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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 054 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la 54e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 21 mars 2011.
    Avant de passer à l'ordre du jour, je dois vous informer qu'on a demandé d'ajouter un point à l'ordre du jour, c'est-à-dire l'étude des travaux du comité. Avez-vous une objection à ce que nous ajoutions 15 minutes à la fin de la séance? Nous pourrions en discuter tout de suite après avoir examiné le projet de rapport sur le crime organisé.
    Y voyez-vous un inconvénient? Non? Très bien. Nous allons consacrer 15 minutes à l'étude de cette question.
    À titre indicatif, sachez que nous siégerons à huis clos durant la deuxième heure pour continuer de rédiger le rapport sur le crime organisé.
    Aujourd'hui, deux témoins nous entretiendrons du projet de loi C-4. Tout d'abord, arrivant tout droit de la Saskatchewan et de la municipalité rurale de Beaver River, nous accueillons le préfet, Murray Rausch. Soyez le bienvenu.
    Nous recevons aussi Mme Thérèse McCuaig, à titre personnel. Je vous souhaite également la bienvenue.
    J'imagine que vous savez que vous disposez de dix minutes pour présenter votre exposé. Nous enchaînerons ensuite avec la période de questions.
    Monsieur, je vous invite à prendre la parole.
    Je tiens à vous remercier, honorables membres du comité, de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Je suis actuellement préfet de la municipalité rurale de Beaver River No. 622, en Saskatchewan. Notre municipalité est celle qui est située la plus au nord, le long de la frontière occidentale de la Saskatchewan avec l'Alberta. Nous sommes tout près de la base aérienne de la 4e Escadre à Cold Lake. Je suis également le président de la North of Divide Community Association, un partenariat progressif et coopératif entre cinq municipalités urbaines et trois municipalités rurales qui favorisent la croissance positive et qui ont à coeur le maintien d'une région florissante, sûre, stable et durable.
    En réfléchissant aux circonstances qui m'ont amené devant vous cet après-midi, je conclus que la lettre de la municipalité, qui a été portée à votre attention en novembre 2010, a eu un impact. Je peux vous assurer que cette lettre avait beaucoup d'importance pour le conseil municipal et qu'elle témoigne de ses sincères préoccupations et de son appui à votre important examen.
    En préparant ma déclaration d'aujourd'hui, je me suis rappelé les mots du juge du tribunal pour familles et adolescents Herb Allard, qui a récemment accordé une entrevue à la radio de la CBC: « J'en ai assez d'entendre l'opinion de gens qui n'ont jamais franchi la porte d'un tribunal. » Je rédigeais mon exposé et je suis tombé sur une autre affirmation du juge Allard: « Je n'ai jamais vu l'un d'entre eux dans mon tribunal. J'ai été juge pendant 36 ans et je ne les ai jamais vus. »
    Je dois admettre que je fais partie de ceux dont parle le juge Allard, mais je suis convaincu que le grand intérêt et le souci démontrés par mon conseil pour la sécurité et la viabilité des collectivités, ainsi que les relations positives avec notre détachement local de la GRC...

[Français]

    Monsieur le président, pourriez-vous demander au témoin de parler plus lentement? Les interprètes ne peuvent pas le suivre.

[Traduction]

    Je pense qu'on vous demande de ralentir un peu le débit pour permettre aux interprètes de faire correctement leur travail.
    M. Murray Rausch: D'accord. Je suis désolé.
    Le président: Merci.
    Quoi qu'il en soit, je suis déterminé à me rendre plus souvent dans les tribunaux pour observer le déroulement et ainsi avoir une meilleure idée des difficultés auxquelles ils sont confrontés.
    La lettre du conseil faisait référence à certains éléments qui, selon nous, découlent des lois actuelles et de la réticence, semble-t-il, à imposer des peines d'emprisonnement à de jeunes délinquants récidivistes. On perçoit notamment une tendance ou une obligation à ne pas tenir compte des dossiers cumulatifs des jeunes récidivistes ou à les rendre inadmissibles; une tendance à imposer des périodes de probation ou des peines à purger dans la collectivité, ce qui fait en sorte que le jeune délinquant réintègre immédiatement son milieu dysfonctionnel et qu'on délègue les responsabilités de supervision à la GRC; l'utilisation créative de la jurisprudence pour compliquer les procédures et profiter des lacunes en matière d'enquête et de préparation; et les ajournements répétitifs et interminables où le délinquant doit respecter des conditions entre ses comparutions, ce qui donne lieu à d'autres accusations pour bris de condition et qui multiplie les comparutions devant les tribunaux. Des accusations non classées s'accumulent, et le jeune contrevenant doit désormais faire face à beaucoup plus d'accusations.
    Comme je n'ai pas toujours été témoin directement des tendances ou des éléments dont je viens de parler, j'ai voulu trouver un exemple régional d'un dossier du tribunal qui relève du domaine public qui pourrait contribuer à étayer les préoccupations du conseil.
    Le dossier que j'ai trouvé renferme cinq pages d'accusations, plus précisément 53 accusations portées contre un seul individu, de novembre 2008 à février 2011. Onze des accusations concernaient des vols de véhicule à moteur, d'une valeur inférieure, égale ou supérieure à 5 000 $. Dans la plupart des cas, il s'agissait de véhicules tout-terrain. Sur les 42 autres accusations, bon nombre ont été portées pour conduite dangereuse des mêmes véhicules. Pendant que j'examinais le dossier de ce jeune délinquant, j'ai remarqué qu'il avait été accusé de conduite avec facultés affaiblies, avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 p. 100, le 12 septembre 2008. Ce jeune délinquant n'a pas été reconnu coupable avant le 10 août 2009, soit près de 11 mois après les événements.
    Malgré un dossier bien rempli, ce jeune délinquant s'est vu imposer une période de probation assortie de conditions, une interdiction de conduire pendant un an et l'obligation de suivre un programme de traitement. Durant l'année au cours de laquelle il lui était interdit de conduire, ce contrevenant a accumulé pas moins de trois autres condamnations relatives à des véhicules tout-terrain, de même que des amendes, il a été reconnu coupable de 20 infractions au Code criminel et a fait l'objet de cinq accusations en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ce qui a donné lieu à quatre condamnations et une suspension d'instance.
    Comme vous pouvez le constater, 15 autres accusations se sont ajoutées au dossier de ce jeune contrevenant et, en toute honnêteté, je dois admettre que j'ai un peu perdu le compte des infractions. Cependant, ce dont je suis certain, c'est que la majorité de ces VTT volés appartenaient à mes amis et à des habitants de ma municipalité. La conduite dangereuse et, à une occasion, la conduite avec facultés affaiblies de ces véhicules ont sans aucun doute créé de l'anxiété au sein de la municipalité et fait perdre de la valeur aux propriétaires, tout en posant une menace réelle à la sécurité publique.
    Cet exemple de dysfonction représente forcément d'innombrables heures de préparation, de recherche et de documentation, puisque chacune des 53 accusations doit suivre son cours dans le système. Si d'autres jeunes contrevenants, ne serait-ce que quelques-uns, commettent des actes semblables, notre détachement local de la GRC, avec ses ressources limitées, pourrait rapidement se retrouver débordé.
    Le conseil de la municipalité rurale numéro 622 affirme son appui au paragraphe 2(3) du présent projet de loi, étant donné qu'il pourrait s'appliquer aux récidivistes chroniques.
    Dans le système de santé, si je ne me trompe pas, il y a un programme d'intervention précoce. Un tel programme vise à déceler les problèmes liés au développement cognitif dès la petite enfance afin d'y remédier rapidement. Le programme vient en aide aux jeunes enfants aux prises avec des problèmes, possiblement des troubles de langage. Il semble logique qu'un programme d'intervention précoce serait bénéfique auprès des jeunes contrevenants récidivistes et pour la société en général.
    La nécessité d'une intervention et d'une réhabilitation a été soulevée par le juge Allard, durant son entrevue à CBC le 15 décembre 2010, au cours de laquelle il a indiqué qu'il fallait isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société afin de contribuer à leur réhabilitation. Pour être au courant de la situation de nos voisins américains, dans cette entrevue, le juge a fait référence à l'État du Texas, où on a conclu que les peines obligatoires ne permettaient pas nécessairement de réduire le taux de criminalité.
    En même temps, au sein de notre municipalité, la majeure partie de la supervision des jeunes délinquants en probation revient à la GRC. Notre conseil reconnaît le travail remarquable du détachement local pour remédier aux conditions qui contribuent au comportement dysfonctionnel des jeunes récidivistes, notamment les discussions avec les chefs communautaires, la promotion de la réforme sociale, la consultation familiale, la facilitation d'équipes de ressources humaines pouvant contribuer au développement positif des jeunes et l'élaboration de stratégies destinées à dissuader les délinquants et à reconnaître les attitudes et les comportements positifs.
(1545)
    Si je puis me permettre respectueusement, en résumé, notre conseil municipal estime que le principe de protection de la société est à la base de tout amendement législatif; il favorise la simplification des règles afin de placer les jeunes contrevenants violents et récidivistes en détention jusqu’à leur procès, au besoin; il appuie un examen des antécédents du jeune contrevenant pouvant indiquer une escalade de son activité criminelle et la nécessité d’une peine comportant un placement sous garde; il soutient l’imposition d’une peine d’emprisonnement pour comportement imprudent mettant la vie et la sécurité d’autrui à risque; il est favorable à une réforme du système de cautionnement qui favorise la récidive chez certains contrevenants chroniques; et enfin, il encourage les programmes de traitement et les libérations sous caution adaptés en vue de faire cesser ces comportements délinquants et dissiper les préoccupations liées à la sécurité publique.
     Même si nous vous demandons d’améliorer la gestion de ces délinquants et de simplifier les règles, nous sommes conscients que le système doit répondre aux besoins particuliers de chacun et tenir compte de la diversité qui fait de notre nation ce qu’elle est. Dans son livre Bad Medicine: A Judge’s Struggle for Justice in a First Nations Community, le juge à la retraite de la Cour provinciale de l’Ontario, John Reilly, soutient que le but ultime de l’imposition d’une peine est de contribuer au maintien d’une société juste et sûre.
    Cela dit, sachez que nous vous respectons et que nous vous appuyons dans cette démarche.
    Merci.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme McCuaig. Vous disposez de 10 minutes.
    Merci de m'avoir invitée.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invitée au comité aujourd'hui.

[Traduction]

    En 1995, mon petit-fils de 17 ans, Sylvain Leduc, a été enlevé de chez lui avec ses deux petites cousines de 16 ans et son ami par un gang de rue appelé Ace Crew. De ce gang, les cinq membres qui, à ma connaissance, ont comparu en cour étaient de jeunes délinquants. Les autres avaient plus de 18 ans.
    Les jeunes ont été enfermés dans le compartiment arrière d'un camion Jimmy, où ils ont été battus et menacés. Les délinquants leur ont dit qu'ils leur infligeraient une telle raclée que les résidants d'Ottawa auraient peur de sortir sur la rue, et ils ont tenu parole. Pendant la demi-heure qu'a duré le trajet en camion, quelqu'un armait et désarmait constamment un fusil à proximité de leur tête, leur affirmant qu'ils allaient mourir. « Aujourd'hui, c'est mercredi, une journée propice pour mourir. » C'était un jeune de 15 ans qui dirigeait ce gang. À cet âge, c'était lui qui menait le bal.
    Arrivés à destination, ils ont fait descendre les victimes l'une après l'autre. Dans le véhicule se trouvaient des jeunes de 25, 24 et 19 ans, des durs qui allaient montrer aux jeunes comment traiter ceux qui les offensent. Les victimes ont été emmenées l'une après l'autre dans un appartement où se trouvaient 12 personnes.
    Quand les victimes entraient à tour de rôle, ce sont les jeunes délinquants qui ouvraient la porte et s'empressaient de leur lier les mains, les pieds et le cou, de les bâillonner et de leur bander les yeux. Ils ont enfermé l'un des enfants dans un placard tapissé de sacs à déchets verts, où ils comptaient mettre les cadavres des victimes. Ils ont traîné mon petit-fils jusque dans la chambre des maîtres, enfermé un garçon dans la salle de bain et emmené une jeune fille dans la même pièce que mon petit-fils.
    À tour de rôle, les délinquants, qui étaient parfois deux ou trois, ont battu Sylvain à mort. Pendant ce temps, d'autres infligeaient des brûlures à ma nièce avec un fer à friser extrêmement chaud, appliquant l'appareil sur ses mollets et à l'arrière de ses genoux et de ses épaules. Puis ils l'ont retournée, lui ont retiré ses jeans et ses culottes, et pendant que deux jeunes lui écartaient les jambes et qu'une jeune fille lui maintenait la tête, ils l'ont brutalement violée avec le fer à friser. Elle a perdu conscience et quand elle est revenue à elle, elle entendait Sylvain respirer laborieusement, à l'agonie.
    Dieu merci, un homme habitant à l'étage en dessous avait entendu les enfants arriver sous la menace d'une arme. Caché derrière les rideaux, il a attendu qu'ils soient tous à l'intérieur de l'appartement pour appeler le 9-1-1. Quand la police est arrivée, les 12 membres du gang ont fuit les lieux. Les agents, faisant preuve d'une grande perception, ont toutefois réussi à en arrêter quatre ou cinq dans le hall pendant que les autres s'enfuyaient.
    Je suis furieuse à la seule pensée de ce qui s'est passé ensuite et de vous le raconter. Les agents de police seraient probablement arrivés à temps pour sauver Sylvain, mais les jeunes qu'ils retenaient dans le hall ont refusé de dire dans quel appartement ils devaient aller. Il leur a fallu 45 minutes pour trouver Sylvain, et il était alors trop tard, bien sûr.
    La jeune fille a été emmenée en ambulance à l'hôpital, où elle est restée trois mois. Les médecins ne savaient pas comment la soigner, n'ayant jamais été confrontés à des blessures pareilles. Plusieurs professionnels ont alors fait équipe et ont réussi à sauver son utérus — autrement dit, son corps, sa vie.
    L'autre jeune garçon a été hospitalisé pendant un mois, souffrant d'une commotion et d'une dépression grave. La jeune fille a pour sa part été confiée aux services psychiatriques, où elle est toujours.
(1550)
    Ce sont des crimes atroces, horribles, qui ont certainement choqué la population d'Ottawa, particulièrement les membres de nos trois familles. Vous pouvez imaginer notre peine, notre haine et notre rage.
    J'ai pris sur moi d'assister au procès. Je n'ai pu m'empêcher de rire quand vous avez dit qu'un juge avait déclaré n'avoir jamais vu ces jeunes dans sa salle d'audience. Eh bien, je fréquente les salles d'audience depuis 15 ans. Dans notre cas, il a fallu deux ans, ou trois ans en comptant les délais de procédure, pour juger tout le monde. Par la suite, je suis devenue une personne-ressource au bureau de Victimes de violence. J'ai assisté à quantité d'audiences, de procès, d'audiences préliminaires et de procédures.
    Dans notre cas, la loi stipulait à l'époque que l'on ne peut « punir » quelqu'un qui a commis un crime, pour employer un terme qui n'est jamais utilisé. En effet, il ne faut pas punir, mais bien dissuader les coupables ou en faire des exemples. Cette philosophie s'applique aux adultes. D'après ce que l'on m'a dit, dans le cas des jeunes, le juge n'a qu'à tenir compte de leur réinsertion dans la société.
    Oh.
    Je me souviens du jour où ma fille s'est rendue au salon funéraire pour organiser les funérailles de son fils. Elle ne pouvait évidement pas se payer de service haut de gamme. Mais je me rappelle qu'elle a touché une urne magnifique, qu'elle voulait ardemment pour son fils, mais que nous ne pouvions évidement pas nous permettre. J'étais vraiment furieuse, considérant que ce sont ces gens qui auraient dû payer les funérailles. Ils auraient dû être obligés de s'occuper au moins de cela, mais rien n'était prévu à cet effet.
    Au tribunal, on nous a remis un formulaire de déclaration des répercussions sur la victime, où l'on décrit l'impact du crime. À l'endos du formulaire, on nous demande si l'on fait une réclamation pour les torts subis. J'ai répondu « Oui, Seigneur, oui. Je fais une réclamation pour des funérailles, une urne, le service de réponse téléphonique auquel nous avons dû adhérer parce que nous recevons des appels de menace, et le changement des serrures de notre domicile. » Le juge n'en a jamais tenu compte, parce que les jeunes délinquants sont intouchables, je suppose. Ils n'ont aucune somme à verser, aucune excuse à présenter. Ils ne se sont même pas excusés pendant les audiences.
    Avant de prononcer sa sentence, le juge leur a demandé s'ils avaient quelque chose à dire. Ils nous ont ri au nez tout au long du procès.
    C'est à ce moment que j'ai découvert comment la Loi sur les jeunes contrevenants s'était appliquée au fil des ans. J'ai été stupéfaite d'apprendre que les jeunes peuvent commettre crime après crime sans que cela n'ait d'importance. Ils s'en tirent toujours avec une probation. Tant qu'ils n'infligent pas de blessure physique à une victime, ils évitent la prison. Ce n'est que s'ils commettent un crime violent qu'ils sont incarcérés.
    Pendant notre procès, la mère de la jeune fille de 17 ans qui avait maintenu la fille au sol pendant qu'elle se faisait brûler est venue en cour. C'était une mère responsable, une bonne mère qui, depuis trois ans, suppliait la police d'incarcérer sa fille, qui était incontrôlable et violente. Elle causait du tort aux gens. Mais les agents persistaient à dire qu'ils ne pouvaient rien faire tant que sa fille n'avait pas commis de crime violent. Désespérée, la mère a harcelé sa fille jusqu'à ce que cette dernière lui casse un bras et la roue de coups de pieds. Elle a enfin eu des motifs valables pour faire incarcérer sa fille, mais même dans ce cas, ce ne fut que pour une semaine.
    Je me souviens très bien que cette jeune fille avait reçu l'ordre de ne pas s'approcher d'une autre jeune femme parce qu'elle avait un casier judiciaire. Mais elle a enfreint constamment cette condition, allant jusqu'à se présenter en cour avec elle.
(1555)
    Elle avait 17 ans et avait commencé à avoir des problèmes à 13 ans. Elle s'était adonnée au trafic de drogue, avait battu des agents de police, fracassé la vitre d'une auto-patrouille, craché sur des policiers et résisté à son arrestation. On avait dû l'asperger de poivre de Cayenne à de nombreuses reprises pour la calmer assez longtemps pour procéder à son arrestation, et pourtant, les intervenants se contentaient de lui imposer une probation. Rien n'a été fait pour la dissuader d'agir ainsi ou pour l'obliger à rendre compte de ses actes.
    Ce qui me fâche le plus dans cette affaire, c'est que ces jeunes n'avaient même pas connu la pauvreté ou une vie difficile. C'était les enfants d'enseignants, de médecins. Et pourtant, c'est nous, mesdames et messieurs, qui payons leur aide juridique. J'ai demandé qu'on m'explique pourquoi nous devions payer ces services quand les parents occupent de bons emplois, bien rémunérés. Il appert qu'une fois que les parents se sont déchargés de leurs responsabilités envers leurs enfants, nous n'avons pas le choix. Comme c'est merveilleux.
    J'ai également découvert, à ma grande colère, que pendant leur séjour en prison — il a fallu attendre un an et demi pour qu'un jugement soit prononcé —, ces jeunes pouvaient se prévaloir des allocations familiales. Indignée, j'ai écrit aux responsables, qui ont répondu que tant que les jeunes n'avaient pas été reconnus coupables, ils pouvaient garder l'argent. Or, pour recevoir ces allocations, il faut vivre à la maison et fréquenter l'école. Ces jeunes étaient en prison et refusaient d'aller à l'école, mais ils pouvaient réclamer ces allocations. Ils recevaient une certaine somme toutes les semaines où ils s'étaient bien comportés.
    Madame McCuaig, vous avez légèrement dépassé votre temps.
    Mme Thérèse McCuaig: Oh, je suis désolée.
    Le président: Combien de temps vous faut-il pour conclure?
    Oh, deux jours!
    Je suis entièrement en faveur de ce projet de loi. L'aspect qui me touche le plus est celui de la dissuasion. Nous ne détenons pas les jeunes assez longtemps pour les traiter adéquatement afin qu'ils ne commettent plus d'autres crimes violents. Les jeunes dont je vous ai parlé ont tous été arrêtés de nouveau. L'un d'eux a été déclaré délinquant à contrôler. Ils ont récidivé à de multiples reprises. Savez-vous pourquoi? Ils étaient sur la bonne voie pendant leur deuxième année d'emprisonnement, puis ils ont été remis en liberté. Il aurait suffi d'une année de plus pour les remettre sur le droit chemin. Mais les sentences ne sont pas assez longues.
    Je vous laisse sur cette réflexion.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous commencerons par les libéraux. Monsieur Murphy, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de comparaître.
    Je commencerai par vous, madame McCuaig.
    Vous avez traversé une épreuve terrible, et je veux vous dire, au nom des libéraux et, je crois, de tous les membres du comité, à quel point je suis désolé pour vous et votre famille.
     Je souhaite également remercier le préfet de témoigner aujourd'hui. Ayant déjà travaillé dans le monde municipal, je sais qu'il s'agit là du premier échelon de la démocratie. C'est souvent là que l'on entend l'opinion de la population avant qu'elle ne monte — ou descende, selon le point de vue — jusqu'au Parlement et aux assemblées législatives.
    Je veux vous remercier tous les deux d'être ici. Je n'ai que quelques questions à vous poser.
    La première s'adresse à vous, monsieur Rausch. Je me demande si vous pourriez approfondir certaines observations formulées dans votre exposé, qui était des plus convaincants. Vous avez cité l'exemple de l'État du Texas, où l'imposition de sentences minimales obligatoire n'a pas eu l'effet escompté. C'est, je crois, ce que vous nous avez dit. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à cet égard.
    Je vous poserais également la question suivante. Vous, ou la MR, convenez parfaitement que la protection de la société devrait être un principe important de la loi. Je veux que vous répondiez à l'observation suivante. Le principe directeur de la LSJPA est encore un peu ambigu, mais disons simplement que la modification proposée ferait de la protection de la société le premier — et le seul — principe de la loi. Considériez-vous qu'il serait sage d'en faire un principe important, égal à la réinsertion et à la sécurité publique, plutôt que simplement le principe premier?
(1600)
     Je crois que le conseil est, en effet, favorable à l'idée du principe premier, monsieur. Pour ce qui est de dire quelles pourraient être les répercussions d'une telle mesure, il faudrait probablement analyser la question soigneusement. Mais c'est effectivement un principe directeur. Qu'il soit ou non le principe premier également, il faut, selon nous, qu'il constitue le principe directeur principal.
    La première question concerne les peines minimales obligatoires, auxquelles vous avez fait brièvement référence.
    J'ai effectivement effleuré le sujet. Pour expliquer ce que nos voisins du Sud ont fait, j'ai évoqué l'État du Texas, où l'on a constaté que l'imposition de sentences obligatoires comme telle ne s'était pas nécessairement traduite par une diminution du taux de criminalité.
     Je crois que le juge considérait qu'il fallait examiner attentivement les programmes qui favoriseraient la réinsertion et peut-être, dans les cas où la société le jugerait nécessaire, l'exclusion sociale des jeunes contrevenants. C'est, selon moi, ce que le juge voulait dire dans le contexte de l'entrevue.
    D'accord.
    Madame McCuaig, permettez-moi de dire tout d'abord qu'il ne fait aucun doute que les victimes méritent un plus grand respect dans les situations que vous nous avez exposées. Le problème, c'est que le comité n'a pas toutes les cartes en main. Nous ne nous occupons pas de l'établissement des coûts ou d'une loi régissant les programmes de réinsertion ou d'intervention précoce pour corriger les situations problématiques de manière préventive. C'est ainsi que notre système fonctionne. Nous nous occupons des conséquences finales, à l'étape de la sentence.
    Si l'on s'intéresse à cette question quelques instants — car je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit sur le fait qu'il faut endiguer le crime avant qu'il ne devienne un problème dans la famille —, vous avez affirmé, en parlant de la dissuasion, que les peines d'incarcération n'étaient pas assez longues dans certains cas. J'en conclus que vous voulez dire que plus on impose de longues sentences d'emprisonnement aux délinquants graves, comme ceux dont vous nous avez parlé, afin de les soumettre à un programme ou un traitement quelconque, plus on est susceptible de les « remettre dans le droit chemin », pour reprendre l'expression que vous avez employée pour parler, à mon sens, de « réinsertion ».
    Les victimes devraient également craindre la remise en liberté des criminels. Collectivement, nous devons nous demander ce que nous faisons si nous nous contentons de les laisser aller sans le moindre soutien. C'est, je crois, notre plus grande préoccupation. L'incarcération constitue une solution à court terme si ce n'est que pour un, deux ou même trois ans. Convenez-vous alors que les programmes offerts en milieu carcéral constituent une pièce importante du casse-tête?
(1605)
     Oui, absolument.
    En 1995, la loi en vigueur prévoyait une peine maximale de trois ans dans le cas d'une infraction d'homicide involontaire coupable. Il a fallu 14 mois avant que l'affaire ne soit portée devant les tribunaux. Saviez-vous qu'avant d'être déclarés coupables, ils ne sont pas tenus de recevoir des soins psychiatriques? Ils peuvent refuser toute l'aide qui leur est offerte.
    Les psychologues et les psychiatres ne pouvaient forcer ces jeunes à suivre une thérapie, et je suis certaine que ce n'est pas un cas isolé. Alors, à la moitié de la peine... Ils ont été condamnés à trois ans de prison, mais la sentence a été prononcée après 18 mois. Il ne restait donc que 18 mois pour faire quelque chose avec eux, ou avec l'un deux, à tout le moins. On a toutefois appris tout de suite après qu'il était admissible à une libération conditionnelle. On le laisse sortir les week-ends, et s'il affiche une bonne conduite, le juge peut décider de l'envoyer en garde ouverte.
    Aujourd'hui, il n'y a plus de possibilité de garde ouverte. D'après ce que j'ai compris, la peine maximale pour homicide involontaire est de trois ans, et il y a possibilité de libération après 18 mois. Où sont passés les traitements? Qu'est-ce qui incite les contrevenants à reprendre leur vie en main? C'est inacceptable. S'il y a négociation de plaidoyer et que l'accusation passe de meurtre au deuxième degré à homicide involontaire, l'accusé s'en tire avec une peine d'emprisonnement de 18 mois, même s'il a commis un meurtre au deuxième degré. Pensons-y. Il faut y réfléchir très sérieusement. Ce n'est pas assez...
    J'ai discuté avec un psychiatre qui fait souvent des apparitions à la télévision. Il est bien connu et parle souvent des jeunes, de la criminalité juvénile, etc. Je lui ai demandé comment il procédait pour déterminer le temps nécessaire pour réhabiliter un jeune, si trois ans lui paraissait suffisant pour y arriver. Il m'a répondu que oui.
    Je lui ai demandé s'il savait que le système leur permettait d'être libérés après 18 mois. Il a semblé très surpris. J'ai poursuivi en lui disant que cela devait être très frustrant pour les personnes qui travaillent avec les jeunes de voir qu'il est temps de les renvoyer à la maison, alors que les traitements commençaient à porter fruit. Il m'a répondu que c'était en effet très fréquent.
     Donc, que faisons-nous? Est-ce vraiment la chose à faire?
    La parole est à M. Ménard pour sept minutes.

[Français]

    Votre témoignage m'impressionne grandement. J'estime qu'il s'agit d'un cas absolument abominable. J'ai peine à comprendre que les tribunaux de votre région aient agi de cette façon, sans que les causes soient portées en appel.
    J'aimerais savoir d'où vous venez, car vous ne nous l'avez pas dit.
    Je demeure à Ottawa. Tous ces crimes se sont produits à Ottawa.
    Ils se sont donc produits en Ontario.
     Monsieur Rausch, je crois avoir compris que vous avez été juge pendant un temps assez long. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Non, monsieur.

[Français]

     Avez-vous travaillé dans une cour pour jeunes délinquants?

[Traduction]

    Non, monsieur. J'ai travaillé principalement dans le domaine de l'éducation aux niveaux primaire, intermédiaire et secondaire.

[Français]

    Vous n'étiez donc pas spécialisé dans les cas de jeunes délinquants, vous n'étiez pas psychoéducateur spécialisé en matière de jeunes délinquants.

[Traduction]

    Non, monsieur.

[Français]

    Revenons à vous deux. D'abord, je dois reconnaître que ce que vous nous racontez, madame McCuaig, est exceptionnel, je l'espère, et que l'Ontario ne voit pas tous les jours des causes semblables.
    J'en ai vu quelques-unes.
    Oui. Le gouvernement a décidé de donner le nom du jeune Sébastien Lacasse à son projet de loi. Toutefois, le jeune Sébastien Lacasse est mort, il a été tué. La personne qui l'a tué, le jeune qui avait un couteau, ne lui a pas fait subir les traitements qu'a subis le jeune Leduc dont vous nous parlez, loin de là. Pourtant, il a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité. Je sais qu'il existe une grande différence dans la façon dont on traite les jeunes contrevenants au Québec et dans le reste du Canada. Je ne sais pas si vous en étiez consciente.
(1610)
    Oui, monsieur.
    Le Québec a quand même le plus bas taux de criminalité juvénile du Canada et accorde beaucoup de moyens à la réhabilitation des jeunes contrevenants.
    Je réalisais, monsieur Rausch, que vous cherchiez des modèles au Texas. Êtes-vous au courant de la philosophie particulière du Québec pour traiter les jeunes contrevenants?

[Traduction]

    En fait, monsieur, je me suis informé sur la question en me rendant ici. Je me suis intéressé notamment à une publication de la province de l'Alberta intitulée Alberta Views; les auteurs mentionnaient que les politiques ou les procédures du Québec semblaient indiquer que les tribunaux ne constituaient pas nécessairement le meilleur endroit pour traiter tous les jeunes contrevenants. Les provinces disposent toutes de programmes ou de mesures de rechange. Ces mesures n'interviennent toutefois pas nécessairement au même moment.
    C'est ce que je sais pour l'instant. Je vais continuer à dégager les différences qui existent entre les provinces et comment cela est interprété en cour.

[Français]

    Vous réalisez sûrement que ces cas sont beaucoup moins graves que ce dont on parle ici aujourd'hui. Dans les cas très graves, ils sont traités de façon très sévère, comme le démontre d'ailleurs ce qui est arrivé au meurtrier du jeune Lacasse dont on donne le nom à cet projet de loi.
    Madame McCuaig, selon la loi actuelle, et selon n'importe quelle loi, les jeunes auraient dû être pris en charge bien avant que ces choses n'arrivent. Je ne vois pas pourquoi on doit changer les lois pour cela. Plusieurs personnes nous ont dit que ce qui a manqué à cette loi récente — elle a une dizaine d'années —, ce ne sont pas les dispositions législatives, mais les ressources qui devaient accompagner la réforme. Également, les jeunes qui ont fait cette horreur aux jeunes, comme vous le décrivez, qui torturent d'autres jeunes, auraient dû être pris en charge de façon beaucoup plus serrée qu'ils ne l'ont été.
    Il me semble que rien dans la loi actuelle n'empêchait les autorités de le faire, si elles en avaient eu les moyens.
    Les autorités les arrêtaient, mais les juges les laissaient aller en leur imposant une peine de probation. Les parents ne s'occupaient pas des conditions de cette probation, alors les jeunes se trimbalaient dans les rues comme ils voulaient. Ils n'allaient pas à l'école, ils ne travaillaient pas, ils traînaient dans les rues, ils vendaient de la drogue, ils battaient des jeunes filles pour les obliger à se prostituer pour eux.
    En tout cas, je constate qu'au Québec, quand ces cas sont présentés, quelqu'un les suit. Ils sont pris en charge, ils sont envoyés dans des maisons appropriées, mais ils sont toujours suivis à l'extérieur. Ce n'est pas dans la loi qu'on écrit cela, cela devrait être considéré dans les ressources.

[Traduction]

    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Nous vous écoutons, monsieur Comartin. Vous avez sept minutes.
     Merci, monsieur le président, et merci, madame McCuaig et monsieur Rausch, d'être ici.
    Je sais que c'est difficile, madame McCuaig. Vous êtes déjà venue témoigner devant nous, alors je sais que ce que vous et votre famille avez vécu est horrible. Mais j'aimerais faire valoir quelques points qui vous pousseront peut-être à revoir votre position à l'égard de cette loi. D'après les communiqués de presse du gouvernement et ses déclarations à la Chambre, l'intention du projet de loi est de corriger les lacunes dans la loi, en ciblant particulièrement les récidivistes, les personnes qui ont commis cet horrible crime dont les membres de votre famille ont été victimes.
    Cependant, nous avons eu comme témoins trois procureurs de trois provinces différentes (les procureurs principaux traitant avec des jeunes contrevenants). Ils nous ont dit que cette loi faisait exactement le contraire de ce qui était attendu pour trois secteurs clés. En fait, si la loi devait être adoptée, il serait encore plus difficile pour nos procureurs et nos juges de juger les jeunes contrevenants dans un tribunal pour adultes, de les garder en détention, et... Pardonnez-moi, j'oublie malheureusement le troisième secteur. Soit dit en passant, je ne m'attends pas à une réponse de votre part; je voulais tout simplement vous mettre au courant de ce fait.
    Jusqu'à maintenant, le gouvernement a refusé les amendements... Je ne sais pas ce qu'il fera plus tard cette semaine ou la semaine prochaine, mais il a négligé de s'en occuper. Nous allons donc nous retrouver avec une loi qui prétend, en surface, s'attaquer à ce très grave problème (ce nombre relativement restreint de jeunes récidivistes extrêmement violents), quand en réalité elle compliquera la tâche aux intervenants du système de justice pénale qui doivent traiter avec eux. Je tenais à ce que vous le sachiez. Je le répète, vous n'avez pas à me répondre, mais vous voudrez peut-être aller consulter le témoignage de ces trois procureurs, car je crois qu'ils ont été très éloquents.
    C'est tout, monsieur le président. Merci.
(1615)
    Merci.
    La parole est à M. Dechert pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McCuaig, je me joins à mon collègue, M. Murphy, et à tous les membres du comité pour vous exprimer mes sympathies et celles du gouvernement. La perte de votre petit-fils fut terrible, et lui et votre nièce ont subi d'atroces sévices. Je vous remercie d'avoir raconté votre histoire au comité, car je crois qu'il est important que les gens comprennent et entendent ce qui arrive aux victimes, et à quel point elles et leurs familles peuvent en souffrir. Je crois que les familles sont aussi victimes des crimes commis contre leurs proches, et il est important de le comprendre.
    Notre comité entend trop souvent les témoignages de professionnels qui représentent les contrevenants, de professionnels qui travaillent à des programmes de réhabilitation pour les contrevenants, et de personnes travaillant avec les contrevenants en prison pour rendre leur séjour plus confortable et moins inhumain, mais il est rare que nous entendions les témoignages des victimes elles-mêmes. J'estime qu'il est très important d'avoir le point de vue des victimes, et je sais qu'il est difficile pour vous de nous raconter cette histoire, alors je vous remercie de l'avoir fait.
    Je voudrais vous poser une question, et je poserai la même à M. Rausch, car je pense qu'il est important que les gens entendent votre réponse.
    À votre avis, comment l'indulgence, je pense que c'est le terme que vous pourriez employer, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents envers les récidivistes influe-t-elle sur la confiance du public dans le système de justice pénale du Canada?
     Eh bien, la moitié des personnes à qui j'en parle croient que c'est ridicule. L'idée qui circule est qu'on peut commettre autant de crimes que l'on veut jusqu'à l'âge de 18 ans. Je parle des crimes liés au trafic de la drogue et des choses de ce genre, pas de meurtre, ni de viol. Cependant, les jeunes ont carrément l'impression qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent jusqu'à leurs 18 ans.
    On a oublié de parler de la divulgation du nom des contrevenants, et je voulais le souligner plus tôt. Je vais vous donner un exemple pour démontrer que c'est important. Un jeune homme de 15 ans, après avoir purgé sa peine, est retourné à la maison à l'âge de 18 ans et il a continué à jouer les proxénètes, à battre des jeunes filles, à les forcer à danser nu, entre autres choses, et à se mettre l'argent dans les poches. Il avait trois jeunes filles sous son joug. Il les avait pratiquement barricadées dans des appartements. Elles n'avaient pas le droit d'aller et de venir à leur guise.
    Quoi qu'il en soit, pour faire une histoire courte, son nom n'a jamais été divulgué. Il a donc eu le loisir d'aller cueillir des jeunes filles à l'école et de leur chanter la pomme avant de commencer à contrôler leur vie: « Tu vas faire ci... ». Elles n'avaient aucune idée à qui elles avaient affaire. Elles ne savaient pas qui il était. Je me suis souvent demandé pourquoi on insistait tant pour préserver leur anonymat, alors que n'importe qui peut entrer dans la salle d'audience et entendre prononcer le nom du criminel à longueur de journée.
    Là où je veux en venir, c'est que ces jeunes filles ne bénéficiaient d'aucune protection. On ne les a pas protégées.
(1620)
    Merci.
    Monsieur Rausch, que diriez-vous? Comment la loi actuelle influe-t-elle sur la confiance de la population canadienne envers le système de justice pénale pour les adolescents?
    Je pense que la présumée indulgence, particulièrement envers les récidivistes chroniques, a un effet très négatif sur la perception du public. Je venais d'en prendre note, monsieur, quand vous avez posé la question, et je pense aussi que cela oblige les personnes responsables de I'administration de la justice (qui sont aussi responsables de sa gestion aux niveaux municipal et provincial, notamment) à consacrer un temps fou à gérer de tels cas, comme pour l'exemple que je vous ai donné. Je ne peux imaginer combien cela prend de temps pour préparer 53 dossiers de la sorte.
    Merci.
    Madame McCuaig, lorsque vous nous avez raconté l'histoire de votre nièce et de votre petit-fils, vous avez indiqué que la mère d'un des auteurs de ce crime aurait voulu que sa fille, si je ne me trompe pas, ait été condamnée plus tôt à une détention, car elle n'en était pas à sa première infraction.
    Je connais des gens qui ont vécu une situation semblable. De bons amis à moi voyaient leur fils s'enfoncer dans le monde de la criminalité. Ce sont deux professionnels, alors leur fils n'a jamais manqué de rien à la maison. Il a grandi dans une famille aimante. Il disposait de toutes les ressources qu'on peut souhaiter avoir, et pourtant, il a commis des infractions contre des biens de plus en plus graves. Ses parents auraient voulu que les tribunaux le gardent en détention, de façon à ce qu'il reçoive le traitement dont il avait besoin. Il a fini par voler la voiture familiale pour disparaître pendant plusieurs jours. Il en a alors profité pour commettre différentes infractions, dont un vol avec effraction, pour lequel il a été arrêté. Il a été condamné à un peu moins de deux ans d'emprisonnement, et j'ai entendu dire qu'il avait une conduite exemplaire aujourd'hui. Il est allé à l'université, et ses parents sont très fiers de la façon dont il a repris sa vie en main.
    Quels genres de programmes devraient être offerts à ces jeunes contrevenants en période de détention?
     Vous savez, à force d'assister aux audiences, j'ai remarqué que les personnes qui s'occupent de ces jeunes et qui font rapport sur eux devant la cour étaient très partiales à l'égard des jeunes, et plus ou moins honnêtes envers le tribunal, si je peux m'exprimer ainsi. Elles s'efforcent de précipiter les choses; elles poussent les jeunes à faire vite, en leur disant « Il te reste deux semaines pour avoir un autre crédit, et si tu as un crédit de plus, le juge pourra te pardonner ceci ou cela. »
    Je ne crois pas que ce soit utile. Qu'en pensez-vous? Je pense qu'on ne peut pas vraiment faire confiance aux travailleurs sociaux, ou peu importe le titre qu'on leur donne, qui travaillent dans les centres de détention pour jeunes.
    Les parents qui ne s'étaient jamais soucié de leurs enfants se sont présentés aux audiences. Ils ont aussi commencé à rendre visite à leurs enfants en prison, qui avaient été accusés de meurtre. Ils ont fait copain copain avec les travailleurs sociaux et les agents chargés du cas, et la première chose qu'on a su, c'est que les travailleurs sociaux accompagnaient les parents en cour, les serrant dans leurs bras devant le juge. Je ne pense pas que ce soit très approprié.
(1625)
    Merci.
    Il nous reste cinq minutes. Quelqu'un veut intervenir du côté du Bloc ou des libéraux? Et de ce côté-ci?
    Allez-y, monsieur Norlock.
    Ma question s'adresse uniquement à M. Rausch.
    Je pense que M. Murphy a frappé en plein dans le mille quand il a dit que vous représentiez le premier échelon de la démocratie. J'ai toujours soutenu que les administrations municipales fournissaient les services que la plupart des Canadiens utilisent chaque jour, et il semble que plus on grimpe dans les paliers de gouvernement, moins les gens utilisent les services offerts.
    Je veux dire que lorsque vous allez faire votre marché ou que vous assistez à une réunion de votre conseil de parents et professeurs, vous parlez aux parents. Quand vous parlez aux dirigeants de la collectivité (et je fais référence aux gens des groupes philanthropiques), en général, qu'est-ce la population pense dans votre municipalité de la loi actuelle sur les jeunes contrevenants et de la façon dont ils sont traités? Est-ce qu'on vous fait des suggestions? Quand les gens ont su que vous veniez ici, vous ont-ils suggéré des points à aborder avec nous? Pouvez-vous nous en parler?
    En effet, monsieur. Les services municipaux se trouvant aux premières lignes, comme on l'a laissé entendre, nous avons l'obligation d'écouter attentivement ce que nos concitoyens ont à dire. Nous avons probablement la chance d'avoir leurs commentaires plus souvent que vous, parce que nous sommes là régulièrement et nous travaillons au sein de la population.
    Bon nombre des commentaires contenus dans ma première lettre (et je suppose aussi dans mon exposé d'aujourd'hui, jusqu'à un certain point) provenaient des gens de la collectivité. Ce qu'on souhaite, c'est que le système soit efficace, sans être lourd au point de nuire au cours normal des choses.
    J'espère que cela répond à votre question.
    C'était un peu nébuleux, mais je pense que nous comprenons. J'espérais davantage avoir la réponse succincte d'un non-initié...
    Les commentaires que j'entends proviennent surtout de parents de jeunes contrevenants ou de victimes de jeunes contrevenants. Je crains que les gens en général ne savent pas vraiment ce qui se passe avec la loi, jusqu'à ce qu'un tel drame ne les frappe directement.
    Cependant, quand nous avons fait circuler notre pétition pour que soit publiés les noms des contrevenants dans les journaux, dans le but de protéger la population, nous avons recueilli plus d'un million de signatures. Si votre voisin est un revendeur de drogue ou qu'il a à son actif plusieurs introductions par effraction, vous aimeriez le savoir. C'est le commentaire qui revient le plus souvent à propos des lois sur les jeunes contrevenants.
    Merci.
    Très bien. Je crois que c'est tout pour notre série de questions. Je remercie nos deux témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler. Un merci particulier à M. Rausch, qui a parcouru beaucoup de chemin pour être ici. Madame McCuaig, votre témoignage nous a beaucoup touchés. Merci de nous avoir raconté votre histoire. Cela n'a sûrement pas été facile, alors je vous en remercie.
    Nous allons faire une pause de deux minutes, puis nous allons poursuivre la séance à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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