crédits nécessaires pour atteindre les besoins du projet de loi, parce que la technologie ne sera pas en place avant 2012, ces fonds que nous consacrerons à l'achat de crédits ne seront pas disponibles pour la technologie...
    Permettez-moi de vous interrompre. Vous avez formulé une hypothèse quant à la façon d'atteindre ces objectifs, quant à la nécessité d'acheter des crédits. Est-ce que vous nous donnez le point de vue de votre compagnie quand vous dites que vous ne croyez pas que les objectifs et les réductions d'émissions décrites dans ce projet de loi peuvent se réaliser d'une autre façon? Est-ce que vous laissez entendre qu'il s'agit d'une observation plus large sur la capacité de l'économie canadienne d'atteindre ces objectifs sans acheter de crédits?
    J'ai cherché à être spécifique, M. Cullen. Je cherche à dire ce que cela représente pour le secteur des centrales thermiques, mais je ne faisais pas d'observation concernant l'ensemble de l'économie canadienne.
    De votre point de vue, du point de vue de votre compagnie et peut-être du point de vue de votre secteur concernant ce projet de loi — je voudrais entendre d'autres témoins sinon je manquerai de temps — il doit y avoir un mécanisme d'échange, un mécanisme qui est hautement valorisé sur la scène internationale. N'est-ce pas là quelque chose qui pourrait, en dehors de votre...
    Ce serait le cas, et vous avez tout à fait raison. Ce que j'ai voulu dire plus tôt est qu'il faudrait compter deux ans pour mettre en place les règles d'un système d'échange. Il faudrait au moins trois autres années après cela pour que les retombées du projet et des autres éléments soient en place pour générer les crédits pour un système d'échange qui fonctionne.
    Je n'ai rien contre les objectifs. C'est plutôt l'échéancier qui me préoccupe.
(1040)
    D'accord, c'est compris.
    M. Bruce ou M. Ogilvie, avez-vous un commentaire?
    Oui, il est très important de reconnaître et de respecter l'engagement que nous avons pris à l'égard du Protocole de Kyoto. D'un point de vue pratique, il est entendu que nous ne pourrons atteindre exactement l'objectif de Kyoto. Nous en serons fort éloignés. Vous avez les éléments ici qui nous poussent vers la notion de cadre stratégique que j'ai suggérée. Si j'avais des modifications à faire, je les examinerais avec grand soin pour qu'au moins les éléments du cadre stratégique puissent être incorporés au projet de loi. Selon moi, Il est très bien d'avoir des plans, d'en rendre compte, de faire des projections et d'avoir une évaluation indépendante de tous les éléments d'une politique publique. Il y a là plusieurs éléments positifs.
    Le ton que vous employez semble comporter une certaine réserve. Pourquoi cette réserve? Est-ce l'échéancier ou est-ce...
    Nous ne parviendrons pas à respecter entièrement l'échéancier auquel nous nous sommes engagés. J'ajouterais quand même qui en ferait un élément important des engagements internationaux que le Canada a pris. Pour le Canada, il demeure important d'en rendre compte et de chercher à atteindre les objectifs.
    Peut-être est-ce la formulation utilisée, et M. Jaccard y a fait allusion. Selon moi, tout cela sème la confusion chez les Canadiens. J'ai entendu plusieurs parlementaires dire que nous souhaitons conserver le cadre de travail de Kyoto, comme l'a dit le ministre, mais non respecter les engagements du Protocole de Kyoto. Les Canadiens veulent savoir si les émissions atteindront un certain niveau. Je saisis bien ce que vous disiez, M. Jaccard, concernant les obligations et la nécessité d'imposer des pénalités ou quelque chose du genre, afin d'ajouter un peu de sérieux à tout cela.
    Pourriez-vous préciser la formulation, parce que l'idée de garder le cadre de travail et les intentions...? Le Protocole de Kyoto unique parce qu'il mentionne des chiffres. Il ne s'agit pas d'une intention de faire quelque chose au sujet du changement climatique. Voici les résultats auxquels le Canada s'est engagé.
    Avec le projet de loi tel qu'il est présentement et les observations que nous avons entendues jusqu'à maintenant, que pensez-vous de l'efficacité, de la possibilité d'atteindre les objectifs chiffrés — non pas le cadre de travail, mais l'esprit, les mots obscurs?
    Je ne puis commenter parce que je n'ai pas lu le projet de loi.
    Tout ce que je puis dire — et ce sont des observations que j'ai faites plus tôt — est que lorsqu'il est question d'aller de l'avant pour atteindre les objectifs de Kyoto ou une partie de ces objectifs, et ainsi de suite, au cours de la période de quatre à six ans dont nous parlons, il n'y a presque rien que nous puissions faire. Selon moi, les gens ne comprennent pas l'inertie des investissements en capital et du comportement humain.
    Du point de vue d'un modélisateur de système, l'échéance de quatre à six ans est instantanée. De fait, je prépare actuellement des scénarios pour la table ronde nationale afin que le Canada atteigne une réduction de 50 p. 100 dès 2050. Il semble qu'il puisse être très difficile d'y arriver. Les technologies existent ou sont en place, mais le roulement du capital national et l'inertie du système sont incroyables. Si je puis faire quelque chose pour ceux qui ne conçoivent pas ce genre de modèles de l'économie, c'est de les aider à mieux comprendre cette inertie propre à notre système. Bien sûr, un nouvel ordinateur peut entrer dans le système très rapidement, mais les choses sont différentes pour ce qui est des questions d'infrastructure majeure, d'installations industrielles majeures, d'usines de conservation de l'énergie et ainsi de suite.
    M. Cullen, votre temps est échu.
    M. Jaccard, ma fille fait ce genre de modélisation en Europe, où elle a produit un modèle qui vise l'année 2055 pour le gouvernement allemand. Ce sont là les échéanciers utilisés pour cette modélisation.
    M. Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour chacun de vous. Avez-vous eu la chance de consulter le projet de loi C-30, la Loi canadienne sur la qualité de l'air, et la déclaration d'intention? Avez-vous eu la chance de les lire?
    Bien. Je vois que certains approuvent de la tête.
    Il y a eu plusieurs commentaires concernant la politique. Nous estimons que les propos que nous entendons aujourd'hui correspondent bien à l'orientation que prendra la Loi canadienne sur la qualité de l'air, et que cela constitue une bonne politique pour aborder un plan bien pensé.
    Le gouvernement est toujours engagé vis-à-vis Kyoto, il participe toujours au Protocole de Kyoto. Nous avons indiqué qu'il est peu probable que nous puissions atteindre nos objectifs. Nous avons dit que nous n'atteindrons pas nos objectifs.
    Quand je vous l'ai demandé lors du premier tour de table, chacun a affirmé que nous n'atteindrons pas nos objectifs.
    M. Jaccard a mentionné que nos efforts se font sur une base volontaire, et je pense qu'il a recommandé que ces efforts soient obligatoires. C'est dans cette direction que souhaite aller le gouvernement avec la question des émissions de gaz à effet de serre et des polluants.
    Nous établirons des objectifs pour la pollution et pour les émissions de gaz à effet de serre d'ici quelques mois. Nous avons mené des consultations pendant des années. Nous négocions actuellement l'établissement de ces objectifs. Nous sommes dans la période de 60 jours suivant la publication dans la Gazette du Canada de l'avis d'intention d'obtenir l'avis du public, et nous espérons que vous participerez, que vous donnerez suite à cet avis d'intention, afin que nous ayons une bonne politique. Meilleurs seront les avis, meilleure sera la politique. Je vous encourage donc à participer.
    Très bientôt, au début de l'année 2007, ces cibles auront été établies — des cibles, et non des obligations, mais je vous entends très bien — pour les émissions de gaz à effet de serre et les polluants.
    Lors de son témoignage, la commissaire à l'environnement nous a mis au défi de collaborer tous ensemble sur cette question très importante. Aujourd'hui, nous parlons des répercussions; mardi, il a été question de l'urgence. Je perçois très bien l'urgence dans chacun de vos exposés. Vous nous dites de prendre des mesures, d'agir, et je crois que nous le faisons.
    La commissaire nous a mis au défi de travailler ensemble à notre loi canadienne sur la qualité de l'air et de mettre de côté tout ce qui s'est passé auparavant. Je suppose que vous faites la même chose à cause de l'urgence, c'est-à-dire mettre de côté l'aspect politique pour travailler plutôt à une cause très importante. Est-ce là une hypothèse équitable?
    Ma dernière question, et je dispose de quelques minutes, s'adresse à M. Jaccard, si vous pouvez partager la réalité dans laquelle nous évoluons. J'ai assisté à une assemblée publique locale à Crescent Beach — vous savez où cela se trouve — samedi. Les gens disaient « Faites quelque chose maintenant », et c'est bien cela que nous entendons. Nous avons énuméré le contenu des carburants renouvelables, et j'ai présenté mon plan.
    Si vous avez lu le projet de loi canadienne sur la qualité de l'air et si vous en connaissez l'intention, vous savez dans quelle direction nous allons, vous connaissez les actions que nous avons prises — c'est-à-dire éliminer le mercure des voitures envoyées à la ferraille et favoriser l'utilisation du transport en commun. Avez-vous d'autres détails particuliers?
(1045)
    Merci, M. Warawa.
    M. Cullen.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai commis la même erreur à la dernière réunion du comité.
    Si nous examinons le projet de loi C-288, il importe de nous attarder aux aspects du projet de loi C-288. C'est la raison pour laquelle je me manifeste respectueusement. Les questions que nous avons entendues concernent la Loi canadienne sur la qualité de l'air. Un comité législatif sera créé à cette fin. Notre tâche, pour le moment, est d'examiner ce projet de loi et ses répercussions.
    Bien que j'apprécie l'enthousiasme de M. Warawa pour ce projet de loi proposé par son gouvernement, notre comité n'est cependant pas chargé de l'étudier. J'ai attendu les questions de même que les observations, mais ce sont davantage les questions qui concernent le projet de loi C-288 qui nous intéressent, qui intéressent notre comité.
    Merci, M. Cullen.
    Je vous prierais, M. Warawa, d'en arriver à votre question, si vous le pouvez. Votre temps s'écoule.
    Oui, j'ai encore une minute et dix secondes.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mark Warawa: Je m'interroge sur la possibilité de retombées immédiates, en plus de ce que le gouvernement fait déjà, concernant le projet de loi C-288. Il nous faut des détails précis. Pouvez-vous formuler des recommandations particulières concernant ce que le gouvernement devrait faire?
    Oui, et je les ai formulées assez clairement, par exemple dans The Morning After. Selon moi, vous n'avez besoin que de quatre ou cinq politiques. Jusqu'à maintenant, les politiques que nous avons vues me paraissent butées. En ce qui a trait à la subvention pour le transport en commun, nous commençons à peine à faire des simulations. Je pourrais produire un document de l'Institut C.D. Howe, mais j'estime que cela aurait très peu d'effet sur l'utilisation que feront les gens du transport en commun. Ce sera effectivement un paiement de transfert aux personnes qui achètent déjà des laissez-passer pour le transport en commun. Par conséquent, le coût par tonne de réduction serait exorbitant, de l'ordre à 500 $ à 1 000 $.
    Il en va de même pour la teneur en éthanol. Si vous n'adoptez pas les autres politiques auxquelles je fais référence pour restreindre l'usage que font les gens de l'atmosphère, il se pourrait très bien que les raffineries que l'on construit pour la production d'éthanol utilisent du charbon ou le combustible le moins cher qui soit comme cela s'est vu aux États-Unis. Nous faisons également une simulation pour l'Institut C.D. Howe que nous publierons sans doute à un moment donné et qui démontrera de nouveau l'effet négatif de ce genre de politique.
    À moins que vous ne vouliez agir très rapidement et lancer un message fort concernant l'utilisation de l'atmosphère, comme je l'ai mentionné, je ne crois pas que vos politiques donneront des résultats.
(1050)
    Nous passons à M. Godfrey, puis à M. Silva.
    Les trois questions suivantes s'adressent à vous, M. Jaccard. Je sais que mon collègue Mario tient à vous poser des questions, mais ce sont trois questions interreliées.
    Si nous prenions au sérieux votre suggestion d'aller de l'avant les quatre ou cinq politiques que vous avez proposées, à quelle date, selon vous, pourrions-nous voir des effets prévisibles, mesurables par rapport au scénario de maintien du statu quo si nous n'avions pas emprunté cette voie? Quelle serait, selon vous, la date la plus hâtive pour obtenir ces résultats? C'est là ma première question.
    Deuxièmement, aurais-je raison de supposer qu'une partie de la réponse à la question est, bien entendu, le prix que vous accordez aux choses? Qu'il s'agisse d'une taxe sur les combustibles fossiles ou d'un système de plafond et d'échange, selon ce que vous choisissez d'adopter, vous obtiendrez certains résultats. Selon moi, cela illustre bien les options de politique et les choix que nous devons faire.
    Ma troisième question est que, peu importe la voie que vous emprunterez, qu'il s'agisse d'une augmentation plus ou moins prononcée de la taxe sur les combustibles fossiles ou sur le système de plafond et d'échange, n'est-il pas possible d'exprimer ce qui se produirait d'ici une date cible quelconque — vous me direz la date? En d'autres mots, cela indiquerait que si nous voulons, en tant que société, atteindre un résultat qui ressemble à cela, ces quatre ou cinq politiques devront être appliquées au cours de la période et selon ce rythme. En d'autres mots, cela deviendrait soudainement l'objectif que nous pourrions opposer aux limites de Kyoto ou à l'objectif de Kyoto. En l'occurrence, il faut oublier le facteur de réalisabilité.
    Je veux simplement savoir à quelle date nous pourrions vérifier les résultats, si nous tenons compte de votre avis. Quand pourrons-nous mesurer les résultats? Donnez-nous une idée de ce que vous envisagez. Pouvons-nous en faire un objectif?
    Monsieur le président, je pourrais peut-être poser mes questions et il pourrait y répondre, ce qui serait moins long.
    Oui, allez-y.
    Professeur Jaccard, vous avez dit ne pas être d'accord qu'il doive y avoir des cibles connues. Vous avez dit non aux objectifs, mais oui aux obligations et aux contraintes. Vous êtes en faveur de l'adoption de pénalités. Mais lorsque vous fixez des objectifs, n'imposez-vous pas également des obligations pour atteindre ces objectifs? J'adopterais également des contraintes pour appuyer les objectifs, de sorte que je suis un peu dérouté par votre déclaration. Peut-être aimeriez-vous clarifier votre position.
    Je commencerai par cela. C'est une question de sémantique.
    Le discours des gouvernements sur les cibles a fini par m'agacer, au fil des ans. De fait, les politiciens en parlent souvent. Ils se mettent à parler d'un objectif, mais sans mentionner de moyens pour l'atteindre. J'ai remarqué que dans le cadre de certaines politiques, où les gens sont vraiment sérieux — par exemple, dans le cas du Clean Air Act de 1990 aux États-Unis — il n'est pas question d'objectif, mais plutôt d'une obligation, d'un plafond, d'une exigence.
    Si quelqu'un dit qu'il s'agit de notre objectif, sachez qu'un objectif suppose chez moi l'idée qu'il n'est pas nécessairement possible de l'atteindre. Peut-être est-ce là ma façon de voir les choses. Si nous écoutons les scientifiques, nous avons vraiment besoin d'exigences solides qui nous permettrons d'atteindre les objectifs.
    La question était de savoir à quel moment nous verrions des changements si les politiques étaient mises en oeuvre immédiatement. Il y aurait des changements immédiats.
    Des changements mesurables?
    Oui, à cause du renouvellement de l'équipement, et aussi parce que des gens prennent constamment des décisions, par exemple pour une nouvelle centrale électrique, une foule d'autres décisions de moindre importance comme le type de véhicule à acheter. Le gouvernement fait de la publicité avec Rick Mercer pour nous dire qu'il en coûtera beaucoup plus cher pour nous procurer du carburant la prochaine fois que nous achèterons une voiture et pour inciter les gens à réfléchir à leurs options. Le renouvellement de l'équipement se produit constamment et de plus en plus.
    Quand je dis « mesurable », il y a des zones d'incertitude. Par conséquent, ce n'est pas nécessairement dans trois ans, mais je dirais que cela est déjà commencé. Avec nos modèles et compte tenu des données de départ obtenues de Statistique Canada et d'autres sources, nous serions capables de percevoir des résultats en cinq à dix ans. Cela se trouve dans le rapport « Burning Our Money » de l'Institut C.D. Howe que vous avez déjà utilisé auparavant, si je me souviens bien. Ce document montre que vous vous éloignez déjà de la courbe de croissance que vous aviez adoptée. Ainsi, les résultats seraient immédiats.
    En d'autres mots, il y a moyen de trouver une solution à ce problème sémantique. En ce qui a trait à l'effet prévisible, il est immédiat et il peut être mesuré sur une période de cinq à dix ans, si je comprends bien, et l'ampleur de l'effet dépend de la vigueur de l'incitatif mis en place. Est-ce exact?
    Oui.
    Je tiens toujours à préciser, et cela se retrouvait même dans le processus national sur le changement climatique, que les gens confondent mesures — ce que font les particuliers et les entreprises pour réduire les gaz à effet de serre — et politiques. Les politiques doivent être immédiates — il y a des délais, que Bob bien légitimement mentionné — et les actions viennent progressivement, au fil du temps.
    Souvent, la frustration me gagne quand les gens disent que les mesures viendront avec le temps, de sorte que la politique pourra être mise en oeuvre plus tard. Non. Les actions ne commencent pas tant que la politique n'est pas en place.
    Vous devez aussi vous interroger sur l'intensité. C'est pourquoi il faut un signal progressif, pour dire aux gens qu'il en coûtera beaucoup plus cher pour continuer d'utiliser l'atmosphère comme nous le faisons. Nous voulons que chacun le sache, parce que cela aide les entreprises à penser à la recherche et au développement et à investir des fonds au fur et à mesure.
(1055)
    M. Ogilvie, je sais que vous voulez intervenir. Pouvez-vous le faire brièvement, je vous prie?
    Si je puis, parce que nous avons des échanges très intéressants... Ce document vient tout juste d'être publié, il y a environ une semaine, et il porte principalement sur les pluies acides.
    Chacun cherche à vendre ses publications.
    C'est exact. J'en ai d'autres ici.
    Il y a une bonne dose de science et de politique dans ce document. C'est un microcosme où le changement climatique est un problème bien plus important. Nous avons fort bien utilisé la science et le protocole menant à une convention, nous avons eu recours à des plafonds et à des cibles, etc. en cours de route. Il y a des jalons à respecter pour l'établissement de la politique et une interaction avec la science. Je vous inviterais à lire le document, et même les sections scientifiques parce qu'elles ont été rédigées pour vous informer que nous avons réglé d'autres problèmes en utilisant ces approches.
    Il y a une signification particulière à tout ce processus de conventions et de protocoles que le Canada a littéralement inventée concernant la question internationale des pluies acides. Je crois qu'il est très important de comprendre comment nous avons pu résoudre les problèmes par le passé.
    J'ai travaillé à la rédaction de politiques et de documents pour le Cabinet pendant quelques années. Je puis vous assurer qu'il faut quelque chose si vous devez rédiger des politiques pour le Cabinet. Il vous faut un objectif. Vous devez travailler en fonction de cet objectif. Il faut que tout soit spécifique. Vous ne pouvez vous présenter au Cabinet avec une liste de bonnes intentions. Vous devez présenter quelque chose que vous appuyez. Vous avez besoin d'objectifs ou de plafonds, peu importe la façon de les nommer. Il vous faut aussi un cadre stratégique, certains objectifs, des arguments scientifiques et un processus pour couronner le tout.
    Merci, M. Ogilvie.
    M. Harvey.

[Français]

    Dans le Protocole de Kyoto, il était compris qu'il y aurait des achats de crédits de carbone à l'étranger. Différents montants ont été avancés. Croyez-vous que le Canada peut progresser en achetant des crédits de carbone outre-mer, monsieur Page?
     Répondez par oui ou par non: il nous reste quelques minutes seulement et j'ai d'autres questions à poser.

[Traduction]

    Je voudrais revenir très brièvement à la formulation que j'ai utilisée plus tôt: une soupape de sûreté en ce qui a trait aux crédits internationaux pour chercher à protéger le Canada contre une forte hausse des prix et, dans les cas que j'ai mentionné plus tôt, ou nous avons dû travailler sur la scène internationale faute d'une politique intérieure.
    Quelqu'un d'autre veut intervenir?
    Allez-y, M. Harvey.

[Français]

    Monsieur Ogilvie?

[Traduction]

    Il s'agit d'un dossier mondial, et il est bien inspiré d'avoir la capacité d'y travailler. Par conséquent, la réponse est oui. Du point de vue d'un environnementaliste, nous aimerions maximiser les retombées, de même que les avantages concomitants pour le Canada, indépendamment des retombées pour l'environnement et l'économie. Tout est question d'équilibre. Mais il s'agit d'un problème mondial. Selon moi, il ne serait pas de bonne guerre d'ignorer un outil de souplesse.

[Français]

    Non, je comprends qu'on ne doit pas se priver. Le CO2 peut venir autant de la Chine que de la Russie, je comprends très bien cela, sauf qu'à court terme ou à moyen terme, il faudrait peut-être régler le problème ici avant de remettre de l'argent à d'autres pays. C'est ce que je dois comprendre?
    Monsieur Bruce?

[Traduction]

    Je crois qu'il est préférable de réduire les émissions chez nous, parce que nous bénéficions d'une foule d'avantages concomitants.
    L'idée d'un échange de droits et de crédits à l'étranger vient du fait que les gaz à effet de serre ne respectent aucune frontière. Ils sont bien mélangés à l'échelle mondiale. Les émissions produites en Indonésie ont autant d'effet au Canada que ce que nous émettons chez nous. Si nous parvenons à réduire les émissions ailleurs, et que nous pouvons le faire à un coût moindre, la planète en profitera et nous en profiterons.

[Français]

    Le problème est qu'en tant que modélisateur, je crois qu'il est très difficile de confirmer qu'on a vraiment modifié le taux d'émissions dans d'autres pays. On peut subventionner telle ou telle centrale au gaz, mais on n'est jamais certain que l'on aura bien construit une centrale au gaz, et non pas une centrale au charbon. Il est difficile de savoir à coup sûr si on a réellement changé la tendance sur le plan des émissions.
(1100)
    Monsieur Jaccard, la prochaine question vous est adressée. Comme on le sait, il y a de grands secteurs de l'industrie, dont celle de la production d'électricité, qui émettent beaucoup de CO2. Vous avez parlé tout à l'heure des centrales nucléaires.
    Croyez-vous que ce soit une des options à privilégier pour la production d'électricité?
    En fait, je n'ai pas de préférence entre les énergies renouvelables, les combustibles fossiles et le nucléaire. C'est un peu cela que j'ai essayé de dire plus tôt en formulant ma réponse. Je n'ai pas de préférence. Il appartient plutôt aux gens des pays concernés de décider des avantages que chaque...
    Mais dans les trois cas, qu'il s'agisse d'énergie fossile, renouvelable ou nucléaire, ce sont trois technologies viables dont les coûts de production et fonctionnement seront sensiblement les mêmes d'ici deux ans.
    Selon mes calculs, d'ici 50 ans, c'est plutôt le nettoyage des combustibles fossiles qui va prendre la plus grande part du marché. C'est ce dont je parle dans le livre que je vous ai mentionné.
    Je comprends très bien.
     Monsieur Page, vous dites qu'il faut prévoir une période d'environ 50 ans pour recycler une industrie, c'est-à-dire qu'entre le moment où on la met en place et celui où elle devient démodée, il y a à peu près 50 ans d'utilisation d'une technologie ou d'une façon de procéder. C'est bien cela? Y aurait-il moyen que cela se fasse plus rapidement?

[Traduction]

    Nous pouvons y arriver plus rapidement en mettant en place des incitatifs dès aujourd'hui. Si nous devions donner des crédits pour la technologie plutôt que d'acheter des droits internationaux, par exemple, les crédits pour la technologie intérieure entreraient en vigueur dès maintenant et propulseraient nos efforts en vue d'en arriver à du charbon épuré et à la séquestration du CO2.
    J'aime bien envisager les choses en fonction du court, du moyen et du long terme, mais les signaux doivent être envoyés dès aujourd'hui afin que nous soyons prêts pour les objectifs à long terme. C'est là ma principale préoccupation.
    Deuxièmement, il faut un contexte d'investissement. Il est ici question de l'ampleur des investissements, et il ne faut pas oublier qu'il est impossible de réhabiliter le CO2. Il nous faut des systèmes de combustion entièrement nouveaux, et c'est la raison pour laquelle l'approche est beaucoup plus difficile et beaucoup plus coûteuse que dans le cas du SO2, du NOx et du mercure.
    Merci, M. Harvey.
    Je tiens à remercier nos témoins. Je sais qu'il a été difficile pour vous de venir nous rencontrer. Nous apprécions grandement votre participation. Merci beaucoup.
    La séance est levée.