:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je me présente. J'ai été fonctionnaire pendant 30 ans. J'ai pris ma retraite il y a 18 mois et je siège au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. J'ai d'abord travaillé avec le Groupe de travail I, qui s'intéresse à l'aspect scientifique, et maintenant je suis avec le Groupe de travail II, qui étudie les impacts et l'adaptation. Je travaille à temps partiel à l'Université Carleton et au Centre de recherches sur le développement international.
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l'occasion de vous exposer des données scientifiques qui font ressortir la menace du changement climatique.
Je veux faire valoir quatre points.
Premièrement, et surtout en brûlant des combustibles fossiles, nous avons porté la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone — l'un des principaux gaz à effet de serre — à des niveaux jamais vus sur terre depuis près d'un million d'années. Nous sommes en territoire inconnu.
Deuxièmement, les températures mondiales récentes sont supérieures à tout ce que nous avons pu déterminer pour le dernier millénaire. Nous avons réussi à détecter le réchauffement planétaire.
Troisièmement, la seule façon pour nous de bien comprendre ce changement est d'invoquer des caractéristiques connues et les lois de la physique pour expliquer l'influence des gaz à effet de serre sur le climat.
Quatrièmement, nous constatons maintenant que certains impacts surviennent plus rapidement que prévu, et plus nous tardons à intervenir plus les risques seront grands et les coûts, élevés. À mon avis, il faut agir sans tarder.
Nous pouvons expliquer la menace du changement climatique en termes simples ou en termes extraordinairement techniques. Le système climatique lui-même est extrêmement complexe, il réunit de nombreux processus interreliés et essentiellement non linéaires. Néanmoins, nous le comprenons assez bien pour savoir que si nous augmentons les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, comme nous l'avons fait en brûlant des combustibles fossiles, nous modifierons l'équilibre radiatif et donc le climat. C'est un fait élémentaire, inévitable, bien accepté en physique. C'est pour cela que j'utilise le mot « menace ».
L'explication scientifique ne date pas d'hier. Dès 1824, le mathématicien français Fourier discutait du lien entre le climat et la concentration atmosphérique de certains gaz. Ces gaz, appelés gaz à effet de serre, agissent comme une couverture autour de la terre. C'est grâce à eux que notre planète est habitable. Sans eux, le monde serait plus froid de 32 degrés. Cette hypothèse a été reprise environ 70 ans plus tard par le chimiste suédois Arrhenius, qui a calculé rapidement comment la température planétaire changerait si l'on doublait les concentrations de gaz à effet de serre, une situation qui est sur le point de se concrétiser.
Les scientifiques ont inscrit la question du changement climatique au programme politique international au milieu des années 1980, précisément parce qu'ils s'inquiétaient des augmentations observées des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone mesurées très précisément à Mauna Loa par Charles Keeling. La préoccupation des scientifiques était telle qu'elle a dominé la conférence sur l'atmosphère en évolution à Toronto, en 1988. Elle a aussi incité les Nations Unies à créer le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, pour fournir aux gouvernements des évaluations éclairées et politiquement pertinentes — mais non pas régies par la politique — de l'état actuel de nos connaissances sur le changement climatique.
Revenons maintenant à mon premier point. Récemment, des scientifiques ont extrait un noyau de glace de trois kilomètres dans l'Antarctique. La neige qui tombe là-bas chaque année retient dans ses cristaux des échantillons de l'air ambiant au moment de sa chute. Les couches s'accumulent au fil des ans. En examinant l'air emprisonné dans chaque couche, les scientifiques ont pu déterminer l'historique des températures et des concentrations des principaux gaz à effet de serre. Ils ont réussi à établir ces données sur 630 000 ans, soit plusieurs ères glaciaires. Les ères glaciaires ont un cycle d'environ 120 000 ans. Elles sont attribuables aux variations orbitales de la terre autour du soleil. Les concentrations ont fluctué avec le temps. Elles étaient plus faibles pendant les ères glaciaires et plus élevées en période interglaciaire.
Il faut bien comprendre que les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone fluctuaient entre deux bornes. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, jusqu'au début de la révolution industrielle, elles n'ont jamais dépassé 280 parties par million. Aujourd'hui, nous sommes à 380 parties par million, une augmentation de 30 p. 100 sur 150 ans. Et les concentrations continuent d'augmenter.
En examinant le rapport isotopique du dioxyde de carbone, nous avons pu établir que la plus grande partie provenait de la combustion des combustibles fossiles. Nous poussons clairement l'atmosphère en territoire inconnu. La physique élémentaire nous apprend que cela aura un effet sur le climat. Je ne prétends pas pouvoir vous dire exactement comment le climat changera, mais je peux vous affirmer sans crainte qu'il changera.
Passons maintenant à ce que nous avons déjà observé en matière de climat et de température, puisque c'est le paramètre le plus facile à comprendre. Pour la période la plus récente, nous utilisons les lectures directes du thermomètre. Beaucoup de travaux ont été réalisés pour que l'enregistrement des températures soit homogène et exclue les facteurs fallacieux, notamment le réchauffement plus marqué des villes. Pour les périodes antérieures, avant la découverte du thermomètre, nous devons nous fier à des données de remplacement soigneusement calibrées, par exemple les anneaux des arbres et les noyaux de glace. Plusieurs groupes de scientifiques ont utilisé ces données pour reconstituer l'évolution des températures du dernier millénaire. Ces diverses reconstructions ont toutes des caractéristiques générales similaires. Certaines supposent plus de variations — par exemple, à l'échelle des siècles —, mais ces reconstructions montrent nettement qu'il y a eu un réchauffement significatif au cours des 50 ou 100 dernières années et, surtout, que ce réchauffement dépasse en amplitude les variations du dernier millénaire.
Comme le concluaient les rapports du GIEC, il est fort probable que le réchauffement récent ne s'inscrit pas dans la variabilité naturelle du climat. C'est pourquoi nous pensons avoir effectivement décelé le changement climatique. Évidemment, cela ne permet pas de l'attribuer à l'activité humaine; pour cela, il faut utiliser non seulement ces données mais aussi des modèles climatiques et chercher des empreintes dans le climat passé.
Notre compréhension du climat et notre capacité de le modéliser se sont considérablement améliorées depuis 10 ou 15 ans. Nous connaissons aussi les changements de concentration des gaz à effet de serre et des aérosols dans l'atmosphère pour les 100 dernières années. Nous avons par ailleurs déterminé les fluctuations des facteurs naturels, par exemple la production solaire et l'activité volcanique. Nous pouvons intégrer ces données aux modèles climatiques et comparer les résultats avec les observations. Si nous nous basons sur le seul forçage naturel, la correspondance pour la première moitié du siècle est acceptable, mais nous commençons ensuite à nous écarter de la norme.
Par contre, si nous utilisons le forçage naturel et l'influence des gaz à effet de serre et des aérosols, la correspondance est remarquable. De fait, pour reproduire le changement des températures observées depuis 150 ans il faut absolument tenir compte des gaz à effet de serre dus aux combustibles fossiles et à l'évolution de l'utilisation du sol.
:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de me permettre de vous présenter un exposé sur une question qui me paraît très importante, notamment pour notre société.
La Société canadienne de météorologie et d'océanographie est un important organisme non gouvernemental qui regroupe à l'échelon national les personnes et les organisations vouées au progrès des sciences de l'atmosphère et des océans et aux disciplines environnementales connexes. Nous servons les intérêts des météorologues, des climatologues, des océanographes, des limnologues, des hydrologues et des spécialistes de la cryosphère dans tout le Canada et, de fait, nous avons aussi des membres à l'étranger. Nous représentons les scientifiques canadiens qui étudient l'atmosphère, les océans et les questions environnementales connexes, y compris bien sûr le changement climatique. Nous comptons plus de 800 membres qui oeuvrent dans les principaux centres de recherche, universités, sociétés privées et instituts gouvernementaux du Canada. Nous croyons être particulièrement bien placés pour donner des conseils spécialisés en matière de changement climatique.
Nous avons participé à une importante conférence scientifique à Toronto, l'an dernier, au début de juin, et nous avons publié par la suite une déclaration sur le changement climatique. Les points que je vais aborder ce matin s'appuient essentiellement sur cette déclaration, avec quelques détails ajoutés pour refléter l'évolution récente de la situation. Je vais parler de l'état du climat et de la climatologie, dire quelques mots du lien avec la pollution atmosphérique et de l'urgence de s'attaquer à la question des gaz à effet de serre.
Le changement climatique est maintenant une réalité au Canada et dans le monde. Comme vous venez de l'entendre, l'essentiel de ce changement est attribuable aux activités humaines qui dégagent de plus en plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, notamment du dioxyde de carbone, depuis le début de la révolution industrielle. L'effet de ces gaz sur l'équilibre thermique mondial est bien connu — c'est de la physique élémentaire — et il est aujourd'hui décelable à l'échelle continentale et mondiale.
Les processus d'élimination du dioxyde de carbone sont relativement lents, et ce gaz finit par se répartir assez uniformément dans l'atmosphère. La durée de vie moyenne du dioxyde de carbone se mesure en décennies et en siècles. Une fois dans l'atmosphère, il y reste. Cela signifie qu'il faut longtemps pour qu'un changement dans les émissions modifie la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone. Il faut du temps pour accumuler ce gaz et du temps pour l'éliminer. Cela signifie donc que les effets du dioxyde de carbone ne sont pas locaux mais, inévitablement, mondiaux. Le problème est très différent des autres formes de pollution dite atmosphérique.
Une des caractéristiques du système climatique est que les océans — puisque environ 70 p. 100 de la planète est recouverte d'océans — dominent les processus climatiques, et c'est à l'échelle de temps des océans que se mesure le changement climatique. En raison de leur énorme capacité thermique, les océans réagissent très lentement aux changements du bilan énergétique. Le système climatique est donc encore plus lent à réagir aux changements des émissions de CO2 dans l'atmosphère. Le décalage s'accentue. Le réchauffement des températures mondiales que l'on constate aujourd'hui est la conséquence du fardeau cumulatif du dioxyde de carbone anthropique libéré dans l'atmosphère pendant des décennies. C'est le résultat non pas de ce que nous faisons aujourd'hui, mais de est l'accumulation. C'est la raison pour laquelle il faut agir sans tarder.
Il existe évidemment un lien avec la pollution atmosphérique. Les activités humaines qui dégagent du dioxyde de carbone, surtout la combustion de combustibles fossiles, libèrent aussi d'autres substances, notamment des oxydes d'azote et de soufre, qui créent la pollution atmosphérique. Cette pollution a des effets directs et indirects sur la santé des écosystèmes, des êtres humains et des animaux. Ces substances ont une durée de vie beaucoup plus brève dans l'atmosphère, une durée se mesure en heures ou en jours. Leurs effets sont surtout locaux et s'inversent rapidement si l'on réduit les émissions. Ces substances sont relativement faciles à éliminer à court terme. Le dioxyde de carbone est différent.
Les mesures visant à réduire les émissions d'agents de pollution atmosphérique de ce type ne se traduiront pas par une réduction des émissions de dioxyde de carbone, à moins de réduire l'utilisation des combustibles fossiles. Le dioxyde de carbone est le produit inévitable de la combustion de combustibles contenant du carbone. C'est la réalité. À moins de le capter avant sa libération dans l'atmosphère, le produit de cette combustion accroît les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone. Si les émissions de dioxyde de carbone continuent d'augmenter, elles provoqueront une augmentation croissante du dioxyde de carbone accumulé dans l'atmosphère mondiale.
Même si les émissions étaient stabilisées aux niveaux actuels, le dioxyde de carbone continuerait d'augmenter dans l'atmosphère et aurait un effet de plus en plus marqué sur le climat mondial. Nous ne pouvons pas simplement stabiliser la situation et penser que nous avons réglé le problème. Le climat va continuer de réagir aux émissions passées, et les émissions actuelles suffisent à alimenter l'augmentation. Même si les émissions étaient soudainement ramenées aux niveaux préindustriels, il faudra des décennies, sinon des siècles, pour que la teneur en dioxyde de carbone dans l'atmosphère, et donc ses effets sur le climat, revienne aux niveaux antérieurs à la révolution industrielle. Je le répète, le décalage de ces phénomènes est très marqué. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut intervenir immédiatement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour atténuer le futur changement climatique, et nous devons nous préparer à faire face aux changements climatiques déjà déterminés par les émissions passées.
Quant à la convention sur le climat et au Protocole de Kyoto, je dirai que nous préconisons une réaction mondiale coordonnée face au changement climatique. Nous pressons tous les gouvernements de collaborer à l'établissement d'un accord international unique pour s'attaquer au problème, aux termes de la convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique adoptée en 1992.
Le Protocole de Kyoto, inscrit dans la convention, est une première étape importante pour réduire les rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Toutefois, les preuves scientifiques montrent que pour stabiliser le climat les réductions mondiales des émissions de gaz à effet de serre doivent aller beaucoup plus loin que ce que prévoit le Protocole de Kyoto. Nous convenons qu'il est difficile d'implanter l'entente actuelle, mais nous pressons le Canada d'y contribuer efficacement.
Il faut aussi signaler que le Canada a d'autres obligations aux termes des articles 4, 5 et 6 de la convention sur le climat et de l'article 10 du Protocole de Kyoto concernant la recherche sur le climat et les observations systématiques du système climatique. Nous ne respectons pas non plus nos engagements à cet égard.
Le Canada n'a d'autre choix que de s'adapter au changement climatique actuel et futur. Pour ce faire, nous devons formuler une stratégie nationale d'adaptation. D'autres travaux sont essentiels pour préciser les prévisions pour les saisons, les décennies et les siècles à venir, définir nos options, réduire les effets du changement climatique et mieux comprendre et anticiper ces effets, spécifiquement au Canada. Le problème est mondial, mais ses effets varient selon les régions du monde. Le Canada et le nord du Canada sont l'une des régions du monde les plus touchées par le changement climatique, et nous devons mieux comprendre ce phénomène. Nous avons besoin de nouvelles études, de nouvelles données, et il nous faut appuyer ces activités.
Voilà qui termine mon exposé, monsieur le président.
:
Je m'appelle Richard Paton et je suis président de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Je suis venu avec Gordon Lloyd, notre vice-président aux questions techniques, qui, je crois, s'adresse régulièrement à votre comité.
Merci de donner à l'ACFPC l'occasion de collaborer à l'examen du , sur l'importante question du changement climatique.
L'ACFPC n'est pas venue parler au nom de l'industrie en général, mais nous aborderons certaines questions globales auxquelles notre secteur est confronté et nous mettrons l'accent sur les défis et les expériences du secteur des produits chimiques, deuxième secteur manufacturier à valeur ajoutée en importance au Canada. Les membres du comité pourront peut-être ainsi se faire une idée de la façon dont l'industrie aborde le problème.
Après la convention de Rio de Janeiro, vers 1992, notre association a reconnu les préoccupations relatives au changement climatique. Nous avons commencé à déclarer et à surveiller nos émissions de gaz à effet de serre dès 1992. En 1995, nous avons aussi formulé une politique sur le changement climatique pour aider nos entreprises à s'attaquer au problème et à réduire les émissions. Nous sommes engagés dans ce dossier depuis longtemps.
Comme nous prenons la question au sérieux, nous croyons que les gouvernements doivent définir des approches stratégiques saines, réalistes et efficaces. Il faudra que les Canadiens modifient en profondeur leur style de vie. Il faudra aussi intervenir avec détermination sur le plan économique et assurer la coordination provinciale.
Notre gouvernement a accepté la cible de stabilisation vers le milieu des années 1990, mais il n'a encore proposé aucun programme réaliste ou efficace qui permettrait de respecter cet engagement et les priorités environnementales des Canadiens. Les programmes proposés risquaient tous de créer de graves problèmes pour l'économie et, s'ils avaient été implantés, ils n'auraient sans doute pas contribué à concrétiser les priorités environnementales.
Nous sommes donc très inquiets devant un projet de loi qui prévoit que le gouvernement fédéral adoptera les cibles de Kyoto sans savoir comment il pourra les atteindre et quels effets auront, pour l'économie et la société canadiennes, les mesures qu'il prendra.
En passant, si notre association avait eu des crédits pour son intervention collective précoce depuis 1992, notre secteur aurait atteint ses cibles de Kyoto. Aucun des programmes proposés n'aurait toutefois reconnu notre contribution.
Si vous prenez les tableaux qui vous ont probablement été distribués, dans le premier tableau vous voyez que Kyoto prévoyait une réduction de six pour cent des gaz à effet de serre entre 1990 et 2010. En équivalent de CO2, les membres de l'ACFPC obtiendront une réduction de 56 p. 100 d'ici 2010.
Dès 2000, les membres de l'ACFPC avaient réduit leurs émissions de GES de 43 p. 100. Les émissions de GES de nos membres auront diminué de 56 p. 100 d'ici 2010, mais notre production aura augmentée de 26 p. 100 en comparaison de 1992. Nous créons un taux d'amélioration de forte intensité d'environ 65 p. 100.
Nous réduisons nos émissions depuis plus de dix ans et nous continuerons sur cette voie. À mon avis, vous pourriez vous inspirer de notre approche. Nous sommes intervenus progressivement. Nous avons apporté des améliorations d'environ un à 1,3 p. 100 par année en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons agi en lien avec nos objectifs économiques et nous avons réduit les émissions d'autres polluants atmosphériques. Nous avons continué à réaliser des progrès de ce type. Les investissements visaient à réduire les coûts énergétiques, ce qui offre des avantages économiques aux entreprises et produit un rendement sur l'investissement.
Nous avons aussi connu, chez DuPont, une spectaculaire percée technologique qui se limite à une usine et constitue une exception, mais qui illustre la possibilité de tels résultats, malgré leur rareté.
Notre rendement environnemental n'est pas inhabituel pour les grands fabricants. Le troisième tableau a été produit par l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Canada et montre les progrès généraux du secteur manufacturier en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
Je sais que lors de notre journée parlementaire de nombreux députés ont constaté avec étonnement que les fabricants sont généralement sept pour cent sous les niveaux de 1990 et que l'ensemble des grands fabricants — l'acier, l'aluminium et d'autres — aura dépassé de 20 p. 100 les cibles de Kyoto d'ici 2003.
Il y a une leçon à en tirer. L'investissement est le levier à actionner pour réduire l'intensité des émissions dans le secteur manufacturier et, à long terme, pour obtenir des réductions absolues. À long terme, l'investissement permet de réduire les rejets de polluants et de gaz à effet de serre, il contribue à abaisser les coûts énergétiques et à relever la productivité. Nos résultats ont été atteints sans réglementation et sans cibles.
La reconnaissance de ce fait est essentiel à la définition d'une politique sur le changement climatique. Comme vous le constatez dans le second tableau de notre exposé, également produit par l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada, le lien est très fort. Le tableau montre que lorsque l'investissement culmine, l'intensité des émissions, indiquée par les bâtons descendants, diminue considérablement. En moyenne, chaque milliard de dollar investi par les manufacturiers dans les nouvelles technologies et les infrastructures entre 1990 et 2003 a entraîné une réduction annuelle de 0,2 p. 100 de l'intensité des émissions.
Malheureusement, comme le montre le tableau, les choses ont changé vers 2000. Les améliorations relatives à l'intensité des émissions ont ralenti car les fabricants ont réduit leurs immobilisations en raison du taux de change élevé, des coûts énergétiques et de la concurrence asiatique, autant de facteurs qui limitaient les fonds disponibles pour l'investissement.
Il est possible de fixer des cibles pour les gaz à effet de serre en tenant compte du rendement de notre industrie et des cycles d'investissement naturels. L'industrie et l'environnement y gagneront, mais il faut du temps et de l'argent pour effectuer les changements technologiques.
Le comité peut contribuer sensiblement à la politique canadienne sur le changement climatique s'il reconnaît le lien entre les nouveaux investissements et l'amélioration du rendement environnemental en termes de gaz à effet de serre et de polluants en général. Il faut absolument comprendre les facteurs et les contraintes qui influent sur l'investissement des entreprises ainsi que les facteurs technologiques liés à la réduction des gaz à effet de serre.
Pourquoi s'inquiéter de ce projet de loi puisque nous avons déjà obtenu un tel rendement? Pour l'instant, personne ne croit sérieusement que le Canada pourra atteindre les cibles de Kyoto en réduisant ses émissions. Il est tout simplement trop tard. Les possibilités d'intervention qui auraient permis d'atteindre les cibles de Kyoto grâce à des réductions concrètes ont disparu. Le problème est à long terme et il nous faudra une solution à long terme. Pour atteindre les cibles de Kyoto, le Canada devrait acheter des crédits à l'étranger. D'après le programme libéral, c'était essentiellement le plan qui allait être suivi, au coût d'environ cinq milliards de dollars par année pour la durée de l'engagement de Kyoto, de 2008 à 2012.
Les calculs sont très simples. D'après les projections du gouvernement précédent il manquait au Canada environ 270 millions de tonnes pour atteindre son objectif en 2005. Ce déficit augmente avec la croissance de l'économie. Le commissaire à l'environnement utilise 20 $ par tonne comme prix de base pour l'achat de carbone. Il suffit de multiplier 270 par 20 $ pour obtenir 5,7 milliards de dollars. Nous pouvons peut-être faire mieux; nous ferons peut-être pire. Il faudra payer quatre ou six milliards de dollars, c'est beaucoup, mais il le faudra si nous voulons tenter d'atteindre les cibles de Kyoto.
Le comité de l'industrie a mentionné dans ses travaux que le secteur manufacturier éprouve actuellement des difficultés. Des usines de pâtes et papiers ferment leurs portes, et je sais que nombre de députés en ont parlé à la Chambre. Le coût énorme de l'achat de crédits étrangers, même si le rendement du secteur manufacturier est remarquable — de fait, nous allons sans doute dépasser les cibles de Kyoto —, aurait une incidence considérable sur l'économie et réduirait notre capacité d'attirer les investissements. Cela pourrait aussi réduire notre capacité d'atteindre d'autres objectifs environnementaux liés à la pureté de l'air et de l'eau.
Je suis convaincu que certains d'entre vous traiteront de l'incidence économique des cibles de Kyoto. L'ACFPC n'est pas le parrain de ce projet de loi. C'est au parrain qu'il incombe de montrer qu'il n'aura pas de conséquences graves sur l'économie et sur les Canadiens. À ma connaissance, aucune analyse poussée ne permet de croire que l'on a tenu compte de ces conséquences éventuelles dans le projet de loi. De fait, je n'ai vu jusqu'ici aucune analyse gouvernementale légitime et crédible sur les incidences possibles de l'atteinte des cibles de Kyoto. Tant qu'une telle analyse n'aura pas été réalisée, notre association ne peut pas appuyer cette approche ni le projet de loi.
Enfin, je veux dire que pour lutter sérieusement contre le changement climatique, et cela est nécessaire, il faut examiner des solutions concrètes à court, à moyen et à long terme et reconnaître que nous devons nous engager à long terme. L'avis d'intention du gouvernement concernant le projet de loi sur l'air pur offre un cadre pertinent, s'il est mis en oeuvre efficacement. Il reconnaît qu'il faut définir une approche intégrée en matière d'air pur et de changement climatique, qu'il faut collaborer avec les provinces et qu'il faut adopter une approche reconnaissant le rôle essentiel des cycles d'investissement et d'activité.
Pour terminer, nous croyons que les progrès seront tributaires d'un cheminement bien défini pour obtenir les réductions visées. Nous n'avons pas encore vu de plan réaliste. En attendant de savoir clairement comment le Canada peut atteindre de telles cibles et à quel prix en termes de priorités économiques, fiscales et environnementales, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi. Nous discutons de Kyoto depuis dix ans mais aucun gouvernement n'a encore procédé à une telle évaluation. À défaut de cibles, les efforts seront irréalistes et sans doute improductifs.
Les données montrent que le changement technologique et l'investissement de capitaux sont les principaux outils de réduction des gaz à effet de serre. Le changement se fait lentement et ne peut être légiféré par le gouvernement. Actuellement, aucune technologie ne permet de capter de façon économique les gaz à effet de serre, en particulier à court terme. Il n'existe aucun programme qui traite adéquatement de ce problème, et la solution consiste à supporter le coût énorme de l'achat de crédits étrangers qui n'offrent aucun avantage environnemental au Canada ni aux Canadiens en termes de réduction absolue des gaz à effet de serre.
Merci beaucoup de nous avoir écoutés.
:
Merci, monsieur le président.
C'est la première fois que je témoigne devant le comité, et je vous remercie infiniment de m'offrir cette occasion d'exposer mes opinions et celles de l'institut sur ces importantes questions.
J'aimerais me présenter et présenter brièvement l'institut. Je suis économiste. Depuis 15 ans, je m'intéresse aux événements catastrophiques — tornades, ouragans, inondations, etc. Nous voulons encourager la prévention des sinistres. Quelles mesures peut-on prendre pour réduire l'effet négatif de ces phénomènes extrêmes?
Notre institut est appuyé par les compagnies d'assurances canadiennes, qui l'ont fondé. Nous sommes installés à l'Université Western Ontario. Nous avons une importante équipe de chercheurs — et un laboratoire — qui s'efforcent de trouver des façons de réduire au minimum les risques liés aux perturbations météorologiques extrêmes.
Aujourd'hui, je veux transmettre deux messages au comité. Premièrement, il existe de plus en plus de preuves qu'il est avantageux, pour le Canada et les Canadiens, de prendre des mesures précoces pour lutter contre le changement climatique. Nous constatons un accroissement de la fréquence et de la gravité des grosses tempêtes, et il faut prendre instamment des mesures pour protéger les Canadiens et leurs biens matériels.
Deuxièmement, une stratégie nationale globale devrait prévoir la participation aux efforts internationaux d'atténuation des répercussions négatives sur les générations futures et un plan canadien d'adaptation aux répercussions locales.
Le projet de loi C-288 et le plan vert proposé par le gouvernement sont axés sur la gestion des émissions futures et omettent tous deux l'adoption d'une stratégie globale assortie d'une politique d'adaptation.
Depuis dix ans, je participe aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ce processus, dont John Stone a parlé, permet aux Nations Unies de surveiller et d'évaluer les recherches sur les changements climatiques.
Le GIEC nous prévient que le réchauffement de la planète entraînera des perturbations météorologiques extrêmes. Les Canadiens doivent s'attendre à une multiplication des gros ouragans dans l'Atlantique, comme l'ouragan Juan qui a frappé Halifax en 2003 et qui est l'ouragan le plus coûteux jamais survenu au Canada. Il y aura plus de feux de forêt susceptibles de prendre une ampleur incontrôlable et de s'étendre jusqu'aux zones urbaines, comme l'incendie qui a détruit plus de 200 habitations à Kelowna et qui a été le plus coûteux du Canada. Il y aura davantage de rafales descendantes importantes telles que celles qui ont contribué aux dommages sans précédents dus aux inondations en Alberta et à la très coûteuse tempête de l'an dernier en Ontario. La santé humaine sera davantage menacée par les canicules estivales, comme en témoigne le nombre record de jours d'alerte à la chaleur extrême en Ontario en 2005 et en Alberta cette année. Il y aura également plus de sécheresses. L'Alberta a récemment connu des sécheresses qui ont coûté plusieurs milliards de dollars. Il y aura davantage de glissements de terrain et d'avalanches dans certaines régions, tels ceux qui ont entraîné des décès récemment en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec. Nos réseaux de transport subiront davantage d'interruptions.
Il faut reconnaître que cela se produit déjà, et selon les études nous verrons encore plus de ces sinistres dans un monde plus chaud.
L'industrie des assurances est aux premières lignes. Elle a dû faire face à l'augmentation des perturbations climatiques extrêmes observée partout au Canada et dans le monde. Certaines des mesures prises par l'industrie illustrent à quel point il est important que le Canada et les Canadiens tiennent compte du changement qui se produit dans notre climat.
La situation évolue dans l'industrie des assurances. Premièrement, l'industrie doit verser beaucoup plus d'indemnités à la suite de catastrophes. Dans le monde, les paiements des compagnies d'assurances sont 20 fois plus importants qu'il y a 30 ans. Au Canada, l'industrie a dû débourser plus que jamais. Les compagnies d'assurance ont versé plusieurs milliards de dollars d'indemnités aux propriétaires de maison et aux entreprises du Canada.
Deuxièmement, les compagnies d'assurance modifient leurs façons de faire. Elles s'adaptent. Dans certaines régions, en Floride par exemple, où l'on a constaté une augmentation imprévue de l'activité, les primes d'assurance sont en hausse. Les compagnies d'assurance disposent de divers moyens pour modifier leurs façons de faire en fonction de ce qu'elles apprennent des changements climatiques.
En outre, l'industrie des assurances investit dans la recherche. Elle appuie notre institut. Elle participe depuis plus d'une décennie à nos travaux, elle tente de comprendre ce qui se passe en termes de climat et ce que l'on peut faire pour réduire les incidences négatives.
L'industrie des assurances s'est aussi prononcée clairement sur les mesures de politique publique qui peuvent être prises pour minimiser les conséquences des événements catastrophiques. Elle n'a pas hésité à féliciter les compétences canadiennes qui ont pris des mesures positives. Par exemple, le Québec, l'Ontario, l'Alberta et le Colombie-Britannique ont adopté une politique. Un certain nombre de provinces manifestent un véritable leadership, mais le gouvernement fédéral doit intervenir plus énergiquement.
Parce que les mesures nécessaires pour produire des réductions significatives des émissions de gaz à effet de serre prendront de nombreuses années à se concrétiser, il est essentiel que les mesures d'atténuation internationales soient soutenues par des mesures d'adaptation locales qui tiennent compte des répercussions négatives que l'on connaît actuellement. Des investissements à court terme destinés à bâtir des collectivités résilientes sont essentiels pour les 20 à 50 prochaines années, en attendant que les efforts d'atténuation internationaux fassent effet.
Certaines mesures d'adaptation sont prises sans aucun soutien ni orientation de la part du gouvernement fédéral. L'industrie des assurances, par exemple, a pris des mesures non pas parce que le gouvernement l'y encourageait ou le lui demandait, mais parce qu'elle devait faire face à la situation. Même si certains s'adaptent sans aide ni orientation du gouvernement, le gouvernement a encore un rôle très important à jouer — en particulier, je crois, le gouvernement fédéral — pour appuyer les mesures d'adaptation.
Voici quelques exemples de ce que le gouvernement fédéral pourrait faire. Premièrement, il devrait fournir de l'information sur le climat, des prévisions météorologiques locales et d'autres outils de gestion du risque qui aideraient les particuliers, les entreprises et diverses organisations à prendre des décisions pour mieux faire face au changement.
Par ailleurs, le gouvernement investit des milliards de dollars dans l'infrastructure publique. Il modernise les codes du bâtiment et influe ainsi sur les décisions d'investissement privé. Il importe que l'infrastructure publique, les codes du bâtiment et d'autres normes reflètent non seulement le climat passé, mais aussi le climat futur, et que nous utilisions nos fonds de façon à produire un maximum d'avantages à long terme pour tous les Canadiens.
Le gouvernement a un important rôle à jouer pour protéger les biens publics sensibles au climat. Nous parlons ici des régions côtières, qui sont vulnérables, et le gouvernement fédéral devrait appuyer plus énergiquement l'intégration de ce rôle de protection dans les efforts de gestion des situations d'urgence.
Le gouvernement a un rôle à jouer pour que les incidences négatives du changement soient partagées et ne touchent pas principalement les plus défavorisés. Le gouvernement pourrait aussi appuyer la recherche dans ces secteurs.
Pour terminer, je tiens à vous remercier infiniment de nous avoir donné l'occasion de participer à vos travaux. Je voulais vous transmettre deux messages principaux aujourd'hui. Le premier est que l'importance des mesures précoces est de plus en plus évidente. Le Canada connaît déjà des phénomènes météorologiques extrêmes, et nous devons agir. Deuxièmement, il faut adopter une stratégie détaillée qui prévoit non seulement la participation du Canada aux efforts internationaux visant à réduire les émissions mais aussi une stratégie d'adaptation. L'adaptation est la seule réponse possible pour atténuer les effets négatifs du changement climatique au cours des prochaines décennies, avant que les mesures d'atténuation commencent à agir.
Merci.
:
Bonjour et merci de me recevoir virtuellement en l'enceinte de votre comité. Je vais m'adresser au comité en français. Toutefois, je peux répondre à toute question en anglais.
Je me présente: je m'appelle Claude Villeneuve et je suis professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi. Je m'intéresse aux changements climatiques depuis 1979. Mon premier intérêt de recherche était les poissons, mais les pluies acides détruisant les poissons, je me suis intéressé à la génération des pluies acides et, de la génération des pluies acides, à la pollution de l'air en général et, en particulier, aux changements climatiques.
J'ai publié un premier livre en 1990 dans lequel j'adoptais une position sceptique. En 2001, j'en ai publié un deuxième dans lequel je concluais qu'il fallait s'adapter aux changements climatiques parce que nous les vivions déjà, comme l'a illustré le premier conférencier. En 2005, j'en ai publié un troisième, auquel je ferai référence à quelques reprises pour étayer mes propos.
Alors, on m'a demandé de traiter de Kyoto, de l'urgence d'agir. La première raison pour laquelle il est urgent d'agir, c'est l'ampleur du défi. Le défi été très bien illustré à Exeter, en février 2005: il faudra, à l'échelle planétaire, réduire de 25 milliards de tonnes par année, par rapport au scénario de référence, les émissions mondiales, et ce jusqu'en 2054, de manière à limiter à deux degrés l'augmentation de température globale au XXIe siècle. Avec toutes les incertitudes associées à cela et avec l'inertie du système thermique, auquel les conférenciers précédents ont fait référence, c'est un défi qui est immense, surtout dans une situation où la population mondiale sera, à ce moment, d'environ 9 milliards de personnes. Il nous reste donc 3 milliards de nouveaux producteurs de gaz à effet de serre à accueillir parmi nous.
Kyoto, c'est une toute petite portion du défi. En fait, c'est une portion qui représente tellement peu que même si on réussit totalement à atteindre l'objectif de Kyoto, avec la participation des pays qui ont ratifié ce protocole, on n'influencera que la vitesse d'augmentation des gaz à effet de serre. Il s'agit en effet d'une réduction de 5,2 p. 100 pour 35 p. 100 des émissions mondiales.
Le Canada, tout le monde le sait, fait figure de mauvais joueur dans cette nouvelle partie, dans la gouvernance mondiale, avec, selon les derniers chiffres, 270 millions de tonnes par année à récupérer par rapport à son objectif et, vraisemblablement, 300 millions de tonnes en 2008, puisque ce sont les données de 2004 qui nous ont été dévoilées un peu plus tôt cette année. Donc, de 2008 à 2012, il nous faudra au minimum trouver au Canada entre 1 milliard 350 millions et 1 milliard 500 millions de tonnes de CO2, en supposant que nous soyons capables de plafonner toute de suite nos émissions.
Dans le plan qui a été publié il y a deux ou trois semaines par le gouvernement, il n'y a aucune mesure à court terme susceptible de nous laisser envisager qu'on puisse atteindre cet objectif. Il est clair que Kyoto 2 est le premier d'une très longue série qui ne sera pas nécessairement étalée sur des périodes de référence de cinq ans, mais à l'horizon 2050, il faudrait faire au moins 30 fois Kyoto pour être capable de relever le défi. Donc, c'est ma première observation: l'ampleur du défi est très grande.
La deuxième raison pour laquelle Kyoto est une urgence, c'est l'incapacité du Canada à répondre à ses engagements entre 2008 à 2012. Je vous ai mentionné l'ampleur du défi de 1,5 milliard de tonnes. Comment sommes-nous équipés? Très mal.
Le rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable, Mme Johanne Gélinas, qui a été présenté cet automne à la Chambre des communes décrit par le menu l'échec des politiques depuis 1997 afin d'arriver à mettre en place un système efficace de mesures et de réduction des gaz à effet de serre, de la part du gouvernement canadien.
On mentionne déjà au paragraphe 1.10 que l'objectif de 6 p. 100 de réduction a été fixé sans étude préalable — on pourrait dire « un soir de party » — pour imiter les objectifs des États-Unis et de l'Europe. À titre d'exemple, ce même soir, l'Australie avait été un peu plus sage et s'était fixée pour elle-même un objectif de 10 p. 100. Il faut comprendre que le gouvernement n'avait aucune obligation de se fixer une réduction à ce moment-là. S'il avait fait des études sérieuses, il se serait fixé un objectif beaucoup plus réaliste.
Deuxièmement, les interventions gouvernementales depuis 1998 ont été caractérisées par la procrastination. Les plans qui ont été publiés en 2002 et en 2005 ont été improvisés, et cela est tout à fait clair dans le rapport de la commissaire au développement durable. On a refusé de prendre des actions efficaces pour des raisons politiques. On parlait de politiques pancanadiennes. Par exemple, on a voulu appliquer les mêmes règles au Québec pour la question de réduction de l'électricité, alors qu'au Québec, l'électricité produit très peu de gaz à effet de serre et, donc, ces investissements sont inefficaces. Il aurait fallu être beaucoup plus flexible beaucoup plus tôt. Je vous rappelle qu'il y avait déjà, en 1998, une stratégie québécoise à laquelle le gouvernement canadien aurait pu contribuer, ce qui aurait donné des résultats certainement plus intéressants.
On a beaucoup mis la pensée magique de l'avant, le wishful thinking , en pensant, par exemple, dans le dernier plan de M. Dion, que les Canadiens allaient fournir des quantités significatives de réduction d'émissions à l'Agence du fonds pour le climat. Actuellement, le défi est de réduire de 10 tonnes par année pour chaque Canadien les gaz à effet de serre, si on veut atteindre les objectifs de Kyoto. Or, c'est une impossibilité mathématique.
Il ne faut pas voir le Protocole de Kyoto comme un but en soi. Kyoto, c'est une séance d'entraînement en prévision de la vraie partie. J'ai parlé tout à l'heure de gouvernance mondiale à l'horizon 2050. Kyoto c'est la période de référence pour mettre en place des outils et démontrer qu'ils peuvent être utilisables et efficaces. Il faut penser qu'une centrale thermique qui est construite aujourd'hui, comme celle de Bécancour qui a été construite au Québec l'année dernière, va encore émettre un million de tonnes par année en 2050. Si on ne fait pas preuve de bonne volonté aujourd'hui dans la mise en place des mesures de réduction des gaz à effet de serre, il est impossible d'avoir de la crédibilité vis-à-vis de la communauté internationale pour négocier une position plus avantageuse au cours des étapes ultérieures.
À l'horizon 2050, pour le Canada, on a évoqué, dans le dernier plan du gouvernement fédéral, qu'il faudrait réduire de 65 p. 100 nos émissions. C'est extrêmement difficile à croire, si on considère que le Canada est un pays exportateur et qu'il est qualifié de pays vide. Si on utilise la classification de Radanne, qui a été reprise et expliquée dans mon livre, le Canada a un marché intérieur beaucoup trop petit pour que ses citoyens puissent amortir les gaz à effet de serre causés par ses exportations, que ce soit des exportations d'aluminium, de métaux, de papier ou de pétrole.
La quatrième raison pour laquelle il est extrêmement important d'agir tout de suite, ce sont les enjeux de l'adaptation.
M. Kovacs a mentionné l'adaptation préalable aux catastrophes. Nous avons des populations à risque. Il est nécessaire de refaire et de réparer des infrastructures. Les problèmes d'érosion, les problèmes de crues des eaux qui sont déjà très présents, les cycles gel-dégel, les étiages et les problèmes d'eau potable qui sont envisagés au cours des dix prochaines années demandent des investissements majeurs.
La question de la production d'énergie est aussi extrêmement importante.
Il y des problèmes de recherche. Je siège au comité scientifique du Consortium Ouranos. Nous avons eu, la fin de semaine dernière, un symposium sur l'état des lieux de la recherche au sujet de l'adaptation aux changements climatiques. J'invite les membres du comité à prendre connaissance de ces travaux. Il y a énormément de travail à faire de ce côté et il y a des enjeux très importants.
Un sujet qui se rapproche davantage de mes travaux est celui de la biodiversité à l'échelle canadienne, qui est en changement et qui sera en très grand changement avec les changements climatiques.
Le fait de ne pas avoir, pour le moment, traité sérieusement des enjeux de Kyoto nous a amenés à rater des occasions absolument importantes. Certaines entreprises et certains secteurs industriels, comme le secteur de la chimie nous l'a démontré, ont été très proactifs. Malheureusement, nous ne sommes pas outillés pour reconnaître les progrès réalisés de ce côté.
Il y a des compagnies qui font de la recherche et du développement sur la séquestration du CO2, sur la capitation enzimatique du CO2, sur le développement de moteurs plus efficaces et qui n'obtiennent pas de subventions de recherche, malgré le fait qu'elles éprouvent des difficultés financières et de la difficulté à être concurrentielles à l'échelle mondiale.
Nous travaillons au développement de méthodologies pour compenser les gaz à effet de serre et, sans avoir de cadre défini, ces méthodologies doivent être reconnues à l'échelle internationale parce qu'au Canada, on est incapable de faire reconnaître ces méthodologies.
Par exemple, on a compensé en double les émissions de la Conférence des Parties, l'année dernière, et Environnement Canada n'était pas outillé pour valider ce qu'on a fait.
:
Les calculs, le coût, les aspects économiques ont certainement été soulevés par M. Paton, mais aussi par d'autres. M. Kovacs parlait de l'industrie des assurances et d'autres qui sont également fort préoccupés de ce qui pourrait se produire si nous n'agissons pas.
Ce n'est pas que nous soyons indifférents au sort du secteur manufacturier; évidemment, nous nous en préoccupons. Mais nous constatons aussi qu'à défaut d'une politique environnementale qui soit viable sur le plan économique et qui soit établie en partenariat avec les économies du monde et les dirigeants du monde — la première étape est le Protocole de Kyoto —, nous risquons de ne plus avoir d'économie.
Je parlais hier encore avec une députée de la Tanzanie qui m'expliquait le problème des pannes d'électricité dans son pays. J'étais un peu perdu, car je parlais de la fonte des glaciers du Kilimandjaro, mais elle me disait qu'il n'y avait plus d'eau pour produire l'électricité. Il n'y a plus d'eau dans les lacs, il n'y a plus d'eau dans les rivières, c'est une catastrophe pour l'Afrique.
Les gestes que nous posons au Canada ont un effet dans le monde entier. C'est cela que nous ne voyons pas, le coût catastrophique non seulement pour notre environnement mais aussi pour les économies du monde. Si nous, les pays riches, ne sommes pas disposés à remplir nos obligations, comment pensons-nous que ces autres pays, qui subissent les conséquences négatives de notre indécision, pourront faire face à la crise?
Il y a un coût, mais encore faut-il savoir où le mesurer. Vous pouvez mesurer le coût actuellement, un coût spécifique au secteur, où vous pouvez le mesurer en termes d'incidences futures sur l'ensemble du pays d'ici dix ans ou d'incidences déjà manifestes dans le monde. Le coût financier est énorme, nous parlons de milliards de dollars, peut-être même de billions, et nous devons y songer. Il ne faut pas seulement se concentrer sur les coûts immédiats.
C'est un commentaire. Quelqu'un peut peut-être y ajouter quelque chose.
Il y a plusieurs éléments. Le premier concerne les coûts. Je ne suis pas économiste non plus, mais il faut absolument mettre de l'avant l'approche du cycle de vie.
L'approche du cycle de vie nous permet d'établir, du berceau au tombeau, les coûts encourus par la production ou pour une activité, non seulement économiques, mais environnementaux aussi.
Dans le domaine des changements climatiques, les coupables sont rarement les premières victimes, ce qui constitue une énorme difficulté en ce qui concerne la responsabilité. C'est pourquoi des éléments ont été mis en place, tant sur le plan de la responsabilité que de l'équité dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dans lesquels on essaie d'appliquer le principe de précaution.
La deuxième remarque que j'aimerais faire concerne le marché du carbone. Celui-ci permet des ajustements à l'intérieur des pays et entre les pays, et à l'intérieur des secteurs industriels et entre les industries, pour pouvoir changer les réductions, mettre les réductions à moindre coût à la disponibilité de tout le monde d'un même marché. Ce marché est donc l'un des instruments très puissants et doit absolument être mis en place pour que l'on puisse espérer atteindre les cibles du Protocole de Kyoto et même au-delà du Protocole de Kyoto, si on veut maîtriser le problème.
En terminant, j'aimerais commenter le projet de loi. Ce projet de loi aurait été excellent s'il avait été présenté en 1998.
Des voix: Ah, ah!
M. Claude Villeneuve: Actuellement, ce projet de loi ne peut pas être valable si les outils pour arriver aux fins visées ne sont pas disponibles. Il y a donc un énorme effort à faire en amont du projet de loi pour avoir des outils de reddition de comptes et des outils de vérification.
Environnement Canada n'a commencé à former des vérificateurs que l'été dernier. Au Canada, il y a peut-être de 200 à 250 vérificateurs formés, ce qui est nettement insuffisant à l'heure actuelle.
Ce projet de loi doit aussi contenir une vision qui aille bien au-delà du Protocole de Kyoto et qui ne s'arrête pas à la période de référence de 2008-2012.
Ce projet de loi doit aussi séparer les émissions liées aux exportations et les émissions liées à la consommation intérieure.
Enfin, le projet de loi doit faire référence à l'approche du cycle de vie. Prenons l'exemple de l'éthanol. Tout le monde veut bien que l'on mette de l'éthanol dans l'essence, mais si vous attribuez des réductions d'émissions liées à l'éthanol que vous mettez dans votre moteur et que la production de cet éthanol a causé plus d'émissions, vous n'aurez pas amélioré votre performance au niveau national.
:
Merci, monsieur le président.
Ce matin, ce n'est la présentation et la déclaration des scientifiques et des météorologistes qui me surprennent, mais plutôt celles de l'industrie. M. Paton, au cours de sa présentation de ce matin, nous a dit qu'il fallait une stratégie à long terme qui tienne compte d'analyses économiques; que l'objectif du Protocole de Kyoto ne pourra pas être atteint sans l'achat de crédits à l'étranger; que toute stratégie relative au Protocole de Kyoto doit tenir compte d'une évaluation des coûts pour atteindre les objectifs.
Je suis un peu surpris d'entendre cela. On peut bien faire une analyse économique de l'atteinte des objectifs du Protocole de Kyoto, mais on doit également faire, à mon avis, l'évaluation des coûts associés au non-respect du Protocole de Kyoto. Je pense que l'étude britannique dévoilée la semaine dernière, qui nous parle de 7 000 milliards de dollars de coûts en regard des changements climatiques, doit être prise en compte dans la balance. Quand on parle d'une réduction de près de 20 p. 100 du PIB mondial, je pense que ce sont également des analyses économiques qui doivent être prises en considération, lorsque les pouvoirs publics sont appelés à prendre des décisions.
Je pose la question à l'industrie parce que son bilan est élogieux. Une réduction de 7,4 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre est un peu à l'image des secteurs industriels québécois. N'auriez-vous pas intérêt à faire la promotion du Protocole de Kyoto, et que ces progrès que vous avez faits puissent être reconnus sous forme de crédits de compensation dans l'approche qui doit être présentée au Canada? Comme l'a dit M. Villeneuve, dans un marché intérieur du carbone, vous auriez tout intérêt, à mon avis, à vendre les crédits que vous avez réalisés à d'autres secteurs industriels, probablement le secteur pétrolier qui, lui, n'affiche pas le même bilan que vous. N'auriez-vous pas un intérêt économique à ce que le Protocole de Kyoto soit renforcé?
Nous nous inquiétons notamment de l'incidence sur l'ensemble de l'économie. Il y a deux façons de respecter les engagements de Kyoto. L'une consiste à réduire concrètement les émissions, et c'est ce que notre secteur et le secteur manufacturier ont fait. Nous avons fait encore mieux que les sept pour cent du secteur manufacturier; nous avons obtenus des réductions de plus de 50 p. 100.
Le Canada dans son ensemble ne pourra pas en faire autant. Un certain nombre d'intervenants l'ont dit, il est tout simplement trop tard. D'après les chiffres cités par le gouvernement précédent dans le rapport sur l'environnement, notre retard en matière d'émissions était estimé à 240 mégatonnes en 2002. On parle aussi de la croissance de l'économie. Le retard en matière d'émissions est plus probablement de l'ordre de 270 mégatonnes, sinon pire. Il a sans doute déjà augmenté.
Ce n'est pas vraiment une question d'économie; c'est une question mathématique. Nous avons un retard d'au moins 270 mégatonnes, au coût de 20 $ la tonne. Dans le peu de temps qu'il nous reste, nous n'allons pas réussir à corriger le problème, sauf si nous utilisons les crédits.
Dans certains secteurs, dont le nôtre et le secteur manufacturier, et dans certaines provinces, notamment le Québec, les cibles de Kyoto seront atteintes. Mais en tant qu'économie, que pays, nous n'y arriverons pas. Nous devrons envoyer des milliards de dollars à l'étranger, et cela nuira à l'économie.
À notre avis, il vaudrait beaucoup mieux admettre que l'amélioration de notre rendement environnemental est liée à de nouveaux investissements. Je crois que le tableau que nous vous avons remis le montre.
Le gouvernement canadien ne peut pas faire grand-chose pour attirer l'investissement ici plutôt qu'ailleurs. Nous ne pouvons pas faire grand-chose au sujet du dollar et, évidemment, nous ne pouvons pas faire grand-chose au sujet de ce qui se passe au Moyen-Orient, en Chine ou en Inde. Mais le gouvernement peut certainement améliorer les dispositions concernant la déduction pour amortissement, et nous pensons que tous les partis l'appuieraient. On pourrait utiliser l'argent pour investir dans ce domaine, et cet investissement produirait plus tard des impôts, et cela nous donnerait l'argent neuf qui nous aidera à améliorer notre rendement.
À moyen et à long terme, cette mesure produirait des améliorations d'intensité qui permettraient probablement d'obtenir des réductions, des réductions absolues. L'expérience de notre secteur le montre.
Mais comme bien des gens l'ont dit, il faut voir le court, le moyen et le long terme. À court terme, il est trop tard, à moins de sortir d'énormes sommes du pays, ce qui est insensé.
:
Je sais que le marché du carbone est une idée très innovatrice, mais j'aimerais en souligner deux aspects.
Premièrement, il ne peut pas être national. Il doit être international, car notre pays a tant de retard que nous devrons acheter des crédits à l'étranger.
Deuxièmement, pour établir un marché du carbone, il faut savoir comment s'y prendre. Cela équivaut, en quelque sorte, à créer un système économique entièrement nouveau dans notre pays. C'est une entreprise énorme et très complexe dont les promoteurs, qui y voient une solution miracle, ont minimisé à outrance la complexité.
Il faut pratiquement fixer des chiffres pour toutes les usines du pays. Cela signifie que le gouvernement fédéral — et il faudra que ce soit le gouvernement fédéral, M. Bigras, alors vous aurez sans doute un peu de difficulté dans votre camp — devra visiter chaque usine, disons Patrimoine Québec, et déterminer le niveau d'émissions autorisé, parce que si vous n'avez pas de chiffres, vous n'avez pas de base pour les échanges.
Il s'agit d'une mesure gouvernementale terriblement envahissante. Certains jugeront qu'il faut en passer par là, compte tenu de toutes les données scientifiques. Je n'ai jamais vu le gouvernement intervenir de façon vraiment efficace dans ce genre de dossier. Il faudrait littéralement des années pour simplement comprendre notre secteur et nos entreprises. Les chiffres fixés seront sans doute arbitraires, et nous finirions probablement par chasser les investisseurs vers des pays moins performants au plan environnemental.
Finalement, M. Bigras, vous avez vu les chiffres. Je sais que vous avez les mêmes arguments pour le Québec. Nous n'avons reçu aucun crédit pour cela depuis le début des discussions sur le changement climatique. Je ne pense donc pas qu'on reconnaisse notre contribution, et je ne crois pas que nous aurons quelque chose à vendre. On nous imposera simplement des cibles plus élevées. De fait, c'est exactement ce qui s'est produit. On a relevé nos cibles en raison de notre rendement antérieur.
:
Ma réponse a trois volets.
Premièrement, l'industrie des assurances investit énormément dans la recherche. Notre institut s'inscrit dans ce programme. À l'Université Western Ontario, nous avons une soufflerie. Nous fabriquons une maquette de maison, nous en faisons arracher le toit dans la soufflerie, nous le remplaçons par un meilleur, nous le faisons arracher encore. C'est très intéressant; les ingénieurs détruisent pour apprendre.
Cette recherche a une application notamment dans le nouveau code du bâtiment. En Floride, les dommages sont moitié moins importants pour les nouvelles maisons que pour les anciennes. Nous espérons que la prochaine génération d'études nous permettra de ramener au quart ou au dixième l'importance des dommages des maisons neuves.
Nous essayons d'améliorer le code du bâtiment. Nous proposons des améliorations au gouvernement du Canada, au gouvernement américain et à d'autres, pour qu'elles soient intégrées aux codes pour les prochaines générations de structures. La recherche constitue donc une partie de la solution, et l'industrie des assurances investit dans ce secteur.
Deuxièmement, les pratiques d'assurance reflètent les nouvelles connaissances. Dans les régions où le risque est élevé, le prix monte. Dans les régions où le risque est faible, il descend.
Prenons un exemple canadien. La catastrophe la plus coûteuse pour les assureurs au Canada a été la tempête de verglas de 1998. Les assureurs ont jugé qu'il s'agissait d'une très grosses tempête, mais que rien n'indiquait qu'il y en aurait d'autres. Il n'y en a pas eu depuis. Le prix des assurances n'a pas changé à la suite de cette tempête.
En Floride, la modélisation des ouragans permettait de prédire qu'il pourrait en coûter six milliards de dollars à l'industrie des assurances. Les nouveaux modèles parlent de 60 milliards. Les études étaient complètement erronées, et le coût des assurances pour les particuliers sur la côte a augmenté radicalement en Floride. Les nouvelles connaissances entraînent d'importants changements des pratiques d'assurance.
Sur le marché américain, comme vous l'avez dit, l'une des difficultés tient au fait que le gouvernement est beaucoup intervenu, alors que l'industrie voulait signaler aux entreprises et aux propriétaires de maison que s'ils choisissaient de s'installer dans un secteur à haut risque, l'industrie leur vendrait son produit, mais à un juste prix. Certains gouvernements n'étaient pas disposés à autoriser une telle pratique. Ils sont intervenus et n'ont pas laissé le prix s'établir au niveau du marché. L'offre s'en est trouvée réduite dans certains marchés.
Finalement, dans la plupart des régions du monde l'industrie entretient un dialogue dynamique avec le gouvernement: « Si vous voulez que l'industrie privée assure les risques de feux de forêt, de pluies torrentielles, de vents très forts » — la plupart des risques présents sur le marché canadien... Les inondations sont le seul élément climatique pour lequel les propriétaires de maison ne peuvent pas s'assurer; la plupart des autres risques climatiques peuvent être assurés. « Si vous voulez que les assureurs continuent de desservir ces marchés, messieurs nos dirigeants, avez-vous réfléchi au rôle que l'industrie des assurances pourrait jouer? »
Au Canada, contrairement à ce qui se passe dans plusieurs autres pays, il n'y a pas vraiment de dialogue sur ce que nous attendons du marché des assurances et la façon dont nous voulons que les dommages dus aux inondations, qui ne sont pas couverts par les assurances, soient traités.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais partager les dix minutes dont je dispose avec M. Vellacott.
J'apprécie les commentaires faits par chacun des témoins aujourd'hui. M. Stone et M. Rutherford ont commencé par la science du changement climatique. Je crois que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que nous n'en sommes plus là. Il existe aujourd'hui un sentiment d'urgence. Nous sommes en train de vivre ce changement climatique, et ce que nous recherchons, ce sont des solutions.
M. Rutherford dit qu'il fallait que nous nous montrions efficients et que nous cherchions des moyens de parvenir à l'être. Il a également dit que vous laisserez le soin à d'autres de trouver ces moyens, mais vous nous lancez là un défi.
Voici où nous en sommes aujourd'hui: le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi , notre Loi sur la qualité de l'air. Ce projet de loi sera probablement soumis à l'examen d'un comité législatif. Ici, au comité de l'environnement, nous nous occupons du projet de loi C-288, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par M. Rodriguez.
Je trouve intéressant que M. Villeneuve ait dit que le projet de loi C-288 aurait été une proposition valable en 1998, mais qu'il est aujourd'hui trop tard. Le Bloc et les Libéraux ont réagi à cette remarque par des éclats de rire. Il y a effectivement urgence et nous cherchons des solutions.
Samedi dernier, j'ai participé à un forum de discussion qui avait beaucoup de points communs avec notre débat ce matin. Les citoyens présents ont exprimé le sentiment que des mesures urgentes s'imposaient en ce qui avait trait au changement climatique et ont exprimé le désir de voir le gouvernement du Canada prendre des mesures immédiates, à moyen terme et à long terme.
Mes questions viseront les recommandations que nous pouvons faire pour intervenir de manière efficace et efficiente.
M. Villeneuve a parlé des dix tonnes de réduction par personne nécessaires pour atteindre les objectifs suggérés ici. M. Villeneuve, pourriez-vous nous apporter plus de précisions à ce sujet? Vous avez dit que c'est là un objectif impossible à atteindre.
:
Ce qui m'a frappé dans votre commentaire, M. Paton, à propos des milliards de dollars nécessaires, c'est qu'à chaque milliard de dollars investi par les manufacturiers dans les technologies et les structures nouvelles entre 1990 et 2003, correspondait à une réduction annuelle de 0,2 p. 100. Manifestement, la technologie est nécessaire. Je crois que c'était là le point essentiel.
Je suppose donc — je plaisante un peu — que l'ACFPC n'a pas beaucoup fait d'efforts pour se convertir en fiducie de revenu à cause du besoin de technologie et autres choses du même genre. Je dis simplement cela en passant, pour le compte rendu, car je crois vraiment qu'il faudrait injecter des capitaux dans la technologie si nous voulons réaliser des gains importants dans le secteur manufacturier, celui des produits chimiques, en ce qui concerne l'énergie, le pétrole, etc.
Je souhaiterais cependant faire quelques remarques parce que je veux aller au fond de la question qui est celle de fixer des objectifs qui soient crédibles et réalistes. Je vais faire quelques citations et pour commencer, je ne citerai rien moins que Michael Ignatieff lui-même.
Il dit, « Sur le plan politique, dans la pratique, personne ne sait ce qu'est (Kyoto) ou ce à quoi ce protocole nous engage. » Il a également déclaré, « Kyoto permet à des pays pollueurs tels que le Canada d'atteindre ses objectifs en achetant des crédits à des pays produisant moins d'émissions de CO2. Nous allons dépolluer le Kazakstan, mais nous ne dépolluerons pas le centre-ville de Toronto ». Il ajoutait, « En dépit des efforts du gouvernement libéral précédent pour limiter la croissance des émissions, le Canada est aujourd'hui incapable d'atteindre l'objectif de Kyoto consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de six pour cent par rapport aux niveaux de 1990, entre 2008 et 2012, sans dépenser des millions de dollars pour acheter des crédits d'émissions à d'autres pays ».
Dans une autre section du Globe and Mail, M. Ignatieff ajoute que le Canada n'est pas en voie de respecter ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto.
Je voudrais en venir à un point fondamental. Père de quatre enfants et cinq fois grand-père, lorsque je prends des engagements et fais des promesses à mes enfants ou à d'autres membres de ma famille, ce que je dis a du poids.
Je poserai donc ma question sous la forme suivante. Si je devais dire à mes enfants ou à mes petits-enfants — et ça, c'est plus difficile à faire parce qu'ils se trouvent à l'autre bout du pays à Saskatoon. Si je devais faire ces quatre enfants s'asseoir devant moi — deux sont mariés, mais il y a cinq petits-enfants — pour leur dire, « Je vais passer deux heures avec vous tous les soirs, faire ce que vous voulez, avoir un moment d'intimité familiale tous les soirs, avec chacun d'entre vous séparément... SI nous faisions cela, il deviendrait vite évident que je suis incapable de tenir une telle promesse. En agissant ainsi, je détruis leur confiance en moi et ma crédibilité. À mon avis, je porte un coup à nos rapports en faisant le genre de promesse que je ne peux manifestement pas tenir.
Notre parti, le Parti conservateur, souhaite que l'on prenne des mesures pour améliorer la qualité de l'air en réduisant aussi les gaz à effet de serre, et il est prêt à le faire.
Ma question, philosophiquement parlant, s'adresse donc à plusieurs des intervenants — M. Villeneuve, M. Paton, M. Rutherford. Lorsque nous prenons des engagements aussi irréalistes que ceux que nous avons pris à Kyoto, quel est l'effet net pour notre crédibilité, pour les liens de confiance qui nous unissent à nos autres partenaires internationaux dans le monde entier, lorsque nous fixons des objectifs aussi irréalistes, comme M. Ignatieff ou d'autres l'ont reconnu? C'est là le genre d'objectifs soulignés dans le Protocole de Kyoto ainsi que dans le projet de loi de M. Rodriguez.
Toujours sur un plan philosophique, quel est l'impact de la prise d'engagements irréalistes tels que ceux-là?
:
Je suis très heureux que vous posiez cette question, parce qu'il est très facile d'y répondre.
[Traduction]
Je vais continuer en anglais, si vous me le permettez.
Nous parlons là de deux types différents de problèmes en physique. Il y a un problème de valeur initiale et un problème de valeurs aux limites. Les prévisions météorologiques exigent une connaissance exacte des conditions initiales et une extrapolation afin d'inclure les détails prévisionnels.
Le climat est la statistique météorologique dans laquelle vous êtes amenés à établir beaucoup de moyennes dans le temps. Les prévisions météorologiques sont faites sans données initiales. On n'utilise des données que pour vérifier les prévisions faites grâce à un modèle climatique, prévisions qui sont faites ab initio à partir de purs principes physiques. Vous établissez une modélisation de la terre, de l'atmosphère, vous incluez le soleil, vous calculez les composantes physiques du transfert d'énergie, la circulation commence, l'atmosphère démarre très vite et l'océan prend beaucoup plus de temps à le faire. En fait, vous établissez une simulation du climat à partir de principes physiques de base sans aucune donnée; les données ne sont utilisées que pour établir certains coefficients et paramètres, et pour vérifier le résultat après coup.
Donc, les personnes qui déclarent que nous ne pouvons pas faire de prévisions météorologiques, disons, ne serait-ce que dix jours à l'avance, et qu'il est donc impossible de prévoir ce que sera le climat dans un siècle, comparent ce qui n'est pas comparable. J'ajouterai que nous pouvons en fait prévoir le temps qu'il fera dix jours à l'avance et que c'est grâce à ce modèle de prévisions météorologiques numérique que nous pouvons le faire.
Lorsque j'ai commencé ma carrière comme météorologue, nous ne pouvions pas faire de prévisions au-delà de 36 heures. Nous ne tentions même pas de le faire. Aujourd'hui, les prévisions météorologiques pour les dix prochains jours sont aussi exactes qu'elles l'étaient pour les prochaines 36 heures dans les années 60, lorsque j'ai commencé dans ce métier. Et si nous y parvenons, c'est parce que nous pouvons établir un modèle de la situation et résoudre le problème de la valeur initiale.
Les climatologues ont résolu le problème des valeurs aux limites en changeant le contenu de la composition de l'atmosphère, et l'énergie à l'entrée et à la sortie, et d'autres paramètres du même type. Et cela marche.