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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Je voudrais tout d’abord souhaiter la bienvenue à nos invités d’aujourd’hui. Je sais que vous avez été avertis de cette réunion il y a très peu de temps. Nous vous sommes donc très reconnaissants d’être venus.
    Je voudrais également remercier les représentants des ministères de la Santé et de l’Environnement de leur présence. Je vous prie de ne pas hésiter à intervenir au besoin. Je sais que les membres du comité feront appel à vous.
    Je crois que nous allons suivre l’ordre des témoins qui figure dans l’avis de convocation. Je vous serais reconnaissant d’essayer de limiter vos exposés à 10 minutes. Nous aurons ensuite notre premier tour de table, au cours duquel les membres du comité disposeront chacun de 10 minutes. Au deuxième tour de table, les interventions seront limitées à cinq minutes. Je vous demande de répondre aussi brièvement que possible pour permettre au plus grand nombre possible de membres du comité de poser des questions.
    Nous commençons donc par M. Michel Gaudet.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité permanent de l’environnement et du développement durable, je voudrais vous remercier, au nom de l’Association pour la santé environnementale, les hypersensibilités et les allergies du Québec, de nous avoir donné l’occasion de présenter des observations sur la LCPE.
    L’AEHAQ est une organisation à but non lucratif créée afin d’établir les installations et les services nécessaires pour faciliter la vie des personnes souffrant d’hypersensibilités environnementales. Depuis la mise en vigueur de la LCPE en 1999, plusieurs rapports concernant la charge corporelle de produits chimiques aux États-Unis et au Canada ont révélé que les humains recèlent dans leur organisme tout un assortiment de produits chimiques. La charge de produits synthétiques a été mesurée dans toutes les parties du corps. Certains de ces produits peuvent persister dans les tissus adipeux pendant des dizaines d’années, puis être libérés pendant la lactation, la grossesse et dans les périodes de perte de poids et de stress. Même si nous savons que certains produits chimiques causent des maladies, nous ne disposons pas de renseignements complets sur la plupart de ces produits et ne connaissons pas les effets synergiques de cette charge corporelle. Nous ne savons pas non plus quels en seront les effets sur les générations futures.
    La revue National Geographic a publié, dans son numéro d’octobre 2006, un article sur cette contamination généralisée de la population. Cette situation inquiétante est en train d’être dévoilée. On craint beaucoup que le public ait participé, à son insu et sans sa permission, à une expérience chimique qui n’a fait l’objet d’aucun dossier et d’aucun compte rendu.
    Nous savons que de nombreux produits chimiques peuvent occasionner ou déclencher des hypersensibilités. Ce phénomène est connu de l’industrie des pesticides. Au cours d’une étude préliminaire, il a été établi que les gens souffrant d’hypersensibilités environnementales ont des gènes dont la capacité de détoxiquer les médicaments et les produits chimiques présents dans l’environnement est peu élevée et sont donc génétiquement plus susceptibles que d’autres de réagir à des niveaux relativement bas de contaminants environnementaux.
    Les hypersensibilités environnementales constituent un trouble chronique multisystèmes pouvant mener à l’incapacité. Elles peuvent survenir lorsque des personnes deviennent sensibles à des substances ou à des facteurs de la vie quotidienne, à des niveaux bien en deçà de ce qui est considéré comme acceptable pour des gens normaux. Les réactions d’hypersensibilité peuvent être déclenchées par des produits parfumés, des produits de nettoyage, des détergents, des composés volatils, des produits pétrochimiques, etc.
    D’après le Centre de santé environnementale de la Nouvelle-Écosse, les réactions d’hypersensibilité peuvent entraîner « toute une gamme de troubles caractérisés par des symptômes débilitants touchant de multiples systèmes d’organes. La fréquence et la gravité de ces symptômes sont accentuées par l’exposition subséquente, même à très faible dose, à un éventail encore plus vaste de produits chimiques et d’irritants. »
    Les personnes souffrant d’hypersensibilités environnementales attribuent souvent le déclenchement de leurs troubles à des expositions aiguës ou chroniques à des produits chimiques. Une récente enquête de l’AEHAQ a révélé que, pour la majorité des répondants, leur hypersensibilité est due à l’exposition à un produit chimique.
    À cause d’une contamination croissante de l’environnement, le nombre des personnes souffrant d’hypersensibilités environnementales augmente régulièrement. D’après une étude publiée par la revue Environmental Health Perspectives, dont les articles sont contrôlés par des collègues des auteurs, 12,6 p. 100 de la population souffre de sensibilité aux agressions chimiques. Parmi les personnes atteintes, 13,7 p. 100, soit 1,8 p. 100 de la population, ont des symptômes assez graves pour perdre leur emploi. La revue EHP est l’organe du National Institute of Environmental Health Sciences, qui fait partie du ministère américain de la Santé et des Services humains. Une extrapolation de ces chiffres permet de croire que près de 4 millions de Canadiens souffrent d’hypersensibilités environnementales et qu’un demi-million sont incapables de travailler.
    Un rapport publié dans la revue en 2000 estime qu’un travailleur canadien sur huit est sensiblement affecté ou en congé de maladie à cause de produits chimiques et de moisissures présents dans les lieux de travail. La perte de productivité correspondante coûte à l’économie canadienne 10 milliards de dollars par an. Les mauvais diagnostics, les traitements inefficaces ou contre-indiqués et les prestations d’invalidité coûtent également des milliards de dollars par an aux Canadiens. Un million de Canadiens sont sous-employés et ont besoin de rénover leur maison pour remédier à leur hypersensibilité, un demi-million sont au chômage et des milliers sont sans abri. L’éclatement de la famille et le suicide ne sont pas rares dans ces conditions.
    Les effets de l’hypersensibilité environnementale peuvent être dévastateurs. Des personnes productives deviennent intolérantes à leur environnement au travail, à la maison, à l’école, dans les hôpitaux et dans les endroits publics. Beaucoup perdent leur emploi et d’autres perdent leur maison. Trop souvent, les économies y passent et certains s’endettent pour essayer de créer des conditions de vie plus saines et pour payer des traitements. Malheureusement, malgré leurs aptitudes et un niveau d’éducation élevé, plusieurs malades finissent à l’aide sociale. Beaucoup doivent s’isoler socialement car ils doivent se retirer des endroits et des activités qu’ils aiment.
    Toutefois, l’état des malades s’améliore sensiblement s’ils peuvent trouver un environnement exempt de produits toxiques pour vivre et travailler. D’après une étude dirigée par la Société centrale d’hypothèques et de logement, l’état de santé de 86 p. 100 des personnes hypersensibles s’améliore nettement si elles ont un logement adéquat. Certaines d’entre elles, qui avaient fait l’objet de sombres pronostics, se sont presque complètement rétablies.
(1535)
    De nombreuses études démontrent que la stratégie la plus efficace de gestion des hypersensibilités consiste à éviter toute autre exposition à des produits chimiques. Il faut respirer de l’air pur, boire une eau propre, manger des aliments organiques et utiliser uniquement des produits non toxiques dans tous les aspects de la vie. Des membres de l’AEHAQ nous ont dit que cela est quasiment impossible dans le monde chimique où nous vivons. Il n’y a pratiquement plus d’endroits où l’on peut se cacher.
    Par conséquent, l’AEHAQ exhorte le comité à élaborer une LCPE ferme et responsable, car cette loi joue un rôle central dans la gestion et la prévention des hypersensibilités environnementales. L’AEHAQ n’a pas les ressources nécessaires pour faire correspondre ses recommandations à chacune des dispositions de la LCPE. Nous présentons une liste détaillée de recommandations dans notre mémoire.
    Je vais vous présenter un résumé de ces recommandations.
    Il faut reconnaître que les personnes atteintes d’hypersensibilités environnementales constituent un segment vulnérable de la population.
    Le principe de précaution doit être inscrit dans toutes les parties de la loi afin de protéger les Canadiens contre les produits toxiques à la maison, au travail et dans la collectivité.
    Seuls les produits chimiques et les pesticides manifestement sûrs pour les segments les plus vulnérables de la population devraient être homologués et approuvés pour utilisation au Canada. Tous les Canadiens devraient pouvoir utiliser exclusivement des produits non toxiques dans leur vie quotidienne. Il faudrait donner à l’industrie un délai maximal d’un an pour exclure tous les produits toxiques de sa production.
    Des mesures législatives et une campagne de sensibilisation sont nécessaires pour renseigner le public sur les produits non toxiques.
    La LCPE doit définir des normes pour les produits écologiques, sur le modèle des normes établies pour l’agriculture biologique et la lutte antiparasitaire écologique.
    L’industrie doit énumérer toutes les substances chimiques présentes dans tous les produits et en préciser les effets négatifs sur la santé en termes clairs et faciles à comprendre, tout comme l’industrie des produits pharmaceutiques doit le faire dans la publicité des médicaments. L’étiquetage des produits doit être obligatoire, de même que la mention des sensibilisants, des cancérogènes, des mutagènes, des modulateurs endocriniens, etc.
    La LCPE doit contenir des dispositions permettant d’imposer des essais au hasard de produits pris sur les étagères. La violation des règles d’étiquetage devrait entraîner de lourdes amendes et le retrait immédiat des produits en cause.
    Les essais établissant la sécurité des produits chimiques doivent se faire dans un délai très court. Les délais actuellement prévus pour chaque étape du processus d’établissement de la sécurité d’un produit chimique sont beaucoup trop longs.
    Pour ce qui est du fardeau de la preuve, l’obligation de prouver qu’un bien manufacturé ne nuit en aucune façon à la santé humaine ou à l’environnement doit entièrement incomber à l’industrie.
    Les essais doivent porter sur tous les aspects de la toxicité et doivent englober les effets synergiques des mélanges de produits.
    Le public doit être informé de l’existence de produits de faible toxicité dès qu’ils deviennent disponibles, et les produits toxiques qu’ils remplacent doivent immédiatement être retirés du commerce.
    Dès qu’il est établi qu’un produit présente un risque de toxicité, il doit immédiatement être retiré du commerce. Le public doit en être informé sur-le-champ pour que les gens puissent se débarrasser d’une manière appropriée de tels produits qu’ils ont chez eux ou au travail.
    Les recettes tirées des amendes imposées devraient servir à traiter les gens qui souffrent d’hypersensibilités environnementales. Elles devraient notamment être utilisées pour leur trouver des logements abordables sûrs et exempts de produits chimiques, les réadapter, financer des groupes qui s’occupent d’eux, établir des programmes qui permettent de protéger la santé en évitant les produits toxiques et de subventionner la production de produits de remplacement de faible toxicité.
    Il faudrait diffuser des avis appropriés sur la qualité de l’air, énumérant les produits chimiques présents à l’intérieur des immeubles et des établissements commerciaux.
    Le comité consultatif national établi par la LCPE doit comprendre, parmi ses membres, des ONG environnementales, et particulièrement celles qui représentent des groupes vulnérables. Les comptes rendus des délibérations de ce comité doivent être à la disposition du public.
    Sur le plan de la transparence, le public doit pouvoir accéder facilement à tous les dossiers et données concernant la production et la distribution de produits chimiques, la charge corporelle, les effets négatifs sur la santé et la dégradation de l’environnement. Les Canadiens ont le droit de savoir quels matériaux et substances sont utilisés dans leur maison, leur lieu de travail, leur collectivité et leur environnement. Cela leur permettra de faire le lien entre l’exposition et les troubles de santé et de signaler ces effets au gouvernement.
    Les plaintes concernant un bien ou un produit chimique devraient entraîner des mesures immédiates visant leur retrait et leur analyse, dans cet ordre. La santé des personnes et de l’environnement devrait toujours prendre le pas sur les intérêts des sociétés.
    Les Canadiens sont de plus en plus conscients du danger des produits chimiques présents dans leur environnement. Ils s’attendent à une LCPE énergique axée sur la protection de la santé.
    L’AEHAQ exhorte le Comité permanent de l’environnement et du développement durable à mentionner dans son rapport au Parlement que les hypersensibilités environnementales et la sensibilité aux agressions chimiques constituent une importante préoccupation pour le public, qu’elles affectent et handicapent de nombreux Canadiens qui sont exposés, sans le vouloir et souvent sans le savoir, à des produits chimiques toxiques et à un environnement contaminé, et qu’hypersensibilités environnementales et sensibilité aux agressions chimiques constituent l’un des nombreux effets négatifs d’une telle exposition.
    Je vous remercie.
(1540)
    Merci beaucoup.
    Je crois que Kathleen Cooper est la suivante.
    Bonjour. Je m’appelle Kathleen Cooper. Je suis recherchiste principale à l’Association canadienne du droit de l’environnement. Je suis également présidente du comité de coordination et du comité des politiques du Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement, regroupement d’organisations s’occupant de santé publique, d’environnement et de protection des enfants établi pour affronter la vulnérabilité particulière des enfants aux substances toxiques. Vous trouverez une liste des organisations membres du partenariat à la dernière page de la brochure que j’ai distribuée.
    Je vais passer en revue quelques diapositives tirées du document intitulé Ce qu’il faut savoir sur la santé des enfants et l’environnement. J’en ai distribué quelques exemplaires aujourd’hui. Je peux vous en fournir davantage s’il n’y en a pas assez. Ce document a pour objet d’aider les médias, le public, les fournisseurs de services et les décideurs comme vous à comprendre un sujet très vaste et très complexe. Vous en trouverez le résumé dans la brochure, qui est axée sur ce que les parents peuvent faire pour éviter les principaux risques d’exposition.
    Nous avons préparé ces documents pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous avions besoin, parmi les groupes du partenariat, de mieux comprendre un domaine très vaste afin de déterminer les préoccupations les plus importantes et de cerner les secteurs sur lesquels nous devons concentrer notre attention. Ensuite, nous avons pensé qu’il était nécessaire de mieux sensibiliser le public à des risques souvent méconnus d’exposition à des substances toxiques. Enfin, nous avons estimé qu’il convenait de rendre le public plus conscient du problème pour qu’il puisse participer à des discussions comme celle d’aujourd’hui concernant les modifications à apporter aux politiques pour mieux affronter ces risques.
    Notre partenariat en est à la deuxième année d’une campagne pluriannuelle de sensibilisation. Nous avons imprimé 10 000 exemplaires du document et avons distribué plus de 200 000 brochures partout au Canada. Cette documentation est également disponible en ligne dans les deux langues officielles. Nous nous attendons à ce qu’elle continue à susciter de l’intérêt, à mesure que les gens deviennent plus conscients des problèmes qui existent.
    Je commencerai par vous exposer les grandes lignes de ce que nous faisons et de ce que nous avons découvert. Je vous présenterai ensuite quelques-unes des grandes recommandations du partenariat, en y ajoutant des détails découlant des autres travaux réalisés dans ma propre organisation. Je voudrais remercier encore les techniciens de m’avoir permis d’installer mon matériel à si bref délai.
    L’un des principaux concepts liés aux risques pour les enfants est qu’ils sont plus vulnérables que les adultes, surtout avant leur naissance. Il y a là une notion de créneaux de vulnérabilité. Vous connaissez le vieil adage selon lequel la dose fait le poison. Même si cela est souvent vrai, il y a aussi un élément temps qui joue un rôle déterminant dans le cas des enfants. Par exemple, une exposition à des solvants organiques, du plomb ou du mercure, qui ne serait pas nocive pour un adulte, peut avoir de très graves conséquences aux stades critiques du développement du fœtus. Pendant toute la grossesse, les principaux systèmes de l’organisme se développent. La plupart des substances toxiques passent à travers le placenta. Le fœtus partage donc la charge corporelle de produits chimiques de sa mère. La plupart des organes et des systèmes du corps n’ont pas encore atteint la maturité à la naissance et continuent à se développer pendant la petite enfance.
    En fait, le développement de certains systèmes se poursuit pendant des années. Les poumons et le cerveau continuent de croître jusqu’à la fin de l’adolescence. La puberté et les années qui la précèdent directement constituent une période de vulnérabilité particulière du système reproducteur. Les données recueillies nous ont amenés à soupçonner que l’exposition à des produits chimiques aussi bien in utero qu’aux premiers stades de la puberté peut contribuer au développement du cancer du sein plus tard dans la vie. Comme le montre cette illustration, il existe des créneaux de vulnérabilité à tout moment pour l’ensemble de la population humaine.
    Comme je l’ai mentionné, l’un des objectifs de notre recherche des six dernières années était de rédiger du matériel éducatif grâce à une meilleure compréhension de ce très vaste sujet. Son étendue et sa gravité peuvent être alarmantes, mais nous ne tenons pas à inquiéter les gens sans nécessité. Nous nous demandons quels effets sur la santé et quelles expositions comptent le plus, qu’est-ce que les gens peuvent faire pour les affronter et quelle doit être la réaction des décideurs.
    L’un des moyens de définir les priorités consiste à s’intéresser en premier aux effets sur la santé qui touchent un grand nombre d’enfants. Cette diapositive résume les effets les plus importants ainsi que les systèmes et les processus de développement les plus touchés. Vous connaissez déjà les préoccupations que suscitent l’asthme et d’autres troubles respiratoires. Au Canada, 12 p. 100 des enfants présentent un diagnostic positif d’asthme, ce qui représente une incidence quatre fois plus élevée qu’au début des années 1980. Le rôle de la pollution atmosphérique en tant que facteur contributif est bien établi.
    Les effets sur le développement du cerveau sont particulièrement inquiétants. Nous savons qu’environ 25 p. 100 des enfants canadiens ont des difficultés d’apprentissage ou des problèmes de comportement. Nous avons besoin de faire plus de recherches pour déterminer si les contaminants environnementaux jouent un rôle dans ce phénomène et dans quelle mesure ils y contribuent. Nous savons que les enfants sont couramment exposés à de faibles doses de produits chimiques soupçonnés d’être toxiques pour un cerveau en développement. Nous devons nous demander quels risques nous courons de ce fait.
(1545)
    Le cancer est un autre sujet de préoccupation important. Heureusement, le cancer est très rare chez les enfants, mais il constitue la principale cause des décès liés à une maladie chez les enfants de plus d’un an. Toutefois, l’incidence de plusieurs cancers, notamment dans le système endocrinien, est en hausse rapide parmi les jeunes adultes du Canada, c’est-à-dire entre 20 et 44 ans. Et bien sûr, nous continuons à connaître une épidémie de cancer du sein, qui touche également le système endocrinien. La sensibilité aux produits chimiques aux premiers stades de la vie a probablement quelque chose à voir avec le développement de ces cancers chez les jeunes adultes.
    Les effets sur la reproduction et le développement sont directement associés à certains contaminants. Ils peuvent aussi se manifester par l’entremise d’effets sur le système endocrinien. On s’inquiète aussi des effets sur le système immunitaire. Enfin, certains contaminants, comme le plomb, le mercure, les phtalates, les PBDE, certains pesticides, etc., sont liés à de multiples effets sur la santé. Ce sont les plus inquiétants et ceux qui nécessitent l’attention la plus urgente. Il importe de reconnaître que, pour chacun de ces systèmes et pour l’état de santé général, de nombreux facteurs sont en jeu. C’est ce qu’on appelle en général les déterminants de la santé, dont les facteurs environnementaux font partie.
    Nous connaissons le mieux les effets respiratoires. Dans le cas des autres effets sur la santé, nous n’avons pu établir des liens clairs qu’avec un petit nombre de substances. Nous savons cependant que des centaines ou plutôt des milliers de contaminants sont soupçonnés de jouer un rôle dans un ou plusieurs des effets les plus importants sur la santé des enfants, mais nos connaissances à ce sujet sont incomplètes. Il n’en reste pas moins que ce que nous savons, comme ce que nous continuons à découvrir, est extrêmement troublant.
    Quels sont donc les expositions qui comptent le plus? C’est une autre des questions que nous nous sommes posés. Cette illustration montre les nombreux moyens par lesquels le fœtus et l’enfant sont exposés à des contaminants environnementaux. Il y a un autre aspect de la vulnérabilité des enfants: nous savons qu’ils sont plus exposés que les adultes. Pour ce qui est des effets les plus importants sur la santé des enfants, nous avons conclu que les principales voies d’exposition comprennent l’air intérieur et extérieur, les aliments et les biens de consommation. Il y a beaucoup de chevauchements dans ces biens parce que les contaminants de l’air intérieur et des aliments proviennent souvent des produits chimiques contenus dans les biens de consommation. Les poussières intérieures semblent également constituer une importante voie d’exposition. Encore une fois, elles émanent souvent de substances toxiques peu ou pas réglementées contenues dans les biens de consommation.
    Pour illustrer quelques-uns de ces points, je voudrais vous donner un exemple que vous connaissez peut-être. Ce graphique présente les courbes de tendance de certains produits chimiques mesurés dans le lait maternel en Suède depuis les années 1970. Je voudrais faire trois observations au sujet de ce graphique.
    La Suède procède à une surveillance biologique nationale du lait maternel depuis les années 1970 – nous aurions dû le faire aussi – ainsi qu’à une surveillance biologique d’autres produits chimiques présents dans le sang et l’urine. Statistique Canada a l’intention d’entreprendre une étude dans quelques mois. Il devrait s’agir d’un examen semestriel courant, et non d’une étude d’un an, permettant d’obtenir le même genre de courbes de tendance. La deuxième chose que vous pourrez observer sur le graphique est l’incidence de la réglementation. Les niveaux de BPC et de métabolite de DDT ont baissé dans les années 1970 après l’interdiction de l’utilisation de ces produits. Vous pouvez également voir la courbe de tendance des PBDE provenant des ignifugeants bromés. Aussitôt que l’utilisation de ces produits a augmenté au début des années 1980, le niveau de ce contaminant dans le lait maternel a commencé à monter. Ces données ont servi de base au processus réglementaire. Lorsque les autorités suédoises ont vu à quel rythme le niveau augmentait, elles se sont empressées d’interdire deux des mélanges commerciaux les plus courants de PBDE. Aussitôt après, le niveau de PBDE dans le lait maternel a commencé à baisser, comme vous pouvez le constater vers la fin des années 1990. La dernière chose à remarquer dans ce graphique, c’est que 30 ans après leur interdiction, le DDT et les BPC sont encore présents dans le lait maternel, même si les concentrations continuent à baisser. Comme les PBDE, ces produits hautement toxiques sont persistants. Voilà pourquoi il était important de les interdire.
    Au Canada, 10 ans après que la Suède a pris des mesures réglementaires au sujet des PBDE, nous en avons encore des concentrations entre cinq et dix fois supérieures à celles de la Suède dans le lait maternel. Le rapport canadien sur l’état des connaissances scientifiques en matière de PBDE est déjà vieux de deux ans, sans compter qu’il se fondait sur des données scientifiques désuètes. La stratégie de gestion du risque proposée dans la LCPE à l’égard de ces produits chimiques fait actuellement l’objet de consultations. Nous parlerons donc du problème pendant deux autres années au moins. Ensuite, nous tiendrons d’autres consultations avant d’adopter un règlement interdisant les mélanges de PBDE que les grands fabricants américains ont déjà cessé de produire il y a deux ans. En ce moment, la Suède et d’autres pays progressistes européens s’efforcent d’éliminer le reste du problème en se débarrassant des PBDE qui sont encore produits. Pendant ce temps, en application de sa stratégie de gestion du risque, le Canada ne fait rien pour affronter l’essentiel du problème.
(1550)
    Il est vraiment frustrant de lire un document comme celui-ci, qui ne fait que maintenir le statu quo. Il fixe un objectif minimal ou inefficace qu’il est déjà facile d’atteindre, en laissant le reste du problème sans solution. Dans votre examen de la LCPE, vous devez faire quelque chose pour régler ce problème qui se répète sans cesse concernant notre façon de réglementer les produits chimiques au Canada. Je peux vous donner d’autres exemples.
    Je voudrais terminer en présentant les recommandations sur lesquelles le partenariat s’est entendu et que j’ai résumées dans ces diapositives.
    La première concerne la réduction progressive et l'élimination de la pauvreté chez les enfants. Encore une fois, nous parlons ici d’un grand nombre d’enfants. Au Canada, un enfant sur cinq vit dans la pauvreté, qui constitue un autre des déterminants de la santé. Il est établi que la pauvreté contribue à une exposition sensiblement plus importante aux contaminants environnementaux. Par conséquent, son élimination chez les enfants réduirait nécessairement leur exposition.
    La deuxième et la troisième recommandations sont des appels à la recherche. Tout d’abord, nous avons besoin d’autres recherches ainsi que de mesures correspondantes d’élaboration de politiques pour trouver des produits non toxiques plus sûrs afin de remplacer les produits chimiques et les pesticides toxiques. Il est également important pour vous d’appuyer une augmentation de la recherche et de la surveillance biologique au Canada. Deux exemples sont mentionnés ici: un programme national de surveillance biologique et une étude longitudinale semblable à l’étude nationale sur les enfants menée aux États-Unis.
    Les quatre dernières recommandations traitent des modifications à apporter à la LCPE et aux politiques d’application connexes. Il s’agit d’énoncés généraux destinés à concentrer l’attention sur la pollution atmosphérique toxique et génératrice de smog et à combler les lacunes dans la réglementation des substances toxiques et des biens de consommation. Nous préconisons une évaluation obligatoire, et non discrétionnaire, des effets sur un cerveau en développement de toutes les substances potentiellement dangereuses.
    J’espère que toutes ces recommandations, et la dernière en particulier, pourront faire l’objet de discussions avec vous aujourd’hui. La plupart sont exposées en détail dans le mémoire que nous avons présenté à votre comité en juin 2006.
    Pour conclure, je voudrais signaler que nous venons de terminer au Canada, comme vous le savez sûrement, un effort pluriannuel de révision de la Loi sur les produits antiparasitaires. Je voudrais donc vous exhorter à prévoir, dans vos délibérations sur la LCPE, d’inclure dans cette loi au moins le même niveau de protection des enfants que nous avons maintenant dans la Loi sur les produits antiparasitaires. Cette mesure législative comprend aujourd’hui plusieurs exigences précises imposant de tenir compte de la santé des enfants et de mettre en pratique le principe de précaution dans le fardeau de la preuve: si une entreprise cherche à faire homologuer un pesticide, elle doit démontrer que le produit ne causera aucun préjudice avant que son utilisation ne soit permise au Canada.
    Comme j’ai probablement parlé au moins 10 minutes, je vais m’arrêter là. Merci beaucoup pour le temps que vous m’avez accordé.
    Merci à vous. En fait, vous avez parlé pendant 13 minutes et 14 secondes.
    Je dois vous demander d’essayer de vous en tenir à 10 minutes pour que nous puissions suivre notre horaire et avoir la possibilité de vous poser le plus grand nombre possible de questions.
    Mme Inka Milewski, du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, est notre témoin suivant.
    Je m’appelle Inka Milewski. Je suis conseillère scientifique au Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, qui est l’un des trois groupes environnementaux les plus anciens du Canada. Notre organisation est financée par ses membres.
    Pour ce qui est du sujet d’aujourd’hui, les écosystèmes et les populations vulnérables, le Conseil de conservation croit qu’il y a deux lacunes importantes dans la LCPE. La première est l’absence de réglementation des déversements de nutriments dans les eaux côtières et la seconde, l’absence de normes nationales obligatoires concernant les contaminants du sol, des sédiments et de l’eau auxquels sont exposées les populations vivant à proximité d’établissements industriels.
    Je vais aborder séparément chacune de ces questions. Dans le cas de la réglementation des déversements de nutriments, le Conseil de conservation présente des mémoires à ce sujet au comité permanent de l’environnement depuis 10 ans. Je vais vous en parler encore une fois dans l’espoir que des mesures seront finalement prises.
    Depuis 1990, les experts mondiaux en pollution marine déclarent que les nutriments, et particulièrement les composés azotés, constituent la catégorie de polluants la plus nuisible à l’environnement marin. Les milieux scientifiques n’ont aucun doute quant aux effets préjudiciables d’une charge excessive en nutriments dans les eaux côtières. Le déversement incontrôlé d’éléments nutritifs provenant des usines municipales de traitement des eaux usées, des usines de pâtes et papiers, des usines de transformation du poisson, des établissements d’aquaculture et des exploitations d’élevage intensif peut déclencher une série de réactions écologiques qui finissent par créer des zones mortes par appauvrissement en oxygène. Les poissons meurent et les habitats côtiers complexes et divers se transforment en paysages marins stériles dominés par quelques espèces. En 2001, le Programme des Nations Unies pour l’environnement a publié un rapport sur l’état des océans du monde établissant l’existence dans le monde de 50 zones mortes. En 2004, ce chiffre était passé à 150 et, en 2006, d’après un rapport paru la semaine dernière, nous en sommes à 200. Nous avons donc 200 zones mortes dans les eaux côtières du monde.
    Nos eaux ne sont pas à l’abri de ce phénomène. Dans l’Île-du-Prince-Édouard, des épisodes d’appauvrissement en oxygène et de mortalité massive de poissons dus à la charge en nutriments provenant du lessivage des terres cultivées sont signalés chaque année à 18 à 20 sites de la province. Au Nouveau-Brunswick, une étude réalisée en 2002 par des chercheurs de l’Université Dalhousie et du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick a révélé que, sur les dix estuaires étudiés dans le nord et l’est de la province, sept manifestaient des symptômes modérés ou graves de charge excessive en nutriments. Beaucoup de zones côtières de la région de Quoddy, dans la baie de Fundy, présentent les mêmes symptômes, surtout à proximité de sources ponctuelles telles que les établissements d’aquaculture.
    Dans sa version actuelle, la LCPE ne contient aucune disposition liée au problème du déversement de nutriments dans l’environnement marin. D’après notre analyse, que nous vous avons fait parvenir en 2004 et en 2006 – vous devriez l'avoir reçue en mai –, la LCPE est un moyen approprié de réglementation des nutriments. Il serait possible de modifier les dispositions relatives aux substances nutritives – partie 7, section 1, articles 116 à 199 – pour tenir compte de composés azotés tels que l’ammoniaque, les nitrates et les nitrites. L’ammoniaque figure actuellement dans la liste des substances d’intérêt prioritaire de la LCPE. Les déversements d’ammoniaque de différentes sources ponctuelles constituent une partie assez importante de la charge azotée ou de la charge de nutriments de nos écosystèmes côtiers.
    Les modifications apportées à la partie 7 étendraient les pouvoirs actuels du gouverneur en conseil aux nutriments autres que les phosphates. Les phosphates sont les éléments à surveiller en eau douce. Dans les systèmes marins, il est plus important de s’occuper des composés azotés. On pourrait limiter la concentration en azote et en effluents dans les émissions. Le ministre pourrait en outre fixer une charge quotidienne maximale pour une masse d’eau donnée, comme on le fait aux États-Unis, les provinces pouvant ensuite la répartir entre les différents utilisateurs.
    Le gouvernement du Canada doit agir rapidement pour contrôler les déversements de nutriments dans les eaux côtières où vivent 75 p. 100 des espèces commerciales. Le rapport publié la semaine dernière dans la revue Science prévoit un effondrement total des pêches commerciales d’espèces comestibles d’ici 2048, à moins que des mesures ne soient prises contre la surpêche, la destruction des habitats et la pollution, notamment représentée par la charge en nutriments. Ce rapport devrait contenir toutes les preuves dont le gouvernement a besoin pour commencer à réglementer les déversements de nutriments.
    Au sujet de la seconde lacune de la LCPE, liée à la protection des populations vulnérables au voisinage d’établissements industriels, nous croyons que tous les gens qui vivent aux alentours d’usines telles que les fonderies, les raffineries, les centrales au charbon, les incinérateurs de déchets, etc. sont vulnérables. Ceux qui vivent le plus près des sources de pollution courent plus de risques d’exposition que ceux qui vivent à une certaine distance. Beaucoup des polluants émis, comme les métaux, sont persistants, s’accumulent dans le sol, puis s’accumulent ou sont bioamplifiés dans les animaux et les végétaux que consomment par la suite les gens des alentours.
(1555)
    Même si la LCPE établit des normes d’émission pour toute une gamme de polluants, elle n’aborde pas le problème de l’accumulation de ces substances dans l’environnement. Cet aspect de la protection environnementale est censé être couvert par d’autres organismes, comme Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les deux ont élaboré quelques lignes directrices, plutôt que des règlements, concernant les concentrations admissibles de certains contaminants dans certains produits alimentaires. Le Conseil canadien des ministres de l’Environnement a défini des lignes directrices volontaires, qu’on ne peut donc pas mettre en vigueur, ayant trait aux polluants dans les sols, les sédiments et l’eau. Les provinces sont libres de faire appliquer ou non ces lignes directrices.
    Des limites obligatoires sont nécessaires pour les polluants dans les sols, les sédiments et l’eau afin de protéger les gens qui vivent au voisinage immédiat d’établissements industriels. Ces gens sont plus vulnérables que ceux qui vivent plus loin. L’exemple de Belledune, au Nouveau-Brunswick, témoigne de ce fait. Je crois que je vous ai déjà envoyé un exemplaire de ce rapport en août. La traduction française, Développer à en mourir - L’héritage en plomb de Belledune, est maintenant disponible.
    En 2003, après avoir vécu pendant une quarantaine d’années tout près d’une fonderie de plomb, les habitants de Belledune ont, pour la première fois, fait faire des prélèvements chez eux. Ils ont ainsi découvert que leurs cours et leurs jardins contenaient des concentrations de plomb, de cadmium, de zinc, de thallium et d’arsenic supérieures aux lignes directrices sur la qualité des sols agricoles et résidentiels établies par le Conseil canadien des ministres de l’Environnement. En 2005, lorsque la province a publié les résultats d’une étude de santé réalisée à Belledune, les habitants ont appris qu’ils avaient les taux les plus élevés de maladie, de cancer et de mortalité de toute la province. Ils ont également découvert que certains des légumes, des baies et des produits de la mer qu’ils consommaient depuis des années contenaient des niveaux élevés de plomb et de cadmium.
    Au lieu d’ordonner un nettoyage complet des secteurs contaminés, la province a décidé de procéder à une évaluation des risques, qui revenait en réalité à évaluer les risques d’une évaluation des risques. En dépit du fait que les lignes directrices du Conseil canadien des ministres de l’Environnement avaient été définies sur la base d’une évaluation des risques de santé, la province a demandé à des consultants de faire une autre évaluation des risques. L’étude a abouti à la conclusion que le sol et les légumes ne représentaient pas une voie d’exposition importante, mais que les produits de la mer constituaient une telle voie. En même temps, une étude distincte a révélé que les enfants vivant dans deux quartiers très proches de la fonderie avaient des taux sanguins de plomb deux fois et demie supérieurs à ceux d’enfants vivant plus loin. Soit dit en passant, à l’endroit ou vivent ces enfants, le sol contenait entre deux et quatre fois la concentration de plomb du sol des enfants vivant plus loin.
    Pour ce qui est de la teneur élevée en métaux de certains légumes, la province a dit que Santé Canada, et je cite, « n’a pas établi des lignes directrices concernant les limites de résidus de plomb dans les produits alimentaires ». Certaines baies et certains légumes analysés dans la région de Belledune avaient des taux de plomb allant jusqu’à quatre fois la limite établie par Santé Canada dans ses lignes directrices relatives aux conserves de tomates entières, mais la province a décrété qu’on ne pouvait pas se servir de cette limite pour faire des comparaisons ou tirer des conclusions concernant la teneur en plomb de ces baies.
    Comme le montre l’exemple de Belledune, les limites d’émission et de déversement définies en vertu de la LCPE pour les polluants provenant de sources industrielles ne sont pas suffisantes pour prévenir l’accumulation de polluants dans l’environnement et leurs effets sur les populations vulnérables. Les gens qui vivent à proximité d’une source de pollution ont besoin d’une protection allant au-delà des limites d’émission prescrites ou des lignes directrices volontaires du Conseil canadien des ministres de l’Environnement sur la qualité des sols. Le gouvernement du Canada doit intervenir pour fixer, en vertu de la LCPE, des normes nationales obligatoires concernant les contaminants qui s’accumulent et persistent dans les sols, les sédiments et l’eau par suite d’activités industrielles.
    Je vous remercie.
(1600)
    Merci beaucoup.
    Notre témoin suivant est Donald Spady, de l’Université de l’Alberta.
    Monsieur le président et membres du comité, je m’appelle Donald Spady. Je suis pédiatre à l’Université de l’Alberta. Je voudrais remercier le comité de m’avoir donné l’occasion de lui présenter quelques renseignements concernant la législation sur la santé des enfants et l’environnement.
    Je suis ici parce qu’en septembre 2004, Santé Canada m’a donné le mandat de faire enquête sur les instruments de gouvernance, c’est-à-dire les lois, les règlements et les lignes directrices liées à la santé des enfants et de l’environnement dans les pays de l’OCDE, à l’exclusion du Canada.
    Les enfants ne sont souvent considérés que d’une façon marginale lors de l’élaboration de mesures législatives. Toutefois, en vue de l’établissement de nouvelles lois chez nous, Santé Canada a décidé de passer en revue la législation des pays de l’OCDE liée à la salubrité de l’environnement pour les enfants. Je voudrais aborder aujourd’hui quelques questions découlant de notre recherche, dans l’espoir qu’elles seront utiles dans le cadre de l’élaboration de nos mesures législatives.
    À part le fait que les enfants constituent l’avenir du Canada et que les événements qui influent sur l’environnement et l’enfance ont des répercussions sur la santé et la productivité future du pays, nous pourrions nous demander pourquoi il est tellement important de tenir compte des enfants dans l’élaboration de lois sur la santé environnementale. Kathy Cooper a décrit avec éloquence la vulnérabilité particulière des enfants, ce qui me permettra d’épargner quelque trois minutes et 13 secondes du temps du comité en ne répétant pas la même chose.
    Je n’aborderai pas les détails de notre enquête et ne vous dirai pas grand-chose de ses conclusions précises. Les détails de ce que nous avons fait et découvert se trouvent dans le mémoire que nous avons présenté au comité il y a quelques mois. Qu’il me suffise de dire que nous n’avons trouvé que très peu d’instruments de gouvernance dont l’élaboration et la mise en œuvre tenaient particulièrement compte des enfants.
    Je voudrais consacrer le reste de mon temps à quelques conclusions générales ainsi qu’aux mesures que nous croyons nécessaires. L’un des problèmes, en matière de législation environnementale, est qu’il y a dans l’environnement un nombre extraordinaire de produits chimiques – plus de 100 000 – susceptibles de nous affecter. Je dis « susceptibles » parce que la plupart de ces produits n’ont pas fait l’objet d’évaluations sérieuses. La plupart de ces composés sont présents dans notre organisme en quantités minuscules, mais, dans la plupart des cas, nous ne savons pas quelle concentration sanguine d’un produit peut être dangereuse pour les humains. Nous ne savons pas non plus quelles combinaisons de produits peuvent avoir des effets sur notre santé. Nous sommes dans l’obscurité. Pourtant, l’attitude adoptée par les fabricants de ces composés envers la société consiste à affirmer qu’ils sont sûrs tant qu’on n’aura pas prouvé qu’ils sont dangereux.
    Dans un monde idéal, il faudrait évaluer la sécurité de tous les composés avant d’en autoriser l’utilisation dans l’industrie ou ailleurs. En pratique, ce n’est pas le cas. Très peu d’entre eux ont fait l’objet d’évaluations sérieuses de ce genre. Cette attitude est attribuable, d’une part, au coût très élevé de l’évaluation de la sécurité de beaucoup de composés et, de l’autre, à une réglementation laxiste de leur introduction et de leur utilisation.
    L’une de nos recommandations est de changer la philosophie de réglementation: il faudrait commencer par prouver qu’un nouveau composé est sûr avant d’en autoriser l’utilisation. C’est l’approche que l’Europe envisage d’adopter dans le cadre de la nouvelle proposition REACH concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques. Dans le régime proposé, l’utilisation d’un composé ne serait permise que si sa sécurité est établie au préalable. La proposition prévoit une certaine marge de manœuvre parce qu’elle ne s’appliquera au départ qu’aux composés dont la production dépasse un certain volume. Toutefois, certains produits peuvent être soumis à la réglementation, même s’ils ne doivent être vendus qu’en très faibles quantités, si on juge qu’ils présentent un risque particulier.
    La proposition devrait être adoptée en 2007 et s’appliquera alors non seulement à l’Europe, mais à tout fabricant qui veut vendre ses produits en Europe. Comme cela finira par comprendre les fabricants canadiens et américains, il serait raisonnable d’adopter, dans la législation canadienne, le principe général de culpabilité à moins de preuve d’innocence en remplacement du principe actuel d’innocence à moins de preuve de culpabilité. Une telle approche pourrait inciter l’industrie à évaluer la sécurité de différents composés en étalant la charge de l’évaluation sur un plus grand nombre de partenaires, ce qui permettrait de réduire les coûts. Mais peut-être serait-ce trop demander que de s’attendre à un tel degré de coopération entre les différents intervenants de l’industrie.
    La deuxième conclusion générale, c’est qu’il faudrait que les mesures législatives envisagées se fondent ordinairement sur le principe de précaution. D’après ce principe, si une activité risque de nuire à la santé humaine ou à l’environnement, il convient de prendre des précautions mêmes en l’absence de preuves scientifiques concluantes de l’existence de relations de causalité. L’industrie considère souvent que ce principe n’est qu’un moyen d’empêcher l’introduction de nouvelles substances. Ce n’est pas le cas. Il ne fait que préconiser une approche prudente face à une situation potentiellement dangereuse. En fait, le principe de précaution devrait favoriser la recherche sur la sécurité des nouveaux composés, plutôt que d’être considéré comme un mécanisme destiné à freiner inutilement l’introduction de ces produits.
    Nous n’avons trouvé que très peu de lois basées sur le principe de précaution, et ce que nous avons trouvé venait essentiellement de l’Union européenne.
(1605)
    Le troisième message que je veux vous transmettre – et c’est probablement le plus important –, c’est qu’il faudrait essentiellement considérer en priorité les besoins des enfants. Parmi les Canadiens, ils sont les plus vulnérables et ils représentent notre avenir. Nous recommandons donc que toutes les initiatives de gouvernance tiennent compte de la santé des enfants, pour toutes les activités législatives, de développement et de planification pouvant les affecter.
    On pourrait partiellement mettre en œuvre cette recommandation en créant une commission consultative nationale chargée de contrôler les instruments de gouvernance. Le décret 13045 signé en 1997 par le président Clinton avait essentiellement le même objectif. C’est d’ailleurs l’un des très rares instruments de gouvernance que nous ayons trouvés qui tenait spécifiquement compte des besoins particuliers des enfants.
    Nous recommandons dans la même veine que soit publié un rapport annuel ou semestriel sur les indicateurs environnementaux les plus importants du bien-être des enfants canadiens, chaque rapport étant axé sur un problème particulier. Des rapports de ce genre assureraient une plus grande importance aux enfants dans les milieux gouvernementaux et dans la société. Ce serait une incitation à améliorer la santé des enfants.
    Nous recommandons également de créer un organisme consultatif national sur le modèle du Groupe de travail du président des États-Unis sur les risques environnementaux pour la santé et les risques pour les enfants, qui avait été établi aux termes du décret 13045. Un tel organisme témoignerait de la haute priorité accordée par le gouvernement du Canada au bien-être des enfants. Il permettrait en outre d’évaluer les répercussions des lois et d’autres mesures gouvernementales sur la santé des enfants et pourrait aussi s’occuper d’initiatives de sensibilisation du public.
    La mise en œuvre de ces recommandations aurait plusieurs avantages. Je crois que le plus important serait peut-être que les enfants étant, dès le stade du fœtus, les humains les plus vulnérables, des lois conçues pour minimiser leur exposition à des agents environnementaux potentiellement ou réellement nuisibles répondraient pour l’essentiel aux besoins de sécurité des adultes. De plus, il serait nécessaire de déterminer les diverses concentrations admissibles dans le cas des enfants, ce qui favoriserait la recherche dans ce domaine. Les législateurs seraient également plus conscients de l’importance des enfants et des facteurs pouvant affecter leur santé lorsqu’ils élaboreront des mesures législatives.
    Je vais m’arrêter là. J’ai passé en revue trois importants aspects de notre recherche: le besoin de revoir notre façon d’évaluer la sécurité des anciens et des nouveaux composés, l’adoption du principe de précaution dans la législation et le concept de la priorité des enfants au stade de l’élaboration des mesures législatives.
    Je voudrais remercier le comité de m’avoir permis de lui présenter quelques-unes de nos conclusions. Merci.
(1610)
    Merci à vous.
    Nous passons maintenant à Daniel Krewski, de l’Université d’Ottawa.
    Je crois que deux de vos collègues ont également des exposés. Vous pourrez nous les présenter lorsque ce sera leur tour de prendre la parole.
    Je m’appelle Dan Krewski. Je suis le directeur scientifique du Centre McLaughlin d’évaluation du risque pour la santé des populations à l’Université d’Ottawa, qui est l’un des centres de collaboration de l’Organisation mondiale de la santé pour l’évaluation du risque pour la santé des populations.

[Français]

    Je voudrais remercier le comité de me donner la chance de participer à la réunion d'aujourd'hui.

[Traduction]

    Nous aimerions vous présenter certains des travaux que nous avons réalisés, grâce à l’aide du gouvernement fédéral, dans le domaine des effets environnementaux sur la santé des enfants. Dans le cadre de ce projet, nous devions examiner la façon dont ces effets sont abordés à l’étranger et déterminer les enseignements à en tirer dans l’actualisation de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
    Notre approche de recherche a consisté à trouver des instruments de gouvernance particuliers et à en évaluer l’efficacité dans les pays où ils étaient appliqués, en insistant sur les facteurs qui en ont favorisé ou entravé la mise en œuvre. Nous avons eu recours à des entrevues avec des experts, à des études de cas ainsi qu’à un examen détaillé de la documentation disponible. Nous avons concentré notre attention sur une série de sujets couvrant l’ensemble du domaine: plomb, mercure, pesticides, perturbateurs endocriniens et polluants de l’air intérieur et extérieur.
    Nous avons fait notre travail dans le cadre que nous avons élaboré en matière d’évaluation du risque pour la santé des populations. Ce cadre est axé sur les grands déterminants de la santé dont Kathleen Cooper a parlé tout à l’heure. Nous nous sommes intéressés aux déterminants génétiques, environnementaux, sociaux, comportementaux et touchant le mode de vie. Ayant déterminé les risques pour la santé, nous avons examiné diverses options réglementaires, économiques, consultatives, communautaires, technologiques, etc. de gestion de ces risques.
    Je vais maintenant demander à Michelle Turner d’aborder quelques-unes des questions de fond de notre rapport, après quoi Mike Tyshenko décrira nos travaux de perception du risque et de bibliométrie.
    Les questions liées aux effets environnementaux sur la santé des enfants s’échelonnent entre celles pour lesquelles nous disposons de preuves concrètes et les nombreuses autres dans lesquelles la relation de causalité n’a été scientifiquement établie que d’une façon incomplète. Ainsi, nous disposons de nombreux éléments de preuve établissant une relation entre la fumée secondaire du tabac et l’accouchement prématuré, les incidents d’asthme, la mort subite du nourrisson ainsi que les infections pulmonaires et de l’oreille moyenne. De même, les déficits cognitifs ont été associés à des expositions maternelles prénatales à des niveaux élevés de méthylmercure, de BPC et de rayonnements ionisants ainsi qu’à l’exposition au plomb dans l’enfance. Il existe de nombreux exemples de maladies dans lesquels on soupçonne des effets environnementaux. Il y a également beaucoup de nouveaux problèmes de santé des enfants liés à l’environnement, y compris les perturbateurs endocriniens, les pesticides et la décontamination au chlore à l’aide de solvants.
    Les chercheurs ne font que commencer à décrire la nature des liens entre la santé et de nombreux risques environnementaux, ainsi que l’interaction avec d’autres déterminants de la santé.
    Nous savons aussi que les coûts économiques et sociaux possibles sont très élevés. D’après une étude réalisée aux États-Unis, les coûts annuels liés à l’élément environnemental des empoisonnements au plomb, de l’asthme, du cancer et des troubles neuro-comportementaux chez les enfants seraient de l’ordre de 55 milliards de dollars.
    Les troubles de l’enfance liés à des facteurs environnementaux suscitent beaucoup d’inquiétude. Je reviendrai sur cette question plus tard.
    Si nous envisageons les problèmes de santé des enfants dans une optique de risque, nous devons également penser à la probabilité des incidents et à la nature des conséquences. La probabilité des incidents est influencée par des facteurs tels que la nature, le niveau et le moment de l’exposition ainsi que des facteurs affectant la susceptibilité. Les conséquences de l’exposition dans les premières années de la vie, au moment où les systèmes de l’organisme sont en développement, peuvent être graves, permanentes et de longue durée et entraîner parfois la mort.
    La nature de l’exposition environnementale des enfants est très vaste. Il faut tenir compte d’un grand nombre d’expositions.
    J’ai parlé plus tôt de l’exposition due au lait maternel ainsi que des expositions in utero qui affectent le développement des enfants. Nous savons que le lait maternel constitue une voie d’exposition très particulière puisqu’on y a trouvé des pesticides et des plastifiants, entre autres produits chimiques.
    Nous devons en outre tenir compte de l’exposition au travail, puisque les parents peuvent ainsi rapporter à la maison des produits chimiques nocifs à l’enfant. Les enfants ont plus de contacts que les adultes avec leur environnement physique parce qu’ils rampent et ont souvent la main dans la bouche. Ces caractéristiques très particulières les exposent davantage aux effets environnementaux.
    Les enfants ont également une plus grande susceptibilité par suite de l’immaturité de leurs systèmes. Nous devons donc tenir compte des stades critiques de développement des différentes structures. Les poumons et le système reproducteur ont fait l’objet de nombreuses études. Dans le cas du système reproducteur, par exemple, il y a plusieurs créneaux critiques d’exposition dans la période fœtale, après la naissance et pendant l’adolescence. L’enfant peut être soumis à des niveaux d’exposition environnementale beaucoup plus importants que les adultes. Ainsi, le taux de ventilation respiratoire d’un nourrisson est d’environ 133 millilitres par kilogramme de poids corporel, par rapport à 2 millilitres seulement chez l’adulte.
    L’eau de boisson est un autre exemple: un nourrisson consomme, par kilogramme et par jour, près du double de la quantité d’eau consommée par un adulte. On peut citer d’autres exemples pour ce qui est de la consommation de fruits ou de l’ingestion de terre.
    Il est par ailleurs possible que certains groupes d’enfants soient plus susceptibles que d’autres aux expositions environnementales. On en trouve un exemple possible dans la population autochtone. Les autochtones de l’Arctique canadien ont fait l’objet de nombreuses études dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Cela a permis de découvrir d’importantes expositions environnementales assez particulières. Par exemple, le taux sanguin de mercure parmi les mères inuites sont beaucoup plus élevés que chez d’autres groupes autochtones du Nord, parmi les blancs vivant dans le Nord et dans les populations du sud du Canada.
    Enfin, pour ce qui est des conséquences, nous pouvons penser à de nombreux exemples. Au chapitre de l’exposition au plomb, on a estimé aux États-Unis que les pertes économiques liées à la baisse des gains réalisés pendant la vie par suite de cette exposition s’élèvent à environ 27,8 milliards de dollars dans le cas des garçons et à environ 15,6 milliards dans le cas des filles.
(1615)
    Je voudrais aborder en dernier lieu la question de la perception du risque, important élément de décision en matière de gestion du risque.
    Ayant mené une enquête nationale, nous savons que les Canadiens se soucient beaucoup de l’environnement et qu’ils tendent à avoir une perception plus aiguë des risques liés à certaines populations, dont les enfants. Chez les enfants, beaucoup des problèmes de santé attribuables à l’environnement mettent du temps à se manifester, sont relativement peu connus des scientifiques et ont beaucoup retenu l’attention des médias. Tous ces facteurs et de nombreux autres ont eu tendance à accroître le niveau de risque perçu par le public.
    Dans notre étude des effets de l’environnement sur la santé des enfants, nous nous sommes intéressés à la perception publique de différents risques liés aux enfants. Nous avons examiné le contenu de 17 quotidiens de tous les coins du Canada depuis 1985. Nous avons en fait établi une bibliographie en faisant une recherche portant sur plus de 80 risques différents que nous avons combinés en choisissant les mots-clés « enfants », « environnement » et « santé ». Nous avons ensuite classé ces 80 risques d’après le nombre d’articles trouvés et la fréquence des mots-clés recherchés. Il s’agissait surtout d’articles de journaux tendant à sensibiliser le public ou à donner des renseignements sur des problèmes pouvant l’inquiéter.
    Bien sûr, après la tragédie de Walkerton, la contamination de l’eau de boisson, les bactéries et les produits chimiques présents dans l’eau se classaient premiers. Chose intéressante, les éléments auxquels nous avons attribué la deuxième à la huitième place étaient tous liés aux différents aspects de la contamination chimique: plomb et empoisonnement au plomb, présence de pesticides dans les aliments et le concept général de la pollution. Toutefois, la plupart des articles trouvés concernaient les produits chimiques, les pesticides et la présence de mercure dans le poisson. En neuvième et en 10e place, il y avait le tabac et la fumée de tabac, qui comportent un important élément chimique.
    Nous avons également essayé de déterminer s’il existait, pour le public, un lien entre les risques classés et la réglementation. Nous avons donc ajouté des mots-clés correspondants à notre recherche, qui ont très considérablement réduit le nombre d’articles trouvés. En effet, nous n’avons découvert que très peu d’articles mentionnant à la fois les effets de l’environnement sur la santé des enfants et la réglementation. Cela nous porte à croire que, dans l’esprit des gens, les médias sont une grande source d’information, mais ne font pas le lien entre les problèmes mentionnés et la nécessité pour le gouvernement d’intervenir sur le plan réglementaire pour y remédier.
    Nous avons également interviewé des experts du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne dans le cadre de notre étude. Les entrevues, sans caractère directif, avaient une durée qui pouvait atteindre une heure. Nous avons posé une série de questions pour chercher à déterminer les facteurs qui entravent ou facilitent la protection des enfants contre les effets environnementaux ainsi que les approches utilisées dans les différents pays.
    Indépendamment du pays, les opinions exprimées par les experts présentaient un certain nombre de points communs, dont je vais vous lire les trois premiers. Tous les experts ont convenu qu’il y avait d'énormes secteurs d’incertitude et qu’il n’y avait tout simplement pas d’information sur de nombreux produits chimiques et de nombreux risques environnementaux d’ordre chimique pouvant affecter la santé des enfants.
    Deuxièmement, les experts ont souligné l’insuffisance des fonds pour la recherche et le manque de volonté politique d’investir dans la recherche, la surveillance biologique, la gestion des bases de données et la conception de programmes. Dans tous les pays examinés, les experts estimaient qu’il était nécessaire de faire de la surveillance biologique pour quantifier la portée du problème et mieux comprendre les effets sur la santé de l’exposition à différents produits chimiques. Ils croyaient en outre à la nécessité d’établir un mécanisme d’échange d’information entre les différentes administrations d’un même pays.
    Nous avons également posé une seule question fermée dans le cadre de notre enquête: La législation protège-t-elle adéquatement les enfants dans votre pays? Indépendamment du pays, plus de 50 p. 100 des répondants ont répondu non, ajoutant qu’il était possible d’en faire davantage.
(1620)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à notre dernier témoin... Vous voulez reprendre la parole? Vous en êtes déjà à 12 minutes et 17 secondes.
    Monsieur le président, puis-je avoir 42 secondes pour lire nos quatre recommandations finales?
(1625)
    D’accord, allez-y.
    Nous avons produit un rapport volumineux et très détaillé, mais les quatre grands points, au sujet desquels nous proposons que des mesures soient prises, sont les suivants.
    En premier lieu, nous proposons de modifier le préambule de la LCPE pour y inclure les effets de l’environnement sur la santé des enfants. Nous recommandons plus précisément d’ajouter les mots « ... y compris les risques particuliers que courent les enfants et d’autres populations vulnérables ».
    En deuxième et en troisième lieu, nous recommandons de maintenir et de renforcer la capacité de Santé Canada et d’autres ministères fédéraux de s’attaquer aux problèmes de santé des enfants liés à l’environnement.
    En quatrième lieu, nous recommandons d’assurer un financement stable de la recherche visant à caractériser aussi complètement que possible les effets environnementaux sur la santé des enfants. Comme tous les autres témoins, nous estimons qu’un programme national de surveillance biologique et un vaste programme de recherche sont essentiels pour protéger la santé de nos enfants à l’avenir.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Roger Keefe, de la Compagnie pétrolière impériale.
    Bonjour. Je suis Roger Keefe, de la Compagnie pétrolière impériale. L’Association canadienne des fabricants de produits chimiques m’a demandé de vous présenter un exposé sur le sujet d’aujourd’hui. J’ai également des relations professionnelles étroites avec le groupe de coordination de l’industrie pour la LCPE. Des représentants de ce groupe ont déjà comparu devant vous.
    Mes arguments sont de nature technique. Ils se fondent sur une trentaine d’années d’expérience, acquise depuis que j’ai obtenu mon doctorat, et peut-être un peu moins, depuis que j’ai obtenu mon certificat de spécialisation en toxicologie. J'ai passé la plupart de ces années dans l’industrie où je m’occupais de vérification de la sécurité et d’évaluation des risques. Ma carrière est axée sur la toxicologie des mammifères et l’évaluation des risques pour la santé des humains, qui seront au centre de mon exposé d’aujourd’hui.
    Mon propos vise en fait à appuyer deux hypothèses de base. La première est que les sous-populations susceptibles des écosystèmes sont déjà prises en compte dans les décisions de gestion du risque adoptées en vertu de la LCPE lorsqu’on dispose de données scientifiques. La seconde est que même si la prise en compte des sous-populations susceptibles des écosystèmes est implicite, il y a de bonnes raisons de ne pas la rendre plus explicite dans la LCPE. Je vais maintenant vous en dire un peu plus sur ces deux hypothèses.
    Au sujet de la première, selon laquelle on tient déjà compte des sous-populations susceptibles, le fait est évident si l’on considère les évaluations de risques réalisées dans le cadre de la loi actuelle. Par exemple, aux termes du programme de la liste des substances d'intérêt prioritaire, on estime déjà les expositions humaines aux différents stades de la vie, et les conclusions des évaluations du risque se fondent sur les stades où l’exposition est la plus forte, que ce soit chez les nourrissons, les enfants, les adultes ou les personnes âgées.
    Même si cela est moins courant, s’il est établi qu’il existe une différence de susceptibilité attribuable au sexe, à la race ou à un autre facteur, la valeur guide ou la limite d’exposition à laquelle aboutit l’évaluation se base sur le groupe le plus vulnérable. C’est la façon normale de procéder en toxicologie lorsqu’il existe une susceptibilité documentée à une substance.
    Environnement Canada et Santé Canada ont d’autres procédures qui devraient nous donner l’assurance que les sous-populations susceptibles des écosystèmes sont prises en compte. J’ai quatre points à signaler à ce sujet. Premièrement, les deux ministères participent à des évaluations internationales ainsi qu'à la mise au point d’outils, de concert avec l’Organisation mondiale de la santé, que nous avons déjà mentionnée, et l’OCDE. Après tout, la plupart des substances ne sont pas particulières au Canada dans le marché mondial d’aujourd’hui.
    Deuxièmement, on recourt à des experts de l’extérieur pour obtenir des conseils et assurer un examen des évaluations par les pairs. Les deux ministères peuvent ainsi se maintenir à la fine pointe des connaissances scientifiques pour faire du bon travail et se tenir au courant de toute preuve de susceptibilité.
    Troisièmement, les deux ministères chargent un personnel compétent et expérimenté de procéder à l’évaluation des risques. C’est ce que le monde universitaire appelle du personnel de grande qualité.
    Quatrièmement, il y a le maintien de la capacité de mener des recherches et de publier à leur sujet des articles revus par des collègues.
    Compte tenu de mes antécédents, vous ne serez sans doute pas surpris que je dise que ces quatre points reconnaissent et appuient d’une façon générale un processus scientifique de grande qualité pour l’évaluation des risques. Mené et exécuté d’une façon éclairée, le processus actuel d’évaluation des risques tient compte des sous-populations susceptibles des écosystèmes.
    Ma seconde hypothèse, d’après laquelle il vaut mieux que la prise en compte des sous-populations susceptibles reste implicite dans la LCPE, découle de la nécessité d’exercer un jugement professionnel en l’absence des données scientifiques nécessaires. À défaut de renseignements sur la vulnérabilité, il est préférable d’user de jugement professionnel, substance par substance, pour faire un choix entre la prudence et des recherches plus poussées.
    Si des sous-groupes vulnérables sont explicitement mentionnés dans la loi, il faudra vraisemblablement faire preuve d’une plus grande prudence parce que les données sont souvent insuffisantes. Je préfère personnellement combler les lacunes des données pour réduire l’incertitude du processus de décision plutôt que de prévoir dans la loi une plus grande incertitude aux avantages inconnus. Nous avons besoin de décisions fondées sur les meilleures connaissances disponibles.
(1630)
    Je m’inquiète d’un recours plus étendu à la prudence quand il est vraisemblable que, pendant de longues périodes, les décisions ne seront pas révisées à la lumière des nouvelles données. Le document du gouvernement du Canada concernant le recours à la prudence dans le processus de décision énonce un important principe, celui du réexamen des mesures de précaution. Si davantage de décisions doivent se fonder sur la prudence, il faudra renforcer ce principe et veiller à reprendre les évaluations aussitôt que de nouvelles données sont disponibles.
    Du côté gouvernemental, l’exercice du jugement professionnel continuera à s’appuyer sur les recherches courantes concernant les sous-populations susceptibles des écosystèmes. Par exemple, nous avons aujourd’hui des souris à gènes inactivés dites knock-out qui peuvent servir de modèle de l’hétérogénéité de la population humaine. Des ensembles de gènes contenant des dizaines ou même des centaines de gènes sont également utilisées pour déterminer de quelle façon les gènes deviennent plus ou moins actifs en réaction à différentes substances. La recherche croissante en épigénétique et le recours à la surveillance biologique dans l’évaluation du risque auront également des répercussions sur l’évaluation des sous-populations susceptibles. Ce sont actuellement des domaines qui font l’objet de nombreuses études. Nous devons donc avoir suffisamment de latitude pour tenir compte des nouveaux résultats dans notre approche fondée sur le risque.
    Finalement, la nature et l’importance des essais effectués devraient dépendre de l’utilisation de la substance en cause et des personnes susceptibles d’y être exposées. Les décisions devraient donc être prises substances par substance. Il serait peu réaliste de tester toutes les espèces ou tous les sous-groupes pouvant être exposés. L’importance et le coût des essais peuvent constituer un obstacle à l’utilisation d’une substance au Canada ou peuvent en limiter les usages parce que le marché canadien est tellement petit. Ces pertes économiques ou la perte d’autres avantages de la substance doivent être évaluées par rapport à des réductions inconnues du risque. Il faut également tenir compte du coût de l’expansion de différents ministères fédéraux pour leur permettre de procéder à des essais et d’en interpréter les résultats ainsi que du fardeau possible pour l’industrie.
    Bref, si les données scientifiques sont disponibles, je crois qu’elles sont utilisées et continueront de l’être pour tenir compte des sous-populations susceptibles des écosystèmes. En l’absence de telles données, je crois que l’exercice du jugement professionnel qui est implicite dans la LCPE suffit pour tenir compte de ces sous-populations, étant donné la gamme des pouvoirs que confère déjà la loi.
    Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité.
    Merci, monsieur Keefe.
    Aaron Freeman, je crois savoir que vous voulez intervenir brièvement. Je vous prie d’être concis parce que nous voulons permettre aux membres du comité de poser des questions.
    Je m’appelle Aaron Freeman. Je suis directeur des politiques à Protection de l'environnement du Canada. Je voudrais vous parler du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, qui constitue l’un des écosystèmes les plus vulnérables du Canada.
    Plus de 30 p. 100 de la population du Canada vit dans ce bassin, qui engendre environ 25 p. 100 de notre PNB. Le bassin représente l’écosystème d’eau douce le plus vaste au monde. Il serait donc difficile d’en surestimer l’importance comme foyer de substances toxiques. Parmi les industries relevant de l’Inventaire national des rejets de polluants, 58 p. 100 y sont établies. La quantité de rejets toxiques dans l’eau, l’air et le sol y est démesurée: près de la moitié de la pollution toxique de l’air est émise dans le bassin. Le Canada est en train de prendre de retard sur les États-Unis pour ce qui est du nettoyage du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Par établissement, les installations inscrites à l’INRP ont rejeté dans l’air, en moyenne, 93 p. 100 de plus de cancérogènes que celles des États-Unis. D’après la Commission de coopération environnementale, entre 1995 et 2002, les installations canadiennes ont déclaré 2 p. 100 de réduction des émissions polluantes, par rapport à 45 p. 100 pour les installations américaines.
    Pour la première fois, les États-Unis vont de l’avant pour protéger les Grands Lacs sans la participation du Canada. Bien que le Canada ait affecté, en 2005, 125 millions de dollars sur cinq ans à la protection des Grands Lacs, les mesures législatives adoptées aux États-Unis pour financer les efforts de rétablissement sont allées beaucoup plus loin. Entre autres initiatives américaines, il y a lieu de mentionner le Great Lakes Legacy Act, qui réserve 270 millions de dollars à la décontamination des sédiments, la Great Lakes Regional Collaboration, initiative conjointe établie par décret présidentiel en 2004, qui classe les Grands Lacs parmi les trésors nationaux américains et a regroupé des intervenants de différents niveaux pour entreprendre la réalisation d’un plan complet et intégré d’épuration des Grands Lacs. Ce plan a été rendu public en décembre 2005. Cette initiative conjointe est à la base de deux projets de loi fédéraux qui ont rallié de nombreux appuis au Congrès. Ils prévoient de consacrer entre 10 et 20 milliards de dollars au nettoyage des Grands Lacs, à la relance de la recherche et de la surveillance, à la décontamination des sédiments et à l’atténuation des effets des espèces envahissantes.
    Le fait que les États-Unis prennent des engagements législatifs sans la participation du Canada peut avoir de sérieuses conséquences. Je pourrai en parler pendant la période des questions et réponses. Actuellement en révision, l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs est cité comme modèle de coopération internationale, mais il est nécessaire de l’actualiser. Nous proposons entre autres que la LCPE constitue le mécanisme de mise en œuvre de cet accord.
    Il y a lieu de noter enfin qu’au cours de la dernière campagne électorale, les quatre grands partis politiques ont promis d’agir en faveur du rétablissement du bassin.
    Nous proposons d’ajouter à la LCPE une nouvelle disposition visant à protéger les zones géographiques d’intérêt qui sont vulnérables à la pollution. Je donne plus de détails à ce sujet dans mon mémoire, mais la disposition autoriserait le ministre de l'Environnementà désigner des zones géographiques « d’intérêt » s’il les croit particulièrement vulnérables à la pollution ou si d’importantes quantités de substances toxiques y sont utilisées ou engendrées. Nous proposons ensuite que le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent soit le premier à être désigné zone géographique d’intérêt, ce qui permettrait de fixer des objectifs quinquennaux et décennaux de prévention de la pollution et d’élimination des cancérogènes, des produits générateurs de smog et des substances toxiques inscrites dans la LCPE.
(1635)
    Monsieur Freeman, si je peux vous interrompre, je dirais que la Commission mixte internationale nous a renseignés à ce sujet. De plus, il faudrait vraiment laisser du temps pour les questions. Nous avons déjà pris du retard avec Mme Cooper. Je vous prie donc de conclure pour que je puisse donner la parole aux membres du comité.
    D’accord.
    Mon mémoire donne des détails sur les moyens législatifs et non législatifs de mettre en œuvre cette recommandation. Nous croyons que cela permettra de protéger le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Nous aurions ainsi un mécanisme d’application d’ententes internationales telles que l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs et un moyen de tenir les promesses électorales faites par chacun des quatre grands partis politiques.
    Je serais heureux de répondre à vos questions.
    Très bien. Je vous remercie.
    Nous pourrions commencer par M. Godfrey et M. Rodriguez, qui partageront 10 minutes.
    J’essaierai d’être bref.
    Il me semble que nous cherchons à faire deux choses aujourd’hui. Nous voulons déterminer s’il est possible de renforcer la LCPE, d’une part, en mentionnant expressément des populations vulnérables et, de l’autre, en mentionnant expressément des écosystèmes qui ne sont pas actuellement couverts par la loi.
    Au sujet de la première question, j’ai trouvé intéressant que les représentants de l’Université d’Ottawa, après avoir présenté leurs exposés, n’ont recommandé en fait que de modifier le préambule de la LCPE. Tout le reste était très utile certes, mais n’avait rien à voir avec notre examen de la LCPE.
    Lorsque je considère la question des effets de l’environnement sur la santé des enfants, qui a fait l’objet de l’exposé de Mme Cooper, je constate que seul le dernier point traite particulièrement des populations vulnérables, puisqu’il s’agit de mesures obligatoires de protection de la santé des enfants. Tout le reste est bon, mais il ne s’inscrit pas dans le cadre de notre examen de la LCPE. L’affectation de plus de ressources à la santé des enfants ou aux problèmes environnementaux déborde le cadre de notre examen.
    Encore une fois, en ce qui a trait aux populations vulnérables, est-ce que les dispositions de la nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires, qui n’est entrée en vigueur qu’en juin 2006, sont jugées satisfaisantes par ceux qui préconisent un libellé plus énergique? Est-il possible que ces dispositions affaiblissent en fait la loi parce qu’on essaie d’en faire trop en désignant des populations particulières? Le point de vue de M. Keefe, selon lequel il suffit de s’occuper des populations les plus vulnérables et que toutes les autres en bénéficieront, nous indique-t-il une ligne de conduite plus simple à suivre?
    Je voudrais donc demander ceci, en commençant peut-être par Mme Cooper. Seriez-vous satisfaite si nous reprenions simplement le libellé de la Loi sur les produits antiparasitaires, qui n’a pas vraiment été mis à l’épreuve puisque la loi vient tout juste d’entrer en vigueur?
(1640)
    Je suis cela de très près.
    Je voudrais d’ailleurs vous signaler que les quatre dernières recommandations, et pas seulement la dernière, traitent expressément de modifications à apporter à la LCPE et à son application.
    Je me suis efforcée d’être très brève et de couvrir de nombreux aspects avec un minimum de mots. Vous trouverez des recommandations beaucoup plus détaillées dans le mémoire que nous avons présenté au comité en juin dernier, conjointement avec Protection de l’environnement, par l’entremise de PollutionWatch. Nous y parlons de l’accélération du processus, des délais et d’autres points qui profiteraient aux populations vulnérables.
    Par conséquent, pour répondre à votre question, oui, la Loi sur les produits antiparasitaires, qui va bien au-delà d’une modification du préambule, serait un bon modèle. Je crois que les enfants méritent, de la part du gouvernement fédéral, le même niveau de protection contre les substances toxiques que contre les pesticides.
    Monsieur Keefe, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je préfère attendre pour voir quelles seront les conséquences des modifications apportées à la Loi sur les produits antiparasitaires. Je ne tiens pas beaucoup à suivre cette voie parce que je crois que les substances toxiques sont intrinsèquement différentes des pesticides. Certains produits ont des points communs, mais les autres sont différents. Il existe une très vaste gamme de produits chimiques que je ne voudrais pas assujettir aux mêmes règles que les antiparasitaires.
    Y’a-t-il d’autres observations à ce sujet avant que je ne cède la parole à mon collègue?
    Pourriez-vous être plus précis au sujet de la Loi sur les produits antiparasitaires? Parlez-vous de la marge de sécurité 10 fois supérieure qui est recommandée à moins de preuve du contraire ou d’aspects plus généraux de la Loi?
    Je veux surtout parler du libellé du préambule, dans lequel on trouve des expressions telles que « l’évaluation des risques pour les personnes », « l’exposition globale aux produits antiparasitaires », « des différentes sensibilités », et « les principaux sous-groupes identifiables, notamment les femmes enceintes, les nourrissons, les enfants, les femmes et les personnes âgées ». Autrement dit, c’est le fait d’être très précis dans le préambule quant aux sous-groupes en cause. Est-ce cela que vous voulez voir dans le préambule de la LCPE?
    En fait, il y a deux autres aspects: l’article 4.1 de la Loi sur les produits antiparasitaires ainsi que l’application de marges de sécurité et d’effets de seuil si le produit doit être utilisé à proximité de maisons ou d’écoles, etc.
    Permettez-moi d’aborder rapidement deux points en réponse à cette question.
    Tout d’abord, vous savez que nous recommandons que les enfants soient expressément mentionnés dans le préambule de la LCPE. Je crois que M. Keefe a présenté des arguments très raisonnables pour établir que toutes les sous-populations susceptibles sont en fait prises en compte. La seule raison pour laquelle nous proposons de mentionner expressément les enfants est qu’ils sont uniques sous certains aspects. Nous pensons aux organes et aux tissus en développement ainsi qu’à des caractéristiques physiologiques qui sont très particulières à ce stade de la vie. Il pourrait être extrêmement difficile de tenir compte d’autres sous-populations susceptibles définies sous l’angle de la génétique, de différents polymorphismes ou de la situation socioéconomique. Dans le cas des enfants, ils sont vraiment très particuliers et, de toute évidence, nous nous inquiétons énormément à leur sujet puisqu’ils constituent notre avenir. Par conséquent, s’il faut choisir une sous-population, celle des enfants est la plus digne d’attention. Par ailleurs, nous convenons avec Roger qu’ils sont implicitement inclus.
    Au sujet du second point, la Loi sur les produits antiparasitaires est la première, je crois, pour laquelle nous avons demandé des garanties supplémentaires de la sécurité des enfants. Dans leur cas, les marges de sécurité sont décuplées par défaut, à moins qu’on ne puisse établir que les enfants ne sont pas plus susceptibles que les adultes à une substance donnée.
    Cela remonte au Food Quality Protection Act américain de 1996. J’ai eu le plaisir d’y contribuer dans le cadre d’un rapport que nous avons présenté en 1993 par l’entremise du Conseil national de recherche des États-Unis. Ce rapport contenait exactement la même recommandation. Nous avons été enchantés de voir qu’elle a été adoptée dans la loi américaine et qu’elle se retrouve maintenant dans la législation canadienne.
    C’étaient mes deux observations.
    Madame Cooper, je sais que vous voulez intervenir, mais je dois vraiment donner maintenant la parole à M. Rodriguez.
    Vous pouvez y aller.

[Français]

    Merci, monsieur le président. J'aimerais poser quelques brèves questions.
    Tout d'abord, madame Cooper, vous avez dit que le cancer était plutôt rare chez les enfants. Par contre, son incidence augmente-t-elle?
(1645)

[Traduction]

    L’examen de l’évolution des taux de cancer chez les enfants canadiens ne révèle pas d’augmentation. Toutefois, l’examen de populations beaucoup plus importantes en Europe et aux États-Unis montre une tendance ascendante sur 30 ans. Les enfants canadiens sont atteints des mêmes types de cancer que ceux des autres pays industrialisés. Les chiffres dont nous disposons ne nous permettent pas de dire si l’absence d’une tendance ascendante au Canada est simplement due au fait qu’il s’agit d’une maladie rare dans une petite population ou s’il n’y a vraiment pas d’augmentation chez nous.

[Français]

    Nous n'en n'avons pas parlé, mais il y a probablement un lien entre la santé générale des enfants et le fait que les enfants font de moins en moins d'exercice, qu'ils sont de plus en plus sédentaires et qu'ils ne sortent pas autant à l'extérieur. Ce sont tous des éléments qui doivent affecter la santé. On se demande ce que l'on doit essayer de faire pour encourager nos jeunes.

[Traduction]

    Absolument. Les déterminants de la santé sont nombreux. L’une des choses que nous pouvons faire pour favoriser l’activité des enfants, c’est de limiter l’expansion tentaculaire des villes et de multiplier les transports en commun. Ces politiques environnementales profiteraient d’ailleurs à tout le monde. Nous avons une population sédentaire qui dépend un peu trop de la voiture. Cela a des répercussions sur les enfants.
    Par conséquent, oui, il faut considérer l’ensemble, mais nous parlons aujourd’hui des graves effets des facteurs environnementaux sur la santé des enfants.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à qui voudra y répondre. Comment se compare l'état de santé de nos enfants à celui des enfants des autres pays du G7? Y a-t-il des écarts importants, à ce chapitre, entre les provinces du Canada?

[Traduction]

    Y a-t-il quelqu’un qui veuille répondre à cette question? Santé Canada? Monsieur Glover?
    Vous préférez vous abstenir?

[Français]

    Pourquoi ne veut-il pas répondre?

[Traduction]

    Oui, il a décliné. Il s’est dégonflé.

[Français]

    J'ai une dernière question, très brève. Je n'ai pas entendu parler des changements climatiques et des gaz à effet de serre. Pourtant, il me semble qu'un consensus existe à l'effet que le réchauffement de la planète a un impact à court, moyen et long terme. M. Freeman pourrait peut-être nous le dire. Cela doit également avoir une incidence sur les enfants, sur leur santé, et certainement, à moyen et à long terme, sur les populations.

[Traduction]

    À vous, monsieur Freeman, très brièvement, s’il vous plaît.
    Je ne suis pas un expert de la santé des enfants. Je peux vous décrire certaines des répercussions dont nous avons parlé dans le cas des Grands Lacs, mais je ne crois pas que c’est cela que vous voulez entendre.
    Monsieur Glover, avez-vous une réponse rapide?
    Pour ce qui est des changements climatiques, si on examine les effets de l’air sur la santé, notamment dans les populations vulnérables, on trouve des indices permettant de croire que le smog en particulier a des effets sur les personnes âgées, qui constituent une population vulnérable, mais non sur les enfants, qui constituent une autre population vulnérable. De plus, les gens qui souffrent déjà d’une maladie sont plus affectés que les autres par ce qu’on appelle les journées de mauvais air.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Lussier, après quoi nous reviendrons à M. Spady.

[Français]

    Monsieur le président, deux organismes ont remis à notre comité des documents concernant des analyses privées sur des polluants. M. Freeman a déposé une très belle étude sur la contamination chez les enfants, réalisée avec la participation de M. Cook.
    Monsieur Gaudet ou madame Cooper, vos associations ont-elles fait des analyses de contaminants chez les enfants?

[Traduction]

    Dans mon organisation, je suis chargée d’examiner la documentation secondaire. Je n’ai pas les ressources nécessaires pour faire moi-même de nouvelles recherches, sans compter qu’on m’a dit que j’excelle dans le domaine de la transposition de la connaissance. C’est la raison pour laquelle j’ai préparé les documents et les brochures qui vous ont été distribués aujourd’hui dans le but d’éduquer les parents, de les aider à éviter les risques cachés et connus et de les inciter à agir en faveur d’une réforme pouvant assurer une meilleure protection environnementale pour eux-mêmes et leurs enfants.
(1650)
    Monsieur Glover, avez-vous des commentaires?
    Je voudrais juste dire quelques mots par souci de transparence et parce que la question porte sur les études réalisées. Santé Canada collabore avec Statistique Canada pour mener une étude ponctuelle de surveillance biologique, que nous espérons pouvoir reprendre tous les ans. Il y a lieu de noter que le seuil d’âge fixé n’est pas tout à fait celui que les deux organismes auraient préféré adopter. Je crois que c’est six ans, ce qui ne nous permet pas d’étudier des enfants plus jeunes.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Avez-vous lu les études de M. Cook?
    Je ne les ai pas lues, je ne suis donc pas en mesure de parler des études des groupes présents aujourd'hui.
    L'Université d'Ottawa a fait l'échantillonnage des journaux, mais je veux savoir si vous faites de l'échantillonnage sanguin des enfants, surtout des nouveaux-nés.
    Oui et non. Nous avons fait des études sur la santé des enfants, mais nous n'avons pas recueilli de nouvelles données de surveillance biologique. Nous avons examiné le niveau d'exposition à des pesticides et à d'autres produits chimiques toxiques.

[Traduction]

    Si vous vous intéressez particulièrement à la surveillance biologique, je voudrais mentionner qu’il vaut vraiment la peine de jeter un coup d’œil au rapport du Conseil national de recherche des États-Unis sur la surveillance biologique, qui vient de paraître. Il y a quelques semaines, nous avons tenu un atelier sur la surveillance biologique à l’Université d’Ottawa, auquel a assisté le président de ce comité, M. Thomas Burke, de l’Université John Hopkins. M. Burke a présenté un exposé. Nous avons sur notre site Web un compte rendu complet, de quelques centaines de pages, des délibérations de l’atelier.
    Madame Milewski.
    J’ai fait quelques recherches directes sur les effets de l’exposition au plomb dans la collectivité de Belledune, où la province a procédé à des tests sanguins. La surveillance biologique est faite, mais si on ne peut pas établir une corrélation avec des symptômes décelés chez les enfants, les résultats ne sont pas très utiles.
    Nous avons donc mené une enquête sur la santé des enfants dans cette population. Nous avons en fait examiné des enfants vivant à différentes distances de la fonderie. Nous connaissions déjà leur taux sanguin de plomb, mais nous avons demandé aux parents de nous parler de leurs symptômes. Nous avons ainsi découvert que les enfants les plus proches de la fonderie avaient trois à quatre fois plus de problèmes de santé que ceux qui vivaient à plus de trois kilomètres de l’usine. Nous avons fait ce travail et avons établi l’existence d’une corrélation.
    Là où vivaient ces enfants, les concentrations de plomb dans le sol étaient également supérieures. Nous avons donc découvert un lien direct entre les contaminants du sol, les contaminants sanguins et les problèmes de santé.

[Français]

     Monsieur Freeman, si je ne m'abuse, vous avez fait une étude privée sur 68 produits toxiques auprès de 13 personnes, et le coût était d'environ 10 000 $ par personne.

[Traduction]

    Nous avons mené deux études dans le cadre de notre projet Une nation toxique. Je ne dirais pas qu’il s’agit d’études scientifiques revues par des collègues. Ce n’est pas le cas, même si elles sont conformes à beaucoup d’études réalisées ailleurs.
    Nous avons essayé de déceler la présence de nombreux produits chimiques, qui ont déjà été mentionnés ici, comme les composés perfluorés et les ignifugeants. Nous avons abouti à des conclusions très semblables. Par exemple, si vous interdisez un produit chimique, la charge toxique diminue davantage chez les enfants que chez les adultes. Toutefois, dans le cas des produits chimiques persistants, comme les ignifugeants qui n’ont pas été interdits, nous avons constaté que les concentrations étaient plus élevées chez les enfants que chez leurs parents.
    Les résultats de la série suivante d’analyses, que nous devons publier dans le courant du mois prochain, portent en fait sur les ministres de l’Environnement et de la Santé ainsi que sur différents porte-parole... Je suis donc sûr que tout le monde, autour de cette table, s’intéressera à ces résultats.
    Monsieur Krewski, avez-vous des observations à formuler?
    Monsieur le président, je voudrais mentionner, pour la gouverne du comité, une chose liée à la question de M. Lussier ainsi qu’à plusieurs autres questions. Je veux parler de deux documents, un qui a déjà paru et un autre qui paraîtra sous peu, qui se rattachent assez étroitement aux délibérations du comité.
    J’ai dirigé un comité du Conseil national de recherche des États-Unis chargé d’étudier les modalités générales de détermination de la toxicité des agents environnementaux. Nous avons publié l’année dernière un rapport qui présente en détail les différentes approches et l’état actuel d’avancement des connaissances scientifiques dans ce domaine.
    Notre rapport de suivi, que nous sommes en train de terminer, traite des moyens de mieux procéder à l’avenir. Nous devions examiner la situation dans les 10 à 20 prochaines années dans une optique de réforme, en nous posant des questions comme les suivantes: Est-il possible de tester tous les produits chimiques? Pouvons-nous trouver des moyens plus efficaces pour réduire le nombre d’animaux utilisés? Quelles nouvelles technologies peuvent vraiment nous aider à faire des essais de toxicité plus intelligents? Comment étudier tous les stades de la vie qui se caractérisent par des vulnérabilités particulières?
    Le rapport en est actuellement au stade de l’examen par les pairs et devrait être prêt sous peu. Je serais certainement heureux de vous en faire parvenir un exemplaire dès qu’il paraîtra.
(1655)
    C’est très bien. Je vous remercie. Vous pouvez l’envoyer à notre greffier.
    Monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai travaillé pendant plusieurs années dans le domaine de la qualité de l'air à l'intérieur des édifices, des maisons et de l'ensemble des bâtiments. J'avais un centre de recherche, à ce moment-là, et on a trouvé que les concentrations de pollution étaient beaucoup plus grandes à l'intérieur des bâtiments qu'à l'extérieur et que les gens devenaient malades à cause de ces concentrations de pollution.
    Même dans le cas, dont vous avez parlé, des gens qui vivent près d'une fonderie, c'est souvent à l'intérieur de la maison qu'ils tombent malade. En effet, ils rentrent avec des vêtements contaminés par le plomb, etc. Les allergies et les problèmes de santé se développent à l'intérieur de la maison.
    Étant donné que j'ai laissé tout cela depuis une dizaine d'années, je me demandais si on consacrait encore énormément d'énergie au choix des matériaux. J'ai travaillé au choix des matériaux. C'est effrayant ce qu'on trouve sur un tapis. C'est inimaginable tout ce qui vit là-dessus. On n'en mourra pas, monsieur le président, mais c'est quand même mauvais pour la santé.
    À votre connaissance, depuis une dizaine d'années, fait-on des efforts en ce sens? Si oui, quelles sortes d'efforts fait-on pour assainir l'air intérieur, l'air ambiant?

[Traduction]

    Monsieur Gaudet.

[Français]

    En effet, la Société canadienne d'hypothèques et de logement a une liste de produits qui sont moins toxiques. En fait, notre association publie une liste de produits moins toxiques sur son site Internet. On parle de matériaux de construction et de produits nettoyants. C'est vrai qu'il y a des émanations provenant des tapis. Les meubles ici sont en bois aggloméré et contiennent donc beaucoup de colle. Certains produits nettoyants émettent des substances dans l'air.
    Il y a des exemples, à Montréal, d'édifices où il n'y a pas de circulation d'air et où on a dû changer les produits nettoyants parce que les gens devenaient malades. Ils se servent de nettoyants naturels maintenant, et cela a réglé leur problème.

[Traduction]

    Madame Cooper, avez-vous des commentaires?
    Oui. Lorsque j’ai parlé des domaines dans lesquels nous estimions que l’exposition était la plus alarmante, j’ai parlé de l’air. Je dois préciser que je pensais à l’air aussi bien intérieur qu’extérieur. La réglementation de la qualité de l’air intérieur est très complexe. Toutefois, il serait possible de se servir de la LCPE pour mieux réglementer les biens de consommation, qui sont souvent la source de nombreux contaminants importants. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup insisté sur cette source d’exposition. Ce n’est pas seulement l’air, les contaminants se trouvent dans la poussière des maisons.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Warawa et à M. Harvey, je crois.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps de parole avec M. Harvey.
    Je remercie beaucoup les témoins d’être venus aujourd’hui. Je trouve ce débat très intéressant.
    Je vais commencer par vous parler très brièvement de ma famille. Ma femme et moi avons cinq enfants et, compte tenu de l’importance de ce qu’ils mangent et de leur environnement pendant qu’ils grandissent... Nous en sommes maintenant au stade de notre vie où nous avons des petits-enfants. Bien sûr, nous espérons qu’ils grandiront en bonne santé. Nous avons maintenant trois petits-enfants et deux tiers, parce qu’il y en a un qui n’est pas encore né.
    J’apprécie beaucoup vos observations et votre insistance sur les enfants qui se développent, même avant leur naissance. J’ai aussi un père de 84 ans dont je peux constater la vulnérabilité à la qualité de l’air.
    La Loi sur les produits antiparasitaires, dont M. Godfrey a parlé, dit ceci: « ... de tenir compte, lors de l’évaluation des risques pour les personnes, de l’exposition globale aux produits antiparasitaires, des effets cumulatifs des produits et des différentes sensibilités à ceux-ci éprouvées par les principaux sous-groupes identifiables », ces sous-groupes étant les femmes enceintes, les nourrissons, les enfants, les femmes et les personnes âgées. C’est une liste très claire des groupes vulnérables.
    Êtes-vous en faveur de l’inscription de ce passage dans le préambule de la LCPE? Pouvez-vous répondre rapidement à cette question?
(1700)
    Madame Cooper.
    Oui, mais nous voudrions aller plus loin qu’une simple inscription de ce passage dans le préambule.
    Y a-t-il d’autres observations?
    Allez-y, monsieur Warawa.
    Je voudrais vous assurer que la Loi canadienne sur la qualité de l’air, que nous avons déposée il y a quelques semaines, traite de cette question précise. Elle montre que nous avons été attentifs à ce qui se dit au sujet des objectifs relatifs aux polluants atmosphériques et à ceux qui les produisent. Nous nous fixons des objectifs, qui seront définis au printemps, axés sur les grands émetteurs finaux, les centrales électriques à combustibles fossiles, les secteurs d’amont du pétrole et du gaz, les secteurs d’aval de l’industrie pétrolière, les fonderies de métaux de base, les aciéries, les cimenteries, les produits forestiers, les fabricants de produits chimiques, etc.
    Nous avons également parlé, il y a quelques instants, d’un autre sujet d’intérêt, la qualité de l’air intérieur. D’après ce que nous savons, les Canadiens passent près de 90 p. 100 de leur temps à l’intérieur et sont donc exposés à différents produits chimiques. M. Ouellet a bien couvert le sujet.
    Je viens de commander un costume chez un marchand local. Il m’a proposé, pour un supplément de 8 $, d’appliquer au pantalon le procédé Supercrease qui, m’a-t-il affirmé, me permettra de conserver un pli impeccable. J’ai accepté. Mais je me pose des questions sur les ignifugeants que nous avons dans nos vêtements, nos voitures et nos maisons. Ils nous assurent une certaine sécurité chez nous, me permettent d’avoir un pli de pantalon impeccable, mais nous absorbons certains des produits chimiques qui sont en contact avec notre corps. Il y a un équilibre à réaliser pour avoir une certaine qualité de vie, mais peut-être est-ce illusoire parce qu’il y a des gens qui tombent malades.
    J’ai trouvé très intéressant le rapport du projet Une nation toxique. L’échantillon étant très petit, nous ne connaissons pas vraiment les effets de ces produits chimiques. Toutefois, c’est une bonne chose de concentrer l’attention sur les groupes vulnérables.
    J’ai probablement utilisé tout mon temps de parole, mais y a-t-il des observations sur la qualité des produits dont nous nous servons?
    Monsieur Freeman.
    Ma réponse se rattache davantage à votre première observation. J’appuie fortement l’inscription des populations vulnérables dans le préambule, mais j’aimerais aussi qu’on y mentionne les secteurs géographiques vulnérables. Compte tenu des problèmes que le Canada affronte, il est difficile dans certains cas de faire une distinction entre les deux.
    Madame Milewski.
    Je me demande, monsieur Warawa, si vous accorderiez une importance quelconque au pli de votre pantalon, sachant que cela pourrait affecter votre petit-fils ou votre petite-fille.
    C’est justement cela. Si je tiens mon petit-fils contre moi... L’éducation a donc un rôle très important quand nous pouvons nous rendre compte que ce que nous portons peut avoir des effets sur des enfants qui grandissent et sont vulnérables. C’est un bon point.
    Madame Cooper, monsieur Glover et monsieur Krewski.
    Vous nous avez donné un excellent exemple des domaines dans lesquels nous devons insister sur des solutions de remplacement plus sûres. Il y a en fait d’autres produits pouvant donner le même résultat. Le pli de votre pantalon ne sera peut-être pas aussi impeccable, mais le compromis est probablement acceptable. En même temps, il est préférable d’opter pour un excès de prudence afin de prévenir l’exposition à des produits chimiques de ce genre qui, comme les recherches courantes le prouvent de plus en plus, sont persistants et toxiques et devraient, dans bien des cas, être interdits.
    Pour information, monsieur le président, puisque la question a été soulevée, les modifications de la LCPE proposées dans la Loi canadienne sur la qualité de l’air traitent des produits et de l’air intérieur, ce qui permettra au ministère d’examiner les produits qui dégagent des polluants. En ce moment, Santé Canada publie des lignes directrices sur les milieux bâtis ou l’air intérieur. Comme cela a déjà été mentionné ici, je suis sûr que vous en tiendrez compte dans vos délibérations.
    Monsieur Krewski.
    Monsieur le président, je voudrais aborder rapidement trois points concernant la question de la qualité de l’air intérieur, qui a été soulevée par plusieurs personnes.
    Premièrement, il est clair que la pollution de l’air intérieur constitue un problème au moins aussi important que celui de la pollution atmosphérique. Les concentrations peuvent être plus élevées, les effets sur la santé peuvent être aussi importants, et il est bien vrai que nous passons l’essentiel de notre temps à l’intérieur.
    Deuxièmement, comment aborder la question de la qualité de l’air intérieur dans une optique de gestion du risque? Le problème est très différent de celui de l’air extérieur. Nous ne pouvons pas définir des normes nationales pour l’air intérieur parce qu’il y a beaucoup trop de microenvironnements locaux ayant chacun des caractéristiques très particulières. De toute façon, qui serait responsable?
    Il existe cependant deux approches, qui ont déjà été mentionnées. La première consisterait à s’intéresser aux produits qui dégagent des polluants. Les cuisinières au gaz qui libèrent toute une série de polluants gazeux seraient un autre exemple, à part... Je ne me souviens plus du nom du composé qu’on utilise pour obtenir un pli de pantalon impeccable.
(1705)
    C’est peut-être un perfluorooctane sulfonate, mais je n’en suis pas sûr.
    Nous pouvons concentrer notre action sur les produits et, comme M. Glover l’a dit, nous pouvons établir des lignes directrices.
    Je suis heureux de noter que Santé Canada a, dans ses lignes directrices, ramené la limite de radon dans l’air intérieur de 800 à 200 becquerels par mètre cube. Le radon se classe deuxième, après le tabac, parmi les principales causes de cancer du poumon, étant responsable d’environ 10 p. 100 de tous les décès. Des mesures comme celles que le ministère prend peuvent constituer un autre moyen de combattre les problèmes de qualité de l’air intérieur.
    Très bien, je vous remercie.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Il me reste deux minutes et 10 secondes. Je voudrais tout d'abord vous remercier d'être venus aussi rapidement. Je sais que vous avez reçu un avis de convocation à cette rencontre il y a très peu de temps. Je suis content qu'on se rencontre aujourd'hui, parce qu'autrement, cette rencontre aurait pu être reportée en janvier ou en février. Puisqu'il y a une possibilité d'élections, il n'y aurait peut-être tout simplement pas eu de rencontre.
    Monsieur Spady, après la question sur le réchauffement climatique, vous avez levé la main, mais vous n'avez eu pas eu l'occasion de parler. J'aimerais vous entendre sur ce sujet.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je crois que les changements climatiques ont des effets sur les enfants. On a prédit, en effet, qu'il y aura une augmentation de l’incidence de maladies très rares chez les enfants à cause de ces changements. Différents insectes et rongeurs joueront davantage un rôle de vecteurs dans la transmission des maladies.
    Il y a cependant un autre aspect très important dont on n’a pas parlé dans le cadre des changements climatiques: c’est l’incidence des désordres mentaux et comportementaux chez les enfants. J’y pense chaque fois qu’on parle de la sécheresse et du manque d’eau dans les provinces des Prairies. Même en l’absence de sécheresse, ces provinces souffriront toujours d’un manque d’eau. Par suite de ce phénomène, les agriculteurs s’inquiéteront de plus en plus de leur gagne-pain. En Australie, qui connaît une grave sécheresse à l’heure actuelle, les suicides se sont multipliés d’une façon alarmante parmi les agriculteurs. Le suicide de n’importe qui – et à plus forte raison celui d’un père ou d’un membre de la famille – est traumatisant pour un enfant. Je pense que ce problème deviendra plus fréquent avec le temps. Les enfants auront à faire face à des situations très difficiles.
    Monsieur Gaudet, voulez-vous intervenir?
    En ce qui concerne les populations vulnérables, il ne suffit pas de les mentionner dans le préambule. Le préambule ne vaut pas grand-chose.
    De plus, que va-t-on faire dans le cas des personnes souffrant de sensibilité aux agressions chimiques? Elles ne font pas partie des populations vulnérables mentionnées dans la Loi sur les produits antiparasitaires. Il faudrait pourtant s’en soucier parce que ces gens souffrent, qu’il s’agisse d’anciens combattants de la guerre du Golfe affectés par les produits chimiques qu’il y avait là ou d’autres personnes touchées dans leur vie quotidienne. Ces gens sont isolés parce qu’ils ne peuvent supporter aucun parfum, aucun produit chimique.
    Qu’allons-nous faire dans leur cas?
    Monsieur Krewski.
    Je voudrais parler rapidement de deux points. Au sujet des changements climatiques, M. Glover a mentionné le lien avec la pollution atmosphérique, mais j’aimerais insister davantage là-dessus. Les mesures prises pour limiter l’émission de gaz à effet de serre vont probablement réduire en même temps l’émission de polluants atmosphériques traditionnels. Or nous avons établi des liens clairs entre la santé des enfants et la présence dans l’air de particules en suspension et de polluants gazeux.
    Nos études à Toronto ont montré que l’ozone et les poussières en suspension ont de grands effets sur les graves maladies respiratoires des enfants de moins de deux ans. Il existe donc un lien étroit entre la réduction des gaz à effet de serre et la réduction des polluants traditionnels qui ont des répercussions sensibles sur la santé des enfants.
    Quant à la question de savoir comment affronter des problèmes tels que la sensibilité aux agressions chimiques, je dois dire que, même si j’ai toujours été canadien, je mentionne constamment le travail que j’ai fait pendant six ans pour le Conseil national de recherche des États-Unis, où j’ai rédigé une série de volumes établissant des lignes directrices sur l’exposition aiguë à des substances hautement dangereuses. Sur une période de six ans, nous avons publié des lignes directrices pour 60 composés, ainsi qu’une méthodologie complète de définition de ces lignes directrices sur une base de gestion du risque. Ces composés comptent parmi les agents les plus puissants avec lesquels on peut accidentellement entrer en contact dans l’environnement général.
    Dans le volume sur l’évaluation du risque, nous avons fait la distinction entre les sous-populations sensibles et les sous-populations hypersensibles, surtout parce que les membres du comité ont soulevé la question de la sensibilité aux agressions chimiques. Nous avons essayé de déterminer jusqu’où nous devions aller pour protéger la population, parce qu’il y aura toujours quelqu’un qui manifestera une sensibilité extraordinaire et qu'il serait très difficile de définir des lignes directrices pouvant protéger la santé de chacun.
    Bref, si vous examinez les volumes décrivant la façon dont nous avons procédé, vous constaterez que les lignes directrices d’exposition aiguë établies par le comité visaient à protéger les sous-populations sensibles, mais pas nécessairement les hypersensibles.
    Je voulais simplement vous faire part de mon expérience dans un domaine connexe.
(1710)
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour de table. À vous, monsieur Silva.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    En faisant une évaluation des risques et en examinant l’exposition à différents produits et substances chimiques, nous ne devons jamais perdre de vue que nous avons affaire à un seul écosystème, un seul monde. Ce que nous faisons a des répercussions sur d’autres collectivités et sur la vie d’autres gens. Le produit que M. Warawa a fait mettre sur son pantalon aura donc des incidences ailleurs. Nous ne pouvons donc pas isoler ces problèmes de tout le reste.
    Nous avons évoqué plus tôt l’importance du principe de précaution ou de prudence, auquel nous devrions toujours adhérer, surtout en notre qualité de membres du comité chargé d’examiner la LCPE dans son ensemble.
    Nous avons eu une bonne discussion sur toute la question des populations vulnérables. Dans notre examen de la LCPE, comment pouvons-nous mieux identifier et protéger les groupes et les systèmes vulnérables? Comment pouvons-nous inscrire tout cela dans la loi?
    Madame Cooper, je crois que vous avez été la première à lever la main.
    J’aimerais faire le lien entre ce que vous venez de dire et ce dont nous avons parlé tout à l’heure. Vous avez dit que nous ne pouvons pas isoler ces problèmes de tout le reste et que nous ne devrions pas nous occuper en particulier d’un produit chimique sans tenir compte de l’exposition dans le monde réel.
    Les modifications apportées à la Loi sur les produits antiparasitaires comportent un avantage qui ne peut pas être directement transposé dans la LCPE, mais nous pouvons y travailler. Je serais heureuse de travailler à des projets d’amendement... En fait, je peux vous affirmer que nous vous proposerons un certain nombre d’amendements... Dans la Loi sur les produits antiparasitaires, l’un des changements importants a consisté à examiner des groupes de substances dotées de mécanismes communs de toxicité et à envisager l’exposition globale. C’est un changement intéressant dont il faudrait adopter le principe dans la LCPE en examinant l’exposition dans le monde réel à de multiples substances. Nous n’avons pas les moyens scientifiques d’examiner les groupes qui ne présentent pas de mécanismes communs de toxicité, mais c’est un bon début qui permettrait de moderniser le processus d’évaluation des risques prévu dans la LCPE pour le mettre au niveau de ce qui a déjà été fait dans le cas des pesticides.
    Madame Milewski.
    Ce n’est peut-être pas l’endroit indiqué pour parler de ceci, mais nous discutons du processus d’évaluation du risque. Dans le cas des PBDE, par exemple, qui ont fait l’objet d’une forme ou d’une autre d’évaluation du risque, nous constatons aujourd’hui qu’ils sont présents dans les tissus mammaires des Canadiennes à des concentrations plus élevées qu’en Suède. Ce n’est pas exactement un fait qui milite en faveur du processus d’évaluation du risque. Ces produits sont censés avoir été ainsi évalués, mais nous en trouvons de fortes concentrations chez les femmes du Canada. Je crois que le principe même de l’évaluation du risque doit être remis en question.
    Quelqu’un a parlé du principe de précaution. En fait, on en discute actuellement beaucoup parmi les érudits, les universitaires et les décideurs, par opposition au principe de l’évaluation du risque. Ce principe se fonde sur des hypothèses et des méthodologies très différentes. Nous avons peut-être besoin de l’envisager et de convoquer une rencontre ou une conférence pour comparer les répercussions de l’application de chacun de ces deux principes. Nous ne l’avons pas fait au Canada. Je sais par ailleurs que cela se fait aux États-Unis.
(1715)
    Monsieur Keefe.
    Je voudrais parler de l’évaluation du risque pour des mélanges ou des groupes de substances semblables. Je crois que l’exposition globale constitue une bonne approche pour des composés tels que les pesticides organophosphorés qui ont un mécanisme d’action commun.
    Je répète encore une fois qu’Environnement Canada et Santé Canada le font déjà dans le cas des composés ayant un mécanisme action commun, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les dioxines, les furannes, etc. Il arrive cependant que le lien ne se fasse pas. L’examen collectif des dioxines et des furannes donne d’assez bons résultats, mais il dépend des points terminaux dans le cas des hydrocarbures aromatiques polycycliques et n’aboutit pas à des résultats cohérents pour le cancer et les effets des algues bleues.
    C’est maintenant au tour de M. Watson.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai trouvé très intéressants l’exposé et le document sur la santé des enfants et l’environnement. Ma femme, qui est doula, s’occupe d’éducation prénatale, de soutien de l’allaitement et d’un certain nombre d’autres questions du même genre.
    Nous parlons de produits chimiques dans le lait maternel et les formules, mais il y a une chose que l’étude passe sous silence: les produits chimiques présents dans les vaccins que nous administrons à des enfants de plus en plus jeunes, et même quelques heures après la naissance à certains endroits comme le Nouveau-Brunswick. Nous donnons de façon courante des vaccins multiples dès l’âge de deux mois.
    Est-ce que quelqu’un, parmi les témoins, peut nous parler des études réalisées sur les produits chimiques ajoutés aux vaccins ou utilisés dans leur fabrication, ainsi que de leurs effets sur la santé des nourrissons et des jeunes enfants?
    Allez-y, madame Cooper.
    Docteur Spady, vous voudrez peut-être intervenir aussi.
    Je crois que l’un des aspects les plus controversés de cette question réside dans l’utilisation, dans les vaccins, de thimérosal ou d’autres agents de préservation à base de mercure. Ces agents ont été progressivement éliminés dans les vaccins pour enfants, il y a plusieurs années. On les trouve encore dans le vaccin contre la grippe, ce qui suscite certaines préoccupations.
    Nous avons procédé à un examen à cet égard, de concert avec des experts des services de santé publique de Toronto, parce que des questions ont bien sûr été posées après la distribution de ce matériel éducatif. Même si nous avons besoin de plus de données, nous avons décidé d’accepter le principe général de santé publique d’après lequel les avantages des vaccins l’emportent sur les données incertaines recueillies jusqu’ici au sujet des contaminants de ces vaccins. Je dirais cependant qu’aucun jugement définitif n’a encore été formulé dans ce domaine.
    Nous avons cru nécessaire d’adopter cette ligne de conduite à cause de la participation de services de santé publique à notre partenariat et des conseils qu’ils nous ont donnés.
    M. Spady aura peut-être quelque chose à ajouter.
    Docteur Spady, puis monsieur Glover.
    J’appuie ce qu’a dit Kathleen: les avantages de ces vaccins l’emportent de loin sur d’éventuels inconvénients.
    Je ne sais pas vraiment, il y a peut-être des enfants très sensibles au contenu des vaccins, mais il serait très difficile de le prévoir d’avance. Dans une optique de santé publique, il est clair que les vaccins sont avantageux pour les enfants.
    En ce qui concerne l’addition de thimérosal, les études et les examens récents nous portent à croire que ce composé n’intervient pas d’une façon sensible dans le développement de l’autisme, si c’est bien à cela que vous pensez. Dans l’ensemble, les vaccins sont bons pour la santé.
    Monsieur Glover.
    Je crois qu’on a répondu à la question. Je voudrais simplement ajouter, même si ce n’est pas mon secteur de responsabilité à Santé Canada, que le ministère s’en occupe.
    Je pense que la réponse du témoin est compatible avec les résultats obtenus par le ministère, mais, si cela intéresse le comité ou si vous croyez que la réponse n’était pas suffisante, nous serions heureux de vous fournir des renseignements complémentaires par l’entremise du greffier.
    Monsieur le président, je voudrais brièvement revenir à la dernière question. Quand on parle de répercussions et d’effets cumulatifs, il importe de déterminer, parce que c’est une nouvelle science, quels mélanges ont de l’importance, quels en sont les effets cumulatifs et quels sont les différents usages de ces produits chimiques mentionnés dans la LCPE. Les usages sont très nombreux, se comptant parfois en centaines et même en milliers, ce qui entraîne des expositions de différents types et de différentes intensités.
    J’en reviens au point que j’essaie constamment d’établir au sujet de la surveillance biologique. Il sera extrêmement important de suivre l’évolution des concentrations de différents produits chez les gens. Nous pouvons faire toutes les études que nous voudrons, mais à défaut d’une surveillance biologique nous permettant de savoir si les niveaux augmentent ou baissent, il nous manquera un élément critique.
(1720)
    Monsieur Watson, avez-vous une autre question?
    Oui. Je voudrais poursuivre dans la même veine. Ce n’est pas seulement le thimérosal. Bien sûr, on l’utilise encore dans la fabrication des vaccins comme agent de préservation. Ce n’est pas seulement la présence de différents produits dans les vaccins. Différents autres composés sont utilisés dans les antigels automobiles, les solutions d’embaumement, etc.
    Nous discutons de la mise au point de solutions de remplacement plus sûres, mais personne ne semble appliquer ce principe à d’autres produits présents dans les vaccins. Vous nous dites que c’est parce que les avantages l’emportent sur les risques, et c’est la fin de l’histoire.
    Ne conviendrait-il pas d’essayer de trouver des solutions de remplacement plus sûres, madame Cooper?
    La décision d’éliminer le thimérosal dans les vaccins pour enfants était une précaution visant à éviter l’exposition au mercure, même en l’absence de preuves de préjudice, simplement à titre préventif. J’estime que c’est un avantage.
    Ce n’est cependant pas mon domaine. Je préfère donc ne pas parler d’autres composés que je ne connais pas suffisamment.
    Vous avez évoqué la question du lait maternel et de ses contaminants. L’une des choses qui est bien ressortie des discussions à ce sujet est qu’il est extrêmement important de continuer à dire au public que l’allaitement est absolument le meilleur moyen de nourrir un enfant. Il est essentiel de maintenir ce message quand on parle des contaminants du lait maternel.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    J'aimerais revenir à M. Freeman.
    Je pense que vous n'avez pas eu le temps de développer la question de la restauration des zones vulnérables dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. J'aimerais vous entendre parler de ce sujet pendant deux minutes. Comment allez-vous faire part de ce projet d'établissement de zones vulnérables?

[Traduction]

    Nous proposons de conférer au ministre le pouvoir de désigner des zones d’intérêt particulièrement exposées à la pollution ou qui engendrent une pollution particulière.
    Nous croyons que le bassin des Grands Lacs se prêterait très bien à une telle désignation puisqu’il constitue le plus important écosystème d’eau douce du monde, qu’une énorme quantité de pollution y est engendrée et que sa population est très vulnérable.
    En même temps, nous croyons à la nécessité d’une intervention législative qui permettrait au Canada de se placer ou d’essayer de se placer au niveau des engagements législatifs américains relativement au nettoyage du bassin. Le Canada est loin derrière sur le plan de ces engagements.
    L’Accord relatif à la qualité de l’eau des Grands Lacs doit être pourvu d’un mécanisme fédéral de mise en œuvre. Nous croyons que la LCPE se prêterait bien à un tel objectif, surtout à cause de la situation du Canada et du retard que nous avons pris aussi bien en matière d’engagements législatifs qu’en pratique.
    Par rapport aux établissements américains, nos établissements émettent 93 p. 100 de plus de polluants atmosphériques toxiques. Sur le plan de la dépollution, les États-Unis ont réduit de 45 p. 100 la pollution des Grands Lacs, par rapport à 2 p. 100 chez nous. Notre effort est presque négligeable.
    Dans l’ensemble, nous voudrions que la LCPE soit reconnue d’abord et avant tout comme mécanismes de mise en œuvre de l’Accord relatif à la qualité de l’eau des Grands Lacs, mais aussi comme domaine nécessitant une attention législative particulière.
    Monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    En premier lieu, je voudrais féliciter Mme Cooper d'avoir dit que la première des mesures à prendre pour réduire les effets sur les enfants était de réduire la pauvreté. Je trouve cela primordial. Malheureusement, vous avez vu que la pauvreté n'était pas très populaire auprès des parlementaires.
     J'en sais quelque chose, car je suis le porte-parole du Bloc québécois en matière de logement social et d'itinérance. On ne veut pas en parler. Pourtant, il est vrai que la pauvreté augmente. Les enfants pauvres ont toujours plus d'occasions d'ingérer des produits chimiques parce qu'ils vivent dans des atmosphères fermées ou sur des fermes où la pauvreté existe. Ils ont les pieds dans la boue, dans tout ce qui est sale et dans tout ce qui ne va pas. Les poêles fonctionnent mal, tout va mal.
     Il est facile de dire qu'il faut éliminer la pauvreté, mais comment faire? Le gouvernement libéral a essayé, mais il n'a pas réussi. Je suis sûr qu'un autre gouvernement ne réussira pas à faire mieux. Ce n'est pas ainsi qu'on peut y arriver. On ne peut pas se dire qu'on va éliminer la pauvreté et qu'on commence maintenant.
    Ne pensez-vous pas qu'on pourrait quand même adopter des mesures comme, peut-être, donner de l'argent pour de meilleurs logements ou augmenter les revenus des gens vivant sur des fermes, ou autre chose? Avez-vous pensé à d'autres solutions pour réduire la pauvreté de ces enfants?
(1725)

[Traduction]

    Oui, mais ce n’est pas le principal objet de mes travaux. Vous en savez sûrement plus que moi sur ce qu’il convient de faire pour réduire la pauvreté d’une façon générale, et particulièrement chez les enfants. Cette question est mentionnée parce que je travaille pour un service d’aide juridique. Pour notre organisation, il est hautement prioritaire de représenter les gens à faible revenu et de faire état de ces questions dans l’intérêt public. C’est aussi parce que la documentation – surtout celle des États-Unis, mais de plus en plus au Canada aussi – établit clairement que les enfants courent de plus grands risques que les adultes en cas d’exposition au plomb, aux pesticides et aux autres produits que vous avez mentionnés.
    Je suis un peu embarrassée de répondre à votre question parce que ce n’est pas mon domaine de spécialisation. Je compte sur des collègues qui font des travaux à ce sujet. C’est la meilleure réponse que je puisse vous donner.
    Nous passons en dernier à M. Vellacott.
    Je vais poser une question alors que je pense connaître la réponse. Vous devez faire attention à ce genre de questions ici.
    Si j’ai bien compris, l’industrie doit déclarer différentes substances au gouvernement et doit aussi présenter des renseignements à leur sujet en vertu de la LCPE. Je ne crois cependant pas qu'il soit obligatoire de faire vérifier les renseignements par un tiers indépendant avant de les présenter au ministre. Pouvez-vous demander à quelqu’un de répondre à cette question?
    La Loi canadienne sur la qualité de l’air impose également une vérification indépendante, mais je voudrais que quelqu’un, peut-être un représentant de Santé Canada, me confirme que c’est bien le cas. Les renseignements doivent-ils être vérifiés par un tiers?
    Très bien. Les autres témoins peuvent-ils me dire rapidement si c’est une bonne idée d’exiger une vérification des renseignements par une tierce partie?
    Monsieur Gaudet.
    Oui, c’est certain. D’après l’expérience acquise dans le cas des pesticides, nous pouvons constater que la recherche menée par l’industrie est secrète. Personne n’est au courant. En ce qui concerne les marges de sécurité prévues dans la Loi sur les produits antiparasitaires, le gouvernement du Québec en est arrivé à la conclusion qu’aucune marge n’est sûre. Il a donc interdit l’utilisation de centaines de pesticides dans la province. Pour lui, c’était la seule façon de protéger les gens.
    Monsieur Freeman.
    Nous sommes tout à fait d’accord. Dans notre mémoire plus détaillé, nous formulons une série de recommandations relatives à l’Inventaire national des rejets de polluants, comprenant une meilleure vérification et des renseignements plus complets. Par exemple, certains déchets miniers, constituant une énorme partie du volume de pollution, ne sont pas déclarés dans le cadre de l’Inventaire. Ces déchets ont récemment été inscrits à l’Inventaire des rejets toxiques des États-Unis, ce qui a provoqué d’énormes augmentations des volumes déclarés.
    Vous accepteriez donc des dispositions renforcées de vérification? Vous accepteriez la vérification par une tierce partie?
    Oui.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Vellacott.
    Je voudrais aussi remercier nos témoins qui ont accepté de comparaître à très bref délai. Je crois que nous avons eu une discussion très constructive.
    Je remercie les membres du comité.
    La séance est levée.