Passer au contenu
;

ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Je demanderais à M. Rodriguez de commencer avec le premier point. Je crois que nous avons décidé hier que nous examinerions le projet C-288 article par article jeudi et nous nous pencherions sur la LCPE lundi, mardi et jeudi de la semaine prochaine et que nous nous efforcerions de terminer notre examen au cours de cette période.
     Monsieur Rodriguez, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    La motion visait simplement à clarifier les choses. Je peux la retirer, mais je veux m'assurer — parce que je n'étais pas là hier — que le comité a décidé que l'étude article par article se tiendrait le 7 et devrait se terminer la même journée.

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Je peux retirer ma motion, puisque le comité s'entend sur le fait que l'étude article par article sera terminée le 7.

[Traduction]

    D'accord, l'étude de la motion n'a pas été reportée, vous pouvez simplement la retirer, si vous n'avez pas d'objection.

[Français]

    Si je comprends bien, le comité aura terminé l'étude article par article le 7. Alors, je retire ma motion.

[Traduction]

    Très bien.
     Monsieur Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    À quel moment devrons-nous présenter nos amendements au projet de loi C-288?

[Traduction]

    Aussitôt que vous pouvez nous les faire parvenir ici, pour que nous puissions les étudier jeudi.
     Y a-t-il d'autres commentaires?
     Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à nos invités. Comme vous le savez, chacun de vous dispose d'un temps de parole de 10 minutes. Ensuite, ce sera au tour de nos membres, la première série de questions dure 10 minutes et la deuxième, cinq minutes. Je vous demanderais d'essayer autant que possible de respecter le temps qui vous est alloué. J'ai un petit chronomètre ici qui m'indique exactement le temps que vous avez, alors si vous avez besoin que je vous fasse un signe, vous n'avez qu'à me le dire.
     Nous allons commencer. J'aimerais souhaiter la bienvenue, par le truchement de la vidéocaméra, à Pierre Alvarez et Rick Hyndman.
     Nous pourrions peut-être commencer en donnant la parole à Mme Johanne Gélinas, commissaire à l'environnement.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président.
    Bonjour, membres du comité.
    Je vous remercie une fois de plus de nous inviter à témoigner devant le comité. Cette fois-ci, j'aimerais discuter de la question de la reddition de comptes et des changements climatiques.
    Je suis accompagnée de M. Neil Maxwell, que vous connaissez bien maintenant, et mes collègues dans la salle pourront éventuellement répondre à certaines de vos questions.
    Vous n'êtes pas sans savoir que les cinq chapitres de notre rapport de septembre 2006 portent tous sur les changements climatiques. Lors d'audiences précédentes, j'ai présenté bon nombre de nos constatations, notamment la nécessité pour le gouvernement de définir et de mettre en oeuvre un plan d'action complet, précis et réaliste qui prévoie à la fois des mesures d'atténuation des gaz à effet de serre et des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Permettez-moi d'aborder aujourd'hui une question fondamentale, c'est-à-dire l'application des principes de bonne gouvernance et de la reddition de comptes dans le domaine des changements climatiques.
    La planification, la gestion et le rendement forment un tout indissociable. Un bon plan est important, mais il est tout aussi important d'agir et d'obtenir des résultats. Une bonne gouvernance et la reddition de comptes sont garantes du bon fonctionnement du gouvernement. Ces mécanismes doivent fonctionner correctement pour que les politiques et les programmes permettent d'obtenir des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes. En vérifiant la manière dont avaient été gérés les programmes fédéraux de lutte contre les changements climatiques, nous avons constaté que le gouvernement avait jeté les bases des mesures à prendre dans l'avenir, mais que les mécanismes nécessaires pour concrétiser ces idées comportaient de graves lacunes.
    Le dossier des changements climatiques est tellement complexe qu'il est extrêmement important et difficile de faire fonctionner ces mécanismes comme il se doit. La lutte contre les changements climatiques est une question horizontale, c'est-à-dire qu'elle touche un grand nombre de ministères, de mandats et de compétences. Aucun ministère, organisme ou administration publique ne détient l'ensemble des leviers, ressources et compétences qu'il faut pour gérer ce problème adéquatement. Nos vérifications montrent que les mesures prises par le gouvernement à l'égard des changements climatiques doivent porter davantage sur certains de ces aspects clés.

[Traduction]

    Dans un premier temps, il faut définir clairement les rôles, les responsabilités et les pouvoirs de tous les ministères et organismes fédéraux. Les rôles des principaux ministères concernés ont évolué au fil des ans. On nous dit qu'Environnement Canada est actuellement le ministère responsable des mesures de lutte contre les changements climatiques, mais il est difficile de savoir ce qu'il en est dans les faits.
     Ressources naturelles Canada, par exemple, est responsables de la plupart des programmes de lutte aux changements climatiques qui sont dotés d'un budget important, mais Environnement Canada ne peut s'immiscer dans les activités de ce ministère, ni dans celles d'aucun autre ministère; et il ne peut obliger aucun ministère à prendre des mesures en particulier. Par conséquent, le fait qu'Environnement Canada détienne une responsabilité stratégique ne veut pas nécessairement dire qu'il peut exercer un leadership sur le plan opérationnel, à moins que l'on mette en place des mécanismes de coordination pangouvernementale.
     De plus, le transfert des responsabilités relatives aux changements climatiques entre les ministères fédéraux n'a pas toujours été bien géré, ce qui a créé des obstacles aux progrès.
     Au cours de notre vérification, nous avons constaté, par exemple, que la conception et la mise en œuvre du système des grands émetteurs finaux ont souffert des transferts de responsabilités, de la rotation des membres clés du personnel et des modifications apportées d'un plan à l'autre. De même, nous avons aussi constaté qu'Environnement Canada et Ressources naturelles Canada avaient peu progressé dans l'élaboration d'une stratégie fédérale d'adaptation. Aucun des deux ministères ne s'est vu confier la direction du dossier et chacun avait une vision différente de ses responsabilités.
     De manière générale, il faut faire en sorte que la transition amorcée des programmes existants de lutte contre les changements climatiques aux nouvelles stratégies qui sont envisagées par le gouvernement au pouvoir soit bien gérée également de manière à renforcer la gouvernance et la reddition de comptes. À l'évidence, il faut que le gouvernement élabore et instaure des mécanismes de coordination des activités liées aux changements climatiques menées par tous les ministères et organismes fédéraux.
     Dans mon rapport de 2001, au chapitre 6 intitulé « Le changement climatique et l'efficacité énergétique », j'avais indiqué que le gouvernement fédéral avait réalisé des progrès quant à l'élaboration d'un mécanisme de coordination. Le Secrétariat du changement climatique constituait l'instance chargée de coordonner et d'intégrer les mesures prises par les ministères ainsi que de coordonner la mise en œuvre d'une stratégie nationale avec les provinces et les autres parties intéressées. Le Secrétariat faisait rapport au Parlement sur les activités fédérales de lutte contre les changements climatiques et leurs résultats. Malgré l'importance du rôle de cet organisme, le Secrétariat a progressivement été éliminé en 2004 et n'a pas été remplacé.
     Si l'on veut obtenir des résultats, il est essentiel de faire le suivi des dépenses et des réalisations par rapport aux cibles convenues, et de faire rapport de cette information au Parlement et à la population canadienne. Pour y arriver, le gouvernement fédéral doit déterminer qui sera responsable de faire continuellement le suivi du rendement de tous les programmes et de toutes les politiques. En vérifiant les secteurs de production et de consommation énergétiques, nous avons constaté que trois programmes dotés chacun d'un budget dépassant 100 millions de dollars n'étaient pas assortis de cibles de rendement précises. Nous avons aussi constaté que l'information sur le rendement et les dépenses n'était pas l'objet de rapports périodiques.
     Par ailleurs, des évaluations du rendement des programmes doivent être faites afin d'appuyer le suivi des résultats, et la communication de ceux-ci par le biais de rapports vis-à-vis des objectifs plus larges. Le gouvernement fédéral a réalisé des progrès à cet égard. En octobre 2005, le Secrétariat du Conseil du Trésor a terminé un examen exhaustif des programmes relatifs aux changements climatiques destiné à évaluer le taux de réussite des programmes en vigueur et à mettre au point des options d'affectation des ressources. Cet examen visait également à amorcer un cycle continu d'évaluation du rendement et d'examen des dépenses. Il devait permettre de réduire le nombre de programmes, tout en augmentant la quantité d'information sur leur rendement. Le comité voudra peut-être demander au Secrétariat du Conseil du Trésor de lui indiquer où en est la mise en œuvre d'un processus continu d'examen et d'évaluation du rendement.
(0910)

[Français]

    Le grand nombre de ministères et d'organismes qui participent à la lutte contre les changements climatiques augmente la complexité et l'importance d'une évaluation efficace du rendement. Cependant, notre vérification nous a permis de constater que le cadre de gestion du rendement relatif aux changements climatiques n'était pas encore prêt. Ce cadre devrait définir les attentes en matière de rendement pour les politiques et les programmes relatifs aux changements climatiques, ainsi que des indicateurs qui serviraient à mesurer ces progrès. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a indiqué qu'il comptait actualiser le cadre de gestion du rendement au cours de l'exercice 2006-2007, mais que ce cadre ne pourra être mis en oeuvre tant que le gouvernement fédéral n'aura pas bien défini ses rôles et ses responsabilités. Le comité voudra peut-être demander au Secrétariat du Conseil du Trésor de lui fournir un rapport sur l'état d'avancement du cadre de gestion du rendement.
    Nous avons constaté que le gouvernement devait aussi améliorer son suivi des dépenses. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est à mettre au point un système électronique capable de saisir l'information financière sur les programmes relatifs aux changements climatiques. Mais au moment de notre vérification, l'information contenue dans ce système n'était ni mise à jour ni vérifiée. Tant que le système ne sera pas amélioré, il ne pourra pas servir aux activités de gestion et d'établissement de rapports. Le comité voudra peut-être demander au secrétariat si la mise à jour de l'information financière, qui était prévue pour l'été 2006, a vraiment eu lieu. Le comité voudra peut-être aussi savoir quand le secrétariat prévoit instaurer un système complet et efficace d'établissement de rapports.

[Traduction]

    Le suivi doit être accompagné de meilleurs rapports au Parlement et au public. Les rapports doivent être complets afin de permettre un examen minutieux des dépenses et des résultats. Bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait communiqué des renseignements sommaires sur les dépenses à la suite d'une question posée par un parlementaire en 2005, aucun rapport complet sur les dépenses liées aux changements climatiques ni sur les résultats obtenus n'a été fourni depuis 2003.
     Dans son plan de 2005, le gouvernement s'est engagé à faire rapport tous les ans, à partir de 2008, sur les mesures relatives aux changements climatiques. Le comité voudra peut-être demander à Environnement Canada de lui indiquer à quel moment le Parlement et la population canadienne peuvent espérer consulter le prochain rapport complet. Le comité pourrait aussi jouer un rôle déterminant en précisant les renseignements dont le Parlement a besoin pour évaluer les réalisations du gouvernement fédéral dans le domaine des changements climatiques.
     Les organismes centraux doivent aussi jouer un rôle déterminant. Notre vérification nous a permis de constater qu'il reste encore beaucoup à faire pour achever, mettre à jour et maintenir le système qui effectue le suivi et fait rapport des dépenses et des résultats relatifs aux changements climatiques; et faire rapport à cet égard. Même si le Secrétariat du Conseil du Trésor a mené des initiatives dans ces secteurs, les organismes centraux n'ont pas encore déterminé qui sera, en dernier ressort, responsable de ces processus. Pour que chacun sache ce dont il sera responsable, les organismes centraux doivent participer à l'élaboration, à la mise en œuvre et au financement des mécanismes clés de coordination interministérielle.
     Dans mon rapport de 2006, j'ai recommandé à Environnement Canada, au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Bureau du Conseil privé de collaborer à l'élaboration des mécanismes de gouvernance et de reddition de comptes dont il a été question aujourd'hui. Le gouvernement a accepté cette recommandation, mais il n'a pas encore précisé la manière dont il comptait intégrer cette recommandation dans sa nouvelle stratégie de lutte contre les changements climatiques et il n'a pas communiqué de l'information au Parlement ni à la population canadienne à cet égard. Bref, pendant que le gouvernement s'emploie à établir la version définitive de sa stratégie de lutte contre les changements climatiques, il est aussi primordial et urgent qu'il s'efforce d'instaurer les mécanismes qui vont permettre la mise en œuvre efficace à la fois des programmes existants et des plans et politiques à venir dans ce domaine.
     Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Je serai heureuse de répondre à vos questions. Je vous remercie.
(0915)
    Je vous remercie beaucoup madame Gélinas.
     J'aimerais rappeler aux membres qu'un représentant du Conseil du Trésor, M. Raphael, est ici pour répondre à vos questions que vous pouvez bien sûr aussi poser à M. Manson, d'Environnement Canada.
     Nous allons continuer, c'est maintenant le tour de MM. Alvarez et Hyndman.
     Nous tenons à remercier le greffier de nous avoir accommodés pour ce qui est de l'horaire. Étant donné le sujet des délibérations du comité aujourd'hui, le fait que nous puissions nous joindre à vous par vidéoconférence est approprié, à mon avis.
     L'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) représente environ 150 entreprises et 98 p. 100 de la production ici au Canada, de la côte est jusqu'au nord. Je suis président de l'Association, et je suis accompagné aujourd'hui par Rick Hyndman, conseiller stratégique principal, qui est impliqué depuis le début dans le dossier sur les changements climatiques.
     Le projet de loi C-288 met en évidence le lien entre les mesures à court terme du Canada en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la cible qu'il doit atteindre en vertu du Protocole de Kyoto. Essentiellement, la cible établie pour le Canada aux termes de cette entente doit-elle guider notre démarche vers une première politique en matière de gaz à effet de serre? Nous croyons que non. Ce serait même une erreur de le faire, si nous tenons compte de ce que les autres pays et le Canada doivent mettre en place pour réaliser des réductions significatives des émissions de GES au cours de la prochaine moitié du siècle. Cette approche continuerait d'éloigner le pays de ses devoirs et le maintiendrait dans un débat visant à déterminer qui va payer pour les crédits étrangers.
     Dans la brève note que nous vous avons fait parvenir hier, nous avions dressé une liste de questions à cet égard, et j'aimerais en poser quelques-unes aujourd'hui.
    La première question est la suivante: que devrait faire le Canada face aux émissions de GES d'ici 2050? Ceux qui interviennent dans le débat des politiques à court terme en matière de GES connaissent à peu près tous maintenant l'approche des triangles de réduction des émissions, que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie envisage d'utiliser comme cadre d'action national. Le principe des triangles met l'accent sur la nécessité d'entreprendre des actions dans plusieurs domaines clés, notamment ceux qui permettent une stabilisation des émissions mondiales par le biais de réductions importantes dans les pays développés et un ralentissement de la croissance des émissions dans les pays industrialisés qui connaissent une forte augmentation de la demande énergétique. Ces domaines sont la conservation et de l'efficacité énergétiques sur l'ensemble de l'économie; le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone; à l'échelle du pays, la production d'électricité alimentée au charbon, l'exploitation et la valorisation des sables bitumineux et une partie de la production de substances chimiques; l'électricité et les carburants renouvelables; l'énergie atomique; les carburants de remplacement et la cogénération; et les puits forestiers et agricoles.
     La valeur des triangles des réductions pouvant être atteintes d'ici 2050 met l'accent sur l'évaluation des mesures et des politiques nécessaires à leur réalisation. Il est primordial d'établir dès maintenant des politiques, de prendre dès maintenant des actions, d'investir dès maintenant dans le développement technologique — mais nous devons reconnaître qu'il faudra attendre un certain temps avant de constater les résultats.
     Deuxième question: comment pouvons-nous enclencher le processus? Comme la commissaire vient de l'indiquer, nous devons déterminer, analyser et comparer les coûts en vue de décider des actions que nous allons mener. Nous devons prendre les décisions qui s'imposent pour parvenir aux résultats que nous visons et au moment où sommes prêts à le faire, et nous devons adopter une démarche initiale acceptable, à un coût abordable, nous mettre au travail, tirer profit de nos réussites et accroître nos efforts avec le temps en collaboration avec d'autres pays.
     Troisième question: quelles politiques devrions-nous établir en premier? D'abord, il est essentiel que le gouvernement fédéral et les provinces travaillent de manière concertée à l'élaboration des politiques et des programmes de réduction des émissions à l'échelle du pays. Certaines sont terminées, ou sur le point de l'être et d'autres ne seront pas finalisées avant un certain temps.
     Un domaine où des travaux considérables ont été menés et qui est mûr pour une prise de décision et une mise en application est le système de cibles d'intensité des GES pour les grands secteurs industriels énergivores. La conception de ce système au cours des quatre dernières années a été guidée par des principes qui revêtent une grande importance pas seulement pour nous et pour de nombreux autres secteurs. Ces principes incluent l'approche par intensité pour éviter de nuire à la croissance économique; un traitement équivalent d'un secteur à l'autre; des limites définies quant au coût de la conformité pour tenir compte de l'incertitude et de la concurrence; des ajustements lorsque l'intensité des GES augmente pour se conformer à de nouvelles réglementations environnementales; la mise en place progressive des cibles pour les nouvelles installations; la promotion de la R et D par le biais d'une mesure de conformité, telle qu'un fonds pour la technologie; et la mise en application efficace et uniforme à l'échelle fédérale-provinciale.
     Puisque des milliards de dollars ont été investis et engagés sur la base de ces principes, leur importance est indéniable pour l'industrie et les investisseurs. Nous espérons que le processus actuel de consultation qui vise à finaliser l'établissement des cibles d'intensité sera fructueux et que nous pourrons le mettre en œuvre au début 2007.
     Quatrième question: comment des cibles d'intensité bien conçues feraient progresser nos actions dans un ou plusieurs triangles? Les cibles exercent une pression continue sur les installations actuelles dans l'ensemble des grands secteurs énergivores de l'industrie pour qu'elles diminuent leurs émissions de gaz à effet de serre. L'option de conformité à un prix défini mise sur un investissement accru et une technologie de pointe, encore une fois par l'entremise d'un fonds pour la technologie, et des changements par étape peuvent être incorporés aux nouvelles installations à mesure qu'elles sont créées.
     De plus, il est nécessaire de mettre au point des stratégies complémentaires pour les principales technologies qui se traduiront par des améliorations importantes à moyen et à long terme. Prenons, à titre d'exemple, le PSC, le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone. Il est primordial que le gouvernement fédéral unisse ses efforts à ceux des gouvernements provinciaux engagés dans ce domaine et de l'industrie pour établir une stratégie et progresser dans la même direction.
     Cinquième question: est-ce que le fait de nous engager à atteindre la cible fixée aux termes du Protocole de Kyoto permettra au Canada de contribuer à l'effort international? La perspective des triangles en prévision de 2050 est axée sur les actions requises, tandis que les cibles de Kyoto incitent les pays à se concentrer sur l'attribution de cibles d'émissions quantitatives nationales à court terme. La cible établie pour le Canada nous contraint à répartir le fardeau de l'achat de crédits étrangers pour combler notre déficit par rapport aux objectifs de Kyoto.
     Pour utiliser une analogie, l'établissement des cibles de Kyoto, c'est comme découper une tarte en plusieurs pointes. En revanche, la perspective des triangles consiste à déterminer comment on fait la tarte. Les plus récentes projections des émissions mondiales par région de l'Agence d'information sur l'énergie des États-Unis indiquent qu'au total, les émissions des pays assujettis aux cibles de Kyoto seront inférieures à leurs niveaux de 1990 et se situeront près du total de leurs cibles. Toutefois, un des problèmes liés à l'approche de Kyoto est la répartition de ces cibles. Par exemple, la cible du Canada est de plus de 30 p. 100 inférieure aux tendances de ses émissions en 2010. Il serait inutile que le Canada dépense des milliards de dollars pour acheter des crédits en vue d'atteindre une cible artificielle quand nous avons besoin de ressources pour nous placer sur la bonne voie à long terme.
(0920)
    À la lumière des récents événements internationaux, nous sommes à même de constater que la structure de Kyoto n'a aucun avenir. On reconnaît de plus en plus à l'échelle mondiale qu'il est nécessaire de trouver des façons d'adopter des actions concertées qui porteront fruit avec le temps. Il serait futile d'entreprendre une nouvelle série de discussions sur le mode d'attribution des droits d'émissions dans le monde. Elles seraient vouées à l'échec. S'engager à mettre en place des politiques visant à permettre au Canada d'atteindre la cible établie en vertu du Protocole de Kyoto le ferait reculer cinq ans en arrière. Il faut se rappeler que le processus a été enclenché il y a déjà plusieurs années. Le Canada doit maintenant s'engager sur la bonne voie et passer à l'action.
     Cela met fin à mes commentaires, monsieur le président. Il me fera plaisir à répondre aux questions plus tard.
    Je vous remercie monsieur Alvarez.
     Nous allons passer à notre prochain témoin, Mme Donnelly.
    Je vous remercie de m'avoir invitée. Je vais essayer d'être brève.
     J'aimerais présenter au comité un point de vue différent de ceux exposés par les témoins précédents. J'ai pris connaissance avec intérêt des feuillets bleus et, pour une fois, j'ai décidé de ne pas aborder les sujets qui avaient été traités par d'autres avant moi.
     Je vais d'abord vous fournir des renseignements de base, GEMCo est un consortium à but non lucratif de grands émetteurs canadiens. En se joignant à GEMCo, les grands émetteurs participent au processus d'apprentissage sur l'échange de crédits d'émissions, la façon de gérer leurs inventaires et d'élaborer des stratégies d'affaires en prévision d'un avenir où le carbone sera soumis à des contraintes. GEMCo existe depuis 1995. Les entreprises canadiennes sont généralement membres de GEMCo pendant trois ou quatre ans, mais elles demeurent des concurrents. Disons qu'elles n'entretiennent pas nécessairement des relations amicales les unes avec les autres. Elles partagent les coûts d'apprentissage. Lorsqu'elles en savent suffisamment, elles n'entendent pas mettre en commun avec les autres entreprises la façon dont elles s'attaqueront au marché du carbone de manière concurrentielle.
     Depuis 1995, GEMCo et ses membres se sont ligués pour faire obstacle à l'émission spéculative de crédits de carbone et de crédits de gaz à effet de serre sur le marché du carbone. Notre activité commerciale est très réduite maintenant par rapport aux années antérieures. Mais à cause de notre activité passée, nous demeurons le plus grand acheteur de crédits de carbone du Canada et le troisième dans le monde.
     Cela étant dit, ces informations en disent plus sur le faible niveau d'activité du marché actuellement que sur l'étendue de l'influence de GEMCo sur le marché. Pour vous donner une idée de l'ensemble de notre activité sur le marché cette année, qui a été une année somme toute modeste, d'ici la fin de l'année, GEMCo et ses membres se seront fermement engagés par contrat à acquérir 350 000 tonnes de réductions futures de gaz à effet de serre d'exploitants canadiens de gaz d'enfouissement, et auront pris une option d'achat sur 350 000 tonnes additionnelles. Et c'est une année très calme pour nous en termes d'activité commerciale.
     Le but principal de notre activité commerciale n'est pas de nous approprier du marché, mais d'apprendre comment le marché devrait fonctionner, et fonctionnera, avant d'y être impliqué à tout jamais. Vous constaterez que nos recommandations et nos idées sont fondamentalement différentes de celles des autres. Je crois que cela est attribuable à notre expérience du marché.
     Il y a deux autres points dont j'aimerais parler. En 1998, nous avons mis en place le tout premier système mondial d'échange de crédits de séquestration biologique du secteur agricole. Avant cette réalisation, qui nous engageait à acheter 2,8 millions de tonnes de crédits de carbone de 137 agriculteurs, le Canada était opposé à l'idée de reconnaître les gains découlant de la séquestration du carbone par les sols. Par cette transaction unique, nous ne visions qu'à prouver que le gouvernement devait modifier sa position. En 2001, nous avons créé le tout premier échange de crédits de carbone découlant de la récupération assistée des hydrocarbures par injection de CO2. Le système n'est pas encore tout à fait finalisé. Nous avons acquis 700 000 tonnes en 2002, tandis que nous finançons un projet d'injection de CO2 dans l'enclave du Texas (Texas panhandle).
     À la lumière de nos expériences, il va de soi que la phrase-choc qui devrait clore mes observations est la suivante — mais je dois d'abord dire que mes opinions ne représentent pas nécessairement celles des membres de GEMCo ni celles de l'ensemble de l'industrie; j'ai déjà dit que notre groupe était diversifié — si le Parlement adopte le projet de loi C-288, vous enverrez ainsi un signal clair et net à l'industrie que vous ne savez toujours pas quelle direction prendre. Il est très raisonnable de prévoir que l'adoption du projet de loi C-288 bouleversera les activités de la fonction publique et des politiciens pendant une période de six mois qu'ils consacreront à la rédaction de rapports — d'un côté pourquoi, et de l'autre, pourquoi pas, vous pouvez atteindre les cibles de Kyoto. Ces six mois s'ajoutent à un calendrier face auquel nous accusons déjà du retard — d'au moins six mois.
     La question que j'aimerais que vous vous posiez est la suivante: qu'est-ce qui vous manque pour aller de l'avant. Nous revenons sur un vieux sujet.
     Nous vous avons remis un document bilingue de deux pages, qui contient les principaux messages que je veux vous transmettre. Je tiens à m'excuser auprès des lecteurs francophones. À la dernière minute, j'ai également décidé de présenter les notes d'allocution que j'avais rédigées pour moi-même, car j'ai jugé qu'elles contenaient des tableaux et des données qui pourraient vous intéresser.
(0925)
     En fin de compte, en lisant les notes d'allocution, vous verrez que, sur le marché international, avant de prendre en compte l'air chaud de la Russie, le Protocole de Kyoto créée un marché de quotas fortement surapprovisionné. À la fin 2004, l'approvisionnement mondial en quotas de gaz à effet de serre, établi en vertu du Protocole de Kyoto, dépassait de 1,7 milliard de tonnes la capacité physique maximale des pays visés par les quotas d'émissions.
     On peut arriver à ce chiffre d'une manière différente, en assumant que, pour joindre le marché international, le Canada doive acheter un milliard de tonnes pour respecter son engagement en vertu du Protocole de Kyoto, ensuite nous retirons les milliards de tonnes nécessaires du marché de Kyoto, il reste néanmoins 1,75 milliard d'unités de quotas excédentaires. De même, si le conseil des mécanismes pour un développement propre et d'application conjointe continue d'approuver des projets au rythme où il le fait actuellement, d'autres milliards de tonnes d'unités de quotas excédentaires s'ajouteront au marché.
     Pour arriver à utiliser complètement la limite de Kyoto, il faudrait que chaque pays dans le monde augmente ses émissions de gaz à effet de serre de 4,5 p. 100 par année à partir de maintenant. Autrement dit, il n'y a aucun plafond; il s'agit d'un faux marché, et nous ne comprenons pas pourquoi le Canada veut participer à ce marché.
     Le Protocole de Kyoto est une entente commerciale, ce n'est pas un accord à caractère environnemental. Le Protocole de Montréal est un bon exemple d'accord environnemental très efficace. J'ai été surprise d'entendre d'autres témoins avant moi dresser en fait un parallèle entre le Protocole de Montréal et le Protocole de Kyoto. Ces deux ententes ne peuvent pas être plus différentes. Si vous voulez savoir à quoi ressemble un traité international efficace sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre, il s'agit d'un accord qui s'apparente au Protocole de Montréal, mais en rien au Protocole de Kyoto.
     À mon avis, donc, le Parlement doit dès maintenant prendre un certain recul et déterminer quelle sera la prochaine étape. Nous avons deux possibilités. La première est de se joindre à nouveau au processus de Kyoto, en reconnaissant les implications sérieuses du Protocole comme entente commerciale, traité commercial — une tentative historique sans précédent de créer un nouveau régime de quotas à l'échelle mondiale qui modifie fondamentalement la façon dont nos économies nationales fonctionnent. La deuxième possibilité consiste se retirer du Protocole de Kyoto et à devenir le pays qui prend une distance de la scène internationale et qui explique au monde entier ce qu'est un Protocole de Montréal pour les gaz à effet de serre.
     Lors des audiences précédentes, j'ai entendu un membre du Parlement demander à au moins deux reprises pourquoi le Canada pensait qu'il pouvait exercer une quelconque influence en ce sens, puisque nous pesons si peu dans la balance. Écoutez-moi bien: si le Canada se retire du faux marché de Kyoto, celui-ci s'effondrera. Le marché est actuellement surapprovisionné. Il n'y a que trois acheteurs, si vous considérez l'Union européenne comme un bloc. Tous les pays connaissent des conditions de surapprovisionnement, à l'exception du Japon, de la Nouvelle-Zélande et du Canada. Nous nous retirons et nous donnons le ton à la suite des choses. Nous devons saisir cette occasion.
     Dans mes notes d'allocation, j'indique que, si nous décidons, à l'échelle nationale, de nous retirer du Protocole de Kyoto, la première chose à faire est de prendre le temps d'élaborer sérieusement pour le Canada un bilan axé sur la réduction des gaz à effet de serre qui fasse consensus et qui s'appliquerait à la période de 2008 à 2050 — et non de 2008 à 2012, ou à l'année 2050, mais de 2008 à 2050, ce qui représenterait à mes yeux, j'en conviens, l'intention de l'avis déposé récemment en vue d'une réglementation. Je comprends que d'autres ne voit pas cette intention dans l'avis en question.
     Dans mon document, vous verrez que j'essaie de vous encourager à penser que nous pouvons enclencher un processus ici au Canada, par lequel nous convenons d'un bilan. Nous n'envisageons pas un bilan de 500 millions de tonnes ou de 700 millions de tonnes par année. Il s'agit d'un droit de rejet canadien de 19 milliards de tonnes dans l'environnement de 2008 à 2050, ou 23 milliards de tonnes, ou 26 milliards de tonnes. C'est un bilan pour une longue période.
     C'est moins contraignant de voir les choses de cette façon, parce que vous prenez le recul nécessaire pour établir un bilan qui vise une longue période, et cela vous permet d'établir un ensemble complet de cibles et d'échéanciers qui ne dépassent pas la période du bilan. Vous pouvez également chiffrer les coûts, parce que les 23 milliards de tonnes entre 2008 et 2050 auront le même impact sur la haute atmosphère, peu importe que les émissions soient émises au début ou à la fin de la période, en autant qu'elles soient émises à l'intérieur de cette période. Puisque chaque fois que vous rejetez du CO2 dans l'atmosphère, il y reste pendant 150 ans. Le moment d'émission ne fait pas une différence significative.
(0930)
     Alors, la question qu'il faut se poser est la suivante: quel est le bilan des émissions de notre entreprise à long terme? Puis, en tenant compte de ce bilan, de notre économie et des secteurs, nous suivons maintenant à la lettre le conseil de Pierre, en déterminant quel est l'ensemble de cibles et les échéanciers les plus efficaces, en commençant par l'entreprise, les cibles contraignantes en 2015 au plus tard et en diminuant tous les cinq ans jusqu'en 2050? Comment allons-nous arriver à ce bilan?
     J'aimerais revenir en arrière, et je m'arrêterai là, mais une personne m'a demandé de vous dire ce que je pensais qu'il en coûterait de maintenir nos engagements aux termes du Protocole de Kyoto. À mon avis, nous pouvons respecter les engagements auxquels nous avons souscrit, et pour en estimer les coûts, présumons que le Canada adopte un bilan très strict de 2008 à 2050. Disons que nous convenons d'un bilan linéaire à partir de 2008 — les niveaux d'émissions actuels sont réduits de 80 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 en 2050. Cela équivaut à un bilan pour le Canada de plus de 19 milliards de tonnes au cours de cette période. J'ai modélisé un scénario canadien au coût le plus bas dans le cadre de ce bilan et, ensuite, j'ai modélisé ce qu'il en coûterait d'adopter ce bilan et d'atteindre les cibles de Kyoto dans les échéanciers prévus.
     Je dirais donc que la différence entre les deux coûts est le coût de l'obligation de la conformité, le Protocole de Kyoto. Selon mes estimations, ce coût s'élève au minimum à 26 milliards de dollars, et peut atteindre 38 milliards de dollars. L'écart ne vous procure qu'une perception d'un gain en réputation.
     Notre réputation est en lambeaux, car nous n'avons pas reconnu que le Protocole de Kyoto était une entente commerciale et non un accord environnemental. Nous pouvons rétablir notre réputation en ralliant le monde autour d'une approche de réduction des gaz à effet de serre qui s'apparente au Protocole de Montréal.
(0935)
    Je vous remercie, madame Donnelly.
    Monsieur Guilbeault.

[Français]

    D'abord, merci de m'accueillir. J'offre toutes mes excuses aux interprètes. La décision quant à ma venue ici s'est faite de façon tardive, et je n'ai donc pas pu préparer de notes écrites pour les interprètes. J'essayerai de ne pas parler trop rapidement.
    Je voudrais faire quatre observations. D'abord, sur le plan international — je sais que vous en avez discuté la semaine dernière —, j'ai eu le privilège, depuis une dizaine d'années, de suivre les négociations internationales sur les changements climatiques. J'étais à la première Conférence des Parties, à Berlin, en 1995. J'étais à Kyoto également. J'ai participé à plus d'une douzaine de ces conférences au cours de la dernière décennie.
    J'étais également à Nairobi. Les répercussions du revirement du gouvernement canadien en ce qui touche nos engagements quant au Protocole de Kyoto sont très importantes sur la scène internationale. Par exemple, depuis le mois de mai, la position canadienne a été critiquée publiquement par plusieurs personnes sur la scène internationale: par le commissaire à l'environnement de l'Union européenne, M. Dimas; par le ministre de l'Environnement de l'Allemagne, M. Sigmar Gabriel; par le président français, Jacques Chirac, et par la ministre française de l'Environnement, Mme Olin, durant la conférence de Nairobi.
    Le titre d'un éditorial du journal Le Devoir, au lendemain de l'allocution de Mme Ambrose, durant la réunion plénière des Nations Unies, se lisait comme suit: « Ambrose fait honte ». Le Devoir publiait également une chronique, ce même jour, sous la plume de Michel David, un chroniqueur politique du Québec, qui déclarait que, de toute évidence, Mme Ambrose ment comme elle respire.
    Ce qui ressort de façon de plus en plus évidente, c'est que les délégués de pays étrangers qui viennent nous voir ne comprennent plus. En fait, M. Dimas, le commissaire européen à l'Environnement, l'a bien résumé dans une de ses interventions, lorsqu'il a dit qu'il ne comprenait pas la position canadienne au sujet du Protocole de Kyoto et qu'il faudrait qu'on la lui explique. Les gens viennent nous voir et nous demandent où est passé le Canada qui a mené la bataille au sujet de la couche d'ozone et qui a signé le Protocole de Montréal dont Mme Donnelly parlait tout à l'heure. Ils demandent où est le Canada qui a mené la charge sur les mines antipersonnel, et où est le Canada qui, à toutes fins pratiques, a créé le concept des Casques bleus.
    Notre réputation internationale souffre énormément de ce revirement de position. Je suis tout à fait en désaccord avec M. Alvarez, qui dit que les événements récents démontrent que le Protocole de Kyoto n'a pas d'avenir. À moins que je ne me trompe, il y a 168 pays qui se sont entendus, encore une fois, à Nairobi pour continuer à faire avancer les négociations internationales sur les changements climatiques. Ces 168 pays ont ratifié le Protocole de Kyoto. Est-ce complexe de négocier une entente internationale avec presque 170 pays autour d'une table? Bien sûr, et nous le faisons depuis plus d'une décennie.
    D'ailleurs, de tous les pays qui ont des engagements envers Kyoto, des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, donc de tous les pays de l'annexe I, le seul qui ait tourné le dos au Protocole de Kyoto est le Canada. Pourtant, j'ai entendu, que ce soit à Bonn ou à Nairobi, l'ambassadeur japonais, par exemple, M. Nishimura, qui disait qu'il serait très difficile pour le Japon d'atteindre ses objectifs de Kyoto, mais qu'il demeurait engagé à le faire. J'ai entendu des représentants norvégiens — comme le Canada, la Norvège est un grand exportateur d'énergie — qui disaient qu'il leur serait très difficile d'atteindre leurs objectifs de Kyoto, mais qu'ils demeuraient engagés à le faire également.
    Or, pour nous, le projet de loi C-288 est très important puisqu'il ramène le Canada sur la voie du Protocole de Kyoto et, bien entendu, sur la voie de l'avenir, puisque Kyoto n'est que le début de la solution. Je pense que le rapport du Britannique Nicholas Stern a bien situé le débat sur la question des coûts. M. Stern nous a essentiellement dit que nous pouvions faire preuve de leadership et investir maintenant afin de lutter contre les changements climatiques, ou que nous pouvions jouer à l'autruche et payer très cher, plus tard, le coût de notre inaction ou de nos inactions. Je pense que cette étude de M. Stern résume assez bien en termes économiques et en termes d'impact économique la décision que nous devons prendre.
    Sur la question plus précise de l'engagement provincial, j'ai été absolument stupéfait d'entendre la ministre de l'Environnement déclarer que le gouvernement fédéral n'appuierait pas le plan québécois sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, parce que ce plan reposait sur le volontariat. J'imagine qu'elle n'a pas lu le même plan d'action sur les changements climatiques que moi. En fait, le plan québécois que j'ai lu prévoit, avec le projet de loi 52 qui a été déposé à l'Assemblée nationale il y a trois semaines, la mise sur pied d'une redevance sur les hydrocarbures de 200 millions de dollars par année qui va servir à financer des projets de transport en commun et des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
(0940)
    Curieusement, cela contraste beaucoup avec ce qu'on entend ce matin, notamment de nos collègues des pétrolières, puisque le président et chef de la direction d'Ultramar a publiquement appuyé le plan québécois sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, plan qui impose à sa propre industrie une redevance partielle de 200 millions de dollars. De toute évidence, cette redevance n'a rien de volontaire. Certaines lois seront modifiées afin de permettre la mise en place de ce règlement.
    D'ici 2008, on va modifier le Code du bâtiment du Québec pour améliorer l'efficacité énergétique des nouvelles constructions au Québec. Ce n'est pas du tout du volontariat. On va également, d'ici 2010, imposer de nouvelles normes d'émission pour les véhicules légers en s'inspirant des normes de la Californie. Encore une fois, il n'y a là rien de volontaire.
    L'élément qui repose sur le volontariat dans le plan québécois porte, bien entendu, sur les grands émetteurs. Or, au Québec — ce qui n'est pas le cas de toutes les provinces canadiennes —, le problème de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre n'est pas attribuable au secteur des grands émetteurs, mais au secteur des transports, ce à quoi le plan québécois s'attaque de façon spécifique par des projets de financement de nouvelles infrastructures ou d'amélioration du service existant.
    D'ailleurs, l'examen des inventaires au Québec révèle que le secteur des grands émetteurs québécois a réduit les émissions de gaz à effet de serre de 7 p. 100 sous les niveaux de 1990. Ce sont des données de 2003, car on n'a pas encore les données de 2004 pour le Québec. De toute évidence, ce n'est pas le secteur auquel le plan québécois doit s'attaquer.
     Le Québec est la seule province à avoir mis en place un plan d'action qui, même s'il n'atteint pas tout à fait les objectifs de Kyoto, s'en rapproche beaucoup. Grâce à ce plan, le Québec passera d'environ +8 à -1 p. 100, et le gouvernement québécois demande l'aide d'Ottawa afin de combler la différence entre le -1 et le -6 p. 100 du Protocole de Kyoto.
    Quel genre de message envoie-t-on à cette province quand on lui dit que son plan d'action ne répond pas aux critères et qu'on ne l'aidera pas financièrement à atteindre ses objectifs en vertu du Protocole de Kyoto? D'ailleurs, on ne connaît même pas les critères du gouvernement à cet égard.
    Du point de vue des relations fédérales-provinciales, si l'objectif est de créer des partenariats — on a parlé plus tôt de l'importance de travailler avec les provinces —, je trouve qu'on s'y prend d'une façon très drôle pour encourager les provinces et territoires, voire les municipalités, à mettre en oeuvre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    J'aimerais aborder la question des échanges d'émissions, du marché du carbone et des mécanismes de flexibilité. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui affirment que le Protocole de Kyoto n'est pas une entente à caractère environnemental.
     Il est très ironique d'entendre plusieurs organismes dénoncer actuellement les mécanismes de marché contenus dans le Protocole de Kyoto, alors que ce sont ces organismes qui en ont fait la promotion à l'époque du débat sur l'élaboration du Protocole de Kyoto. Ceux qui suivent le débat depuis un certain temps se rappelleront que la discussion portait sur deux avenues possibles: l'adoption de mesures conjointes par l'ensemble des pays de l'annexe I pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, ou la création de mécanismes de marché.
     Les pays européens, notamment, faisaient la promotion de ce qu'on appelait les mesures conjointes. Ils proposaient l'imposition d'une taxe sur le carbone, qui serait la même pour tous les pays. Plusieurs organismes venus témoigner devant ce comité à l'époque ont dit qu'il ne fallait pas imposer une taxe, mais plutôt se diriger vers des mécanismes de marché. À l'heure actuelle, ces mêmes organismes disent que les mécanismes de marché ne fonctionnent pas et qu'on devrait les laisser tomber. Tout cela illustre une certaine ironie historique.
    Je ne suis pas un scientifique; je suis issu des sciences sociales. Cependant, les scientifiques à qui j'ai parlé disent qu'il est faux de prétendre que le moment où on réduira les émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années, voire les prochaines décennies, n'a aucune importance. D'ailleurs, le quatrième rapport du GIEC qui sera présenté l'an prochain contiendra probablement beaucoup d'information sur ce sujet. C'est également ce que dit le rapport Stern et ce que diront plusieurs autres rapports qui seront publiés au cours des prochains mois et des prochaines années.
(0945)
    Plus nous attendrons, plus nous compromettrons notre capacité d'agir sur le système climatique global, simplement parce qu'aujourd'hui, on ne connaît pas encore très bien la sensibilité du climat aux augmentations de température.
    Je m'explique. Si le climat n'est sensible qu'aux fortes augmentations de température, la température peut augmenter et il n'y aura pas de problème pour le système climatique global. Il est capable d'en prendre.
    À l'opposé, si le système climatique est très sensible à de petites variations de température, plus on attend avant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, plus les impacts sur le système climatique global seront importants.
    Il est tout à fait faux de prétendre — aucune base scientifique n'existe à cet égard — que le moment dans le temps où on réduit les émissions de gaz à effet de serre n'a aucune influence. Je n'ai lu aucune étude qui soutenait ce genre de commentaire.
    De concert avec le ministre de l'Environnement du Québec, M. Claude Béchard, des représentants du milieu financier comme Desjardins, le Fonds d'investissement en développement durable, les syndicats québécois, des groupes écologistes et des représentants d'industries, j'ai eu récemment l'occasion de lancer une coalition en faveur du Protocole de Kyoto pour tenter de forcer la main du gouvernement fédéral.
    Lors du lancement de cette coalition, le vice-président de Cascades, une compagnie de pâtes et papiers bien connue au Canada, est venu dire à quel point c'était important pour sa compagnie de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il disait que cette année, sa compagnie allait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 3 ou 4 p. 100 dans ses propres opérations et que cela représenterait une économie de 12 millions de dollars sur sa facture d'énergie. Il ajoutait qu'en ce moment, dans le secteur des pâtes et papiers, on avait vraiment besoin de ces millions de dollars.

[Traduction]

    Je vous demanderais de conclure.

[Français]

    Je terminais avec cet exemple, monsieur le président. Merci.

[Traduction]

    Monsieur Guilbeault, je suis originaire de l'Alberta, et je sais qu'un plan de lutte contre les changements climatiques est en place dans la province depuis environ trois ou quatre ans. Je tenais à apporter cette précision, parce que vous avez mentionné que seule la province de Québec avait adopté un tel plan.

[Français]

    Je parlais du plan le plus ambitieux. Ce n'était peut-être pas clair.

[Traduction]

    Le Québec a adopté le plan de réduction des gaz à effet de serre le plus ambitieux.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Godfrey, s'il vous plaît.
    Je remercie tous ceux qui sont venus témoigner.
     La matinée a certainement été riche en présentations et en contradictions, et je crois que nous allons examiner de plus près ces contradictions ce matin.
    J'ai hâte d'entendre M. Guilbeault réagir de manière plus détaillée aux propos de messieurs Donnelly et Alvarez, mais j'aimerais commencer par madame la commissaire.
     Votre présentation m'a beaucoup intéressé. En fait, je crois que nous avions eu cette conversation lorsque vous avez publié votre rapport pour 2006 sur les changements climatiques.
     Si vous me permettez, j'aimerais revenir au projet de loi C-288, le principal objectif est en fait d'accroître la reddition de comptes et, dans l'esprit de vos suggestions, de tenter de mieux définir les rôles, les responsabilités et les pouvoirs pour comprendre le rendement des politiques et des programmes, effectuer un suivi des objectifs élargis et en faire rapport. Les termes sont choisis en fonction de nos obligations en vertu du Protocole de Kyoto.
     Je sais que le vérificateur général avait certaines réticences quant au rôle qui a été proposé pour votre bureau dans le cadre de la loi. Je crois que nous allons en tenir compte dans nos amendements, ce qui indiquera que certaines tâches qui allaient vous incomber, comme nous le pensions au début, seraient plutôt confiées à la Table nationale sur l'économie et l'environnement et, j'espère, que cela permettra de répondre aux objections.
     J'aimerais commencer par le projet de loi, qui reconnaît que le Canada est signataire du Protocole de Kyoto et qu'il a toujours fait de son mieux pour respecter ses engagements. Nous avons besoin d'un plan et il est essentiel que nous comprenions ce que nous devons faire pour chaque élément en termes de réductions des gaz à effet de serre et que nous sachions quels progrès nous accomplissons chaque année.
     Le projet de loi va-t-il dans une direction qui permet de répondre à certaines des suggestions que vous avez faites dans votre rapport et dans vos remarques aujourd'hui?
(0950)
    Comme vous le savez, je ne commente pas ce type de documents. Mais, bien sûr, à la lecture du projet de loi, j'en conviens, il favorise le renforcement de la gouvernance et de la reddition de comptes.
     J'ajouterai, cependant, que peu importe la nouvelle législation, que ce soit la LCPE ou une autre, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas un système de gouvernance efficace au sein du gouvernement fédéral, vous ne saurez jamais et les Canadiens ne sauront jamais vraiment ce qui se passe. Nous devons améliorer ce point en même temps que les parlementaires tentent de trouver la meilleure façon ou les meilleurs outils de respecter nos engagements en vertu du Protocole de Kyoto. Ces deux démarches peuvent être menées en parallèle.
    C'est précisément ce que nous comprenons du rôle approprié de chacun ici. C'est le rôle du pouvoir exécutif, du gouvernement, de répondre à ces questions liées à la gouvernance que vous soulevez, en ce sens qu'il lui incombe de coordonner les responsabilités des ministères et de s'assurer que ceux-ci savent ce qu'ils ont à faire. C'est notre rôle en tant que parlementaires, de travailler avec vous, de contribuer au suivi des activités de l'appareil gouvernemental. Je crois que je vous cite correctement quand vous dites dans votre rapport, que, si la cible vous pose un problème, dites-moi quelle est votre nouvelle cible, car il ne faut pas abandonner l'idée des cibles. Cela s'appliquerait, je suppose autant à court terme qu'à long terme.
    J'aimerais maintenant donner la parole à M. Guilbeault.
    J'aimerais connaître vos réactions, d'abord, à la présentation de M. Alvarez sur ses suggestions quant aux prochaines étapes. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Oui, avec plaisir. Je crois qu'il est important dans la vie de reconnaître ses propres limites. Par conséquent, en ce qui concerne certaines questions en particulier, par exemple, l'échange de droits d'émission, je laisserais la parole — comme cela a été accepté je crois — à mon collègue Matthew Bramley, de l'Institut Pembina.
     Bien sûr, le Canada n'est pas arrivé à Kyoto aussi bien préparé qu'un certain nombre d'autres pays. Par exemple, quand les représentants du Canada sont arrivés dans les salles de réunion à Kyoto en 1997, l'Union européenne avait déjà une très bonne connaissance de la façon dont le système d'allocations entre les pays membres allait fonctionner. Tous les détails n'étaient pas finalisés. Par exemple, à ce moment-là, les pays de l'Union européenne ne penchaient pas nécessairement en faveur d'un système d'échange de droits d'émissions, mais ils ont fini par changer d'idée.
    Certes, nous n'étions pas aussi préparés que nous aurions dû l'être, mais cela ne signifie pas que nous devrions abandonner — Je crois qu'il est vraiment facile pour certaines personnes au Canada d'affirmer que les cibles du Protocole de Kyoto sont inatteignables, quand nous n'avons même rien fait pour les atteindre. En 2005, nous avions présenté un plan. Dans son rapport, Mme Gélinas affirme que le plan comportait certaines forces et certaines faiblesses. J'ai entendu des ministres et des représentants du gouvernement dire que Mme Gélinas déclarait dans son rapport que le Protocole de Kyoto était irréalisable. Ce n'est pas ce que j'y ai lu, mais peut-être qu'elle aimerait clarifier ce point.
     À mon avis, donc, ce n'est pas une bonne idée que le gouvernement abolisse un certain nombre de programmes qui nous permettraient, si ce n'est d'atteindre nos cibles de Kyoto, du moins de s'y approcher. Nous devons essayer. Nous avons pris un engagement international, un engagement légalement contraignant, je devrais dire, en vue d'atteindre nos cibles de Kyoto. Nous devons vraiment mettre le projet de loi C-288 sur les rails.
    Pour des raisons de clarté, j'aimerais redonner la parole à Mme Gélinas.
     Est-ce exact que vous avez déclaré que les objectifs de Kyoto étaient inatteignables?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai affirmé qu'au rythme où vont les choses et compte tenu de ce qui était en place au moment où nous avons effectué une évaluation des programmes du gouvernement fédéral, j'avais certaines réserves quant à la capacité du gouvernement d'atteindre la cible de Kyoto, mais en faisant preuve de leadership et en s'attaquant de manière rapide et urgente à certains éléments clés, cela demeurait encore possible. Nous n'en savons rien, le verdict n'est pas encore tombé.
(0955)
    Merci beaucoup.
    J'aimerais m'adresser maintenant à M. Alvarez.
    Voici une question que les Canadiens voudraient vous poser, monsieur Alvarez. Vous représentez une industrie qui connaît des hausses de prix record et dans laquelle, je crois, nous reconnaissons de plus en plus que s'il y a des coûts liés aux affaires — la notion de pollueur payeur — en particulier à une époque où les prix sont élevés, ceux-ci devraient être absorbés par l'industrie et devraient faire partie d'un système réglementaire d'émissions finales. Pourquoi une entreprise comme Shell peut faire ce genre d'affirmation par exemple: « Bien, je ne crois pas que nous puissions nous engager dans la voie de la séquestration à moins d'avoir de l'aide », alors qu'elle engrange des profits records? Je pense que la plupart des gens diraient tout simplement que c'est injuste, si vous faites autant de profits, vous êtes capables d'assumer les coûts liés à la pollution de l'atmosphère.
    Merci beaucoup, monsieur Godfrey.
    Permettez-moi de répondre à la question de deux façons. Comme vous le savez bien, sous le gouvernement de M. Chrétien, un plan comprenant des cibles pour l'industrie gazière et pétrolière avait été établi, et nous avions déclaré que nous étions prêts à y participer. Lorsque M. Martin était au pouvoir, M. Dion, alors ministre de l'Environnement, avait élaboré un plan qui comprenait des cibles pour les grands émetteurs finaux. Nous avions également indiqué que nous étions disposés à aller de l'avant avec ce plan. Nous avons clairement exprimé notre volonté d'y participer, puis nous avons attendu, et c'est ce que j'ai dit dans ma présentation: dites-nous quelles sont les règles à suivre dans le cadre de certains paramètres; nous sommes disposés à aller de l'avant.
    J'ajouterais que notre engagement va plus loin même, notamment dans le choix de nos investissements. Le plus vaste projet de biodiesel au Canada est sur le point de voir le jour dans les environs de Red Deer, et l'entreprise qui le parraine est Pioneer, qui est le plus grand raffineur. Les entreprises les plus importantes d'énergie éolienne sont TransAlta et Enbridge. BP est le premier utilisateur d'énergie solaire au pays, et les principales entreprises qui parrainent des projets de piégeage et de stockage de CO2 sont des sociétés gazières et pétrolières. Enfin, Suncor est le producteur numéro un d'éthanol au Canada. Ces entreprises réinvestissent leurs revenus dans des projets concrets.
    Ce que nous disons donc, monsieur Godfrey, c'est que nous ne sommes par d'accord avec l'architecture du Protocole de Kyoto, mais cela ne nous empêche pas ni ne nous a empêché de dire que nous étions disposés à aller de l'avant sur la base d'un ensemble de règles, une fois que le gouvernement les aura élaborées.
    Je n'ai qu'une question. Quelle est la somme d'argent que votre industrie est prête à investir dans l'exploitation des sables bitumineux par rapport à l'exploitation des énergies éolienne et solaire et du biodiesel? Quelle serait la portion de ces investissements? De quelles sommes d'argent parle-t-on ici?
    Je n'ai pas les chiffres.
    Laissez-moi vous donner un exemple. Le prochain projet de biodiesel qui sera mis en œuvre dans les environs de Red Deer coûtera près de 500 millions de dollars. Tous les projets axés sur l'éthanol s'élèvent à plusieurs centaines de millions de dollars, tout comme les projets d'éoliennes. Et je ne parle que des projets actuels. Cela n'inclut pas les coûts liés à la conformité dans le cadre du programme visant les grands émetteurs finaux, ni la R et D. Je peux vous obtenir les chiffres exacts monsieur Godfrey, s'ils peuvent vous être utiles.
    Veuillez les faire parvenir au greffier, s'il vous plaît, monsieur Alvarez.
    Quelles sommes d'argent seront investies, quelle sera la valeur relative de l'argent qui sera dépensé dans l'ensemble pour l'exploitation des sables bitumineux au cours des prochaines années?
    Monsieur le président, cette année l'industrie investira grosso modo 40 milliards de dollars en capital, à l'échelle du pays, dont environ le quart de cette somme sera consacrée à l'exploitation des sables bitumineux sur une base annuelle.
    Madame Donnelly, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose.
     Je voulais seulement raconter une anecdote, à propos de la structure du Protocole de Kyoto. D'après ses états financiers, au cours des cinq dernières années, British Petroleum aurait consacré 50,48 $ à l'accroissement de la capacité de production de pétrole dans le monde, pour chaque dollar qu'elle a investi dans d'autres sources d'énergie de remplacement et renouvelables et dans la capacité de production du gaz naturel. Toutefois, dans le cadre du Protocole de Kyoto, selon les règles édictées, British Petroleum disposerait d'un coffre plein de quotas. Chaque entreprise de production gazière et pétrolière du Canada dépense en proportion plus d'argent, et vous serez à même de le constater quand Rick nous aura fourni les chiffres exacts. Chaque entreprise d'exploitation des sables bitumineux du Canada dépense en proportion plus de nouveaux capitaux sur les énergies de remplacement et renouvelables que BP ne le fait. Aux termes du Protocole de Kyoto, chaque producteur canadien se situe bien loin derrière les autres au départ.
     Si le Protocole de Kyoto était pleinement en vigueur et en application à l'heure actuelle, Petrogas ne demanderait pas à Petro-Canada de lui accorder une participation équitable dans l'usine canadienne de GNL, qui ne serait construite qu'à la condition que Petrogas ou BP daigne venir au Canada les poches remplies de quotas gratuits. Les données financières des entreprises canadiennes sont impressionnantes. Les politiciens doivent comprendre la situation.
(1000)
    Nous allons maintenant entendre M. Bigras, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous les témoins. Vous avez peut-être tous des visions différentes de ce dossier, mais j'espère qu'elles convergent toutes vers la même préoccupation, c'est-à-dire la lutte contre les changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
    Monsieur Guilbeault, il y a quelques minutes, vous avez indiqué avec justesse que le niveau de préparation de l'Union européenne à Kyoto, en 1997, était plus élevé, plus organisé que celui du Canada.
    J'aimerais qu'on évalue les possibilités au point de vue de la préparation et de l'approche qu'on a utilisée en 1997, cette approche territoriale qui fait en sorte qu'on fixe des objectifs de réduction par territoire, et tout ce mécanisme assorti d'un système d'échange de crédits d'émissions.
    Selon vous, si le gouvernement fédéral se donnait les moyens, par réglementation, de limiter les émissions de gaz à effet de serre par province, tout en permettant aux provinces de mettre en place les mesures de leur choix pour atteindre leur objectif de réduction de gaz à effet de serre, et que ce mécanisme était assorti d'un système d'échange de crédits d'émissions sur le territoire canadien, serait-ce une option valable pour la lutte contre les changements climatiques dans une perspective de souplesse?
    Je pense que ç'aurait pu l'être en 1997, ou peu après l'adoption du Protocole de Kyoto, mais cela deviendrait difficile en 2006.
    Cela étant dit, je pense que le gouvernement fédéral pourrait très bien mettre en place une espèce de système hybride pour que les provinces qui le veulent puissent fonctionner sur une base territoriale. De toute évidence, une province comme le Québec serait intéressée — il y en a peut-être d'autres — par ce genre de système.
    Si on imposait un plafond d'émissions territoriales aujourd'hui, je ne suis pas certain que cela passerait très bien la barre en Alberta, sur le plan politique. Pendant les 10 années que nous avons perdues, nous n'avons pas regardé de ce côté. Peut-être que cela aurait été difficile même en 1997 ou 1998, mais on n'a pas vraiment fait cet exercice. J'imagine qu'on ne le saura jamais. Pour certaines provinces, c'est certainement une possibilité. Quelques-unes d'entre elles ont exprimé haut et fort leur volonté de procéder de la sorte.
    Merci beaucoup, monsieur Guilbeault.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Manson et concerne la présentation et le rapport de Mme Gélinas.
    Mme Gélinas nous a parlé de laxisme en ce qui a trait aux rapports sur les dépenses, à l'évaluation relative aux changements climatiques, aux mesures, à la reddition de comptes et aux mécanismes de gouvernance, donc d'un certain nombre de faiblesses.
     Quand le gouvernement va-t-il clarifier ses responsabilités dans le cadre de l'ensemble des processus visant à mieux évaluer les programmes et les politiques de lutte contre les changements climatiques au Canada?

[Traduction]

    Monsieur le président, je vais demander à mon collègue du Conseil du Trésor de répondre aussi à cette question, car certaines des remarques formulées par Mme Gélinas dans sa présentation s’adressaient davantage au Conseil du Trésor qu’à Environnement Canada.
    Le gouvernement élabore actuellement son plan en matière de changements climatiques et d’air pur. Un avis d’intention de réglementer a été émis il y a quelques semaines. Je répondrai au député que nous prendrons en considération la plupart des recommandations formulées par Mme Gélinas dans son rapport et que nous y répondrons à mesure que les décisions seront prises. Une fois que les grandes lignes du plan auront été exposées, je suppose qu’une décision sera prise quant à la date de la présentation d’un rapport au Parlement et aux Canadiens sur les progrès réalisés selon ce plan. Je pense qu’il serait présomptueux de ma part de proposer une date aujourd’hui. Nous devons attendre que le plan soit établi.
     Mon collègue aimerait peut-être ajouter quelques commentaires.
(1005)
    Il est clair que le dossier des changements climatiques est une question horizontale. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est entièrement d’accord avec le rapport présenté par Mme Gélinas et nous avons participé à l’élaboration de ce rapport avec Mme Gélinas au cours de la dernière année.
    J’aimerais aussi dire que le dossier des changements climatiques n’est pas le seul dossier horizontal dont nous nous occupons au secrétariat, en tant qu’organisme central.
     La vérificatrice générale a présenté un rapport l’an dernier, et l’un des chapitres portait surtout sur les dossiers horizontaux. Le secrétariat utilise cette information ainsi que l’information fournie dans le rapport de Mme Gélinas pour formuler une approche plus ferme en matière de gestion des dossiers horizontaux au gouvernement. Par exemple, en ce qui a trait aux questions soulevées par Mme Gélinas, il est clair que des mesures nouvelles et différentes en matière de gestion horizontale et de gouvernance seront requises à cet égard et peut-être à l’égard d’autres dossiers horizontaux, mais ces mesures de gouvernance doivent tenir compte des obligations redditionnelles des ministères et des hauts fonctionnaires et ministres au sein des ministères.
     Nous participons actuellement, cette année, à l’élaboration de mesures avec Environnement Canada et d’autres dans le dossier des changements climatiques, comme il en a été question, dans le but de respecter les rôles et les responsabilités des ministères et d’accroître la reddition de comptes. L’objectif est aussi de mettre l’accent sur les résultats et de vérifier, après l’approbation de programmes comme ceux sur la lutte contre les changements climatiques qui seront présentés au comité, que l’accent est mis sur le cycle continu et sur les résultats dans le cadre de ce cycle, de même que sur la reddition de comptes.
     Nous avons procédé à un examen l’an dernier au secrétariat, comme Mme Gélinas l’a mentionné. Il s’agissait de l’examen du budget 2005 des programmes existants de lutte contre les changements climatiques. Le secrétariat a procédé à la première phase de cet examen, qui consistait à étudier le rendement de plus de 106 programmes de lutte contre les changements climatiques. Les autres phases de l’examen, comme l’a fait remarquer Mme Gélinas, ont été menées par d’autres organismes centraux, mais pour ce qui est de l’examen du rendement —

[Français]

    Je comprends, monsieur Raphael. Vous pourriez sans doute en parler pendant 10 minutes. Je vois que vous avez accepté le rapport de Mme Gélinas et que vous vous êtes engagés à y répondre favorablement. Quand allez-vous clarifier les rôles de chacun et qui en aura la responsabilité? Je sais que vous avez fait une évaluation des programmes, et on a tous lu votre évaluation, mais avez-vous un plan de travail qui nous permettra un jour de savoir qui aura la responsabilité d'évaluer les processus?

[Traduction]

    Monsieur Bigras, Mme Gélinas voudrait ajouter quelque chose. Ensuite nous retournerons à M. Raphael.

[Français]

    Monsieur le président, il faut faire une distinction entre deux choses ici. On parle souvent d'un plan d'action sur les changements climatiques que le gouvernement est à élaborer, mais il y a aussi ce qu'on appelle la machinerie du gouvernement, qui n'a rien à voir avec un plan. Le fait de connaître exactement quel système sera mis en place pour rendre des comptes sur les progrès et les coûts n'a rien à voir avec un plan.
    M. Bigras soulève ce que nous avons soulevé: quels sont les résultats? Il ne faut pas se tromper. Mon rapport a été déposé à la fin du mois de septembre, mais les gens des ministères étaient au courant des recommandations bien avant cela. Ils auraient donc pu commencer à travailler sur ces aspects.
    M. Bigras a soulevé la question de la gouvernance. Il s'agit d'un aspect que le Conseil du Trésor a laissé en plan depuis plusieurs mois. Dans le cadre de nos travaux, on a été incapables de savoir quand le gouvernement présenterait une structure de gouvernance établissant les rôles et les responsabilités.
    Donc, le plan est une chose, et le mécanisme interne des ministères qui vous permettra de savoir, dans un an ou deux, combien d'argent a été dépensé et quels auront été les résultats en est une autre. Ce mécanisme n'est pas encore en place et n'a rien à voir avec le plan lui-même.
(1010)

[Traduction]

    Allez y, monsieur Raphael.
    Merci, monsieur le président.
    Pour répondre directement à la question de M. Bigras, et comme Mme Gélinas l’a mentionné, nous travaillons à élaborer le mécanisme dans la réponse au rapport présenté en septembre. Nous n’avons pas de date arrêtée que nous pouvons divulguer au président et au comité aujourd’hui en ce qui concerne la réponse.
    Monsieur Bigras, votre temps est écoulé. Je crois que c’est quelque chose, par contre, que le comité aimerait connaître. Quand vous aurez fixé la date et que le plan sera prêt, je suis certain que tous les membres du comité aimeraient les connaître. Merci beaucoup.
    Monsieur Cullen, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Le week-end dernier j’ai participé à une discussion télévisée avec un ancien ministre et un ministre en poste actuellement, tous deux du même ministère. Une fois les caméras éteintes, l’ancien ministre a regardé le ministre actuel et il lui a dit: « Méfiez-vous du pouvoir des bureaucrates. Ils vous diront certaines choses et vous en cacheront d’autres; ils feront certaines choses. » Cela ne dénigre pas les entreprises actuelles, mais il faut pardonner aux Canadiens leur déception à l’égard de nos progrès dans ce dossier, soit la capacité de justifier les dépenses encourues. Nous pouvons pardonner aux entreprises leurs frustrations de ne pas avoir un objectif clair, puisque nous ne pouvons pas expliquer ce que nous voulons faire et qui est réellement aux commandes.
    À des fins de clarification, madame Gélinas, j’essaie de comprendre d’abord à combien s’élevait le budget annoncé sous les gouvernements antérieurs, comparativement à ce qui a été dépensé réellement, en ce qui concerne les initiatives de lutte contre les changements climatiques. Pourriez-vous le rappeler au comité?
    En date de 2005, 6,3 milliards de dollars avaient été annoncés. Pour ce qui est des dépenses, elles se chiffraient à 1,6 milliard de dollars à la fin de l’exercice 2003 2004.
    En 2004, le Secrétariat du changement climatique a été complètement démantelé. Le secrétariat avait été mis sur pied pour assurer une gestion horizontale et un suivi des ministères et des dépenses. Quel organisme remplace le secrétariat depuis 2004? Quels engagements le gouvernement a-t-il pris pour le remplacer?
    À notre connaissance, rien n’a jamais remplacé le Secrétariat du changement climatique.
    En ce qui concerne le projet de loi qui nous a été présenté aujourd’hui, l’une des questions qui a été soulevée est de savoir qui finira par prendre les décisions relatives aux objectifs et aux délais. À l’heure actuelle, il semble y avoir eu une certaine confusion, dans les administrations précédentes, quant à la façon dont cela allait se réaliser.
    Je sais qu’il vous est difficile de commenter les politiques, mais j’essaie de comprendre si ce projet de loi répond bien aux questions que vous avez soulevées concernant la reddition de comptes. Dans votre rapport de 2006, cette année, vous avez laissé entendre que la reddition de comptes était l’une des raisons principales pour lesquelles nous n’avons jamais réussi à réduire nos émissions. En parcourant ce projet de loi, j’essaie de trouver les passages où l’on répond spécifiquement à cette question. Je ne sais pas si vous avez fait la même chose ou si vous avez réfléchi aux dispositions qu’il faudrait prévoir pour combler cette lacune.
    Nous n’avons pas regardé le projet de loi sous cet angle. Nous avons lu le projet de loi proposé, mais du point de vue d’un vérificateur, peu importe les mesures que vous mettrez en place pourvu qu’elles soient appliquées. Je ne peux en dire plus.
    Nous devons voir si les outils que nous avons — la Loi canadienne sur la qualité de l’air, la LCPE, ou toute autre loi au Canada — seront appliqués de manière appropriée et donneront les résultats escomptés. Je ne peux aller plus loin. Je sais que vous n’aimez pas ce genre de réponses, mais je ne peux vous en dire plus.
    Non, c’est conforme à votre champ de compétence. C’est frustrant pour nous de devoir attendre tant d’années pour constater ce qui a vraiment été fait et ce qui ne l’a pas été.
    Monsieur Alvarez, j’ai une question pour vous, pour faire suite à l’intervention de M. Godfrey selon laquelle votre industrie a reconnu l’importance et la menace des changements climatiques. Je ne veux pas avancer d’hypothèse, mais est-ce raisonnable d’affirmer cela?
    Absolument.
    D’accord.
    Alors, est-ce que le principe de l’internalisation des coûts de votre production — les coûts, particulièrement ceux liés à la pollution, dans ce cas-ci, et des émissions de gaz à effet de serre — une norme ou une idée maintenant acceptée au sein de l’industrie; ces coûts doivent-ils être internalisés?
    Je pense, monsieur Cullen, que différentes entreprises envisagent différents moyens de le faire. Si la question est de savoir si l’industrie est prête à assumer sa part, alors la réponse est oui, l’industrie est prête à faire sa part.
(1015)
    Sur la question, donc, entourant la différence entre l’intensité d’émission et les limites maximales, je ne comprends toujours pas pourquoi l’industrie ne — recherche pas la certitude d’une limite maximale — une limite fixée, de portée générale, ayant pour effet d’égaliser les chances pour tous les compétiteurs de notre association — plutôt que des réductions de l’intensité. Si les changements climatiques exigent un examen sérieux, et certains, du moins dans votre industrie, sont disposés à internaliser les coûts, pourquoi y a-t-il une réticence à l’égard de l’imposition d’une limite maximale pour quelque chose que nous percevons comme une menace environnementale et aussi, selon le rapport Stern et d’autres rapports, comme une menace économique? Si nous l’avons acceptée dans le cas du protocole de Montréal et d’autres ententes, pourquoi cette résistance?
    J’ai quelques commentaires à faire. Premièrement, en reconnaissant que nous sommes une très grosse industrie à l’échelle mondiale, nous devons examiner l’effet que cette mesure aurait sur le dollar-investissement ici au Canada comparativement à d’autres parties du monde qui sont de gros producteurs. Deuxièmement, nous devons regarder la question des limites dans notre secteur comparativement aux limites s’appliquant à d’autres secteurs de l’économie où un mouvement du dollar-investissement est prévu. Troisièmement, selon moi, l’enjeu le plus important est la vitesse à laquelle nous pouvons apporter certains changements et quel en sera l’avantage net?
    Une façon rapide d’obtenir des réductions, et des réductions quantifiables, dans notre secteur serait, par exemple, de faire toute la valorisation du pétrole lourd aux États-Unis. C’est la partie de notre industrie qui consomme le plus d’énergie. Nos émissions ici au Canada s’en trouveraient certainement réduites. D’un autre côté, si ce sont les Chinois ou les Américains qui font la valorisation, cela n’apportera rien d’un point de vue mondial.
    Ce ne sont pas des tactiques simples et ce ne sont pas des questions simples. Nous avons mis de l’avant une proposition pour ce gouvernement et les gouvernements précédents concernant la manière d’y arriver.
    J’ai une question à propos de l’utilisation des différents mécanismes. Le projet de loi C-288 présente au moins quatre mécanismes différents au gouvernement pour respecter nos engagements en vertu du Protocole de Kyoto. Est-ce que l’industrie a une position sur le principe d’utiliser la politique fiscale et le régime fiscal pour favoriser des types d’investissements que votre industrie a déjà faits, mais pour les favoriser à un niveau tel qu’ils nous rapprocheraient davantage de la conformité et des autres niveaux des pays en développement?
    Clairement, lorsque nous regardons le plus grand défi que nous devons relever, il faudra développer de nouvelles technologies à moyen et à long terme, dans une perspective globale. Prenons le Canada et regroupons-le avec la Chine et n’importe qui d’autre.
    Dans une perspective globale, si nous ne découvrons pas une nouvelle technologie qui pourra à court terme réduire le dioxyde de carbone, et à long terme réduire les quantités absolues émises dans l’atmosphère, nous ne ferons aucune différence au fil du temps. Actuellement, il n’existe pas de technologie miracle. Donc le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans tout ça? Certainement.
    Particulièrement en ce qui concerne l’utilisation du système fiscal, le mode d’imposition des entreprises, y a t-il un moyen que vous seriez disposés à accepter?
    Je crois que c’est quelque chose que nous devons regarder. Nous avons remarqué un accroissement du recours à l’amortissement, par exemple, dans le domaine de l’énergie renouvelable. Nous avons appuyé les subventions pour l’énergie éolienne pour le développement de nouvelles —
    Je crois que nous devons être très prudents. Nous devons avancer prudemment et savoir pourquoi et où nous le faisons, mais je crois qu’il y a des cas où ce sera approprié.
    Madame Donnelly, vous avez fait des commentaires fort controversés et vous présentez une opinion intéressante que nous n’avons pas encore eu la chance d’entendre, concernant le marché — et je sais que M. Bramley pourrait vouloir s’exprimer aussi — mais ce que je ne comprends pas c’est qu’avec la quantité d’échanges de droits d’émission qui se font aujourd’hui dans le monde, vous parliez d’excédents massifs de crédits. Comment le marché a-t-il réussi à ne pas s’effondrer totalement s’il y a un si grand excédent?
    Le marché va s’effondrer, c’est pourquoi un investisseur prudent n’y participe pas.
    Regardons les chiffres dans leur contexte. Nous avons tous lu à propos de la valeur des échanges des allocations dans l’UE et nous avons vu des statistiques impressionnantes, mais le 1er janvier 2005, date de renouvellement des allocations dans l’UE — renouvellement libre, lorsque je déduis les échanges — le pourcentage de la quantité des crédits qui sont sur le marché est de 2,5 p. 100.
    Pour mettre ceci en contexte, la phase un de l’offre de crédits de l’UE excède de 11 p. 100 la capacité physique d’émission des installations visées. Donc, avant l’ouverture du marché, je présume qu’au moins 11 p. 100 des crédits seront écoulés seulement parce qu’ils sont libres. Cette quantité énorme que vous continuez de voir est 2,5 p. 100 . C’est 2,5 p. 100 parce que presque tous les intervenants présents dans le marché n’arrivent pas à en comprendre le fonctionnement, parce que ce n’est pas un vrai marché. Donc, tout ce qu’ils font c’est garder leurs crédits, en se disant: « Je ne jouerai pas ce jeu à moins qu’il ne me semble vrai. »
    Tout cela me paraît confus, et je me demande si M. Bramley peut prendre un micro et nous donner une contre-expertise. Les positions des autres pays à Nairobi, particulièrement en ce qui concerne les émissions, traçaient un portrait diamétralement opposé, et assurément une image beaucoup plus positive, à propos des sommes d’argent échangées et de la libération de capitaux rendues possibles dans les municipalités et autres, comme l’a mentionné M. Alvarez.
    Je me demande, monsieur Bramley, si vous pourriez commenter ce que vous avez entendu.
(1020)
    Puis-je faire un commentaire? Chaque fois que l’on en discute avec des Européens, ils se montrent enthousiastes, parce que la seule façon d’empêcher l’effondrement du marché européen est d’y investir des fonds canadiens, japonais et néo-zélandais.
    Oui, mais le principe du système de marché international n’est pas différent du marché boursier, et j’essaie d’établir des comparaisons —
    C’est très différent d’un marché boursier.
    Oui. Admettons.
    Monsieur Cullen, nous arrivons à la fin du temps alloué.
    Monsieur Bramley, si vous le pouvez, soyez bref, s’il vous plaît.
    Il y a différentes parties au marché mondial du carbone. Le système d’échange de droits d’émission de l’UE ne représente qu’une de ces parties. Je crois qu’Aldyen Donnelly, dans sa déclaration préliminaire, faisait référence aux « crédits d’air chaud », comme on les appelle, qui peuvent être échangés, en théorie, sous le régime de Kyoto.
     J’aurai peut-être le temps d’en parler davantage dans une autre de mes réponses, mais au sujet du marché de l’UE, il faut se souvenir que ce marché se trouve pour ainsi dire dans une phase pilote actuellement, soit entre 2005 et 2007. En réalité, les gouvernements ne disposaient pas de toutes les données dont ils auraient eu besoin pour délivrer des permis ou pour prendre toute autre mesure équivalente à l’égard des objectifs fixés pour la première phase, de sorte qu’il y a eu correction des prix lorsque les données se sont précisées.
     Cela dit, le prix des crédits échangés pour la deuxième phase du système de l’UE, c’est-à-dire la phase de 2008 à 2012 de Kyoto, est demeuré passablement haut. Je crois qu’il est demeuré aux environs de 20 euros la tonne. Je ne crois pas qu’un marché où la tonne se transige à 20 euros est un marché dont la saturation est nécessairement néfaste. De plus, la Commission européenne a indiqué très clairement — cela a même été rapporté dans des médias récemment — que pour la deuxième phase, elle sera intransigeante, en ce sens qu’elle exigera que les pays accordent moins de permis, de sorte que nous serons assurés que l’offre ne dépassera pas la demande, ce qui devrait entraîner de véritables réductions.
    Monsieur Bramley, vous avez témoigné lors de la dernière réunion. Le but ici était de donner une chance à quelqu’un d’autre; je vous demanderais donc de vous en tenir à des réponses courtes, puisque vous avez déjà eu l’occasion de faire valoir votre point de vue devant ce comité. Poursuivons maintenant.
    Je cède la parole à M. Warawa.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Harvey.
     Je voudrais apporter une précision. Le projet de loi C-288 est un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par M. Rodriguez et appuyé par le parti de M. Rodriguez, le Parti libéral, qui formait le gouvernement précédent et qui a été au pouvoir pendant 13 ans, de sorte qu’il lui a été possible d’agir pour l’environnement. Le projet de loi C-288 s’intitule « Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto ». Quand on parcourt le texte du projet de loi, on en apprend davantage sur le Protocole de Kyoto. Une fois de plus, il y est précisé « que le Protocole de Kyoto exige que le Canada réduise, pendant la période de 2008 à 2012, ses émissions annuelles moyennes de gaz à effet de serre de 6 p. 100 par rapport au niveau de 1990 ».
    Nous savons maintenant que nous sommes 35 p. 100 au-dessus de l’objectif. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, le précédent gouvernement était censé rendre des comptes chaque année. Le rapport devant être présenté le 1er janvier 2006 montre que le Canada était en voie d’obtenir un résultat 47 p. 100 supérieur à l’objectif visé et qu’il en coûterait des milliards de dollars pour essayer d’atteindre les cibles établies. De toute évidence, nous ne serons pas en mesure d’atteindre ces cibles. Pourtant, le projet de loi C-288 laisse entendre que nous devons poursuivre les efforts en vue d’atteindre les cibles, alors que le gouvernement précédent n’a rien fait qui vaille à cet effet.
     Nous avons maintenant un nouveau gouvernement. Nous disposons du rapport de la commissaire à l’environnement et je souligne au passage que nous lui sommes reconnaissants de comparaître devant ce comité aujourd’hui. Nous l’avons d’ailleurs déjà rencontrée lorsqu’elle a déposé le rapport en question.
     J’aime tout particulièrement, madame la commissaire, quand vous invitez le présent gouvernement et tous les députés à travailler conjointement. C’était justement ma dernière question: croyez-vous que nous devrions travailler conjointement, particulièrement dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, en ce qui concerne la question de l’environnement? Et vous nous aviez effectivement encouragés à travailler ensemble.
    Dans votre rapport, vous mentionnez:
    En effet, nos vérifications ont révélé que le leadership, la planification et le rendement ont été insuffisants à l’échelle du gouvernement. Jusqu’à maintenant, il y a eu un manque de prévoyance et de direction, ce qui a semé la confusion et l’incertitude chez tous les intervenants. Bon nombre des faiblesses relevées au cours de nos vérifications peuvent être attribuées au gouvernement lui-même, car il n’a pas su bien mener les initiatives ni prendre les bonnes décisions dans de nombreux secteurs clés sous sa responsabilité. Des changements s’imposent.
     Monsieur le président, le gouvernement s’est fait très clair devant le Parlement et a indiqué qu’il travaillait d’arrache-pied en vue d’apporter un changement — un changement visant la question des changements climatiques, un changement dans l’orientation du gouvernement à l’égard des niveaux de pollution — d’où le projet de loi C-30 qui propose la Loi canadienne sur la qualité de l’air. La question a fait l’objet de cinq heures de débat hier et elle sera à nouveau débattue, puis réglée, par le comité législatif. Mais en ce moment, le présent comité en est à sa dernière rencontre au sujet du projet de loi C-288. Il est donc aux prises avec deux priorités contradictoires. D’une part, le gouvernement désire s’occuper de la question de l’environnement, s’attaquer au problème et exercer un certain leadership. D’autre part, il y a ce projet de loi, présenté par un membre de l’opposition et en contradiction avec ce que le gouvernement veut faire.
    La question que j’ai posée à tous les témoins qui ont comparu devant ce comité jusqu’à maintenant est la suivante: croyons-nous être en mesure d’atteindre les cibles fixées? Ces cibles ont-elles été fixées au hasard, arbitrairement, ou ont-elles été fixées de manière scientifique? Le Canada peut-il atteindre ces cibles? Jusqu’à maintenant, tous les témoins sauf un ont répondu que non, que le Canada n’était pas en mesure d’atteindre ces cibles. La seule façon dont nous pourrions atteindre ces cibles serait d’envoyer des milliards de dollars à l’extérieur du Canada.
    Notre gouvernement souhaite plutôt garder cet argent ici, développer des technologies chez nous, au Canada, afin de devenir des leaders mondiaux. C’est ma position et c’est la position du gouvernement: nous devons être des leaders incontestables sur la scène internationale.
(1025)
     Monsieur le président, je constate que je vais avoir besoin de la totalité de mes dix minutes, alors je m’excuse auprès de M. Harvey.
    Nous avons entendu M. Villeneuve de l’Université du Québec dire: « En terminant, j’aimerais commenter le projet de loi. Ce projet de loi aurait été excellent s’il avait été présenté en 1998. » — ce qui signifie que selon lui, le projet de loi est inadéquat. Si le gouvernement s’était prononcé sur ce projet de loi quand il en avait la possibilité, la situation serait probablement fort différente aujourd’hui.
    M. Mark Jaccard s’est montré d’une part d’accord et d’autre part en désaccord avec ces propos lorsqu’il a dit : « Quelqu’un a dit qu’il s’agissait d’un excellent projet de loi pour 1999, mais je pense que non, cela ne laisse pas encore assez de temps. »
     Nous avons entendu des professionnels, des scientifiques, dire: « Oui, nous sommes tous d’accord qu’il faut dresser un plan. » Mais quel est le meilleur plan? Est-ce que le projet de loi C-288 constitue un bon plan? Il n’est pas fondé sur des considérations scientifiques, mais plutôt sur des considérations politiques.
     Le projet de loi C-30 établit des échéances; les mesures qu’il propose sont obligatoires et non volontaires. Il ouvre clairement la voie au règlement de la question des gaz à effet de serre. C’est pourquoi j’encouragerais les membres à appuyer le projet de loi C-288. Mais c’est mon opinion personnelle.
    Ma question à l’endroit des témoins et à l’endroit de la commissaire pourrait être qualifiée de politique, alors je ne la poserai pas. Voici par contre la question que je vais poser aux témoins — Mme Donnelly, M. Alvarez, M. Hyndman et le témoin de Greenpeace. Croyez-vous que nous sommes en mesure d’atteindre les cibles établies par Kyoto, tel que le recommande ou l’exige le projet de loi C-288, et ce, nonobstant les commentaires de M. Godfrey, selon lesquels il ne faut pas penser uniquement aux cibles établies par Kyoto lorsque l’on évalue le projet de loi C-288.
    Le projet de loi C-288 exige que nous atteignions ces cibles. Selon vous, sommes-nous en mesure de réduire de 6 p. 100 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1999? Pouvons-nous y parvenir au Canada? S’agit-il d’un objectif réaliste?
(1030)
    Oui, monsieur Rodriguez.

[Français]

    Un moment, monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Avec tout le respect que je dois à mon collègue, c'est le même recours au Règlement que l'autre fois. Sa question est biaisée et directive. Il ne s'agit pas de savoir si nous pouvons atteindre les objectifs dans le secteur intérieur. Ce n'est pas le but du projet de loi.
    M. le secrétaire parlementaire ne peut pas demander si le projet de loi pourra fonctionner si on en retire ceci ou cela. Ou le projet de loi dans son ensemble permettra d'atteindre les objectifs, ou il ne le permettra pas.

[Traduction]

    Je vais demander à nos témoins de répondre en se fondant sur le projet de loi qui leur est présenté et qu’ils ont examiné, j’en suis sûr.
     Peut-être pourrions-nous commencer avec M. Alvarez, s’il vous plaît. Il nous reste une minute et demie.
    Certainement, et je serai bref.
    À moins qu’une incroyable catastrophe ne s’abatte sur l’économie canadienne ou à moins que nous dépensions des milliards de dollars en crédits étrangers, nous ne sommes pas en mesure d’atteindre les cibles établies par Kyoto.
    Dans le document que j’ai préparé, j’ai fait une analyse pour vous. Ma réponse est différente de celle des autres car selon mon évaluation, si nous décidons d’explorer le marché international et que nous pouvons y trouver tous les crédits dont nous avons besoin, et si nous sommes certains que ces crédits satisfont à nos exigences et qu’il ne s’agit pas de crédit d’air chaud, je ne vois pas comment nous pourrions obtenir plus de 91 millions de tonnes par an en crédits par le biais du marché international, quel qu’en soit le prix.
     J’ai tout analysé, ce n’est pas uniquement de la théorie. Notre manque à gagner comporte deux volets. Premièrement, en ce moment, 220 millions de tonnes d’émission proviennent des usines canadiennes existantes. En deuxième lieu, on estime que nos émissions croîtront de 45 millions de tonnes d’ici 2012. Je ne peux trouver que 91 millions de tonnes sur le marché international. Cela signifie que pour atteindre les objectifs fixés par Kyoto, il faudrait fermer suffisamment d’usines pour déduire nos émissions d’au moins 220 moins 91 millions de tonnes. Ce sont les chiffres.
    Qu’est-ce que cela veut dire en pratique?
    Cela représente, au bas mot, le tiers des usines qui déclarent actuellement leurs émissions de gaz à effet de serre au gouvernement du Canada. La liste est du domaine public. Vous pouvez parcourir la liste et rayer une usine sur trois, qu’il faudrait fermer.
    Certains diront qu’il suffit de se tourner vers le marché international et d’y trouver 265 millions de tonnes, mais je suis dans le domaine depuis 11 ans et je ne vois pas comment on pourrait en trouver autant — sans mentionner les critères raisonnables applicables aux tonnes que l’on cherche.
    Pourrons-nous entendre la réponse de M. Guilbeault? Ensuite ce sera au tour de Mme Gélinas, vous aviez un commentaire je crois.

[Français]

    En fait, je ne comprends pas la question, monsieur le président. On nous demande si les objectifs du Protocole de Kyoto sont basés sur la science. Si on part de cette prémisse et qu'on regarde le travail scientifique qui a été fait par l'Union européenne, par exemple, sur les objectifs du Protocole de Kyoto et sur les implications scientifiques de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, force est de constater que ce n'est pas suffisant pour la première période d'engagement. Toutefois, les Européens parlent de -15 à -30 d'ici 2020. Je ne suis pas certain de comprendre le sens de votre question.

[Traduction]

    Je crois, monsieur Guilbeault, que la question porte essentiellement sur les 260 mégatonnes de carbone — peu importe le chiffre exact. Peut-on réduire ce chiffre de 6 p. 100 sous les niveaux de 1990 d’ici 2012 — oui ou non?

[Français]

    Cette question n'a rien à voir avec la science. Je reprendrai les paroles de Mme Gélinas qui, pour expliquer son rapport, disait plus tôt qu'avec le leadership nécessaire, il était peut-être possible d'atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto au Canada.

[Traduction]

    Allez-y, madame Gélinas.
    Je n’aime pas être à l’écart, alors j’aimerais seulement ajouter une chose. Mon rapport était très clair sur un sujet. Pouvons-nous atteindre les cibles établies par Kyoto? J’ai renvoyé cette question au gouvernement: si cela est impossible, c’est au gouvernement de nous en informer et d’établir de nouvelles cibles. La réalité est toujours la même. Vous disposez de l’information; vous avez le droit de vous présenter devant les Canadiens et les parlementaires et de nous dire quelles sont les nouvelles cibles, si celle-là ne peut être atteinte. Nous travaillerons par la suite tous ensemble à l’atteinte de ces nouveaux objectifs.
(1035)
    M. Scarpaleggia sera le suivant.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais que M. Bramley revienne à la table. Cela est-il possible? Je crois qu’une question est restée en suspens.
    Je suppose que c’est au sujet des chiffres. Certainement, s’il les a en sa possession.
    Mme Donnelly affirme que vous ne pouvez trouver suffisamment de crédits.
    Puis-je apporter une précision? Je n’ai pas tenu compte de l’air chaud dans...
    Oui, absolument. Vous venez de dire que vous ne pouvez trouver suffisamment de crédits.
     Monsieur Bramley, j’aimerais entendre votre réaction à ces propos, brièvement. J’ai une autre question à poser à la commissaire.
    Tout d’abord, je crois que Mme Donnelly s’est contredite. Dans sa déclaration préliminaire, elle a affirmé que le marché était complètement saturé alors que plus tard, elle a affirmé qu’elle ne pourrait trouver que 91 mégatonnes. Ces deux affirmations semblent contradictoires.
    J’aimerais vous rappeler le témoignage d’Andrei Marcu devant ce comité. M. Marcu affirmait que selon les scénarios actuels, 150 millions de tonnes de crédits au titre du MDP sont disponibles. Je crois qu’il a également mentionné dans sa présentation que l’offre augmente sans cesse et que la demande provenant du Canada n’aurait pour ainsi dire aucun effet sur les prix.
    Excusez-moi de vous interrompre. Madame Donnelly, que répondez-vous à ces propos?
    Premièrement, il a raison. C’est vrai que je me suis contredite, parce que je n’ai pas précisé, quand j’ai dit que je ne pourrais trouver que 91 millions de tonnes, que la première chose que j’ai faite c’est de faire abstraction du quota et des crédits d’air chaud, dans le contexte du marché, avant de commencer à chercher les 91 millions de tonnes. En date du 29 novembre, l’ensemble des projets ayant été approuvés par le marché du MDP produiront 104 millions de tonnes par année. Les bureaux du MDP délivrent seulement 21 millions d’URCE. De ces 104 millions de tonnes par année, seulement 15 millions ne sont pas déjà déclarées dans les rapports provisoires des autres pays et prises en compte dans leurs prévisions.
    Merci.
     Allez-y, monsieur Bramley, ensuite j’aimerais poser une question à la commissaire.
    Je me contenterai de lire un passage du témoignage de M. Marcu, selon lequel les compensations actuellement disponibles relativement au pipeline du MDP s’élèvent à environ 1,2 milliard de crédits. M. Marcu ajoute qu’il faut probablement prendre ces chiffres avec un grain de sel et que le chiffre réel se trouve probablement aux environ de 800 millions, ce qui est tout de même beaucoup plus que ce que nous venons d’entendre.
    Merci.
    Dans mon analyse, je me base en fait sur une prévision à long terme de 1,5 milliard. J’obtiens 91 millions de tonnes par année. Sur un horizon à long terme, cela donne 1,5 milliard si on compare avec les chiffres d’Andrei.
    Merci.
    Madame Gélinas, j’aimerais revenir à la question de la responsabilisation. Lorsque ce projet de loi sera adopté, il faudra établir un plan en vue d’atteindre les cibles. Je suppose qu’il ne conviendrait pas que vous évaluiez vous-même ce plan, mais êtes-vous d’accord qu’il serait plus qu’acceptable, et qu’il serait en fait souhaitable, que vous évaluiez le progrès réalisé à l’égard de l’exécution du plan, tous les deux ans environ?
    C’est ce qui est prévu. Quel que soit le plan qui sera adopté, en tant que commissaire à l’environnement, j’en ferai la vérification. J’aimerais cependant vous servir une mise en garde, à la lumière des travaux que nous avons exécutés par le passé. Il faudra s’assurer cette fois que le plan adopté sera fondé sur une analyse éclairée, ce qui n’a pas nécessairement été le cas de toutes les décisions prises jusqu’à maintenant. Assurez-vous de disposer des bons renseignements avant de prendre quelque décision que ce soit et d’établir un plan.
    Merci.
     Mon autre question concerne le fait que nous semblions avoir acquis une certaine erre d’aller. Tout n’était peut-être pas rose à l’époque, mais au moins nous avancions. Toutes les initiatives sont maintenant interrompues parce que le gouvernement s’emploie à réinventer la roue.
     Nous avions une certaine « architecture », pour reprendre les mots de M. Alvarez, une architecture plutôt efficace même. Il y avait le programme ÉnerGuide, le Défi d’une tonne et quelques autres programmes. Nous les avons mis au rebut, même si, à mon avis, selon l’analyse et les recommandations des fonctionnaires, certains marchaient plutôt bien.
    Croyez-vous que cela est productif de recommencer à zéro, de mettre au rebut ce qui existait déjà et qui fonctionnait bien, madame Gélinas?
    J’ai un ou deux commentaires à faire à ce sujet.
    J’ai dit, avec justesse, que certaines initiatives comportaient de bons éléments et que le gouvernement devrait tirer parti de ces éléments. J’ai également dit qu’il faudrait nous garder de réinventer la roue.
    J’aimerais reprendre l’exemple que Matthew a utilisé lorsqu’il a parlé du système d’échange de droits d’émission de l’UE. L’UE en est toujours à l’étape de mise à l’essai de ce système, alors qu’au Canada, nous n’aurons pas même le temps de mettre à l’essai notre propre système d’échange de droits d’émission. J’ai souligné ce fait dans mon rapport. Le temps fuit. Il faut s’attaquer au problème et prendre les mesures qui s’imposent rapidement.
    Nous n’avons pas évalué l’initiative du Projet vert. Le Projet vert a été présenté alors que nous réalisions la vérification. Est-ce que le Projet vert nous aurait permis d’atteindre les objectifs établis par Kyoto? Personne ne le sait. Mais je me dois de préciser que nous n’avons pas évalué le Projet vert.
     Nous en avons examiné quelques éléments et nous nous sommes alors fait la réflexion qu’il y avait quelques bons éléments qui semblaient bien fonctionner et qui devraient être retenus pour l’avenir.
(1040)
    Monsieur Scarpaleggia, votre temps est écoulé. Je suis désolé.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Un commentaire de M. Scarpaleggia m'a fait sourire: il a parlé d'un progrès interrompu. Encore faudrait-il qu'il y ait eu progrès, parce que la situation s'est continuellement dégradée jusqu'à aujourd'hui, dans une proportion de 35 p. 100. On parle d'un progrès interrompu. C'est toujours une question de point de vue.
    Cela dit, madame Gélinas, le Parti libéral avait parlé de dépenses potentielles budgétées de 6,3 milliards de dollars, mais les dépenses auraient été de l'ordre de 1,6 milliard de dollars seulement. C'est bien cela?
    Vous comparez des pommes et des oranges. On avait annoncé une somme de 6,3 milliards de dollars pour lutter contre les changements climatiques, mais sur une longue période qui s'achevait en 2012. La somme de 1,6 milliard de dollars dont j'ai parlé est de l'argent qui avait effectivement été dépensé à la fin de l'exercice financier 2003-2004.
    Vous ne pouvez donc pas comparer les deux montants, parce qu'ils ne couvrent pas la même période.
    Non, si je vous posais la question, c'était justement pour — Ainsi, des 6,3 milliards de dollars, 1,6 milliard de dollars ont été investis jusqu'à maintenant.
    Non, pas jusqu'à maintenant. Je dis qu'en mars 2004, 1,6 milliard de dollars avaient été dépensés.
    Aujourd'hui, où en est-on rendu? Le savez-vous?
    Je ne le sais pas, et vous ne le saurez pas non plus tant et aussi longtemps que le fameux système au sujet duquel je demande des éclaircissements ne sera pas mis en place.
    Je suis déçue que le Conseil du Trésor et Environnement Canada soient incapables de vous donner un peu de rétroaction sur ce qui a été fait au cours des six derniers mois. C'est là que toute la question de l'imputabilité et de la reddition de comptes s'inscrit. On ne le saura pas tant que le système n'aura pas été mis en place.
    D'accord, c'est bien.
    Actuellement, le Canada doit réduire ses émissions de 270 millions de tonnes. C'est bien l'objectif qu'il a par rapport au Protocole de Kyoto?
    Deux cent soixante-dix millions de tonnes par année d'ici 2012.
    D'accord.
    Vous avez dit dans votre rapport qu'on pouvait effectuer une réduction maximum de 100 mégatonnes ici, au Canada, et que les autres 170 à 200 mégatonnes devaient être achetées à l'étranger. C'est bien ce que vous avez dit?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que, selon la structure du plan présenté par le gouvernement précédent, le Projet vert, une partie importante des réductions, soit quelque 50 p. 100, devait se faire ici au Canada et que, pour le reste, il faudrait acheter des crédits.
    Je n'ai jamais précisé de quelle façon les crédits devaient être achetés, car le gouvernement lui-même n'avait pas établi l'écart entre les réductions qui seraient effectuées au Canada et celles qui ne le seraient pas. On ne le sait toujours pas, d'ailleurs.
    Mais on pourrait l'établir à environ 50 p. 100 des 270 mégatonnes. Un calcul rapide nous donne un résultat de 135 mégatonnes.
    Cela se rapproche du chiffre inscrit dans le plan présenté.
    Madame Donnelly, que pensez-vous d'un achat de 135 mégatonnes à l'étranger? Est-ce réaliste? Est-ce faisable? Dans le moment, les chiffres ne correspondent pas.

[Traduction]

    Il faut se poser deux questions: premièrement, pouvons-nous le faire; et deuxièmement, devrions-nous le faire?
    Nous venons de passer les chiffres en revue et, comme le mentionnait Matthew Bramley, le nombre de crédits disponibles si l’on ne tient pas compte de l’air chaud se trouve aux environs de 1,2 ou 1,5 milliard au total sur la période budgétaire de cinq ans. Alors si l’on divise 1,5 milliard par 5, cela donne 300 millions par année. Alors quand vous affirmez que nous pourrions acheter 135 millions de tonnes, cela revient à dire que le Canada pourrait s’approprier la plus grande partie de l’offre totale de crédits, et je ne vois pas comment cela pourrait être possible. Donc si nous choisissons cette voie, je ne peux concevoir comment il serait possible d’obtenir 135 millions de tonnes. Voilà pour la première question.
    La deuxième question porte sur l’offre disponible, sur laquelle je viens de vous donner quelques chiffres. Ce que je déplore, c’est qu’à mon avis, l’an dernier, le Bureau du MDP et de l’AC a commis une énorme erreur lorsqu’il a décidé d’accorder des crédits aux fabricants de HCFC-22 des pays en développement. Le HCFC-22 est un gaz à effet de serre extrêmement nocif et il constitue, après le CFC, la substance la plus dommageable pour la couche d’ozone. Alors quand on fabrique du HCFC-22 et qu’on le vend, on se trouve à libérer dans l’environnement une substance appauvrissant la couche d’ozone et un gaz à effet de serre.
     La fabrication de HCFC-22 est illégale au Canada. À partir du 1er janvier 2010, sous le régime des lois actuelles, il sera également illégal d’en importer au Canada, parce que nous considérons qu’il s’agit d’une substance dommageable. Jusqu’à maintenant, 51 p. 100 de tous les crédits approuvés par le Bureau du MDP et de l’AC ont été accordés aux fabricants de HCFC-22. L’Agence des États-Unis pour la protection de l’environnement estime qu’à elle seule, cette décision annule toutes les retombées positives attribuables au Protocole de Montréal d’ici 2020 et fait en sorte que seront rejetées dans la haute atmosphère trois milliards de tonnes de gaz à effet de serre qui n’auraient pas été produites autrement.
    Avant cette décision, le fabricant moyen de HCFC-22 faisait un profit avant impôts de 500 $US la tonne. Après la décision, le profit avant impôts du même fabricant est passé à 2 600 $. À cause de cette décision, le HCFC-22 est actuellement le produit le plus rentable dans le monde pour ses fabricants.
    Alors quand je dis que nous allons pouvoir obtenir 91 millions de tonnes, je considère que la moitié de ce nombre n’aura pas à être acquise parce que nous donnerons de l’argent à des usines qui fabriquent un produit que nous avons déjà jugé tellement dangereux que nous en avons rendu la fabrication et l’importation illégales au Canada.
(1045)
    Merci, monsieur Harvey.
     Monsieur Lussier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    La semaine dernière, je crois, nous avons reçu ici un climatologue qui nous a dit que les émissions atmosphériques produites il y a 20 ans pouvaient être une cause des changements climatiques aujourd'hui.
    J'ai remarqué, monsieur Guilbeault, que vous avez beaucoup réagi à certaines des affirmations de Mme Donnelly. Que pensez-vous de cette supposition? J'aimerais aussi recevoir les commentaires de Mme Donnelly, après la réponse de M. Guilbeault.
    Est-que des émissions produites il y a 20 ans peuvent avoir des effets aujourd'hui? Et si on retarde aujourd'hui la réduction de nos émissions, cela pourra-t-il entraîner des changements climatiques brusques au cours des prochaines années?
    Le CO2 est un gaz à effet de serre qui peut demeurer dans l'atmosphère durant plusieurs décennies. Alors, effectivement, les changements climatiques que nous constatons aujourd'hui sont le résultat de ce que nous avons produit, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, il y quelques décennies.
    Je répète que je ne suis pas un scientifique. Par contre, je peux vous rapporter ce que nous pouvons lire dans les ouvrages scientifiques. Là je ne parle pas de textes d'opinion dans des journaux, mais de documents scientifiques, c'est-à-dire des articles scientifiques publiés dans des revues qui ont un comité de lecture, comme Science & Nature et beaucoup d'autres. Le consensus est que, plus nous retardons la réduction des émissions de gaz à effet de serre, plus le legs écologique que nous allons faire à nos enfants et à nos petits-enfants sera important. Finalement, comme on le dit si bien en québécois, on « dompe » le problème dans leur cour. On s'en lave les mains, essentiellement.
    Madame Donnelly, avez-vous des commentaires à ajouter?

[Traduction]

    Je regarde mes notes d'allocution. J'aimerais que vous alliez à la page 11.
    Elles n'ont pas encore été traduites, donc certaines personnes ne les ont pas encore reçues.
    Lorsque vous les recevrez, vous verrez les estimations des émissions de 2000 et les prévisions des émissions de 2025 que le World Resources Institute a établies par pays ou bloc commercial. Ce graphique présuppose que tous les signataires du Protocole de Kyoto, y compris le Canada, respectent entièrement leurs engagements. Dans ces conditions, les émissions de 2025 des pays de l'UE qui ont signé le Protocole de Kyoto dépasseraient de 19 p. 100 le niveau de 2000, et les émissions de 2025 au Japon seraient supérieures de 20 p. 100 au niveau de 2000, si le Japon respecte le Protocole. Ces chiffres viennent du World Resources Institute, et ils reposent donc sur de solides recherches.
     Je reviens à mes débuts. Je travaille dans le domaine des changements climatiques depuis 1989. Le temps a passé, et je suis maintenant le plus ancien et le plus persévérant défenseur des mesures de marché au Canada. Voyons maintenant ce complément d'information au sujet d'une série de mesures que nous recommandons. Selon moi, ce graphique nous démontre que le Protocole de Kyoto ne suffit pas. C'est ce qu'il nous indique. Je ne dis pas qu'il ne faut pas réduire les émissions, s'imposer des objectifs contraignants, faire preuve de sérieux. Je soutiens tout le contraire. Je soutiens que la situation est urgente et que le Protocole de Kyoto ne suffit pas.
(1050)

[Français]

    Je vais laisser Mme Donnelly se reposer. J'ai l'impression que cela permet à M. Alvarez de se croiser les bras. Je vais donc lui poser une question.
    Je regarde les chiffres, et — vous me corrigerez si j'ai tort — l'industrie pétrolière et gazière émettra, selon les prévisions, plus de 144 mégatonnes de GES en 2010, ce qui constitue une hausse de 99 p. 100 par rapport à 1999. Le gouvernement de l'Alberta prévoit un développement fulgurant des sables bitumineux qui pourrait faire porter les émissions de GES de ce secteur à 230 mégatonnes d'ici 2030, ce qui représenterait une hausse de 283 p. 100 par rapport à 1990.
    Vous avez certainement des plans de développement qui établissent des objectifs quant à votre secteur d'activité. C'est tout à fait normal, car tous les secteurs industriels le font. Quel est l'objectif de réduction que votre secteur s'est fixé en termes d'émissions de gaz à effet de serre?

[Traduction]

    Vous devez examiner la situation selon deux ou trois perspectives.
     D'abord, les compagnies réduisent-elles leur intensité chaque année? Oui, elles le font. Nous avons constaté des changements significatifs à cet égard. Voilà le premier point à considérer.
     Ensuite, à court terme, que constatons-nous? Nous voyons une amélioration constante de nos objectifs annuels d'intensité. Nous nous sommes jusqu'à maintenant accommodés des objectifs du gouvernement précédent et, une fois que le gouvernement aura mis ses plans de l'avant, nous continuerons de le faire. Nous respecterons donc nos obligations de ce point de vue.
     À plus long terme, on peut considérer qu'il existe deux problèmes particuliers. Premièrement, comment gérer le carbone? C'est une question de capture et de stockage du carbone qui nous touche et qui touche aussi les entreprises de tout le pays, particulièrement dans l'industrie énergétique. Deuxièmement, à plus long terme, quelles sources d'énergie nous permettent de réduire progressivement les chiffres dont vous nous avez fait part?
     Dans ma présentation d'aujourd'hui, j'ai parlé de différents types de technologies. Nous ne devons pas éviter le débat du nucléaire. Il y a déjà un certain nombre de centrales, et il faut que nous examinions leur situation. À très court terme, nous devons commencer à réduire le taux de croissance. À moyen terme, nous devons commencer à le gérer. À long terme, nous devons l'annuler. Mais la technologie requise n'existe pas encore.
    Merci, monsieur Bigras.
     Nous pourrions peut-être entendre M. Vellacott, puis j'aimerais terminer par M. Cullen. Veuillez être brefs et concis, je vous prie.
    Comme je me trouve limité à cinq minutes, j'aimerais qu'on me réponde par oui ou par non. Mes premières questions s'adressent à Mme Donnelly et à M. Alvarez.
     Voici ma première question. La commissaire à l'environnement a récemment affirmé qu'elle ne pouvait trouver aucune constatation analytique qui soutiendrait la réduction de 6 p. 100 prévue au Protocole de Kyoto. Je vous demande, comme je l'ai demandé à des témoins précédents, si vous pouvez nous faire part d'une recherche scientifique particulière qui inciterait le Canada à adopter l'objectif d'une réduction de 6 p. 100?
    Je ne peux pas vous indiquer ce qu'envisageait le gouvernement du Canada.
     Je pourrais peut-être vous renvoyer au témoignage que Mike Cleland a déposé devant ce comité le 21 novembre. En 1996, en 1997 et en 1998, Mike Cleland était sous-ministre adjoint à Ressources naturelles Canada. Il partageait les responsabilités de direction du dossier Kyoto. Je crois que son témoignage est très clair.
    Simplement pour mémoire, pourriez-vous nous préciser ce qu'il disait?
    Je crois qu'il disait qu'aucune analyse n'avait eu lieu.
    Très bien.
     Monsieur Alvarez, avez-vous entendu parler d'une quelconque analyse ou recherche scientifique qui inciterait le Canada à adopter un objectif de réduction de 6 p. 100?
    Non.
    Ma question suivante, alors, s'adresse à Mme Donnelly.
     De votre point de vue, y a-t-il une différence entre le projet de loi C-288 et le plan précédent des libéraux? Pourriez-vous me donner quelques détails?
    Il y en a une, absolument. Si vous vous trouvez dans l'industrie et que vous essayez de déterminer la voie que le gouvernement compte emprunter, ce qui n'est pas chose facile, vous comparerez sans doute aujourd'hui l'avis d'intention de réglementer des libéraux, daté de juillet 2005, et l'avis d'intention de réglementer des conservateurs. Vous n'accorderez probablement aucune attention au projet de loi C-288 ni au projet de loi C-30.
     Je fais exception à la règle. Depuis 10 ans, chaque fois que nous entreprenons un projet, je compile un ensemble recommandé de mesures et de règlements du gouvernement.
     L'ensemble de mesures et de règlements que je défens maintenant nécessite l'adoption du projet de loi C-288 — Non, excusez-moi, je veux dire qu'il nécessite l'adoption du projet de loi C-30. Le projet de loi C-288 n'est pas pertinent, si ce n'est que, chaque fois que le gouvernement discute de Kyoto, il ne se penche pas sur la situation pour préciser ce que sera notre objectif. Si vous voulez poursuivre le débat de Kyoto plutôt que de passer à des mesures concrètes, l'industrie y verra simplement là une source de retard.
(1055)
    Ai-je raison, alors, d'affirmer que vous ne voyez pas de différence significative entre le projet de loi C-288 et le plan précédent des libéraux? Ne s'agit-il pas simplement d'un prolongement ou d'un changement d'accent?
    Le projet de loi C-288 n'ajoute rien et n'enlève rien.
    Très bien.
     Partagez-vous l'avis de l'un des membres libéraux de notre comité —
    Oh, et je voudrais ajouter que le plan précédent des libéraux ne permet pas de respecter le Protocole de Kyoto.
    Parfait. Et pour ce qui est du projet de loi C-288, voyez-vous une différence significative entre le plan précédent des libéraux et le projet de loi C-288?
    La raison pour laquelle je me suis corrigé, c'est que tout dépend de votre interprétation du projet de loi C-288. Si le projet de loi C-288 oblige juridiquement le gouvernement à respecter le Protocole de Kyoto, le plan des libéraux ne le fait pas. Je répète, il ne le fait pas. S'il s'agit de faire tout en notre possible, cela n'est pas pertinent. Si le projet de loi lie le gouvernement, le plan des libéraux ne le fait pas non plus.
    Vous affirmez en fait que vous préférez le projet de loi C-30.
    Le projet de loi C-30 me donne des éléments nécessaires pour établir le genre de politique — Mais il ne nous donne pas tout ce dont nous avons besoin. Il est incomplet.
    L'un des membres libéraux de notre comité, M. John Godfrey, a parlé du besoin de rajuster — je suppose qu'il faisait allusion à quelque chose d'autre que le projet de loi C-288 — les objectifs de Kyoto. Diriez-vous qu'il est nécessaire d'effectuer un rajustement en profondeur?
    Je crois que le Canada doit déterminer si le Protocole de Kyoto doit être juridiquement contraignant. J'ignore quelle est la décision à ce sujet. Un rajustement n'est pas facultatif s'il est juridiquement contraignant. Le Protocole de Kyoto n'indique pas un objectif à atteindre lorsque cela sera possible; il indique un objectif à atteindre à un moment bien précis. Il impose une pénalité de 30 p. 100 dans les cas où l'objectif n'est pas atteint. Si l'on adopte un point de vue strictement économique, qu'on maintient que le Protocole est juridiquement contraignant et qu'il faut le respecter, on ne choisira pas de supporter la pénalité. C'est 9 p. 100 par année avec des frais d'intérêt composés.
    Voici une question pour M. Alvarez.
    Combien de temps faut-il pour mettre au point et appliquer certaines des technologies nécessaires pour réduire les gaz à effet de serre?
    Je crois que cela dépend de celle dont vous voulez parler. La semaine dernière, Shell a annoncé une importante nouvelle technologie pour son procédé de valorisation, qui permet, je crois, de réduire la chaleur utilisée d'environ 10 p. 100. Il s'agissait d'un projet de quatre ou de cinq ans. Certains durent peu longtemps, et d'autres ont une très longue durée. Un projet de capture et de stockage du carbone peut s'étendre sur une période assez longue. Lorsqu'on envisage des changements très marqués, il faut parler de décennies.
    Combien faut-il de temps pour un projet de séquestration du carbone?
    Pour ce qui est de la capture et du stockage, si l'on parle du projet de la Saskatchewan, qui englobe EnCana et Weyburn, il a probablement fallu cinq ans entre la conception initiale et le stockage effectif du CO2 dans le sol.
    Merci, monsieur Vellacott.
     Monsieur Cullen, veuillez être très succinct. Notre temps est presque écoulé.
    J'ai une question pour M. Guilbeault.
     Durant la conférence de Nairobi, la France a parlé d'imposer éventuellement une certaine forme de taxe sur le carbone. S'agit-il là d'une simple spéculation? Est-ce sérieux? D'autres partenaires européens ont-ils envisagé de procéder d'une façon semblable? Il serait question d'une taxe — et je crois qu'on a mentionné expressément le Canada — qui serait imposée sur tous les produits importés, qu'il y ait ou non un lien avec le carbone. Est-ce sérieux?
    C'est le premier ministre Raffarin qui a fait une déclaration publique à la conférence de Nairobi, afin d'indiquer que le gouvernement français envisageait d'imposer une taxe aux pays de l'annexe 1 qui refusent de prendre les engagements de Kyoto, par exemple l'Australie et les États-Unis, ou aux pays comme le Canada qui ont pris les engagements de Kyoto mais qui les ont négligés par la suite. C'est la première fois que j'en ai entendu parler. Certains collègues de France étaient au courant depuis un certain temps. Je vais être bien honnête avec vous, nous ne savons pas encore ce qui arrivera dans l'Union européenne et ses États membres.
    Madame Donnelly.
    C'est très grave, et ce n'est pas nouveau. Le DEIP japonais a adopté un règlement qui autorise le département des douanes et de l'accise à taxer tous les produits importés d'un pays qui a refusé de ratifier le Protocole de Kyoto ou qui n'a pas respecté ses engagements. En vertu des lois sur le commerce international, de telles sanctions sont permises. En fait, le but visé était d'abord de s'arranger pour disposer de quotas excédentaires, puis de sanctionner les exportations des pays dont les quotas sont difficiles à respecter. C'était l'objectif stratégique de l'UE et du Japon, et initialement des États-Unis, lors de la création du Protocole de Kyoto, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il nous faut continuer. C'est un traité commercial inéquitable, très protectionniste et très habilement conçu. Son principal concepteur était le trésorier adjoint des États-Unis. Par définition, il produit un transfert de richesse des pays exportateurs d'énergie et de denrées alimentaires vers les pays importateurs, et c'est ainsi qu'il a été conçu.
(1100)
    Merci, monsieur Cullen.
     J'aimerais offrir mes profonds remerciements à nos témoins. Je remercie tous ceux et celles qui ont assisté à nos discussions par l'intermédiaire de l'écran ou ici même en personne.
     Je rappelle aussi aux membres qu'ils doivent déposer toute modification le plus tôt possible. Ils doivent les remettre au greffier pour que nous puissions les distribuer à tous les membres avant l'examen article par article qui aura lieu jeudi. Merci.
     La séance est levée.