:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs.
Je suis accompagné par deux de mes collègues: David McGovern, que vous connaissez, je crois, le sous-ministre adjoint, Affaires internationales, à Environnement Canada; et Keith Christie, qui est directeur général, Environnement, énergie et développement durable, aux Affaires étrangères.
Si vous me le permettez, je vais vous présenter un très bref aperçu de ce que je crois être les points saillants, les résultats obtenus par le Canada et la communauté du G8 à Heiligendamm, site du sommet, après quoi je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Cette année, à Heiligendamm, le G8 est parvenu à dégager un consensus quant aux mesures à prendre pour relever le défi que pose le changement climatique. Les chefs d'État ont insisté sur l'importance de mobiliser tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre pour que l'on discute ensemble des mesures à prendre afin de contrer les effets du changement climatique, et notamment pour que chacun s'engage à participer à la conférence de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra en Indonésie en décembre 2007. L'objectif visé est d'en arriver à une entente détaillée qui prendra le relais du Protocole de Kyoto lorsque celui-ci viendra à échéance en 2012.
Les chefs d'État reconnaissent que le changement climatique est un problème mondial qui exige une solution à l'échelle planétaire et que, dans une perspective à long terme, nous sommes tous conscients de la nécessité d'intensifier nos actions afin de réduire de façon draconienne nos émissions de gaz à effet de serre. Il faut noter que les leaders du G8 ont reconnu la valeur du plan du Canada pour réduire les émissions de 60 p. 100 à 70 p. 100 d'ici 2050 par rapport aux niveaux de 2006, tel que prévu dans notre plan national de lutte au changement climatique.
[Français]
Le G8 est parvenu à un consensus quant à la marche à suivre pour combattre les changements climatiques. Les pays du G8 ont souligné qu'il était important que tous les grands émetteurs soient mis à contribution dans la lutte contre les changements climatiques et qu'ils participent à la conférence des Nations Unies...
:
Merci, monsieur Godfrey.
D'abord et avant tout, s'il y a une chose d'explicite, c'est l'adhésion des chefs d'État aux cibles elles-mêmes.
Pour la toute première fois — ce qui est notable au sein du G8 — vous avez entendu les États-Unis parler de l'importance de fixer une cible et de s'engager à l'atteindre. Les Américains ont indiqué — il s'agit d'une considération rationnelle dans leur perspective — qu'ils voulaient d'abord lancer le processus, le dialogue avec les grands émetteurs. On ne veut pas établir d'objectifs tant que ces pourparlers n'ont pas eu lieu. Le Canada, à l'instar de l'Union européenne et du Japon, a déjà établi ses propres cibles, mais nous reconnaissons la volonté des États-Unis d'entreprendre une démarche qui les mènera à l'établissement d'un objectif à très court terme.
La rencontre des grands émetteurs qui se tiendra cette année est un important pas en avant. On est loin d'être vague quant à la teneur éventuelle des cibles qui seront fixées. Vous pouvez voir dans la déclaration une référence explicite aux plans établis par l'Union européenne, le Canada et le Japon, qui visent tous à réduire de moitié les émissions d'ici 2050. Je crois qu'il est manifeste que l'on souhaite aller de l'avant comme en font foi ces progrès concrets par rapport aux positions que les États-Unis ont maintenues jusqu'à présent.
Le maximum de deux degrés Celsius n'était pas à l'ordre du jour des discussions. Il n'en a donc pas été question.
Cette limite de deux degrés a été soulevée précédemment dans différents contextes. C'était un peu un repère qui servait de référence par rapport à l'information que nous fournissaient les scientifiques mondiaux. L'objectif de deux degrés a également été retenu — bien qu'on l'ait jugé insatisfaisant — par certains pays du G8. On s'est toutefois rendu compte qu'il s'agit d'un objectif qui est, à toutes fins utiles, impossible à mesurer. C'est ainsi que, premièrement, la déclaration finale fait explicitement référence au savoir scientifique planétaire sans en faire ressortir un élément particulier et que, deuxièmement, l'objectif repère a été précisé de façon plus concrète et mesurable en parlant d'une réduction de moitié des émissions mondiales d'ici 2050. Il s'agit là d'un objectif explicite des plans établis par l'Union européenne, le Canada et le Japon.
:
Je crois qu'il y a différents éléments à considérer.
Premièrement, le sommet du G8 a été précédé d'un sommet Canada-Union européenne qui s'est tenu à Berlin, le lundi. Le changement climatique était également à l'ordre du jour de cette rencontre et nous avons convenu avec nos homologues européens de reconnaître le caractère commun de nos approches, étant donné que le Canada, comme l'Union européenne, souligne la nécessité de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre d'au moins 50 p. 100 d'ici 2050.
Il y a donc eu, à mon avis, une importante communion d'esprit qui s'est dégagée de la rencontre du Premier ministre avec la chancelière allemande et le président Barroso de l'Union européenne. Il a également, bien sûr, rencontré le président Sarkozy et le Premier ministre Filon de France, à Paris le mardi.
Enfin, au sommet du G8, je pense qu'il s'est montré à la fois crédible et efficace dans ses explications adressées à tous quant aux raisons pour lesquelles le Canada a convenu de la nécessité d'établir des cibles mesurables et est allé de l'avant à ce chapitre, et quant à la nécessité de conclure une entente intégrant tous les membres du G8, dont les États-Unis, et s'étendant à nos principaux partenaires économiques, y compris les grands pays industrialisés comme l'Inde et la Chine.
Au fil de ces discussions, je dirais que le premier ministre et son homologue M. Blair se sont révélés tout particulièrement efficaces pour résumer la situation aux autres chefs d'État du G8 et leur dire à quel point il était crucial de profiter de l'occasion qui se présente en continuant à nous stimuler les uns les autres pour faire progresser les choses. À plusieurs reprises, il est intervenu pour simplement rappeler aux participants quels étaient les enjeux et l'importance de ceux-ci; nous devons nous en tenir aux cibles fixées, travailler de concert pour assurer l'atteinte de résultats concrets et veiller à ce que nos partenaires des pays en développement fassent leur part.
Il a témoigné d'un niveau élevé d'ambition et d'engagement en reconnaissant que le Canada avait réalisé d'importants progrès et que nous avions de sérieux problèmes à régler auxquels nous nous attaquions — avec vraiment beaucoup de crédibilité. J'estime qu'il a été très persuasif dans son exposé.
Bonjour à tous. Je serai bref pour laisser le plus de temps possible aux questions et j'essaierai également de vous répondre avec un maximum de concision.
Comme vous le savez sans doute, j'ai produit un rapport qui a été rendu public par l'Institut C.D. Howe il y a environ une semaine. Je travaillais sur ce rapport depuis que le gouvernement a annoncé ses plus récentes politiques en matière de changement climatique. Il y a eu en fait trois ensembles différents de politiques à ce sujet depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Nous voulions donc regrouper toutes ces politiques.
Les médias ont communiqué avec moi en avril, lorsque le gouvernement a annoncé ses politiques, pour me demander quelles seraient leurs répercussions, mais j'ai alors refusé de répondre. En effet, comme je l'expliquerai tout à l'heure, il nous faut vraiment procéder à une analyse approfondie au moyen de modèles informatiques qui, même s'ils comportent effectivement une part d'incertitude, sont les meilleurs outils à la disposition des êtres humains que nous sommes pour essayer d'évaluer les incidences de nos politiques. Nous avons tiré certains enseignements de 20 années de politiques qui n'ont pas été très efficaces, et c'est un peu de cela dont je souhaite vous entretenir maintenant.
Dans mon rôle d'analyste, je me demande sans cesse comment je peux aider les décideurs à établir des politiques qui vont vraiment permettre d'atteindre les objectifs visés. Lorsque j'entends ces longs débats sur les cibles à atteindre, et même un peu en écoutant votre intervenant précédent, je dois toujours me retenir de demander: « En quoi la politique proposée permet-elle de tendre vers l'objectif visé? »
En toute équité pour vous, politiciens, je sais que d'importantes pressions politiques s'exercent pour vous inciter à faire des déclarations vibrantes au sujet de cibles bien senties pendant que, par ailleurs, il y a bien d'autres pressions qui entrent en jeu pour que vous ne donniez pas suite à ces déclarations au moyen de politiques efficaces, étant donné que, contrairement à ce que bien des gens vous ont dit — et même, malheureusement, bon nombre de mes amis environnementalistes — la réduction des émissions de gaz à effet de serre exige des politiques qui entraîneront des coûts pour les citoyens. Certains réagiront défavorablement à ces coûts et vous devrez mettre les bouchées doubles pour faire comprendre aux médias que c'est la seule façon de parvenir à nos fins. Selon ce que j'ai pu constater, c'est toujours là que le bât blesse. Malheureusement, il ne semble pas que cette situation soit en voie de changer.
Si mes commentaires actuels sont effectivement critiques à l'égard des politiques du gouvernement au pouvoir, parce que ce sont ces politiques que j'ai étudiées, je crois que vous savez tous que j'ai également été critique à l'endroit des politiques du gouvernement libéral précédent et même à l'égard de ce que j'ai pu voir des propositions de politiques des autres partis fédéraux. Je suppose que je ne me ferai pas beaucoup d'amis ici, mais je crois que si on veut passer de deux décennies de discussions au sujet de cibles à une action concrète pour apporter des changements, il faut que des gens comme moi essaient d'orienter le débat en ce sens. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai écouté avec intérêt l'intervenant précédent parler de...
Dans tout ce débat concernant le G8, j'entends l'intervenant précédent, tout comme les participants à d'autres discussions, affirmer qu'on a réalisé une première en obtenant l'adhésion des États-Unis et d'autres grands pays quant à la nécessité d'une entente mondiale mettant à contribution toutes les nations de la planète. Il ne s'agit pas d'une première. Voilà une bonne vingtaine d'années que je travaille dans ce secteur, et déjà dans les années 1990 nous avions... Il faudrait que je vérifie les comptes rendus des sommets du G7 et du G8, mais je suis à peu près convaincu que les pays participants se sont prononcés en bloc au sein de ces deux entités pour dire qu'il fallait établir des cibles mondiales et déployer des efforts concertés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais je n'irai pas plus loin à ce sujet.
Si vous me demandez de réfléchir à la manière dont les pays du monde — au sein du G8 ou par ailleurs — établissent des cibles et de vous dire comment ils vont arriver à les atteindre, ce qui relève directement de mon domaine d'expertise, je vous répondrai qu'il faut absolument octroyer une valeur à l'atmosphère lorsqu'on élabore des politiques visant la réalisation de tels objectifs. Il y a trois raisons pour ce faire. Premièrement, les carburants fossiles demeurent, et dans bien des cas demeureront — probablement pour encore au moins un siècle — une source d'énergie relativement peu coûteuse comparativement aux énergies renouvelables et au nucléaire. Deuxièmement, il est moins onéreux d'utiliser les carburants fossiles lorsqu'on ne capture pas le dioxyde de carbone. Troisièmement, au sein d'une économie de libre marché, les innovations et les nouveaux produits et services seront conçus de manière à utiliser ces carburants en se servant de l'atmosphère comme un dépôt de CO2, à moins que l'on adopte des politiques interdisant explicitement de telles pratiques. Ces politiques doivent prévoir des frais à payer ou un plafond réglementé pour les émissions dans l'atmosphère.
Il faut donc tirer certains enseignements des stratégies mises en place pour atteindre ces cibles — dans le cadre du G8 ou par ailleurs — en se rendant compte notamment que les subventions offertes sont loin d'être aussi efficaces qu'elles ne le paraissent. En versant 50 $ à un consommateur qui fait l'achat d'un réfrigérateur offrant une meilleure efficacité énergétique, on croit que l'énergie consommée pour ces appareils devrait diminuer à son domicile. Ce n'est pourtant pas ce qu'indiquent les données que nous avons recueillies au fil de deux décennies d'analyses. On apprend notamment que l'efficacité énergétique est mesurée par mètre cube pour un réfrigérateur, par exemple, mais que les réfrigérateurs sont de plus en plus gros. L'innovation dans le secteur de la réfrigération nous a donné de nouveaux produits comme les réfrigérateurs de comptoir, les celliers à vin, les refroidisseurs d'eau, sans compter le réfrigérateur pour le sous-sol et les autres appareils semblables. Les politiques de subvention de cette nature ne fixent pas de prix pour les émissions dans l'atmosphère et ne permettent dont pas d'atteindre les résultats escomptés.
Je veux faire valoir en terminant que je travaille dans ce secteur depuis 20 ans. Le rapport Évaluation de l'énergie mondiale, qui a été produit par l'Agence internationale de l'énergie, le Conseil mondial de l'énergie et différents programmes des Nations Unies, a été rendu public en 2000, assorti d'une importante section sur les politiques. La nouvelle version de ce rapport d'évaluation sera publiée en 2010. L'an dernier, j'ai été nommé responsable de l'analyse des politiques dans le cadre de ce processus et je m'emploie donc à mettre sur pied une équipe d'experts internationaux en la matière. Très franchement, tous ces experts indépendants tiennent le même message que celui que je viens de vous livrer concernant le recours aux politiques et leurs lacunes. Il s'agit d'universitaires qui conseillent les gouvernements ou les chefs de file de l'industrie du point de vue de la recherche.
Dans ce contexte, je viens tout juste de procéder — et ce sera mon dernier commentaire — à une simulation visant à déterminer si les politiques canadiennes pourraient permettre d'atteindre les cibles envisagées. Les résultats de cette simulation sont accessibles à tous; j'ai constaté que ce n'était pas le cas.
Je termine ici ma déclaration et je suis disposé à répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais surtout vous parler de la manière dont les efforts et les engagements actuels du Canada en matière de changement climatique s'inscrivent dans l'évolution du régime international à ce chapitre.
La première chose que je voudrais vous dire concernant la déclaration issue du sommet, c'est de ne surtout pas vous limiter à la seule section portant sur le changement climatique. Je pense que c'est l'une des grandes erreurs que nous commettons souvent; nous considérons la question du changement climatique comme un dossier environnemental distinct. Nous devons plutôt l'envisager dans le contexte des modèles globaux d'investissement et de développement économique.
J'ai été vraiment interpellé par le titre de la déclaration, Croissance et responsabilité dans l'économie mondiale. C'est un titre fort bien choisi. On y retrouve l'essence même du défi que nous devrons tous relever au cours du prochain siècle.
D'une part, il ne fait aucun doute que la croissance économique demeurera un élément essentiel des efforts déployés pour améliorer le sort des plus démunis de la planète dont le nombre, au dernier recensement, dépassait encore les 2 milliards. D'autre part, nous allons devoir composer avec le fait que le développement a ses limites et le changement climatique nous offre la première, et je dis bien la première, expérience directe de ces limites découlant de la croissance non partagée à l'échelle du monde.
Malheureusement, la déclaration ne traite pas explicitement de ce problème crucial. En fait, on essaie plutôt de masquer le problème en laissant entendre que, d'une certaine manière, les deux objectifs de croissance économique et de protection de l'environnement sont naturellement complémentaires. Nous savons tous que ce n'est pas le cas, car il faudrait, pour ce faire, une réflexion approfondie et novatrice sur ces aspects que nous commençons à peine à effleurer.
Pour prendre les mesures qui s'imposent relativement au changement climatique, nous devrons repenser en profondeur notre approche de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques en l'orientant vers des modèles mieux intégrés et davantage propices à l'adaptation. À cet égard — et j'invite à nouveau les membres du comité à prendre connaissance de l'ensemble de la déclaration du G8 — j'ai été déçu de constater le peu d'attention que l'on accordait dans la section sur les investissements aux répercussions de ceux consentis dans le contexte du changement climatique.
L'un des outils essentiels à notre disposition pour nous assurer un développement durable pour l'avenir repose sur les schémas mondiaux d'investissement. Selon la légende, lorsqu'on a demandé au président Mao si la Révolution française avait été un succès ou un échec, il aurait répondu qu'il était encore trop tôt pour le dire. Je suggérerais la même réponse pour ce qui est de l'évaluation du Protocole de Kyoto. Sa réussite ne devrait pas être jugée à l'aune du nombre de pays qui ont effectivement atteint leur cible, mais plutôt suivant la mesure dans laquelle il a pu servir de plate-forme pour une réorientation radicale des investissements étrangers directs en faveur de l'énergie propre à l'échelle planétaire.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Jaccard. Le principal résultat obtenu avec le Protocole de Kyoto a été l'établissement d'une valeur internationale pour le carbone. Quant à la période qui suivra 2012, il nous faudra fixer un prix suffisamment élevé et d'application assez générale pour influer véritablement sur les décisions d'investissement par le secteur privé.
S'il y a un point sur lequel je me dois de féliciter les auteurs de la déclaration et de l'entente découlant du sommet du G8, et l'Allemagne pour en avoir pris l'initiative, c'est l'intégration des questions liées au changement climatique, à l'efficacité énergétique et à la sécurité énergétique. J'aurais bien du mal à vous dire que le Canada se rapproche d'une solution intégrée de cette nature à l'échelle nationale. La situation persiste depuis maintenant 30 ans... et je dirais que c'est une responsabilité qui pèse sur le Canada plus que sur tout autre pays du G8, étant donné que notre prospérité économique dépend encore dans une large mesure de l'exportation de carburant fossile et que nous prévoyons encore exploiter ce créneau pendant la première moitié du présent siècle. Mais les Canadiens veulent également que leurs gouvernements soient des chefs de file mondiaux dans la lutte contre le changement climatique, et les politiciens de toutes les allégeances et de toutes les régions ont à coeur que le Canada devienne un leader planétaire en matière d'énergie propre.
Je ne suis pas en train de dire qu'il n'existe pas de solutions. Il y en a, mais elles exigent une élaboration et une gestion minutieuses à l'échelle nationale. À cet égard, j'exhorterais humblement le à convoquer une rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de l'énergie afin d'amorcer un dialogue national sur le développement durable du secteur énergétique canadien qui permettra de mobiliser activement les intervenants de l'industrie et de la société civile. Nous ne pouvons pas permettre que des politiques énergétiques, malavisées ou erronées par ailleurs, d'un gouvernement qui remonte maintenant à 35 ans puissent nous priver de l'orientation voulue dans un dossier aussi crucial aujourd'hui.
Il va de soi que je me réjouis de l'accent mis dans la déclaration issue du sommet sur l'efficacité énergétique; il en va de même de la sécurité énergétique. Je souligne toutefois qu'il faut faire montre de prudence lorsqu'on essaie d'établir un lien de complémentarité entre sécurité énergétique et changement climatique.
J'ai été notamment l'un des principaux auteurs au sein du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat qui s'est intéressé tout particulièrement à la question de la sécurité énergétique dans le contexte du changement climatique. Il ressort clairement des documents de recherche que, malgré l'existence de certaines similitudes et certains intérêts communs entre ces deux questions, la complémentarité est loin d'être assurée. Par exemple les questions de sécurité énergétique aux États-Unis, dans le contexte de la volonté de ne plus compter sur le pétrole du Moyen-Orient, contribuent non seulement à accroître les investissements dans les énergies renouvelables mais aussi, bien évidemment, à intensifier le recours à des sources non conventionnelles de carburant fossile, comme les sables bitumineux et le charbon gazéifié.
J'en viens maintenant à la question qui préoccupe sans doute le plus les gens, à savoir celle des cibles à long terme mentionnées dans la déclaration issue du sommet du G8 et du rôle que le Canada joue dans ce débat. La question à laquelle il faut répondre relativement aux cibles d'émissions comporte deux volets: quels seront les résultats du point de vue environnemental, et quel sera l'impact de telles mesures sur l'économie?
Des pressions de plus en plus fortes, qui partent de l'Europe, mais qui prennent de l'ampleur dans toute la planète, s'exercent pour que toute hausse de température supérieure à deux degrés par rapport aux niveaux pré-industriels soit considérée comme une perturbation anthropique néfaste pour le système climatique mondial. Pour éviter une telle hausse, il faudra stabiliser les émissions à l'échelle planétaire d'ici les 15 prochaines années et les réduire de 50 p. 100 d'ici 2050.
À cet égard, la cible à long terme préconisée par le Canada, soit des réductions de 50 p. 100 d'ici 2050, semble conforme à celles de l'Union européenne et du Japon. Mais l'est-elle vraiment? Rappelez-vous que la déclaration confirme aussi très explicitement le principe des capacités et responsabilités communes mais différenciées pour tous les pays. Dans les faits, ce principe signifie pour une bonne partie du reste de la planète, et surtout pour l'Union européenne, que pour atteindre l'objectif mondial de 50 p. 100 de diminution, il faudra que les pays développés, y compris le Canada, réduise leurs émissions dans une proportion beaucoup plus large que 50 p. 100 d'ici 2050. Plusieurs estiment que ce niveau de diminution devra se situer entre 80 p. 100 et 90 p. 100 pour les pays de l'OCDE.
Un tel objectif est-il réalisable, ne serait-ce que théoriquement, pour le Canada? J'estime que oui, mais cela exigera tout au moins deux initiatives stratégiques bien appuyées. D'abord et avant tout, nous avons besoin d'un engagement national en faveur d'initiatives prônant l'énergie propre, notamment via l'efficacité énergétique, la captation et le stockage du carbone, et un réseau de distribution est-ouest pour l'énergie propre. La première mesure à prendre en ce sens doit être l'attribution d'une valeur marchande au carbone.
Deuxièmement, il est tout simplement irréaliste de s'attendre à ce que le Canada puisse obtenir un tel niveau de réduction en s'appuyant uniquement sur des mesures internes. Le secteur privé canadien doit devenir un joueur important sur le marché mondial du carbone et le gouvernement du Canada doit fournir des incitatifs et des signaux beaucoup plus clairs pour amener l'industrie canadienne à emprunter cette avenue.
À cet égard, j'ai été très agréablement surpris de la place importante que l'on accorde aux marchés du carbone dans la déclaration. Assez ironiquement, ce sont le Canada et les États-Unis, en compagnie de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui ont moussé au départ l'idée des échanges d'émissions. Nous espérons bien voir ces pays réintégrer entièrement le processus sous peu. N'oublions pas le message du rapport Stern voulant qu'un marché mondial du carbone soit absolument crucial si on veut assurer la transition vers un avenir énergétique propre de la manière la plus rentable possible.
Lors des voyages que j'ai effectués au cours des dernières années en Europe, en Asie et en Afrique, j'ai entendu souvent les mêmes commentaires au sujet du changement climatique au Canada. L'aspect négatif est que l'on s'inquiète de plus en plus du manque de crédibilité du Canada. Nous parlons beaucoup, mais nous avons énormément de difficulté à joindre le geste à la parole. Du point de vue des possibilités offertes cependant, on est également bien conscient que la situation canadienne n'est pas tellement différente de celle des pays en développement connaissant une croissance rapide du point de vue économique, et que ce sont précisément des pays comme le Canada qui doivent être parmi les premiers à montrer que l'on peut rompre le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et la croissance économique. Si le Canada, avec ses réseaux de soutien social et économique relativement avancés déjà en place, ne peut pas y parvenir, comment diable peut-on s'attendre à ce que la Chine ou l'Inde le fasse?
Monsieur le président, j'aurais une dernière observation concernant le ton général des négociations portant sur l'après-Kyoto. D'une part, je me réjouis de la déclaration commune du G8+5, et tout particulièrement du fait que l'on reconnaisse le caractère sérieux et urgent du problème. Je suis également soulagé de constater que l'on confirme sans équivoque le maintien de l'engagement à l'égard du processus des Nations Unies, comme en témoigne notamment l'offre des États-Unis de tenir cet automne une rencontre des principaux pays émetteurs. Cependant, nous demeurons encore très loin d'un rapprochement quelconque. Les grands pays en développement sont toujours réticents à s'engager à l'égard de réductions concrètes et il ne faut guère s'en étonner lorsque l'on examine la situation à partir de leur point de vue. Je rappelle aux membres du comité que le CCNUCC a signalé que seulement six pays industrialisés sont actuellement en voie de donner suite à leurs engagements de réduction en vertu du Protocole de Kyoto. Dans l'état actuel des choses, il nous serait donc difficile de prétendre que nous faisons montre d'un leadership extraordinaire.
Si les pays comme le nôtre peuvent certes en faire davantage, il ne faut pas non plus oublier que nous vivons dans un monde bien différent de ce qu'il était au moment de la convention-cadre de 1992 ou même du protocole de 1997. Même si la pauvreté est encore bien présente dans les pays comme la Chine et l'Inde, il ne fait aucun doute que ces pays deviennent également nos principaux concurrents sur la scène économique, d'où l'importance cruciale des mesures que nous allons prendre pour régler la situation.
Je voudrais vous faire part d'une dernière réflexion sur la dynamique du récent sommet du G8. Parmi les éléments les plus frappants, il y a le fait que les chefs d'État qui ont appuyé le plus activement des interventions musclées et des cibles concrètes pour lutter contre le changement climatique, dont Angela Markel d'Allemagne et Nicolas Sarkozy de France, sont à la tête de partis conservateurs. Au Royaume-Uni, le chef conservateur de l'opposition se montre plus proactif en matière de changement climatique que son homologue travailliste. Aux États-Unis, ce sont les gouverneurs républicains, non seulement en Californie mais aussi à New York, et les leaders républicains au Sénat, comme le sénateur McCain de l'Arizona, qui mènent la charge dans cette lutte.
Je crois qu'il y a là une importante leçon à tirer pour le régime politique canadien. Le changement climatique est en train de devenir rapidement une question qui transcende toute partisanerie politique dans la plupart des pays de l'OCDE et, en toute franchise, je crois qu'il est grand temps que notre pays prenne très au sérieux certains des enseignements qu'il pourrait tirer de cette expérience de maturation politique.
Merci, monsieur le président.