:
Nous sommes heureux de vous rencontrer, nous aussi.
Nous tenons à remercier le comité de nous donner l’occasion de présenter notre point de vue sur l’employabilité au Canada et ses effets sur les travailleurs âgés. Mon collègue Bill Gleberzon et moi-même allons partager la tâche de présenter l’exposé aujourd’hui.
Les membres de l’Association canadienne des personnes retraitées ont 50 ans et plus. Nous avons 400 000 membres d’un bout à l’autre du pays. En fait, nous défendons les droits de 11 millions de Canadiens âgés de 50 ans et plus aux quatre coins du pays. C’est donc à cet aspect que nous allons nous intéresser.
Les 50 ans et plus comprennent deux grands groupes: les personnes âgées de 50 à 64 ans, et les personnes âgées proprement dites, celles qui ont 65 ans et plus. Les deux groupes éprouvent des problèmes sur le plan de l’employabilité. Pour les premiers, le problème le plus répandu est de trouver un emploi à cause des préjugés des employeurs sur le vieillissement. Vous avez peut-être vu récemment dans les médias que, d’après la firme Kelly Services, 63 p. 100 des 10 000 personnes interrogées qui sont âgées de 55 ans et plus signalent avoir été victimes de discrimination à cause de leur âge dans leur quête d’emploi. C’est une triste réalité qui est régulièrement documentée sur le site Web d’emploi de la CARP, dont l’adresse est theskillsmatch.ca.
Quant aux aînés, ils se heurtent encore à la retraite obligatoire dans trop de régions du pays, tandis que d’autres s’inquiètent de la menace de l’emploi obligatoire qui pèse sur eux. Nos membres nous disent que beaucoup d’entre eux veulent prendre leur retraite et que d’autres veulent ou doivent continuer à travailler. L’image traditionnelle des personnes âgées assises dans leur « chaise berçante » n’est clairement plus d’actualité. Ceux qui prennent leur retraite demeurent actifs et seront souvent ouverts à la possibilité de recommencer à travailler à temps partiel ou comme consultants. Ceux qui continuent à travailler ont aussi beaucoup à offrir.
Comme partout ailleurs dans le monde, le Canada est aux prises avec une évolution démographique sans précédent: un Canadien sur quatre sera âgé de 65 ans ou plus d’ici 2030. Par ailleurs, le faible taux actuel de natalité a déjà fait en sorte qu’il y a moins de jeunes gens, qui constituent une cohorte trop peu nombreuse. Cela veut dire qu’il y aura une pénurie de main-d’oeuvre lorsque viendra le temps de remplacer ceux qui partiront à la retraite, d’abord la génération née entre 1939 et 1945, et ensuite celle du baby-boom, née entre 1946 et 1965. L’immigration à elle seule ne comblera pas ce vide.
Même si la CARP ne croit pas à la retraite obligatoire et s’oppose fortement à l’emploi obligatoire, les mentalités et les façons d’agir doivent évoluer pour que nous puissions nous adapter à cette nouvelle réalité.
:
Lorsque la CARP s’est opposée à la retraite obligatoire, certains ont craint que l’âge d’admissibilité à la retraite ne soit relevé. Cette idée est inacceptable pour la CARP. Les travailleurs doivent avoir le choix de prendre leur retraite ou non. La décision doit être fondée sur la capacité, jamais sur l’âge. L’âge auquel les gens peuvent toucher leur pension ne doit pas changer, malgré ce qu’en disent le Fraser Institute, l’OCDE, le Conference Board du Canada, un récent article de l’Institut C.D. Howe publié dans le
National Post et un éditorial du
Globe and Mail publié le 28 septembre dernier. Leurs conclusions sont draconiennes et ne prennent pas en considération les vraies personnes dans le vrai monde.
La CARP croit à la carotte, c’est-à-dire les incitatifs, plutôt qu’au bâton, c’est-à-dire les obligations. Les Canadiens sont en meilleure santé et vivent plus longtemps qu’avant. On dit couramment qu’avoir 65 ans aujourd’hui équivaut à en avoir 45 autrefois. C’est donc une erreur que de croire aux mythes, aux stéréotypes, aux préjugés et à la discrimination liés au vieillissement. Par exemple, les personnes d’âge mûr ne sont pas nécessairement faibles, lentes ou malades. Elles peuvent apprendre de nouvelles choses. En fait, elles ont comme bagage une expérience de vie et de travail, de la maturité et une passion pour l’apprentissage continu. Pour citer le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, à l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées:
Le monde entier tirerait partie d’une génération de personnes du troisième âge autonome et à même d’apporter d’immenses contributions à l’effort de développement et à l’édification de sociétés plus productives, plus pacifiques et plus viables sur le long terme.
Cette dynamique devrait être exploitée et mise au service des particuliers, des milieux de travail et de la société. Jumeler les compétences des Canadiens d’âge mûr avec les postes à pourvoir en faisant preuve d’ouverture d’esprit et de créativité, par exemple en reconnaissant qu’une personne peut appliquer dans d’autres domaines les compétences qu’elle possède, est la voie à suivre. Il faut évidemment avoir de l’imagination et sortir des sentiers battus.
Il peut en résulter une croissance de la productivité d’un bout à l’autre du pays. Bien sûr, dans certains cas, une formation ou un perfectionnement professionnel peuvent être requis. Certains emplois devraient tirer parti de l’expérience paraprofessionnelle, par exemple les capacités implicites à l’entretien d’une maison. Encore une fois, cela peut demander une formation.
Beaucoup de personnes fragiles, physiquement ou mentalement, sont tout de même capables de faire certaines activités, même si elles sont limitées. Par exemple, elles peuvent travailler de leur maison à l’aide des technologies de pointe. Leur contribution peut être grande, pour les employeurs et pour eux-mêmes. Les jeunes et les personnes âgées ont beaucoup à échanger, à partager et à apprendre les unes des autres en matière de compétence, d’expérience et d’idées. Si on leur en donne la chance, elles peuvent travailler de concert pour créer un environnement de travail dynamique, productif et efficace.
Il y a aussi des situations où le mentorat, l’assistance professionnelle, la consultation et l’orientation sont utiles. Si c’est bien fait, ces services peuvent être instructifs pour les jeunes comme pour les aînés. Ce pourrait être une solution particulièrement intéressante pour les Canadiens retraités qui veulent travailler à temps partiel ou à contrat. Ce n’est un secret pour personne que vie active et bonne santé vont de pair. Une vie active sur le plan physique, intellectuel et spirituel est un déterminant essentiel à la santé physique et mentale qui permet au système de soins de santé de faire des économies. De plus, la qualité de vie et l’indépendance d’une personne sont aussi en jeu.
Il est important de rappeler encore une fois que nous parlons de travailler par choix et non d’emploi obligatoire. Ce choix ne doit pas être fait en fonction de l’âge, mais plutôt des compétences.
:
Lorsque les travailleurs âgés peuvent faire partie de la population active et qu’ils sont encouragés à le faire, l’économie et les coffres du gouvernement en profitent autant qu’eux. Non seulement ils paient de l’impôt, mais ils remettent également de l’argent dans l’économie, ce qui stimule la productivité. C’est une importante raison de ne pas couper le revenu de pension de ceux qui travaillent encore. Tout cet argent est réinjecté de toute manière.
La CARP est très préoccupée par le sort des quelque cinq millions d’aidants naturels au pays. Leur rôle dans les soins à domicile ne peut être ignoré. Comme beaucoup d’entre eux continuent de travailler ou quittent la vie active pour être des soignants à temps plein, des politiques doivent être mises en place pour permettre des heures de travail flexibles et donner la possibilité de s’absenter pour une période raisonnable. Pour des périodes d’absence prolongée, nous voudrions qu’il y ait une caisse distincte d’assurance-emploi et la possibilité d’une période de congé plus longue que celle présentement en place pour les soins palliatifs. De plus, les dispositions du RPC pour arrêt de travail des nouveaux parents devraient s’appliquer à toutes les personnes qui abandonnent leur emploi pour prodiguer des soins à domicile à des personnes âgées. Nous croyons que dans cette situation, toute personne en état de recevoir des soins devrait être considérée comme faisant partie de la famille.
En conclusion, je voudrais vous présenter les recommandations de la CARP pour favoriser l’employabilité des travailleurs âgés.
Nous aimerions qu’un comité permanent du Sénat ou de la Chambre des communes soit chargé de déceler et de combattre les discriminations fondées sur l’âge dans le milieu du travail. En fait, nous croyons savoir qu’il y aura justement un sous-comité du Sénat présidé par Sharon Carstairs, et nous en sommes très contents; une stratégie et une campagne nationales encourageant les travailleurs âgés à continuer ou à recommencer à travailler, grâce à des mesures comme la retraite progressive, un horaire de travail réduit ainsi que des prestations et des crédits d’impôt pour la formation et l’éducation; des mesures comme du financement ou des crédits d’impôt pour la formation et le perfectionnement professionnel, pour inciter les employeurs à garder en poste ou à embaucher des travailleurs âgés; des programmes de promotion des échanges intergénérationnels permettant de partager des expériences et des idées et de réduire l’écart entre les générations à l’aide du mentorat, de l’assistance professionnelle et de l’orientation; l’abolition de l’âge de la retraite obligatoire, notamment dans les secteurs de réglementation fédérale; un réseau d’aide et d’information électronique et en personne pour les travailleurs âgés à la recherche d’emploi, notamment pour leur montrer à rédiger un curriculum vitae et à se préparer à une entrevue; et une stratégie nationale pour les soignants bénévoles comportant notamment une caisse distincte d’assurance-emploi et des dispositions du RPC pour arrêt de travail pour ceux qui quittent leur emploi afin de dispenser des services aux aînés, des heures flexibles et la possibilité de s’absenter du travail pour une période raisonnable pour ceux qui continuent de travailler.
Dans le peu de temps qu’il me reste, je voudrais féliciter la ministre Finley d’avoir annoncé récemment l’injection de 70 millions de dollars pour les travailleurs âgés dans les régions durement frappées. Nous avons été très heureux d’entendre cela et nous recommandons que cette initiative soit étendue à ceux qui ont 50 ans, peut-être même 45 ans, puisque c’est à cet âge que les professionnels des ressources humaines commencent à qualifier les gens de travailleurs âgés; et, bien sûr, au-delà de 64 ans pour les aînés qui veulent continuer de travailler.
Merci
Je suis professeur à l’Université de Toronto, aux départements de l’éducation et des relations industrielles. J’ai été invité ici à titre de directeur d’un centre de recherche de l’université appelé le Centre for the Study of Education and Work. Le comité directeur comprend des représentants des milieux communautaire, syndical et universitaire, et le projet comprend un réseau formé de dizaines d’experts internationaux dans ce domaine.
Mme Karen Lior, directrice générale de la commission de la formation de Toronto et membre de longue date du comité directeur, prendra la parole tout de suite après moi.
Je voudrais d’abord vous dire un mot au sujet du centre. Le Centre for the Study of Education and Work existe depuis un peu plus de dix ans. De concert avec des dizaines de projets de recherche plus restreints, le centre a produit deux des plus grandes initiatives de recherche en milieu universitaire réalisées au Canada dans le domaine de l’éducation et du travail. La première initiative, de 1996 à 2001, a pris la forme de nouvelles approches au projet de l’apprentissage tout au long de la vie, comportant 30 études qualitatives et la première enquête nationale consacrée à toutes les formes d’apprentissage et de travail, en accordant une attention spéciale à l’apprentissage informel. La deuxième initiative, de 2001 jusqu’à aujourd’hui, a pris la forme d’un projet sur le travail et l’apprentissage tout au long de la vie qui a mené une nouvelle enquête nationale portant sur 9 500 personnes au sujet de l’apprentissage continu et du travail, appuyée par 12 études qualitatives soigneusement choisies pour en valider les conclusions dans divers secteurs et professions et pour divers groupes d’âge. Tous ces travaux de recherche sont disponibles sur notre site Web et dans des publications connexes dont vous trouverez une liste dans les documents d’accompagnement.
De toutes les idées dont nous pourrions discuter aujourd’hui, les deux principales que Karen et moi-même voudrions aborder avec vous sont, premièrement, la reformulation de la problématique de l’apprentissage tout au long de la vie, du travail et de l’employabilité, en accordant une attention spéciale à la transmission des compétences et au sous-emploi, et deuxièmement, l’immigration, la reconnaissance des titres, les normes applicables au travail et aux métiers, dont Karen vous parlera.
C’est grâce aux compétences, au savoir et à l’expertise que le Canada espère se positionner de manière compétitive dans un marché mondialisé. Cependant, le Canada est maintenant le chef de file mondial — nous sommes au tout premier rang, incontestablement — pour les résultats pédagogiques postsecondaires, et nos travaux de recherche depuis dix ans ont documenté que les Canadiens reçoivent énormément de formation qui ne donne pas lieu à des crédits et se livrent en fait à de l’apprentissage informel autonome. Pour reprendre les propos du professeur David Livingstone, titulaire actuel de la chaire de recherche du Canada sur l’apprentissage continu et le travail, il existe aujourd’hui un grave déficit d’éducation et d’emploi.
Il demeure bien sûr pertinent de se pencher sur l'éducation, la formation et d'autres facteurs de l'employabilité, mais il ressort clairement de notre recherche que le principal problème auquel le Canada est confronté aujourd'hui n'est pas en fait une pénurie de main-d'oeuvre, mais plutôt la transmission des compétences et leur application dans le marché du travail. En l'absence de mécanismes efficaces de transmission et d'application, les travailleurs canadiens ont beaucoup plus de chances de se retrouver en sous-emploi, ce qui entraîne un gaspillage économique considérable, de même que des injustices, ce qui nuit à l'inclusion sociale. La principale pierre d'achoppement de notre compétitivité n'est pas l'offre de main-d'oeuvre. Ce sont là les conclusions, dont la preuve a été faite quantitativement et qualitativement, qui ont été tirées après plus dix ans de travail fouillé, une étude qui est en fait la plus approfondie qui ait jamais été faite au Canada.
Mme Lior va aborder dans un instant les questions d'immigration et de commerce, mais je voudrais vous faire part des principaux résultats de la recherche, des questions que nous devons prendre au sérieux.
Premièrement, le Canada bénéficierait énormément de la continuation de cette série d'enquêtes nationales, en ajoutant une enquête nationale 2008 qui ferait suite aux enquêtes qui ont été faites en 1998 et en 2003, le tout constituant une analyse sur dix ans avec un point intermédiaire. Cette enquête peut déjà nous guider pour d'Importantes décisions quant à la manière dont nous pouvons continuer de déployer nos énergies et nos ressources à l'avenir. En outre, il faut continuer de mener des travaux de recherche quantitative et qualitative fondamentale et appliquée pour fouiller davantage ces questions. Plus précisément, ce constat émerge à propos du point névralgique de la transmission des compétences et du savoir et de la problématique du sous-emploi.
Nous sommes maintenant en mesure de poser des questions cruciales, et d'y répondre, au sujet des changements organisationnels et sectoriels, des questions comme les suivantes:
Premièrement, pourquoi nos lieux de travail ne puisent-ils pas pleinement dans l'énorme potentiel des travailleurs canadiens de tous les groupes démographiques, toutes catégories confondues en termes de race, de classe sociale, de sexe et de condition physique?
Deuxièmement, pourquoi les programmes de métier et d'apprentissage ne tirent-ils pas profit des bases extraordinairement solides qui existent déjà parmi la population canadienne en matière d'éducation?
Troisièmement, pourquoi la transition traditionnelle entre l'école et le travail ne réussit-elle pas à diriger les travailleurs vers des emplois productifs, satisfaisants et novateurs?
Et enfin, comment les lieux de travail sont-ils avantagés ou désavantagés par l'interrelation entre le lieu de travail et des collectivités solides, des quartiers intéressants et la participation volontaire au travail? Il s'agit en fait d'un domaine de recherche tout à fait négligé qui pourrait ajouter une valeur économique extraordinaire tout en renforçant l'inclusion sociale dans notre société.
Je vais maintenant céder la parole à Karen Lior.
:
Comme Peter l'a dit, je m'appelle Karen Lior et je suis directrice générale de la Commission de formation de Toronto, qui est l'une des 21 commissions locales dans la province d'Ontario. Nous sommes régis par un conseil d'administration bénévole représentant sept partenaires du marché du travail.
Je vais aborder trois sujets: le déficit croissant sur le marché du travail, qui ébranle la société civile canadienne et crée des obstacles à l'intégration économique et sociale; le fait que les immigrants ont besoin de systèmes qui reconnaissent leurs titres, expérience et qualités acquises à l'étranger; et le fait que tous les travailleurs ont besoin de normes du travail plus étoffées et applicables.
Le Canada est l'un des rares pays industrialisés qui n'ait pas de stratégie économique globale et c'est l'un des problèmes qui nous empêchent de progresser. Le chauffeur de taxi qui m'a amené hier était un comptable du Pakistan qui est maintenant retourné à l'école pour réapprendre tous les principes de comptabilité pour pouvoir exercer sa profession au Canada. Des situations comme celle-là gaspillent beaucoup d'argent à même les deniers publics. Beaucoup de ceux qui travaillent dans les métiers spécialisés, comme les maçons, briqueteurs, charpentiers et tous ceux qui conduisent de la machinerie lourde, font aussi du travail manuel.
Je signale que je vais faire un peu de coq-à-l'âne parce que Peter a déjà abordé certaines de ces questions et je vais en aborder d'autres.
Voici où je veux en venir au sujet des travailleurs qualifiés: nous rendons la tâche difficile aux gens qui veulent se diriger vers un métier spécialisé. Cinquante-deux pour cent de cette main-d'oeuvre va prendre sa retraite au cours des 15 prochaines années. Leurs enfants ne veulent pas se lancer dans les métiers spécialisés. Ils sont passés à d'autres professions. Beaucoup de métiers ont changé avec l'introduction de la technologie, ce qui ouvre des possibilités à ceux qui n'avaient pas envisagé de se diriger vers les métiers spécialisés, mais nous n'avons pas en place les politiques et les programmes voulus pour réorienter les gens de l'école secondaire ou de l'université vers les métiers spécialisés.
On parle des trois piliers du système d'éducation — les collèges, les universités et les programmes d'apprentissage —, mais il y a des passerelles d'accès entre les collèges et les universités, tandis que les programmes d'apprentissage sont à part. Nous sommes l'un des rares pays où l'apprentissage est une solitude, l'une de nos nombreuses solitudes.
Beaucoup des nouveaux emplois qui sont créés sont des emplois à temps partiel mal rémunérés et constituent un ghetto d'emplois précaires. Il nous faut des normes d'emploi permettant aux travailleurs d'être payés. À Toronto, des millions de dollars sont dus à des travailleurs embauchés et ensuite mis à pied par des employeurs peu scrupuleux, ou des travailleurs dont les employeurs refusent de les payer. Plus d'un million de travailleurs dans la ville de Toronto vivent sous le seuil de la pauvreté et un tiers d'entre eux ont des familles et des enfants.
Les personnes handicapées ont très peu d'occasions de participer activement au marché du travail. Dans notre enquête en cours sur les tendances, les possibilités et les priorités, des gens nous ont écrit pour nous demander pourquoi nous ne nous attaquons pas au problème des personnes handicapées.
Il nous faut des politiques générales qui permettent aux gens de se déplacer de la même manière que l'on permet le déplacement des biens et des services. Il y a beaucoup de mobilité dans le monde dans le domaine des biens et services, mais il nous faut des politiques du même genre pour tirer profit des compétences et de l'expertise de nos travailleurs. Il nous faut des politiques qui protègent et encouragent la mobilité des gens et qui créent la mobilité. Pour être compétitifs sur le marché mondial, nous devons trouver des manières d'utiliser à fond les talents et les compétences de tous nos travailleurs. Nous devons comprendre que les mesures de sécurité constituent aussi un obstacle à notre progrès économique.
Je pense que je vais maintenant passer aux conclusions.
Il nous faut des politiques qui permettent aux gens, comme je l'ai dit, d'entrer sur le marché du travail et d'en sortir à volonté. Il nous faut des politiques plus globales qui ne ciblent pas exclusivement l'emploi. Il nous faut des politiques visant à la création de gagne-pain durables, il faut considérer les gens comme des actifs et non pas comme des déficits et surtout pas comme un problème qu'il faut régler. Il nous faut des politiques qui aident les gens à s'aider eux-mêmes. Il nous faut des politiques d'emploi qui sont sensibles à l'intégralité de la vie des travailleurs. Nous devons trouver des moyens de permettre aux femmes d'aller travailler, de permettre aux personnes handicapées d'aller travailler et de permettre à tout le monde d'être des travailleurs productifs qui participent à la croissance économique et à la productivité du Canada.
Merci.
:
Merci beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui.
Je m'appelle Veena Verma. Je suis avocate dans un cabinet de droit du travail et je présente un exposé conjoint au nom de quatre organisations. Je suis ici en compagnie de Jennifer de Vries, la coordonnatrice de programme de la section des réfugiés et de la migration à KAIROS, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice.
KAIROS est un organisme cadre qui réunit des églises et des organisations religieuses pour discuter d'enjeux et d'intérêts communs et préconiser le changement social. KAIROS collabore avec divers partenaires qui se portent à la défense de chaque catégorie de travailleurs migrants, dont nous discuterons aujourd'hui. Veuillez noter que l'exposé d'aujourd'hui présente la position commune du FCJ Refugee Centre, de l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce et de la National Alliance of Philippine Women in Canada.
Je vous signale que des représentants de ces organisations sont ici dans la salle. Au cours de la période des questions et réponses, si vous avez des questions spécifiques concernant les aidants familiaux résidants et les travailleurs sans papiers, nous leur demanderons de s'avancer à la table pour y répondre.
Notre mémoire, qui a aussi reçu l'aval d'Action Canada pour la population et le développement et de la Coalition d'appui aux travailleuses et travailleurs migrants, s'attache à la mobilité de la main-d'oeuvre et au sort des travailleurs saisonniers. Comme votre mandat consiste à étudier l'employabilité au Canada, nous croyons que cela entre tout à fait dans vos cordes. Spécifiquement, nous avons mis l'accent sur trois groupes.
Le premier groupe est celui des travailleurs agricoles saisonniers. Il englobe les travailleurs mexicains et antillais qui viennent au Canada dans le cadre du programme des travailleurs agricoles saisonniers. Mais de plus en plus, cela inclut les travailleurs agricoles qui viennent dans le cadre du projet pilote concernant les travailleurs peu spécialisés, originaires d'autres pays en développement.
Le second groupe de travailleurs migrants est celui des aides familiaux résidants, qui viennent ici également aux termes d'un programme de travail provisoire appelé programme concernant les aides familiaux résidants. Il s'agit de personnes originaires du Sud, surtout des femmes, qui prennent soin d'enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées, et qui s'adonnent à des travaux ménagers.
Le troisième groupe de travailleurs migrants est celui des personnes sans statut. Cela englobe des personnes qui sont arrivées à l'origine au Canada dans le cadre de l'un ou l'autre des programmes temporaires et qui ont ensuite décidé de rester ici; les personnes qui sont arrivées au Canada en tant que survivantes du trafic humain, de la torture ou du viol, ou encore des personnes qui sont venues ici pour rejoindre leur famille, et qui se rendent compte par la suite qu'il est pratiquement impossible d'obtenir un statut au Canada.
En juin 2006, une conférence de deux jours intitulée le National Migrant Justice Gathering a eu lieu à l'Université York. Elle a rassemblé plus d'une centaine d'immigrants et de défenseurs des immigrants qui ont partagé leurs expériences et identifié des préoccupations communes concernant ces trois groupes. Notre exposé d'aujourd'hui s'inspire d'un grand nombre de conclusions issues de cette conférence.
Même si les immigrants et les sans papiers travaillent dans différents secteurs de l'économie canadienne, ils partagent des expériences communes. Chose certaine, on peut dire qu'ils sont vulnérables. Le lien commun qui unit ces trois groupes concerne leur statut. Pendant qu'ils travaillent au Canada, leur statut est temporaire ou illégal.
Les migrants et les sans statut, un groupe à caractère largement racial, fuient souvent la pauvreté dans leur pays d'origine et se retrouvent à vivre et à travailler dans des conditions précaires au Canada. À notre avis, cela s'explique par deux raisons: premièrement, les restrictions applicables à la mobilité des travailleurs pendant leur séjour au Canada; deuxièmement, leur capacité limitée ou leur incapacité d'accéder à la citoyenneté.
Ainsi, aux termes des restrictions applicables à la mobilité des travailleurs, les aides familiaux résidants et les travailleurs agricoles saisonniers sont liés à un seul employeur pendant leur séjour au Canada et ils doivent vivre sur sa propriété. Certains travailleurs qui viennent ici dans le cadre du programme des travailleurs agricoles saisonniers, qui existe depuis une quarantaine d'années, font des séjours au Canada, où ils travaillent entre quatre et huit mois par année, depuis près de 20 ans, sans accumuler quelque droit que ce soit à la citoyenneté.
Les obstacles à la citoyenneté auxquels font face les travailleurs migrants et les personnes sans statut signifient essentiellement qu'ils ne peuvent participer pleinement au processus politique. Ils ne peuvent pas voter ou influencer de quelque façon que ce soit les autorités canadiennes pour les convaincre de s'intéresser à leur situation d'emploi pendant qu'ils sont au Canada.
Ces trois groupes sont aux prises avec des problèmes communs d'exploitation au travail, de logements déficients, d'accès limité aux services sociaux, de bas salaires, de longues heures sans repos adéquat ou rémunération supplémentaire, ainsi que d'agressions verbales et physiques. Dans certains cas, les travailleurs migrants reçoivent un salaire inférieur à celui que touchent les Canadiens qui font le même travail. Ils endurent de telles conditions sans se plaindre parce qu'ils craignent d'être victimes de représailles, ce qui inclut la déportation et le rapatriement.
Le fait de ne pas avoir de statut, ou d'avoir un statut temporaire, allié à l'incapacité de se déplacer au sein du marché du travail pendant leur séjour au Canada, signifie que ces travailleurs sont extrêmement vulnérables aux décisions arbitraires de leur employeur. Les mécanismes d'application de la loi n'ont pas cours. Il n'existe pas de processus d'appel si un employeur prend une décision illégale ou arbitraire, par exemple la décision de rapatrier un travailleur.
Ressources humaines et Développement des compétences Canada, ou RHDCC, exige un avis relativement au marché du travail avant d'approuver la délivrance d'un permis de travail temporaire. Plusieurs facteurs entrent en compte, mais j'en soulignerai deux seulement.
Premièrement, il faut déterminer si l'embauche d'un travailleur temporaire répond à une pénurie de main-d'oeuvre. Les pénuries de main-d'oeuvre dans des secteurs comme l'agriculture, les soins aux enfants ou aux personnes âgées résultent en grande partie des piètres conditions de travail et de la faible rémunération dans ces secteurs, par opposition au manque de travailleurs peu spécialisés au Canada. Historiquement, pendant les périodes de chômage aigu, on a connu des pénuries endémiques qui peuvent persister dans ces secteurs.
Deuxièmement, RHDCC considère un autre facteur dans l'avis relativement au marché du travail avant d'autoriser l'embauche d'un travailleur temporaire — et ce facteur est important pour nous. Il lui faut déterminer si la rémunération et les conditions de travail offertes sont suffisamment intéressantes pour attirer les citoyens canadiens ou les résidents permanents dans ce domaine et les fidéliser.
À notre avis, ce facteur est trop souvent négligé. Essentiellement, le gouvernement du Canada a adopté une politique d'importation de main-d'oeuvre bon marché pour s'acquitter de tâches que les Canadiens ne veulent pas assumer, au lieu de s'attaquer aux conditions de travail lamentables et dangereuses qui sévissent dans certains secteurs.
S'agissant du Programme concernant les aides familiaux résidants, nous sommes d'avis que les travailleurs étrangers temporaires sont utilisés pour privatiser le régime de garderie universel et d'autres services de santé réclamés par la population canadienne. Il faut reconnaître que ces travailleurs fournissent de précieux services sur le marché du travail du Canada en s'occupant des enfants et des personnes âgées ainsi qu'en faisant la récolte de fruits et de légumes destinés à la consommation nationale et à l'exportation.
Notre mémoire écrit renferme dix recommandations, mais j'en retiendrai quatre ce matin.
Premièrement, le système canadien d'immigration devrait accorder la priorité à l'accès à l'immigration permanente par opposition aux programmes dont disposent les travailleurs temporaires. Si une pénurie de main-d'oeuvre est diagnostiquée, on devrait permettre alors aux travailleurs d'entrer au Canada avec un statut de résident permanent de la même façon dont nous le permettons aux travailleurs qualifiés. Si les travailleurs temporaires sont utilisés pour combler une pénurie de main-d'oeuvre, ils devraient avoir un accès complet aux mécanismes d'exécution et des possibilités de présenter une demande de résidence permanente au Canada.
Deuxièmement, la mise en oeuvre d'un programme de régularisation qui accueillerait un moratoire sur les expulsions de travailleurs sans papiers dont le statut doit être régularisé, du moins jusqu'à ce que le cas ait été examiné. Un programme de régularisation devrait nécessairement inclure la vérification de sécurité des personnes présentant des demandes de résidence permanente, comme l'exige la Loi sur l'immigration.
Troisièmement, prévoir un processus d'appel transparent et impartial et offrir aux travailleurs un mécanisme de résolution des différends avant qu'une décision de les rapatrier ou de les expulser ne soit prise.
Et enfin, créer un mécanisme d'examen pour s'assurer que les programmes à l'intention des travailleurs temporaires étrangers ne soient pas utilisés pour combler des pénuries de main-d'oeuvre résultant de conditions de travail précaires et illégales. Il faudrait procéder à des examens périodiques pour déterminer de quelle façon on peut améliorer la rémunération et les conditions de travail dans certains secteurs.
Merci.
[Français]
:
Merci, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais vous remercier de vous être déplacés pour venir faire votre présentation devant ce comité.
En premier lieu, j'aimerais poser à Mme Cutler une question relative aux travailleurs âgés. Certaines industries et entreprises ont pris conscience de l'avantage qu'il y avait à embaucher ces personnes, mais plusieurs ne l'ont pas encore compris.
Vous avez parlé de toute la question de la discrimination. La discrimination est interdite et illégale au Canada: c'est contre la loi. Par contre, on sait que les gens n'en parlent pas. Quand elles doivent faire un choix, les entreprises font de la discrimination en invoquant telle ou telle raison, même si elles ne devraient pas le faire.
Serait-il possible que votre organisation transmette mieux aux entreprises de tout le pays le message selon lequel il y a des avantages à embaucher des travailleurs ayant une certaine expérience, compte tenu du fait qu'ils ont beaucoup à donner aux nouveaux employés beaucoup plus jeunes?
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais immédiatement vous poser une deuxième question. Elle a trait à votre commentaire sur l'annonce des 70 millions de dollars qui a été faite la semaine dernière. J'ai compris votre message et je sais que vous représentez les personnes de 50 ans et plus du pays. Comprenez-vous le fait qu'il y a, partout au pays, ce qu'on appelle des villes et des villages monoindustriels? Dans ces endroits, on a beau former des gens qui ont 55 ans et plus, mais où il n'y a pas d'autre travail pour eux. L'annonce ne couvre pas ces gens-là; elle ne couvre que quelques industries et non pas l'ensemble des régions du pays.
Que fait-on de ces gens lorsqu'on n'a qu'une seule industrie? On peut les former, mais que feront-ils après avoir obtenu leur formation? Même dans certaines villes de 10 000 habitants, il n'existe qu'une seule industrie. Que fait-on lorsque cette industrie ferme du jour au lendemain?
:
À l'Association canadienne des retraités, nous employons beaucoup l'expression « approche intégrée » ou « holistique ». En l'occurrence, c'est très à-propos.
Permettez-moi de commencer par votre deuxième observation. À notre avis, l'annonce d'un investissement dans le développement social est un pas dans la bonne direction, sans plus. Nous sommes heureux qu'on ait à tout le moins reconnu la situation et ouvert la porte quelque peu. Mais ce n'est pas suffisant, et c'est pourquoi nous recommandons que ce ne soit qu'une première étape d'une action beaucoup plus vaste.
Pour ce qui est de la discrimination, nous vivons dans une société axée sur la jeunesse. On constate que l'âgisme sévit en milieu de travail, dans les soins de santé, dans les médias, en fait, dans tous les secteurs de la société. Voilà pourquoi nous sommes ravis que le Sénat ait décidé d'entreprendre une étude en vue d'examiner, de définir et d'identifier le vieillissement et la discrimination fondée sur l'âge, et de faire des recommandations à cet égard. La population est vieillissante et il nous faut faire face à la musique. Cela peut sembler négatif, mais nous pouvons aborder le problème de façon positive. En effet, les personnes âgées peuvent apporter une contribution très positive à l'économie, à nos collectivités et à toute la société.
Pour ce qui est de sensibiliser les employeurs aux avantages liés à l'embauche de travailleurs âgés, un jour ou l'autre, ils n'auront pas le choix parce qu'ils devront embaucher quelqu'un. Pourquoi attendre d'être en situation de crise, en mode de gestion de crise? Si, en tant que société, nous honorions l'expérience et l'expertise, nous n'aurions même pas cette conversation. Nous devons aborder le problème par la base et affronter la discrimination fondée sur l'âge en général. Cette approche se répercutera aussi sur le marché du travail.
Je ne suis pas sûre d'avoir répondu à votre question.
:
Madame Cutler, mon mari a 60 ans et il vient de prendre sa retraite. Il était bien content.
Vous avez écrit dans votre texte que vous ne vouliez pas qu'on oblige les gens à prendre leur retraite à l'âge de 70 ans. Pour ma part, je suis contre cela. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a de petites municipalités qui ont une ou deux entreprises. Il y a des gens qui y travaillent toute leur vie, qui travaillent fort, que ce soit dans le domaine de la construction ou ailleurs, et qui deviennent fatigués.
S'il y a une mise à pied dans une industrie et qu'on fait partir les jeunes de 22, 23 ou 24 ans plutôt que les gens de 60, 62 ou 63 ans, ces jeunes ne resteront pas dans la ville. Ils vont déménager et aller travailler ailleurs. Quand les personnes plus âgées atteindront l'âge de 63, 64 ou 65 ans, dans deux ou trois ans, elles vont partir, et les jeunes ne seront plus là pour prendre la relève, ce qui va créer une deuxième pénurie. Il n'y aura plus de relève.
Je crois que la personne qui a la possibilité de prendre sa retraite à 60 ans, comme mon mari, peut donner de la formation. C'est un acheteur professionnel ayant 35 années d'expérience. Il ne veut plus travailler, car il en a assez, mais il est prêt à donner une journée ou deux de formation à la relève.
On parle du manque de relève. Ce n'est pas en gardant en emploi les gens de 70 ans et en mettant à pied les gens de 22 ou 23 ans qu'on va régler ce problème. C'est mon opinion. Quelle est la vôtre à ce sujet?
:
Le problème tient en partie... Je reviens à ce que Judy disait tout à l'heure au sujet d'un point de vue holistique. Nous croyons que le régime public de pension doit être revu de fond en comble, établi sur de nouvelles bases et enrichi.
Par exemple, nous sommes assis sur un baril de poudre. Les immigrants qui viennent au Canada doivent résider ici pendant 40 années consécutives avant d'avoir droit à la sécurité de la vieillesse. Beaucoup d'immigrants arrivent ici beaucoup plus âgés que cela et je pense qu'il faut vraiment revoir cette disposition, parce que quand ces gens-là vont atteindre l'âge de 65 ans, ils vont tomber dans la catégorie dont vous avez parlé. Voilà donc ce qui nous attend à l'avenir, mais ce sont des éléments de ce genre dans notre régime public de pension actuel qu'il faut mettre à jour pour les aligner sur les réalités d'aujourd'hui.
Le supplément de revenu garanti en est un autre exemple, parce que même si ce supplément a été augmenté pour la première fois en une vingtaine d'années, le montant réel est vraiment minime. Environ un tiers de nos concitoyens vivent sous le seuil de la pauvreté. Notre régime public de pension — la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, certains touchent peut-être un peu d'argent du RPC, d'un conjoint ou de quelqu'un d'autre — garantit que les gens ne vivent pas dans la misère totale, mais cela ne les hisse pas au-dessus du seuil de faible revenu. Il faut donc revoir le système au complet.
Deuxièmement, nous avons préconisé, et en fait le ministre d'État responsable des personnes âgées dans l'ancien gouvernement avait préconisé que les personnes âgées puissent toucher un revenu dépassant d'un certain montant le seuil de faible revenu sans pour autant perdre le supplément de revenu garanti. Je crois que l'on avait recommandé une fourchette d'environ 2 000 $ ou 3 000 $, et c'est ce que nous réclamions nous aussi. Ce n'est pas pour forcer les gens à travailler, mais s'ils doivent travailler pour augmenter leur revenu, ils ne devraient pas perdre les prestations qu'ils reçoivent — c'est pourtant ce qui les attend, parce que s'ils gagnent plus que le seuil de faible revenu, ils perdent 50 cents pour chaque dollar gagné.
Ainsi, notre système n'est pas conçu pour relever les défis que vous avez décrits, et ces défis ne vont pas disparaître non plus à l'avenir, parce que bien des gens travaillent à temps partiel quasiment à plein temps, de sorte qu'ils n'accumulent pas de pension. Ils pourront donc compter seulement sur le régime public de pension. Nous espérons que lorsque ce comité sera créé par le Sénat, il se penchera sur les problèmes que vous avez évoqués dans le cadre de la révision globale qui s'impose dans notre pays.
:
Voilà deux petites questions.
Des voix: Oh, oh!
Mme Karen Lior: Il y a deux ans, le Forum canadien sur l'apprentissage a publié une étude intitulée « L'accès et la réussite des programmes d'apprentissage au Canada: Un rapport de consultations ». De manière générale, les programmes d'apprentissage présentent certains problèmes.
L'un des problèmes est qu'il n'y a pas de système cohérent pour l'apprentissage au Canada. Prenons un électricien de l'Ontario qui veut aller travailler en Colombie-Britannique sur le chantier des Jeux olympiques; ses compétences ne seront peut-être pas reconnues. La balkanisation et la provincialisation des programmes d'apprentissage rendent la tâche très difficile aux apprentis et aux journaliers qui veulent se déplacer. Il est difficile de faire reconnaître les titres de compétence, et cela vient renforcer la pénurie de compétences. Quant à savoir si c'est une pénurie de compétences ou de ressources humaines, j'ignore la réponse à cette question.
Un autre problème se pose: les apprentis peuvent bien aller au collège et suivre toute la formation voulue, mais ils ont ensuite les plus grandes difficultés à trouver un employeur. Même avec une formation très poussée et des titres de compétence dans un métier, l'obstacle est que les employeurs ne voient pas l'apprentissage comme un investissement, mais plutôt comme un coût.
Une autre étude récente du Forum canadien sur l'apprentissage portant sur le rendement des investissements dans la formation montre que pour chaque dollar dépensé pour former un apprenti, on obtient des retombées de 1,38 $. C'est donc un investissement qui offre un rendement intéressant. Mais il faut changer les mentalités, le paradigme sur la formation d'apprentis, trouver le moyen d'encourager les employeurs à embaucher des apprentis et les amener à ne plus voir cela comme un gaspillage de ressources.
Nous n'avons absolument pas de culture de la formation au Canada. Dans les enquêtes publiées par l'OCDE, nous nous situons habituellement quelque part entre le 23e et le 26e rang parmi les pays industrialisés pour le montant que nous investissons dans la formation de nos travailleurs. Beaucoup d'employeurs ont la perception que leurs travailleurs sont censés arriver complètement formés et prêts à faire le travail. Quant à savoir qui est censé assurer cette formation, la question reste posée. C'est donc une autre transition que nous devons opérer.
Tout le monde veut devenir menuisier ou électricien, et les métiers dans lesquels nous manquons d'effectifs sont moins attrayants, moins populaires. Nous devons trouver des façons de faire comprendre aux parents que les métiers sont extraordinairement lucratifs. Serais-je heureux si mes enfants s'étaient lancés dans des métiers et pouvaient subvenir à mes besoins dans ma vieillesse, de sorte que je n'aurais plus à m'inquiéter de la retraite, ce qui n'est pas mon cas parce que je paye encore leurs études universitaires? Oui, je serais vraiment heureux s'ils étaient devenus des hommes de métier. J'ai un acteur et un danseur. Je vais continuer à payer pour eux à tout jamais. Mais nous devons trouver des moyens d'amener les conseillers en orientation scolaire à encourager spontanément les jeunes à se lancer dans des programmes d'apprentissage; il faut trouver des occasions de présenter les métiers aux jeunes de manière attrayante.
J'ai déjà dit à un groupe de gens de métier qui voulaient savoir comment obtenir que des jeunes filles qui ont complété le premier cycle d'études secondaires se lancent dans les métiers: vous avez une annonce télévisée dans laquelle on voit une femme qui émerge de son habit de soudeur; elle retire son casque, enlève ses lunettes et sa brillante chevelure déboule sur ses épaules. Elle dit: « J'ai soudé cette pièce sans même me casser un ongle ». Ils ont dit que c'était tellement peu féminin. Je leur ai rétorqué: « Vous voulez attirer des filles qui fréquentent l'école secondaire, eh bien voici le comptoir des produits de beauté. »
Nous devons changer la manière dont nous parlons des métiers, et nous devons donner des occasions aux gens de les adopter. Nous devons appuyer les employeurs pour qu'ils puissent embaucher des apprentis. Nous devons voir cela comme un investissement.
:
Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront à Mme Verma et Mme Devries.
En tant que député libéral du Nouveau-Brunswick, j'ai appuyé dans ma circonscription un projet que le gouvernement précédent a financé, qui s'appelait Carrefour d'immigration rurale et dont le but était de faciliter l'intégration des immigrants au milieu francophone rural du pays. Je suis conscient que la même chose existe au niveau anglophone. C'est une question d'intégration. Premièrement, il faut faire comprendre à la population que nous sommes tous ici des immigrants. Deuxièmement, c'est la tolérance qui est un peu plus difficile à implanter dans certaines régions.
Vous dites que les gens ne reçoivent pas nécessairement le salaire que reçoivent les travailleurs canadiens ou les travailleurs demeurant au Canada et ayant la citoyenneté canadienne. Vous me direz si j'ai tort, mais je crois que s'il y a des gens qui sont ici pour travailler en agriculture de façon temporaire et qui n'ont aucun statut, comme vous l'avez mentionné, c'est parce qu'il y a un besoin, ou encore parce que les travailleurs demeurant actuellement au Canada et ayant leurs papiers de citoyenneté ne veulent pas certains de ces emplois, ou tout simplement parce qu'il y a un manque de travailleurs.
Si les personnes ayant leur citoyenneté ne veulent pas ces emplois ou que des industries comme celle de l'agriculture manquent vraiment d'employés pour assumer leurs obligations, on devrait s'assurer que ces travailleurs soient respectés, parce qu'on a besoin d'eux. Travaillons en conséquence et donnons-leur le coup de main nécessaire: c'est une question de respect.
En répondant à la question de mon collègue Albrecht, vous avez lu la section qui mentionne que l'employeur peut renvoyer quelqu'un pour « toute autre raison ». Je sais que les travailleurs immigrants n'ont pas de protection et n'iront pas se plaindre de peur de perdre leur emploi et d'être renvoyés chez eux. C'est certain que cette situation risque de faire en sorte que ces gens ne reçoivent pas un salaire équitable pour le travail qu'ils font. Il serait donc primordial d'établir des règles justes et équitables pour ces travailleurs, compte tenu du fait qu'on en a besoin au Canada. Ce n'est pas comme si on n'en avait pas besoin. S'il y a des ententes entre pays, c'est certainement parce qu'on a besoin d'eux.
Donc, si j'ai bien compris, un de vos objectifs est de faire en sorte qu'il y ait des documents pour assurer le respect de ces gens au niveau de leur travail.
Je m'adresse également à vous, madame Verma.
Au Québec, nous avons notre propre système d'immigration. Le Québec a le droit de choisir ses immigrants. Je connais des gens qui ont accueilli des immigrés du Mexique qui sont venus travailler ici. Pour les accommoder, ces gens ont appris l'espagnol. C'était plus facile de communiquer avec eux. J'espère qu'au Québec, on traite bien ces immigrés.
Avez-vous une comparaison entre provinces? Existe-t-il des provinces où les immigrés sont moins bien traités que dans les autres provinces? J'aimerais savoir cela.
Deuxièmement, je vis dans un milieu où il y a une université française et une université anglaise. Beaucoup de jeunes immigrés — des néo-Québécois et des néo-Canadiens — ont atterri chez nous, mais ils ont des diplômes non reconnus par le Québec ou le Canada. C'est leur problème.
Je vous donne l'exemple d'une personne qui a étudié en droit en Argentine. Là-bas, les droits ne sont pas tout à fait les mêmes qu'au Québec et au Canada. J'ai aussi à vous soumettre le cas d'un travailleur manuel qui fait du béton. Or, le béton qu'on fait au Mexique n'a pas les mêmes propriétés que celui du Québec et du Canada, où il fait froid. Il y a un processus à suivre. Il faut que cette personne réapprenne à mélanger les bons ingrédients.
Je crois que le problème n'est pas l'immigré qui arrive, mais le consulat canadien qui ne donne pas l'heure juste.
Quand l'immigré demande d'aller au Canada, c'est bien beau, mais quand il arrive ici, c'est comme s'il se trouvait tout à coup devant un mur. On ne peut pas donner de l'emploi à des ingénieurs qui viennent de l'extérieur, parce que nous avons un surplus d'ingénieurs au Québec. Il faut donc faire attention de choisir la bonne personne au bon moment pour le bon emploi.
Voici maintenant ma troisième question. Nous faisons face à une réalité, celle de la religion. Il faut faire attention à cela aussi, parce que certaines religions limitent le travail que les personnes peuvent effectuer. J'aimerais vous entendre aborder ce sujet.
J'espère que vous avez bien compris mes trois questions.