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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Nous avons quelques questions administratives à régler avant de commencer. Nous devons prendre une décision pour permettre à nos greffiers d'organiser la comparution de nos futurs témoins. Il y a une journée où nous n'allons pas siéger alors que nous pensions le faire, soit le 30 novembre. En effet, la Chambre ne siège ni le 30 novembre ni le 1er décembre.
    Après avoir discuté avec les greffiers, il semble que le plus simple serait de tout reporter d'une séance; ainsi, les témoins prévus pour le 30 novembre se présenteraient le mardi suivant, et ainsi de suite. Autrement dit, il est possible que nous finissions l'étude article par article une séance plus tard, ce qui amènerait à la semaine d'après.
    Il faudrait le consentement unanime pour faire cela car la motion dont nous sommes saisis précise que l'étude article par article doit être terminée au plus tard le 7 décembre. Essentiellement, je veux vous sonder pour savoir ce que vous en pensez. Il faut que nos greffiers sachent ce qu'il en est pour pouvoir confirmer la comparution des témoins.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    De prime abord, je ne vois pas de problème. Je sais qu'il y a des obligations, mais il faut se rappeler le principe de la motion que nous avons adoptée à l'égard du projet de loi C-288. Elle visait à faire en sorte que ce projet de loi C-288 puisse être renvoyé à la Chambre avant la fin de la présente session. Je n'ai pas devant moi le calendrier des travaux parlementaires, mais cette modification à notre programme ne risque-t-elle pas de nous empêcher de renvoyer ce projet de loi à la Chambre avant la fin de ses travaux?

[Traduction]

    La semaine prochaine, il y a deux jours où nous n'avons rien de prévu. Nous reporterions la fin des travaux du jeudi 7 décembre au mardi 12 décembre. Je veux savoir si vous êtes d'accord car nos greffiers doivent prendre des dispositions pour faire venir les témoins.
    Oui, monsieur Warawa.
    À ce sujet, monsieur le président, je crois qu'au départ, M. Rodriguez ou M. Godfrey avait recommandé le 12 ou le 14 décembre, et c'était M. Bigras qui avait suggéré de ramener cela aux 5 et 7 décembre, soit une semaine avant. Nous revenons à la recommandation originale, mais nous finissons quand même à temps, le 12 décembre. Je pense que cela fonctionne quand même.
    Monsieur Cullen.
    La seule autre considération que je voudrais apporter est la suivante. Je pense que l'idée est bonne, mais nous avons deux projets de loi d'initiative parlementaire en attente. Ce serait bien de les examiner maintenant au lieu d'attendre après la pause des Fêtes. C'est une idée que je lance.
    Monsieur Cullen, au moins l'un de ces projets de loi suscite une adhésion unanime. Par conséquent, le comité pourrait en terminer l'étude assez rapidement. Il nous reste une autre journée libre.
    Permettez-moi une mise en garde. Il ne faut pas oublier que nous avons aussi une motion demandant à la ministre de revenir devant le comité. Il reste donc diverses choses à régler, et il faut faire attention de ne pas se dire que nous allons nous en occuper le dernier jour avant l'ajournement pour les Fêtes car il y a d'autres travaux dont le comité a convenu de s'acquitter. Il serait dommage d'attendre jusqu'en février pour s'en charger.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Y a-t-il consensus pour procéder de cette façon?
    Oui, monsieur Godfrey.
    La seule chose qui m'inquiète, c'est de savoir si la Chambre risque d'ajourner tôt.
    Je ne le pense pas. Je doute fort que ce soit une possibilité. Depuis que je siège ici, on évoque toujours cette possibilité, mais je ne pense pas que cela se soit jamais produit. Je doute beaucoup que cela arrive cette fois-ci.

[Français]

    Monsieur le président, il y a tout de même ce risque. Ne pourrait-on pas ajouter une séance le mercredi, comme vous l'avez si gentiment fait cette semaine?

[Traduction]

    Il suffit de trouver une salle et d'organiser une séance distincte. Nous avons quelque chose au programme pour mercredi. Il faudrait que ce soit le mercredi suivant.

[Français]

    On n'a pas de salle le 30 novembre. Avons-nous quelque chose de prévu pour le 30 novembre? La Chambre ne siège pas le 30 novembre.

[Traduction]

    Oui. Le 30 novembre n'est pas un jour de séance. Voilà pourquoi nous avons un problème maintenant. Dans notre planification, le 30 novembre était un jour de séance, mais ce ne l'est plus. Voilà pourquoi je propose de reporter simplement nos travaux d'une journée car nous avons deux jours où rien n'était planifié.
    Oui, monsieur Bigras.

[Français]

    À moins que j'aie mal compris la proposition de M. Rodriguez, il propose que nous tenions une séance le mercredi 29 novembre. La Chambre siégerait à ce moment-là.
    Il s'agirait simplement de déplacer la séance.
    M. Bernard Bigras: Exactement.

[Traduction]

    Bien sûr, le problème est que nous avons tous des horaires chargés et que nous participons à de multiples événements. Par conséquent, dès que l'on modifie la date d'une séance... Pour ce qui est des gens de la Commission européenne, s'il y a deux ou trois députés pour les rencontrer, cela devrait aller. Ce n'est qu'une rencontre informelle, et non officielle. Il est évident que lorsqu'on ajoute des séances supplémentaires, cela crée des difficultés pour certains d'entre nous.
    Quel est l'avis du comité? Que souhaitez-vous faire?
    Je propose de repousser la séance d'une journée, au mardi 12 décembre, et de terminer l'étude article par article et de faire rapport à la Chambre cette semaine-là. Voilà essentiellement ce que je propose, mais je suis à votre disposition.
(0910)
    Monsieur le président, je suis d'accord avec vous. Mon horaire est chargé si l'on propose de se réunir...
    Je suggère que vous discutiez avec le chef de votre parti et votre leader à la Chambre pour déterminer ce qu'il en est. S'il y a une possibilité que nous ajournions tôt, à ce moment-là nous pourrions revenir en discuter en comité. Mais je ne pense pas que cela arrive. Mes collègues voudront peut-être en discuter, mais pour ma part, je pense que nous devrions nous réunir le 12 décembre, date à laquelle nous terminerions nos travaux, plutôt que le 7 décembre, comme vous le recommandez. Nous devrions nous en tenir à ce plan, à moins qu'il soit question d'un ajournement hâtif.
    Je suis désolé d'ajouter autre chose, mais nous avons demandé à la ministre de venir comparaître. En outre, un comité sera constitué sous peu pour examiner le projet de loi C-30. Tous les projets que nous faisons aujourd'hui risquent d'être perturbés à cause d'autres décisions. Cela dit, pour faciliter les choses au greffier, je pense qu'il faut prendre une décision maintenant. Comme je l'ai dit, je propose le 12 décembre, à moins que cela ne cause de sérieux problèmes à quelqu'un.
    Monsieur Cullen, avez-vous un commentaire?
    Non. Je partage votre sentiment.
    À l'origine, il avait été prévu de ne pas siéger pendant ces deux jours en raison de la tenue du congrès du Parti libéral à Montréal. Cela semble raisonnable; j'ai eu une conversation ce matin avec mon leader à la Chambre. Il n'y a pas de discussion sérieuse à l'heure actuelle entre les leaders à la Chambre au sujet d'un ajournement hâtif. Il y a toujours un risque que cela arrive, mais je me fie à votre sagesse.
    Nous pourrions toujours créer un comité spécial, même si la Chambre ne siégeait pas. Mais comme je l'ai dit, depuis 14 ans que je siège ici, cela ne s'est jamais produit. Par conséquent, je pense que nous ne risquons pas grand-chose.
    C'est une preuve évidente.
    Dans ce cas, y a-t-il consensus?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Très bien. Pour l'instant, nous allons dire aux greffiers d'aller de l'avant.
    Monsieur le président, il était prévu à l'ordre du jour de discuter de cette mesure.
    C'est vrai. Il était évident que les greffiers avaient besoin de directives, et je voulais que le comité leur en donne.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus ici, certains d'entre vous à court préavis, à titre de remplaçants, pour faire le travail à notre place.
    Nous allons débuter en suivant l'ordre prévu. Je vous demanderais de limiter vos commentaires à dix minutes. Ensuite, les députés vous poseront des questions, de sorte que vous devriez avoir l'occasion de terminer, le cas échéant.
    Nous allons commencer par M. Burton, s'il vous plaît.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant votre comité. Je félicite le parrain du projet de loi de faire une réflexion ciblée sur le changement climatique et le Protocole de Kyoto.
    J'aimerais aborder le sujet de l'adaptation. Certains députés auront peut-être l'impression qu'il s'agit d'un sujet périphérique par rapport à l'intention principale du projet de loi. Néanmoins, j'estime que c'est une question importante qu'il faut considérer chaque fois que nous amorçons une réflexion sur la stratégie appropriée que le Canada et la communauté internationale devraient adopter face au changement climatique.
    Comme les députés le savent, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques envisage deux approches face à l'évolution du climat. La première est l'atténuation, qui passe par la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La seconde est l'adaptation. Autrement dit, faire tout en notre pouvoir pour diminuer les répercussions du changement climatique inévitable, nécessaire et incontournable auquel nous faisons face maintenant afin de diminuer notre vulnérabilité, voire d'augmenter notre résilience face à ce phénomène. Cela peut vouloir dire renforcer, repenser et créer des normes et des codes de conception révisés pour l'infrastructure; s'attaquer au dégel et à la fonte du pergélisol ainsi qu'à ses répercussions sur les collectivités arctiques; améliorer la conservation de l'eau de diverses façons dans les endroits susceptibles de souffrir de pénuries d'eau. Cela peut vouloir dire adopter des cultures de remplacement dans des endroits menacés par la sécheresse, comme les Prairies; réfléchir aux moyens d'enrayer l'invasion des insectes nuisibles, comme le dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique; ou composer avec des événements extrêmes, comme les inondations et les sécheresses auxquelles de nombreuses régions du pays sont exposées.
    À court et à moyen termes, l'adaptation et l'atténuation pourront être partiellement substituées l'une pour l'autre. En somme, plus l'on procédera rapidement à une adaptation, plus il y aura de temps pour atténuer les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et pour diminuer les dommages liés à un niveau donné de concentration. Il s'agit là uniquement d'une solution partielle et temporaire. Je n'affirme pas que l'adaptation peut, de quelque façon que ce soit, contrer les conséquences sérieuses du changement climatique. Mais à court terme, c'est une avenue qui devrait nous intéresser.
    L'une des questions fondamentales qu'il faut se poser est la suivante: que peut-on accomplir grâce à l'adaptation? Dans quelle mesure pouvons-nous diminuer notre vulnérabilité aux changements climatiques en prenant les mesures d'adaptation que j'ai mentionnées face aux risques liés à l'évolution du climat?
    J'estime que la mesure à l'étude et, puisqu'il en est question, la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique adoptent une optique fortement axée sur l'atténuation. Avant de pouvoir comprendre quels sont les coûts et les avantages de l'une ou l'autre stratégie, il faut que nous en sachions plus long sur les résultats que l'on peut atteindre au moyen de l'adaptation, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde.
    Il y a d'importantes différences entre ces deux approches. L'atténuation exige une adhésion et une application à l'échelle planétaire. Elle résulte d'accords internationaux que nous élaborons, auxquels nous adhérons et que nous mettons ensuite en oeuvre. Les avantages résultant de l'atténuation sont disséminés partout dans le monde car ils freinent la vitesse du changement climatique. Les avantages en question sont répartis un peu partout sur la planète. Des pays différents vont obtenir un pourcentage différent de ces avantages selon leur niveau de vulnérabilité existant. En revanche, l'adaptation est une chose que nous faisons pour nous-mêmes. Ce sont les pays qui prennent des mesures d'adaptation qui en tirent profit.
    La conclusion que je tire de ce raisonnement, c'est que le Canada devrait réfléchir au montant qu'il faut consacrer à l'adaptation et, ce faisant, décider quel est le degré d'urgence des mesures d'atténuation que nous voulons mettre en oeuvre. Nous devons faire cet exercice dans le contexte canadien, mais aussi dans le cadre des négociations actuelles sur le régime post-2012 qui prendra le relais, après la fin de la première phase du Protocole de Kyoto.
(0915)
    À mon avis, tant au Canada qu'à l'étranger, on a une conception trop étriquée de l'enjeu du changement climatique et on met trop l'accent sur l'atténuation. Nous pouvons faire beaucoup sur le plan de l'adaptation pour réduire les répercussions à court terme de l'évolution du climat et nous devons trouver le moyen d'accorder davantage d'attention à cette option.
    Cela soulève la question des intérêts nationaux du Canada qui, selon moi, se posent en deux parties. Premièrement, il faut se demander ce qui vaut le mieux pour nous, dans une perspective restrictive, auquel cas les arguments militant en faveur de l'adaptation sont très convaincants. Deuxièmement, il va de soi que le Canada doit agir en bon citoyen sur la scène internationale, contribuer au maintien d'une société et d'une économie mondiales. Il s'ensuit que nous avons le devoir de jouer un rôle et, si possible, un rôle de chef de file dans le domaine de l'atténuation.
    Je tiens à dire clairement qu'en matière d'atténuation, nous pouvons donner l'exemple, montrer la voie à suivre, mais notre action ne fera guère de différence en ce qui a trait au réchauffement de la planète. Le Canada émet moins de 2 p. 100 des émissions totales de gaz à effet de serre de sorte que les mesures concrètes que nous prenons pour atténuer les changements climatiques ne font pas tellement de différence. D'autres acteurs importants produisent beaucoup plus d'émissions de gaz à effet de serre — par exemple, les États-Unis et les grands émetteurs des pays en développement comme l'Inde, la Chine et le Brésil —, et ce qu'ils font est très important. Nous devons amorcer les négociations en sachant pertinemment ce qu'ils vont faire et en ayant une très bonne idée de la façon dont nous pouvons influencer leurs choix.
    On peut poser le problème de cette façon. En mettant de l'ordre chez nous et en réduisant nos propres émissions, autrement dit, en montrant la voie à suivre, que pouvons-nous accomplir?
    Nous pouvons accomplir énormément à l'échelle nationale. Nous pourrions emboîter le pas à l'État de la Californie et adopter certaines des mesures qui ont été prises là-bas. Nous pourrions tenter de nous associer avec la Californie et les États américains du nord-est des États-Unis pour imposer un plafond à la production de carbone et mettre en place un système de commerce du carbone. Nous pourrions conclure un arrangement de type Kyoto sans pour autant adopter une démarche de contrôle descendante ou en adoptant une démarche qui ne serait pas strictement descendante, mais en privilégiant plutôt les options ascendantes que nous pouvons prendre sur une base régionale avec d'autres partenaires en Amérique du Nord et peut-être aussi en Europe.
    Permettez-moi d'apporter un autre argument au sujet de l'adaptation. L'adaptation n'a rien de nouveau. À cause du changement climatique, bien des mesures sont qualifiées de mesures d'adaptation, mais nous les mettons en oeuvre depuis un certain temps déjà. Par conséquent, s'agit-il seulement de faire la même chose, mais mieux? En partie, mais en fait, nous ne gérons pas le climat actuel et les risques climatologiques aussi bien que nous le pourrions. À l'heure actuelle, nous souffrons de ce que j'appelle un déficit d'adaptation en ce qui a trait au climat actuel et à sa variabilité. Les pertes liées aux fluctuations de la température et à des événements climatologiques extrêmes augmentent. D'ailleurs, si vous jetez un coup d'oeil aux paiements versés par le gouvernement fédéral du Canada pour venir en aide aux provinces frappées par des catastrophes naturelles, vous constaterez qu'ils accusent une forte hausse.
    Dans le contexte du réchauffement de la planète, il y a lieu de se préoccuper du rattrapage que nous devrions faire dans la gestion de la variation du climat et des catastrophes naturelles associées à des événements climatiques extrêmes.
    J'estime que le moment est venu pour le Canada d'envisager de faire échec aux changements climatiques au moyen d'une double approche, plus équilibrée, qui nous verrait prendre les mesures d'atténuation les plus vigoureuses et les plus efficaces possibles tout en privilégiant l'adaptation dans l'intérêt de notre propre pays. Bien entendu, dans la mesure du possible, nous pouvons aider les pays en développement les plus vulnérables à gérer leurs propres problèmes d'adaptation par l'entremise d'organisations comme l'ACDI et le CRDI.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté. J'ai distribué à l'avance une brève version écrite de mon témoignage. Je crois savoir qu'elle est disponible en anglais et en français. Je répondrai volontiers aux questions que vous pourriez avoir au sujet de ce document ou de ma déclaration.
    Merci.
(0920)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sauchyn.
    Merci, monsieur le président et messieurs les membres du comité. J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de participer à votre étude du projet de loi C-288.
    Le préambule de ce projet de loi décrit à juste titre le changement climatique comme l'une des menaces les plus sérieuses qui planent sur l'humanité et le Canada, menace qui pose des risques majeurs pour notre environnement, notre économie, notre société et notre santé.
    Premièrement, je voudrais faire observer que les scientifiques ne croient pas au réchauffement planétaire. Ils n'ont pas besoin d'y croire. Le réchauffement planétaire n'est pas une religion. Le réchauffement planétaire est un fait. Ce n'est pas une question d'y croire ou pas. La preuve du réchauffement planétaire est établie, elle est concluante, écrasante. Il n'y a plus de débat scientifique sur le réchauffement planétaire. Le débat porte plutôt sur la manière dont les institutions, les entreprises et les particuliers doivent réagir aux changements climatiques.
    Comme M. Burton l'a fait remarquer, il y a deux catégories de mesures que l'on peut prendre, à savoir l'atténuation et l'adaptation. Mon message est semblable à celui de M. Burton, quoique j'adopte une approche légèrement différente en ce sens que je vais passer en revue les objectifs du projet de loi C-288 en faisant notamment une comparaison avec l'autre mesure proposée, le projet de loi C-30.
    Je voudrais féliciter les parrains du projet de loi C-288 pour leur tentative de rétablir les engagements du Canada aux termes du Protocole de Kyoto. Ce traité international est une première étape, mais une étape importante, dans les efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de ralentir ainsi le rythme du réchauffement planétaire. Il établit un dénominateur commun en termes de terminologie, de cibles et d'objectifs. Un protocole unique favorise la collaboration et la coopération internationales. Nous avons des projets de recherche au Chili et en Ukraine et je peux vous dire que, parce que ces pays sont parties au Protocole de Kyoto, cela facilite énormément notre recherche internationale du fait que nous parlons un langage technique commun.
    Une solution faite au Canada, par contre, nous sépare d'un processus qui a été élaboré et contrôlé par un ensemble de scientifiques et décideurs internationaux. En outre, l'initiative de Kyoto débouchera sur de nouvelles mesures au-delà de 2012 et le Canada doit participer à cet effort plus poussé sur le plan scientifique et politique afin de s'attaquer aux causes et à l'incidence du changement climatique.
    Pour ce qui est de fixer des objectifs utiles et efficaces en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le projet de loi C-288 est un véritable bond en avant en comparaison du projet de loi C-30, la Loi sur la qualité de l'air. En tant que politique sur le changement climatique, le projet de loi C-30 comporte trois lacunes majeures. Premièrement, le C-30 laisse entendre que le changement climatique est un problème de qualité de l'air. Ce n'est pas le cas. Inscrire le changement climatique dans la Loi sur la qualité de l'air, c'est éviter le véritable débat. Deuxièmement, le projet de loi C-30 fixe des objectifs pour les émissions de gaz à effet de serre pour les années 2050. Cela laisse entendre que si nous atteignons ces objectifs, nous allons en quelque sorte enrayer le changement climatique d'ici le milieu du siècle. Cette approche témoigne d'une mauvaise compréhension du système climatique. Le climat du milieu du XXIe siècle est déterminé aujourd'hui par les émissions de gaz à effet de serre. En effet, il y a un décalage de plusieurs décennies entre les activités qui modifient l'atmosphère et les changements qui en résultent dans le système climatique. Comme on le dit dans le préambule du projet de loi C-288, le problème des changements climatiques requiert une action immédiate.
    Je signale ces lacunes du projet de loi C-30 seulement parce que le projet de loi C-288 évite de tomber dans le même piège. Cependant, il y a aussi une troisième faiblesse du projet de loi C-30 qui se trouve aussi dans le projet de loi C-288. En effet, les deux projets de loi traitent seulement d'une petite partie de l'engagement du Canada aux termes du Protocole de Kyoto. Dans le projet de loi C-288, on ne traite explicitement que du paragraphe 1 de l'article 3 du Protocole de Kyoto. Or le Protocole de Kyoto compte 28 articles et l'article 3 à lui seul compte 14 paragraphes.
(0925)
    J'ai joint à mon mémoire les autres articles du Protocole de Kyoto pour rappeler au comité que le Canada a aussi l'obligation de s'attaquer aux changements climatiques et à ses conséquences négatives, notamment par des mesures de renforcement de la capacité et d'adaptation, en facilitant l'adaptation aux changements climatiques, en collaborant à la recherche scientifique et technique et en mettant au point des systèmes d'observation systématique et d'archivage des données, en réduisant l'incertitude relativement au système climatique, et en s'attaquant aux conséquences négatives du changement climatique et aux conséquences économiques et sociales de diverses stratégies.
    Nous avons aussi l'obligation de mettre en oeuvre des programmes d'éducation et de formation et de renforcer la capacité nationale, de faciliter la sensibilisation du public, et de partager le produit des activités accréditées pour aider les pays en développement à absorber le coût de l'adaptation.
    J'invoque le même argument que nous venons d'entendre de la part de M. Burton, à savoir que nous avons dans notre pays un vide sur le plan des politiques relatives à l'incidence du changement climatique et à l'adaptation nécessaire. Il n'est pas fait mention de ces importantes obligations dans l'un ou l'autre des projets de loi C-30 ou C-288.
    Le Canada a besoin d'une stratégie complète du changement climatique pour éviter les conséquences négatives d'un tel changement. En plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, une stratégie complète doit aborder d'autres volets de la problématique, notamment notre compréhension du système climatique; l'influence des activités humaines; l'impact du changement climatique; les risques et les possibilités; et les rajustements nécessaires aux politiques publiques, à la gestion des ressources, aux pratiques en matière de génie et à la conception de l'infrastructure.
    En concentrant tous les efforts dans le domaine des politiques publiques sur un seul de ces cinq éléments d'une stratégie du changement climatique, le Canada risque de ne pas assumer ses obligations aux termes du traité; d'ailleurs, de manière générale, la réaction du Canada face aux changements climatiques est un échec.
    En terminant, je voudrais décrire les conséquences du changement climatique dans ma propre région, les provinces des Prairies. Je travaille dans un institut de recherche appelé Prairie Adaptation Research Collaborative, ou PARC, à l'Université de Regina. Le PARC a été créé grâce à des fonds fournis par le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces des Prairies. On nous a demandé de faire de la recherche sur l'impact des changements climatiques dans les provinces des Prairies.
    À l'heure actuelle, le PARC est chargé de rédiger le chapitre portant sur les Prairies de l'évaluation nationale du changement climatique que le gouvernement du Canada publiera l'année prochaine. Par conséquent, je peux vous dire en toute confiance que le climat des provinces des Prairies change dramatiquement. Toutes les données météo le confirment. Le débit des cours d'eau en été diminue à mesure que disparaissent les glaciers des montagnes Rocheuses et que les hivers plus doux produisent de moins en moins de neige et de glace pour le ruissellement du printemps.
    La saison de croissance s'allonge et devient plus chaude; cependant, la productivité des forêts et des exploitations agricoles est limitée par la réduction de l'apport en eau. Récemment, nous avons connu la pire sécheresse depuis que les Prairies ont été colonisées par les Européens. Nous avons aussi connu la pire inondation. La sécheresse de 2001-2002 a coûté 3,6 milliards de dollars à l'économie de l'Alberta et de la Saskatchewan. Cela renvoie au déficit d'adaptation évoqué par M. Burton.
    Les écosystèmes ont commencé à changer. Les services écologiques qui appuient l'agriculture, les forêts, le cycle de l'eau et le mode de vie traditionnel des premières nations est menacé.
    Le dendroctone du pin des montagnes Rocheuses a ravagé les forêts de Colombie-Britannique. Cette année, l'infestation a franchi les montagnes Rocheuses. Elle se répand maintenant en Alberta et il existe une menace très réelle que les forêts boréales du Canada soient dévastées par le dendroctone du pin parce que l'insecte survit aux hivers plus chauds.
(0930)
    Enfin, ces hivers plus courts sont également problématiques pour les industries septentrionales qui ont besoin d'un sol gelé pour transporter des matériaux et des fournitures. Nous perdons les avantages d'un hiver froid dans l'intérieur du Canada.
    Ce ne sont que quelques-uns des changements que les scientifiques canadiens ont documenté pour notre région. Veuillez noter que je n'ai pas dit un mot de la qualité de l'air. L'incidence du changement climatique se fait sentir d'abord dans l'Arctique et dans les Prairies, où la qualité de l'air est très bonne, merci, sauf peut-être pour Calgary ou Edmonton.
    Le taux du changement climatique et ses conséquences vont presque certainement s'accélérer au cours des prochaines décennies et tant que nous n'aurons pas réussi à ralentir la croissance des émissions de gaz à effet de serre, à titre de citoyen canadien et de scientifique spécialiste du changement climatique, je suis profondément inquiet devant toute mesure qui amènerait le Canada à affaiblir notre traité international sur le changement climatique. Je suis aussi profondément inquiet devant l'inertie et l'absence d'action pour s'attaquer aux changements climatiques et à l'impact que l'on constate déjà.
    Nos enfants et leurs enfants ont besoin de toute urgence de votre leadership pour créer une politique publique qui réduira les gaz à effet de serre le plus vite possible et le plus possible. Cependant, nous avons aussi besoin de votre aide pour aider les particuliers, les institutions, les collectivités et les entreprises à s'adapter à un climat qui change rapidement. L'incidence du changement est déjà profonde et nous connaîtrons inévitablement des incidences encore plus graves dans un avenir immédiat.
    Merci.
    Monsieur Teneycke.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à me joindre à vous aujourd'hui.
    Je représente l'Association canadienne des carburants renouvelables. Nous sommes l'association qui regroupe les entreprises du secteur de l'éthanol et du biodiesel au Canada, et aussi d'autres technologies renouvelables.
    Notre secteur connaît actuellement un essor mondial sans précédent qui est en partie impulsé par la hausse du prix de l'énergie et en partie par l'amélioration de la technologie permettant de produire des carburants renouvelables. Depuis un an et demi ou deux ans, notre production d'éthanol est passée de 230 millions de litres par année à 520 millions de litres à la fin de l'année en cours. Nous avons presque doublé la production d'éthanol en 18 mois. De même, la production de biodiesel est passée de moins de cinq millions de litres par année à un peu moins de 100 millions de litres.
    Ainsi, le Canada s'inscrit dans une croissance mondiale dont le principal moteur est aujourd'hui les changements apportés aux politiques provinciales.
    À l'instar des autres témoins aujourd'hui, je voudrais vous faire part de mes réflexions sur ce que nous pouvons faire pour aborder le changement climatique de manière globale et pour devenir un exemple d'action dans ce dossier. Au sujet de Kyoto, nous sommes d'avis, je vous le signale, que des discussions énergiques sur la scène internationale ne peuvent pas remplacer la prise de mesures sur le plan intérieur. De même, des discussions énergiques sur diverses initiatives intérieures sont également déficientes pour ce qui est de donner ce que, à mon avis, les Canadiens veulent: des mesures visibles, pratiques, mesurables, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ici même au Canada.
    Nous croyons que nous sommes un exemple de ce qui peut se faire sur le plan intérieur pour améliorer notre bilan en matière d'émissions de GES.
    Nous croyons que c'est une bonne politique de compter sur le carburant renouvelable dans notre bilan énergétique. C'est un élément positif, que ce soit dans le secteur de l'électricité, en exigeant des normes pour un portefeuille renouvelable, ou dans le secteur des transports, que nous représentons.
    Nous sommes très favorables aux initiatives prises par le gouvernement actuel visant à obtenir d'ici 2010 une teneur moyenne de 5 p. 100 de carburant renouvelable. Je signale que deux des partis d'opposition préconisent la même politique. Nous croyons qu'il y a un remarquable consensus quant à cette approche entre les gouvernements provinciaux de toutes couleurs politiques et les partis fédéraux, peu importe lequel. Il y a un consensus très solide dans ce dossier.
    C'est avantageux, et pas seulement pour l'environnement. Une teneur de 5 p. 100 de carburant renouvelable réduirait les émissions de GES de cinq mégatonnes par année dans le secteur des transports, ce qui n'est pas une solution à tous nos problèmes en matière de changements climatiques, évidemment, mais c'est néanmoins une mesure pratique, tangible, mesurable que nous pouvons prendre dès aujourd'hui et qui a aussi des avantages économiques pour le secteur de l'agriculture et l'économie rurale.
    Pour ce qui est des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de cette mesure, les résultats sont quelque peu mitigés. Nous n'avons pas grand-chose à signaler en fait de changement depuis la dernière fois que j'ai eu le privilège de prendre la parole devant le comité. Nous avions prévu une rencontre interprovinciale cet automne pour discuter de la mise en oeuvre d'une norme de 5 p. 100 de renouvelable. Cette réunion n'a pas eu lieu et aucune n'est prévue à ce jour.
    Par ailleurs, nous n'avons pas entendu non plus de détails supplémentaires indiquant à quoi ressemblera la norme gouvernementale sur le carburant renouvelable. Certaines dispositions de cette réglementation exigent d'abord la mise en place des changements qui ont été proposés dans la Loi sur la qualité de l'air et il est évident que cette mesure législative est actuellement dans les limbes politiques.
(0935)
    Pour ce qui est des changements que nous préconisons pour obtenir la parité du traitement fiscal, nous espérons que ces changements feront partie du prochain budget. Mais, bien sûr, nous sommes un peu dans le noir quant à la manière dont les décisions sont prises à cet égard.
    Je suppose qu'au total, cette incertitude a pour effet de créer beaucoup d'instabilité pour ceux qui envisagent d'investir dans des usines de fabrication de carburant renouvelable qui permettraient de répondre aux exigences gouvernementales.
    Le message que je veux vous transmettre est que les problèmes fondamentaux persistent pour ce qui est de créer cette parité fiscale et cet accès au marché. Nous croyons que l'orientation annoncée par le gouvernement, par l'opposition et par les gouvernements provinciaux est la bonne; cependant, nous sommes quelque peu exaspérés par les retards. Nous invitons non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les partis d'opposition et les gouvernements provinciaux à redoubler d'efforts pour que cette politique, qui semble faire l'objet d'un accord généralisé, se concrétise au cours de la législature actuelle.
    Cela met fin à mon exposé. Merci.
(0940)
    Merci, monsieur Teneycke.
    Nous entendrons maintenant M. Cleland.
     Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui pour traiter de cette importante question.
    Je voudrais d'abord prendre quelques minutes pour vous présenter l'Association canadienne du gaz. Notre association est le porte-parole de l'industrie canadienne de distribution du gaz naturel. Nos principaux membres sont les compagnies locales de distribution qui acheminent le gaz à près de six millions de clients résidentiels et commerciaux canadiens partout au Canada.
    Le gaz naturel représente environ un quart de l'énergie d'utilisation finale au Canada: 30 p. 100 de l'énergie industrielle, 44 p. 100 de l'énergie commerciale, et 46 p. 100 de l'énergie résidentielle. De plus, le gaz naturel représente une part croissante, quoique encore minime, de l'énergie utilisée pour la production d'électricité, ainsi qu'une petite partie de notre combustible utilisé pour le transport.
    L'ACG et ses membres participent activement au débat sur le changement climatique depuis plus d'une décennie, et notre point de vue est que l'industrie de la distribution du gaz naturel fait partie de la solution. Et cela, de trois manières.
    Premièrement, bien que nos émissions directes provenant de nos activités de distribution du gaz soient relativement minimes, nous faisons partie du groupe d'entreprises qu'on appelle les grands émetteurs finaux, et nous avons travaillé et continuons de travailler avec le gouvernement pour élaborer un cadre de gestion de nos émissions. Je veux dire par là un cadre qui comprend des cibles à court terme, à moyen terme et à long terme.
    Nous travaillons aussi avec nos clients et nos organismes de réglementation pour élaborer et mettre en oeuvre des programmes de gestion de la demande visant à améliorer l'efficience de l'utilisation du gaz naturel. Enfin, nous faisons la promotion du gaz naturel comme solution de rechange écologique dans de nombreuses applications, solution qui non seulement peut réduire les émissions de GES, mais qui est aussi extrêmement efficace pour ce qui est de réduire d'autres polluants atmosphériques. Les deux peuvent être réalisés ensemble, quoique je reconnaisse que ce n'est pas essentiellement lié.
    Bref, monsieur le président, l'ACG croit qu'en utilisant de multiples stratégies, le Canada peut gérer ses émissions de gaz à effet de serre de manière efficace au niveau des coûts et, avec le temps, il peut même commencer à les réduire. Je pense toutefois que, pour ce qui est de remplir les engagements à l'égard du Protocole de Kyoto, c'est une autre paire de manches.
    Bien que le projet de loi C-288 parte d'une bonne intention, sauf le respect que je dois aux membres du comité, je soutiens que sa teneur est malavisée, pour deux raisons: parce qu'il n'est pas possible pour le Canada d'atteindre l'objectif de Kyoto, et parce que la poursuite du débat sur la question de savoir si nous pouvons ou ne pouvons pas réussir et sur l'identité de ceux qui sont à blâmer constitue une distraction qui nous empêche de mettre en oeuvre des solutions.
    Je voudrais m'attarder brièvement sur ces deux points.
    Pourquoi ne pouvons-nous pas atteindre les objectifs de Kyoto? En termes simples, je soutiens que ce protocole a été conçu sans presque accorder la moindre considération à la réalité sous-jacente du système énergétique du Canada. En 1997, quand nous avons ratifié l'accord, nous étions bien conscients des éléments suivants. Les émissions de gaz à effet de serre augmentaient de quelque 1,5 p. 100 par année depuis plusieurs décennies. Cette croissance était la conséquence de la production et de l'utilisation d'énergie dans l'ensemble de l'économie. Toutes les décisions prises tous les jours par les particuliers et les entreprises influaient et continuent d'Influer sur nos émissions de GES. Même à cette époque, pour réaliser l'accord de Kyoto, il aurait fallu accomplir un virage économique brutal et nous inscrire sur une trajectoire nous permettant d'obtenir une réduction d'environ 1 p. 100 par année, en comparaison de la croissance de 1,5 p. 100 par année que nous avions connue depuis plusieurs décennies. À l'époque, il n'y avait aucune option économiquement faisable permettant de capter les GES ou de les séquestrer.
    Nous commençons maintenant à voir que le quatrième point n'est peut-être pas vrai, si nous pouvons résoudre le problème du captage et de la séquestration de grandes quantités de GES, et je suis optimiste que nous allons réussir à le faire. Mais les trois premiers points demeurent vrais; en fait, en 2006, il est physiquement impossible pour le Canada d'atteindre les objectifs de Kyoto. Nous pourrions acheter des crédits internationaux si nous pouvions en trouver en quantités suffisantes, ce qui est douteux. Mais le calcul est assez simple, et je vous laisse le soin à vous, parlementaires, de réfléchir à la manière dont le gouvernement pourrait expliquer aux Canadiens que des milliards de dollars de l'argent des contribuables canadiens seront envoyés à l'étranger pour remplir un engagement qu'à mon avis, nous n'avions pas d'affaire à prendre au départ.
    Mais le plus important, et je pense que la raison pour laquelle nous sommes obnubilés par Kyoto, au lieu de s'attaquer à la tâche pour combattre le changement climatique, c'est que cela constitue une distraction nous empêchant de trouver des solutions. Le Canada a clairement un très grand défi à relever. Nous sommes intrinsèquement une économie fortement axée sur la consommation d'énergie et la production de GES, pour de nombreuses raisons historiques. Notre histoire nous a légué un patrimoine intéressant, une économie solide comportant une forte proportion d'industries fondées sur les ressources naturelles, des villes immenses, de grandes maisons, de grosses voitures et une foule d'appareils utilisateurs d'énergie que la plupart d'entre nous aimons bien posséder et utiliser. Le corollaire de tout cela, c'est un niveau très élevé de gaz à effet de serre par habitant, un niveau beaucoup plus élevé que dans presque n'importe quel autre pays.
(0945)
    Dans ces circonstances, il m'apparaît évident que nous devrions nous attacher à trouver des solutions. Il est moins évident que nous devions essayer d'atteindre un objectif qui est à peu près le même que celui de l'Union européenne. Ces pays sont très différents sur le plan historique, géographique et économique; en fait, ils avaient déjà leurs objectifs en banque au moment où ils ont ratifié l'accord en 1997.
    Monsieur le président, je voudrais vous parler d'une solution possible qui m'apparaît pertinente à votre discussion. Mon association fait la promotion du concept de l'énergie propre pour les collectivités canadiennes et d'une stratégie pour y parvenir. Permettez que j'établisse le contexte. Environ la moitié de l'énergie que nous utilisons au Canada est consommée dans les villes canadiennes: environ 30 p. 100 dans les immeubles, 13 p. 100 pour le transport urbain, et 7 p. 100 dans les petites industries urbaines. Nous semblons tous d'accord pour dire qu'un véritable plan pour contrer le changement climatique exige une action immédiate, mais il faut aussi se tourner vers le long terme, autour du milieu du siècle, en vue de réaliser des réductions de l'ordre de 50 p. 100 ou 60 p. 100 ou même plus, par rapport au niveau d'aujourd'hui, même si nous nous attendons à ce que l'économie continue de croître. Cela exigera une transformation de proportion historique et un élément de cette transformation doit être la manière dont nous utilisons l'énergie dans nos villes, grandes et petites, dans nos collectivités.
    À ce jour, le débat public sur l'énergie et l'environnement a mis l'accent sur les technologies et les carburants pris individuellement, et sur les avantages ou inconvénients de chacun. Je soutiens que cette approche à la pièce ne tient pas compte du fait que l'énergie est un système composé de parties interdépendantes et que le tout s'avère sous-optimal. Nous devons agir sur plusieurs fronts. Nous devons accélérer considérablement nos efforts en matière d'efficience énergétique, le principal défi étant l'intégration du système plutôt que chacune des technologies prises individuellement. Nous devons mettre en place une plate-forme habilitante pour favoriser l'émergence de sources d'énergie renouvelable sur place. Nous devons réduire les pressions qui s'exercent sur les systèmes traditionnels de distribution de l'énergie en veillant à ce que le bon combustible soit utilisé au bon endroit et en extrayant la pleine valeur énergétique de chaque vecteur d'énergie.
    Les consommateurs d'énergie, les entreprises et les particuliers, achètent des combustibles et des technologies pour fournir des services énergétiques. Si les consommateurs veulent une meilleure performance environnementale et une plus grande efficience énergétique, ils ne sont presque jamais disposés à sacrifier la sécurité, le prix abordable ou la fiabilité pour réaliser une bonne performance environnementale. Nous le savons car de nombreuses années d'expérience nous l'ont appris. La question, le défi, c'est de savoir comment faire en sorte que tous ces facteurs se conjuguent au lieu de s'opposer. Pour cela, il faut une stratégie.
    Nous proposons d'adopter une stratégie appelée « une énergie propre pour les collectivités canadiennes », qui constituerait un tremplin vers l'adoption de diverses initiatives garantissant à la fois la fiabilité, un prix abordable et le respect de l'environnement.
    Cette stratégie serait fondée sur quatre principes que je vais énoncer rapidement, monsieur le président.
    Le premier est que nous devons tabler sur l'infrastructure existante et les entreprises de service dans le secteur de l'énergie. Le système énergétique canadien est un édifice complexe comprenant l'infrastructure, des entreprises et des clients et nous devons l'utiliser de façon optimale pour s'assurer de fournir aux Canadiens les services énergétiques qu'ils réclament en utilisant moins d'énergie et une énergie plus écologique.
    Nous devons reconnaître les avantages de la diversité, et j'entends par là la prestation de services énergétiques diversifiés. Nous devons utiliser de manière conjuguée le réseau de base — le réseau de distribution d'électricité et de gaz naturel —, des sources renouvelables sur place, et des technologies d'efficience énergétique afin de créer des solutions optimales.
    Nous devons mettre au point et déployer de nouvelles technologies. Nous devons tirer profit des technologies qui sont prêtes à mettre en marché tout en appuyant parallèlement la mise au point et le déploiement de technologies nouvelles, dont les avantages apparaîtront pleinement au cours des prochaines décennies.
    Enfin, nous devons mobiliser les intervenants. Nous devons mobiliser les fournisseurs d'énergie nouveaux et traditionnels, les fournisseurs d'équipement et de services, y compris ceux qui créent de nouvelles technologies, les constructeurs et les dirigeants municipaux.
    Dans tout cela, monsieur le président, le gouvernement fédéral a beaucoup de rôles importants à jouer, à titre de partenaire, travaillant de concert avec les gouvernements provinciaux et municipaux, pour favoriser la mise en application de cette stratégie.
    En terminant, je voudrais dire que c'est une stratégie qui, à mon avis, serait appuyée sans réserve par les gouvernements provinciaux. Comme je l'ai dit, on travaillerait en partenariat avec eux sans s'ingérer d'aucune manière dans leur domaine de compétence. Cela permettrait de renforcer l'effet de levier des efforts que le gouvernement fédéral déploie déjà.
(0950)
    Messieurs les membres du comité, je vous félicite pour votre engagement de faire en sorte que le Canada agisse de manière responsable dans le dossier du changement climatique, mais je voudrais faire une mise en garde. Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé du défi des GES, mais nous n'avons pas fait grand-chose pour relever ce défi, et les autres intervenants ont fait la même remarque. Il se peut fort bien que nous soyons à un point tournant historique, où nous pouvons passer des discours et des récriminations à l'action. Pour ce faire, il nous faudra mobiliser toutes les ressources à notre disposition, toutes les idées, toutes les technologies et jusqu'au dernier gramme de volonté politique.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Cleland.
    La parole est à M. Godfrey.
    Je tiens à remercier tous les témoins pour leur participation. Je sais que c'est un peu frustrant d'être convoqué à la dernière minute pour se voir confier une affectation qui ne correspond pas nécessairement à vos points forts ou à vos centres d'intérêt.
    Quand nous avons établi notre plan de travail initial, nous avons pensé qu'il serait utile d'avoir une séance pour aborder trois questions.
    La première était les divers mécanismes pour atteindre les objectifs. Ce sont par exemple les marchés d'échange de droits d'émission de carbone, etc.
    Une autre question à laquelle nous voulions réfléchir était le défi de l'établissement des objectifs. Si la manière dont nous nous y sommes pris la dernière fois pour fixer les objectifs n'était pas efficace, quelle serait la meilleure manière de procéder? Comment établir ensuite les prévisions quant au taux d'efficacité des divers mécanismes, de manière que nous puissions fixer des cibles précises à atteindre? Nous avons eu une discussion là-dessus.
    Enfin, le troisième point était la modélisation. En l'occurrence, je crois que c'était perçu comme une sorte de projection dans l'avenir des diverses incidences. Je trouve que nous avons eu une assez bonne discussion là-dessus avec les témoins précédents qui nous ont dit essentiellement que les modèles deviennent de plus en plus perfectionnés et raffinés et peuvent nous renseigner sur les incidences qu'on peut attendre, etc.
    Ce que nous aimerions faire, pour que les témoins soient bien à l'aise et ne soient pas appelés à s'aventurer dans des domaines ne correspondant pas à leurs compétences, c'est discuter de l'établissement des objectifs et des mécanismes. Je me rends compte que les gens veulent parler d'autres choses comme l'adaptation, mais ce n'est pas vraiment l'objet de notre étude ni du projet de loi.
    Je crois que c'est M. Sauchyn qui a dit que le projet de loi est conçu pour s'attaquer à un problème très précis, à savoir l'établissement de cibles à court terme dans le cadre de Kyoto. Je pense que l'hypothèse est que si nous n'arrivons pas à atteindre les objectifs de 2012, comment pourrions-nous recalibrer le tout de manière plus réaliste pour le reste de la période? Comment faire le lien entre les mesures que nous allons réaliser et les résultats escomptés?
    J'invite les témoins à aborder sous cet angle la question que nous essayons d'étudier aujourd'hui, et je vais commencer par MM. Sauchyn et Burton. Avez-vous des réflexions dont vous pourriez nous faire part quant à une manière plus réaliste de fixer des objectifs? Comment pouvons-nous faire le lien avec ce qu'on peut attendre comme résultat de certains mécanismes?
    Premièrement, je dois reconnaître que mon domaine d'expertise n'est certainement pas les technologies permettant d'enrayer les gaz à effet de serre, quoique je partage des locaux à l'Université de Regina avec certains experts canadiens dans ce domaine. Ils me disent, comme M. Cleland l'a dit, que cette technologie a progressé considérablement ces dernières années, au point qu'il vaut probablement la peine et que c'est probablement nécessaire de tenter à tout le moins d'atteindre les objectifs qui sont établis dans le cadre de Kyoto. Nous ne saurons jamais si ces objectifs sont réalisables si nous n'essayons pas de les atteindre.
    Je suis conscient des contraintes énoncées par M. Cleland. En fait, nous travaillons actuellement avec le secteur énergétique dans les Prairies pour identifier les options en matière d'adaptation et d'atténuation. D'après notre expérience, l'industrie a fait preuve de beaucoup de leadership. En fait, à mon avis, l'industrie a beaucoup d'avance sur le gouvernement pour ce qui est d'agir dans le dossier du changement climatique et, en dernière analyse, c'est sa responsabilité.
    En toute honnêteté, je ne peux pas dire si, du point de vue scientifique, les objectifs de Kyoto peuvent ou non être atteints, mais nous ne le saurons jamais si nous n'essayons pas. Chose certaine, les objectifs dont le gouvernement parle actuellement ou qu'il propose sont troublants.
    Encore une fois, M. Cleland a fait allusion aux objectifs pour les années 2050. Si d'autres pays adoptaient la même approche, si l'on prenait la concentration de gaz à effet de serre pour les années 2050 et l'inscrivions dans un modèle climatique, le climat se réchaufferait de façon catastrophique. L'impact est tellement extrême que le coût du dommage causé par le changement climatique sera très supérieur au coût de l'atténuation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
    Je suis certain que le comité est au courant du récent rapport publié au Royaume-Uni par un économiste nommé Stern. Il a montré que dans un scénario de maintien du statu quo, le coût du changement climatique se chiffrerait dans les dizaines de billions de dollars et serait très supérieur au coût de l'atténuation du changement climatique si l'on s'efforçait de réduire le plus possible à court terme les émissions de gaz à effet de serre.
(0955)
    Monsieur Burton, avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'établissement des objectifs?
    Oui. Monsieur Godfrey, j'ai trouvé intéressant que vous ayez utilisé l'expression « recalibrer les objectifs. » Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par là.
    Il me semble que si l'on se tourne vers l'avenir et l'utilisation des objectifs en question, la manière dont ceux-ci seront calibrés ou recalibrés dépendra tout à fait des négociations internationales. Par conséquent, mon point de vue là-dessus est que nous devons être beaucoup mieux préparés à négocier cette fois-ci que nous ne l'étions la dernière fois, et nous devons comprendre beaucoup mieux quelles sont les conséquences économiques pour le Canada de l'adoption d'un objectif en particulier. La dernière fois, l'adjectif a été choisi plus ou moins au hasard, à vrai dire. Il me semble donc qu'il y aura probablement une nouvelle série d'objectifs.
    De nouvelles cibles seront fixées pour cette deuxième période de l'engagement de Kyoto, mais il est impossible pour le moment de dire quelles pourraient être ces cibles. Tout indique que les objectifs seront beaucoup plus souples et variables que le chiffre unique et global sur lequel on s'est entendu pour la première période dans le cadre des engagements pris à Kyoto. Il me semble improbable que des ententes soient conclues à moins qu'on élargisse la donne pour faire intervenir un plus grand nombre d'interlocuteurs, et ces interlocuteurs plus nombreux insistent pour qu'on adopte une manière plus souple d'exprimer, de calibrer, si vous voulez, ces objectifs, par exemple en adoptant des objectifs pour chaque secteur de l'économie, etc. J'en conclus que nous devons réfléchir d'une façon beaucoup plus poussée aux conséquences économiques des objectifs, calibrés ou non, que nous acceptons.
    Qu'est-ce que cela veut dire à court terme, pour les prochaines années, d'ici l'expiration de la première phase d'engagements pris à Kyoto? Je n'en suis pas certain. C'est à la limite de mon expertise. J'incline à être d'accord avec ceux de mes collègues qui disent: mettons-nous à l'oeuvre. Efforçons-nous de faire ce que nous pouvons faire dès maintenant, sur le plan pratique et dans un souci d'efficacité, à court terme. Nous avons beaucoup d'options sur la table. On a tendance à en parler plutôt qu'à les mettre en pratique.
    J'espère que ma réponse vous est utile.
    Je crois que M. Cleland veut intervenir.
    Monsieur Godfrey, je pense que vous avez mis le doigt sur une question importante et je ne pense pas que quiconque puisse vous donner une réponse simple. Mais permettez que je vous donne quatre pistes de solution auxquelles il vaut la peine de réfléchir au sujet des objectifs.
    Premièrement, il faut établir des objectifs théoriques, de haut en bas, ainsi que des objectifs de bas en haut; il faut les deux. Il faut réfléchir à la manière dont on peut les harmoniser. À Kyoto, c'était purement théorique, de haut en bas. Cela sortait de nulle part. Ce n'était absolument pas branché sur la réalité. Il faut faire les deux. Si l'on s'en tient uniquement à ce qui se fait sur le terrain, on sera trop conservateur et l'on ne progressera pas. Voilà pour le premier point.
    Deuxièmement, il faut adopter une perspective à long terme ou une perspective compatible avec l'échelle, l'ampleur et la portée du problème. Ce dossier exige une perspective à plus long terme que presque n'importe quel autre, mais il faut des points de repère. Il faut des jalons. Il faut une trajectoire. L'un des problèmes de Kyoto est que nous avons toujours mis l'accent sur l'écart. Au lieu d'être braqués sur l'écart, nous devrions plutôt voir la trajectoire. Quelle est la courbe de la progression et que faut-il faire pour infléchir cette courbe de manière à parvenir à nos fins?
    Songez à un éventail de possibilités, au lieu de viser un point précis. Si l'on vise un point, cela devient un exercice de comptable, et l'on s'exclame « voilà, j'ai atteint tel ou tel chiffre », ou bien on ne l'atteint pas. Si c'est perçu comme un éventail de possibilités, cela ressemble davantage à ce qui se passe dans la réalité.
    Enfin, quel que soit l'objectif fixé, il doit être crédible, il doit pouvoir être pris au sérieux par les décideurs politiques et économiques. Je soutiens que l'un des problèmes de Kyoto est que les objectifs n'ont justement pas cette caractéristique.
(1000)
    Vous en êtes à dix minutes. Une dernière question de 30 secondes.
    Dans ce cas, ma question, qui s'adresse à M. Cleland, est celle-ci: si l'on doit établir une trajectoire, on ne peut pas le faire à moyen terme et à long terme; il faut commencer par le court terme.
    Absolument.
    La commissaire à l'environnement nous a dit: si vous ne pouvez pas atteindre l'objectif que vous pensiez pouvoir atteindre, fixez-en un autre. Je suppose que l'exercice d'aujourd'hui vise justement à tenter de trouver le meilleur moyen de le faire. Au moins, ce projet de loi nous dit qu'il faut essayer de trouver une manière réaliste de mettre en corrélation les mesures que l'on effectue et les résultats auxquels on s'attend, afin de s'inscrire dans la bonne trajectoire.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à cette séance du comité sur le projet de loi C-288.
    Je vous remercie, monsieur Burton et monsieur Sauchyn, de nous avoir sensibilisés à l'importance de l'adaptation aux changements climatiques. M. Godfrey nous a dit que ce n'était pas l'objet du projet de loi, mais nous sommes forcés de constater, après la conférence de Nairobi, que cette question de l'adaptation aux changements climatiques devient de plus en plus importante. D'ailleurs, nous avons au Québec un groupe que vous connaissez très probablement, le groupe Ouranos, qui travaille à la question de l'adaptation aux changements climatiques et qui a révélé, pas plus tard qu'il y a deux semaines, que les coûts associés aux changements climatiques sur le Saint-Laurent sont de l'ordre de un milliard de dollars. Cela démontre à quel point il est important de lutter contre les changements climatiques.
    À Nairobi, le président suisse a fait une proposition visant à financer l'adaptation aux changements climatiques. Il nous propose de déposer un projet de taxation du CO2, tant pour les secteurs industriels que pour ceux de la consommation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce régime fiscal qui taxerait le CO2 afin de financer un fonds axé sur l'adaptation aux changements climatiques. J'ai toujours trouvé que dans la stratégie fédérale, le parent pauvre était bien souvent la question de l'adaptation. Croyez-vous qu'une taxe sur le CO2 permettant de financer l'adaptation serait une bonne mesure, tant pour les secteurs industriels que pour ceux, plus individuels, de la consommation?

[Traduction]

    Qui veut répondre à cette question?
    Monsieur Teneycke.
    Au sujet d'une taxe sur le carbone, nous avons suivi avec un certain intérêt la proposition faite au Québec. J'ai des réserves au sujet de toute taxe spécialement affectée, parce que les revenus qui en sont tirés sont versés au Trésor, et l'expérience que nous avons de cette forme de fiscalité dans le passé n'est pas très encourageante. La taxe sur les routes ne sert pas à construire des routes, la TPS ne sert pas à rembourser la dette, la taxe sur les soins de santé en Ontario ne sert pas à financer les soins de santé, et il est improbable qu'à long terme, une taxe sur le carbone change le montant que les gouvernements consacrent à ce problème.
    Des mesures utiles pourraient être prises au moyen du régime fiscal pour atténuer l'écart de coût entre les nouvelles technologies et les technologies traditionnelles. Cela donnerait probablement un résultat assez intéressant à cet égard. Mais nous n'avons pas vu beaucoup d'exemples de telles taxes spécialement affectées qui servent réellement aux fins pour lesquelles elles avaient été prévues à l'origine.
(1005)

[Français]

    Je parle bien d'une taxe dont le produit serait directement versé à un fonds d'adaptation aux changements climatiques. C'est cela qui est fondamental. Il y aurait une taxe sur les projets en vertu du mécanisme de développement propre. Dans la mesure où cette taxe serait versée directement à un fonds, elle pourrait permettre de développer un espace pour financer l'adaptation.
    Je pose tout de suite ma deuxième question, parce que le temps file. Monsieur Cleland, j'aimerais que vous nous fassiez part de l'état de la technologie disponible dans votre secteur industriel. Vous nous dites que vous avez mal évalué, en 1997, l'évolution ou l'accroissement des GES. Vous nous dites qu'en appliquant Kyoto, on étoufferait notre économie. Vous nous dites également qu'il serait peut-être possible d'atteindre les objectifs de Kyoto, mais en achetant des crédits à l'étranger, ce qui signifierait des fuites de capitaux. Avez-vous fait l'évaluation de l'état de la technologie disponible dans votre secteur industriel? Avez-vous fait une extrapolation pour savoir de combien vous pourriez réduire les émissions de gaz à effet de serre en appliquant cette technologie à 100 p. 100 dans votre secteur industriel?

[Traduction]

    Je voudrais apporter une précision sur ce que j'ai dit, à savoir qu'en 1997, d'après moi et d'après beaucoup d'autres gens, nous avons fixé un objectif qui était tout à fait irréaliste. Je voulais dire pour l'ensemble de l'économie canadienne. Je ne parlais pas spécifiquement du secteur de la distribution du gaz naturel ou d'un secteur en particulier.
    Pour ce qui est de prendre la technologie disponible aujourd'hui et de l'appliquer à 100 p. 100, encore une fois, dans le cas du secteur de la distribution du gaz naturel, nous représentons une part relativement minime des émissions. Pour notre part, nous consommons de l'énergie pour les pompes et compresseurs, pour nos immeubles et nos véhicules. Il vous faudrait poser cette question relativement à chacun de ces domaines particuliers.
    Nous savons qu'il y a une foule de technologies disponibles. En théorie, nous pourrions prendre, disons, le secteur résidentiel, qui utilise le gaz naturel, et en réduire radicalement les émissions si nous pouvions démolir toutes nos maisons et les remplacer en utilisant toutes les nouvelles technologies. Mais je ne vois pas en quoi c'est une question pertinente sur le plan des politiques, car nous savons que ce n'est pas faisable économiquement ni sur aucun autre plan. Franchement, je ne veux pas qu'on démolisse ma maison, même si elle n'est pas aussi efficiente qu'elle pourrait l'être.
    Les technologies existent. Ce que j'essayais de faire comprendre, c'est que nous devons trouver des manières de s'assurer qu'à chaque fois que nous faisons quelque chose de nouveau, nous mettions en place les meilleures technologies possibles. Je soutiens que dans le secteur du bâtiment, en particulier, il faut voir la problématique dans son ensemble, parce que souvent, le problème ne se situe pas au niveau de chacune des technologies prises individuellement, mais plutôt dans ce que l'on appelle dans le secteur de l'efficience énergétique l'intégration des systèmes. C'est un grand défi. C'est pourquoi je pense qu'il nous faut adopter une stratégie comme celle que j'ai décrite.

[Français]

    Merci.
    À ma grande surprise, la ministre nous a indiqué qu'elle avait l'intention de déposer dès janvier prochain une réglementation en matière de lutte contre les changements climatiques, et elle l'a répété à Nairobi. Jusqu'à maintenant, avez-vous eu des négociations avec le gouvernement au sujet de cette réglementation?

[Traduction]

    Nous avons eu deux réunions d'information avec des fonctionnaires pour en cerner les grandes lignes. Nous n'en sommes pas à l'étape des négociations.
    Ce que nous avons dit au gouvernement, c'est que nous croyons avoir fait beaucoup de progrès depuis deux ou trois ans pour ce qui est de comprendre les émissions dans notre secteur et d'établir ce qui nous semble être un cadre réaliste pour la gestion de ces émissions. Nous voudrions nous en servir comme point de départ et, espérons-le, le plus tôt possible, comme point d'arrivée pour la mise en place d'un cadre qui comportera des normes obligatoires. Nous pensons qu'il faut passer à l'action.
(1010)

[Français]

    Croyez-vous que l'échéance de janvier 2007 est possible étant donné l'état actuel de vos discussions avec le gouvernement?

[Traduction]

    C'est tout à fait possible, oui.
    Pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre, oui. Pour les autres émissions et polluants atmosphériques, non, et je pense que c'est probablement vrai dans la plupart des secteurs.
    Merci, monsieur Bigras.
    Nous allons passer à M. Cullen.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
    Monsieur Teneycke, vous avez fait allusion à l'annonce de 5 p.100 au début du gouvernement actuel. Comment décririez-vous les activités survenues depuis lors, du point de vue de votre industrie? Quels nouveaux signes ou investissements ou indications, encourageants ou pas, avez-vous perçus?
    On a vu depuis des investissements qui étaient à l'étape ultime des préparatifs et qui ont été faits pour répondre à la demande et aux besoins en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Cependant, de nouveaux investissements sont en suspens, en attendant de voir à quoi ressemblera la politique fédérale.
    C'est peut-être l'objet même de ma question, pas tellement du point de vue de l'industrie, mais plutôt du gouvernement.
    Du côté gouvernemental, nous avons eu une période de consultation très étendue, suivie, ces derniers mois, par une période d'attente.
    Les échéances fixées à l'origine ont été ratées puisqu'on devait tenir une deuxième réunion interprovinciale à l'automne et annoncer les grandes lignes de la réglementation et des mesures financières. On nous dit maintenant que le financement sera annoncé dans le budget et que les consultations interprovinciales sont remises indéfiniment. Ce ne sont pas de très bonnes nouvelles. On ne nous dit pas que tout est arrêté; on nous dit que cela va se faire, mais que les échéances sont repoussées. Je n'en connais pas précisément les raisons, mais je sais que c'est inquiétant pour nous parce que les attentes qui avaient été créées sont déçues.
    Merci.
    Monsieur Cleland, en tant que représentant d'une partie de l'industrie qui n'émet pas elle-même beaucoup de gaz à effet de serre, mais qui est dans ce secteur, étant donné que les gens qui produisent de l'énergie ou qui en consomment sont également parties de cette équation, ne croyez-vous pas qu'il y a un conflit d'intérêts — je ne dis pas cela de manière péjorative — quand les compagnies énergétiques qui tirent des profits de l'utilisation de l'énergie sont celles-là mêmes dont les collectivités, la société et le gouvernement s'attendent à ce qu'elles soient des chefs de file, au moment même où on lance un appel pressant en faveur d'une réduction de la quantité d'énergie que nous utilisons, en particulier les combustibles fossiles? Je me pose la question.
    Il ne semble pas que ce soit votre rôle. Ce n'est pas ce que vos actionnaires attendent de vous. Ils veulent plutôt que l'on consomme le plus d'énergie possible.
    Oui, c'est une question légitime et on peut y répondre de plusieurs façons.
    Premièrement, nous prétendons pouvoir jouer un rôle important à titre de partenaires travaillant avec d'autres pour concevoir des solutions. Oui, nous vendons de l'énergie et nous faisons de l'argent en vendant de l'énergie, mais nous sommes aussi très connaisseurs en fait de systèmes énergétiques. Nous en connaissons aussi beaucoup sur les solutions. En fait, nous travaillons avec nos clients pour les aider à devenir plus efficients. Nous sommes tenus de le faire par la réglementation, laquelle est établie de manière à ne pas nuire à notre rentabilité, mais cela nous permet d'apporter notre savoir-faire — et le fait que nous sommes directement branchés sur six millions de clients individuels — à la table en tant qu'élément de solution.
    Est-il juste de dire que les membres de votre association considèrent le changement climatique comme un problème grave?
    Je ne connais pas beaucoup de gens qui ne le considèrent pas comme un problème grave.
    Je pose la question parce que quand nous nous penchons, par exemple, sur l'exploitation des sables bitumineux dans le nord de l'Alberta, la proposition de recourir à votre secteur pour transporter le gaz naturel jusqu'aux sables bitumineux pour y produire du pétrole est considérée, dans le dossier du changement climatique, comme une équation plutôt épouvantable sur le plan de la quantité de gaz à effet de serre émise par ce procédé de production. On utilise l'un des produits les plus écologiques que nous ayons pour produire ce qu'on pourrait appeler l'un des produits les plus polluants. Au total, le résultat net sur le plan du changement climatique est plutôt désastreux.
    Est-ce qu'il n'incombe pas au gouvernement, comme l'ont laissé entendre l'ancien premier ministre Lougheed et même M. Klein, de jouer un rôle quelconque à titre de facilitateur et de vérificateur des coûts? Quand vous construisez le réseau de distribution et que d'autres produisent le gaz naturel et que d'autres encore utilisent le gaz naturel de cette manière, personne ne paie la note des émissions qui en résultent. Je n'ai pas entendu dans votre exposé la moindre évocation d'un système de plafonnement et d'échange ou d'autres solutions de ce genre qui ont été avancées. Ne faut-il pas mettre au point de telles solutions pour établir le coût réel d'un projet comme celui des sables bitumineux et le rendre plus raisonnable?
(1015)
    Oui, je soutiens que c'est le cas. Et je suis désolé si je ne l'ai pas dit clairement. En fait, nous avons travaillé avec le gouvernement pour mettre au point un système de plafonnement de nos émissions, quoique selon la formule de l'intensité, et cela a donné lieu à un débat. En bout de ligne, le résultat est le même.
    Il s'agit de créer le bon signal économique. Tout est là. Donc, premièrement, je pense que nous avons effectivement besoin d'un système qui s'applique dans l'ensemble de l'économie, de manière égale pour tous, pour transmettre ce message économique. Une fois cela fait, les gens qui exploitent les sables bitumineux se tourneront vers d'autres options pour réduire leurs émissions. En fait, nous ne voulons pas qu'on réglemente l'utilisation du gaz ou son interdiction. Nous n'aimons pas l'idée d'une réglementation obligatoire dans un sens ou dans l'autre.
    Mais il s'agit plutôt d'inclure le coût de la consommation du gaz naturel, par opposition à quelque chose d'autre.
    En fait, je pense qu'il est tout à fait logique de réfléchir à un système qui ferait en sorte de transmettre le bon signal économique. Nous préférerions de loin vendre notre gaz naturel à nos clients résidentiels et commerciaux.
    Je vois.
    Monsieur Sauchyn, on a entendu beaucoup d'interventions de gens qui sont peut-être un peu moins inquiets du changement climatique et qui disent que, souvent, quand on discute d'adaptation, on met l'accent sur des aspects négatifs: l'augmentation du nombre d'inondations, de l'intensité des tempêtes, etc. A-t-on déjà fait des études sur les aspects positifs, comme le fait de cultiver le raisin dans le nord de l'Angleterre et tout le reste?
    Eh bien, je cultive actuellement le raisin dans le sud de l'Alberta.
    Félicitations.
    Il est donc certain que la chaleur supplémentaire et la productivité de nos champs, de nos exploitations agricoles, nous permettraient potentiellement d'étendre l'agriculture plus loin vers le nord au Canada. Mais il y a une sérieuse contrainte, tout au moins dans les provinces des Prairies, quant à savoir s'il y aura assez d'eau. C'est un fait que la plupart des conséquences du changement climatique sont négatives. Et c'est surtout parce que nous avons élaboré dans notre pays et dans le monde occidental une stratégie de gestion des ressources qui est tout à fait inflexible et que nous ne sommes pas bien adaptés au climat actuel. Par conséquent, tout changement du climat a des conséquences négatives.
    Nous nous comportons comme si le climat était une entité statique, alors qu'en fait, le climat est tout à fait dynamique et qu'il change actuellement à un rythme sans précédent.
    Certains ont dénoncé ce projet de loi. Nous en étudions les répercussions, et les reproches portent peut-être plutôt sur les aspects économiques.
    Sur la question de savoir comment nous pourrions atteindre les objectifs de 2012, quels arguments favorables pouvez-vous apporter? D'aucuns ont dit que si le gouvernement et l'industrie sont incapables de s'adapter à temps pour opérer les réductions des émissions nécessaires, il faudra alors acheter une quantité extraordinaire de crédits à l'étranger, ce qui ne permettra pas nécessairement à notre économie d'être prête à affronter la prochaine ronde de réduction des émissions.
    Que répondez-vous à cette question?
    Sauf le respect que je dois à M. Godfrey, je ne crois pas qu'on puisse isoler l'atténuation et l'adaptation. Le degré d'adaptation qui sera nécessaire dépendra entièrement de la mesure dans laquelle nous réussirons à ralentir le rythme du changement climatique. Nous ne pouvons donc pas considérer l'une sans l'autre.
    Le fait que le projet de loi C-288 cible exclusivement un seul et unique paragraphe de l'accord de Kyoto fait ressortir le fait qu'il y a un vide sur le plan des politiques au niveau fédéral et que nous n'élaborons pas une stratégie globale pour contrer le changement climatique.
(1020)
    Donc, si cette mesure législative devait nous amener à 2012, quel serait votre degré de confiance quant à la possibilité que le Canada puisse être prêt ou devienne un chef de file mondial dans ce dossier? Dans quelle mesure peut-on compter sur ce projet de loi pour nous amener avec succès jusqu'en 2012?
    Dans la mesure où ce projet de loi vise un élément restreint, mais crucial, du changement climatique, je l'appuie fermement, mais comme je l'ai dit, il traite seulement d'un tout petit volet de la problématique.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure et comme je l'ai d'ailleurs précisé quand on m'a demandé de venir témoigner, je ne suis pas expert en matière de réduction des gaz à effet de serre. On m'a quand même invité à venir.
    J'ai participé récemment à une rencontre avec le vice-président d'une grande compagnie énergétique de l'Alberta, la cinquième en importance au Canada. Quand je l'ai rencontré, il m'a instruit sur la question. Il m'a dit qu'il faudrait environ 15 ans pour mettre à niveau l'une de leurs centrales électriques alimentées au charbon en Alberta. Comme l'a dit M. Cleland, on ne peut pas transformer l'économie du jour au lendemain.
    Je comprends que cela s'applique à des projets de grande envergure, mais il semble qu'il y ait dans notre pays d'autres projets plus petits qui pourraient être mis à niveau beaucoup plus rapidement. Il y a un projet auquel nous participons tous et qui concerne le mode de déplacement pour aller travailler tous les jours. J'ai lu qu'environ 90 p. 100 de toute l'utilisation des véhicules consiste à transporter une seule personne par véhicule sur moins de cinq kilomètres, pour aller travailler et en revenir chaque jour.
    Allons donc, nous sommes tous capables de marcher cinq kilomètres ou de faire ce même trajet à bicyclette.
    Nous apporterons peut-être un amendement au projet de loi C-288 pour encourager la marche.
    Il suffit de faire en sorte qu'il devienne sexy de faire de la bicyclette.
    Ma bicyclette est attachée dehors; celle de M. Godfrey l'est peut-être aussi.
    Alors pourquoi ne pas commencer par là?
    Oui, nous allons peut-être commencer par les membres du comité.
    Je ne veux pas évoquer les problèmes climatiques à Regina, mais faire de la bicyclette quand il fait moins je ne sais pas combien...
    Oui, trois mois par année, c'est vrai.
    M. Warawa et ensuite M. Harvey.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Harvey, comme vous l'avez dit.
    Je remercie les témoins d'être présents ce matin.
    Comme on l'a fait observer, nous mettons l'accent sur l'établissement des cibles et sur la modélisation. Je suis content qu'on ait fait des commentaires sur l'adaptation, parce que c'est une question importante, mais ce n'est pas la question à l'étude ce matin.
    Nous avons entendu des commentaires du Parti libéral au sujet du projet de loi C-288. Il semble que les libéraux envisagent déjà d'apporter des amendements à ce projet de loi relativement à l'établissement des objectifs. Mais le projet de loi C-288, dont nous avons le texte sous les yeux, est très clair, même dans son titre: Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.
    Au sujet des objectifs, le Protocole de Kyoto exige que le Canada réduise ses émissions annuelles moyennes de gaz à effet de serre, au cours de la période allant de 2008 à 2012, de 6 p. 100 par rapport au niveau de 1990. La commissaire à l'environnement nous a dit que nous n'atteindrons pas cet objectif. Le ministre de l'Environnement nous a dit que nous n'atteindrons pas cet objectif. Des témoins qui ont comparu devant le comité nous ont déjà dit que nous n'atteindrons pas cet objectif. L'un d'entre eux a dit que le projet de loi C-288 aurait été un bon projet en 1998, mais qu'il n'est plus pertinent. Nous avons eu l'occasion d'atteindre cet objectif, peut-être, mais c'est trop tard.
    Voici la première question que je vous pose. Je pense d'ailleurs que certains d'entre vous ont déjà abordé la question dans leurs exposés. Sans dépenser des milliards de dollars sur la scène internationale pour atteindre cet objectif, pouvons-nous l'atteindre sur le plan intérieur?
    Monsieur Sauchyn, je pense que vous avez dit que vous l'ignorez.
    Je pourrais peut-être demander à chacun d'entre vous de répondre par oui ou par non ou par un je ne sais pas à la question suivante: croyez-vous que nous pouvons atteindre les objectifs de Kyoto, ce que le projet de loi C-288 nous demande de faire?
    Le président: Nous allons commencer par M. Cleland et les autres répondront ensuite, dans l'ordre.
    J'espère que mon témoignage est raisonnablement clair là-dessus. Je pense que la réponse est clairement non.
    Mais je voudrais ajouter que je ne suis pas d'accord avec le témoin qui a laissé entendre que cela aurait peut-être été une bonne idée en 1998. Je ne suis pas d'accord avec cela. En 1998, c'était également une mauvaise idée; nous n'aurions pas pu atteindre ces objectifs à cette époque. Nous avons visé trop haut et, en conséquence, nous avons fait obstacle à beaucoup de mesures que nous aurions dû prendre. Nous devions comprendre mieux l'économie.
(1025)
    Je déteste vous couper la parole, mais mon temps est limité. Je demanderais donc au suivant de répondre.
    Non.
    De dire que nous ne pouvons pas atteindre ces objectifs, c'est une prophétie autoréalisatrice.
    Non, nous ne pouvons pas les atteindre.
    Merci.
    Monsieur Sauchyn, je trouve vos commentaires très intéressants, en fait. Vous avez dit que le projet de loi C-288 ne traite que d'une toute petite partie du Protocole de Kyoto. Pourtant, vous avez dit que vous ne saviez pas si nous pouvions atteindre l'objectif et vous avez ajouté que vous étiez tout à fait en faveur du projet de loi. Je suis donc un peu perplexe, mais laissons tomber.
    Pourrais-je répondre? Je suis désolé, je voulais seulement dire que j'appuie les efforts du gouvernement du Canada pour participer au processus de Kyoto, parce qu'il y a beaucoup de bonnes raisons de participer à ce processus, outre les objectifs précis de réduction des émissions.
    Je suis d'accord avec cela, mais à l'heure actuelle, vous n'êtes pas certain que nous puissions atteindre ces objectifs?
    Je dis seulement que je n'ai pas la compétence professionnelle pour répondre à cette question.
    Merci.
    Monsieur Teneycke, ma question fait suite à celle de M. Cullen au sujet du projet de loi C-288, quand il demandait si cette mesure pourrait nous guider et nous aider à progresser. À vos yeux, le projet de loi C-288 renferme-t-il un élément quelconque qui permettrait de favoriser l'utilisation de combustibles renouvelables? Vous avez dit que ce dossier était dans les limbes à l'heure actuelle, avec la présentation du projet de loi C-30, Loi sur la qualité de l'air, et que nous sommes actuellement dans les limbes politiques, étant donné que l'opposition, les libéraux et le Bloc, ont dit qu'ils n'appuieraient pas ce projet de loi. Il en est résulté de l'instabilité dans le marché des investissements.
    Le projet de loi C-288 instaure-t-il cette sécurité ou stabilité?
    Je pense qu'il traite d'une question différente. Dans la mesure où le gouvernement a des objectifs qui sont à long terme, stables et faisables à la fois sur les plans environnemental et économique, je crois que c'est un élément positif du casse-tête. Je suis d'accord avec ceux qui disent que c'est un élément d'une stratégie qui doit être plus complète.
    Mais je crois que si notre secteur est dans les limbes, c'est à cause du manque de clarté quant à l'orientation dans des dossiers précis qui nous touchent de près, et je pense que vous entendrez probablement le même refrain de la part de beaucoup d'autres secteurs. Et la réponse est non, cela ne se trouve pas dans le projet de loi C-288. Et certains éléments ne se trouvent pas non plus dans la Loi sur la qualité de l'air. Nous avons un gouvernement qui dit qu'il va changer toutes les règles, mais qu'il ne va pas nous dire quelles sont exactement les nouvelles règles. C'est compréhensible que les gens hésitent à investir dans un tel climat.
    Je pense donc que chacun a sa part du blâme, mais ce qu'il faut, c'est arrêter les récriminations et instaurer la clarté.
    Je comprends votre critique, et mon temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Mark partage son temps avec moi, mais il est un peu avare: il ne m'en laisse pas beaucoup. Je vous demande donc de me donner des réponses très brèves.
    On a constaté qu'il y avait un réchauffement de la planète et qu'il fallait réagir. C'est réglé. Toutefois, on n'a pas encore parlé de solutions. J'aimerais savoir si vous connaissez une technologie ou un élément qui peut nous donner à penser qu'aujourd'hui on peut déjà réduire les émissions des différentes industries, notamment celles de l'automobile, de la production d'énergie, etc.? Je souhaite commencer avec M. Burton. A-t-on aujourd'hui des technologies qui permettent de le faire?

[Traduction]

    Avons-nous toute la technologie voulue pour réussir? Non. Pouvons-nous la mettre au point? Oui. Est-ce que cela nous prendra un certain temps? Oui. Pouvons-nous, tôt ou tard, nous sevrer des combustibles fossiles ou transformer notre économie productrice de carbone? Oui, cela prendra du temps.

[Français]

    Combien de temps?
    Un demi-siècle.
    Monsieur Sauchyn.

[Traduction]

    Nous avons beaucoup de technologies. La technologie n'est pas la seule solution. Il faut apporter beaucoup de changements de comportement et de rajustements institutionnels. Il y a beaucoup de solutions; le gouvernement doit simplement permettre leur mise en place.
(1030)
    Je suis d'accord avec le chiffre de 50 ans. Je pense qu'il faudra au moins autant de temps.
    Le défi des décideurs politiques est qu'il n'y a pas assez d'argent pour financer à la fois la mise au point de la technologie et la transition de l'économie, d'une part, et l'achat de crédits à l'étranger, d'autre part. Il n'y a tout simplement pas assez de ressources pour faire les deux. C'est l'un des défis. Si vous concevez des systèmes d'échange de crédits, vous devez en tenir compte.
     Monsieur Cleland, rapidement.
    Je suis d'accord avec la plupart des intervenants précédents. Je pense qu'il faudra effectivement une cinquantaine d'années pour réduire les émissions de 50 p. 100 ou 60 p. 100, ou quel que soit le pourcentage visé. Quant à savoir si cela élimine l'utilisation des combustibles fossiles, c'est une autre histoire — j'en doute —, mais il est concevable que l'on puisse gérer les émissions de carbone. Nous pouvons déjà discerner la plupart des technologies nécessaires. Il faudra beaucoup de travail pour les mettre au point, pour les rendre plus rentables et pour les mettre en oeuvre.

[Français]

    Aux termes de l'accord de Kyoto, l'objectif du Canada est de moins 6 p. 100 et celui de l'Australie est de plus 10 p. 100, alors que la Chine n'a aucun objectif de réduction d'émissions de carbone. Que pensez-vous des objectifs du Canada en relation avec sa capacité réelle de réduction, monsieur Burton?

[Traduction]

    Les objectifs du Canada, que nous avons acceptés dans le cadre de Kyoto, quand nous avons signé et ratifié l'accord, ont été établis un peu au hasard. Ils n'ont pas fait l'objet d'une recherche approfondie et étaient mal compris. Je ne crois pas que nous ayons vraiment compris ce à quoi nous nous engagions.
    Monsieur Sauchyn.
    Je suis d'accord.
    Je n'ai pas d'autres commentaires.
    Oui, je suis d'accord avec cela. Nous devons comprendre l'économie canadienne si nous voulons bien faire les choses.

[Français]

    Monsieur Teneycke, on n'a pas entendu votre réponse.

[Traduction]

    J'ai dit que je n'ai rien à dire de différent. Je pense que lorsque nous avons signé l'accord de Kyoto, nous n'avions pas la moindre idée de ce qu'il voulait dire. Quant à essayer d'atteindre l'objectif aujourd'hui, je pense que le seul moyen d'y parvenir est d'acheter des crédits à l'étranger et je ne crois pas que les revenus du gouvernement soient suffisants pour financer à la fois cet investissement technologique et cette transition et exporter des milliards de dollars par année pour acheter des crédits à l'étranger. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait faire les deux, à moins de décider de ne plus financer un autre programme de grande importance, comme les soins de santé. Il n'y a tout simplement pas assez d'argent.
    Merci, monsieur Harvey.
    Nous passons maintenant au deuxième tour et M. Scarpaleggia a la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour faire suite à la discussion portant sur la taxe sur le carbone, j'ai constaté à ma grande surprise, il y a deux ou trois semaines, alors que j'assistais à un symposium mettant en vedette l'un des plus grands experts en biocarburant, de l'Université Georgia Tech, que beaucoup de grandes entreprises des États-Unis — et je suppose que cela englobe des compagnies pétrolières — ont déjà calculé la taxe sur le carbone dans leurs projections de revenu, etc. J'ai trouvé cela intéressant.
    Mais pour revenir à l'argument initial de M. Cleland, qui a dit que nous perdons notre temps à discuter de l'accord de Kyoto au lieu de mener des activités plus productives, je crois personnellement que nous avons perdu des années à essayer de réfuter le fait que le changement climatique se produit bel et bien. Nous sommes encore en train de perdre du temps à essayer de réfuter l'accord de Kyoto.
    Pour moi, l'accord de Kyoto est à bien des égards comme une flamme autour de laquelle la communauté internationale peut se rassembler. S'il n'y avait pas eu Kyoto, aurions-nous dans la province de Québec un plan du changement climatique qui, en dépit de certaines lacunes, a été louangé par les experts? Aurions-nous même une Loi sur la qualité de l'air? Il y a deux ans à peine, les membres du Parti conservateur, qui était alors dans l'opposition, essayaient encore de contester le fait que le changement climatique était anthropique. En l'absence des objectifs de Kyoto, il semble que nous ne réussirons pas à établir et exploiter à Montréal une bourse des crédits d'émissions.
(1035)
    J'invoque le Règlement. Le député sait pertinemment que rien n'empêche la Bourse de Montréal de créer une bourse des échanges de carbone semblable à celle de Chicago. Rien ne l'en empêche. Je veux simplement apporter cette précision.
    C'est un point de débat, monsieur Warawa.
    Poursuivez, monsieur Scarpaleggia, je vous prie.
    Je conviens, monsieur Cullen, que les efforts de bas en haut et de haut en bas doivent se rencontrer à un moment donné. Je me rappelle quand les États-Unis ont dit qu'ils enverraient un homme sur la lune en huit ans; tous les scientifiques s'étaient alors regardés en disant: comment diable allons-nous y parvenir? Mais cela a été fait.
    Ma question s'adresse à M. Sauchyn. Vous avez traité d'adaptation. Connaissez-vous le Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation, connu sous le sigle C-CIARN?
    Oui, je le connais très bien. En fait, notre institut de recherche a été le premier élément du C-CIARN.
    Le gouvernement précédent avait une stratégie à deux volets. Nous visions l'atténuation, mais nous avons également investi dans la recherche sur l'adaptation, mais je crois savoir que le financement du C-CIARN a été interrompu et que le projet a été torpillé.
    En effet. Le C-CIARN est venu à échéance en mars dernier. Il a été ressuscité en juin, mais seulement pour dix mois et il va donc disparaître de nouveau.
    Je trouve que c'est vraiment dommage.
    Monsieur Burton, ma question suivante s'adresse à vous. Vous dites qu'il y a deux possibilités, l'atténuation et l'adaptation. Je voudrais peut-être en ajouter une troisième entre les deux, à savoir s'adapter aux mesures d'atténuation des grands pays. Autrement dit, je pense que ce qui va se passer au cours des prochaines années — ce processus a été accéléré par le changement de la garde au Congrès des États-Unis — est que les États-Unis vont commencer à agir rapidement dans le dossier du changement climatique et même les grandes entreprises de ce pays vont devenir plus compétitives parce qu'elles vont investir dans l'efficience énergétique de manière plus agressive que nous et que nous devrons alors faire du rattrapage dans l'économie compétitive nord-américaine.
    Que pensez-vous de cette idée, de cette troisième catégorie, l'adaptation aux mesures d'atténuation des grands pays comme les États-Unis?
    Oui. Quand je dis qu'il y en a seulement deux, je reprends en fait la terminologie de la convention-cadre sur le climat. Je conviens qu'il y a beaucoup de possibilités différentes et vous avez peut-être raison; en fait, j'espère que vous avez raison sur l'accélération ou le renouvellement d'intérêt dans l'efficience énergétique et la diversification des sources d'énergie aux États-Unis. Je trouve que nous devrions en faire autant.
    Merci.
    Merci, monsieur Scarpaleggia.
    Monsieur Vellacott.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui ont encore une fois établi assez clairement que les objectifs de Kyoto tels que fixés à l'origine par le gouvernement précédent n'étaient tout simplement pas réalistes et qu'ils étaient très trompeurs en ce sens qu'ils ont créé de faux espoirs. Il me semble que cela ressort clairement des témoignages.
    Je suis curieux d'en savoir davantage sur l'adaptation. L'atténuation est bien sûr le mode réaction qui est nécessaire, après quoi il faut aussi de l'adaptation au Canada. J'en reviens au dicton qui dit que la nécessité est la mère de l'invention, et l'on dit aussi que le changement ouvre de nouvelles possibilités. Le changement est une constante dans la vie et ce n'est peut-être pas aussi flagrant dans ce domaine, mais il est certain que de nouvelles possibilités vont se présenter maintenant. Je suis un peu curieux d'en savoir davantage. M. Sauchyn a mentionné la culture du raisin dans le sud de l'Alberta. Je suppose qu'il voit là une nouvelle frontière ou une possibilité.
    J'inviterais chacun d'entre vous à aborder cette grande question du changement qui ouvre la porte à de nouvelles possibilités. Je conviens que le mode réaction, c'est-à-dire s'attaquer aux émissions, etc., est nécessaire. Consacre-t-on assez de temps et d'énergie au Canada à l'exploration de certaines possibilités très intéressantes? Y a-t-il d'ailleurs des possibilités intéressantes? Que devons-nous faire pour explorer cet élément de l'équation, auquel on semble consacrer moins de temps et d'énergie, parce que nous sommes plutôt dans le mode réaction?
    J'invite chacun d'entre vous à répondre.
    J'ai répondu tout à l'heure qu'un climat plus chaud présente effectivement des possibilités, notamment dans le secteur agricole, pourvu qu'il y ait suffisamment d'eau, ce qui est vital. Tout indique que, du moins dans l'ouest du Canada, dans les provinces des Prairies, les ressources en eau sont en déclin.
    Je veux aussi souligner que l'adaptation n'est pas nécessairement onéreuse. M. Burton a fait remarquer que les êtres humains se sont adaptés tout au long de l'histoire et il n'y a probablement pas de gens plus adaptables que les agriculteurs des Prairies, compte tenu de ce qu'ils ont dû endurer pour persévérer dans l'agriculture. Les gouvernements doivent seulement faciliter et permettre ce processus d'adaptation, parce qu'il y a beaucoup de mécanismes, beaucoup de programmes qui peuvent aider les particuliers, les sociétés et les collectivités à s'adapter, pourvu que les gouvernements suppriment certaines contraintes.
(1040)
    Cela revient à ce qu'on disait: pour chaque problème, il y a une solution, ou quelqu'un qui est doué en économique va trouver une solution, et il semble que dans chaque cas, il y ait aussi d'intéressantes possibilités économiques.
    Nous posons comme hypothèse qu'il y a beaucoup de place pour l'adaptation spontanée. Il faut espérer que le secteur privé et les collectivités, qui ont l'habitude de s'occuper de leurs propres intérêts, discerneront les possibilités, aussi bien que les dangers, et réagiront en conséquence.
    Le rôle du gouvernement dans tout cela est de fournir l'information scientifique la plus complète sur le changement climatique — la variabilité, les tendances et les scénarios futurs — et ensuite d'obtenir l'engagement des intervenants canadiens, publics et privés, dans un débat éclairé sur ce que chacun peut faire pour réagir aux risques et aux possibilités et s'adapter en conséquence.
    Les connaissances sur le meilleur moyen de s'adapter ne sont pas seulement d'ordre scientifique; ce sont aussi les connaissances des gens qui travaillent dans ces secteurs, ceux qui sont à risque ou qui peuvent saisir des possibilités. Comme vous le laissez entendre dans votre question, nous devons susciter tout un débat et un mouvement d'élaboration des politiques publiques pour encourager les gens dans cet effort et leur faciliter la tâche, ce qui veut dire supprimer les obstacles et créer des possibilités.
    Je vais vous donner brièvement un exemple. Le dendroctone du pin est souvent pointé du doigt comme force entièrement négative qui préfigure les conséquences sur l'industrie forestière. Mais cela crée aussi l'occasion de fabriquer de l'éthanol avec les déchets de bois, qui n'étaient pas disponibles auparavant.
    C'est ainsi que même les périodes les plus sombres ont leurs étincelles d'espoir. Je signale celle-ci et il y en a beaucoup d'autres. Mais c'est un fait constant dans la vie, et il faudra toujours tenter de trouver les possibilités qui s'offrent au moment des changements.
    Je ne suis pas certain de pouvoir parler de possibilités intéressantes dans le domaine de l'adaptation, mais pour l'atténuation, par exemple, du point de vue de mon secteur, à moyen terme, nous envisageons que notre secteur va essentiellement fournir aux gens des solutions en matière énergétique.
    Les gens n'achètent pas du gaz naturel, de l'électricité, de l'essence ou de l'éthanol. Ils achètent la mobilité, ils achètent la chaleur — voilà ce qu'ils achètent. Nous devons veiller à continuer d'offrir ces services, et le faire de la manière la plus écologique et la plus efficiente possible. Je pense qu'il y a une foule de possibilités pour les entreprises, y compris les entreprises membres de mon association.
    Merci, monsieur Vellacott.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Teneycke.
    Vous avez mentionné que vous aviez des incertitudes concernant la production de biodiesel ou de carburants renouvelables. J'éprouve deux inquiétudes concernant les carburants renouvelables. Premièrement, de combien d'énergie a-t-on besoin pour produire un litre de biodiesel ou de carburant renouvelable? Les données scientifiques qu'on a à cet égard sont un peu contradictoires. Combien faut-il d'énergie pour en produire un litre?
    Ma deuxième inquiétude a trait à la capacité de production. On parle de l'introduction de 5 p. 100 de biocarburant dans toutes les essences. Je pense que l'industrie n'est pas capable de produire ce 5 p. 100. Mais l'inquiétude vient surtout du fait qu'il y aura aussi une demande pour les véhicules fonctionnant à 85 p. 100 au biocaburant. Comment réagissez-vous à ces deux inquiétudes? Avez-vous beaucoup de données concernant l'efficacité du biodiesel ou des carburants à l'éthanol? Deuxièmement, serez-vous en mesure de répondre à la demande pour les véhicules fonctionnant à 5 p. 100 et plus au biocarburant au cours des prochaines années?
(1045)

[Traduction]

    La question portant sur l'équilibre énergétique est celle à laquelle il est le plus facile de répondre, en ce sens que si l'on utilisait les données et les méthodologies agricoles de la fin des années 1970 et la technologie de l'éthanol de la fin des années 1970, on obtiendrait un bilan énergétique négatif. Si l'on utilise la technologie et les pratiques agricoles d'aujourd'hui, on obtient un bilan énergétique positif sur l'ensemble du cycle de vie. Le chiffre varie un peu selon l'endroit et la nature du secteur agricole. D'après les chiffres d'Agriculture Canada, la proportion est d'environ deux à un pour le maïs et le blé et c'est donc positif. Si l'on utilisait une usine d'éthanol alimentée au charbon et qu'on irriguait les champs de maïs, la proportion serait un peu inférieure, probablement environ un et demi. Tout dépend, comme dans n'importe quelle analyse du cycle de vie, mais dans le contexte canadien, les chiffres sont d'environ deux à un.
    Pour ce qui est d'avoir assez de matières premières, absolument... Rien qu'en utilisant la technologie d'aujourd'hui, si l'on prend les céréales et les oléagineux, la quantité de blé que nous exportons du Canada suffit presque à elle seule à répondre à l'exigence de 5 p. 100 et même le double. Nous avons amplement de matières premières.
    Si l'on ajoute la technologie de la cellulose, qui permet d'en fabriquer à partir du bois... et je félicite à ce sujet le gouvernement du Québec, qui investit dans ce secteur depuis nombre d'années. Là-bas, la matière première est presque illimitée. Je pense donc que ce problème est facile à résoudre.

[Français]

    Vous ne répondez pas tout à fait à ma question. Vous dites que le blé, le maïs, le bois sont là, mais que l'industrie n'y est pas.

[Traduction]

    L'industrie fera sa part s'il y a une certaine clarté sur le plan de la fiscalité et de la réglementation. À l'heure actuelle, nous sommes dans l'expectative et l'on nous dit que tout va changer, mais nous ne savons pas en quoi ce changement va consister. Quand ce sera clair, il y aura de l'action.
    Pour ce qui est d'aller au-delà de 5 p. 100, n'importe quel véhicule sur la route aujourd'hui peut consommer du carburant à 10 p. 100 d'éthanol sans aucune modification. La technologie existe pour rouler avec du carburant à 85 p. 100 d'éthanol. Nous sommes le dernier maillon en ce sens que nous allons suivre la trajectoire que prendra le marché américain de l'automobile et il est certain que la tendance actuelle est de produire davantage de véhicules polycarburants. Les trois grands de l'automobile ont fortement augmenté leur production de véhicules polycarburants et je prévois que cette tendance se poursuivra. Au Brésil, les véhicules roulent avec un carburant dont la teneur en éthanol oscille entre 30 p. 100 et 40 p. 100.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Cleland, le Québec a choisi de réduire sa dépendance au pétrole.
    Quelle est votre position concernant l'introduction au Québec du projet Rabaska, un projet d'importation de gaz naturel de l'étranger? Êtes-vous favorable à ce projet? Êtes-vous de ceux qui disent que l'on doit réduire notre dépendance au pétrole?

[Traduction]

    Je dois faire une distinction qui m'apparaît importante entre le pétrole et le gaz naturel. En fait, la politique énergétique du Québec s'intéresse au gaz naturel, à la possibilité d'utiliser le gaz naturel au lieu de l'électricité pour le chauffage lorsqu'il est logique de le faire, lorsqu'il est plus avantageux pour les Québécois d'exporter l'électricité.
    Au sujet de Rabaska ou de tout autre projet de gaz naturel liquéfié, mon association est d'avis que nous avons besoin en Amérique du Nord d'un approvisionnement en gaz naturel de plus en plus diversifié. Nous aurons de plus en plus besoin de compter sur des sources étrangères et le Canada devrait approuver un certain nombre de projets de GNL pour avoir l'assurance de faire une place pour ce produit sur notre marché. Il serait immensément avantageux pour le Québec d'avoir un projet de GNL sur le fleuve Saint-Laurent.
(1050)
    Monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins d'être présents aujourd'hui.
    Je veux revenir sur des propos que M. Sauchyn a tenus. L'un de vos commentaires était que si nous ne fixons pas d'objectifs, cela deviendra une prophétie autoréalisatrice. Je voudrais par ailleurs vous faire une observation et vous demander ce que vous en pensez.
    Si l'on a un objectif inatteignable, cela aussi devient une prophétie autoréalisatrice puisque personne ne va faire l'effort pour tenter de l'atteindre. Je pense que c'est exactement ce qu'on constate actuellement. Nous avons fixé l'objectif à moins 6 p.100 et tout le monde savait à l'époque que c'était un objectif irréaliste. Il n'y a pas eu beaucoup de consultations et c'est devenu une prophétie autoréalisatrice. Nous savions que nous n'allions pas l'atteindre dès 1997 ou 1998, et c'est pourquoi nous en sommes là aujourd'hui, en train de discuter de tout cela.
    Je vous invite à commenter cette observation. Il faut se fixer un but réaliste si l'on veut réaliser quoi que ce soit. Si l'on ne se fixe pas un but, nous ne l'atteindrons pas, mais si nous fixons des buts irréalistes, nous ne les atteindrons pas non plus. Dans un cas comme dans l'autre, on se trouve devant une prophétie autoréalisatrice et un échec, ne trouvez-vous pas?
    C'est un argument valable. Un député a fait observer tout à l'heure que même si nous avons connu un grave échec dans la réduction des gaz à effet de serre, le fait même que nous ayons participé au processus de Kyoto a débouché sur d'autres programmes et activités. Il y a beaucoup d'autres raisons qui nous incitent à demeurer partie prenante de Kyoto.
    Je veux dire aussi que l'on fait beaucoup de comparaisons entre le dossier du tabagisme et le refus d'accepter l'évidence que le tabac est nocif, et la campagne sur le changement climatique. Des documentaires ont été faits récemment.
    Je voudrais dire qu'il y a d'autres leçons que nous pouvons tirer de cette expérience, par exemple à quel point le tabagisme est vite devenu socialement inacceptable. Pourquoi ne pouvons-nous pas rendre socialement inacceptable la production de gaz à effet de serre par les particuliers, de telle sorte que moi par exemple qui conduit un véhicule utilitaire sport, je serais considéré comme un déviant, au même titre que quelqu'un qui s'allumerait une cigarette dans cette salle?
    Très bien, je vais passer à autre chose. Je ne voulais pas vraiment parler du tabagisme, mais je comprends l'argument. Il y a de nombreuses ressemblances.
    Essentiellement, vous avez tous dit catégoriquement qu'un point de repère de 50 ans ou un objectif à long terme serait la bonne manière de procéder. Il faudra qu'il y ait des jalons le long de la route. On n'atteindra pas le but visé sans réaliser des objectifs intermédiaires et sans appliquer un plan par étapes.
    Du point de vue philosophique ou théorique, si l'on revient à votre domaine de compétence personnel, la question que je pose à chacun de vous est celle-ci: quel serait un objectif réaliste pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Qu'est-ce qui serait raisonnablement faisable d'ici 2020?
    Je ne pense pas que nous connaissions la réponse à cette question. Tout à l'heure, M. Godfrey a posé une question sur le recalibrage. Je voudrais faire une hypothèse. Supposons que nous disions que d'ici une certaine date, espérons dans un avenir rapproché, nous nous contenterons de stabiliser nos émissions — non pas les réduire, mais les stabiliser. Ainsi, année après année, les émissions ne continueraient pas à augmenter, mais resteraient à un niveau donné. Ce serait un objectif assez clair. Nous dirions que nous allons stopper la croissance.
    J'ignore dans quelle mesure c'est faisable ou combien cela coûterait. Je ne sais pas si ce serait raisonnable de dire que l'on peut faire cela en cinq ans, ou que nous pouvons le faire d'ici 2012. Pourrions-nous aller au congrès sur le changement climatique et dire: nous ne pouvons pas réduire nos émissions, mais d'ici 2012, nous allons cesser de les augmenter, nous serons en mesure de les stabiliser? Ce serait un objectif clair; ce serait donner un bon message à l'économie canadienne. Cela pourrait nous aider dans nos négociations internationales et pour notre réputation internationale.
    Je ne crois pas que nous puissions répondre à cette question, mais c'est une bonne question.
    Je conviens que ce matin, nous ne pouvons tout simplement pas improviser un objectif pour les années 2020, ou un objectif quelconque. Nous devrons faire beaucoup plus de recherches pour déterminer ce qui est faisable. Mais en fixant ces objectifs, nous devons aussi analyser ce qu'il en coûte de retarder la baisse des émissions jusqu'à une certaine date, parce que comme je l'ai dit dans mon exposé, il y a un décalage de plusieurs décennies entre les émissions de gaz à effet de serre et l'augmentation de température. Aujourd'hui, nous déterminons le climat des années 2040 et 2050 et nous devons tenir compte du dommage qui est causé par le fait de remettre à plus tard nos efforts pour réduire les gaz à effet de serre.
(1055)
    Nous allons passer à M. Cullen.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Burton. Il semble que l'adaptation soit devenue le cousin pauvre dans ce débat et ne reçoive que peu d'attention. N'est-ce pas en partie parce que cela coûte tellement plus cher pour un pays et que c'est imprévisible? C'est difficile pour un gouvernement de prendre au sérieux la comptabilisation du coût de l'adaptation quand il y a tellement d'inconnus dans l'avenir, sans compter qu'il en coûte tellement plus cher de faire quelque chose que d'empêcher cette chose de se produire au départ. N'est-ce pas pourquoi cette conversation est repoussée à la fin et reçoit tellement moins d'attention?
    Monsieur Burton.
    Nous ne connaissons pas tellement bien le coût de l'adaptation. Il n'a pas été étudié ou évalué de façon très poussée. Les économistes se sont remarquablement peu intéressés à l'adaptation, en comparaison de l'atténuation, qui est au centre du débat depuis maintenant 15 ans.
    Une chose est claire. Si nous commençons l'adaptation dès maintenant et prenons des mesures de précaution dans ce dossier, le coût sera moindre que si nous retardons l'adaptation jusqu'à ce que nous y soyons absolument forcés.
    Mais savons-nous quelles mesures seraient les plus intelligentes à prendre immédiatement? Je me demande si ce serait de construire des digues pour protéger le sud-ouest de la Colombie-Britannique. Comment dépenser l'argent le plus judicieusement possible?
    C'est difficile à dire. Le problème tient en partie au fait que la liste des mesures d'adaptation possibles est, à vrai dire, interminable. Peut-être vaut-il mieux ne pas faire cela d'une manière très directrice, de haut en bas: il faut plutôt faciliter, encourager et habiliter et lorsque les secteurs les plus pauvres et les plus vulnérables de l'économie ou de la société sont à risque, offrir une certaine aide, mais de manière générale, de faciliter plutôt que de financer l'adaptation.
    Le corollaire est bien sûr que le fait de ne pas atténuer va faire augmenter énormément le coût de l'adaptation à long terme.
    Notre bilan jusqu'à maintenant pour l'atténuation a été...
    Il se passe de commentaires.
    J'ai une question pour M. Cleland au sujet de la comptabilisation du coût entier, et elle ne concerne pas exclusivement votre secteur particulier, mais l'économie dans son ensemble, parce que nous avons beaucoup parlé de l'économie.
    Nous avons suivi la dévastation du dendroctone du pin et nous avons vu l'exploitation des mines du Grand Nord dégringoler. N'en est-on pas au point — et c'est encore une fois le rôle du gouvernement — où il faut prendre en compte le coût entier de mettre en oeuvre une mesure comme le projet de loi C-288, avec les divers outils et mécanismes disponibles, par opposition aux dépenses engagées par tous les membres de la société? Est-ce qu'à un moment donné, comme des membres du comité l'ont dit, il ne faut pas mettre fin à ce débat incessant pour tout simplement passer à l'action? Et cela pourrait coûter cher.
    Je suis d'accord avec vous en principe. Je précise que ma réponse n'a rien à voir avec le projet de loi C-288, pour des raisons qui ressortent à l'évidence de mon témoignage.
    Je suis d'accord avec vous. Les gouvernements s'en occupent. Les gouvernements se penchent sur les coûts externes environnementaux. C'est l'une de leurs tâches de faire des estimations de ces coûts externes et de veiller à ce qu'on en tienne dûment compte dans les décisions économiques, habituellement par règlement.
    Est-ce que nous devons insister davantage là-dessus? Absolument. Serons-nous jamais capable de mesurer ce coût externe? Non. C'est un jugement politique et il faut décider si c'est grand comme une maison ou petit comme une huche à pain. Nous savons que dans le cas qui nous occupe, le problème est aussi grand qu'une maison et que nous ferions mieux de nous mettre à la tâche.
    Abandonner même l'espoir d'atteindre les objectifs de 2012.. parce que la Chine, l'Inde, les États-Unis et tous les autres pays ont été évoqués dans cette conversation... D'après ce que nous avons vu au niveau international, la réputation du Canada renforce notre capacité de négocier et d'inclure ces autres pays. Si nous abandonnons tout simplement, si nous disons, écoutez, il nous est impossible de respecter l'échéance de 2012 et nous n'allons même pas essayer nécessairement, quelle autorité aurons-nous à la table?
    Voilà une question difficile, aucun doute là-dessus. Le Canada se trouve dans une situation très difficile à cause, franchement, des erreurs que nous avons commises depuis plusieurs années. Je suppose que la question se pose en ces termes: va-t-on aggraver l'erreur en tentant de maintenir un objectif que l'on ne peut clairement pas atteindre, ou bien devons-nous dire, bon, cela n'a pas marché, passons à autre chose, mais essayons d'être réalistes?
    Je pense qu'en dernière analyse, notre crédibilité sera considérablement renforcée si nous choisissons la deuxième option.
(1100)
    Votre industrie ne se tourne-t-elle pas vers d'autres exemples d'États-nations qui sont exportateurs d'énergie, qui ont réussi à réaliser d'importantes réductions des émissions dans le cadre de Kyoto?
    Eh bien, je ne sais trop quels exemples vous avez à l'esprit. Si vous prenez la Russie, par exemple, nous...
    Ce n'est pas le premier exemple qui me viendrait à l'esprit.
    Non. Bon, si l'on prend le Moyen-Orient, les émissions de ces pays ont augmenté...
    Ce ne serait pas mon deuxième choix non plus.
    Les émissions de l'Australie ont augmenté. La Norvège est un pays qui, je crois, a fait beaucoup de progrès. Les Norvégiens ont un système très fortement axé sur l'hydroélectricité, ainsi qu'une culture politique qui, à vrai dire, les aide à mener à bien cette tâche.
    Alors dans des cas comme la Norvège et la Suède, les pays qui ont réussi à obtenir des résultats notables ne constituent-ils pas un modèle à suivre pour le Canada? Peut-être qu'il vaudrait la peine de suivre l'exemple?
    Dans une certaine mesure, mais il faut voir chaque cas particulier. Un exemple qui intéresse mon industrie est que la Suède est le premier pays au monde pour les systèmes de chauffage de quartier. Cette solution a beaucoup de mérite, mais elle a aussi beaucoup à voir avec la manière dont les Suédois construisent, conçoivent et gèrent leurs villes. C'est très différent de notre manière de faire au Canada. Si nous nous orientons dans cette direction, alors oui, c'est bien. Il y a d'autres exemples à suivre.
    Monsieur Cullen, votre temps est écoulé.
    Au nom de tous les membres du comité, je voudrais remercier les témoins. Je pense que nous avons eu une excellente discussion qui a été riche en renseignements et je vous remercie donc beaucoup de vous être joints à nous.
    La séance est levée.