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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour poursuivre la discussion sur l'examen de la LCPE, et plus particulièrement sur la réglementation et la gestion des substances en vertu de cette importante loi. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire un exposé.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter notre association. L'Association Canadienne de produits de consommation spécialisés est une association professionnelle nationale dont les 40 entreprises membres à l'échelle du pays constituent une industrie de 20 milliards de dollars qui emploie directement plus de 12 000 personnes dans plus d'une centaine d'installations au pays. Nos entreprises fabriquent, traitent, emballent et distribuent des produits spécialisés destinés aux consommateurs, à l'industrie et aux établissements, comme des savons, des détergents, des produits antiparasitaires, des aérosols, des désinfectants pour revêtements durs, des désodorisants et des produits chimiques pour l'industrie automobile. La LCPE réglemente tous les ingrédients utilisés dans nos produits.
Pour illustrer nos produits, je vous ai fourni un document d'une page intitulé « Que serait la vie sans nous? », qui a été distribué par le greffier. Je suis sûr que la plupart d'entre vous ont reconnu certains des produits que vous utilisez à la maison.
L'association a fourni aux membres du comité un mémoire sur la question du jour. Parmi les questions qui se trouvent sur le site Web du comité pour notre discussion, il y a les suivantes: quelles informations le gouvernement doit-il exiger de l'industrie et qui doit évaluer ces informations? Quel degré de divulgation auprès du public devrait-on adopter au regard de ces données et de leur analyse? À qui doit incomber la charge de la preuve?
Dans mon exposé aujourd'hui je vais vous décrire les processus actuels et je vous ferai part de nos observations sur la loi et le règlement.
Premièrement, je tiens à préciser que les termes « nouvelles » et « existantes » que j'utiliserai dans mon exposé sont utilisés par les entreprises, les fonctionnaires et les intervenants dans les discussions sur la LCPE et son règlement.
Pour répondre à la première question — de quelle manière les substances sont-elles évaluées en vertu de la LCPE et quelles informations doivent être fournies — je vais commencer par les nouvelles substances.
Le règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles est le règlement qui régit la façon dont seront évaluées et approuvées les nouvelles substances en vertu de la LCPE. Ce règlement est en vigueur depuis 1994, mais il s'applique de manière rétroactive jusqu'en 1987 en ce qui concerne l'évaluation des nouvelles substances. En vertu de ce règlement, une société ou un particulier qui souhaite mettre sur le marché canadien une nouvelle substance doit fournir un ensemble de renseignements et de données à Environnement Canada et à Santé Canada, lesquels feront ensuite l'objet d'une évaluation gouvernementale. Le règlement précise clairement les renseignements qui doivent être fournis afin que les évaluateurs d'Environnement Canada et de Santé Canada puissent rendre une décision juste. Les deux ministères examinent les renseignements et les données afin de déterminer s'il existe des risques potentiels pour l'environnement ou la santé humaine.
L'association croit que ce règlement est scientifique, rigoureux, prévisible et progressif — par « progressif » nous voulons dire que ses exigences varient en fonction du volume d'une substance. Ainsi, plus le volume de la substance fabriquée ou importée est important, plus la société devra fournir de données au gouvernement.
La présentation initiale détermine les répercussions possibles sur la santé humaine, l'innocuité de la substance et les répercussions sur l'environnement. Puis, une échelle est établie, selon laquelle il faudra fournir des données supplémentaires aux fins d'évaluation en fonction du volume de la substance, et ce, afin d'assurer qu'il n'y aura aucune incidence sur la santé et la sécurité des humains et de l'environnement. L'information et les données requises sont énoncées de manière très rigoureuse et claire dans le règlement.
Voici quelques exemples de l'information et des données qui doivent être présentées: la quantité de substances qui sera utilisée au Canada au cours d'une année, ses utilisations, y compris son utilisation dans des produits finis, une indication selon laquelle la substance sera utilisée ou non dans des produits destinés aux enfants. Parmi les exigences minimales en matière de données et d'essais, notons la solubilité dans l'eau, les impuretés, les résultats des essais de biodégradabilité, l'irritation de la peau, la toxicité pour les poissons et les algues, la toxicité pour les mammifères et le pouvoir mutagène de la substance. Le règlement compte 12 annexes sur les renseignements qui doivent être fournis selon le volume de la substance.
Le règlement du Canada sur les renseignements concernant les substances nouvelles est aussi rigoureux et solide que n'importe quel programme de réglementation des nouveaux produits chimiques des pays de l'OCDE. Si vous souhaitez discuter plus à fond de ces 12 annexes, ce serait peut-être une bonne idée de demander à Environnement Canada ou Santé Canada de vous expliquer ces dispositions.
Je tiens à souligner que ce règlement a été élaboré en consultation avec les intervenants et qu'il a été modifié en 2005 suite à des recommandations consensuelles sur le règlement et les lignes directrices.
Pour ce qui est des substances existantes, le gouvernement fédéral vient tout juste de terminer la première étape de la catégorisation et de l'évaluation préalable de la liste intérieure des substances. Le Canada est le premier pays à faire un examen exhaustif des substances existantes, et il est un chef de file mondial. Ce processus a duré six ans.
Environnement Canada et Santé Canada ont dirigé un processus de catégorisation de 23 000 substances de la liste intérieure des substances, la LIS. Ce processus a été entièrement scientifique et consultatif. Je vous rappelle que la liste intérieure des substances comprend de nombreuses substances, comme l'essence, les éléments constitutifs des plastiques, des aliments, des produits pharmaceutiques, des ingrédients pour la peinture, des vitamines, des parfums, des aromatisants — toute une gamme de produits.
Le processus de catégorisation permet de déterminer si les substances répondent aux critères scientifiques suivants: substances persistantes et présentant une toxicité intrinsèque, substances bioaccumulables et présentant une toxicité intrinsèque, substances persistantes, bioaccumulables, et présentant une toxicité intrinsèque; ou substances présentant le plus fort risque d'exposition pour les humains.
Dans un mémoire présenté en juin de cette année, nous avons dit que le programme CEPLIS est une des réussites de la LCPE. Dans ce même mémoire, nous mentionnions également l'application réussie du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles aux substances visées par la Loi sur les aliments et drogues au cours des cinq dernières années, processus qui, encore une fois, à notre avis, est très bénéfique puisque ce règlement est scientifique, prévisible et rigoureux.
Il paraît que ce programme de catégorisation et d'évaluation préalable a permis de recenser environ 4 000 substances qui répondent aux critères de la catégorisation et qui pourraient nécessiter un examen et une évaluation plus approfondis. Comme les résultats de ces programmes doivent être rendus publics en même temps qu'un plan d'action des ministres Ambrose et Clement, notre association a demandé à votre comité et au gouvernement de bien expliquer aux Canadiens en quoi consiste cette liste qui pourrait compter 4 000 substances et de bien la replacer dans son contexte.
Comme il en a été question en septembre, les journaux nationaux ont cité les propos de témoins antérieurs selon lesquels cette liste contient les pires substances de toutes. On nous dit que parmi les substances qui se trouvent sur cette liste il y a le tamoxifène, un médicament contre le cancer qui permet de sauver des vies; l'anhydride titanique, un ingrédient essentiel des écrans solaires, qui protège du cancer, le vinaigre; l'aromatisant à l'amande, et la vitamine A — pour n'en nommer que quelques-unes. Au lieu de faire peur aux Canadiens en leur cachant les faits, nous devrions leur expliquer l'énorme tâche que le gouvernement a entrepris et ses projets pour répondre aux préoccupations de tous les intéressés, mais ce qui est encore plus important, nous devrions expliquer le contexte de cette liste et son importance pour les Canadiens.
Le tamoxifène est un excellent exemple, car c'est une substance qui sert à tuer. Nous supposons que l'intention n'est pas d'en priver les consommateurs. Il est donc essentiel d'expliquer les risques et les avantages de ces substances.
Comme nous l'avons fait dans notre exposé et notre témoignage devant votre comité le 26 septembre, nous demandons encore une fois que le gouvernement élabore une stratégie de communication proactive afin d'informer les Canadiens au sujet des programmes et des résultats afin qu'ils puissent prendre des décisions mieux éclairées. Nous nous attendons également à ce que les deux ministères fassent des évaluations rapides et approfondies du risque pour la deuxième phase du CEPLIS.
Cette deuxième phase du CEPLIS visant à évaluer les substances existantes sera semblable à l'évaluation des nouvelles substances. La principale différence entre ces deux programmes concerne les lacunes éventuelles dans les données. On considère qu'il y a une lacune dans les données lorsque certains essais ont été effectués sur des substances, mais que d'autres ne semblent pas l'avoir été. Le fait que le gouvernement cerne une lacune ne veut pas dire automatiquement qu'aucun test n'a été effectué; il se peut que les entreprises aient évalué ces substances pour assurer la sécurité des humains et de l'environnement dans le cadre de leur engagement à fournir aux consommateurs des produits efficaces et sans danger.
Le gouvernement va cerner les lacunes dans les données, puisque celles-ci pourraient l'empêcher de prendre des décisions éclairées dans son évaluation d'une substance. Le gouvernement va certainement exiger que l'industrie fournisse les données manquantes dont il a besoin pour terminer l'évaluation. Nos membres fournissent déjà et sont prêts à continuer à fournir de manière proactive les données requises pour combler les lacunes, à la condition que le processus d'évaluation soit fondé sur la science et qu'on prévoie une période d'observation avant que les décisions soient rendues publiques.
Le gouvernement utilisera probablement aussi les données du domaine public et celles fournies par les entreprises pour faire leur évaluation. Le Canada utilisera également les résultats d'études et d'évaluations effectuées par d'autres pays de l'OCDE, comme l'Europe, les États-Unis et le Japon.
L'industrie participe également à d'autres programmes visant à combler les lacunes dans les données. Par exemple, les programmes des États-Unis et de l'OCDE concernant les substances produites en grande quantité produisent des ensembles de données sur les substances qui sont examinés par divers organismes de réglementation dans le monde. Les résultats de ces examens réglementaires seront sans doute utilisés au Canada.
Dans l'ensemble, notre association est convaincue que la deuxième phase du programme de catégorisation et d'évaluation préalable menée en vertu de la LCPE sera efficace.
Pour répondre à la question sur les informations qui doivent être divulguées au public, nous croyons que la LCPE donne au ministre de larges pouvoirs lui permettant de déterminer si une information doit demeurer confidentielle ou non ainsi que le pouvoir de divulguer les informations confidentielles s'il estime que c'est dans l'intérêt public. Je vais vous parler des articles 313 à 321, de la partie 11 de la LCPE qui concernent la communication de renseignements.
En vertu de l'article 313, les personnes et les sociétés peuvent demander que les renseignements qu'elles fournissent au gouvernement soient considérés comme confidentiels. Cependant, les exemples sont nombreux où, en vertu de la LCPE, le gouvernement exige que les sociétés lui fournissent des renseignements confidentiels concernant les substances qu'elles utilisent.
L'article 315 de la LCPE confère au ministre le pouvoir extraordinaire de divulguer des renseignements confidentiels qui lui ont été remis s'il juge que la divulgation de ces renseignements est clairement dans l'intérêt du public et que cet intérêt l'emporte sur les pertes financières ou matérielles pouvant en découler ou le préjudice porté à la position concurrentielle de la personne ou société qui a fourni les renseignements. En vertu de l'article 316, le ministre peut divulguer les renseignements à un médecin ou professionnel de la santé qui en a besoin pour prodiguer des soins médicaux.
Aux termes de l'article 319 de la loi, le ministre peut prévoir par règlement les renseignements qui doivent être joints à une demande de confidentialité. Essentiellement, le ministre peut fixer les règles concernant les circonstances dans lesquelles il jugerait que les renseignements fournis sont de nature confidentielle.
En réponse à la dernière question sur le fardeau de la preuve, sachez que la préoccupation qui l'emporte sur toutes les autres pour nos membres c'est la santé et la sécurité des Canadiens et de leur environnement. L'industrie prend la responsabilité d'introduire de nouvelles technologies au Canada, mais elle détermine également l'application et l'utilisation adéquates des substances. Avant de lancer une substance sur le marché, l'industrie procède à de nombreux essais et évaluations des risques internes afin de s'assurer que la substance peut être utilisée sans danger et qu'elle ne présente aucun risque pour la santé humaine et l'environnement. L'industrie détermine aussi la façon dont la substance devrait être utilisée afin d'atténuer les risques, notamment par le biais d'instructions concernant la manutention, d'instructions concernant l'utilisation, de mises en garde sur les étiquettes, et d'informations sur la disposition. L'industrie prend très au sérieux sa responsabilité à l'égard d'une gestion adéquate et rigoureuse des substances.
Cependant, c'est le gouvernement qui établit les paramètres pour l'approbation d'une nouvelle substance ou pour l'utilisation continue des substances de la liste intérieure. C'est le gouvernement qui établit les paramètres de la réglementation, qui établit les critères scientifiques et qui rend la décision finale sur la fabrication ou l'importation d'une substance au Canada. Par conséquent, nous croyons que tant l'industrie que le gouvernement doivent veiller à ce que les substances soient évaluées adéquatement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'association et ses entreprises membres soutiennent que les ingrédients de nos produits sont utilisés sans danger et que nos produits sont également sans danger lorsqu'ils sont utilisés conformément aux instructions.
Merci de votre temps. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Je m'appelle Jessica Ginsburg. Je suis conseillère juridique pour les projets spéciaux de l'Association canadienne du droit de l'environnement, l'ACDE.
Je vous présente Kapil Khatter, directeur du Programme de la santé et de l'environnement de Pollution Watch, une initiative conjointe de l'ACDE et de Environmental Defence. Je suis également accompagnée de Fe de Leon, recherchiste à l'ACDE.
Je vais maintenant vous parler du fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve revêt une grande importance sur divers plans, notamment, historique, économique, et scientifique.
Dans une perspective historique, environ 23 000 substances ont fait leur apparition sur le marché canadien sans avoir fait l'objet d'une évaluation toxicologique préalable ou sans qu'on ait recueilli des données relatives à leur niveau de toxicité. Ces substances, appelées maintenant « substances existantes », peuvent présenter de nombreuses propriétés dangereuses. On a confié au gouvernement la responsabilité de recenser les substances d'intérêt prioritaire devant faire l'objet d'une évaluation, dans un premier temps, par la création de deux listes de substances d'intérêt prioritaire, en 1989 et en 1995, et plus récemment lors d'un processus de catégorisation.
Le processus d'identification et d'évaluation de substances au moyen de deux listes de substances d'intérêt prioritaire s'est avéré extrêmement inefficace, coûteux et en fait de compte inutile. Il n'y a que 69 groupes de substances qui ont été évaluées et aucune mesure réglementaire n'a encore été prise pour interdire ou éliminer ces substances.
Le processus de catégorisation visait à établir un ordre de priorité parmi les substances existantes n'ayant pas encore été évaluées, mais cette initiative a été freinée en raison du manque de renseignements disponibles et par le fait que l'industrie n'est pas contrainte à fournir les renseignements manquants.
En juillet 2006, Environnement Canada a révélé que plus de 1 000 substances ne répondaient pas aux critères de la catégorisation tout simplement parce que le ministère n'avait pas suffisamment d'information pour prendre une décision. Jamais pendant le processus de catégorisation le gouvernement n'a demandé à l'industrie de combler ces lacunes dans les données en faisant des essais toxicologiques, malgré toutes les recommandations à cet effet formulées par les ONG participantes.
Le fait de ne pas avoir recueilli de données sur ces substances afin de pouvoir les traiter d'une manière scientifique contrevient au principe de précaution qui est l'un des principes directeurs de la LCPE. Le gouvernement est obligé d'exercer ses fonctions en appliquant le principe de précaution chaque fois que c'est possible.
Lors de la prochaine phase du travail, le gouvernement devra effectuer des évaluations préalables d'environ 4 000 substances qui, pense-t-on, répondent aux critères de la catégorisation. Si le gouvernement continue à assumer le fardeau de la détermination de la toxicité de ces substances, ce processus d'évaluation préalable pourrait durer plusieurs décennies.
Il est important de se rappeler que ces substances sont déjà vendues au Canada et que nos citoyens et notre environnement continueront donc à y être exposés pendant cette longue période de temps. Il est important de modifier la loi afin de confier à l'industrie une plus grande responsabilité relativement à ces substances afin que des mesures puissent être prises rapidement à l'égard des plus menaçantes.
Lors du processus de modification de la LCPE, il conviendrait d'accorder une attention particulière à l'alinéa 71(1)c). En vertu de cet alinéa, le gouvernement peut exiger de celui qui propose une substance qu'il réalise des essais toxicologiques. Toutefois, le pouvoir du gouvernement est restreint par l'article 72 qui prévoit que le ministre doit d'abord avoir des motifs de soupçonner qu'une substance est effectivement ou potentiellement toxique. Des éclaircissements s'imposent concernant les soupçons relatifs au seuil de toxicité et le degré de certitude requis pour atteindre ce dernier.
En vertu du régime des nouvelles substances, l'industrie a une plus grande responsabilité pour ce qui est de produire de l'information. Les déclarants sont obligés de préparer et de présenter de petits ensembles de données avant que les produits chimiques soient introduits sur le marché canadien. Cependant, comme pour les substances existantes, les ministres ne peuvent demander d'autres essais toxicologiques en vertu de l'article 74 que dans les cas où il soupçonne qu'une substance est effectivement ou potentiellement toxique.
Le rapport final des consultations multilatérales sur le règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles cerne un certain nombre de préoccupations et d'incertitudes concernant l'article 84 et il indique que le but ultime serait de modifier la LCPE pour prévoir les pouvoirs de collecte de l'information.
J'en viens maintenant à nos recommandations.
Première recommandation: Le pouvoir des ministres d'obliger l'industrie à faire les essais toxicologiques et à en présenter les résultats (alinéas 71(1)c) et 84(1)c)), ne devrait pas être limité par la condition préalable que les ministres soupçonnent une substance d'être toxique. Cette condition préalable réduit la capacité des ministres de renverser le fardeau de la preuve sur le promoteur de la substance.
Deuxième recommandation: Pour toutes les phases du processus de collecte de l'information et de l'évaluation, on devrait inverser la charge de la preuve. Ainsi, c'est l'industrie qui serait tenue de prouver l'innocuité de ses substances. On trouve des exemples de cette approche dans le processus d'autorisation en vertu du programme REACH ainsi que dans certaines dispositions du nouveau régime d'enregistrement de la Loi sur les produits antiparasitaires. Il faudrait également imposer des délais afin que l'industrie fournisse rapidement l'information qu'on lui demande.
Troisième recommandation: Pour atteindre cet objectif, il faudra modifier les articles suivants de la LCPE: l'article 73 sur la catégorisation des substances; l'article 74 sur les évaluations préalables; l'article 75 sur les substances réglementées par d'autres gouvernements; et l'article 76 concernant l'évaluation en profondeur des substances d'intérêt prioritaire.
Quatrième recommandation: Il faudrait faire preuve de prudence lorsqu'il n'y a pas de données et la commercialisation de certaines substances devrait être interdite puisque l'industrie n'a pas rempli son obligation d'en démontrer l'innocuité.
Je passe maintenant à la question de la confidentialité qui a d'innombrables répercussions sur la transparence, les mesures axées sur le principe des précautions et le droit du public de connaître les substances qui pourraient avoir une incidence sur leur santé et leur environnement. Le droit du public de savoir doit avoir préséance sur les revendications de l'industrie selon lesquelles la concurrence exige la confidentialité. Les articles 313 à 321 de la LCPE énoncent les exigences générales pour le maintien de la confidentialité. Elles prévoient que quiconque fournit des renseignements au ministre en vertu de la loi peut demander, par écrit, que les renseignements demeurent confidentiels. L'article 304 prévoit que le ministre ne peut communiquer les renseignements que conformément aux critères juridiques énoncés aux articles 315 à 317. Les lignes directrices régissant la déclaration et l'évaluation de nouvelle substances contiennent des détails additionnels. Selon ces lignes directrices, le déclarant peut demander que les renseignements demeurent confidentiels à la condition de respecter six critères généraux et de signer une déclaration attestant de l'exactitude de sa demande.
Il existe peu d'information permettant de déterminer si les dispositions relatives à la confidentialité sont appliquées. Les demandes de confidentialité ne sont pas traitées de la même façon dans tous les ministères. Par exemple, l'attestation n'est pas appliquée uniformément et parfois le « et » est omis de la liste des six critères, ce qui sème la confusion quant à savoir si un seul ou l'ensemble des critères doivent être satisfaits. Dans certains ministères, tous les renseignements reçus d'un déclarant sont considérés confidentiels à moins que la société ne remette un consentement écrit au gouvernement l'autorisant à les divulguer.
En outre, le caractère confidentiel est respecté entre les organismes gouvernementaux qui n'ont pas signé d'accord de partage de l'information. Il est donc possible que les formulaires de déclaration ne soient pas transmis lorsqu'une même substance est déclarée à des organismes différents en vertu de deux lois ou plus. En conséquence, l'accès du public aux renseignements est compromis, et l'uniformité du processus décisionnel au sein du gouvernement est amoindri.
Je passe maintenant aux recommandations.
Première recommandation: Le comité doit demander et examiner des preuves sur l'utilisation réelle des demandes de confidentialité aux termes de la LCPE, afin de déterminer comment et dans quelle mesure les dispositions ont été utilisées pour protéger l'intérêt de la santé ou de la sécurité du public ou de l'environnement.
Deuxième recommandation: Conformément aux engagements internationaux du Canada, les dispositions de la LCPE doivent s'assurer que les renseignements sur les substances chimiques relatifs à la santé et à la sécurité des humains et de l'environnement ne sont pas considérés comme confidentiels.
Troisième recommandation: La LCPE devrait contenir des exigences à respecter par les déclarants qui demandent que leurs renseignements soient tenus confidentiels. La présomption devrait être que la confidentialité ne serait pas accordée à moins que certaines conditions ne soient respectées, plutôt que le contraire, comme à l'heure actuelle.
Quatrième recommandation: Les déclarants devraient toujours être tenus de fournir des renseignements pour étayer leurs demandes de confidentialité.
Numéro cinq: Les sommaires de l'ensemble des formulaires de déclaration et les demandes de confidentialité des renseignements devraient être rendus publics avant la prise de la décision finale relative à l'évaluation.
Numéro six: Lorsqu'une demande de confidentialité est déposée, le chef de la direction de l'entreprise devrait attester que les critères de confidentialité ont été respectés. À l'heure actuelle, seule la personne qui présente la déclaration doit signer l'attestation.
Enfin, septième recommandation: Les renseignements confidentiels devraient être communiqués librement entre tous les ministères qui participent à l'évaluation des substances. Des accords de partage de l'information négociés en bonne et due forme ne devraient pas être requis entre les ministères chargés de l'examen des formulaires de déclaration.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président. Merci à tous les membres du comité. Je suis désolé de cette substitution de dernière minute. C'est peut-être une déception pour vous de recevoir le président plutôt que le vice-président.
J'aimerais prendre un instant pour vous donner notre point de vue sur l'évaluation scientifique et me concentrer sur l'utilisation de cette évaluation pour la désignation des substances toxiques conformément à la LCPE.
Mon industrie travaille sur ce dossier depuis le milieu des années 90 et particulièrement sur une proposition de liste de substances d'intérêt prioritaire — LSIP — afin d'évaluer le sel de voirie et l'ammoniac dans l'environnement aquatique en vue de leur désignation à titre de substances toxiques au sens de la LCPE. Nous avons donc une expérience très concrète du dossier qui touche directement notre industrie, laquelle fabrique des éléments nutritifs pour végétaux qui sont utilisés par les agriculteurs pour produire des aliments.
La proposition relative à l'ammoniac dans l'environnement aquatique faisait état d'un problème que nous avons avec les effluents des usines de traitement des eaux usées des municipalités. Dans le cas du sel de voirie, nous craignons que les municipalités n'utilisent plus de sel que ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité du public. Quand ils ont décidé de définir les propositions relatives au sel de voirie, ils ont inclus trois produits chlorés: le chlorure de sodium, c'est bien sûr du sel; le chlorure de potassium qui est de la potasse utilisée comme engrais et un autre. Si l'on a inclus le chlorure de potassium, c'est tout simplement que c'est un produit résiduel, on pourrait même dire une impureté résultant du raffinage du sel. Quoi qu'il en soit, la potasse a été incluse dans la proposition de désigner le sel de voirie comme substance toxique.
La nécessité d'une évaluation scientifique vise peut-être à démontrer la compétence du gouvernement fédéral en vue de la réglementation d'une substance. Le processus d'évaluation du sel et de l'ammoniac n'a pas ajouté de connaissances scientifiques à l'équation. Quand une évaluation scientifique est utilisée dans la loi comme moyen de définir la constitutionnalité, cela soulève le problème de savoir si l'on peut ou non retirer le mot « toxique » de la LCPE sans que la loi cesse d'être constitutionnelle. Cette façon de procéder politise l'évaluation scientifique et détruit à toute fin utile sa validité comme outil efficace de décision. Si la seule façon de démontrer la compétence du gouvernement est de déclarer qu'une substance est toxique, alors chaque mot de l'évaluation scientifique qui sera couché sur papier aura pour effet d'infléchir la décision dans un sens donné. Peu importe de savoir à ce moment-là si l'évaluation est crédible au sens où on l'entend dans l'évaluation scientifique soumise au jugement des pairs.
Les évaluations scientifiques du sel de voirie et de l'ammoniac dans l'environnement aquatique étaient moins crédibles en raison de la politisation du processus. Dès le départ, l'ICE a fait une recherche sur l'ammoniac dans les publications et a démontré aux évaluateurs scientifiques ce que le monde entier savait déjà: si vous ajoutez des quantités excessives d'ammoniac dans l'eau, cela tue les poissons. Toutefois l'ammoniac est aussi source de vie et est essentielle à la croissance des végétaux. Ce n'est pas une question de toxicité inhérente. Une certaine quantité est essentielle à la vie et très bénéfique et une trop grande quantité peut être dommageable pour certaines espèces.
J'aimerais conclure mon bref exposé en disant que l'évaluation scientifique ne permet pas notamment de déterminer ce qui serait une gestion du risque acceptable pour une substance donnée. Au lieu d'axer nos efforts sur l'évaluation du risque ou sur la gestion du risque, nous passons des années à mener des luttes politiques sur ce que devrait dire l'évaluation du risque au sujet d'une substance. C'est une très mauvaise utilisation des ressources publiques au sein du ministère de l'Environnement. C'est un énorme gaspillage de ressources économiques au sein des industries touchées. À mon avis, c'est le contraire de ce que doit être l'élaboration d'une politique publique efficace.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager mes dix minutes avec M. Harvey.
J'aimerais que nous discutions du fardeau de la preuve, mais j'aimerais auparavant répondre à certaines observations offertes par les témoins.
Merci d'être ici aujourd'hui.
Cette question est pertinente puisque le , la Loi sur la qualité de l'air, propose des modifications pour encourager la vérification, par une tierce partie, de l'information avant sa présentation, ce qui aura pour effet de renforcer le pouvoir du d'utiliser cette information pour tenir un inventaire national des rejets de polluants, l'INRP, qui contiendra des renseignements de base fiables sur les rejets de substances.
Il propose également d'élargir certains pouvoirs accordés au en vertu de l'article 71 de la LCPE de 1999 afin qu'ils puissent être utilisés de manière plus efficace. Ces pouvoirs permettront de recueillir des renseignements et d'exiger l'exécution d'essais afin de déterminer si une substance est effectivement ou potentiellement toxique. Je pense que c'est une très bonne nouvelle.
J'ai une question au sujet du fardeau de la preuve. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez et que vos réponses soient concises.
Qu'est-ce qui est plus efficace, imposer le fardeau de la preuve à l'industrie ou au gouvernement? Qui devrait assumer le fardeau de la preuve? Lequel est le plus prudent? Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune de ces options? Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?
Mme Coombs a dit qu'elle croit qu'il s'agit d'une responsabilité partagée par l'industrie et le gouvernement. Je crois que Mme Ginsburg a dit que l'industrie devrait être tenue de démontrer l'innocuité de sa substance.
Est-ce que tous les témoins pourraient nous parler des avantages et des inconvénients des deux options? Quelles sont vos recommandations?
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Je vais certainement essayer.
Un mot comme le mot « toxique » suscite de vives réactions émotives chez les consommateurs, parmi le grand public, les législateurs, les tribunaux et les clients, et il devient l'objectif ultime de l'évaluation scientifique. Ensuite, tout le débat consiste à prouver que la substance est toxique ou ne l'est pas.
Je ne suis ni linguiste ni avocat, mais le mot « toxique » a un sens ordinaire auquel tous les citoyens pensent lorsqu'ils entendent ce mot: « C'est poison. N'y touchez pas. C'est mauvais. Interdisez-le. » Et il y a de nombreuses substances, dont le sel, et l'ammoniac, qui sont absolument essentielles à la vie, mais qui peuvent avoir des effets négatifs et qui doivent être gérées dans certaines situations. Je pense que la plupart des personnes raisonnables seraient d'accord pour dire qu'il faut des protocoles de gestion afin de trouver l'équilibre entre les avantages de l'utilisation du sel de voirie pour le déglaçage et ses effets négatifs potentiels, afin de trouver la solution optimale. C'est ce que nous appelons une situation de gestion du risque où tout le monde discute pour trouver le meilleur moyen de gérer le risque. La science et les aspects pratiques nous guident. Nous utilisons des situations réelles pour déterminer s'il convient d'utiliser un produit à 10 $ ou un produit de remplacement à 100 $, après avoir calculé le ratio coût-avantage.
Or, on n'a pas eu de bonnes discussions sur la mauvaise gestion parce que nous avons passé cinq ans à chercher à déterminer s'il convient de qualifier le sel de toxique. Cela m'étonne qu'on ait consacré autant d'efforts politiques à cette question.
De nombreux avocats ont dit qu'il fallait poser cette question à cause des questions de compétences constitutionnelles. Si un produit n'est pas « toxique », il ne relève peut-être pas de la compétence fédérale. Le résultat malheureux de ce débat de compétence... Par exemple, dans mon propre secteur, qui est une industrie d'exportation, nous exportons 75 p. 100 de notre production. Nous exportons 95 p. 100 de notre production de potasse. Nous avons failli perdre l'un de nos principaux marchés étrangers, le Japon, parce que le gouvernement japonais a dit: « Votre gouvernement a déclaré que le chlorure de potassium est toxique; nous ne pouvons donc pas utiliser cette substance dans notre système holistique de production d'aliments biologiques », et nous avons failli perdre ce marché.
C'est ce qui arrive lorsqu'on essaie de mettre une étiquette inappropriée sur des produits, des substances, et c'est ce qui arrive lorsque nous ne mettons pas l'accent sur la gestion du risque.
Je m'excuse, j'ai parlé longtemps.