[Français]
Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, membres du comité.
Je vous remercie une fois de plus de nous inviter à témoigner devant le comité. Cette fois-ci, j'aimerais discuter de la question de la reddition de comptes et des changements climatiques.
Je suis accompagnée de M. Neil Maxwell, que vous connaissez bien maintenant, et mes collègues dans la salle pourront éventuellement répondre à certaines de vos questions.
Vous n'êtes pas sans savoir que les cinq chapitres de notre rapport de septembre 2006 portent tous sur les changements climatiques. Lors d'audiences précédentes, j'ai présenté bon nombre de nos constatations, notamment la nécessité pour le gouvernement de définir et de mettre en oeuvre un plan d'action complet, précis et réaliste qui prévoie à la fois des mesures d'atténuation des gaz à effet de serre et des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Permettez-moi d'aborder aujourd'hui une question fondamentale, c'est-à-dire l'application des principes de bonne gouvernance et de la reddition de comptes dans le domaine des changements climatiques.
La planification, la gestion et le rendement forment un tout indissociable. Un bon plan est important, mais il est tout aussi important d'agir et d'obtenir des résultats. Une bonne gouvernance et la reddition de comptes sont garantes du bon fonctionnement du gouvernement. Ces mécanismes doivent fonctionner correctement pour que les politiques et les programmes permettent d'obtenir des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes. En vérifiant la manière dont avaient été gérés les programmes fédéraux de lutte contre les changements climatiques, nous avons constaté que le gouvernement avait jeté les bases des mesures à prendre dans l'avenir, mais que les mécanismes nécessaires pour concrétiser ces idées comportaient de graves lacunes.
Le dossier des changements climatiques est tellement complexe qu'il est extrêmement important et difficile de faire fonctionner ces mécanismes comme il se doit. La lutte contre les changements climatiques est une question horizontale, c'est-à-dire qu'elle touche un grand nombre de ministères, de mandats et de compétences. Aucun ministère, organisme ou administration publique ne détient l'ensemble des leviers, ressources et compétences qu'il faut pour gérer ce problème adéquatement. Nos vérifications montrent que les mesures prises par le gouvernement à l'égard des changements climatiques doivent porter davantage sur certains de ces aspects clés.
[Traduction]
Dans un premier temps, il faut définir clairement les rôles, les responsabilités et les pouvoirs de tous les ministères et organismes fédéraux. Les rôles des principaux ministères concernés ont évolué au fil des ans. On nous dit qu'Environnement Canada est actuellement le ministère responsable des mesures de lutte contre les changements climatiques, mais il est difficile de savoir ce qu'il en est dans les faits.
Ressources naturelles Canada, par exemple, est responsables de la plupart des programmes de lutte aux changements climatiques qui sont dotés d'un budget important, mais Environnement Canada ne peut s'immiscer dans les activités de ce ministère, ni dans celles d'aucun autre ministère; et il ne peut obliger aucun ministère à prendre des mesures en particulier. Par conséquent, le fait qu'Environnement Canada détienne une responsabilité stratégique ne veut pas nécessairement dire qu'il peut exercer un leadership sur le plan opérationnel, à moins que l'on mette en place des mécanismes de coordination pangouvernementale.
De plus, le transfert des responsabilités relatives aux changements climatiques entre les ministères fédéraux n'a pas toujours été bien géré, ce qui a créé des obstacles aux progrès.
Au cours de notre vérification, nous avons constaté, par exemple, que la conception et la mise en œuvre du système des grands émetteurs finaux ont souffert des transferts de responsabilités, de la rotation des membres clés du personnel et des modifications apportées d'un plan à l'autre. De même, nous avons aussi constaté qu'Environnement Canada et Ressources naturelles Canada avaient peu progressé dans l'élaboration d'une stratégie fédérale d'adaptation. Aucun des deux ministères ne s'est vu confier la direction du dossier et chacun avait une vision différente de ses responsabilités.
De manière générale, il faut faire en sorte que la transition amorcée des programmes existants de lutte contre les changements climatiques aux nouvelles stratégies qui sont envisagées par le gouvernement au pouvoir soit bien gérée également de manière à renforcer la gouvernance et la reddition de comptes. À l'évidence, il faut que le gouvernement élabore et instaure des mécanismes de coordination des activités liées aux changements climatiques menées par tous les ministères et organismes fédéraux.
Dans mon rapport de 2001, au chapitre 6 intitulé « Le changement climatique et l'efficacité énergétique », j'avais indiqué que le gouvernement fédéral avait réalisé des progrès quant à l'élaboration d'un mécanisme de coordination. Le Secrétariat du changement climatique constituait l'instance chargée de coordonner et d'intégrer les mesures prises par les ministères ainsi que de coordonner la mise en œuvre d'une stratégie nationale avec les provinces et les autres parties intéressées. Le Secrétariat faisait rapport au Parlement sur les activités fédérales de lutte contre les changements climatiques et leurs résultats. Malgré l'importance du rôle de cet organisme, le Secrétariat a progressivement été éliminé en 2004 et n'a pas été remplacé.
Si l'on veut obtenir des résultats, il est essentiel de faire le suivi des dépenses et des réalisations par rapport aux cibles convenues, et de faire rapport de cette information au Parlement et à la population canadienne. Pour y arriver, le gouvernement fédéral doit déterminer qui sera responsable de faire continuellement le suivi du rendement de tous les programmes et de toutes les politiques. En vérifiant les secteurs de production et de consommation énergétiques, nous avons constaté que trois programmes dotés chacun d'un budget dépassant 100 millions de dollars n'étaient pas assortis de cibles de rendement précises. Nous avons aussi constaté que l'information sur le rendement et les dépenses n'était pas l'objet de rapports périodiques.
Par ailleurs, des évaluations du rendement des programmes doivent être faites afin d'appuyer le suivi des résultats, et la communication de ceux-ci par le biais de rapports vis-à-vis des objectifs plus larges. Le gouvernement fédéral a réalisé des progrès à cet égard. En octobre 2005, le Secrétariat du Conseil du Trésor a terminé un examen exhaustif des programmes relatifs aux changements climatiques destiné à évaluer le taux de réussite des programmes en vigueur et à mettre au point des options d'affectation des ressources. Cet examen visait également à amorcer un cycle continu d'évaluation du rendement et d'examen des dépenses. Il devait permettre de réduire le nombre de programmes, tout en augmentant la quantité d'information sur leur rendement. Le comité voudra peut-être demander au Secrétariat du Conseil du Trésor de lui indiquer où en est la mise en œuvre d'un processus continu d'examen et d'évaluation du rendement.
[Français]
Le grand nombre de ministères et d'organismes qui participent à la lutte contre les changements climatiques augmente la complexité et l'importance d'une évaluation efficace du rendement. Cependant, notre vérification nous a permis de constater que le cadre de gestion du rendement relatif aux changements climatiques n'était pas encore prêt. Ce cadre devrait définir les attentes en matière de rendement pour les politiques et les programmes relatifs aux changements climatiques, ainsi que des indicateurs qui serviraient à mesurer ces progrès. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a indiqué qu'il comptait actualiser le cadre de gestion du rendement au cours de l'exercice 2006-2007, mais que ce cadre ne pourra être mis en oeuvre tant que le gouvernement fédéral n'aura pas bien défini ses rôles et ses responsabilités. Le comité voudra peut-être demander au Secrétariat du Conseil du Trésor de lui fournir un rapport sur l'état d'avancement du cadre de gestion du rendement.
Nous avons constaté que le gouvernement devait aussi améliorer son suivi des dépenses. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est à mettre au point un système électronique capable de saisir l'information financière sur les programmes relatifs aux changements climatiques. Mais au moment de notre vérification, l'information contenue dans ce système n'était ni mise à jour ni vérifiée. Tant que le système ne sera pas amélioré, il ne pourra pas servir aux activités de gestion et d'établissement de rapports. Le comité voudra peut-être demander au secrétariat si la mise à jour de l'information financière, qui était prévue pour l'été 2006, a vraiment eu lieu. Le comité voudra peut-être aussi savoir quand le secrétariat prévoit instaurer un système complet et efficace d'établissement de rapports.
[Traduction]
Le suivi doit être accompagné de meilleurs rapports au Parlement et au public. Les rapports doivent être complets afin de permettre un examen minutieux des dépenses et des résultats. Bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait communiqué des renseignements sommaires sur les dépenses à la suite d'une question posée par un parlementaire en 2005, aucun rapport complet sur les dépenses liées aux changements climatiques ni sur les résultats obtenus n'a été fourni depuis 2003.
Dans son plan de 2005, le gouvernement s'est engagé à faire rapport tous les ans, à partir de 2008, sur les mesures relatives aux changements climatiques. Le comité voudra peut-être demander à Environnement Canada de lui indiquer à quel moment le Parlement et la population canadienne peuvent espérer consulter le prochain rapport complet. Le comité pourrait aussi jouer un rôle déterminant en précisant les renseignements dont le Parlement a besoin pour évaluer les réalisations du gouvernement fédéral dans le domaine des changements climatiques.
Les organismes centraux doivent aussi jouer un rôle déterminant. Notre vérification nous a permis de constater qu'il reste encore beaucoup à faire pour achever, mettre à jour et maintenir le système qui effectue le suivi et fait rapport des dépenses et des résultats relatifs aux changements climatiques; et faire rapport à cet égard. Même si le Secrétariat du Conseil du Trésor a mené des initiatives dans ces secteurs, les organismes centraux n'ont pas encore déterminé qui sera, en dernier ressort, responsable de ces processus. Pour que chacun sache ce dont il sera responsable, les organismes centraux doivent participer à l'élaboration, à la mise en œuvre et au financement des mécanismes clés de coordination interministérielle.
Dans mon rapport de 2006, j'ai recommandé à Environnement Canada, au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Bureau du Conseil privé de collaborer à l'élaboration des mécanismes de gouvernance et de reddition de comptes dont il a été question aujourd'hui. Le gouvernement a accepté cette recommandation, mais il n'a pas encore précisé la manière dont il comptait intégrer cette recommandation dans sa nouvelle stratégie de lutte contre les changements climatiques et il n'a pas communiqué de l'information au Parlement ni à la population canadienne à cet égard. Bref, pendant que le gouvernement s'emploie à établir la version définitive de sa stratégie de lutte contre les changements climatiques, il est aussi primordial et urgent qu'il s'efforce d'instaurer les mécanismes qui vont permettre la mise en œuvre efficace à la fois des programmes existants et des plans et politiques à venir dans ce domaine.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Je serai heureuse de répondre à vos questions. Je vous remercie.
:
Je vous remercie monsieur le président.
Nous tenons à remercier le greffier de nous avoir accommodés pour ce qui est de l'horaire. Étant donné le sujet des délibérations du comité aujourd'hui, le fait que nous puissions nous joindre à vous par vidéoconférence est approprié, à mon avis.
L'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) représente environ 150 entreprises et 98 p. 100 de la production ici au Canada, de la côte est jusqu'au nord. Je suis président de l'Association, et je suis accompagné aujourd'hui par Rick Hyndman, conseiller stratégique principal, qui est impliqué depuis le début dans le dossier sur les changements climatiques.
Le projet de loi met en évidence le lien entre les mesures à court terme du Canada en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la cible qu'il doit atteindre en vertu du Protocole de Kyoto. Essentiellement, la cible établie pour le Canada aux termes de cette entente doit-elle guider notre démarche vers une première politique en matière de gaz à effet de serre? Nous croyons que non. Ce serait même une erreur de le faire, si nous tenons compte de ce que les autres pays et le Canada doivent mettre en place pour réaliser des réductions significatives des émissions de GES au cours de la prochaine moitié du siècle. Cette approche continuerait d'éloigner le pays de ses devoirs et le maintiendrait dans un débat visant à déterminer qui va payer pour les crédits étrangers.
Dans la brève note que nous vous avons fait parvenir hier, nous avions dressé une liste de questions à cet égard, et j'aimerais en poser quelques-unes aujourd'hui.
La première question est la suivante: que devrait faire le Canada face aux émissions de GES d'ici 2050? Ceux qui interviennent dans le débat des politiques à court terme en matière de GES connaissent à peu près tous maintenant l'approche des triangles de réduction des émissions, que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie envisage d'utiliser comme cadre d'action national. Le principe des triangles met l'accent sur la nécessité d'entreprendre des actions dans plusieurs domaines clés, notamment ceux qui permettent une stabilisation des émissions mondiales par le biais de réductions importantes dans les pays développés et un ralentissement de la croissance des émissions dans les pays industrialisés qui connaissent une forte augmentation de la demande énergétique. Ces domaines sont la conservation et de l'efficacité énergétiques sur l'ensemble de l'économie; le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone; à l'échelle du pays, la production d'électricité alimentée au charbon, l'exploitation et la valorisation des sables bitumineux et une partie de la production de substances chimiques; l'électricité et les carburants renouvelables; l'énergie atomique; les carburants de remplacement et la cogénération; et les puits forestiers et agricoles.
La valeur des triangles des réductions pouvant être atteintes d'ici 2050 met l'accent sur l'évaluation des mesures et des politiques nécessaires à leur réalisation. Il est primordial d'établir dès maintenant des politiques, de prendre dès maintenant des actions, d'investir dès maintenant dans le développement technologique — mais nous devons reconnaître qu'il faudra attendre un certain temps avant de constater les résultats.
Deuxième question: comment pouvons-nous enclencher le processus? Comme la commissaire vient de l'indiquer, nous devons déterminer, analyser et comparer les coûts en vue de décider des actions que nous allons mener. Nous devons prendre les décisions qui s'imposent pour parvenir aux résultats que nous visons et au moment où sommes prêts à le faire, et nous devons adopter une démarche initiale acceptable, à un coût abordable, nous mettre au travail, tirer profit de nos réussites et accroître nos efforts avec le temps en collaboration avec d'autres pays.
Troisième question: quelles politiques devrions-nous établir en premier? D'abord, il est essentiel que le gouvernement fédéral et les provinces travaillent de manière concertée à l'élaboration des politiques et des programmes de réduction des émissions à l'échelle du pays. Certaines sont terminées, ou sur le point de l'être et d'autres ne seront pas finalisées avant un certain temps.
Un domaine où des travaux considérables ont été menés et qui est mûr pour une prise de décision et une mise en application est le système de cibles d'intensité des GES pour les grands secteurs industriels énergivores. La conception de ce système au cours des quatre dernières années a été guidée par des principes qui revêtent une grande importance pas seulement pour nous et pour de nombreux autres secteurs. Ces principes incluent l'approche par intensité pour éviter de nuire à la croissance économique; un traitement équivalent d'un secteur à l'autre; des limites définies quant au coût de la conformité pour tenir compte de l'incertitude et de la concurrence; des ajustements lorsque l'intensité des GES augmente pour se conformer à de nouvelles réglementations environnementales; la mise en place progressive des cibles pour les nouvelles installations; la promotion de la R et D par le biais d'une mesure de conformité, telle qu'un fonds pour la technologie; et la mise en application efficace et uniforme à l'échelle fédérale-provinciale.
Puisque des milliards de dollars ont été investis et engagés sur la base de ces principes, leur importance est indéniable pour l'industrie et les investisseurs. Nous espérons que le processus actuel de consultation qui vise à finaliser l'établissement des cibles d'intensité sera fructueux et que nous pourrons le mettre en œuvre au début 2007.
Quatrième question: comment des cibles d'intensité bien conçues feraient progresser nos actions dans un ou plusieurs triangles? Les cibles exercent une pression continue sur les installations actuelles dans l'ensemble des grands secteurs énergivores de l'industrie pour qu'elles diminuent leurs émissions de gaz à effet de serre. L'option de conformité à un prix défini mise sur un investissement accru et une technologie de pointe, encore une fois par l'entremise d'un fonds pour la technologie, et des changements par étape peuvent être incorporés aux nouvelles installations à mesure qu'elles sont créées.
De plus, il est nécessaire de mettre au point des stratégies complémentaires pour les principales technologies qui se traduiront par des améliorations importantes à moyen et à long terme. Prenons, à titre d'exemple, le PSC, le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone. Il est primordial que le gouvernement fédéral unisse ses efforts à ceux des gouvernements provinciaux engagés dans ce domaine et de l'industrie pour établir une stratégie et progresser dans la même direction.
Cinquième question: est-ce que le fait de nous engager à atteindre la cible fixée aux termes du Protocole de Kyoto permettra au Canada de contribuer à l'effort international? La perspective des triangles en prévision de 2050 est axée sur les actions requises, tandis que les cibles de Kyoto incitent les pays à se concentrer sur l'attribution de cibles d'émissions quantitatives nationales à court terme. La cible établie pour le Canada nous contraint à répartir le fardeau de l'achat de crédits étrangers pour combler notre déficit par rapport aux objectifs de Kyoto.
Pour utiliser une analogie, l'établissement des cibles de Kyoto, c'est comme découper une tarte en plusieurs pointes. En revanche, la perspective des triangles consiste à déterminer comment on fait la tarte. Les plus récentes projections des émissions mondiales par région de l'Agence d'information sur l'énergie des États-Unis indiquent qu'au total, les émissions des pays assujettis aux cibles de Kyoto seront inférieures à leurs niveaux de 1990 et se situeront près du total de leurs cibles. Toutefois, un des problèmes liés à l'approche de Kyoto est la répartition de ces cibles. Par exemple, la cible du Canada est de plus de 30 p. 100 inférieure aux tendances de ses émissions en 2010. Il serait inutile que le Canada dépense des milliards de dollars pour acheter des crédits en vue d'atteindre une cible artificielle quand nous avons besoin de ressources pour nous placer sur la bonne voie à long terme.
À la lumière des récents événements internationaux, nous sommes à même de constater que la structure de Kyoto n'a aucun avenir. On reconnaît de plus en plus à l'échelle mondiale qu'il est nécessaire de trouver des façons d'adopter des actions concertées qui porteront fruit avec le temps. Il serait futile d'entreprendre une nouvelle série de discussions sur le mode d'attribution des droits d'émissions dans le monde. Elles seraient vouées à l'échec. S'engager à mettre en place des politiques visant à permettre au Canada d'atteindre la cible établie en vertu du Protocole de Kyoto le ferait reculer cinq ans en arrière. Il faut se rappeler que le processus a été enclenché il y a déjà plusieurs années. Le Canada doit maintenant s'engager sur la bonne voie et passer à l'action.
Cela met fin à mes commentaires, monsieur le président. Il me fera plaisir à répondre aux questions plus tard.
:
Je vous remercie de m'avoir invitée. Je vais essayer d'être brève.
J'aimerais présenter au comité un point de vue différent de ceux exposés par les témoins précédents. J'ai pris connaissance avec intérêt des feuillets bleus et, pour une fois, j'ai décidé de ne pas aborder les sujets qui avaient été traités par d'autres avant moi.
Je vais d'abord vous fournir des renseignements de base, GEMCo est un consortium à but non lucratif de grands émetteurs canadiens. En se joignant à GEMCo, les grands émetteurs participent au processus d'apprentissage sur l'échange de crédits d'émissions, la façon de gérer leurs inventaires et d'élaborer des stratégies d'affaires en prévision d'un avenir où le carbone sera soumis à des contraintes. GEMCo existe depuis 1995. Les entreprises canadiennes sont généralement membres de GEMCo pendant trois ou quatre ans, mais elles demeurent des concurrents. Disons qu'elles n'entretiennent pas nécessairement des relations amicales les unes avec les autres. Elles partagent les coûts d'apprentissage. Lorsqu'elles en savent suffisamment, elles n'entendent pas mettre en commun avec les autres entreprises la façon dont elles s'attaqueront au marché du carbone de manière concurrentielle.
Depuis 1995, GEMCo et ses membres se sont ligués pour faire obstacle à l'émission spéculative de crédits de carbone et de crédits de gaz à effet de serre sur le marché du carbone. Notre activité commerciale est très réduite maintenant par rapport aux années antérieures. Mais à cause de notre activité passée, nous demeurons le plus grand acheteur de crédits de carbone du Canada et le troisième dans le monde.
Cela étant dit, ces informations en disent plus sur le faible niveau d'activité du marché actuellement que sur l'étendue de l'influence de GEMCo sur le marché. Pour vous donner une idée de l'ensemble de notre activité sur le marché cette année, qui a été une année somme toute modeste, d'ici la fin de l'année, GEMCo et ses membres se seront fermement engagés par contrat à acquérir 350 000 tonnes de réductions futures de gaz à effet de serre d'exploitants canadiens de gaz d'enfouissement, et auront pris une option d'achat sur 350 000 tonnes additionnelles. Et c'est une année très calme pour nous en termes d'activité commerciale.
Le but principal de notre activité commerciale n'est pas de nous approprier du marché, mais d'apprendre comment le marché devrait fonctionner, et fonctionnera, avant d'y être impliqué à tout jamais. Vous constaterez que nos recommandations et nos idées sont fondamentalement différentes de celles des autres. Je crois que cela est attribuable à notre expérience du marché.
Il y a deux autres points dont j'aimerais parler. En 1998, nous avons mis en place le tout premier système mondial d'échange de crédits de séquestration biologique du secteur agricole. Avant cette réalisation, qui nous engageait à acheter 2,8 millions de tonnes de crédits de carbone de 137 agriculteurs, le Canada était opposé à l'idée de reconnaître les gains découlant de la séquestration du carbone par les sols. Par cette transaction unique, nous ne visions qu'à prouver que le gouvernement devait modifier sa position. En 2001, nous avons créé le tout premier échange de crédits de carbone découlant de la récupération assistée des hydrocarbures par injection de CO2. Le système n'est pas encore tout à fait finalisé. Nous avons acquis 700 000 tonnes en 2002, tandis que nous finançons un projet d'injection de CO2 dans l'enclave du Texas (Texas panhandle).
À la lumière de nos expériences, il va de soi que la phrase-choc qui devrait clore mes observations est la suivante — mais je dois d'abord dire que mes opinions ne représentent pas nécessairement celles des membres de GEMCo ni celles de l'ensemble de l'industrie; j'ai déjà dit que notre groupe était diversifié — si le Parlement adopte le projet de loi , vous enverrez ainsi un signal clair et net à l'industrie que vous ne savez toujours pas quelle direction prendre. Il est très raisonnable de prévoir que l'adoption du projet de loi C-288 bouleversera les activités de la fonction publique et des politiciens pendant une période de six mois qu'ils consacreront à la rédaction de rapports — d'un côté pourquoi, et de l'autre, pourquoi pas, vous pouvez atteindre les cibles de Kyoto. Ces six mois s'ajoutent à un calendrier face auquel nous accusons déjà du retard — d'au moins six mois.
La question que j'aimerais que vous vous posiez est la suivante: qu'est-ce qui vous manque pour aller de l'avant. Nous revenons sur un vieux sujet.
Nous vous avons remis un document bilingue de deux pages, qui contient les principaux messages que je veux vous transmettre. Je tiens à m'excuser auprès des lecteurs francophones. À la dernière minute, j'ai également décidé de présenter les notes d'allocution que j'avais rédigées pour moi-même, car j'ai jugé qu'elles contenaient des tableaux et des données qui pourraient vous intéresser.
En fin de compte, en lisant les notes d'allocution, vous verrez que, sur le marché international, avant de prendre en compte l'air chaud de la Russie, le Protocole de Kyoto créée un marché de quotas fortement surapprovisionné. À la fin 2004, l'approvisionnement mondial en quotas de gaz à effet de serre, établi en vertu du Protocole de Kyoto, dépassait de 1,7 milliard de tonnes la capacité physique maximale des pays visés par les quotas d'émissions.
On peut arriver à ce chiffre d'une manière différente, en assumant que, pour joindre le marché international, le Canada doive acheter un milliard de tonnes pour respecter son engagement en vertu du Protocole de Kyoto, ensuite nous retirons les milliards de tonnes nécessaires du marché de Kyoto, il reste néanmoins 1,75 milliard d'unités de quotas excédentaires. De même, si le conseil des mécanismes pour un développement propre et d'application conjointe continue d'approuver des projets au rythme où il le fait actuellement, d'autres milliards de tonnes d'unités de quotas excédentaires s'ajouteront au marché.
Pour arriver à utiliser complètement la limite de Kyoto, il faudrait que chaque pays dans le monde augmente ses émissions de gaz à effet de serre de 4,5 p. 100 par année à partir de maintenant. Autrement dit, il n'y a aucun plafond; il s'agit d'un faux marché, et nous ne comprenons pas pourquoi le Canada veut participer à ce marché.
Le Protocole de Kyoto est une entente commerciale, ce n'est pas un accord à caractère environnemental. Le Protocole de Montréal est un bon exemple d'accord environnemental très efficace. J'ai été surprise d'entendre d'autres témoins avant moi dresser en fait un parallèle entre le Protocole de Montréal et le Protocole de Kyoto. Ces deux ententes ne peuvent pas être plus différentes. Si vous voulez savoir à quoi ressemble un traité international efficace sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre, il s'agit d'un accord qui s'apparente au Protocole de Montréal, mais en rien au Protocole de Kyoto.
À mon avis, donc, le Parlement doit dès maintenant prendre un certain recul et déterminer quelle sera la prochaine étape. Nous avons deux possibilités. La première est de se joindre à nouveau au processus de Kyoto, en reconnaissant les implications sérieuses du Protocole comme entente commerciale, traité commercial — une tentative historique sans précédent de créer un nouveau régime de quotas à l'échelle mondiale qui modifie fondamentalement la façon dont nos économies nationales fonctionnent. La deuxième possibilité consiste se retirer du Protocole de Kyoto et à devenir le pays qui prend une distance de la scène internationale et qui explique au monde entier ce qu'est un Protocole de Montréal pour les gaz à effet de serre.
Lors des audiences précédentes, j'ai entendu un membre du Parlement demander à au moins deux reprises pourquoi le Canada pensait qu'il pouvait exercer une quelconque influence en ce sens, puisque nous pesons si peu dans la balance. Écoutez-moi bien: si le Canada se retire du faux marché de Kyoto, celui-ci s'effondrera. Le marché est actuellement surapprovisionné. Il n'y a que trois acheteurs, si vous considérez l'Union européenne comme un bloc. Tous les pays connaissent des conditions de surapprovisionnement, à l'exception du Japon, de la Nouvelle-Zélande et du Canada. Nous nous retirons et nous donnons le ton à la suite des choses. Nous devons saisir cette occasion.
Dans mes notes d'allocation, j'indique que, si nous décidons, à l'échelle nationale, de nous retirer du Protocole de Kyoto, la première chose à faire est de prendre le temps d'élaborer sérieusement pour le Canada un bilan axé sur la réduction des gaz à effet de serre qui fasse consensus et qui s'appliquerait à la période de 2008 à 2050 — et non de 2008 à 2012, ou à l'année 2050, mais de 2008 à 2050, ce qui représenterait à mes yeux, j'en conviens, l'intention de l'avis déposé récemment en vue d'une réglementation. Je comprends que d'autres ne voit pas cette intention dans l'avis en question.
Dans mon document, vous verrez que j'essaie de vous encourager à penser que nous pouvons enclencher un processus ici au Canada, par lequel nous convenons d'un bilan. Nous n'envisageons pas un bilan de 500 millions de tonnes ou de 700 millions de tonnes par année. Il s'agit d'un droit de rejet canadien de 19 milliards de tonnes dans l'environnement de 2008 à 2050, ou 23 milliards de tonnes, ou 26 milliards de tonnes. C'est un bilan pour une longue période.
C'est moins contraignant de voir les choses de cette façon, parce que vous prenez le recul nécessaire pour établir un bilan qui vise une longue période, et cela vous permet d'établir un ensemble complet de cibles et d'échéanciers qui ne dépassent pas la période du bilan. Vous pouvez également chiffrer les coûts, parce que les 23 milliards de tonnes entre 2008 et 2050 auront le même impact sur la haute atmosphère, peu importe que les émissions soient émises au début ou à la fin de la période, en autant qu'elles soient émises à l'intérieur de cette période. Puisque chaque fois que vous rejetez du CO2 dans l'atmosphère, il y reste pendant 150 ans. Le moment d'émission ne fait pas une différence significative.
Alors, la question qu'il faut se poser est la suivante: quel est le bilan des émissions de notre entreprise à long terme? Puis, en tenant compte de ce bilan, de notre économie et des secteurs, nous suivons maintenant à la lettre le conseil de Pierre, en déterminant quel est l'ensemble de cibles et les échéanciers les plus efficaces, en commençant par l'entreprise, les cibles contraignantes en 2015 au plus tard et en diminuant tous les cinq ans jusqu'en 2050? Comment allons-nous arriver à ce bilan?
J'aimerais revenir en arrière, et je m'arrêterai là, mais une personne m'a demandé de vous dire ce que je pensais qu'il en coûterait de maintenir nos engagements aux termes du Protocole de Kyoto. À mon avis, nous pouvons respecter les engagements auxquels nous avons souscrit, et pour en estimer les coûts, présumons que le Canada adopte un bilan très strict de 2008 à 2050. Disons que nous convenons d'un bilan linéaire à partir de 2008 — les niveaux d'émissions actuels sont réduits de 80 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 en 2050. Cela équivaut à un bilan pour le Canada de plus de 19 milliards de tonnes au cours de cette période. J'ai modélisé un scénario canadien au coût le plus bas dans le cadre de ce bilan et, ensuite, j'ai modélisé ce qu'il en coûterait d'adopter ce bilan et d'atteindre les cibles de Kyoto dans les échéanciers prévus.
Je dirais donc que la différence entre les deux coûts est le coût de l'obligation de la conformité, le Protocole de Kyoto. Selon mes estimations, ce coût s'élève au minimum à 26 milliards de dollars, et peut atteindre 38 milliards de dollars. L'écart ne vous procure qu'une perception d'un gain en réputation.
Notre réputation est en lambeaux, car nous n'avons pas reconnu que le Protocole de Kyoto était une entente commerciale et non un accord environnemental. Nous pouvons rétablir notre réputation en ralliant le monde autour d'une approche de réduction des gaz à effet de serre qui s'apparente au Protocole de Montréal.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, merci de m'accueillir. J'offre toutes mes excuses aux interprètes. La décision quant à ma venue ici s'est faite de façon tardive, et je n'ai donc pas pu préparer de notes écrites pour les interprètes. J'essayerai de ne pas parler trop rapidement.
Je voudrais faire quatre observations. D'abord, sur le plan international — je sais que vous en avez discuté la semaine dernière —, j'ai eu le privilège, depuis une dizaine d'années, de suivre les négociations internationales sur les changements climatiques. J'étais à la première Conférence des Parties, à Berlin, en 1995. J'étais à Kyoto également. J'ai participé à plus d'une douzaine de ces conférences au cours de la dernière décennie.
J'étais également à Nairobi. Les répercussions du revirement du gouvernement canadien en ce qui touche nos engagements quant au Protocole de Kyoto sont très importantes sur la scène internationale. Par exemple, depuis le mois de mai, la position canadienne a été critiquée publiquement par plusieurs personnes sur la scène internationale: par le commissaire à l'environnement de l'Union européenne, M. Dimas; par le ministre de l'Environnement de l'Allemagne, M. Sigmar Gabriel; par le président français, Jacques Chirac, et par la ministre française de l'Environnement, Mme Olin, durant la conférence de Nairobi.
Le titre d'un éditorial du journal Le Devoir, au lendemain de l'allocution de Mme Ambrose, durant la réunion plénière des Nations Unies, se lisait comme suit: « Ambrose fait honte ». Le Devoir publiait également une chronique, ce même jour, sous la plume de Michel David, un chroniqueur politique du Québec, qui déclarait que, de toute évidence, Mme Ambrose ment comme elle respire.
Ce qui ressort de façon de plus en plus évidente, c'est que les délégués de pays étrangers qui viennent nous voir ne comprennent plus. En fait, M. Dimas, le commissaire européen à l'Environnement, l'a bien résumé dans une de ses interventions, lorsqu'il a dit qu'il ne comprenait pas la position canadienne au sujet du Protocole de Kyoto et qu'il faudrait qu'on la lui explique. Les gens viennent nous voir et nous demandent où est passé le Canada qui a mené la bataille au sujet de la couche d'ozone et qui a signé le Protocole de Montréal dont Mme Donnelly parlait tout à l'heure. Ils demandent où est le Canada qui a mené la charge sur les mines antipersonnel, et où est le Canada qui, à toutes fins pratiques, a créé le concept des Casques bleus.
Notre réputation internationale souffre énormément de ce revirement de position. Je suis tout à fait en désaccord avec M. Alvarez, qui dit que les événements récents démontrent que le Protocole de Kyoto n'a pas d'avenir. À moins que je ne me trompe, il y a 168 pays qui se sont entendus, encore une fois, à Nairobi pour continuer à faire avancer les négociations internationales sur les changements climatiques. Ces 168 pays ont ratifié le Protocole de Kyoto. Est-ce complexe de négocier une entente internationale avec presque 170 pays autour d'une table? Bien sûr, et nous le faisons depuis plus d'une décennie.
D'ailleurs, de tous les pays qui ont des engagements envers Kyoto, des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, donc de tous les pays de l'annexe I, le seul qui ait tourné le dos au Protocole de Kyoto est le Canada. Pourtant, j'ai entendu, que ce soit à Bonn ou à Nairobi, l'ambassadeur japonais, par exemple, M. Nishimura, qui disait qu'il serait très difficile pour le Japon d'atteindre ses objectifs de Kyoto, mais qu'il demeurait engagé à le faire. J'ai entendu des représentants norvégiens — comme le Canada, la Norvège est un grand exportateur d'énergie — qui disaient qu'il leur serait très difficile d'atteindre leurs objectifs de Kyoto, mais qu'ils demeuraient engagés à le faire également.
Or, pour nous, le projet de loi C-288 est très important puisqu'il ramène le Canada sur la voie du Protocole de Kyoto et, bien entendu, sur la voie de l'avenir, puisque Kyoto n'est que le début de la solution. Je pense que le rapport du Britannique Nicholas Stern a bien situé le débat sur la question des coûts. M. Stern nous a essentiellement dit que nous pouvions faire preuve de leadership et investir maintenant afin de lutter contre les changements climatiques, ou que nous pouvions jouer à l'autruche et payer très cher, plus tard, le coût de notre inaction ou de nos inactions. Je pense que cette étude de M. Stern résume assez bien en termes économiques et en termes d'impact économique la décision que nous devons prendre.
Sur la question plus précise de l'engagement provincial, j'ai été absolument stupéfait d'entendre la ministre de l'Environnement déclarer que le gouvernement fédéral n'appuierait pas le plan québécois sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, parce que ce plan reposait sur le volontariat. J'imagine qu'elle n'a pas lu le même plan d'action sur les changements climatiques que moi. En fait, le plan québécois que j'ai lu prévoit, avec le projet de loi 52 qui a été déposé à l'Assemblée nationale il y a trois semaines, la mise sur pied d'une redevance sur les hydrocarbures de 200 millions de dollars par année qui va servir à financer des projets de transport en commun et des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Curieusement, cela contraste beaucoup avec ce qu'on entend ce matin, notamment de nos collègues des pétrolières, puisque le président et chef de la direction d'Ultramar a publiquement appuyé le plan québécois sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, plan qui impose à sa propre industrie une redevance partielle de 200 millions de dollars. De toute évidence, cette redevance n'a rien de volontaire. Certaines lois seront modifiées afin de permettre la mise en place de ce règlement.
D'ici 2008, on va modifier le Code du bâtiment du Québec pour améliorer l'efficacité énergétique des nouvelles constructions au Québec. Ce n'est pas du tout du volontariat. On va également, d'ici 2010, imposer de nouvelles normes d'émission pour les véhicules légers en s'inspirant des normes de la Californie. Encore une fois, il n'y a là rien de volontaire.
L'élément qui repose sur le volontariat dans le plan québécois porte, bien entendu, sur les grands émetteurs. Or, au Québec — ce qui n'est pas le cas de toutes les provinces canadiennes —, le problème de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre n'est pas attribuable au secteur des grands émetteurs, mais au secteur des transports, ce à quoi le plan québécois s'attaque de façon spécifique par des projets de financement de nouvelles infrastructures ou d'amélioration du service existant.
D'ailleurs, l'examen des inventaires au Québec révèle que le secteur des grands émetteurs québécois a réduit les émissions de gaz à effet de serre de 7 p. 100 sous les niveaux de 1990. Ce sont des données de 2003, car on n'a pas encore les données de 2004 pour le Québec. De toute évidence, ce n'est pas le secteur auquel le plan québécois doit s'attaquer.
Le Québec est la seule province à avoir mis en place un plan d'action qui, même s'il n'atteint pas tout à fait les objectifs de Kyoto, s'en rapproche beaucoup. Grâce à ce plan, le Québec passera d'environ +8 à -1 p. 100, et le gouvernement québécois demande l'aide d'Ottawa afin de combler la différence entre le -1 et le -6 p. 100 du Protocole de Kyoto.
Quel genre de message envoie-t-on à cette province quand on lui dit que son plan d'action ne répond pas aux critères et qu'on ne l'aidera pas financièrement à atteindre ses objectifs en vertu du Protocole de Kyoto? D'ailleurs, on ne connaît même pas les critères du gouvernement à cet égard.
Du point de vue des relations fédérales-provinciales, si l'objectif est de créer des partenariats — on a parlé plus tôt de l'importance de travailler avec les provinces —, je trouve qu'on s'y prend d'une façon très drôle pour encourager les provinces et territoires, voire les municipalités, à mettre en oeuvre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
J'aimerais aborder la question des échanges d'émissions, du marché du carbone et des mécanismes de flexibilité. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui affirment que le Protocole de Kyoto n'est pas une entente à caractère environnemental.
Il est très ironique d'entendre plusieurs organismes dénoncer actuellement les mécanismes de marché contenus dans le Protocole de Kyoto, alors que ce sont ces organismes qui en ont fait la promotion à l'époque du débat sur l'élaboration du Protocole de Kyoto. Ceux qui suivent le débat depuis un certain temps se rappelleront que la discussion portait sur deux avenues possibles: l'adoption de mesures conjointes par l'ensemble des pays de l'annexe I pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, ou la création de mécanismes de marché.
Les pays européens, notamment, faisaient la promotion de ce qu'on appelait les mesures conjointes. Ils proposaient l'imposition d'une taxe sur le carbone, qui serait la même pour tous les pays. Plusieurs organismes venus témoigner devant ce comité à l'époque ont dit qu'il ne fallait pas imposer une taxe, mais plutôt se diriger vers des mécanismes de marché. À l'heure actuelle, ces mêmes organismes disent que les mécanismes de marché ne fonctionnent pas et qu'on devrait les laisser tomber. Tout cela illustre une certaine ironie historique.
Je ne suis pas un scientifique; je suis issu des sciences sociales. Cependant, les scientifiques à qui j'ai parlé disent qu'il est faux de prétendre que le moment où on réduira les émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années, voire les prochaines décennies, n'a aucune importance. D'ailleurs, le quatrième rapport du GIEC qui sera présenté l'an prochain contiendra probablement beaucoup d'information sur ce sujet. C'est également ce que dit le rapport Stern et ce que diront plusieurs autres rapports qui seront publiés au cours des prochains mois et des prochaines années.
Plus nous attendrons, plus nous compromettrons notre capacité d'agir sur le système climatique global, simplement parce qu'aujourd'hui, on ne connaît pas encore très bien la sensibilité du climat aux augmentations de température.
Je m'explique. Si le climat n'est sensible qu'aux fortes augmentations de température, la température peut augmenter et il n'y aura pas de problème pour le système climatique global. Il est capable d'en prendre.
À l'opposé, si le système climatique est très sensible à de petites variations de température, plus on attend avant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, plus les impacts sur le système climatique global seront importants.
Il est tout à fait faux de prétendre — aucune base scientifique n'existe à cet égard — que le moment dans le temps où on réduit les émissions de gaz à effet de serre n'a aucune influence. Je n'ai lu aucune étude qui soutenait ce genre de commentaire.
De concert avec le ministre de l'Environnement du Québec, M. Claude Béchard, des représentants du milieu financier comme Desjardins, le Fonds d'investissement en développement durable, les syndicats québécois, des groupes écologistes et des représentants d'industries, j'ai eu récemment l'occasion de lancer une coalition en faveur du Protocole de Kyoto pour tenter de forcer la main du gouvernement fédéral.
Lors du lancement de cette coalition, le vice-président de Cascades, une compagnie de pâtes et papiers bien connue au Canada, est venu dire à quel point c'était important pour sa compagnie de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il disait que cette année, sa compagnie allait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 3 ou 4 p. 100 dans ses propres opérations et que cela représenterait une économie de 12 millions de dollars sur sa facture d'énergie. Il ajoutait qu'en ce moment, dans le secteur des pâtes et papiers, on avait vraiment besoin de ces millions de dollars.
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Je remercie tous ceux qui sont venus témoigner.
La matinée a certainement été riche en présentations et en contradictions, et je crois que nous allons examiner de plus près ces contradictions ce matin.
J'ai hâte d'entendre M. Guilbeault réagir de manière plus détaillée aux propos de messieurs Donnelly et Alvarez, mais j'aimerais commencer par madame la commissaire.
Votre présentation m'a beaucoup intéressé. En fait, je crois que nous avions eu cette conversation lorsque vous avez publié votre rapport pour 2006 sur les changements climatiques.
Si vous me permettez, j'aimerais revenir au , le principal objectif est en fait d'accroître la reddition de comptes et, dans l'esprit de vos suggestions, de tenter de mieux définir les rôles, les responsabilités et les pouvoirs pour comprendre le rendement des politiques et des programmes, effectuer un suivi des objectifs élargis et en faire rapport. Les termes sont choisis en fonction de nos obligations en vertu du Protocole de Kyoto.
Je sais que le vérificateur général avait certaines réticences quant au rôle qui a été proposé pour votre bureau dans le cadre de la loi. Je crois que nous allons en tenir compte dans nos amendements, ce qui indiquera que certaines tâches qui allaient vous incomber, comme nous le pensions au début, seraient plutôt confiées à la Table nationale sur l'économie et l'environnement et, j'espère, que cela permettra de répondre aux objections.
J'aimerais commencer par le projet de loi, qui reconnaît que le Canada est signataire du Protocole de Kyoto et qu'il a toujours fait de son mieux pour respecter ses engagements. Nous avons besoin d'un plan et il est essentiel que nous comprenions ce que nous devons faire pour chaque élément en termes de réductions des gaz à effet de serre et que nous sachions quels progrès nous accomplissons chaque année.
Le projet de loi va-t-il dans une direction qui permet de répondre à certaines des suggestions que vous avez faites dans votre rapport et dans vos remarques aujourd'hui?
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Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Harvey.
Je voudrais apporter une précision. Le projet de loi est un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par M. Rodriguez et appuyé par le parti de M. Rodriguez, le Parti libéral, qui formait le gouvernement précédent et qui a été au pouvoir pendant 13 ans, de sorte qu’il lui a été possible d’agir pour l’environnement. Le projet de loi C-288 s’intitule « Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto ». Quand on parcourt le texte du projet de loi, on en apprend davantage sur le Protocole de Kyoto. Une fois de plus, il y est précisé « que le Protocole de Kyoto exige que le Canada réduise, pendant la période de 2008 à 2012, ses émissions annuelles moyennes de gaz à effet de serre de 6 p. 100 par rapport au niveau de 1990 ».
Nous savons maintenant que nous sommes 35 p. 100 au-dessus de l’objectif. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, le précédent gouvernement était censé rendre des comptes chaque année. Le rapport devant être présenté le 1er janvier 2006 montre que le Canada était en voie d’obtenir un résultat 47 p. 100 supérieur à l’objectif visé et qu’il en coûterait des milliards de dollars pour essayer d’atteindre les cibles établies. De toute évidence, nous ne serons pas en mesure d’atteindre ces cibles. Pourtant, le projet de loi laisse entendre que nous devons poursuivre les efforts en vue d’atteindre les cibles, alors que le gouvernement précédent n’a rien fait qui vaille à cet effet.
Nous avons maintenant un nouveau gouvernement. Nous disposons du rapport de la commissaire à l’environnement et je souligne au passage que nous lui sommes reconnaissants de comparaître devant ce comité aujourd’hui. Nous l’avons d’ailleurs déjà rencontrée lorsqu’elle a déposé le rapport en question.
J’aime tout particulièrement, madame la commissaire, quand vous invitez le présent gouvernement et tous les députés à travailler conjointement. C’était justement ma dernière question: croyez-vous que nous devrions travailler conjointement, particulièrement dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, en ce qui concerne la question de l’environnement? Et vous nous aviez effectivement encouragés à travailler ensemble.
Dans votre rapport, vous mentionnez:
En effet, nos vérifications ont révélé que le leadership, la planification et le rendement ont été insuffisants à l’échelle du gouvernement. Jusqu’à maintenant, il y a eu un manque de prévoyance et de direction, ce qui a semé la confusion et l’incertitude chez tous les intervenants. Bon nombre des faiblesses relevées au cours de nos vérifications peuvent être attribuées au gouvernement lui-même, car il n’a pas su bien mener les initiatives ni prendre les bonnes décisions dans de nombreux secteurs clés sous sa responsabilité. Des changements s’imposent.
Monsieur le président, le gouvernement s’est fait très clair devant le Parlement et a indiqué qu’il travaillait d’arrache-pied en vue d’apporter un changement — un changement visant la question des changements climatiques, un changement dans l’orientation du gouvernement à l’égard des niveaux de pollution — d’où le projet de loi qui propose la Loi canadienne sur la qualité de l’air. La question a fait l’objet de cinq heures de débat hier et elle sera à nouveau débattue, puis réglée, par le comité législatif. Mais en ce moment, le présent comité en est à sa dernière rencontre au sujet du projet de loi . Il est donc aux prises avec deux priorités contradictoires. D’une part, le gouvernement désire s’occuper de la question de l’environnement, s’attaquer au problème et exercer un certain leadership. D’autre part, il y a ce projet de loi, présenté par un membre de l’opposition et en contradiction avec ce que le gouvernement veut faire.
La question que j’ai posée à tous les témoins qui ont comparu devant ce comité jusqu’à maintenant est la suivante: croyons-nous être en mesure d’atteindre les cibles fixées? Ces cibles ont-elles été fixées au hasard, arbitrairement, ou ont-elles été fixées de manière scientifique? Le Canada peut-il atteindre ces cibles? Jusqu’à maintenant, tous les témoins sauf un ont répondu que non, que le Canada n’était pas en mesure d’atteindre ces cibles. La seule façon dont nous pourrions atteindre ces cibles serait d’envoyer des milliards de dollars à l’extérieur du Canada.
Notre gouvernement souhaite plutôt garder cet argent ici, développer des technologies chez nous, au Canada, afin de devenir des leaders mondiaux. C’est ma position et c’est la position du gouvernement: nous devons être des leaders incontestables sur la scène internationale.
Monsieur le président, je constate que je vais avoir besoin de la totalité de mes dix minutes, alors je m’excuse auprès de M. Harvey.
Nous avons entendu M. Villeneuve de l’Université du Québec dire: « En terminant, j’aimerais commenter le projet de loi. Ce projet de loi aurait été excellent s’il avait été présenté en 1998. » — ce qui signifie que selon lui, le projet de loi est inadéquat. Si le gouvernement s’était prononcé sur ce projet de loi quand il en avait la possibilité, la situation serait probablement fort différente aujourd’hui.
M. Mark Jaccard s’est montré d’une part d’accord et d’autre part en désaccord avec ces propos lorsqu’il a dit : « Quelqu’un a dit qu’il s’agissait d’un excellent projet de loi pour 1999, mais je pense que non, cela ne laisse pas encore assez de temps. »
Nous avons entendu des professionnels, des scientifiques, dire: « Oui, nous sommes tous d’accord qu’il faut dresser un plan. » Mais quel est le meilleur plan? Est-ce que le projet de loi constitue un bon plan? Il n’est pas fondé sur des considérations scientifiques, mais plutôt sur des considérations politiques.
Le projet de loi établit des échéances; les mesures qu’il propose sont obligatoires et non volontaires. Il ouvre clairement la voie au règlement de la question des gaz à effet de serre. C’est pourquoi j’encouragerais les membres à appuyer le projet de loi . Mais c’est mon opinion personnelle.
Ma question à l’endroit des témoins et à l’endroit de la commissaire pourrait être qualifiée de politique, alors je ne la poserai pas. Voici par contre la question que je vais poser aux témoins — Mme Donnelly, M. Alvarez, M. Hyndman et le témoin de Greenpeace. Croyez-vous que nous sommes en mesure d’atteindre les cibles établies par Kyoto, tel que le recommande ou l’exige le projet de loi , et ce, nonobstant les commentaires de M. Godfrey, selon lesquels il ne faut pas penser uniquement aux cibles établies par Kyoto lorsque l’on évalue le projet de loi C-288.
Le projet de loi C-288 exige que nous atteignions ces cibles. Selon vous, sommes-nous en mesure de réduire de 6 p. 100 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1999? Pouvons-nous y parvenir au Canada? S’agit-il d’un objectif réaliste?
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Il faut se poser deux questions: premièrement, pouvons-nous le faire; et deuxièmement, devrions-nous le faire?
Nous venons de passer les chiffres en revue et, comme le mentionnait Matthew Bramley, le nombre de crédits disponibles si l’on ne tient pas compte de l’air chaud se trouve aux environs de 1,2 ou 1,5 milliard au total sur la période budgétaire de cinq ans. Alors si l’on divise 1,5 milliard par 5, cela donne 300 millions par année. Alors quand vous affirmez que nous pourrions acheter 135 millions de tonnes, cela revient à dire que le Canada pourrait s’approprier la plus grande partie de l’offre totale de crédits, et je ne vois pas comment cela pourrait être possible. Donc si nous choisissons cette voie, je ne peux concevoir comment il serait possible d’obtenir 135 millions de tonnes. Voilà pour la première question.
La deuxième question porte sur l’offre disponible, sur laquelle je viens de vous donner quelques chiffres. Ce que je déplore, c’est qu’à mon avis, l’an dernier, le Bureau du MDP et de l’AC a commis une énorme erreur lorsqu’il a décidé d’accorder des crédits aux fabricants de HCFC-22 des pays en développement. Le HCFC-22 est un gaz à effet de serre extrêmement nocif et il constitue, après le CFC, la substance la plus dommageable pour la couche d’ozone. Alors quand on fabrique du HCFC-22 et qu’on le vend, on se trouve à libérer dans l’environnement une substance appauvrissant la couche d’ozone et un gaz à effet de serre.
La fabrication de HCFC-22 est illégale au Canada. À partir du 1er janvier 2010, sous le régime des lois actuelles, il sera également illégal d’en importer au Canada, parce que nous considérons qu’il s’agit d’une substance dommageable. Jusqu’à maintenant, 51 p. 100 de tous les crédits approuvés par le Bureau du MDP et de l’AC ont été accordés aux fabricants de HCFC-22. L’Agence des États-Unis pour la protection de l’environnement estime qu’à elle seule, cette décision annule toutes les retombées positives attribuables au Protocole de Montréal d’ici 2020 et fait en sorte que seront rejetées dans la haute atmosphère trois milliards de tonnes de gaz à effet de serre qui n’auraient pas été produites autrement.
Avant cette décision, le fabricant moyen de HCFC-22 faisait un profit avant impôts de 500 $US la tonne. Après la décision, le profit avant impôts du même fabricant est passé à 2 600 $. À cause de cette décision, le HCFC-22 est actuellement le produit le plus rentable dans le monde pour ses fabricants.
Alors quand je dis que nous allons pouvoir obtenir 91 millions de tonnes, je considère que la moitié de ce nombre n’aura pas à être acquise parce que nous donnerons de l’argent à des usines qui fabriquent un produit que nous avons déjà jugé tellement dangereux que nous en avons rendu la fabrication et l’importation illégales au Canada.