:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je suis heureuse de vous présenter mon rapport de novembre 2006 déposé la semaine dernière à la Chambre des communes. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagnée par Douglas Timmins, Hugh McRoberts et Ronnie Campbell, tous des vérificateurs généraux adjoints.
[Traduction]
Le rapport aborde des activités gouvernementales très diverses, allant du système de gestion des dépenses du gouvernement et de l'éthique dans la fonction publique à la gestion des contrats et aux programmes qui contribuent à la santé et bien-être des Canadiens. Le rapport comprend quatre vérifications dont les résultats devaient être rendus public le printemps dernier. Comme le calendrier parlementaire a été modifié à cause de l'élection fédérale, nous avons reporté la publication du rapport jusqu'à maintenant et mis à jour les constatations de nos vérifications.
Pour commencer, j'aimerais vous parler de la démarche que suit le gouvernement fédéral pour décider de l'utilisation des fonds publics.
Le système de gestion des dépenses est au coeur des activités du gouvernement. Au cours des six dernières années, les dépenses annuelles du gouvernement fédéral sont passées de 162 milliards à 209 milliards de dollars.
Il est essentiel que le gouvernement ait un système de gestion des dépenses efficace s'il veut obtenir les résultats prévus et rendre compte à la population canadienne de ce qu'il fait en son nom.
Nous avons constaté que le système actuel ne permet pas de déterminer sur une base régulière si les programmes existants sont encore pertinents, efficients et efficaces. Je constate avec inquiétude que le système met surtout en question les nouvelles propositions de dépenses et qu'il tient bien peu compte des dépenses courantes.
De plus, dans de nombreux cas, la répartition du financement ne correspond pas aux nécessités des programmes, ce qui nuit à leur exécution.
Enfin, nous avons constaté que les ministères utilisent de plus en plus le Budget supplémentaire des dépenses au lieu du Budget principal des dépenses pour obtenir certains fonds. Cela signifie que le Parlement n'a pas de vue d'ensemble des dépenses proposées lorsqu'il approuve les plans de dépense annuels.
[Français]
Le gouvernement revoit actuellement le système de gestion des dépenses, et je l'encourage à corriger les faiblesses que nous avons relevées.
Cependant, il ne suffit pas d'avoir de bons systèmes; il faut également les utiliser de la bonne manière et selon les normes d'éthique établies. Les ministères et les organismes peuvent prendre plusieurs mesures officielles pour assurer la bonne conduite des affaires publiques. Dans le chapitre 4, nous avons examiné les principaux aspects de ces mesures au sein de la Gendarmerie royale du Canada, du Service correctionnel Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Nous avons constaté que ces organismes de sécurité publique ont mis en place des programmes d'éthique, mais que beaucoup d'employés ne savent pas qu'ils existent.
De plus, seulement la moitié des employés croient que leur organisation prendrait des mesures à la suite de rapports d'actes fautifs, et beaucoup ne croient pas que les personnes qui signalent des cas de mauvaise conduite au travail sont généralement respectées.
Les programmes officiels ne suffisent pas pour encourager les employés à signaler les actes fautifs de collègues. Les employés doivent avoir l'assurance que la direction prendra des mesures lorsque des actes fautifs sont signalés.
[Traduction]
Les dirigeants d'organismes en particulier devraient se conformer aux normes d'éthique les plus élevées. Lorsqu'ils ne le font pas, le public perd confiance envers le gouvernement. Dans le chapitre 11, malheureusement, nous faisons rapport sur un cas de comportement contraire à l'éthique d'un cadre supérieur — l'ancien enquêteur correctionnel.
Le comportement de l'ancien enquêteur correctionnel est très inquiétant, tout comme le fait qu'il a duré aussi longtemps et que personne n'a réagi.
Ce genre de conduite n'est certainement pas courant dans la fonction publique, et il ne faudrait pas généraliser à partir de cas isolés. Je sais par expérience que la plupart des fonctionnaires se conforment aux normes élevées qu'on leur demande de respecter.
[Français]
Dans le chapitre 9, nous avons examiné un problème relié aux régimes de retraite et d'assurance à la GRC. Ce sont des plaintes d'employés qui ont permis de mettre au jour le problème de pratiques abusives à l'égard de ces régimes.
Nous avons constaté que la GRC avait donné suite de manière adéquate à une enquête sur des cas d'abus et de gaspillage, mais aussi qu'il reste des problèmes à régler.
La GRC doit trouver une façon de garantir que les enquêtes sur ses activités sont effectuées d'une manière indépendante et impartiale, dans les faits et en apparence. Elle doit aussi analyser l'incidence d'une décision rendue récemment par un tribunal sur les cas qui justifient la prise de mesures disciplinaires.
Dans le chapitre 3, nous constatons que le gouvernement fédéral éprouve encore des difficultés à gérer les grands projets de technologies de l'information. Ces projets sont très coûteux, et il faut suivre des règles et des processus rigoureux pour les gérer.
Au cours des trois dernières années, le gouvernement fédéral a approuvé l'octroi de 8,7 milliards de dollars pour la réalisation de nouveaux projets dans lesquels les technologies de l'information tiennent une large place.
[Traduction]
Un cadre de pratiques exemplaires pour la gestion de tels projets est en place depuis 1998, mais plusieurs des problèmes que nous avons observés dans le passé sont toujours présents. Seulement deux des sept grands projets de technologies de l'information examinés ont satisfait à tous les critères d'une bonne gestion de projets.
Il est très inquiétant de voir ces problèmes de longue date persister, non seulement parce que d'importants investissements publics sont en jeu, mais aussi parce qu'on rate des occasions d'améliorer les pratiques de gestion et la prestation des services à la population canadienne.
Deux chapitres du rapport font état de graves lacunes pour ce qui est de l'attribution et de la gestion d'importants contrats.
Dans le chapitre 5, nous avons examiné l'administration de deux contrats octroyés dans le but de réinstaller des membres des Forces canadiennes, de la GRC et de la fonction publique fédérale. En 2005, le gouvernement a payé environ 272 millions de dollars pour la réinstallation de 15 000 employés. Les contrats du gouvernement devraient être attribués selon un processus juste, équitable et transparent. Notre vérification a révélé que ces contrats n'ont pas satisfait à ces conditions, et cela malgré divers signaux d'alarme. La demande de propositions contenait de l'information inexacte, ce qui donnait un avantage indu au soumissionnaire qui avait obtenu le contrat précédent. La gestion de ces contrats a aussi comporté d'importantes lacunes, et des membres des Forces canadiennes ont été surfacturés pour des services qu'ils ont reçus.
Dans le chapitre 10, nous avons constaté que le gouvernement n'avait pas respecté les exigences fondamentales dans l'attribution et la gestion d'un important contrat relatif aux services de santé. Ce contrat de plusieurs millions de dollars a été attribué même si Travaux publics et Services gouvernementaux Canada n'avait pas veillé à ce que toutes les exigences soient respectées. De plus, pendant les sept années qui ont suivi, Santé Canada a géré le contrat sans appliquer certains contrôles financiers de base.
Je constate cependant que les problèmes liés à la gestion des contrats à Santé Canada ont été réglés.
[Français]
Nous avons aussi examiné la façon dont Santé Canada affecte les fonds à ses programmes de réglementation.
Dans le chapitre 8, nous avons fait l'examen de trois programmes qui réglementent la sécurité et l'utilisation de produits couramment utilisés par les Canadiens: des produits domestiques tels que les berceaux, des matériels médicaux, comme les stimulateurs cardiaques, et des médicaments tels que les médicaments d'ordonnance.
Vu qu'il s'agit d'un domaine d'une importance vitale pour la population canadienne, Santé Canada doit savoir quels niveaux d'activité, de conformité et d'application de la loi ses programmes de réglementation doivent maintenir. Le ministère doit aussi savoir quelles ressources sont nécessaires pour effectuer son travail.
Nous avons constaté que Santé Canada n'a pas cette information. Il ne peut donc pas démontrer qu'il s'acquitte de ses responsabilités en matière de réglementation.
[Traduction]
Dans le chapitre 7, nous avons examiné la gestion par Affaires indiennes et du Nord Canada, au nom du gouvernement du Canada, du processus des traités avec les premières nations de la Colombie-Britannique. Le vérificateur général de la Colombie-Britannique a également déposé la semaine dernière un rapport sur le rôle du gouvernement provincial dans le processus. Le processus des traités est important pour tous les Canadiens. Ces traités peuvent notamment aider les membres des premières nations qui vivent en Colombie-Britannique à améliorer leur niveau de vie. Ils peuvent également avoir des effets bénéfiques importants sur la situation économique.
Les négociations ont été amorcées en 1993 et à ce jour, une entente définitive est en voie d'achèvement et deux autres semblent imminentes. Cependant, aucun traité n'a encore été signé et les coûts continuent d'augmenter. Nous avons constaté que le gouvernement fédéral doit mieux gérer le processus des traités de la Colombie-Britannique. La négociation des traités est complexe, longue et parfois difficile. Le gouvernement doit repenser ses stratégies en se fondant sur un échéancier réaliste.
[Français]
Dans le chapitre 6, nous faisons rapport sur le programme de la Sécurité de la vieillesse. Environ 4 millions de personnes touchent des prestations de la Sécurité de la vieillesse, ce qui correspond à environ 28 millions de dollars par année. On prévoit que le nombre de bénéficiaires doublera d'ici 25 ans. Des erreurs qui touchent même un petit nombre de prestataires peuvent quand même avoir des répercussions sur un nombre considérable de personnes et coûter très cher.
Nous avons constaté qu'il y avait des erreurs de paiement dans moins de 1 p. 100 des demandes et nous nous réjouissons de ce faible taux d'erreurs. De plus, nous sommes heureux que des mesures, comme le programme Relations avec le public et la simplification du processus de demande, aient été prises pour améliorer l'accès des personnes âgées aux prestations de la Sécurité de la vieillesse.
[Traduction]
Nous avons également examiné une situation où le gouvernement a créé un obstacle qui a nui au fonctionnement qu'il a créé pour appuyer ses objectifs environnementaux.
Dans le chapitre 12, nous avons constaté qu'une clause ajoutée par le Secrétariat du Conseil du Trésor dans le dernier accord de financement conclu entre le gouvernement et Technologies du développement durable Canada empêchait le conseil d'administration de prendre quelque décision que ce soit au cours d'une réunion où la majorité des membres présents sont des personnes nommées par le gouvernement.
Enfin, nous faisons observer, dans deux chapitres du rapport, que nous n'avons pas pu vérifier certains aspects des activités gouvernementales parce qu'on nous a refusé l'accès à l'information et aux analyses obtenues et préparées par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le refus des fonctionnaires était fondé sur une interprétation étroite d'un décret, pris en 1985, qui énonçait notre droit aux documents du Cabinet.
Nous avons eu de nombreuses discussions avec les représentants du gouvernement, et la question a finalement été réglée il y a trois semaines par la publication d'un nouveau décret; ce dernier reconnaît clairement mon besoin d'avoir accès aux analyses du Secrétariat du Conseil du Trésor. Je remercie le gouvernement d'avoir répondu à nos inquiétudes.
[Français]
Cela conclut notre déclaration d'ouverture, monsieur le président, et nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Merci.
:
Je vous remercie de comparaître devant nous.
Pendant cette brève période de temps et au cours du second tour, je vais aborder le chapitre 9.
Je suis assez troublé. Nos agents de la GRC mettent leur vie en danger par devoir, pour nous protéger, et il est extrêmement inquiétant de constater des abus dans leurs régimes de pension et d'assurance. D'après votre vérification, au chapitre 9, je constate trois problèmes assez graves et je vais vous demander si j'ai bien compris.
Le premier concerne M. Dominic Crupi, qui a embauché un consultant pour contourner le règlement sur la dotation au gouvernement. Je pense que cette personne a été embauchée pour environ 443 000 dollars et qu'au cours des mois qui ont suivi, selon votre propre rapport, il y a des personnes qui ont été embauchées et rémunérées au double pour du travail qui avait déjà été fait. Une enquête a montré qu'environ 49 employés occasionnels sur 65 étaient des membres de la famille et des amis des employés. C'est très inquiétant.
Le deuxième concerne encore M. Crupi, parce qu'il a participé à une machination pour contourner les règles du gouvernement. Depuis longtemps, la GRC entretenait une relation avec la Great-West pour les régimes d'assurance de ses agents. M. Crupi est allé voir Morneau Sobeco et lui a demandé de l'aider à préparer une analyse en sous-traitance. Puis, il a été convenu que la Great-West recevrait les paiements et qu'elle toucherait une commission de 15 p. 100 pour ne rien faire. Comme cette relation s'est poursuivie, c'est Morneau Sobeco qui a préparé l'analyse en sous-traitance et a fini par être bénéficiaire de ces fonds. Ce sont des millions de dollars qui se sont volatilisés.
Le troisième problème, c'est que quand quelqu'un s'est décidé à le dénoncer, une enquête criminelle a été lancée, mais le commissaire Zaccardelli a clos le dossier deux jours plus tard. En creusant un peu, j'ai découvert que le supérieur de M. Crupi, la personne de qui il relevait, un certain M. Jim Ewanovich, avait une fille qui faisait partie des personnes qui ont été embauchées directement à leur sortie de l'université à un salaire beaucoup plus élevé que ce qu'on peut juger acceptable. Il se trouve aussi que ce M. Ewanovich a été nommé par le commissaire Zaccardelli.
Bref, une enquête criminelle s'est enclenchée, mais le dossier a été clos deux jours plus tard, puis un autre processus s'est ensuivi pour aboutir, en août 2006, à la décision de la GRC de ne pas prendre de mesures disciplinaires parce que trop de temps s'était écoulé. Les trois personnes impliquées dans ces trois machinations, ou ces deux machinations et l'enquête, ont tous pris une retraite anticipée et ont reçu des primes, bien qu'il manque toujours une somme importante dans les fonds de pension et d'assurance.
Ai-je bien compris l'essence du chapitre 9 de ce rapport?
:
De façon générale, oui.
Dans ce chapitre, il ne s'agissait pas tant d'examiner ce qui s'était passé que de déterminer si la GRC s'était occupée adéquatement du cas et des allégations formulées.
Nous avons relevé de sérieux problèmes dans les pratiques de gestion des ressources humaines et d'attribution des contrats. On a procédé à une vérification interne, puis demandé au Service de police d'Ottawa de mener une enquête.
Nous avons conclu que la GRC avait remédié à la situation de façon adéquate. Cependant, il reste à résoudre certains problèmes.
L'un d'eux est le fait que, selon le mandat qu'on lui avait confié, le Service de police d'Ottawa devait rendre des comptes directement à un agent de la GRC. On nous a assuré que l'enquête avait été menée de manière indépendante, mais nous avons tout lieu de présumer le contraire. Nous avons constaté que la GRC ne disposait d'aucune politique relative à la tenue d'enquêtes indépendantes sur ses activités. On doit donc corriger la situation.
L'autre problème qu'il faudra régler concerne les mesures disciplinaires. En effet, une décision rendue par la Cour d'appel en février 2006 a réduit la capacité de la GRC d'appliquer de telles mesures.
En vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, la GRC doit imposer des mesures disciplinaires dans l'année suivant le moment où elle a eu connaissance d'un incident. Or, elle a toujours fait comme si cette année commençait dès la fin d'une enquête criminelle, de façon à procéder par étapes. On a contesté cette méthode. À la Cour d'appel, le juge a tranché que la GRC devait partir du moment où la haute direction apprenait l'existence d'irrégularités réelles ou présumées. Ce jugement obligera la GRC à changer son mode de fonctionnement, ou il faudra modifier la loi pour définir cette période d'une année. Quand la décision a été rendue, en février 2006, il était trop tard pour que la GRC agisse dans le cas qui nous occupe.
Cette situation est donc attribuable à la décision de la Cour.
:
Merci, monsieur le président.
Encore une fois, bienvenue à nos témoins.
Avant d'entrer dans les détails, je vais aborder une question que j'ai soulevée au comité directeur. Malheureusement, j'ai déjà eu à parler de quelque chose de semblable par le passé : une partie de ce rapport a fait l'objet de fuites avant que les députés n'aient eu l'occasion de le lire, ce qui constitue évidemment une atteinte à leurs droits. C'est la deuxième fois que cela se produit depuis le début de la présente législature. Ici, monsieur le président, je fais allusion à un article du Globe and Mail daté du 8 novembre dernier et signé par M. Daniel Leblanc.
J'ai eu quelques discussions préliminaires à ce sujet avec le comité directeur, et je crois même que nous en avons parlé un peu ici. L'une des remarques qui revient le plus souvent, c'est qu' il ne s'agit peut-être pas d'une véritable fuite, car il est possible que quelqu'un ait obtenu des bribes d'information, mais cela n'a rien de sûr.
J'ai demandé à mon bureau de comparer la teneur de l'article à celle du rapport déposé. Il est assez intéressant de noter que, si l'on examine les paragraphes dans l'ordre où ils apparaissent dans le journal, le premier paragraphe s'avère exact, de même que le second, le troisième, quatrième et le cinquième. Le sixième contient une opinion, mais il est juste. Le septième renferme une citation. Le paragraphe suivant exprime un point de vue, le suivant aussi, etc. Ce qui nous donne cinq paragraphes faisant état du contenu du rapport.
Ce n'est pas une coïncidence. Il y a eu une fuite venant de quelqu'un qui n'a aucun droit légal ou moral pour faire une telle chose. En agissant ainsi, on a porté atteinte aux privilèges des députés et, par le fait même, aux droits du public, car les députés en sont les représentants.
Monsieur le président, vous vous rappellerez que le 15 mai dernier, nous avons tenu une séance spéciale. Vous en assuriez la présidence, et cinq d'entre nous avions signé un document vous enjoignant de la convoquer.
À cette occasion, madame Fraser, vous avez dit, et je cite le compte rendu du comité de ce jour-là: « La divulgation prématurée d'un rapport constitue un mépris du droit de la Chambre des communes de recevoir ce rapport, droit qui lui est conféré par la loi. »
Vous poursuivez en disant:
Comme vous pouvez le constater, mon bureau prend des mesures pour assurer la confidentialité de nos rapports avant leur dépôt. Selon nous, rien ne nous oblige à rapporter l'incident à la GRC, car aucune loi n'a été violée. Dans ce cas-ci, c'est plutôt la politique du gouvernement sur la sécurité qui n'a pas été respectée.
Vers la fin, vous mentionnez ceci: « J'ai — c'est-à-dire vous, madame Fraser — obtenu l'assurance du gouvernement qu'il mènerait une enquête. C'est maintenant la responsabilité du gouvernement d'agir. »
À ce moment-là, j'ai parlé de présenter une motion, ou du moins, d'en préparer une par laquelle nous demanderions au gouvernement de rendre des comptes, puisque ce n'était pas du ressort du Bureau du vérificateur général. Si quelqu'un souhaite soulever une telle allégation, qu'il le fasse; nous l'écouterons et agirons en conséquence. À mon avis, on ne peut dire que cela revient au même. Il ne s'agit pas d'une affaire criminelle, mais d'une infraction à la sécurité au sein du gouvernement. Je dois vous dire, monsieur le président, que j'en ai assez de cette histoire.
Pour la gouverne de ceux qui nous écoutent, il est question ici de la possibilité, pour les ministères, de consulter les rapports à l'avance, sans que cela pose problème. C'était la même chose quand j'étais député à Queen's Park. C'est ainsi qu'on procède. On fait cela pour permettre aux ministères de s'assurer — corrigez-moi si j'ai tort, madame la vérificatrice — de l'exactitude des renseignements. Ils ont ainsi l'opportunité de clarifier ce qui leur semble inexact dans votre version des faits. C'est également une occasion de leur faire des commentaires sur les mesures qu'ils prendront, car celles-ci apparaîtront dans le rapport. Mais pour que tout cela soit possible, les ministères doivent le voir. Il est donc compréhensible qu'on permette à des hauts fonctionnaires de lire le rapport de façon confidentielle avant son dépôt.
Cependant, dans les circonstances, à moins que le Bureau du vérificateur général — et ce n'est pas moi qui le dis — mente, soit une passoire et soit responsable du problème... ce que cela nous apprend, c'est qu'il y a des gens au gouvernement, élus ou nommés, qui portent atteinte aux droits des députés à des fins politiques. Ce n'est pas inhabituel à la Chambre, mais c'est interdit.
De deux choses l'une, monsieur le président. Soit on colmate les brèches et on met un terme aux fuites, puis on demande à certaines personnes de rendre des comptes, car la loi de la Chambre des communes a été violée, soit nous devrons revoir le processus si nous ne pouvons faire la lumière sur cette affaire, monsieur le président. Je n'en démordrai pas et je suis sûr que d'autres députés sont d'accord avec moi, ce qui veut dire qu'il ne sera peut-être même plus possible de transmettre le document aux ministres, aux sous-ministres et à d'autres hauts fonctionnaires, auquel cas, c'est une honte, car le système fonctionnera moins bien.
Soit que nous trouvons les responsables et modifions le système ou bien nous acceptons le fait que les députés n'ont aucun privilège relativement aux rapports et qu'ils sont mis devant les faits au moment de la publication par le Bureau du vérificateur général, ce qui n'est pas non plus satisfaisant.
Il faut mettre un terme à cela, monsieur le président. Je tiens à informer mes collègues que je vais présenter une motion — je crois que le greffier en a une copie, mais sinon, je vais faire en sorte qu'il en obtienne une — qui ne pourra probablement pas faire l'objet d'un débat avant encore une autre séance. Elle se lira comme suit:
Que le gouvernement envoie un représentant devant le Comité permanent des comptes publics pour expliquer la procédure d'enquête, les échéanciers et les résultats concernant les rapports du 14 mai 2006 et du 8 novembre 2006 de la vérificatrice générale qui ont fait l'objet d'une fuite.
J'ose espérer que les membres du comité vont convenir qu'il faut faire quelque chose. Je ne me livre pas à une chasse aux sorcières. Si tout cela arrête, nous n'en parlerons plus. Si nous découvrons les responsables, nous allons prendre des mesures et la question sera réglée. Mais nous ne pouvons pas nous croiser les bras. Nous avons l'obligation d'agir, car c'est là la nature de notre travail, à savoir assurer la reddition de comptes.
Cela me rend furieux. Je ne pense pas — mais je me trompe peut-être — que ce genre de chose se produit couramment ailleurs au pays ou au sein d'autres assemblées législatives. Il y a eu des fuites à huit reprises, je crois, au total — neuf en incluant celle-ci — depuis 2001. Sur environ 130 rapports qui ont été déposés, ce n'est pas acceptable, mais cela nous permet de tirer deux conclusions: premièrement, c'est un phénomène qui continue, et deuxièmement, c'est de plus en plus fréquent. Puisque nous n'avons pas agi avec assez de fermeté en mai, il n'est pas étonnant à mon avis que le même problème se soit produit en novembre.
Chers collègues, nous devons agir. Je n'ai aucune idée précise de ce que nous allons faire, mais il me semble que, si nous déterminons que la fuite est attribuable au processus au sein du gouvernement, il faudrait alors en premier lieu convoquer des représentants du gouvernement pour qu'ils nous expliquent ce qu'ils ont fait, comment ils ont procédé et quels étaient les échéances et les résultats. Nous devrons ensuite juger si leurs explications sont acceptables et si toute la lumière a été faite sur la question.
Monsieur le président, j'aimerais que nous puissions passer à autre chose, car cette question nous fait perdre du temps. À tout point de vue, cela n'a rien de bon.
:
Monsieur Fitzpatrick, je vous remercie.
Avant d'entamer le deuxième tour de table, j'ai une question que j'aimerais aborder brièvement, madame Fraser, soit le chapitre 11, intitulé « La protection des biens publics — Bureau de l'enquêteur correctionnel ».
Je ne vais pas concentrer mes questions sur les actes posés par M. Stewart comme tels, mais sur le système en place. La situation a duré 14 ans et, selon moi, une foule d'irrégularités qui allaient à l'encontre de la Loi sur la gestion des finances publiques, des directives du Conseil du Trésor, de la politique concernant l'utilisation de l'automobile, le paiement de ces prétendus crédits de congés annuels, le remboursement de frais ont été commises. Tout ce qu'on peut imaginer, il l'a fait et ce, pendant longtemps. D'après votre rapport, M. Stewart n'était pas le seul, semble-t-il.
À la fin de l'exercice, s'il restait des crédits budgétaires, ils étaient répartis parmi les employés et qualifiés de paiments à titre de temps supplémentaire. Cela frôle en réalité la fraude, si ce n'en n'est pas. Si vous n'avez pas fait d'heures supplémentaires, que quelqu'un vous remet un chèque en vous disant que c'est pour les heures supplémentaires travaillées et que vous l'encaissez, c'est nettement immoral, et vous ne respectez pas les valeurs de l'organisation et les principes d'éthique personnelle.
Voici ma question: y avait-il quatre personnes qui ont agi ainsi? Le directeur exécutif ou l'agent financier, manifestement, ne faisait pas son travail. Le Conseil du Trésor n'assure-t-il pas une surveillance de ce ministère particulier? Y a-t-il eu des cas où la vérification interne a porté sur ce ministère? Dans l'affirmative, dormait-on sur le tas? Quel rôle le sous-ministre a-t-il joué dans ce ministère particulier, puisque c'était lui qui était responsable de la gestion et de l'administration?
Nous vivons dans une société dans laquelle on pourrait s'attendre à ce que cela ne se produise pas et, si cela se produit, ce serait un cas isolé. Or, la situation a duré 14 ans. Où étaient toutes ces personnes? Quelqu'un surveillait-t-il la caisse? Je suppose que c'est là ma question.
:
Voilà une excellente question.
Selon moi, le plus troublant dans toute cette affaire est le fait qu'elle a duré si longtemps, que personne n'a fait quoi que ce soit ou dit quelque chose.
Étant donné que le bureau agit comme ombudsman, je crois que les organismes centraux hésitaient à être perçus comme s'ingérant dans sa gestion. C'est également vrai pour certains organes quasi judiciaires, pour les tribunaux. J'irais jusqu'à dire que c'est vrai aussi pour le sous-ministre.
Par exemple, ce bureau était un employeur distinct — les employés n'étaient pas syndiqués — et avait probablement très peu d'échanges avec le Secrétariat du Conseil du Trésor en matière de ressources humaines. Que nous sachions, nous n'avons pas relevé d'indice qu'il y avait eu vérification interne.
J'estime qu'il y a un problème de gouvernance. Comment maintient-on l'indépendance de ces organismes et bureaux, une indépendance cruciale si l'on veut qu'ils s'acquittent de leur mandat, tout en obtenant une bonne reddition de comptes?
Nous sommes en train d'amorcer une vérification des petits organismes, et c'est là un des problèmes que j'aimerais que nous examinions. Il faut que les organismes centraux jouent un rôle plus actif à cet égard. Nous avons tendance à les blâmer pour ne pas avoir repéré ces manquements. Toutefois, ils vous diront, selon moi, qu'ils se font souvent dire par les organismes qu'ils sont indépendants et qu'il ne peut venir jouer dans leurs plates-bandes.
Ce n'est par contre pas le cas du directeur exécutif et des autres cadres supérieurs qui ont travaillé dans ce bureau pendant très longtemps et qui, de toute évidence, savaient ce qui se passait.
Il a aussi régné une certaine confusion ou du moins une prétendue confusion parce que le ministère de la Sécurité publique, auparavant le ministère du Solliciteur général, était celui qui traitait les demandes pour ce bureau et acquittait les factures. Ainsi, M. Stewart soumettait son compte de frais directement au ministère, sans passer par quelqu'un de son bureau. Pourtant, nous savons tous qu'on n'est pas censé signer ses propres comptes de frais, et ils auraient dû être retournés à l'expéditeur.
Il y avait aussi un certain flottement quant à l'agent financier supérieur. Toutefois, selon moi, cette question a encore moins de pertinence. Si des personnes ont vu des factures être approuvées, des factures qui de toute évidence n'avaient pas leur place, elles auraient dû le dire. J'y vois un problème plus général. Il faut se demander pourquoi nul n'a rien dit pendant si longtemps.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a un élément qui, je crois, n'a pas encore été abordé, ce qui m'a passablement surpris, mais je veux passer au chapitre 8, qui porte sur l'affectation des fonds aux programmes de réglementation. Je dois dire, cependant, et je pense que M. Fitzpatrick a soulevé la question, que je ne m'attendais pas à ce que la question soit traitée sous cet angle. Je ne voudrais pas mal le citer mais je crois bien, monsieur le président, qu'il faisait allusion à cette question et vous remerciait de l'avoir soulevée, parce qu'elle venait renforcer, d'une certaine façon, l'argument selon lequel il y a trop de règlements.
Quoi qu'il en soit, je vais adopter une perspective très différente, qui s'inscrira probablement un peu plus dans le sens de vos propos, à savoir que nous disposons de règlements importants — parfois, il faut bien des lois — « dans un domaine d'une importance vitale » comme l'a dit la vérificatrice générale, pour les habitants de Hamilton et j'ajouterais pour tous les Canadiens, à n'en pas douter. Je vais donc entrer dans le vif du sujet pour parler plus précisément du Programme de la sécurité des produits, parce qu'il y a là quelque chose qui me sidère complètement.
Le tableau présenté à la page 10 du chapitre 8 fait ressortir les domaines où il y a un « Niveau insuffisant d'activité ». Dans tous les domaines, sauf là où il y a la mention « Sans objet » ou « Ne pose pas de problème », l'activité est insuffisante. De quoi s'agit-il dans ce contexte? D'après ce que j'en comprends, le Programme de la sécurité publique de Santé Canada a pour mandat de veiller à ce que des produits — y compris les matériels médicaux comme les stimulateurs cardiaques et les appareils auditifs — ceux que nous ingérons et ceux que nous achetons pour nos enfants —comme les berceaux et les poussettes, par exemple... C'est le ministère qui veille à ce que ces produits ne présentent aucun danger pour le public. La sécurité publique ne comprend pas seulement les services de police, les peines de prison et la lutte contre le terrorisme. Elle s'occupe également de veiller à ce que les produits que la population ingère, particulièrement les médicaments, ne posent aucun danger pour elle. Ça, c'est de la sécurité publique.
Nous avons sous les yeux un rapport dévastateur. Vraiment, je suis stupéfait que les médias ne s'y soient pas intéressés davantage, car il s'agit d'une question de sécurité publique. Un peu partout dans le rapport, on souligne que les crédits sont insuffisants. Non seulement nous n'affectons pas assez d'argent à la protection dans ces domaines, mais ce sont les gestionnaires eux-mêmes qui ont fait remarquer, après avoir étudié leur description de travail, qu'ils ne pouvaient faire ce qu'on leur demandait, faute d'un financement suffisant.
Il n'y a rien de satisfaisant dans le rapport. Je demande à mes collègues d'examiner les tableaux. Il n'y a rien de satisfaisant nulle part.
Il y a cela, puis, à la page 13, il est question du financement de base pour le Programme de la sécurité des produits, le Programme des médicaments et le Programme des matériels médicaux. Au fil des ans, le financement de base a été réduit de, je crois... eh bien, voyons les chiffres. Le Programme de la sécurité des produits était doté de 8,1 millions de dollars en 2003-2004, et son financement n'atteint plus que 7,3 millions de dollars à l'heure actuelle. Dans le cas des Programmes des médicaments, les fonds sont passés de 7,1 millions de dollars à 4,8 millions de dollars; pour ce qui est du financement de base du Programme des matériels médicaux, il était de 2 millions de dollars et, aujourd'hui, il ne représente plus que la moitié de ce montant, soit 1 million de dollars.
Si je comprends bien le tableau de la page 11 intitulé: « Activités de vérification relatives à la conformité et à l'application de la loi » , « Mener des inspections chez les fabricants d'ingrédients de médicaments » s'applique aux médicaments sur ordonnance. On vérifie dans ce cas les ingrédients qu'utilisent les fabricants pour produire des médicaments sur ordonnance que nous achetons tous dans nos pharmacies. J'apprends ici que le niveau d'activité de Santé Canada est insuffisant pour répondre aux besoins des Canadiens pour ce qui est de l'inspection du contenu de ces médicaments sur ordonnance. Est-ce que c'est bien le cas? Est-ce aussi clair que cela?