AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 18 avril 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Nous allons essayer de boucler d'ici 14 h 30 afin de pouvoir prendre la navette.
Accueillons donc parmi nous, de chez Weber Commodities, Larry Weber, spécialiste de la gestion des risques; de l'APAS, Ken McBride et Lynette Keyowski. Sont également nos invités Brad Wildeman, de Pound-Maker, et Ian McCreary, administrateur du District 6 pour la Commission canadienne du blé.
Bienvenue à tous. Nous allons commencer par entendre vos déclarations d'ouverture. Je vous demanderais de vous en tenir chacun à moins de dix minutes, ce qui nous laissera davantage de temps pour les questions et réponses.
Monsieur Weber.
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de l'occasion de comparaître devant vous ici aujourd'hui.
Le 23 avril, je vais entamer ma 26e année dans l'industrie céréalière. Plus de la moitié de ces années ont été passées à Winnipeg. J'ai eu le bonheur d'avoir pendant quatre de ces années comme supérieur immédiat l'honorable Otto Lang, lorsque j'étais chez Pioneer Grain, et j'ai travaillé avec l'honorable Charlie Mayer la dernière fois qu'il a été question de vendre l'orge sur le marché ouvert.
Aujourd'hui, je suis propriétaire d'une entreprise de produits et de communications, et mes clients sont des agriculteurs et des gens de l'industrie. Mon bulletin de nouvelles quotidien est distribué à plus de 6 000 agriculteurs et, 40 à 50 fois par an, je prononce des discours devant des auditoires composés de personnes ayant des intérêts dans l'agriculture.
Alors que certaines de mes années passées à Winnipeg ont été consacrées à l'élaboration de politiques agricoles, aujourd'hui je peux témoigner des effets des politiques dans le secteur agricole. Adam Smith, dans son livre intitulé The Wealth of Nations, publié pour la première fois en 1776, décrit le libre-échange comme étant le système simple et évident de liberté naturelle dans le cadre duquel les individus sont libres de poursuivre leurs propres intérêts tandis que les gouvernements assurent le cadre juridique à l'intérieur duquel s'opère le commerce. Je mettrais quiconque au défi de trouver une industrie qui est davantage réglementée que l'agriculture.
Je vais utiliser le temps qui m'est accordé aujourd'hui pour traiter de la gestion des risques. Dans l'empressement pour réglementer l'agriculture, la gestion des risques au jour le jour dans l'agriculture a été laissée de côté. Lors de discussions antérieures relatives au CSA, la gestion du risque commercial a été catégorisée comme étant un ensemble d'initiatives de stabilisation du revenu, d'assurance-récolte, d'aide en cas de catastrophe et de programme d'avances en espèces. Le thème sous-jacent est le même depuis 20 ans. La gestion de haut en bas n'est pas la meilleure voie vers la découverte et l'innovation. Il est temps d'envisager l'approche de la gestion de bas en haut.
Nous autres, dans cette salle, tombons dans le piège de penser savoir ce qui est mieux pour les agriculteurs. Or, ce n'est pas le cas. Ce sont les agriculteurs qui savent ce qui est mieux pour leur exploitation. Les fermes d'aujourd'hui sont si diversifiées que les politiques et les cadres d'application générale sont inefficaces. Si vous avez quelque doute à ce sujet, je vous invite à examiner les résultats du PCSRA. Nous avons créé un système en vertu duquel les agriculteurs sont des preneurs de risques, et lorsque le risque vient à se réaliser, soit du fait de conditions climatiques soit du fait des caprices de l'offre et de la demande, l'on se tourne vers le gouvernement pour combler le déficit. L'une des déclarations que j'entends le plus souvent de la bouche d'agriculteurs est que les gouvernements ont créé ce bourbier à l'intérieur duquel ils se trouvent et que les gouvernements peuvent donc les en sortir.
Le système actuel est tel que l'agriculteur compte plus pour l'industrie des comptables et des vendeurs de produits chimiques et de semences que pour la production d'une base continue, au service de la valeur ajoutée. Il s'opère un rétrécissement de la base culturelle sur laquelle ériger les principes d'une société saine. Je vous dirais que le moment est venu de poser la question que voici: comment en sommes-nous arrivés là?
L'agriculture a perdu sa voie. Nous nous retrouvons aujourd'hui dans cette situation parce que nous n'avons pas favorisé l'innovation. Nous avons laissé les agriculteurs devenir des preneurs de risques, le gouvernement étant le gestionnaire des risques. L'agriculteur qui dépense 135 $ à 200 $ l'acre sur des intrants, en espérant que tout se termine bien, est une recette pour la catastrophe. La composante éducative de la gestion du risque agricole a été complètement laissée de côté.
L'incertitude sur les plans des prix, des rendements, des politiques gouvernementales et des marchés étrangers est telle que la gestion des risques doit intervenir très lourdement dans de nombreuses décisions agricoles commerciales. Or, ce n'est pas le cas chez la majorité des agriculteurs. Il existe un certain nombre d'outils de gestion des risques, dont l'assurance-récolte, le marché de contrats à terme et d'options et les contrats de vente et d'achat à terme. Aujourd'hui, vous pouvez même acheter une assurance contre les intempéries pour atténuer les dégâts subis par les terres agricoles en cas d'anomalies climatiques. Les agriculteurs doivent devenir de meilleurs gestionnaires de risques que de preneurs de risques.
Commençons par nous pencher sur l'assurance-récolte. Comment pouvez-vous gérer les risques du côté du coût des intrants si vous ne pouvez pas acheter d'assurance en contrepartie de ce que vous avez dépensé? Nommez-moi une seule autre industrie pour laquelle cela n'est pas possible. Votre maison est assurée en fonction de sa valeur estimative ou de son coût de remplacement. Vous pouvez vous procurer une assurance pertes d'exploitation. Cependant, vous ne pouvez pas assurer le plein coût de la production céréalière. Le nouveau Cadre stratégique pour l'agriculture du Canada devra tenir compte du coût croissant des intrants agricoles et permettre aux agriculteurs d'assurer tous leurs coûts, et pas seulement 60 à 75 p. 100 d'entre eux.
Le prix est l'un des nombreux risques auxquels sont aujourd'hui confrontés les agriculteurs dans l'élaboration de stratégies efficaces de gestion des risques. Agriculture et Agroalimentaire Canada a produit un manuel d'autoapprentissage intitulé Gérer le risque, qui examine les éléments fondamentaux d'outils de gestion du risque de prix. On s'y attarde principalement sur les contrats à terme, les options, les bases, les principes de couverture, le risque de taux de change et les contrats. Il s'agit d'un bon premier pas.
La composante éducationnelle de la gestion du risque pour les agriculteurs n'a que très mollement été endossée par le gouvernement au cours des 15 dernières années. Aider les agriculteurs à gérer les risques devrait être la pierre angulaire d'un nouveau CSA.
Un fonctionnaire m'a un jour demandé combien d'argent les agriculteurs laissaient, selon moi, sur la table, du fait de mauvaises habitudes de commercialisation. J'ai répondu que cela était « incalculable ».
L'éducation peut limiter et limitera certains des risques. L'éventail de prix de la Commission canadienne du blé est un exemple d'outil de gestion des risques que sous-utilisent les agriculteurs. Ceux-ci sont nombreux à ne pas comprendre les outils. Fournir des outils sans assurer en même temps la formation requise pour bien les comprendre revient à donner un scalpel à quelqu'un et lui demander de faire une intervention chirurgicale.
Au début des années 1990, un effort concerté a été déployé pour sensibiliser les agriculteurs aux avantages des contrats à terme et des options, grâce à un programme lancé par le biais du fonds de diversification de l'économie de l'Ouest. Cela a été une réussite, mais la composante éducative de la gestion des risques ne devrait pas être un effort ponctuel unique. L'habilitation des agriculteurs pourrait résulter en un système qui satisfasse presque tout le monde et qui favorise la collaboration, au lieu de la polarisation. Nous avons une industrie polarisée. Nous l'avons créée. Les politiciens l'alimentent en fonction de leurs propres valeurs idéologiques, et ce peu importe de quel côté de la Chambre ils sont assis. Je regarde trop les émissions de CPAC pour penser autrement.
Il y a encore deux autres questions dont j'aimerais faire état dans le temps qui m'a été accordé.
L'industrie émergente des combustibles renouvelables au Canada changera la face de l'agriculture et pourrait changer radicalement la face de l'industrie au fur et à mesure de notre transition d'une céréaliculture axée principalement sur l'exportation à une situation dans laquelle 18 à 20 p. 100 du grain que nous exportons habituellement sera utilisé ici, chez nous, à des fins de production de combustibles. La propriété d'actifs dans l'industrie des biocarburants par les agriculteurs est essentielle à la survie des exploitations agricoles familiales au Canada. En l'absence d'une politique visant à favoriser l'appartenance d'actifs à des agriculteurs, ceux-ci se retrouveront de nouveau dans une situation où ils vendront des produits bruts et exporteront ainsi nos richesses. S'il vous faut un modèle de réussite, je vous recommanderais de regarder ce qui se passe chez notre voisin du Sud.
Les États-Unis ont proposé un Farm Bill de 2007 qui aidera davantage de jeunes gens à se lancer en agriculture. En Amérique du Nord, il a été extrêmement difficile pour les jeunes de devenir agriculteurs. La santé d'une industrie se mesure à l'âge moyen de ceux qui y participent. Aujourd'hui, si nous nous appuyons sur cette seule mesure, alors notre industrie se porte très mal. Que ce soit là votre principe directeur lors de l'élaboration d'un nouveau CSA. C'est notre avenir, et pour de nombreux agriculteurs désireux de se retirer d'ici cinq à dix ans, c'est leur avenir aussi.
Si le nouveau Cadre stratégique pour l'agriculture aborde la gestion des risques d'une façon telle que cela commence avec la ferme et finit avec la ferme, alors le gouvernement aura fait un bon énorme vers une réussite future. Nous avons oublié nos racines agricoles et perdu notre chemin, mais il n'est jamais trop tard pour changer de direction, dans l'intérêt des agriculteurs, mais également dans celui de tous les Canadiens.
Merci de votre attention. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
Et merci de l'occasion de m'entretenir de nouveau avec vous. Je trouve toujours très porteurs de tels échanges.
L'APAS, l'Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, est la voix de l'agriculture en Saskatchewan. L'APAS envisage un avenir dans lequel l'agriculture sera profitable, les collectivités rurales viables et le rôle de l'agriculture dans la société reconnu et apprécié.
Le Canada doit adopter une attitude nouvelle face à l'agriculture. Nous avons vu s'établir une très mauvaise attitude à l'égard d'une industrie qui contribue pourtant énormément de valeur au pays et à l'économie. Cette nouvelle attitude est l'ingrédient essentiel du cadre stratégique de l'agriculture dans son entier. Chaque pilier doit renfermer la réussite comme objectif pour l'industrie, pour le pays. La science et l'innovation sont les clés de la réussite.
Il nous faudra surmonter plusieurs obstacles pour que le Canada soit en mesure d'utiliser ces clés. Nos systèmes de réglementation devront être habilitants et veiller à ce que nous puissions utiliser les produits mis au point grâce à nos investissements.
La distinction visuelle des grains est un exemple d'entrave à l'extraction de valeur de notre investissement. Le blé de mouture de haute qualité a été, et est toujours, un important marché pour le Canada.
Les caractéristiques sur le plan de la qualité qui ont fait la renommée du blé canadien et qui nous ont permis d'acquérir des marchés de valeur élevée ne sont présentes que dans certaines variétés de blé. Le Canada a choisi de protéger notre réputation sur ces marchés. La méthode retenue a été de ne pas enregistrer de variétés qui ne puissent pas être distinguées des autres visuellement.
Il existe de nombreux autres marchés et débouchés pour des variétés de blé présentant des caractéristiques différentes. Cependant, si les variétés de blé que nous mettons au point pour ces autres marchés ne sont pas différentes, visuellement, des variétés de qualité supérieure, alors ces nouvelles variétés ne pourront pas être enregistrées au Canada.
C'est ainsi que nous avons gaspillé beaucoup de notre investissement, car nous n'avons pas instauré, à l'intérieur du système, les mécanismes de discipline requis pour permettre à ces différents produits de coexister à l'intérieur du système canadien.
Pis encore que le fait que l'agriculture canadienne ne bénéficie pas de ce développement, il arrive fréquemment que nos concurrents commercialisent la nouvelle variété dans un autre pays, étant donné que nous n'avons aucun mécanisme qui nous donne — qui donne au créateur ou à l'investisseur — une raison de la garder ici, pour ajouter de la valeur à notre économie.
Cela fait quelque temps déjà que nous soumettons notre industrie aux pressions concurrentielles du marché mondial pour son revenu. Bien que de nombreux pays auxquels nous livrons concurrence aient continué de compléter les revenus de leurs producteurs et de les mettre à l'abri des pressions mondiales, nous avons entravé notre industrie avec de nombreux coûts fabriqués au Canada: coûts pour notre société par le biais de taxes, coûts des intrants, prix mondiaux des intrants, coûts de main-d'oeuvre ici au Canada, que doivent payer les producteurs agricoles bien que l'argent qu'ils retirent du marché mondial... ce sont tous là des coûts qui sont fabriqués au Canada et qui peuvent être redressés au Canada.
Le marché mondial n'existe pas simplement dans d'autres pays. Le marché mondial pour les produits agricoles comprend toutes les rues de tous les villages et villes du Canada. La production agricole est partout en concurrence avec le marché mondial.
Les produits agricoles entrent au Canada avec peu ou pas de restrictions. D'énormes quantités de produits qui arrivent au Canada sont des produits subventionnés, ce qui réduit la valeur des produits et crée un désavantage concurrentiel pour les producteurs au Canada. Cette situation a été injuste pour l'industrie tout entière et elle a été injuste pour l'économie canadienne.
Nos principaux concurrents dans d'autres pays développés ont mis en oeuvre des politiques qui traitent leurs producteurs d'une façon très différente de celle dont le Canada traite les siens. Ces pays ont versé de l'argent, par le biais de subventions, pour veiller à ce que leur secteur agricole demeure solide sur le plan financier. Ils ont restreint la concurrence des fournisseurs étrangers bon marché par divers moyens, dont des mesures commerciales, des tarifs et des mesures phytosanitaires.
Le Canada a, quant à lui, refusé de mettre en oeuvre des politiques pour palier les dommages infligés par les subventions consenties dans d'autres pays. Le Canada a accordé des permis d'importation supplémentaires par rapport aux limites d'accès convenues. Cela permet à des produits à bas prix en provenance d'autres pays de continuer d'entrer au Canada. Ces produits importés ne sont pas assortis des coûts de production canadiens, comme cela a déjà été dit, et ils ne subissent pas non plus tous les processus de vérification de leur salubrité et de leur qualité auxquels sont assujettis les produits canadiens — encore un autre coût fabriqué au Canada pour les producteurs.
La politique canadienne a eu une incidence négative marquée et prolongée sur la compétitivité de ce secteur et de l'économie. Nous avons exigé de l'industrie agricole qu'elle fonctionne avec des revenus insuffisants. Nous avons continué d'en extraire les coûts canadiens. Nous avons obligé l'industrie à livrer concurrence en l'absence des outils concurrentiels nécessaires.
En conséquence, nous avons laissé l'industrie s'endetter alors que diminuait sa capacité de rembourser. Les valeurs des actifs ont chuté à un point tel que le secteur affiche aujourd'hui son pire ratio capitaux propres/emprunts à ce jour. Les États-Unis, eux, affichent aujourd'hui le meilleur ratio capitaux propres/emprunts de toute leur histoire, et ont connu plusieurs années de revenus records, alors qu'au Canada les niveaux de revenus sont à leur plus bas.
Étant donné que nous livrons concurrence sur le marché mondial pour nos revenus, étant donné que les revenus américains en provenance de ce marché viennent du gouvernement, et compte tenu de la capacité qu'ont aujourd'hui les producteurs américains d'acheter des intrants, il nous faut reconnaître qu'il existe au Canada un important déficit de politique. Nous avons tenté en vain d'exploiter une industrie en l'absence de fonds suffisants. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'une industrie reste active au Canada, paie les coûts sociétaux et les coûts de main-d'oeuvre canadiens et travaille dans le respect des règlements canadiens, tout en étant tenue de compter sur des revenus en provenance d'un marché international. Ce n'est pas ce que font nos concurrents d'autres pays développés. Ce n'est pas ce que le gouvernement exige de certaines autres industries au Canada. Cela n'est pas durable et n'est pas logique. Ce n'est pas ce qu'il faut à l'industrie, et ce n'est certainement pas ce qu'il faut à l'économie canadienne.
Au fur et à mesure qu'a reculé la valeur de l'industrie, la volonté politique d'investir dans la recherche et le développement pour l'industrie a elle aussi diminué. Il n'y a eu aucune stratégie pour examiner ce que nous avions et explorer ce qui pourrait être fait. Il n'y a eu aucune stratégie axée sur le développement. En l'absence de fonds suffisants, la capacité d'apporter des améliorations a été limitée et la rentabilité a été entamée du fait de l'échec des politiques. La situation a été aggravée encore par notre réaction au déclin perçu de la valeur. Nous avons réduit la recherche financée par les deniers publics, alors qu'il aurait fallu l'augmenter sensiblement. Ce n'est pas là une stratégie gagnante.
S'il s'agissait d'une entreprise, le PDG demanderait aux gestionnaires des différents services des renseignements très détaillés au sujet de la valeur créée par les politiques, pour l'entreprise et pour les actionnaires. Voilà pourquoi il nous faut une nouvelle attitude face à la politique agricole canadienne et à l'industrie. Cette industrie a une grande capacité de produire et de fournir des solutions. Il y a plusieurs secteurs évidents qui méritent d'être explorés et pour lesquels l'agriculture pourrait fournir des solutions, et je songe à la nutrition, aux combustibles, à la santé et à l'environnement.
Des occasions pour l'agriculture de fournir un rendement financier doivent sans cesse être examinées et développées. Ce travail de recherche et de développement requiert le paradigme politique approprié pour pouvoir s'épanouir. Il importe d'y favoriser une attitude telle que l'on joue pour gagner. Dans le secteur agricole canadien, nous avons consacré une part importante de nos ressources tant humaines que financières à la correction de symptômes. Les symptômes résultent surtout d'un manque de rentabilité. En soignant le symptôme, on a pu dans certains cas, l'estomper pendant un temps, mais le problème d'ensemble, lui, est demeuré. Il n'est pas productif de corriger les symptômes; il nous faut corriger les problèmes.
Pour ce qui est du programme de renouveau, qu'est-ce qui attirera et retiendra les gens et l'investissement? Et les gens et les investissements suivent l'argent. Cela fonctionne aux États-Unis, et c'est un principe qui est toujours vrai. Un programme qui attire des gens dans une industrie sans qu'il y ait une stratégie pour les y maintenir sera un symptôme en réparation chronique, sans effet durable autre que la création de la perception d'un problème chronique et la consommation de ressources qui auraient produit un résultat bien meilleur si elles avaient été employées de façon stratégique pour s'attaquer aux problèmes plutôt qu'aux symptômes. Cependant, nous ne parlons pas d'une subvention qui rendrait à jamais rentable l'agriculture. Cela ne serait pas plus réaliste que de croire que l'industrie pourrait être soutenue en l'absence de revenus suffisants.
Nous parlons d'une stratégie pour bâtir de la valeur à long terme au sein de l'industrie et au sein de l'économie. Nous parlons d'une agriculture qui offre valeur et solutions au Canada et à la planète tout entière. L'agriculture et une nouvelle stratégie pourraient livrer au Canada des solutions environnementales et écologiques. Il existe une réelle capacité d'améliorer le Canada rural grâce à des investissements et à de la transformation stratégique pour satisfaire la demande nationale, tout en réalisant en même temps les objectifs en matière d'augmentation de la valeur de l'économie, de réalisation de nos engagements internationaux en matière de carbone, et de création d'un environnement dont voudront les Canadiens.
La science et l'innovation, combinées à une attitude gagnante, sont les clés de l'élaboration de nouvelles stratégies. La valeur produite par cette industrie, maintenue et exploitée au sein de notre économie, tirera profit des éléments positifs. L'agriculture peut fournir des solutions dans le cadre d'une stratégie. L'agriculture n'est pas un problème; c'est l'absence d'une stratégie qui est le problème.
Attitude et stratégie, ajoutées à la science et à l'innovation, sont les ingrédients de la réussite de cette industrie. L'APAS s'emploie, aux côtés de la FCA et des agriculteurs de tout le pays, à élaborer un Farm Bill canadien. Nous nous employons à assurer la réussite de notre industrie et de notre pays. Le point de départ de tout est de jouer gagnant.
Merci.
Merci, monsieur le président, de tenir ces audiences au sujet du CSA et de m'avoir invité à me prononcer sur les politiques qui façonneront l'avenir de l'agriculture. Même si j'ai de nombreuses fois eu l'occasion de m'adresser au comité à Ottawa, comme vous le savez, il est formidable de vous voir ici au coeur de l'agriculture ici en Saskatchewan, et nous vous souhaitons une chaleureuse bienvenue.
Aujourd'hui je comparais devant vous au nom de Pound-Maker Agventures Ltd., l'entreprise pour laquelle je travaille. Pound-Maker est une société fermée qui appartient à plus de 200 actionnaires, dont la plupart sont surtout des céréaliculteurs. La société a été créée en 1990 et sa mission première est d'ajouter de la valeur aux produits agricoles primaires, de créer des emplois dans les collectivités rurales et d'assurer des rendements supplémentaires à ses investisseurs. Étant donné cette vision, nous avons élaboré pour nos actionnaires des programmes nouveaux et novateurs et avons permis à nos actionnaires de diversifier leurs cultures et d'augmenter leurs rendements.
Nous exploitons un parc d'engraissement d'une capacité de 30 000 têtes et une usine de production d'éthanol de 13 millions de litres, et il s'agit de la toute première installation d'engraissement d'éthanol intégrée jamais construite en Amérique du Nord. L'intégration complète de ces deux opérations est unique dans le monde. Nous utilisons à l'heure actuelle chaque année plus de 4 millions de boisseaux de céréales fourragères et absorbons la production de près de 100 000 acres de terres consacrées aux fourrages et aux céréales.
Aujourd'hui, nous avons délibérément mis de côté nos commentaires relativement à la gestion du risque commercial et au PCSRA, parce qu'il allait certainement y avoir ici d'autres intervenants désireux de vous en entretenir, et je suis certain que vous avez déjà abondamment entendu parler de ces thèmes. J'aimerais donc m'attarder sur d'autres piliers.
Il est important pour moi de commencer par souligner que nous reconnaissons que l'agriculture canadienne est exposée à de nombreux risques, et l'industrie bovine n'est pas une exception. Bien que nombre de ces risques soient difficiles à contenir, il existe certainement des outils qui permettent de gérer ces risques avec une certaine efficacité. Comptent parmi les solutions à la disposition des producteurs la diversification de leur production, les assurances privées, la couverture pour les marchandises et les contrats étrangers, la constitution de réserves d'aliments et le recours à de solides programmes de vaccination et de santé animale, pour ne citer que quelques exemples. Nous considérons ces outils du secteur privé, et d'autres encore, comme étant les moyens à privilégier pour gérer les risques commerciaux dans l'agriculture canadienne.
Nous convenons cependant que les programmes gouvernementaux jouent un rôle important dans la gestion des risques agricoles, et nous croyons que ce rôle est légitime dans certaines circonstances exceptionnelles. Mais pendant la phase d'élaboration de ces programmes, il y a selon nous un certain nombre de principes que devrait utiliser le gouvernement pour évaluer la conception retenue. Compte parmi ces principes le fait de laisser aux soins des producteurs la responsabilité quant au risque normal de fluctuation de revenus. Les programmes doivent laisser l'industrie être poussée par des signaux clairs émanant du marché et ne doivent pas modifier l'équilibre concurrentiel entre industries, entre régions, entre secteurs et entre types de structure opérationnelle, dont la taille opérationnelle. Ces programmes doivent être structurés pour minimiser le risque de mesures commerciales étrangères et doivent également être transparents et prévisibles.
Le secteur de l'élevage bovin a vécu par le passé plusieurs programmes qui ont amené des distorsions dans le marché, comme par exemple l'ancien programme national tripartite qui déformait les signaux du marché et qui a fini par amener des frictions commerciales et la menace de mesures compensatoires. Les récentes annonces visant l'allocation de millions de dollars pour contrer les coûts de production élevés m'inquiètent pour la même raison. Mon principal souci est l'effet potentiel de ce genre de programme sur le commerce extérieur. Le secteur bovin au Canada exporte 60 p. 100 de sa production sous forme d'animaux sur pied et de viande de boeuf. La viabilité de ce secteur est donc extrêmement vulnérable advenant des mesures commerciales.
Un soutien gouvernemental fondé sur les coûts de production peut amener des mesures compensatoires de la part de nos partenaires commerciaux, notamment des États-Unis, qui est, de loin, notre plus gros client. Les programmes de soutien fondés sur le coût de production peuvent également fausser le marché concurrentiel et, en bout de ligne, miner la productivité. Lorsqu'une industrie bénéficie d'un soutien gouvernemental permanent, ce soutien a tendance à être capitalisé dans le coût de la terre et des loyers fonciers. Au fil du temps, un appui gouvernemental soutenu débouchera sur une compétitivité réduite de l'agriculture au Canada.
En tant qu'intervenant dans le secteur de l'élevage bovin, notre entreprise estime que la première priorité du gouvernement en matière de gestion du risque commercial devrait être l'élaboration d'un programme en cas de catastrophe naturelle. En mai 2003, le Canada a vécu son premier cas d'ESB. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, l'industrie a lutté pour éviter la fermeture totale et elle a oeuvré aux côtés des gouvernements pour tenter de contenir la crise. Nous sommes tous très heureux de l'aide qui a été consentie à notre industrie par tous les partis et tous les paliers de gouvernement. Nombre d'entre vous qui êtes ici à cette table ont compté parmi ce groupe, et nous vous remercions. Mais le processus demande du temps et n'est pas uniforme pour tous les producteurs dans toutes les régions.
Si un cadre prévisible d'intervention en cas de catastrophe naturelle avait été en place, des solutions aux problèmes seraient venues plus rapidement et l'industrie aurait pu fonctionner avec une plus grande certitude. Un programme national en cas de catastrophe pourrait couvrir les catastrophes naturelles, comme par exemple les inondations et les sécheresses, et d'autres types de désastres, comme les fermetures de frontière. Un tel cadre définirait préventivement ce qui constituerait une catastrophe, établirait les paramètres de financement, la gouvernance et, dans toute la mesure du possible, le détail du programme applicable à la catastrophe en question. Les groupes de producteurs et organisations à vocation agricole pourraient oeuvrer proactivement avec le gouvernement à l'élaboration de plans s'inscrivant à l'intérieur de ce cadre. La prévisibilité que cela engendrerait réduirait l'incertitude de l'industrie et favoriserait l'investissement dans l'agriculture canadienne.
En l'absence d'un tel programme, un soutien ponctuel est assuré dans le cas de certaines catastrophes, mais pas d'autres. Tout juste le printemps dernier, une zone de terres agricoles de la Saskatchewan et du Manitoba a été inondée. Cette zone n'a pas été ensemencée et il est survenu une catastrophe que personne n'aurait pu prévenir. Le gouvernement est intervenu avec un programme assurant un dédommagement partiel des producteurs pour les pertes subies. Les producteurs bovins du sud-ouest de la Saskatchewan, de la région de Peace River en Colombie-Britannique, de l'Alberta et du nord-ouest de l'Ontario auraient eux aussi pu bénéficier l'an dernier d'un programme de ce genre. Cela les frustre que les victimes d'un type de catastrophe soient admissibles à de l'aide, alors que celles d'un autre désastre ne le sont pas. Tant et aussi longtemps qu'un cadre ne sera pas en place, les événements ne seront pas traités de la même façon par le gouvernement et c'est ainsi que surviennent tensions et déséquilibres concurrentiels.
En ce qui concerne l'élevage, il est important d'inclure les désastres économiques qui surviennent du fait d'épidémies, et je veux parler non seulement des pertes que la maladie elle-même peut causer, mais également de l'effet des pertes de marchés amenées par la fermeture de frontières et par le bouleversement des marchés. Il y a des maladies qui frappent tous les élevages et toutes les espèces, qu'il s'agisse de la grippe aviaire pour la volaille, de la fièvre aphteuse, de la peste porcine, de l'encéphalopathie des cervidés, de l'ESB ou d'autres maladies que nous ne connaissons pas encore. Les conséquences des réactions des marchés sont dommageables pour les producteurs, peut-être davantage encore que les maladies elles-mêmes. Ce que nous avons vécu dans le cas de l'ESB montre clairement à quel point une épidémie peut être catastrophique pour les producteurs, même si les pertes dues à la maladie elle-même sont sans conséquence.
Il est extrêmement difficile, voire impossible, d'envisager un programme permanent de soutien du revenu qui soit à la hauteur de la crise économique qu'a vécue le secteur de l'élevage bovin. Bien que nous soyons heureux et reconnaissants de l'appui que nous avons reçu, l'une des leçons essentielles que nous avons tirées de cette expérience est qu'il importe qu'il y ait une réponse rapide et décisive pour rassurer les producteurs et empêcher que des mesures irresponsables soient prises par l'ensemble des parties prenantes, et pas seulement les producteurs.
L'avenir de l'élevage a toujours été et sera toujours fonction de notre accès aux marchés étrangers. Une issue favorable à l'OMC et dans le cadre de nos négociations bilatérales est essentielle à l'ouverture d'un terrain égal pour le Canada sur nos marchés d'exportation. Le Canada étant le cinquième plus important exportateur de produits agricoles dans le monde, il nous faut assumer un rôle de chef de file pour veiller à ce que l'on tienne bien compte de nos intérêts. Les tactiques de négociation que nous avons jusqu'ici employées à l'OMC ont nui à notre réputation et à nos chances d'obtenir une entente qui soit la meilleure possible pour les 90 p. 100 des producteurs canadiens qui produisent principalement pour l'exportation. Ce ne sera que lorsque nos négociations en matière d'accès commercial aboutiront que nous serons en mesure de réaliser pleinement les avantages que le commerce peut nous apporter.
Lors d'un récent voyage que j'ai fait en Asie pour évaluer nos marchés de consommation asiatiques, j'ai appris que le Canada est perçu comme étant un endroit où l'environnement est pur et où l'on produit des denrées nutritives et de qualité. Le problème est que la plupart des consommateurs savent peu de choses, voire rien du tout, de nous. Notre capacité d'augmenter nos efforts de promotion dans ces marchés essentiels et de commencer à faire de la promotion dans les marchés en développement comme ceux de l'Inde, de la Chine et d'ailleurs résultera vraisemblablement en une augmentation marquée des débouchés pour l'ensemble des produits agricoles canadiens. Il s'agit là d'un pilier essentiel, qui devrait être renforcé dans le cadre de toute nouvelle structure de CSA. C'est là que pourront se réaliser des avantages réels, durables et porteurs. Ces avantages proviendront du marché, et non pas de subventions financées par les contribuables.
Enfin, la nécessité d'investir dans la recherche, pour améliorer les variétés de céréales et de fourrages pouvant servir à l'alimentation du bétail et à la production de combustibles, est claire, car cela est essentiel au maintien de notre compétitivité future en matière de production animale, de production agricole et de biocarburants. Bien que les nouvelles technologies continuent d'améliorer les rendements à l'acre aux États-Unis, nos variétés de grains céréaliers n'ont pas suivi le rythme du maïs. La nouvelle économie agricole est en train d'évoluer, utilisant les cultures traditionnelles non plus strictement pour l'alimentation, mais comme sources et d'aliments et de combustibles. Malheureusement, la plupart de nos variétés de grains, surtout nos variétés de blé, ont été conçues en fonction des besoins alimentaires de l'être humain, l'accent étant mis sur la valeur boulangère, la teneur en protéines et d'autres qualités encore.
La recherche financée par les deniers publics doit être augmentée et elle doit être axée sur des cultivars de céréales et de plantes fourragères adaptées à ce marché changeant, qui demande la maximisation des rendements et l'augmentation de la teneur en amidon. Il n'y a qu'à constater les progrès réalisés du côté de la production de canola pour voir les possibilités d'améliorations pour les céréales et les plantes fourragères au Canada. Cette réorientation non seulement améliorerait les rendements pour les céréaliculteurs, mais améliorerait également notre position concurrentielle pour ce qui est des aliments pour le bétail et de l'éthanol, comparativement aux États-Unis.
En conclusion, le Canada jouit de nombreux avantages tout à fait uniques et est sur le seuil d'une économie mondiale émergente qui offrira des possibilités intéressantes aux pays exportateurs. Je suis enthousiasmé par le potentiel de croissance future de notre industrie, mais il nous faut reconnaître que, pour saisir les occasions qui se présentent à nous, il nous faudra développer des créneaux d'exportation, négocier de nouveaux et meilleurs accords d'accès au marché et augmenter nos efforts de promotion sur les marchés. Il nous faut élaborer et aligner nos stratégies et tactiques nationales sur la base de cette réalité.
Il ne serait pas réaliste de penser que les gouvernements peuvent protéger l'agriculture des cycles économiques normaux. Nous avons cependant besoin du gouvernement pour nous mettre à l'abri de ces événements qui sont catastrophiques et qui échappent à notre contrôle. Un programme national en cas de catastrophe naturelle nous offrirait cette protection.
Merci encore de m'avoir entendu.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de l'occasion qui m'est ici offerte de comparaître devant vous cet après-midi.
Je m'appelle Ian McCreary et je suis producteur agricole dans la région de Bladworth, qui se trouve à une heure de route environ de Saskatoon. Je suis ici aujourd'hui en tant que représentant du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Les agriculteurs m'élisent membre du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé depuis que celui-ci a été cédé aux agriculteurs, il y a de cela environ huit ans. Je suis présentement président du comité du conseil sur les relations avec les producteurs.
En me présentant aujourd'hui devant le comité, je suis soucieux de la directive du gouvernement qui nous empêche de parler directement des prétendus pouvoirs de monopole de la Commission canadienne du blé. Je suis cependant également sensible à l'avis du ministre selon lequel les membres du conseil peuvent exprimer leurs propres opinions, et c'est ce que je vais faire cet après-midi.
À la CCB, nous avons une vision très large de la question de la gestion du risque commercial. Le soutien au revenu agricole est certainement un élément très important du dossier de la gestion du risque commercial. En tant que membre de la Fédération canadienne de l'agriculture, nous épousons pour la plupart ses positions sur ce front. Les producteurs de grains ont besoin de programmes de gestion des risques qui leur permettent d'affronter les énormes risques de production auxquels ils se trouvent confrontés, ainsi que les risques de marché liés à la volatilité des prix et à la composante commerce international qui renvoie des signaux non-économiques à notre secteur céréalier. Ces programmes doivent fournir une base pour la croissance et la stabilité dans le secteur céréalier. Il faut que ces programmes soient clairs, durables et prévisibles.
À la Commission canadienne du blé, il y a une attitude voulant qu'il y ait à cette question un aspect structurel qu'il importe de mettre en relief. Les producteurs céréaliers jouent un rôle fondamental dans la stabilité et la prospérité du secteur agricole dans son ensemble, qu'il s'agisse des secteurs traditionnels comme les exportations, la minoterie ou l'élevage, ou de secteurs émergents comme la production de biocombustibles. Des stocks abondants et fiables de céréales et d'oléagineux en provenance de l'Ouest canadien sont essentiels pour le bien-être présent et la croissance future de l'agriculture au Canada.
Malheureusement, les céréaliculteurs s'inscrivent également dans un environnement dans le cadre duquel ils exercent peu de contrôle sur les facteurs qui ont une incidence sur la rentabilité et, partant, sur la viabilité de nos entreprises. Du côté variable des intrants, par exemple, un nombre limité de fournisseurs nous offrent les semences, les produits chimiques, les engrais et les combustibles qui comptent pour le gros de nos coûts. Ces fournisseurs ont le pouvoir de fixer les prix au niveau maximal que tolérera le marché. Les coûts de commercialisation du grain ne sont guère mieux. Là où les producteurs céréaliers des Prairies avaient autrefois accès à deux ou trois élévateurs dans chaque petite localité, ils doivent maintenant parcourir de très grandes distances pour se rendre au terminal unique desservant une région tout entière. Le classement du grain, le stockage, les primes pour le transport et l'accès au système de manutention du grain sont, partant, plus difficiles à négocier.
Les producteurs céréaliers sont par ailleurs pour la plupart captifs d'un seul transporteur ferroviaire. Lorsque les wagons n'arrivent pas à temps faute de ressources ou faute de volonté, les producteurs individuels n'ont pas vraiment de recours. Le fait qu'au niveau mondial trois ou quatre grandes sociétés céréalières contrôlent à elles seules la plus grande part des marchés donne pour résultat que les denrées sont achetées là où elles coûtent le moins cher et que les producteurs d'ici sont opposés à leurs rivaux internationaux dans une course vers le fond.
Dans le cas des cultures pour lesquelles seule une poignée de pays achètent nos exportations, nous pouvons tout d'un coup être écartés du fait de barrières tarifaires ou non tarifaires imposées selon les caprices d'autorités gouvernementales qui suivent un programme politique. L'environnement économique ou commercial au sein duquel se retrouvent les céréaliculteurs peut être qualifié d'épreuve de force avec, d'un côté, un petit nombre de joueurs très puissants et, de l'autre, les producteurs agricoles. Ce déséquilibre fondamental a une incidence directe sur la capacité qu'ont les producteurs de gérer leur risque commercial. Lorsque les céréaliculteurs se voient obligés de brader leurs récoltes pour gagner accès aux systèmes de manutention et de transport du grain, leurs marges bénéficiaires en souffrent. Lorsqu'ils n'arrivent pas à livrer leur grain faute de moyen de transport, cela ferme le robinet de leurs liquidités. Lorsque le coût des intrants suit la tendance des prix dans une spirale sans fin débouchant sur des marges rétrécissantes, le risque qu'ils courent augmente. Lorsqu'un client important décide de fermer ses frontières, les stocks s'accumulent sur les fermes. Toute démarche pouvant servir à rétablir l'équilibre dans cette épreuve de force serait un pas dans la bonne direction et mériterait d'être appuyée dans le cadre du renouveau de la politique agricole canadienne.
En tant qu'administrateur élu par les agriculteurs et siégeant à la Commission canadienne du blé, je soumets aux membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre de communes que la CCB, avec ses actuels pouvoirs de guichet unique pour la vente de l'orge et du blé, est justement une force positive. Elle fournit aux producteurs des Prairies un levier grâce auquel ils peuvent exercer une influence sur notre environnement et gérer le risque commercial.
Permettez que je vous donne quelques exemples pour illustrer ce que j'avance. Par l'entremise de la CCB, les fermiers sont unis dans leur effort en vue d'obtenir un bon service à des tarifs raisonnables auprès des deux principaux transporteurs ferroviaires. Qu'il s'agisse de plaintes au sujet du service, de négociations directes ou du travail qui a été fait relativement au plafonnement des revenus ferroviaires, les agriculteurs peuvent compter sur la CCB pour lutter pour leur compte pour des coûts inférieurs et un meilleur accès au système.
La CCB a appuyé les efforts des agriculteurs désireux d'établir et de maintenir leurs propres installations de chargement des wagons comme solution de rechange au système de manutention du grain existant. Les wagons de producteurs ont permis aux agriculteurs participants de réduire leurs coûts et d'introduire un élément de concurrence qui, autrement, n'existerait pas. D'autre part, les installations qui sont la propriété de producteurs sont une présence importante sur le marché de la Saskatchewan, et la Commission canadienne du blé, en tant que marché international, crée un terrain de jeu égal pour les services ferroviaires desservant ces terminaux.
La CCB a diversifié les marchés sur lesquels les agriculteurs peuvent vendre leur blé et leur orge. Lorsqu'un client important ferme ses frontières à nos produits, comme cela a été le cas lorsque les États-Unis ont imposé des droits sur les exportations canadiennes de blé roux du printemps en 2003, l'industrie du blé des Prairies ne s'effondre pas. Dans le cas des mesures commerciales américaines, de nouveaux marchés ont été trouvés pendant que nous travaillions à la levée des tarifs, que nous avons fini par obtenir. Comparez cela avec les retombées de la crise de l'ESB et les effets que continue de subir le secteur bovin canadien. Nos élevages continuent de souffrir de l'effondrement du marché.
Les efforts continus de la CCB pour mettre en valeur le blé et l'orge de l'Ouest canadien comme produits fiables de qualité supérieure, appuyés par un service à la clientèle hors pair, permettent aux céréaliculteurs des Prairies de s'intégrer aux chaînes de valeur et d'obtenir une plus grande part du dollar du consommateur. Lorsque vous avez un produit de marque et que les consommateurs lui reconnaissent une valeur, vous pouvez demander un prix supérieur, même lorsque les marchés sont à la baisse et que l'offre de produits de valeur inférieure est abondante.
La valorisation de la marque est en bout de ligne une stratégie de gestion du risque commercial. Cela favorise la fidélisation du client, de telle sorte que le prix n'est plus le seul facteur déterminant lorsque le consommateur fait ses choix d'achat. Au bout du compte, les fournisseurs, qui sont des preneurs de prix, deviennent ainsi des faiseurs de prix. En tant que producteurs, c'est là notre objectif.
En plus de fournir aux céréaliculteurs la possibilité d'exercer un plus grand contrôle sur leur environnement commercial, la CCB offre également aux agriculteurs de l'Ouest canadien des outils d'établissement de prix tout à fait uniques qui les aident encore davantage dans la gestion de leur risque commercial.
L'option mise en commun est historique et est assez bien connue et comprise. L'avantage de la mise en commun, du point de vue de la gestion du risque commercial, est que cela garantit aux agriculteurs qu'ils n'auront pas à vendre la totalité de leur récolte sur des marchés à bas prix. En calculant les rendements moyens pour l'année, tous les agriculteurs bénéficient également de ventes de valeur supérieure et de marchés à prix plus compétitifs.
Autrefois, la mise en commun était le seul moyen de fixer les prix du grain à la CCB. La situation a changé de fond en comble depuis qu'ont été intégrés au conseil des administrateurs élus par les agriculteurs. Nous avons ajouté toute une série d'options de paiement aux producteurs, qui offrent aux agriculteurs une vaste gamme de possibilités. Ils peuvent toujours participer aux pools, mais ils peuvent également fixer à l'avance le prix de leur grain grâce à des contrats à prix fixe, suivre les contrats à terme et fixer le prix de leur grain à une date ultérieure grâce à des contrats sur base, établir leur prix en fonction des prix aux élévateurs américains par le biais de contrats de prix quotidiens, ou se faire payer tout de suite grâce à des options de paiements anticipés, tout en ayant la possibilité de bénéficier de hausses futures des prix.
Ces options sont importantes du point de vue de la gestion des risques commerciaux car elles donnent aux agriculteurs la faculté de tailler sur mesure leur tarification du blé et de l'orge en fonction de leurs besoins individuels. S'ils ont besoin d'établir un prix ferme aux fins de leur gestion de trésorerie ou pour obtenir un crédit, ils le peuvent. S'ils ont besoin de la possibilité de suivre le marché et de profiter des prix maximaux, les OPP leur permettent de le faire.
Cela dit, la mise en commun reste l'option de tarification la plus populaire. C'est une solution simple et économique pour les producteurs qui ne veulent pas voir leur blé et leur orge vendus au prix plancher et assister à une remontée des prix plus tard dans l'année une fois qu'ils n'ont plus rien à vendre.
Ainsi donc, sachant que la CCB fournit ces outils de gestion du risque commercial, que demandent à votre comité aujourd'hui les membres de son conseil d'administration? Je veux vous transmettre un certain nombre de messages.
Premièrement, nous demandons au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de mettre en place le cadre législatif nécessaire pour qu'une agence de commercialisation administrée par des agriculteurs puisse continuer à travailler efficacement pour le compte des producteurs sur le plan de la gestion du risque. Je ne parle pas ici de fonds supplémentaires. Je ne demande pas de programmes gouvernementaux. Il suffit de l'engagement du comité que des agents commerciaux tels que la CCB, des agents qui rétablissent un certain équilibre dans le marché et offrent aux céréaliculteurs des options solides de gestion du risque commercial, puissent continuer à exercer les pouvoirs qui les rendent réellement efficaces.
Deuxièmement, nous demandons au comité d'établir clairement de quelle manière, en l'absence du monopole, la CCB peut continuer à fournir efficacement aux producteurs de l'Ouest du Canada les mêmes outils de gestion du risque commercial qui existent aujourd'hui.
Troisièmement, nous aimerions savoir ce que le comité va faire pour assurer que le gouvernement fournisse des outils de gestion du risque aux agriculteurs de l'Ouest du Canada s'il exécute sa politique actuelle consistant à faire de la CCB une agence de commercialisation à laquelle la participation est facultative.
Enfin, nous demandons au comité de réfléchir à ce que la CCB propose dans son plan d'avenir, que nous avons appelé « une récolte de possibilités ». Le conseil d'administration et la direction de la CCB ont consacré beaucoup de temps à l'élaboration de ce plan qui expose de façon assez détaillée ce que la Commission pourrait faire de plus qu'aujourd'hui pour les céréaliculteurs des Prairies.
Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a manifesté aucune disposition à ouvrir un débat véritable sur ce plan. J'espère que le gouvernement voudra revoir cette position, dans le contexte d'une action réelle pour aider les agriculteurs de l'Ouest du Canada à mieux gérer le risque.
Je vous remercie de votre invitation et je me ferai un plaisir de dialoguer avec vous et de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président.
Vu les contraintes de temps, je vais poser toutes mes questions à la suite et nous verrons ensuite.
Monsieur Weber, vous avez exprimé quelques préoccupations concernant le nouveau programme relatif aux carburants renouvelables et je les partage. Je crains que nous finissions par créer un centre de profit pour les compagnies pétrolières au lieu de créer un centre de profit pour les petites localités rurales et les agriculteurs. En gros, vous préconisez une intervention gouvernementale dans le marché, comme c'est le cas aux États-Unis, pour éviter cela. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
Pour ce qui est des autres points soulevés, principalement par l'APAS, Ken a mentionné la dette cumulative. Les chiffres donnés par George Brinkman comparant la dette au Canada et aux États-Unis sont absolument étonnants. Il attribue le problème du revenu agricole à l'étendue de la dette per capita des agriculteurs. Il dit ceci:
En pourcentage du revenu, les subventions gouvernementales au Canada représentent 116 p. 100 du revenu agricole, mais les subventions gouvernementales aux États-Unis ne représentent que 37 p. 100 du revenu agricole américain.
J'ajoute que ce sont là les subventions américaines qui sont visibles. Il y en a beaucoup d'autres que l'on ne voit pas, sur le plan de la santé et de la sécurité, et celles que vous avez mentionnées.
Dans votre proposition, vous dites en substance que le Canada a refusé de mettre en place des mesures permettant de contester les actions de pays étrangers. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Avons-nous besoin d'une cellule de crise avec une équipe d'intervention rapide dans notre pays, comme les partis en ont pendant les campagnes électorales?
Votre bâtiment de 17 000 pieds carrés va bientôt être disponible, crois-je savoir, James.
Avons-nous besoin d'une structure de cette sorte, d'une cellule d'intervention rapide pour contester le dumping de produits, etc., au Canada?
Deuxièmement, sur le plan de la qualité et de la santé, je trouve aberrant que nous autorisions l'importation dans notre pays de produits cultivés avec des herbicides qui sont interdits chez nous. Comment proposez-vous de régler le problème? Les propositions d'Ian, me semble-t-il, paraissaient assez évidentes.
Peut-être pourriez-vous répondre à ces quelques questions.
Pour ce qui est de l'intervention du gouvernement à l'égard de l'éthanol, la norme de 5 p. 100 de carburants renouvelables n'est qu'une première étape. Il faut donner aux producteurs accès à des capitaux afin qu'ils puissent investir dans des usines d'éthanol ou de biogazole appartenant aux agriculteurs.
Nos cultivateurs émergent de trois années de revenu agricole négatif. Ils n'ont d'argent à investir dans rien en ce moment, et surtout pas dans un projet de production d'éthanol ou de biogazole dans leur région. Je pense qu'il incombe au gouvernement de leur donner accès au capital. Il peut s'agir de prêts remboursables, mais nous devons leur donner accès au capital afin qu'ils puissent investir dans les collectivités rurales et les rendre de nouveau viables.
Pour ce qui est de votre première question, et des subventions et des montants que nous avons dépensés comparés aux Américains, je pense qu'il y a là une démonstration claire des avantages d'une stratégie. Ils ont concentré leur argent sur cinq denrées, et nous dépensons probablement des montants similaires per capita mais nous dispersons l'aide entre un grand nombre de produits — 200 — en espérant que cela profite à quelqu'un. Nous persistons à procéder de cette façon, au lieu d'adopter une stratégie garantissant que l'aide profite à l'industrie.
Ils ont décidé que leurs producteurs feraient des profits et livreraient une denrée à prix tel que l'infrastructure au-dessus d'eux puisse transformer ce produit et faire des profits et le niveau suivant devenir profitable parce que disposant d'une matière première bon marché. C'est là une démonstration de ce que peut faire une stratégie concertée et planifiée pour une industrie.
Avons-nous besoin d'une cellule de crise? Ce n'est pas la façon canadienne de travailler. Mais nous devons être plus proactifs lorsqu'il s'agit de repérer ce qui se fait dans d'autres pays et les répercussions sur nos producteurs, et agir plus activement pour doter nos producteurs des outils dont ils ont besoin pour livrer concurrence sur le marché. Nous, producteurs, savons très bien produire. Nous avons besoin des outils concurrentiels pour assurer que nous puissions rivaliser avec les autres pays.
La deuxième partie de votre question porte sur l'importation au Canada de produits soumis à une réglementation probablement entièrement différente de la nôtre. Il y en a plusieurs de cette sorte. Nous parlons des importations supplémentaires de boeuf. Ce boeuf est probablement produit selon une réglementation totalement différente de celle applicable chez nous, et pourtant cette viande est autorisée à l'importation et concurrence notre propre boeuf.
M. Wildeman a parlé du fait que nous exportons énormément de boeuf dans le reste du monde, mais nous en importons aussi beaucoup hors quota. Très simplement, nos producteurs sont confrontés ici aux coûts de production canadiens et se trouvent en concurrence avec un produit qui n'est pas astreint à la même réglementation. Il faut donc déterminer la réglementation appliquée dans d'autres pays et harmoniser.
Merci, monsieur Easter. Votre temps est écoulé.
[Français]
Monsieur Gaudet, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais connaître votre opinion. Lors de la conférence sur les perspectives agricoles de 2007 organisée par le département américain le 1er et le 2 mars, le secrétaire américain à l'Agriculture, Mike Johanns, a affirmé qu'un investissement fédéral en agriculture est un investissement très judicieux et réfléchi. Il a ajouté que la façon d'investir demeure l'enjeu principal. Il a aussi dit qu'au bout du compte, il croyait fermement que l'investissement devait être prévisible jusqu'au delà de toute possibilité de contestation.
Selon vous, quelle serait la façon la plus judicieuse pour le gouvernement fédéral d'investir dans la nouvelle politique agricole et agroalimentaire sans se faire cogner sur les doigts par l'OMC ou par n'importe qui? Les Américains ont l'air de savoir comment s'y prendre. J'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet, monsieur Weber.
[Traduction]
Je vais commencer.
Pour ce qui est de l'OMC, commençons avec la gestion de risque et partons de la question de M. Easter concernant l'éthanol. Premièrement, la bonne chose que le reste du monde nous a montrée, c'est que la promotion de l'éthanol et du biogazole ne peut faire l'objet de droits compensateurs, qu'elle est conforme aux règles du GATT et tout le monde le fait. Même si nous adoptions leurs principes et leurs théories, ce sera considéré comme conforme au GATT ou à l'accord de l'OMC. Je considère donc que c'est une excellente façon de subventionner l'agriculture à court terme.
Je pense que nous devons mettre en place des mécanismes et des programmes de façon à assurer qu'une grande partie de ce que nous produisons chez nous soit consommé chez nous. Ainsi, nous pourrions agir comme nous le voulons sans avoir à nous inquiéter...
Pour ce qui est de l'industrie des biocarburants, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour absorber une grande partie de la production que nous cherchons à écouler sur le marché mondial... Utilisons la pour quelque chose que nous consommons. Les biocarburants sont un parfait exemple de valeur ajoutée dans notre pays, une activité que nous pouvons soutenir sans qu'interviennent des distorsions des échanges ou des contestations commerciales.
Nous considérons l'OMC comme très prometteuse pour nous. Encore une fois, nous sommes le cinquième plus gros exportateur de produits agricoles au monde, il ne faut pas l'oublier. Nous sommes le premier exportateur de plusieurs denrées. Tout ce que nous faisons doit être conforme aux règles de l'OMC, et nous devons pousser plus agressivement les autres pays à en faire autant. Je pense que le cycle de négociation en cours sera crucial pour l'avenir de l'agriculture, pour la mise en place de ces disciplines. Certains des problèmes dont les autres panélistes ont parlé peuvent être réglés à ce niveau, à la table de négociation. Pour l'agriculture, pour 90 p. 100 des producteurs du Canada, c'est la considération première.
Nous pouvons toujours négocier bilatéralement. Mais n'oubliez pas, nous sommes un pays de 31 millions d'habitants qui rivalise pour la conclusion d'accords de libre-échange bilatéraux avec des pays comme les États-Unis, qui comptent 300 millions d'habitants. Nous serons toujours défavorisés sur ce marché. L'OMC nous donne l'occasion de réellement faire quelque chose pour l'agriculture.
Oui, je pense certainement, comme Brad l'a indiqué, que nous sommes un pays exportateur et nous devons en fin de compte veiller à ce que nos nouveaux programmes soient conformes aux règles de l'OMC. C'est l'une des questions clés qu'il faut se poser dans le contexte de la propriété.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir aux propos de Ken sur la création de valeur ajoutée chez nous. Il a raison, mais nous serons toujours aussi des acteurs sur la scène internationale dans une certaine mesure. Mais si nous adoptons une attitude de gagneur dans les négociations à l'OMC — et je suis d'accord avec M. Wildeman qu'il nous faut y aller et négocier dur pour nos intérêts — il ne s'agira pas, de retour chez nous, d'abandonner nos gains. C'est ce que nous faisons traditionnellement. Nous sommes allés à l'OMC et avons négocié dur pour obtenir une ligne tarifaire pour le boeuf, tout cela pour rentrer chez nous et céder tout l'avantage en accordant des quotas d'importation supplémentaires gratuits venant concurrencer notre propre production. Combinons les deux. Construisons la valeur ajoutée avec eux. Ensuite, tenons-nous en aux accords que nous aurons conclus sur la scène internationale.
[Français]
La plupart des agriculteurs nous disent que les Américains et l'Union européenne subventionnent beaucoup leur agriculture. Comment se fait-il que nous ne puissions faire de même? En réalité, ma question était simple: comment se fait-il que les Américains et l'Union européenne peuvent subventionner leurs agriculteurs sans se faire taper sur les doigts, et que nous ne pouvons pas le faire? C'était la vraie question.
[Traduction]
Tout d'abord, un petit historique. Comme M. Easter le sait, lors du Cycle d'Uruguay nous avons réellement pris toutes sortes de restrictions d'importation, qu'il s'agisse de contingents tarifaires, de droits de douane ou de barrières commerciales non tarifaires, et nous avons essayé de les grouper dans différentes boîtes, et nous y sommes parvenus. Malheureusement, nous n'avons rien pu faire de plus lors de ce cycle. Lors du nouveau, il s'agira d'essayer d'imposer une certaine discipline à tous ces gens. Selon la perspective canadienne, il s'agira principalement de savoir quelles sont les règles. Une fois que nous connaîtrons les règles, nous pourrons concevoir nos programmes en conséquence. Malheureusement, je pense que nous avons élaboré nos programmes avant de savoir quelles seraient les règles. C'est donc ce qu'il faut faire, il faut déterminer les règles et ensuite concevoir nos programmes par rapport à ces règles et de manière à avantager au maximum nos producteurs. Il faut mettre la poule avant l'oeuf.
Je serai brève. Je reprends le même raisonnement que tout à l'heure. Comme M. Wildeman l'a dit, lors du Cycle d'Uruguay nous avons beaucoup négocié, mais lorsque nous sommes rentrés chez nous, nous avons jeté par-dessus bord tout ce que nous avions convenu. D'autres pays ont conservé leur faculté de subventionner, et nous sommes toujours aux prises avec cela. Nous vivons toujours avec cette réalité chaque jour et nous négocions aujourd'hui des règles qui vont nous imposer des réductions de même niveau. Nous sommes rentrés et nous avons tout cédé, et eux ont fait seulement un tout petit peu, mais aujourd'hui nous allons négocier pour réduire nos subventions dans la même proportion qu'eux. Nous sommes notre pire ennemi dans ces négociations et nous devons être notre meilleur ami.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus nous rencontrer, mesdames et messieurs.
Nous avons entendu de bonnes suggestions ces derniers jours. D'une certaine façon, nous avons peut-être suscité plus de questions que nous n'avons obtenu de réponses. Mais une chose que l'on nous a dite l'autre jour et elle vaut la peine d'être répétée ici, c'est que la solution des problèmes agricoles est un casse-tête comprenant de multiples pièces.
Un des éléments de solution dont une jeune femme a fait état — je crois que c'était hier en Alberta — consiste à sensibiliser et éduquer nos cousins urbains. Je pense que cela mérite d'être souligné aujourd'hui.
Je vois davantage de journalistes aujourd'hui que je n'en ai vu au cours de tous nos voyages. Je pense que cela témoigne favorablement de l'action des producteurs et groupes ici, en Saskatchewan, et c'est positif car les médias ont un rôle sur le plan de la sensibilisation et la responsabilité de nous aider nous, les politiciens, et vous, les associations agricoles sur ce plan.
Une autre chose que nous avons entendue ici, et qui commence à revenir assez régulièrement — vous-même en avez fait état, monsieur Wildeman, c'est la nécessité d'un programme national d'aide en cas de catastrophe. Il faut définir en particulier ce que l'on entend précisément par catastrophe. Vous avez mentionné deux situations. Deux des plus récentes étaient l'ESB et la grippe aviaire et, bien entendu, il y a eu les inondations au Manitoba il n'y a pas si longtemps, et je suis sûr que j'en oublie quelques autres. Comment pouvons-nous mettre en place un mécanisme tel que l'on puisse définir concrètement ce qu'est une catastrophe, qui est admissible à l'aide en veillant à ne pas faire double emploi avec d'autres programmes, qu'il s'agisse de l'assurance-récolte ou du programme de stabilisation du revenu agricole ou d'un autre?
Si vous regardez les accords commerciaux internationaux actuels, et en particulier celui de l'OMC, ils contiennent une définition assez claire. Ils disent que si la production est inférieure à 70 p. 100 de la production normale, vous êtes admissible à des mesures de secours. Le problème est qu'actuellement le critère est le volume de production, si bien que lorsque la catastrophe occasionne des réductions massives de revenu sans faire baisser la production, vous n'êtes pas admissible. Il convient donc de clarifier cela. Nous croyons savoir que l'on va en parler lors de ce cycle de négociation. Je crois que d'autres pays ont appris cette leçon.
L'un des problèmes que nous avons rencontré avec l'ESB, car cette crise n'a jamais été déclarée une catastrophe, c'est que vous cherchez à nous raccrocher à ces autres programmes. Il se pose alors la question de savoir si c'est marginal ou non marginal. En réalité, cela ne fait que retarder les choses. Quantité de gens ont reçu des paiements, mais ont dû les rembourser et cela a causé beaucoup d'animosité.
Plusieurs choses s'imposent. Il faut définir ce qu'est une catastrophe. Cela me paraît relativement simple. Ensuite il faut définir le partage des coûts, ce qui est un énorme problème avec lequel nous avons eu à nous débattre et vous êtes nombreux à en avoir pleinement conscience. Quelle sera la formule de partage du coût entre le gouvernement fédéral et les provinces? C'est ce qui a empêché nombre de ces déclarations de catastrophe d'être faites.
Enfin, ces paiements doivent être indépendants des autres programmes de soutien du revenu, sinon vous allez accorder une aide d'une main et la reprendre de l'autre.
Une dernière chose. Vous avez mentionné le partage des coûts fédéral-provincial. Faudrait-il aussi une contribution des producteurs?
Oui, je crois qu'ils disent que les premiers 30 p. 100 sont le problème du producteur. C'est à lui d'absorber ses premiers 30 p. 100 de perte. Les autres mécanismes de soutien du revenu dans le cadre de la gestion du risque commercial couvriront cette perte. C'est lorsque le revenu tombe en dessous de ce seuil qu'il faut intervenir et secourir, car sinon ces autres régimes s'effondrent parce qu'ils ne possèdent pas une marge suffisante. C'est cela qui a causé les problèmes à notre secteur.
Merci.
Me reste-t-il du temps? Un peu.
Juste une autre question générale et vous pourrez être plusieurs à y répondre. Quel slogan pourriez-vous trouver pour encourager les jeunes à persévérer dans l'agriculture?
Il nous faut des profits. Les producteurs doivent pouvoir dégager un revenu sur leur investissement.
J'aimerais dire quelques mots sur l'autre question que vous avez posée, à savoir la manière de sensibiliser la population urbaine.
Une annonce qui m'irrite réellement est celle de Bombardier, où l'on voit un type en safari qui regarde en l'air et dit « C'est mon avion ». Vous pouvez dire que ce type est un employé de Bombardier qui est fier de cet appareil. Vous pouvez dire que c'est un contribuable et qu'il est fier de son investissement. Il semble que tout l'argent consacré à ce secteur soit un investissement. Mais tout ce qui est donné à l'agriculteur est considéré comme une aumône ou quelque chose du genre. Ce n'est pas perçu comme un investissement et pourtant, croyez-moi, c'est un investissement. Lorsqu'on me donne un dollar, il ne reste pas dans ma poche, il circule à travers toute l'économie. Il faut le reconnaître. Ce type dans l'annonce m'a l'air d'être plutôt bien nourri.
Voilà le genre de choses à rectifier. Comment peut-on dire que l'argent donné à un secteur est un investissement et celui donné à un autre est une aumône, alors que le résultat pour l'économie est le même?
À l'Université de la Saskatchewan, j'enseigne à titre de chargé de cours invité aux étudiants d'économie agricole de troisième et quatrième année, et je peux vous dire que c'est beaucoup une question d'attitude. C'est difficile pour eux en troisième et quatrième année. Il y a deux semaines, j'ai demandé aux étudiants de quatrième année combien d'entre eux allaient retourner dans l'exploitation familiale, et sur 70, il n'y en avait que deux dans ce cas. Cela m'a sidéré. J'ai demandé pourquoi et c'est beaucoup une question d'attitude. Nous alimentons cette perception de charité, et l'agriculture au cours des cinq dernières années a été très peu porteuse; il suffit de voir les revenus agricoles négatifs.
Il est donc difficile pour ces jeunes d'envisager une carrière prometteuse dans l'exploitation familiale. Il faut modifier cette façon de voir.
Merci beaucoup de comparaître aujourd'hui.
Ian, vous avez mentionné un « rapport de forces inégal » à l'échelle nationale. J'aimerais pousser cette logique un peu plus loin et parler d'un rapport de forces international.
Je vais peut-être commencer par vous, madame Keyowski car vous avez parlé du fait que nous négocions, que nous nous mettons d'accord sur certaines choses et que, de retour ici, cela ne semble pas fonctionner. J'ai posé une question à différentes personnes hier et aujourd'hui sur la gestion de l'offre et sa place dans tout ce cadre des négociations à l'OMC, mais pendant que vous parliez, une autre chose m'est venue à l'esprit. Dans notre secteur à gestion de l'offre, nous autorisons des importations équivalant à 5 p. 100 de notre production de volaille, ou 7,5 p. 100 en provenance des pays de l'ALENA. Mais à l'étranger, l'Union européenne impose un quota de 0,5 p. 100 dans le cas du porc, par exemple. Ainsi, avant de céder quoi que ce soit, avant même de parler de gestion de l'offre — et notre gouvernement a dit qu'il garantira la gestion de l'offre — ne faudrait-il pas dire à ces gens-là, voyez, nous avons un quota de 5 p. 100 pour la volaille, qui est un secteur géré, alors commencez donc par là, vous les Européens. Pourquoi n'autorisez-vous pas l'importation de 5 p. 100 de votre production de porc en provenance de pays non européens?
Voilà ma première question. Je vais peut-être vous laissez y répondre.
Merci.
Pour clarifier, votre question vise davantage à savoir pourquoi nous ne demandons pas un meilleur accès aux autres pays? Ai-je bien compris?
Oui.
La tendance est que, si nous avons certes quelques mécanismes ou entreprises commerciales d'État — la Commission du blé et la gestion de l'offre — que l'on parle de remettre en question, je dis qu'avant même de l'envisager, nous devrions amener ces autres pays à établir un terrain de jeu égal, amener l'Europe, par exemple, à laisser entrer 5 p. 100 de sa production porcine.
Seriez-vous d'accord avec cela?
Je ne serais pas en désaccord avec cela.
De la façon dont fonctionne notre système de gestion de l'offre, il réduit notre approvisionnement ici, bien entendu, mais aussi limite la faculté de nos producteurs d'exporter vers d'autres pays. Donc, pour prospérer, nous devons prendre grand soin de préserver ces restrictions. Si vous considérez ces denrées particulières, la remise en question réduirait les avantages que la gestion de l'offre apporte à ces producteurs — et c'est un secteur profitable de l'industrie. Il y a toute l'argumentation concernant la restriction de l'offre et ce genre de choses, mais ces producteurs sont un secteur concurrentiel de l'industrie et un secteur que nos concurrents sur le marché international prennent pour cible, tout comme ils s'attaquent à la Commission canadienne du blé.
Donc, s'il s'agit de demander à d'autres pays de réduire leurs restrictions ou d'accroître leurs quotas d'importation, oui, peut-être faudra-t-il le faire dans le cas des denrées pour lesquelles nous sommes plus libres échangistes. Mais je ne pousserais pas en ce sens au Canada même, car il nous faut absolument préserver cette petite partie profitable de notre agriculture.
L'un des problèmes c'est que cela sonne très bien. Si tout le monde passait à 5 p. 100, tout le monde serait ravi. Mais la réalité est que dans presque chacun de ces marchés d'exportation que nous approvisionnons, qu'il s'agisse du boeuf, du porc, du canola, chacun de ces pays exporte aujourd'hui bien plus que 5 p. 100 de sa consommation intérieure.
Vous les autorisez donc à reculer si vous leur dites: « D'accord, si c'est 5 p. 100 pour tout le monde, nous serons satisfaits et nous accepterons de payer des tarifs douaniers accrus, des restrictions frontalières accrues, sur nos marchés d'exportation actuels ». Tout cela a l'air bien joli, mais n'est pas conforme à la réalité.
N'oubliez pas que pour le genre de denrées que nous produisons, aux coûts qui sont les nôtres, il y a peut-être 140 pays dans le monde qui échangent de ces produits, mais très peu d'entre eux le font au prix dont nous avons besoin dans notre agriculture. Je pense donc que c'est une idée simpliste.
Ma dernière remarque sera simplement pour dire ceci. Vous ne pouvez aller voir ces pays et leur dire: « Ouvrez vos frontières et réduisez vos tarifs, sauf pour tel et tel produit ». Soit nous sommes libres échangistes, soit nous ne le sommes pas. C'est ce qui nous a amené le désastre que nous connaissons aujourd'hui vis-à-vis de l'OMC.
Alors considérons le rapport de forces ici, à l'échelle nationale. Comment percevez-vous cela et quel rôle votre organisation, la Commission du blé, peut-elle jouer ou joue-t-elle?
J'ai mentionné un facteur clé, à mon avis, le transport ferroviaire. Nous constituons un moyen de pression crucial pour les producteurs, du point de vue de l'accès au système ferroviaire et aussi des tarifs de fret.
Nous jouons aussi un rôle majeur sur le plan de l'équilibre concurrentiel dans le secteur des céréales car nous sommes le premier point d'entrée pour les transporteurs. Il existe des terminaux de producteurs indépendants dans l'ouest du Canada, contrairement aux États-Unis. La raison en est que nous négocions un cadre avec les chemins de fer et ensuite nous voyons avec les agriculteurs comment ils veulent fonctionner avec ce système.
Il y a donc un certain nombre d'atouts commerciaux que nous apportons sur ce front. Je dirais qu'avec la plus grande concentration du secteur — le marché dont parlait Larry — pour avoir un mécanisme de détermination des prix raisonnablement équilibré, il faut un accès raisonnable tant pour les fournisseurs que les demandeurs de tout bien ou service. Si l'on considère la concentration qui intervient de notre côté, nous constatons que les coûts des fournisseurs d'engrais baissent et que leurs prix grimpent, si bien que le coût des engrais ce printemps sera presque le double de celui que connaissent d'autres acteurs.
Il y a donc un déséquilibre très considérable dans le rapport des forces au niveau des entrants agricoles sur lesquels nous n'avons pas d'influence directe.
Les leçons enseignées devraient être des leçons apprises. Vous avez appliqué ce principe en parlant de la politique. Une fois que nous savons quelles sont les règles, nous devrions fixer notre politique ici, décider ce que nous voulons faire, et mettre cela en place après coup.
Puisque nous avons ici des représentants de l'élevage du boeuf, je ne puis m'empêcher de rappeler ce qui s'est passé en 2003. Nous avons tiré quelques leçons — je l'espère — surtout de la situation que le comité a étudiée au niveau de l'industrie de l'abattage. L'industrie de l'abattage a poussé la crise du boeuf à des paroxysmes extrêmes. Elle a réalisé des profits inouïs aux dépens des consommateurs et aux dépens des producteurs primaires.
Il nous faut en tirer les leçons lorsque nous concevons les programmes, afin qu'ils ne soient pas conçus de telle façon qu'il faille reprendre l'argent dans la poche des gens ultérieurement ou que l'argent n'aboutisse dans des poches autres que celles prévues. C'est ce qui s'est passé dans le cas du boeuf. J'espère que nous avons appris là quelques leçons, mais je n'en suis pas sûr car l'industrie du boeuf me paraît retomber dans ses vieilles ornières.
Nous avons construit une capacité d'abattage au cours de cette période de trois ou quatre années, afin que l'industrie puisse assurer elle-même dans notre pays l'abattage de sa production. Nous avons construit une capacité pouvant absorber presque 100 p. 100 de la production, mais ces abattoirs ne sont approvisionnés qu'à hauteur de 70 p. 100 ou même moins, et je trouve cela scandaleux. Je dis cela aux éleveurs et je le dis à cette industrie car je pense qu'ils ont trahi même les meilleures intentions du gouvernement — et peu importe quel est ce gouvernement. Je crois que le gouvernement a fait ce qu'il pensait être le mieux et s'est concerté de son mieux avec l'industrie.
Je pense que nous avons là quelques leçons à tirer. On cherche aujourd'hui — et je sais que nous ne sommes pas là pour parler de la Commission du blé, mais je la prends comme exemple — à anéantir un organisme qui a bien servi ce pays et qui a été amélioré au fil des ans. En Ontario, nous avons laissé des options. Ceux qui ont choisi de vendre sur le marché libre l'été dernier ou à la fin de l'été dernier ont vendu le blé au prix de 103 $ la tonne environ. Ceux qui l'ont vendu à la Commission du blé, au prix commun, vont toucher environ 180 $. Il y a donc des avantages.
Je pense que nous devons apprendre — et cela s'applique à ce que je disais auparavant — mais je ne suis pas sûr que nous ayons appris les leçons. Certains d'entre nous sont assis à cette table depuis pas mal de temps et nous entendons toujours la même chose. Trop de gouvernements rivalisent dans leur petite paroisse et trop d'organisations agricoles rivalisent entre elles. En fin de compte, il faudrait que tout le monde sorte en agitant le drapeau blanc, mais cela n'arrive pas très souvent.
Il est temps que l'on dépasse toutes ces rivalités concurrentielles auxquelles nous nous adonnons, comme les barrières commerciales interprovinciales ou ce que certaines provinces ont les moyens de faire et d'autres non... Nous devons finir par faire ce que je réclame sans cesse, et j'insiste de nouveau car c'est peut-être la dernière fois que je peux dire ces choses à travers le pays. Il est temps que l'on confie toute cette question de la sécurité alimentaire, purement et simplement, à un palier de gouvernement.
Si nous pensons que la sécurité alimentaire est importante pour le pays, alors nous devons élaborer une politique pour la garantir. Nous pourrons ainsi écarter les entraves mises en travers de notre chemin par d'autres gouvernements, américains ou autres. Nous trouverons des façons de régler ces problèmes. Mais tout d'abord, nous devons croire en quelque chose, car sinon nous continuerons à bricoler des programmes à gauche et à droite.
Que pensez-vous de ce genre de choses? Est-ce que vous n'êtes pas à l'aise avec une telle idée, ou bien suis-je complètement à côté de la plaque et trouvez-vous mon idée complètement farfelue et préférez-vous continuer à faire ce que nous avons mal fait jusqu'à présent? Comme dirait le Dr Phil: « Si ça ne marche pas, changez ».
Merci.
Larry l'a très bien dit. C'est une question d'attitude. Ce qu'il faut, c'est que l'on reconnaisse dans ce pays l'importance de l'agriculture et de ce qu'elle peut apporter à notre économie. Il faut la traiter comme quelque chose d'important comme quelque chose qui a de la valeur et nous devons valoriser ceux qui y travaillent, à quelque niveau que ce soit.
C'est évidemment la production primaire qui m'intéresse, mais je pense qu'il incombe aux dirigeants de diriger. Il faut établir une mentalité dans toute l'industrie, une mentalité de gagneur consistant à dire: « Nous allons gagner pour le compte de l'agriculture canadienne, elle va avancer et elle va être appréciée par notre société et notre économie ».
Je pense que vous avez raison. Nous avions une stratégie et nous l'avons appliquée à l'époque, mais n'oubliez pas que nous avons toujours 100 p. 100 de capacité. Pourquoi abattons-nous seulement au niveau de 70 p. 100? C'est parce qu'un certain nombre de phénomènes très importants sont à l'oeuvre.
Nous avons une pénurie de main-d'oeuvre extrême dans le marché le plus chaud du Canada, là où se situent la majorité de nos abattoirs. Il n'y a tout simplement pas assez de main-d'oeuvre pour tout le monde, à moins que nous soyons prêts à réduire considérablement nos prix. Je ne sais pas à quel niveau il faudrait les ramener pour qu'ils puissent payer le type de salaires requis pour attirer cette main-d'oeuvre. Nous avons un problème à court terme.
Deuxièmement, nous n'avons pas encore conquis certains des débouchés d'exportation de haute valeur qui nous permettent d'être compétitifs. N'oubliez pas, nous sommes présents sur certains marchés, mais les États-Unis en ont beaucoup plus que nous. Nous dépendons à 60 p. 100 des échanges extérieurs et eux seulement à 20 p. 100. Nous avons encore du chemin à rattraper, mais je pense que c'est en bonne voie.
Troisièmement, nous avons demandé à notre industrie d'assumer quelques coûts supplémentaires. Les États-Unis nous concurrencent, par le biais de l'ALENA. Nous sommes en particulier confrontés aujourd'hui à la probabilité d'un renforcement de l'interdiction des farines animales.
Sur le plan de la sécurité alimentaire, je vous réponds simplement ceci. La sécurité alimentaire au Canada ne va pas avoir beaucoup de retentissement sachant que nous sommes le cinquième plus gros exportateur du monde. Nous disons à certains des pays protectionnistes avec lesquels nous commerçons, par exemple la Corée et le Japon, que le meilleur facteur de sécurité alimentaire pour eux est d'ouvrir leurs frontières à autant de pays susceptibles de les approvisionner que possible.
Je pense que la question est la suivante: Comment pouvons-nous accroître la valeur des autres débouchés dont nous dépendons pour garder l'agriculture viable? Je ne pense pas que ce soit le marché intérieur canadien.
Aucun de vous n'a parlé directement de l'éthanol dans son exposé, mais c'est un sujet majeur. Il faut assurer une participation des producteurs.
Je vais exprimer un peu de frustration à cet égard. Différents groupes viennent nous rencontrer et cherchent un financement pour les producteurs. Mais lorsque je vois ces groupes, d'une certaine façon ils reflètent la communauté agricole d'ensemble. Ceux qui viennent, ce sont les agriculteurs plus âgés, bien assis. M'en qu'en est-il du gamin de 15 ans qui emprunte encore le bus scolaire? Dans trois ans, il aura terminé ses études. Il ira travailler dans les champs de pétrole pendant deux ans et tentera ensuite de se lancer en agriculture. Il aura quelques vaches, etc.
Voilà ma frustration à l'égard de nombreux programmes, et l'éthanol est un exemple sur lequel j'aimerais votre avis. Avez-vous des suggestions pour assurer une participation des producteurs à des programmes à valeur ajoutée qui ne profitent pas seulement une fois aux premiers producteurs sur les rangs?
L'éthanol est le gros exemple. Si les 500 producteurs les plus gros et les plus prospères sont les seuls à toucher une aide pour réaliser des projets d'éthanol à travers cette province, cela n'est pas réellement bon pour la viabilité à long terme. Cela ne profitera pas au jeune de 15 ans qui veut devenir agriculteur.
Je viens d'une ferme. Je l'ai dit à un groupe précédent, et je le dis fréquemment. J'ai tellement bien réussi en agriculture que j'ai arrêté après deux ans. Tout le monde sait ce que c'est. Tous les jeunes dans cette province laissent tomber après un an ou deux. Sur mes 12 cousins, un seul cultive la terre.
Avez-vous des suggestions pour des programmes à valeur ajoutée, etc., qui ne profitent pas seulement aux premiers arrivés mais qui soient bons de façon continue pour l'agriculture du futur, pas seulement pour les producteurs actuels mais les agriculteurs du futur? Je suis réellement ouvert aux idées. Je n'en ai guère entendues ces dernières années.
Je vous invite à venir nous rendre une petite visite, car nous sommes une société qui compte 200 actionnaires et 50 employés, et 70 p. 100 de ces employés sont nés et ont grandi dans un rayon de 20 milles de chez nous. Plus de 70 p. 100 d'entre eux travaillent sur une ferme, soit pour aider leurs parents soit comme activité secondaire, ou cherchent à démarrer une exploitation propre.
Donc, pour ce qui est du biocarburant et de ce qui nous a motivé au début, nous avons eu de la chance lorsque nous avons construit notre usine déjà dans les années 90, et nous existons donc depuis pas mal d'années. L'une des choses à déterminer, c'est si nous voulons produire de l'éthanol parce que nous recherchons un carburant de remplacement qui soit fabriqué à partir de céréales, ou bien si nous voulons produire de l'éthanol en vue de régénérer les économies rurales ou, troisièmement, voulons-nous donner aux agriculteurs la possibilité de grimper dans l'échelle de valeur? Si ce sont là les objectifs, si les deux dernières réponses sont les objectifs, alors il nous faut restructurer la façon dont nous développons le biocarburant aujourd'hui, car nous disons que toute société est admissible à l'aide, parce que du point de vue des économies d'échelle, vous ne pouvez pas... La production d'éthanol est très sensible aux économies d'échelle, et vous pouvez faire d'autres choses comme celles que nous faisons et que nous pensons être très concurrentielles. Mais nous le faisons à une plus petite échelle parce que l'objectif que nous visons, c'est viabiliser les collectivités rurales et les exploitations agricoles.
C'et ainsi que les choses ont démarré aux États-Unis, où le gouvernement fédéral et les gouvernements des États ont garanti des prêts aux producteurs afin qu'ils puissent investir dans ces installations, mais en plafonnant les allégements fiscaux que les sociétés pouvaient obtenir dans ces États, afin d'éviter que les multinationales ne construisent ces énormes usines et accaparent instantanément le marché.
La réalité est qu'un jour de l'an dernier, il y a quelques mois, la construction de trois usines a été annoncée aux États-Unis. Ces trois usines pourraient approvisionner tout le Canada, fournir la totalité du carburant renouvelable dont nous avons besoin.
Je pense donc qu'il nous faut une stratégie ciblée. Si la stratégie consiste à offrir de la valeur ajoutée aux agriculteurs, à autoriser la participation, à favoriser le développement rural, alors il faut changer le programme actuel, car, malheureusement, ce n'est pas ainsi que les programmes sont structurés aujourd'hui.
L'accès au capital devrait être le souci premier, afin de stimuler l'investissement et la participation des producteurs. Donner 80 millions de dollars à Husky Oil pour fabriquer de l'éthanol n'est pas très positif pour la Saskatchewan rurale. Si l'on veut une revitalisation rurale, il faut assurer une participation des agriculteurs, et une seule usine à Lloydminster ne donnera pas cela.
Je le crois aussi. Il faut vraiment réfléchir à cela, car si nous ne commençons pas à agir pour assurer la viabilité de la Saskatchewan rurale, on ne verra plus ce gamin dans l'autobus scolaire, car il n'y aura plus d'autobus scolaire pour lui. Il faut donc faire en sorte aujourd'hui de construire de la valeur afin qu'ils sachent qu'ils ne seront peut-être pas actionnaires de cette usine tout de suite mais que ce qu'ils vont produire à une utilisation finale précieuse, un débouché proche et qu'il y a peut-être un emploi dans l'intervalle dans cette usine pour lui ou pour quelqu'un d'autre de cette localité.
Il faut une stratégie globale visant à assurer la pérennité de la Saskatchewan rurale, et on ne va pas le faire avec une ou deux méga usines. Il faut une série de petites usines bien situées de façon à stimuler et aider l'économie rurale. Il faut ramener les gens à la terre.
La seule chose que je vais ajouter est qu'il se pose un peu le problème de la poule et de l'oeuf, en ce sens que Brad a mentionné la main-d'oeuvre rurale. De plus en plus, la raison pour laquelle les jeunes gens de grand talent choisissent de ne pas vivre dans la Saskatchewan rurale est que l'infrastructure du secteur public, l'éducation et la santé, s'est détériorée au point que ce n'est plus un endroit intéressant où vivre, franchement, et cela va être un problème pour le développement économique pour nombre de régions.
Un de mes amis m'a dit un jour: « Écoute, j'ai trois enfants qui ont une maîtrise et qui voulaient tous cultiver la terre et notre exploitation était profitable. Mais devine quoi? Ils ont tous réfléchi et ont dit qu'ils n'y a aucun accès à proximité à toutes les choses qu'ils veulent pour leurs enfants et qu'ils préféraient s'installer ailleurs. »
L'économie tend à se déplacer vers les endroits où la vie est agréable, car il y a beaucoup d'emplois mobiles dans le monde actuel.
M. McCreary soulève là un sujet qui semble être un problème dans tout le Canada rural, non seulement dans le secteur agricole mais aussi chez nous, dans le secteur forestier. Il semble que tout le monde veuille un emploi en ville, et 37 heures par semaine valent mieux que 75 aux yeux de la plupart des gens.
J'ai juste quelques remarques. Sur le plan de la capitalisation, j'ai lu dans le journal une annonce proposant à la vente un quart de section de terre pas très bonne en Saskatchewan. L'annonce dit que la terre n'est pas très bonne pour la culture. Le vendeur demande 60 000 $. Si l'on considère l'exploitation moyenne, si vous voulez dégager suffisamment de profit pour nourrir votre famille pendant une année, il semble qu'il faille 2 500 ou 4 000 acres. Vu la capitalisation requise pour une telle superficie, la question que je me pose est pourquoi la terre coûte si cher?
C'est vous l'économiste, Larry. Pouvez-vous nous dire pourquoi la terre coûte si cher?
Je suis loin d'être un économiste, mais je ne considère pas 60 000 $ comme un prix très cher. Nous avons dans cette province la terre la meilleure marché du monde. Si vous allez en Alberta, vous n'aurez rien à moins de 1 200 $ ou 1 300 $ l'acre. À côté d'ici, au Manitoba, c'est 1 200 $ à 1 600 $ l'acre.
Dans ces conditions, le pauvre gars qui va démarrer à l'âge de 25 ans aura besoin pour 2 millions de dollars de terre...
Vous ne pouvez pas vous lancer dans l'agriculture aujourd'hui sans l'aide de vos parents. C'est la réalité. C'est impossible autrement.
Est-ce que tout le monde convient que vous ne pouvez pas être agriculteur en Saskatchewan si vous n'héritez pas d'une ferme de vos parents?
Grand Dieu, faisons en sorte de fixer nos jeunes à la campagne en leur permettant de reprendre l'exploitation familiale.
L'aîné de la famille est habituellement sur la route, et c'est donc le plus jeune qui hérite de la ferme. Cela se passe ainsi.
C'est réellement un dilemme lorsqu'on y réfléchit. Il faut une capitalisation énorme. Si l'agriculture rapporte aussi peu que tout le monde le dit ici, pourquoi quelqu'un voudrait-il seulement y songer?
Je ne sais pas si cela va vous donner la réponse complète, mais la valeur du bien foncier dépend de la meilleure alternative. C'est en partie le coût d'opportunité qui est capitalisé.
En Saskatchewan, nous avons différents usages concurrents pour les terres agricoles. Il y a, par exemple, des programmes de conservation et là je parle spécifiquement de la Saskatchewan. La propriété foncière intéresse les organisations de conservation qui trouvent la Saskatchewan un endroit très lucratif pour préserver de la terre pour le gibier, etc. Et ces organisations ont les poches profondes.
Mais pour en revenir à la question fondamentale, s'il y a si peu de profit dans l'agriculture, pourquoi la terre coûte-t-elle si cher?
C'est la raison. Il y a d'autres usages concurrents pour cette terre agricole qui en accroît la valeur. Nous le voyons ici chaque jour. Si la concurrence était purement entre agriculteurs, vous ne verriez pas de tels prix. J'ai cité les organisations de conservation car ce sont elles que nous voyons, mais dès que vous avez un autre usage — peu importe qu'il s'agisse d'une société qui veut acheter un terrain pour construire une usine d'éthanol et dispose de capital — dès qu'il y a un usage concurrent pour la terre, les prix grimpent. C'est cela qui fait augmenter le prix de la terre. Ce ne sont pas les profits de l'agriculture qui déterminent le prix.
Je n'en suis pas sûr, mais je pense que beaucoup d'agriculteurs se débrouillent plutôt bien. J'en ai par chez moi. Mais il faut pour cela des économies d'échelle assez considérables.
Pour en revenir au commentaire de Larry, il faut pour cela beaucoup de main-d'oeuvre. La terre ne coûte pas 60 000 $ par chez nous. Nous avons beaucoup de terre qui se vend chez nous à la moitié de ce prix. C'était jadis des terres cultivées et ce sont maintenant principalement des pâturages. Les habitants expatriés de la Saskatchewan vont y faire pâturer l'été. Nous dépeuplons la Saskatchewan à un rythme record à cause de cela.
La terre trouve sa juste valeur, cela ne fait aucun doute. Mais là où la terre est meilleure, vous avez des grosses exploitations. Lorsque je suis passé de la culture de la terre à la direction de notre entreprise ici, nous cultivions 6 000 acres. Nous étions la plus grosse ferme dans notre région en 1985. Aujourd'hui, plusieurs font 15 000 à 20 000 acres et c'est la tendance que l'on voit. Donc, à ce prix vous avez les moyens de...
Nous ne nous laissons pas tous décourager par ce que nous entendons, je suppose.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous. Nous sommes à la fin du temps. Cela a été très intéressant et un bon échange. Nous apprécions votre participation et le fait que vous ayez pris le temps de venir nous aider avec notre étude du CSA, vous qui êtes si occupés.
Nous allons lever la séance pour faire le déplacement jusqu'à Gimli, au Manitoba.