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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La 26e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie est ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude des défis auxquels est confronté le secteur manufacturier canadien.
    Nous tiendrons aujourd'hui une séance en deux parties. Durant la première, nous accueillerons l'Association canadienne des producteurs d'acier, représentée par son président, Ron Watkins, et son directeur, Stephen Sampson, du Conseil canadien du partenariat pour l'acier. Bienvenue, Messieurs.
    Je crois comprendre, monsieur Watkins, que vous allez faire une déclaration liminaire. Je vous invite à être aussi bref que possible; vous serez limité à 10 minutes, après quoi nous ouvrirons une période de questions.
    Vous pouvez commencer, M. Watkins.
    Bon après-midi, monsieur le président, et merci beaucoup. Bon après-midi, membres du comité. Bonjour, Mesdames et Messieurs.
    L'Association canadienne des producteurs d'acier est heureuse de pouvoir participer à vos délibérations. L'étude que vous avez entreprise est tout à fait nécessaire et n'a même que trop tardé. Beaucoup trop de Canadiens tiennent le secteur manufacturier pour acquis ou, pis encore, s'imaginent que notre économie peut prospérer sans une assise industrielle compétitive et diversifiée.
    Le secteur de l'acier est directement intéressé par votre étude à la fois parce que c'est un secteur manufacturier important mais aussi parce que sa clientèle englobe d'autres secteurs de fabrication et de transformation des ressources. En outre, notre secteur est un gros client de nombreux autres tels que les mines, le transport ou le génie. Nos relations de chaînes d'approvisionnement s'étendent donc en amont et en aval.
    Les sociétés membres de l'ACPA sont présentes dans cinq provinces pour répondre aux besoins de clients des secteurs industriel, commercial, résidentiel, de grande consommation et des services publics.

[Français]

    Avec des ventes annuelles d'environ 13,5 milliards de dollars, nos membres emploient quelque 35 000 Canadiens et Canadiennes pour fabriquer 15 à 16 millions de tonnes métriques d'acier par année. Nous exportons plus d'un tiers de cette production, principalement aux États-Unis. En somme, cependant, le Canada est un importateur net d'acier. L'année dernière, les importations ont totalisé que 9,3 millions de tonnes métriques contre des exportations de 5,4 millions de tonnes.
(1535)

[Traduction]

    L'ACPA partage les préoccupations exprimées dans le rapport provisoire du comité, notamment les conséquences de la triple augmentation de la valeur du dollar canadien, des prix de l'énergie et de la concurrence mondiale. Notre industrie a déjà fait beaucoup de progrès pour y faire face mais elle a encore de grands défis à relever.
    Depuis plusieurs années, nos gains de productivité dépassent largement la moyenne du secteur manufacturier. Nous enregistrons un rythme d'innovation effréné. Nous faisons de grands progrès sur le plan de l'efficience énergétique et avons réussi à réduire considérablement les GES et les polluants, en termes absolus et en intensité.
    Nos progrès futurs dans ces domaines exigeront des investissements et des réinvestissements dans les usines, l'équipement, l'innovation et la main-d'oeuvre. On ne comprend pas assez, selon nous, que la mondialisation oblige à faire concurrence non seulement pour décrocher des marchés mais aussi pour effectuer des investissements. Si nous voulons attirer le capital nécessaire, d'autres pays ou d'entreprises mondiales, nous devrons tout simplement offrir des conditions concurrentielles par rapport aux autres possibilités d'investissement.
    Par conséquent, l'ACPA approuve les mesures d'investissement déjà proposées à votre comité par plusieurs secteurs manufacturiers. Premièrement, l'amortissement en deux ans de l'investissement dans les nouveaux équipements et machines productifs accélérerait le taux de remplacement des immobilisations, ce qui favoriserait l'amélioration des structures de coût et de productivité, l'efficience énergétique et les gains environnementaux. Deuxièmement, une nouvelle réduction du taux d'imposition des sociétés pour le ramener à 17 % en cinq ou six ans. Troisièmement, des améliorations pour la recherche et développement afin de stimuler l'innovation. Quatrièmement, un crédit d'impôt pour la formation professionnelle financée par l'employeur, afin de rehausser la productivité de la main-d'oeuvre. Cela pourrait prendre la forme, par exemple, d'un crédit pour les primes d'assurance-emploi de l'employeur.
    Je sais que votre comité est déjà très bien informé sur ces diverses questions et qu'il s'est aussi penché sur d'autres qui sont importantes à nos yeux, comme la tarification, la disponibilité et la fiabilité de l'énergie, ainsi que la nécessité d'accélérer la mise au point de sources d'énergie nouvelles et de remplacement. Nous pourrons également discuter de la nécessité largement admise d'améliorer l'infrastructure et les procédures frontalières. Au lieu de répéter ce que d'autres vous ont dit sur ces questions, je préfère en aborder d'autres qui ont jusqu'à présent moins retenu l'attention.
    La première est le commerce international, notamment l'industrialisation rapide de pays comme la Chine et l'Inde, ce qui est pour le Canada un couteau à deux tranchants. Manifestement, ce phénomène crée pour nos entreprises de nouveaux marchés que nous devrions attaquer de manière plus agressive. Par contre, il signifie aussi que ces pays ont pour politique délibérée d'appuyer les industries qu'ils jugent cruciales, comme l'acier, au moyen de subventions directes et indirectes, de la protection des marchés et d'aides à l'exportation.
    Autre phénomène ayant une incidence moins évidente sur notre secteur manufacturier, le subventionnement des exportations de biens contenant de l'acier, comme les appareils ménagers et l'équipement industriel. Ces produits supplantent une production intérieure en Amérique du Nord, à la fois dans ces secteurs mêmes et dans ceux qui les approvisionnent, comme le nôtre.
    Le secteur de l'acier chinois est fondamental à cet égard. Même avec une croissance inférieure à deux chiffres, c'est devenu un important secteur d'exportation net grâce à de nombreuses mesures gouvernementales d'accroissement de la capacité chinoise et de subventionnement des exportations. La constitution rapide d'une capacité excédentaire en Chine et dans d'autres économies émergentes considérant que l'acier est un secteur stratégique provoquera inévitablement des distorsions sur les marchés du Canada et d'ailleurs. Je souligne que cette capacité excédentaire continue d'augmenter très rapidement.
    Permettez-moi cependant de préciser que nous ne sommes pas ici pour proposer de nouvelles mesures de protection commerciale ni pour réclamer des subventions à la production. Nous recommandons plutôt à votre comité d'entériner l'importance d'appliquer les règles commerciales existantes car les pratiques déloyales causent des distorsions dans le secteur manufacturier canadien. Il serait d'ailleurs encore préférable de lutter contre ces pratiques avant qu'elles ne causent des problèmes encore plus graves, voire des litiges commerciaux.
    J'aborde maintenant un deuxième thème, tout à fait différent, qui est la nécessité de créer des grappes industrielles et de consolider les relations de chaînes d'approvisionnement. Comme la mondialisation a pour effet d'étaler géographiquement les chaînes d'approvisionnement, nous pouvons renforcer notre compétitivité intérieure en créant des grappes locales ou régionales d'industries et d'infrastructures reliées.
(1540)
    Les grappes industrielles sont des regroupements de fournisseurs et de gros clients, ce qui crée un bassin plus large pour former et conserver une main-d'oeuvre qualifiée. Elles sont efficientes sur le plan des transports et permettent aux entreprises de collaborer à la mise au point de technologies, produits et procédés nouveaux. Nous devrions donc chercher des moyens compétitifs et pragmatiques de renforcer nos grappes industrielles ainsi que nos liens industriels et technologiques intérieurs. L'une des possibilités en est offerte par l'infrastructure de la recherche. Vous entendrez plus tard le Dr Frise, d'AUTO21, qui vous racontera une histoire impressionnante à ce sujet.
    Le transfert à Hamilton des laboratoires CANMET de Ressources naturelles Canada représente une occasion importante pour le secteur de l'acier. En effet, cela réunira les capacités de l'industrie, de l'université et de la technologie gouvernementale pour créer un nouveau centre d'excellence canadien dans le secteur de la science des matériaux et de la métallurgie.
    La troisième question que je souhaite aborder est celle d'une main-d'oeuvre adaptable et bien informée pour répondre aux besoins du secteur manufacturier du 21e siècle. Les programmes de ressources humaines, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, devraient être axés plus directement sur les connaissances techniques de pointe et les métiers très qualifiés dans lequels on s'attend à des pénuries. En outre, comme je l'ai déjà dit, un incitatif fiscal à la formation industrielle favoriserait l'apprentissage continu et le perfectionnement des compétences de la main-d'oeuvre existante.
    Il convient par ailleurs d'agir plus tôt dans ce domaine. Trop d'éducateurs et d'étudiants ont une image désuète du secteur manufacturier. Les gouvernements et les entreprises doivent collaborer avec eux pour faire connaître à la population active de demain l'attrait d'une carrière dans le secteur manufacturier. Nous sommes très heureux que votre comité ait formulé des recommandations à ce sujet.
    Finalement, il convient de se demander comment intégrer le mieux possible tous ces facteurs pour appuyer les intérêts du secteur manufacturier à moyen et à long terme. En bref, l'établissement de mécanismes de partenariat permettrait de conjuguer les forces des principales parties prenantes pour fixer des objectifs réalistes, cerner les mesures à prendre et rehausser les chances de succès des entreprises canadiennes.
    Les partenariats avec l'industrie pourraient prendre de nombreuses formes différentes. Quelle que soit leur structure, ils offriraient une chance unique pour le Canada de prendre des mesures pour rehausser sa compétitivité mondiale. Le Canada eat particulièrement apte à agir de cette manière et cela pourrait nous donner un avantage compétitif.
    Le secteur de l'acier a été particulièrement actif dans ce domaine. Nous travaillons depuis de nombreuses années avec les syndicats dans le cadre du Conseil canadien du commerce et de l'emploi dans la sidérurgie, qui formule actuellement des propositions concernant les besoins de compétences du secteur. Bon nombre de secteurs industriels du Canada ont une population active vieillissante, plus de la moitié de leur main-d'oeuvre étant âgée de plus de 45 ans.
    À l'échelle internationale, les gouvernements de l'ALENA et leurs entreprises sidérurgiques ont formé le Conseil nord-américain du commerce de l'acier et, dans le cadre du Partenariat pour la sécurité et la prospérité, nous avons formulé une stratégie nord-américaine de l'acier, approuvée par les trois gouvernements.
    Plus récemment, l'ACPA a intégré des représentants de niveau supérieur de nos gouvernements, de nos clients, de nos fournisseurs, de nos travailleurs et du monde universitaire. La prochaine étape de ce processus consistera à formuler une vision commune à long terme et des initiatives qui permettront aux participants d'agir ensemble pour continuer à faire progresser le secteur sidérurgique canadien.
    Cela met fin à mes remarques liminaires, monsieur le président. Comme je l'ai dit, je n'ai abordé que les questions qui ont jusqu'à présent moins retenu l'attention. Nous remercions le comité de son intérêt à l'égard de nos recommandations et nous participerons activement à la période des questions.
    Merci beaucoup, M. Watkins. C'était un exposé très intéressant. Je vous en remercie.
    Nous passons maintenant à la période des questions et je donne six minutes à M. MacTeague.
    Merci, monsieur le président.
    M. Watkins et M. Samson, merci d'être venus aujourd'hui et d'avoir présenté de manière si concise les thèses de votre secteur.
    J'ai quelques questions d'ordre général à vous poser. Vous avez parlé de problèmes de capacité et de l'avenir de votre secteur qui a déjà connu un certain nombre de changements, à la fois quant au nombre d'entreprises et à leur production, ainsi qu'à la valeur même du secteur qui a sensiblement augmenté, ce dont nous sommes tous très heureux, avec la hausse des prix de l'acier.
    Je voudrais avoir votre point de vue sur certaines questions d'ordre stratégique. Il me semble que nos entreprises ont abandonné certaines parties du marché de l'acier. Par exemple, nous ne produisons plus d'acier inoxydable. Il serait difficile, je crois, de trouver un seul producteur canadien au niveau primaire de la fabrication d'acier. On a plutôt tendance aujourd'hui à produire à un niveau plus élevé, et je trouve surprenant qu'un pays qui a une telle abondance de...
    La dernière société qui fabriquait de l'acier inoxydable vient d'être rachetée et nous constatons que le prix de l'acier inoxydable atteint des sommets inouïs.
    Nous voyons aussi quelle incidence cela peut avoir sur d'autres types de fabrications. Le comité entendra peut-être des représentants des nombreux utilisateurs d'acier inoxydable qui se plaignent de ne plus avoir accès à une production canadienne et d'être tributaires des vicissitudes d'un marché international pour qui le Canada est tout à fait secondaire sur le plan de la consommation. Qu'en pensez-vous?
    Je voudrais avoir aussi ce que vous pensez de l'évolution du secteur. Le rachat de nombreuses entreprises est-il préoccupant? Je sais que nous n'en sommes plus à Minmetals mais je pense, par exemple, au rachat de nos aciéries de Hamilton par Arcelor.
    Finalement, j'aimerais vous demander — et je vous pose cette question très sérieusement — si l'annonce du 31 octobre concernant les fiducies de revenu aura une incidence négative ou neutre sur votre secteur.
(1545)
    Merci, monsieur McTeague.
    En ce qui concerne votre première question, et cela vaut non seulement pour l'acier inoxydable mais pour toute la gamme des produits d'acier, on a constaté un degré élevé de consolidation et de spécialisation dans l'industrie. Comme je l'ai dit, nous faisons concurrence sur toute l'Amérique du Nord et je ne crois pas me tromper en disant que nous avons probablement le marché le plus ouvert au monde. Nous faisons concurrence aux importations de nombreux pays autres que les États-Unis et, sur le marché nord-américain, nous devons faire concurrence à de très grosses sociétés. Aucune de nos sociétés sidérurgiques ne fait partie des 50 plus grosses au monde, et la spécialisation est certainement un facteur important.
    Votre deuxième question concernait les rachats d'entreprises, phénomène qui est loin d'être terminé, à mon avis. Il y a déjà eu d'importants changements de propriété dans le secteur sidérurgique canadien, et pas seulement en ce qui concerne la propriété, d'ailleurs. Nous avons vu ce qui est arrivé avec Stelco et Algoma dans le cadre de la LACC. Aujourd'hui, il y a la situation de Dofasco avec Arcelor, qui est intéressante dans le contexte de la combinaison Mittal-Arcelor dont elle ne fait pas partie. Il est donc vrai que plusieurs de nos grandes sociétés ont maintenant de nouveaux propriétaires et, dans une certaine mesure, de nouveaux gestionnaires, et il faudra voir comment cela continuera d'évoluer.
     Votre dernière question concernait les fiducies de revenu. Très franchement, je n'y vois aucune incidence sur notre secteur mais je précise que je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec nos membres.
    Merci.
    En ce qui concerne vos usines de Sault Sainte-Marie, sont-elles dans une situation précaire? Des députés ont posé des questions à ce sujet en Chambre et il semble maintenant que la situation soit très précaire. Pouvez-vous nous dire pourquoi? Est-ce à cause des subventions dont vous avez parlé plus tôt ou de la surproduction dans certains pays comme la Chine?
    Nous ne discutons généralement pas de la situation financière détaillée des entreprises mais je dois dire que celle dont vous parlez a fait des progrès notables depuis qu'elle est sortie de la protection de la LACC. Le nouveau président, Denis Turcotte, a fait de bonnes choses. Nous avons reçu ce matin les résultats financiers du trimestre et ils sont très positifs.
    Cela dit, c'est un secteur qui est continuellement en transition. Je pense qu'il y aura encore beaucoup de changements. Je n'ai pas l'intention de spéculer sur la situation de telle ou telle entreprise et je peux vous dire que c'est un secteur très dynamique et très fluide.
    Voici une autre question. Si nous adoptons l'amortissement accéléré de deux ans que vous demandez, serons-nous dans la même situation que les autres pays ou serons-nous en avance?
(1550)
    La question importante est de savoir quels sont les taux d'imposition effectifs pour les investissements étrangers. En outre, ce sont bien sûrs les États-Unis qui sont notre principal concurrent en matière d'investissements. Comme vous le savez, ils ont déjà appliqué des systèmes d'amortissement accéléré dans le passé et ce que nous proposons nous rendrait plus concurrentiels à cet égard.
    Merci.
    M. Vincent.

[Français]

     Il y a eu le témoignage de l'Association canadienne des producteurs d'acier qui affirmait que certains négociants et courtiers importaient et enfreignaient régulièrement l'esprit des règles canadiennes régissant les droits compensateurs en matière d'antidumping. Est-ce encore la même chose? Utilise-t-on encore les mêmes façons de procéder?

[Traduction]

    Merci.
    Brièvement, les recours commerciaux et les poursuites restent un facteur important dans notre secteur, autant au Canada qu'à l'étranger. Certes, il y a eu moins d'interventions de cette nature au Canada qu'aux États-Unis, par exemple, mais on continue de voir des poursuites antidumping et des poursuites pour obtenir des droits compensatoires. Cet été, par exemple, le Tribunal canadien du commerce extérieur a terminé un examen de l'acier laminé à chaud et a rendu un jugement en faveur des entreprises canadiennes. Il a conclu à l'existence d'un préjudice potentiel et a maintenu l'ordonnance.
    Il y a des problèmes immédiats et des problèmes à plus longue échéance. Il y a les marchés immédiats avec les pressions de certains pays qui continuent d'être jugés, au Canada ou ailleurs, comme enfreignant les lois sur le commerce. Le problème à longue échéance est celui que j'ai mentionné au début, la hausse énorme de la capacité de production mondiale.
    Cette année, la Chine produira plus de 400 millions de tonnes d'acier et aura une surcapacité de 40 à 50 millions de tonnes, et même probablement plus. À titre de comparaison, notre production totale s'élève à 15 ou 16 millions de tonnes. De nombreux pays sont très inquiets d'assister à cette explosion de la capacité de production, pas seulement en Chine mais aussi en Inde et dans d'autres économies émergentes qui augmentent leur capacité beaucoup plus vite que nécessaire. Évidemment, cet acier excédentaire finit par se retrouver sur les marchés mondiaux. C'est déjà une préoccupation très importante dans l'immédiat mais ce le sera encore plus dans les années à venir.

[Français]

    Selon les transformateurs d'acier, la problématique pour s'approvisionner, c'est de trouver de l'acier à des taux qui sont encore à des prix raisonnables pour être concurrentiels. Le problème, c' est que la Chine est capable d'en acheter et d'avoir tout le potentiel au plan de l'acier. Mais ici, on n'est plus capables d'en acheter parce qu'il est déjà trop cher et les producteurs qui transforment l'acier à partir de la matière première nous disent que cela est trop coûteux, qu'ils ne font plus d'argent et qu'ils vont fermer leurs industries. Est-ce cela la réalité d'aujourd'hui?

[Traduction]

    En ce qui concerne le Canada et la Chine, par exemple, il faut bien comprendre que beaucoup des intrants dans la fabrication de l'acier se transigent sur un marché plus ou moins mondial. Par exemple, on expédie de la ferraille en Chine mais elle est achetée sur un marché libre. Les sources d'énergie et les autres intrants se vendent également à des prix auxquels la Chine est confrontée.
    Évidemment, il y a toujours le problème de sa main-d'oeuvre qui coûte moins cher que la nôtre. Toutefois, la main-d'oeuvre ne représente qu'une toute petite partie du prix de l'acier. C'est probablement équivalent à moins de d'une journée de salaire par tonne, en moyenne. La Chine a donc certains avantages en matière de coûts mais, en revanche, elle est confrontée à des coûts de transport internes et externes. Nos entreprises ont la ferme conviction qu'elles peuvent faire concurrence, sur le marché nord-américain, à l'acier provenant de la Chine ou d'autres pays si la concurrence est loyale.

[Français]

     Monsieur Watkins, dans votre capacité concurrentielle, j'aimerais savoir dans quelle portion cette dite capacité est influencée par l'environnement? Et pour ce faire, avez-vous des données concernant la réduction des gaz à effet de serre que les entreprises ont réalisée entre 1990 et aujourd'hui? Dans une perspective d'avenir, la réglementation concernant les gaz à effet de serre et les polluants est-elle un stress très fort dans cette capacité concurrentielle de vos entreprises?
(1555)

[Traduction]

    Au sujet du stress ou de la pression, nous savons que la performance du secteur en matière d'environnement est une donnée importante de l'équation de durabilité. Vous parlez de comparaisons depuis 1990. Si je peux vous donner quelques chiffres récents, les émissions totales de gaz à effet de serre ont baissé de 17 % et, sur le plan de l'intensité, de 29 %. Ces chiffres remontent à 2003 et ce sont les derniers dont on dispose.
    Il y a également eu une baisse de la production de polluants : de 75 % pour le benzène, de 31 % pour le NOx et de 76 % pour l'anhydride sulfureux. Nous avons donc déjà fait tous ces progrès et nous continuons d'être concurrentiels tout en effectuant les investissements nécessaires. L'efficience énergétique globale du secteur a augmenté de plus de 25 %. Cela vous montre que le secteur s'attaque très sérieusement à ces problèmes.
    Évidemment, nous savons bien que les exigences réglementaires pourraient à terme causer des difficultés mais nous avons passé un protocole d'entente avec les gouvernement fédéral et ontarien en ce qui concerne les GES et nous avons entamé des discussions avec le gouvernement sur les dispositions de la Loi sur l'air pur.
    Je crois comprendre que vous avez déjà entendu des représentants d'autres secteurs industriels, monsieur le président. Je crois pouvoir dire que la situation dans le secteur manufacturier en matière d'environnement est bien meilleure que ne le pensent la plupart des gens.
    Nous passons à M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui.
    Je voudrais parler du libre-échange et de l'ALENA et des résultats que nous obtenons en Amérique du Nord et sur les autres marchés. On entend beaucoup dire que le Canada devrait négocier d'autres accords de libre-échange, notamment avec la Corée.
    Avez-vous une position sur la négociation d'un accord de libre-échange avec la Corée?
     Permettez-moi de vous répondre en abordant plusieurs aspects de cette question, monsieur Carrie.
    Tout d'abord, pour ce qui est des fabricants d'acier au Canada, des marchés qu'ils approvisionnent et des nouveaux produits qu'ils vendent, c'est presque exclusivement au Canada et aux États-Unis. Je pense que plus de 90 % de nos exportations vont aux États-Unis. Nous n'allons pas vendre beaucoup d'acier à la Corée qui est déjà le cinquième producteur mondial.
    Je pense que les facteurs importants concernant le libre-échange avec la Corée concernent l'accès au marché pour les consommateurs canadiens de produits sidérurgiques. Je sais par exemple que le secteur des pièces d'automobiles souhaite réduire les obstacles à l'accès au marché coréen et que, si ce secteur connaissait plus de succès international, cela serait évidemment bénéfique au secteur canadien de l'acier.
    De manière générale, nous partageons largement l'opinion de l'industrie. Nous souhaitons manifestement un accord traitant de nos intérêts industriels de manière positive. Du point de vue du consommateur d'acier, cela pourrait être un facteur important car l'acier que nous fabriquons est rarement utilisé directement par les ménages, par exemple. Il est toujours utilisé par d'autres industries, pour fabriquer divers types de produits, et c'est là que ça aurait une incidence, je crois.
    Très bien. Merci.
    Comme je viens d'Oshawa, j'ai été très impressionné par l'industrie de l'automobile, le CPSCA —
    Oui.
    — et j'ai vu qu'il y a le Conseil canadien de partenariat sur l'acier. Pouvez-vous me donner quelques détails sur les caractéristiques de ce groupe, de ce partenariat? Comment peut-il aider le gouvernement à formuler des politiques favorables à votre industrie?
    Absolument, et je demanderai dans un instant à M. Sampson de compléter ma réponse.
    Comme je l'ai dit au début, je pense que le conseil de partenariat est un outil très constructif et que c'est quelque chose que les Canadiens font en réalité fort bien — réunir l'industrie, le monde syndical, les gouvernements au niveau supérieur, bien sûr, et le monde universitaire pour tenter de faire le point sur une industrie et de cerner les mesures à prendre pour son avenir.
    Personnellement, je connais très bien le processus du CPSCA et je pense qu'il a déjà obtenu des résultats importants, pas seulement du point de vue des questions sur lesquelles il s'est penché mais aussi en réunissant la communauté, ce qui correspond à l'idée des grappes industrielles dont j'ai parlé plus tôt.
    Steve, pourriez-vous nous parler des questions sur lesquelles se penche le CCPA? Nous avons eu en septembre une réunion avec le ministre Bernier et nous en sommes maintenant à l'étape de l'élaboration d'un plan de travail détaillé.
(1600)
    C'est exact, le Conseil a tenu deux réunions. Il existe depuis un peu plus d'un an. Comme vous le savez, il n'y en a que trois en tout, les deux autres concernant l'automobile et l'aérospatiale.
    L'objectif ultime est d'élaborer une vision de compétitivité et de pérennité. Nous essayons de ne pas nous concentrer sur le court terme. Certes, il y a de temps à autre des problèmes particuliers ou des crises mais nous tenons vraiment à nous concentrer sur le long terme. Que peut faire ce groupe unique de parties prenantes ayant pour intérêt commun d'assurer la force du secteur sidérurgique du Canada? Que peut faire ce groupe pour élaborer des politiques qui nous permettront d'asseoir le secteur sur des bases plus solides afin d'améliorer réellement sa compétitivité?
    Nous avons mis sur pied des groupes de travail, par exemple sur les ressources humaines, sur l'innovation, sur le développement des marchés, sur les tendances internationales et sur l'investissement. C'est une manière d'intégrer toutes ces perspectives différentes. Ensuite, nous espérons formuler des recommandations très précises à l'intention non seulement des gouvernements fédéral et provinciaux mais aussi des entreprises elles-mêmes.
    Excellent. Très bien.
    On a parlé un peu des gaz à effet de serre. Si le gouvernement agit pour mettre en oeuvre les idées de Kyoto ou les échanges de carbone, quel effet cela aura-t-il sur la compétitivité du secteur à long terme?
    Du point de vue des producteurs d'acier, si nous entrons dans un régime où il faut acheter des crédits simplement pour se conformer, il n'y aura pas d'investissement qu'on pourra récupérer.
    Nous fonctionnons essentiellement selon le principe des MTEAR, les meilleures techniques existantes d'application rentable, et la démarche que nous avons adoptée avec le protocole d'entente que nous avons signé avec le gouvernement consiste d'abord à essayer d'atteindre le maximum possible, étant entendu que nous avons déjà réalisé beaucoup de progrès.
    Pour le long terme, et c'est ce qui compte dans le plan sur l'air pur, quelles seront les technologies vraiment innovantes? Si l'on veut apporter un changement immense à la manière dont l'acier est fabriqué, il faudra trouver des technologies innovantes. Le gouvernement et l'industrie participent à ce qu'on appelle le projet de percée sur le dioxyde de carbone mis en oeuvre par le International Iron and Steel Institute.
    Le Canada participe à ce projet, l'objectif étant de trouver des solutions pour rehausser l'efficience environnementale du processus.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    L'une des choses que j'ai constatées dans la partie de votre mémoire consacrée aux mesures exigées sur plusieurs fronts est que vous abordez le problème de la compétitivité par le truchement des politiques intérieures concernant en particulier l'innovation, les compétences, l'énergie, l'environnement et l'infrastructure. Je pense que vous avez parfaitement raison.
    Les Canadiens appuient généralement les politiques publiques, qu'elles concernent la qualité de l'air ou les infrastructures, s'ils pensent qu'elles sont favorables au bien commun et qu'elles contribuent à l'emploi et à la compétitivité. Je ne connais pas le projet en détail mais l'une des choses dont on a parlé est l'usine de cogénération de Stelco. Correspond-elle aux éléments que je viens de mentionner? Je sais qu'on affirme avec vigueur dans la région de Hamilton qu'elle permettrait d'améliorer la qualité de l'air, qui est actuellement un grave problème. Comme je viens de Windsor, en Ontario, nous avons la même chose là-bas et, si on ne peut pas contrôler, on peut au moins améliorer la situation.
    Deuxièmement, cela rendrait en outre Stelco plus concurrentielle.
    Pourriez-vous nous donner des détails sur la situation pour voir si ça correspond à ce que vous...
(1605)
    La réponse est oui, c'est le cas. Je pense qu'il y a un double effet, parce que c'est meilleur pour l'environnement et aussi sur le plan des profits, si l'on trouve le moyen de le faire.
    Il y eu des problèmes avec la cogénération. Je ne parle pas du savoir-faire mais plutôt de questions concernant la connexion au réseau, l'établissement des prix et la gestion des pics de demande. Il y a plusieurs problèmes différents à régler.
    Dans le cas de Stelco, la cogénération est l'un des projets que l'on estime susceptibles d'avoir un effet positif mais il va falloir franchir l'obstacle pour atteindre le palier suivant. Je pense qu'une combinaison de changements de la réglementation concernant l'interaction avec le réseau et de mesures axées sur l'investissement pour en faire un projet plus viable permettrait probablement de faire des progrès réels dans ce domaine.
    Je ne sais pas si vous le savez mais, il y a une ou deux semaines, Algoma a annoncé son propre projet de cogénération, ce qui est également une étape très positive.
    En ce qui concerne votre conseil de partenariat, s'il y a un appui public et des incitatifs ou des subventions avec des conditions pour réaliser de tels projets, avec Stelco ou n'importe quelle autre entreprise, comment cela sera-t-il perçu par votre partenariat? Estime-t-on généralement que les initiatives ou programmes de soutien publics sont là pour tout le monde, à condition que le processus soit juste et transparent? Est-ce généralement de cette manière que l'organisation est construite?
    C'est une proposition qui n'a pas encore été mise à l'épreuve. Je pense que l'opinion générale est que les programmes qui sont plus généralement disponibles et qui sont axés sur des choses telles que la cogénération offrent clairement des formes différentes de bienfaits publics.
    Ce à quoi notre secteur s'oppose depuis très longtemps, ce sont les subventions en capital ou à la production offerte aux entreprises, d'abord parce que nous nous y opposons quand d'autres pays les offrent et, ensuite, parce qu'elles faussent la concurrence. En revanche, des projets axés sur l'environnement, qui offriront évidemment des avantages sur le plan de la concurrence, susciteront des réactions plus favorables. Voilà le genre de distinction que nous faisons.
    Cela dit, nous n'avons pas encore eu à connaître ce genre de situation de manière généralisée.
    Ce sera cependant probablement une bonne situation à connaître. Je pense que c'est la nouvelle réalité. Nous pouvons continuer à nous plaindre quand les autres pays appliquent des stratégies innovatrices, souvent lorsqu'il s'agit d'entreprises ayant une usine en Amérique du Nord et une autre ailleurs. Évidemment, nous devons faire face à ce problème. Nous n'allons cependant pas mettre fin à cette pratique puisque beaucoup de pays y ont recours unilatéralement.
    Une autre brève question concernant la production par pays. Quand on regarde le classement, le Canada est au 16e rang. Où étions-nous dans le passé? Avons-nous...
    Nous sommes assez stables à cet égard. Nous sommes parfois au-dessus et parfois en dessous. Nous sommes très proches du Mexique. Ils nous ont peut-être dépassé depuis deux ou trois ans. Quand j'ai vu les chiffres, à ce moment-là, nous étions déjà au 16e rang.
    Je ne sais pas si votre organisation peut le dire mais j'aimerais savoir quel pays a vraiment changé, au cours des cinq dernières années, disons, ou s'il n'y a pas vraiment de changements importants. Ce serait utile.
    Nous pourrions très certainement obtenir cette information. Je peux vous dire que le premier aujourd'hui ne l'était pas il y a cinq ans.
    C'était évidemment...
    Si vous regardez les chiffres, environ le quart de la production mondiale vient de Chine.
     C'est incroyable.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Masse.
     C'est maintenant M. McTeague qui a la parole.
    Avec votre indulgence, monsieur le président, je ne sais pas si M. Arthur souhaite intervenir. Si oui, je pourrais raccourcir mes questions et lui donner du temps. À vous de décider.
    J'ai pour l'instant M. Van Kesteren et M. Arthur.
    Si vous êtes d'accord, ce serait très bien.
    Parfait.
    Je n'ai qu'une question concernant les pourcentages d'exportation par rapport à la consommation intérieure. Je ne vois pas ça dans votre tableau. Je parle des exportations intérieures de votre industrie dans son ensemble.
    C'était ma seule question.
    C'est probablement dans notre mémoire mais je n'en ai pas parlé.
    L'an dernier, nous avons exporté environ 5,4 millions de tonnes et importé 9,3 millions de tonnes. Donc, notre déficit net est d'environ 3,9 millions de tonnes.
(1610)
    Avez-vous une idée de ce que représente notre consommation intérieure dans tout ça?
    La consommation intérieure totale du Canada se situe autour de 18 à 19 millions de tonnes.
    Ce qui représente quel pourcentage? En avez-vous une idée?
    L'an dernier, les importations représentaient 51 % du marché canadien.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur McTeague.
    M. Van Kesteren.
    Si vous êtes d'accord, monsieur le président, je laisserai M. Arthur poser ses questions avant moi.
    C'est parfait.
    M. Watkins, ai-je bien compris que, selon vous, l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud n'aurait aucun effet sur la sidérurgie canadienne?
    Comme nous n'exportons pas d'acier en Corée, je pense que ça n'aurait aucune d'incidence directe. Il y aurait une incidence indirecte dans la mesure où cela permettrait à nos clients d'avoir un meilleur accès au marché coréen. Le revers de cette médaille est, bien sûr, que les produits coréens contenant de l'acier jouiraient d'un accès plus facile au marché canadien, ce qui aurait un effet sur nos clients et, indirectement, sur notre marché.
     Je crois que la Corée du Sud est un gros producteur d'acier.
    C'est un producteur important, oui.
    Les négociateurs du gouvernement canadien vous ont-ils consultés sur leurs négociations avec la Corée du Sud?
    C'était avant mon époque mais il y a eu des discussions il y a plusieurs mois. Je n'y ai pas participé personnellement et je ne peux donc pas vous dire quelle en a été la nature.
    Je crois pouvoir dire, M. Arthur, que nous avons été tenus informés de l'évolution des négociations.
    Une dernière question : dans quelle branche de la sidérurgie le Canada est-il absolument le meilleur au monde?
    Si vous posiez la question aux entreprises, elles vous diraient que nous le sommes dans plusieurs branches mais je vais vous donner quelques exemples. Il y a d'abord les aciers de l'automobile où Dofasco et Stelco en particulier sont très fortes.
    Un autre exemple est ce que nous appelions autrefois les produits tubulaires, expression de l'industrie désignant les produits destinés à la prospection pétrolière. Il y a à Regina une société comme IPSCO, par exemple, qui est très forte dans ce domaine. En fait, elle a aussi mis au point certaine des nouvelles technologies de pipelines.
    Nous avons un certain nombre de domaines de compétence dans les différentes gammes de produits. Si vous voulez, nous pourrions vous envoyer une liste des produits de chacun des producteurs d'acier.
    Ma question était de savoir où nous sommes absolument les meilleurs au monde.
    Je vous ai donné deux exemples mais nos entreprises sont très bonnes dans tout ce qu'elles font.
    Je ne m'attendais pas à recevoir un catalogue en réponse.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    M. Van Kesteren, vous avez deux minutes.
    Merci d'être venus, Messieurs.
    Je voudrais continuer sur la question du meilleur au monde. Voulez-vous dire que vous développez des créneaux spécialisés? Est-ce là l'avenir du secteur sidérurgique?
    Je ne suis pas sûr que ce soient des créneaux au sens où on l'entend dans d'autres secteurs. Il s'agit plus d'une production spécialisée. Par exemple, l'un des grands développements du secteur de l'acier au cours des 10 dernières années a été la mise au point de ce qu'on appelle le châssis automobile ultraléger, dans le cadre du projet ULSAB.
    Évidemment, en termes de volume, c'est loin d'être un créneau. C'est un secteur très important et c'est un produit de premier plan pour le secteur de l'automobile. Il y a d'autres productions qui sont plus limitées et qui sont des créneaux mais, de manière générale, dans un secteur à utilisation intense de capital comme l'industrie sidérurgique, on cherche des productions à très gros volume.
    Ça semble être la tendance mondiale.
    Et je pense que la spécialisation continuera à l'avenir.
    Voyez-vous un secteur d'avenir particulièrement brillant? Y a-t-il un secteur où nous pouvons être concurrentiels et vraiment...
    Nous sommes tout à fait convaincus de pouvoir faire loyalement concurrence à tout le monde grâce à nos systèmes de production.
(1615)
    Je suis un peu troublé. Vous avez besoin de charbon et de minerai de fer et vous nous dites que la main-d'oeuvre n'est pas tellement importante. Pourquoi avez-vous donc tant de mal à faire concurrence aux Chinois et aux Coréens — mais surtout aux Chinois — si ce n'est pas à cause de la main-d'oeuvre?
    Je lisais aujourd'hui un article intéressant où un observateur de McKinsey disait que la Chine semble être le seul pays au monde ayant des prix d'exportation inférieurs à ses prix intérieurs.
    Il y a beaucoup de complications dans le système mais il est clair qu'il y a de grosses subventions, du capital bon marché, des marchés protégés, c'est-à-dire beaucoup de facteurs prouvés qui sont une grande source de préoccupation. Si les conditions de la concurrence sont les mêmes pour tout le monde, nous sommes prêts à faire concurrence à tout le monde. Par contre, nous ne voulons pas devoir faire concurrence à des gouvernements.
    Je regrette, monsieur Van Kesteren, votre temps de parole est écoulé.
    M. Lussier.

[Français]

    Vous avez souvent parlé de la Chine, mais vous avez aussi mentionné l'Inde et je ne vois pas sa production dans votre tableau. Avez-vous des chiffres concernant la production d'acier de l'Inde? À quel rang se situe ce pays au plan international? Y a-t-il, entre la position six et la position 15 qui sont absentes de votre tableau de la première page, le Bangladesh?

[Traduction]

    Si vous me donnez 30 secondes, je vais voir si je peux trouver la réponse. J'ai avec moi une publication qui contient beaucoup de données et j'espère pouvoir trouver la réponse.
    Sur tous les grands pays producteurs d'acier, vous voulez connaître la situation actuelle de l'Inde, qui était au septième rang en 2005?

[Français]

    Le Bangladesh.

[Traduction]

    Je ne pense pas que le Bangladesh soit sur la liste. La liste s'arrête au 41e pays.

[Français]

    D'accord. Maintenant, pour les industries de l'acier de l'Ontario, d'où vient l'approvisionnement en minerai brut?

[Traduction]

    Ça vient du Québec. La plupart des aciéries intégrées sont celles qui fabriquent de l'acier à partir de zéro, pour ainsi dire. Les sources sont Iron Ore, essentiellement du Québec et du Labrador. Il y a aussi QCM, Québec Cartier Mining, qui fait partie du groupe Dofasco, et Stelco, je crois, qui est aux mines Wabush dans la région de Québec-Labrador.

[Français]

    Dans la capacité concurrentielle, quelle est la portion de l'importation du Québec qui va vers l'Ontario? Quelle portion joue-t-elle au plan des coûts relatifs à la question de la concurrence? Parce que cela arrive par bateau, quelle partie du coût de la production d'acier est considéré dans le transport?

[Traduction]

    Je n'ai pas la réponse à la question avec moi. J'essaierai de la trouver et de vous l'envoyer, si ça vous convient.
    D'un point de vue général, votre question est très pertinente au sujet du lien fondamental entre des régions comme la Côte nord du Québec, la Voie maritime du Saint-Laurent et la région de la sidérurgie de l'Ontario. Tout ça est très relié et on ne peut pas vraiment avoir l'une sans l'autre, mais nous pourrons certainement vous trouver des statistiques.
    il est important de comprendre aussi, quand on compare les industries du Québec à celles de l'Ontario, par exemple, qu'une bonne partie de l'industrie ontarienne n'est pas une industrie de hauts fourneaux ou de convertisseurs basiques mais plutôt d'arcs électriques. Elle exploite de la ferraille et d'autres types d'intrants. Elle n'aura donc pas le même type de lien, bien qu'il puisse avoir de la ferraille du Québec qui serve à fabriquer de l'acier en Ontario, et vice versa.

[Français]

    Ce que je vois aussi dans le port de Montréal, c'est que la scrap, comme vous l'appelez, quitte le Canada en direction de la Chine. Donc l'Ontario n'est pas le seul consommateur de la scrap du Québec. Est-ce votre position?

[Traduction]

    Étonnamment, il y a un gros commerce mondial de la ferraille.
    Nous exportons et importons beaucoup de ferraille au Canada. Par exemple, Manitoba Rolling Mills utilise des vieux wagons de chemin de fer comme produit de charge. Certains viennent des États-Unis et d'autres du Canada. C'est un marché très actif.
(1620)

[Français]

    Je n'ai pas saisi, avez-vous dit des railroad tracks?

[Traduction]

    Des wagons de chemin de fer?

[Français]

    Car pas track.

[Traduction]

    Non, des wagons.
    Merci beaucoup.
    Je sais que nous vous avons gardés quelques minutes de plus que prévu et nous vous en remercions.
    M. Masse.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais demander au greffier de s'adresser aux différents ministères. Nous avons recueilli aujourd'hui des informations sur un accord de libre-échange avec la Corée. J'aimerais que le ministère du Commerce international et le ministère de l'Industrie nous disent quelles études et consultations ont été faites avec les différents secteurs.
    Je sais qu'il y en a eu au sujet de l'automobile. J'aimerais savoir s'il y en a eu au sujet de l'acier et d'autres secteurs. Je crois que ce serait une information importante pour le comité.
    D'accord. Les deux ministères, du Commerce et de l'Industrie?
    Oui. Merci.
    Très bien, nous allons demander l'information.
    Merci beaucoup, Messieurs, d'être venus.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute ou deux pour vous permettre de rassembler vos documents et pour laisser aux nouveaux témoins le temps de se préparer. Je vous remercie à nouveau d'être venus.
(1620)

(1625)
    Mesdames et Messieurs, nous reprenons la séance avec de nouveaux témoins.
    Nous accueillons maintenant, je pense que tout le monde en conviendra, deux des meilleurs universitaires s'intéressant aux industries du Canada. Il s'agit d'abord du Dr Peter Frise, PDG et directeur scientifique d'AUTO21, et du Dr Michael Raymont, président et PDG d'Innovation énergétique au Canada.
    C'est votre première fois, Dr Frise?
    Les membres du comité se souviendront du Dr Raymont qui était venu témoigner à titre de directeur suppléant du Conseil national de recherches.
    Bienvenue à tous les deux.
    M. Frise.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un honneur et un plaisir d'être ici.
    Dans mon mémoire, auquel je ferai référence, je présente AUTO21, qui est l'un de plus de 20 réseaux de centres d'excellence financés par le gouvernement fédéral canadien dans des secteurs tels que la fabrication et le génie, la santé et les ressources naturelles. Je vais vous parler aujourd'hui de l'importance des RCE pour le Canada, notamment d'AUTO21, et aussi de la problématique du système canadien d'innovation qui, à mon avis, joue un rôle important dans l'amélioration de notre compétitivité mondiale.
    Sur le plan socio-économique, le secteur de l'automobile est le plus grand secteur de fabrication au Canada, comme vous le savez tous. Vous trouverez des chiffres à ce sujet à la première page de mon mémoire et ils seront peut-être utiles à ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien ce secteur.
    C'est un secteur très dynamique. Pratiquement toutes les chiffres concernant l'automobile sont énormes et, très franchement, le Canada occupe une très grande place dans ce secteur. Depuis 2000, nous sommes passés du cinquième au huitième rang comme pays fabriquant des automobiles mais, en fait, nous fabriquons aujourd'hui un peu plus d'automobiles et de camions qu'à l'époque et ce, malgré la montée d'autres économies comme la Chine. J'appuie vigoureusement à cet égard ce que les témoins précédents vous ont dit : nous devons faire concurrence à l'échelle mondiale, la situation est très dynamique et les choses changent très vite.
    L'une des principales statistiques de la page 1 porte sur la surcapacité mondiale. Vous pouvez constater que le monde est capable de produire 80 millions de véhicules par an alors qu'il n'en produit que de 62 à 64 millions, ce qui reflète une surcapacité énorme. De fait, cette surcapacité est exactement égale à la capacité d'assemblage de véhicules en Amérique du Nord, ce qui veut dire que nous devons nous battre pour obtenir chaque emploi possible dans le secteur de l'automobile et chaque possibilité de production partout où c'est possible, et nous ne pouvons le faire qu'avec l'innovation. Comme je l'affirme à la page 2 de mon mémoire, nous ne pouvons pas faire ça au rabais. Nous ne pouvons le faire qu'en étant rapides, agiles, fiables et innovateurs, en produisant des choses de grande qualité.
    Je voudrais faire une remarque d'ordre général sur le rôle des organismes de recherche universitaires et du secteur public.
    À mes yeux, le rôle des organismes de recherche des universités et du secteur public est de produire du savoir pour nous faire avancer dans beaucoup de domaines différents et pour éduquer la population afin de rehausser son employabilité et stimuler son énergie créatrice. Les universités ne fabriquent pas d'automobiles ni de pièces détachées et je pense qu'il est important, alors que nous entreprenons — je l'espère — un examen systématique du système d'innovation du Canada, de nous assurer que tout le monde joue le rôle qui lui revient et s'en tient à ce qu'il sait faire.
    AUTO21, j'espère que vous en conviendrez, a été un excellent investissement pour les Canadiens. C'est un partenariat public-privé efficace et efficient dans tous les sens de ces mots. Le conseil d'administration est dirigé par... et la majorité des administrateurs sont du secteur privé, d'entreprises actives d'une manière ou d'une autre dans le secteur de l'automobile. Ce sont des cadres de très haut niveau qui sont résolus à consacrer beaucoup de temps et d'énergie à gérer AUTO21 de manière efficace et efficiente, conformément aux règles du programme des RCE.
    L'une des choses les plus excitantes des réseaux de centres d'excellence est qu'ils permettent de franchir harmonieusement les frontières de nombreuses disciplines différentes. Je crois qu'il est important de comprendre qu'il faut permettre aux bonnes personnes de se pencher sur les bons problèmes. Tous les problèmes ne peuvent pas nécessairement être résolus par les gens d'une même discipline. En fait, certains des plus difficiles exigent une approche pluridisciplinaire.
    Par exemple, au sujet d'un problème de sécurité des véhicules dont nous nous occupions récemment, nous avions une équipe regroupant des infirmières, des médecins, des ingénieurs, des physiothérapeutes, des spécialistes de la cinétique humaine et des sociologues. Ce genre de chose est très important. Dans le système classique de financement de la recherche au Canada, il n'est pas facile à des gens couvrant un aussi large éventail de disciplines différentes de travailler ensemble parce que les conseils de subventionnement ont tendance à avoir des mandats relativement rigides. Certes, ils essayent de surmonter cet obstacle mais je pense qu'AUTO21 et d'autres organismes semblables ont une souplesse qui est très utile pour s'attaquer à ce genre de problèmes.
(1630)
    Ceci m'amène au thème central de mon message pour votre comité. Je crois que vous avez trois questions à prendre en considération et j'espère obtenir votre appui à ce sujet.
    Tout d'abord, il convient d'apporter un changement à la réglementation afin d'éliminer la clause crépusculaire de 14 ans s'appliquant aux RCE. Les centres d'excellence ont été structurés au Canada — et c'est une invention canadienne de la fin des années 80 — avec un mandat originel de sept ans pouvant être reconduit sur demande pendant sept autres années.
    Permettez-moi de dire immédiatement, et je le redirai sans doute, que je ne crois absolument pas à l'idée des droits acquis. AUTO21 ne s'oppose absolument pas un examen minutieux, rigoureux et attentif de ses activités, l'obligeant par exemple à faire la démonstration de ce qu'il apporte avec les deniers publics qui lui sont donnés. En revanche, je pense qu'il serait absurde de travailler d'arrache-pied pour créer un bon programme obtenant l'adhésion du secteur utilisateur — l'industrie — et offrant une possibilité d'éducation exceptionnelle aux jeunes Canadiens et de le fermer ensuite simplement parce qu'un certain nombre d'années se sont écoulés. Je pense que ça ne tiendrait pas debout. Pourtant, c'est comme ça que le programme a été conçu et j'estime que c'est une erreur.
    Aux pages 4 et 5 de mon mémoire, je donne l'exemple du programme australien de centres de recherche en collaboration dont les auteurs se sont inspirés du programme canadien de RCE. L'un des derniers centres de recherche en collaboration de l'Australie s'appelle AutoRTC et il est directement copié sur AUTO21. C'est dit clairement dans la proposition. Ce programme australien permet aux réseaux de demander continuellement à être reconduits pendant des périodes successives et les demandes sont généralement accordées tant qu'ils bénéficient de l'appui du secteur utilisateur. Tant que ce secteur reste engagé — notamment sur le plan financier — à faire un investissement en contrepartie des fonds du secteur public, le gouvernement maintient son engagement. Cela a permis à l'Australie de faire des progrès dans la recherche et, ce qui est encore plus important, d'appuyer des secteurs économiques clés à un niveau largement supérieur, à mon avis, à ce que pourrait normalement faire un pays de 21 ou 22 millions d'habitants. Je pense que c'est parce que son programme a été systématiquement conçu pour réussir et pour produire certains résultats. J'estime que nous devrions en examiner attentivement les caractéristiques.
    Je le répète, je ne crois pas aux droits acquis. Si AUTO21 cesse de fonctionner correctement et de créer de la valeur, et si l'industrie cesse de l'appuyer, je serai le premier à suggérer son élimination.
    L'autre question que je souhaite aborder brièvement est la collaboration entre les divers organismes fédéraux de financement de la recherche. J'en donne plusieurs exemples dans mon mémoire. À l'heure actuelle, on doit adresser à un organisme une demande d'aide pour financer l'équipement et à un autre une demande pour financer le personnel. Or, ces deux organismes ne communiquent pas vraiment très bien, ce qui est fâcheux. Il faut une démarche plus systémique.
    Finalement, je pense que le financement des programmes créant de la valeur et de l'emploi devrait comporter un facteur inflationniste pour leur permettre de rester compétitifs. S'il est vrai que les entreprises doivent faire concurrence à l'échelle mondiale, c'est vrai aussi pour les organismes de recherche qui veulent obtenir les meilleurs chercheurs, le meilleur équipement et les meilleures idées. Je pense que le Canada a beaucoup fait ces dernières années pour appuyer la recherche et l'innovation mais j'estime qu'il a encore beaucoup à faire.
    Je recommande par conséquent au comité d'envisager une révision systématique de la manière dont tous les programmes fonctionnent et s'intègrent pour faire en sorte que les choses se passent de manière cohérente.
    Comme je pense que je n'ai plus de temps, je vous remercie beaucoup de votre attention.
(1635)
    Merci beaucoup, M. Frise.
     Je donne maintenant la parole à monsieur Raymont pour 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. C'est un plaisir pour moi de m'adresser à vous cet après-midi.
    Comme l'a dit le président, j'ai mené une carrière assez diversifiée. Je passe actuellement du temps à Ottawa pour le Conseil national de recherches mais, avant cela, j'étais un entrepreneur oeuvrant dans le secteur du capital-risque. Autrement dit, je m'occupais d'innovation technologique et de commercialisation de l'innovation.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom d'un organisme appelé EnergyNet, qui est un consortium impartial, à but non lucratif et ne faisant pas de lobbying d'entités du gouvernement et de l'industrie soucieux d'accélérer l'innovation technologique dans le secteur de l'énergie.
    Je ne viens vous demander rien de particulier mais plutôt vous présenter la situation de l'innovation dans le secteur de l'énergie du Canada afin de vous montrer qu'elle n'est pas aussi efficace qu'elle devrait l'être et qu'elle pourrait être améliorée.
    Tout d'abord, il est évident qu'un approvisionnement sûr et fiable d'énergie sous la bonne forme, au bon endroit, au bon moment et pour les bons clients est crucial pour les entreprises et pour l'ensemble de la société. Je ne doute pas que beaucoup de témoins vous l'ont déjà dit ces derniers mois. Pour ma part, je veux parler de l'énergie elle-même et de son importance, puis de l'innovation dans ce secteur, qui n'est pas aussi efficace qu'elle pourrait l'être.
    La première diapositive, au bas de la première page, fait ressortir le lien indéniable et essentiel entre consommation d'énergie et prospérité économique. Certes, l'angle de cette courbe pourrait être différent mais il ne fait aucun doute que, si l'on veut passer du bas au sommet de la courbe, on doit consommer plus d'énergie, que ça nous plaise ou non. Cela fait partie de la durabilité, mot que j'emploie ici pour désigner la durabilité économique et la durabilité de notre société et de notre mode de vie, en plus de son sens usuel relié à l'environnement.
    L'énergie est-elle une plaie ou un bienfait? Comme je viens de le dire, la consommation d'énergie est étroitement reliée au PIB et au niveau de vie, et elle est manifestement très importante pour assurer la prospérité du secteur manufacturier. L'une des choses les plus importantes que je tiens à vous dire est que la production et la consommation d'énergie ne contribuent pas en soi de manière importante au réchauffement climatique. Si l'on convertissait en chaleur chaque joule d'énergie produite — et la thermodynamique détermine que la majeure partie est convertie en chaleur — cela ne relèverait pas la température de la planète de plus de 1/10e ou 2/10e de degré. Ce sont les sous-produits de la consommation et de la production d'énergie qui contribuent au réchauffement de la planète.
    Donc, l'accroissement de la consommation d'énergie n'est pas axiomatiquement problématique et ne va pas à l'encontre d'un usage responsable, de la durabilité ou de saines politiques environnementales. De fait, l'énergie contribue à la résolution de maints problèmes mondiaux, d'ordre social ou environnemental.
    Le dessalement de l'eau de mer exige de l'énergie, tout comme la séquestration du bioxyde de carbone, etc. J'affirme donc que nous devrions accélérer activement les technologies de production d'énergie tout en atténuant les sous-produits de la production et de l'utilisation pour empêcher la détérioration continue de l'environnement. Et cela vaut autant pour les énergies fossiles que pour les énergies renouvelables ou de remplacement.
    L'augmentation de la demande mondiale d'énergie n'est pas causée uniquement par le Canada — en fait, le Canada n'y contribue que de manière mineure — mais surtout par des pays comme la Chine et l'Inde, et vous connaissez les statistiques que je vous montre ici. L'augmentation de la consommation mondiale d'énergie est inévitable. La bonne nouvelle est qu'il y a beaucoup de sources d'énergie dans le monde. La question est seulement d'arriver à les exploiter et à les utiliser.
    En réalité, on peut affirmer qu'il y a suffisamment de sources d'énergie dans le monde pour des centaines d'années, si ce n'est indéfiniment. Ce sont les technologies d'extraction et les sous-produits de ces industries qui posent problème, et il n'y a pas de solution magique. Chaque source d'énergie sera nécessaire et les combustibles fossiles — les sources d'énergie de carbone — continueront de subvenir aux besoins mondiaux d'énergie pendant les 100 ou 200 prochaines années. C'est une réalité incontournable.
    Le recours aux sources d'énergie renouvelables augmentera rapidement mais celles-ci ne représenteront encore que 20 % à peine de la consommation mondiale d'ici à 2050 si nous faisons du bon travail en matière d'innovation.
(1640)
    Nous pouvons envisager plusieurs options pour l'avenir. Nous pouvons continuer à faire comme nous avons toujours fait, ce qui aggravera les tensions géopolitiques, perturbera l'approvisionnement, intensifiera la détérioration de l'environnement et le changement climatique et provoquera plus d'instabilité sur les marchés et sur les approvisionnements, ou nous pouvons entrer dans une ère d'approvisionnement énergétique responsable et durable axée sur les combustibles fossiles, en particulier, mais en en réduisant l'empreinte carbonique et les exigences en ressources secondaires, c'est-à-dire en eau. Nous devons intégrer toutes les sources d'énergie au réseau de distribution et au marché en envisageant l'énergie de manière systémique. Nous devons accélérer la mise au point de sources d'énergie non conventionnelles et de remplacement pour qu'elles puissent entrer progressivement dans le circuit de l'énergie et nous mener vers un type d'énergie plus verte. Cela veut dire qu'on met l'accent sur la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies, mais aussi sur une réglementation adaptée et sur un environnement commercial plus certain et plus stable permettant de faire des investissements à long terme dans les nouvelles technologies d'énergie.
    Je répète qu'il faut admettre que les combustibles fossiles continueront d'être la principale source d'approvisionnement mondial pendant les 100 prochaines années, à peu près — il va bien falloir l'admettre — et que la technologie peut être extrêmement utile pour atténuer certaines des difficultés qu'ils causent. Pour vous donner une idée de la manière dont la technologie peut être utilisée, j'ai préparé une diapositive montrant comment les ressources de la mer du Nord ont évolué depuis leur découverte en 1976. Les trois couleurs différentes — je crois c'est seulement en noir et blanc sur vos copies — montrent comment la technologie a fait doubler à deux reprises les réserves disponibles en mer du Nord.
    Le défi n'est donc pas d'apprendre à utiliser moins d'énergie, bien que je n'aie strictement rien contre l'amélioration de l'efficience énergétique et la conservation dans la panoplie des solutions à nos problèmes, mais de libérer l'innovation technologique pour accroître nos approvisionnements tout en en minimisant l'incidence environnementale. La solution au problème est d'intégrer et d'équilibrer une chaîne d'innovation pour mettre en oeuvre des solutions efficaces.
    Que veut-on dire par chaîne d'innovation? Qu'est-ce que c'est? La diapositive suivante, qui est un peu plus complexe, je m'en excuse, montre comment les idées se transforment en produits, du bas vers le haut et de la gauche vers la droite, et débouchent sur un bienfait économique. Voilà ce qu'est une chaîne d'innovation. Elle démarre avec le savoir et s'achève avec un produit donnant un bienfait économique. Si nous n'avons pas une chaîne d'innovation fonctionnant exactement de la même manière que les chaînes d'approvisionnement traditionnelles, mais une chaîne de savoir comportant de bons liens intégrés et des acteurs différents en cours de route, nous n'obtiendrons pas les bienfaits économiques qui devraient résulter des millions de dollars dépensés au début de la chaîne.
    Si vous voulez comparer la performance du Canada en matière d'innovation, examinez la diapositive suivante qui résulte d'études réalisées par un groupe composé de moi-même et de Lipsey, de Simon Fraser, avec la contribution de Michael Porter. On y voit certaines statistiques comparant le Canada à certaines des économies les plus innovantes au monde. Vous pouvez voir que les chiffres des pratiques exemplaires indiquent un ratio de R-D privée égale à trois fois la contribution publique. Ce n'est pas clair sur ce tableau mais ça devrait être trois parts du secteur privé pour une part du secteur public. Voyez où en est le Canada.
    Le résultat est que nous avons un déséquilibre au Canada puisque la recherche est plus poussée par le gouvernement que tirée par le marché. Nous avons une économie de l'innovation identique à l'économie de l'offre — découvrons des choses, quelqu'un s'en servira. Nous n'avons pas une chaîne d'innovation intégrée. Les parties actives dans la chaîne de l'innovation ne partagent pas une vision et des objectifs communs. Nous n'avons pas de politiques holistiques. Nous avons plus de 200 programmes gouvernementaux axés sur l'innovation mais presque tous sont trop petits ou trop difficiles à mettre en oeuvre, si j'en crois mes collègues du secteur privé. Les organismes concernés sont diffus et non coordonnés. Et, finalement, les indicateurs statistiques et les données de référence ne concordent pas ou diffèrent d'une partie à l'autre. Je pourrai vous en donner des exemples. Nous avons donc une chaîne d'innovation déséquilibrée et inefficace sur le plan des bienfaits économiques qu'elle produit par rapport aux efforts énormes qui y sont investis.
    Le problème vient en partie des méthodes de financement. Le graphique suivant montre que le gouvernement fournit la majeure partie de son argent au début, là où les idées se forment dans les universités et les laboratoires, alors que le secteur privé fournit la majeure partie de son argent à la fin, quand on arrive à un produit — ce qui n'est pas étonnant. Le problème est qu'il y a un fossé au milieu et qu'on manque d'argent pour financer la partie la plus difficile de l'innovation et du transfert et de la commercialisation de la technologie, c'est-à-dire l'étape de l'usine pilote, de la démonstration et de la mise en marché. C'est tout simplement parce que c'est une étape où le risque politique est plus élevé. Les sommes en jeu sont importantes, le nombre de projets est petit et le gouvernement se fait accuser de choisir les gagnants et d'investir des centaines de millions dans des choses qui ne marchent pas. Mais c'est aussi là où le secteur privé considère que son risque financier est le plus élevé. Voilà pourquoi il faut absolument que les deux secteurs agissent en partenaires.
(1645)
    Le secteur de l'énergie est l'un de ceux où les produits ne sont pas différenciés. On y trouve des choses telles que des essences ou des électrons et il est très difficile de mesurer le rendement des innovations technologiques quand les concurrents qui n'innovent pas produisent exactement la même chose, indifférenciable.
    Finalement, pour résumer ce que devrait faire le gouvernement pour améliorer le cycle de l'innovation, il devrait avant tout partager innovation technologique et risques d'exécution, peut-être avec des mécanismes d'assurance, et renforcer la chaîne de l'innovation pour rehausser le rendement de l'innovation technologique. Si l'on se concentre sur le secteur de l'énergie, je peux vous garantir que ça débouchera sur des gains énormes d'exportations technologiques et contribuera peut-être plus que n'importe quoi d'autre à la durabilité globale.
    Merci, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité.
    Merci beaucoup, M. Raymont.
    Nous commençons la période des questions avec Mme Kadis, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, Messieurs, et bienvenue à vous.
    Je m'intéresse en particulier à la R-D effectuée dans les universités sur les énergies de remplacement. Que pensez-vous du processus et de ses résultats — vous y avez fait allusion — notamment de la manière dont ils sont transférés sur le plan commercial et utilisés par l'industrie?
    Monsieur Frise.
    AUTO21 travaille beaucoup sur des questions reliées à l'énergie dans le secteur de la fabrication, à la fois pour rehausser l'efficience énergétique et pour mettre au point de nouveaux produits visant à alléger les véhicules tout en préservant leur sécurité, ce qui est crucial. Il s'agit de réduire la consommation de carburant tout en préservant la sécurité. Il ne faut jamais perdre cela de vue. Nous travaillons sur des questions telles que la consommation d'essence, les émissions polluantes, etc. Nous faisons de l'innovation sur le diesel propre, les piles à hydrogène, les carburants de remplacement, etc.
    Nous avons un programme que j'estime très efficace. Il a été examiné par des pairs internationaux qui ont conclu qu'il est de très grande qualité. L'élément primordial — et je suis sûr que mon collègue sera d'accord avec moi — est de relier les créateurs de savoir aux utilisateurs ultimes. Si ce lien est assuré, les chercheurs canadiens peuvent faire concurrence à n'importe quels autres au monde et l'utilisation de la recherche par les entreprises canadiennes sera de très haut niveau.
    Le problème qui se pose — et j'appuie ce que mon collègue a dit à ce sujet — est qu'il arrive que les chercheurs travaillent de manière isolée, sans contact avec des utilisateurs possibles. Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui disent qu'il faut laisser les chercheurs chercher et que les utilisateurs trouveront eux-mêmes ce dont ils ont besoin.
    À votre avis, donc, ce n'est pas seulement une question de financement, même si c'est un aspect important, mais aussi une question de liens et de collaboration?
    Je crois qu'il importe de concevoir un programme plus efficace avant d'accroître les budgets.
    Comme vous l'avez dit, il y a des exemples de succès dont on devrait essayer de s'inspirer.
    S'il me reste du temps, je voudrais interroger M. Raymont sur l'énergie de la biomasse en lui demandant pourquoi ce n'est pas encore une composante plus importante de l'approvisionnement énergétique du Canada.
    L'énergie de la biomasse pose deux types de problèmes. D'abord, la biomasse ne peut être rassemblée et transportée de manière rentable que sur de très courtes distances. Autrement dit, il faut que l'usine destinée à exploiter cette énergie soit située dans un rayon de 20 à 30 milles au maximum.
    Il y a ensuite le problème de la variabilité des produits de charge. Certes, on conçoit actuellement des processus fondés sur des quantités unitaires beaucoup plus petites, qu'il s'agisse de tiges de maïs ou de copeaux de bois, mais vous comprendrez qu'on ne peut par réunir tous les copeaux de bois de la Colombie-Britannique pour les envoyer dans une usine de transformation centrale. Ce ne serait ni économique ni pratique.
    L'autre problème est que l'énergie issue de la biomasse doit être intégrée à l'infrastructure énergétique conventionnelle qui est déjà en place, ce qui est un défi pour toutes les énergies renouvelables et de remplacement. Bien sûr, la mise au point de ces processus est déjà un défi important en soi mais il faut aussi être capable d'acheminer l'énergie résultante, qu'il s'agisse de biodiesel, d'électricité ou de n'importe quoi d'autre, dans les réseaux de pipelines et de câbles existants pour que les consommateurs puissent la recevoir comme ils en ont l'habitude.
(1650)
    Merci, Mme Kadis.
    M. Vincent.

[Français]

    Vous avez dit tantôt qu'il y avait beaucoup de programmes gouvernementaux, en l'occurrence 200, qui étaient trop difficiles à appliquer. Voulez-vous nous donner des exemples expliquant pourquoi nous sommes incapables de nous servir de programmes qui existent déjà.

[Traduction]

    En général, ils sont beaucoup trop diffus. Ils sont peut-être axés sur des objectifs très limités et les budgets typiques sont très petits. Comme je l'ai dit, la plus grande difficulté à l'étape de la commercialisation est de mettre sur pied des projets de démonstration, qui sont des projets à risque élevé que le secteur privé ne peut financer à lui seul. Ce sont des projets qui peuvent coûter de 10 à 100 millions de dollars.
    Pour beaucoup des programmes dont je parle ici, vous pourrez obtenir 500 000 $, 200 000 $ ou un million de dollars mais il vous faudra remplir un document de 44 pages pour faire la demande. Très franchement, beaucoup de petites entreprises n'ont tout simplement pas le temps, l'énergie et les ressources nécessaires pour naviguer dans un système aussi complexe qui leur donnera des subventions tellement petites qu'elles auront une incidence minuscule aux dernières étapes de la commercialisation. C'est utile au début de la recherche scientifique mais pas aux étapes finales de la commercialisation.

[Français]

    D'après vous, serait-il préférable d'en avoir moins, mais mieux ciblés et plus accessibles aux gens? Au moins, on pourrait profiter de cet argent pour faire cette recherche et ces développements.

[Traduction]

    Oui, je pense qu'il faut faire des regroupements. Nous n'avons pas besoin de 200 programmes, mais n'en n'avoir qu'un seul serait beaucoup trop simpliste. Il nous en faut peut-être une vingtaine avec des budgets conséquents.
    Mes commentaires ne veulent pas dire que je conteste l'utilité de la recherche fondamentale car elle est absolument nécessaire mais, au Canada, nous avons investi 11,7 milliards de dollars de nouveaux crédits dans la recherche universitaire et fondamentale. C'est excellent pour former des chercheurs et produire la matière première destinée à la commercialisation mais, à moins de fournir d'autres crédits importants, d'établir des partenariats et, comme l'a dit mon collègue, d'établir un nouveau paradigme ou une nouvelle manière de commercialiser la technologie, nous allons constater que cet investissement dans la recherche fondamentale ne produira quasiment aucun avantage économique pour le pays.

[Français]

     Monsieur Frise, dans votre document, vous avez parlé de l'amélioration des matériaux. L'avenir de l'automobile ciblait souvent la question de l'utilisation du magnésium et de l'aluminium. Où en est le progrès de la recherche concernant le magnésium et l'aluminium incorporés dans les véhicules automobiles?

[Traduction]

    AUTO21 a fait beaucoup de recherches sur le magnésium et l'aluminium. Nous avons étudié des nouveaux procédés de fonte et de moulage avec des tôles d'aluminium et de magnésium qui permettraient de fabriquer des châssis d'automobiles très légers. La clé est d'assurer la sécurité tout en utilisant ces matériaux plus légers.
     Nous avons également étudié la manière de joindre ces matériaux, ce qui est très difficile car, contrairement à ce qu'on pense généralement, ils sont sujets à une corrosion extrêmement rapide si tout n'est pas fait parfaitement.
    Je voudrais faire une très brève remarque sur une initiative gouvernementale clé qui a été annoncée : le transfert du laboratoire de technologie des matériaux de Ressources naturelles Canada de la rue Booth à Hamilton, en Ontario. C'est une excellente initiative. C'est exactement ce qu'il faut faire car ça permet aux chercheurs d'être situés en plein milieu de la région où se trouvent les entreprises susceptibles de faire appel à eux. Et ça leur donne un nouvel établissement qui contribuera à préserver la compétitivité du Canada.
    J'appuye sans réserve cette initiative car l'industrie des matériaux est absolument fondamentale pour beaucoup d'autres secteurs industriels du Canada.
(1655)

[Français]

    La question s'adresse à M. Raymont.
    Ce document est très provocateur puisque vous ne croyez pas du tout à la réduction de la dépendance des Canadiens face au pétrole. Je pense que c'est un document qui est complètement contraire à tous les mouvements écologistes et à la pensée canadienne et québécoise concernant l'utilisation du pétrole comme source d'énergie. Quelle est votre réaction face au fait que vous travaillez contre le mouvement de la jeunesse et des jeunes d'aujourd'hui? Vous êtes complètement en dehors de la track.

[Traduction]

    De quelle opinion parlez-vous? Ce que j'ai dit ne concernait pas le pétrole. J'ai dit que le Canada peut et doit produire plus d'énergie. Ce n'est pas une question de pétrole. Je ne suis pas ici pour défendre l'industrie pétrolière. Je ne représente aucune industrie.
    Ce que j'affirme, c'est qu'on transformera profondément la société d'une manière que l'économie ne pourra pas tolérer si l'on adopte des politiques de limitation ou de réduction des quantités d'énergie consommées. Nous pouvons modifier la pente de la courbe représentant la consommation d'énergie mais, sur le plan mondial, je peux vous dire qu'il est absolument incontestable que nous consommerons plus d'énergie — énormément plus — à l'avenir.
    Je ne m'oppose certainement pas aux mesures de conservation, sous quelque forme que ce soit, et l'un des principaux programmes de notre organisation est d'ailleurs axé sur la conservation de l'énergie mais, comme je l'ai dit, ce n'est qu'une des armes de la panoplie. Il est tout simplement impossible de concevoir qu'on pourra réduire la production d'énergie et continuer à bénéficier de tous les avantages sociaux que nous connaissons aujourd'hui, par exemple dans le secteur des soins de santé.
    Au Québec, Hydro-Québec vient d'annoncer, à juste titre, une augmentation de la production d'hydroélectricité et une augmentation de la production d'énergie éolienne. C'est une combinaison parfaite d'accroissement responsable de la production d'énergie, et c'est l'idée que nous défendons. La production et la consommation d'énergie ne sont pas mauvaises en soi et ne vont pas détruire la planète. Ce sont les sous-produits qui la détruiront. Si nous réussissons à réduire les sous-produits, nous pourrons continuer d'augmenter l'intensité d'énergie, bénéficier de la prospérité et aider les pays sous-développés en profiter aussi. Voilà la réalité. C'est peut-être une idée controversée parce que la plupart des gens ne l'admettent pas mais lisez le rapport du comité d'experts qui vient d'être publié, vous y verrez exactement la même chose : l'intensité d'énergie n'est pas mauvaise, ce sont les sous-produits de l'énergie qui causent des problèmes.
    Merci.
    M. Carrie, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis heureux de vous entendre parler de partenariat entre les universités, les entreprises et le gouvernement, et de la recherche d'un nouveau paradigme car ce que j'ai appris — j'ai visité AUTO21 — c'est que c'est par l'innovation, les ressources humaines et une approche pluridisciplinaire que nous gagnerons la bataille.
    J'ai plusieurs questions à vous poser. Parlons d'abord du secteur de l'automobile. Au Canada, tout ce secteur, au niveau de l'assemblage, est sous propriété étrangère. Nous avons GM, Ford, Chrysler, Honda, Toyota. Comme ce sont des sociétés étrangères, leur R-D est souvent exécutée dans leurs pays d'origine. Je me demande comment le gouvernement fédéral pourrait accroître la R-D ici même, au Canada?
    Vous avez parlé de l'Australie. Obtient-elle de meilleurs résultats que nous, actuellement, ou est-elle également en train d'essayer de remonter la côte?
    Je vous remercie de votre question.
    Vous avez raison quand vous dites que les fabricants d'automobiles appartiennent à des sociétés étrangères, mais on a constaté — et c'est vrai depuis longtemps, chacun des fabricants étant un peu différent des autres à cet égard — que les filiales canadiennes de certaines de ces cinq grandes entreprises ont des mandats importants de recherche et développement de leur société mère.
     Pour obtenir ces mandats, elles doivent faire une concurrence interne mais les gens du centre de génie régional de General Motors à Oshawa, les gens de l'ARDC de DaimlerChrysler à Windsor, les gens du centre d'innovation que Ford va bientôt ouvrir à Oakville, et ceux du centre international d'innovation de camions et de moteurs à Windsor ont fait concurrence avec succès au sein de leurs entreprises respectives pour s'occuper de certains éléments de R-D. Aucune entreprise ne veut concentrer toute sa R-D dans un seul endroit.
    L'autre facteur clé est que la R-D a tendance depuis un certain temps à suivre le talent, et ça devrait continuer. On la fait là où il y a des gens capables de la faire, qui ont les connaissances, l'énergie et l'intuition requises pour réussir. Que ces gens vivent au Canada ou ailleurs, l'activité se fera là où ils sont.
    Avec AUTO21, nous constatons que nous suscitons l'intérêt d'entreprises d'autres pays qui veulent avoir accès au talent et au savoir-faire canadiens, la clé étant pour nous d'accorder cet accès sans risquer de perdre le talent. De fait, je crois que le talent que nous développons ici nous rapportera des investissements et des bienfaits nets.
    Finalement, dans le secteur des pièces, il y a beaucoup d'entreprises à propriété canadienne dont le siège social se trouve sur notre territoire, et nous devons leur accorder un appui très solide pour nous assurer qu'elles maintiennent leurs activités d'innovation ici même et qu'elles emploient nos jeunes.
(1700)
    Comme vous parlez d'appui, cela m'amène à ma question suivante. Vous avez parlé de ces fameux partenariats publics-privés. Certains en pensent pis que pendre mais, selon vous, ils donnent d'excellents résultats. Comment le gouvernement fédéral peut-il favoriser l'investissement dans ces partenariats? Approuvez-vous les réductions d'impôts qui ont été annoncées? Traditionnellement, il y a des subventions ou des programmes d'aide variables. Que peut faire le gouvernement pour encourager la création de tels partenariats?
    Permettez-moi de dire tout d'abord que je ne suis pas un expert en économie ou en commerce. Toutefois, selon ce que j'ai observé dans le secteur de l'automobile dans le monde entier — veuillez m'excuser, je dois ajouter aussi que je suis un contribuable et que je n'aime donc pas les dépenses excessives. Voilà pourquoi je répète continuellement que nous ne nous opposons aucunement à des examens rigoureux.
    Fondamentalement, je ne pense pas qu'il soit sage d'entretenir une opposition dogmatique contre les partenariats publics-privés car il en existe partout au monde, surtout dans des secteurs aussi vastes que l'automobile. Si nous n'en créons pas, nous nous ferons manger la laine sur le dos. Nous n'avons pas le choix. Si nous ne créons pas de tels partenariats et si nous n'assurons pas leur dynamisme et leur vigueur au moyen d'investissements soutenus pendant une longue période de temps, nous perdrons toutes nos batailles.
    Les chiffres montrent... Je n'ai pas de chiffres définitifs avec moi mais j'ai entendu la semaine dernière, lors de la réunion de l'ACPA, que la période typique de récupération de l'investissement du secteur public dans l'industrie de l'automobile est de trois à cinq ans. Ensuite, ces investissements peuvent continuer pendant de nombreuses années et produire toutes sortes de retombées sur le plan de l'emploi, des recettes fiscales, etc.
    Ce système marche et c'est pourquoi tout le monde le fait. À nous de faire la même chose.
    Très bien. Me reste-t-il du temps pour une brève question?
    Il vous reste une trentaine de secondes.
     M. Raymont, j'ai beaucoup aimé votre fiche de pointage de l'innovation. Non, en fait je ne l'aime pas du tout à cause des chiffres qu'on y trouve. La Finlande et les États-Unis semblent avoir beaucoup plus de succès que nous pour attirer des investissements privés en R-D. Pouvez-vous nous dire comment nous pourrions faire mieux?
    Vous avez parlé de technologie partagée et de renforcement de la chaîne d'innovation. Que peut faire le gouvernement fédéral, à votre avis, pour améliorer nos résultats? Les ratios de R-D du Canada n'ont rien de mirobolant.
    Vous avez parfaitement raison. Comme ce ratio est probablement la mesure la plus cruciale d'un système d'innovation dynamique, on pourrait dire que, si le secteur privé n'est pas prêt à investir plus d'argent dans la R-D, le gouvernement devrait en investir moins pour ramener le ratio à trois sur un car on a prouvé que ce ratio, ou même un ratio supérieur à trois sur un, est absolument optimal pour une économie innovante.
    Cela dit, je nerecommande pas nécessairement de réduire la contribution. Ce qui compte, c'est qu'elle soit bien ciblée. Si vous faites participer directement l'industrie à cette activité, vous constaterez que les entreprises seront prêtes à investir plus en R-D. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une politique unique — je ne suis pas un fiscaliste mais, par exemple, si je prends les seuls RS&DE, c'est une manière non holistique d'aborder la question, et ça ne permettra d'agir que sur une partie de la chaîne d'innovation. Or, il faut envisager la chaîne dans son ensemble et voir comment on peut encourager le secteur privé à faire plus de R-D.
    Une bonne décision dans l'immédiat consisterait à donner plus de gouvernance du secteur privé dans le financement du secteur public de façon à avoir plus de R-D tirée par le marché en même temps qu'elle est poussée par la technologie. Il faut les deux. On ne peut pas faire l'une sans l'autre. Comme je l'ai dit, il y a actuellement un déséquilibre entre la recherche poussée par la technologie et la recherche tirée par le marché.
    Voici un exemple. Je me trouvais hier au laboratoire de CANMET à Devon pour une allocution. En sortant, des gens de l'industrie m'ont dit ceci : « Superbes laboratoires. Des gens extrêmement brillants. Ils n'étudient aucun des problèmes qui nous intéressent. Pourquoi finance-t-on ça? »
    Si cet argent était ciblé et si ce laboratoire faisait partie d'un partenariat, on pourrait dire : « Nous allons donner de l'argent, vous allez en donner aussi, secteur privé, mais c'est vous qui allez arrêter le programme pour trouver des technologies répondant à vos problèmes ». Si on faisait ça, je vous garantis que le secteur privé ne tarderait pas à monter dans le bateau.
(1705)
    Merci, M. Raymont.
    Je sais que le Dr Frise a donné une indication mais nous avons largement dépassé le temps. Serait-il possible de... D'accord, passons à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
     Pour rester dans le secteur de l'automobile, il convient de souligner qu'un certain nombre d'usines d'assemblage essayent de s'accrocher mais que nous perdons des parts de marché au profit de plusieurs autres pays.
    L'industrie sait bien que les autres pays ont des stratégies industrielles et des stratégies sectorielles. Que font-ils? Je sais que vous parlez à l'étranger. Que font les pays qui nous font maintenant concurrence et viennent nous prendre des parts de marché?
    Je le répète, je ne suis pas un expert ès politiques commerciales mais j'observe que ces pays ont une démarche plus systémique dans tous les domaines. Il y a quelques années, lors d'une conférence à Kyoto, j'ai parlé une minute avec l'ex-premier ministre de la Finlande et je lui ai demandé comment il avait réussi à faire de Nokia, société qui fabriquait des pneus en 1988, la première société mondiale de téléphones cellulaires.
    Voici ce qu'il m'a dit. Nous avons réuni la plus grosse entreprise de notre pays avec tous nos dirigeants et nous avons décidé qu'il serait préférable à l'avenir d'être riches plutôt que pauvres et que, pour être riches, il valait mieux vendre des produits valant quelques dollars le gramme que quelques centimes la tonne, et c'est ce que nous avons fait. Il a ajouté : c'est notre argent, c'est notre pays et nous avons réussi.
    Voilà précisément le genre de démarche audacieuse dont nous avons besoin. Ils ont mis sur pied un système qui était axé sur l'obtention de résultats bien précis.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Raymont quand il dit que le secteur privé sautera à pieds joints une fois que les chercheurs se consacreront aux bons problèmes. C'est ça le problème du système d'innovation du Canada. Nous avons laissé les gens... Non, ne parlons pas de ça. Je pense qu'il est important que les chercheurs consacrent leur énergie aux problèmes importants.
    Vous avez parlé d'un groupe de 21 projets en cours depuis plusieurs années et comportant une clause crépusculaire. Que se passe-t-il quand ces projets entrent dans leur deuxième phase, qu'ils ont été couronnés de succès et que leurs partisans du secteur privé les appuyent? Que se passe-t-il au bout de deux ou trois ans de la deuxième phase? Commence-t-on alors à les fermer progressivement?
    L'évolution n'a pas toujours été la même dans chaque cas mais, selon les réponses que m'ont données les responsables des réseaux, on les ferme généralement assez vite après la fin de la deuxième phase. Beaucoup d'activités continuent, ce qui est bien, mais il devient difficile de maintenir leur focalisation sur des problèmes précis car les gens commencent à chercher d'autres sources de financement — ce qui est la norme pour des chercheurs — et les autres programmes auxquels ils se joignent risquent de ne pas être aussi focalisés sur les préoccupations d'un secteur donné.
    Je crois que les choses commencent à s'éparpiller et c'est là le problème. En fait, un Australien m'a dit que c'est pour cette raison qu'ils n'agissent pas comme ça en Australie, parce qu'ils veulent préserver cette focalisation.
(1710)
    Peut-on dire que c'est le cas non seulement des partenaires mais aussi du personnel, des chercheurs eux-mêmes qui se mettent à chercher d'autres options parce que leurs projets s'achèvent?
    C'est exact. Je crois que c'est probable et qu'ils risquent même de quitter le pays s'ils trouvent un meilleur financement ailleurs.
    M. Raymont, pour en revenir à la fiche de pointage de l'innovation canadienne que vous nous avez montrée, dans beaucoup de secteurs... Dans le secteur de la fabrication, il y a certains gagnants mais il y a aussi des problèmes, et c'est ce qui était à l'origine de cette étude. Certaines de nos industries enregistrent des profits records. Comment se fait-il que nous ne soyons pas plus efficaces en R-D et que nous n'arrivions pas à tirer parti de ces entreprises qui font d'excellents profits?
    Je ne pense pas que ce soit une question d'entreprises réinvestissant leurs profits. Si elles continuent à faire des profits, pourquoi devraient-elles réinvestir dans la recherche? Il se trouve qu'on fait plus de R-D dans certains secteurs que dans d'autres.
    Comme je l'ai dit, ce que les entreprises ne font pas — parce qu'elles sont du secteur privé et qu'elles ont des responsabilités envers leurs actionnaires — c'est investir dans des projets à risque tellement élevé qu'elles ne peuvent en envisager aucun rendement. Le fait qu'elles fassent des profits ne signifie pas qu'elles vont aller gaspiller l'argent de leurs actionnaires parce qu'elles n'en trouvent aucune autre utilisation. Elles vont plutôt investir pour s'agrandir, par exemple. Elles ne vont pas nécessairement investir dans des activités de plus en plus risquées.
    La seule raison pour laquelle elles vont investir dans un secteur de risque est qu'elles ont un partenaire prêt à partager les risques avec elles ou qu'ils y sont obligées, comme dans le secteur de l'énergie, par l'épuisement des réserves conventionnelles, ce qui constitue en soi un risque de plus en plus élevé.
    C'est une excellente remarque. Cela dit, croyez-vous qu'il y a un rôle suffisant? Le public réclame évidemment un rendement sur la recherche et le développement, surtout s'il a fourni un incitatif, une subvention ou un avantage fiscal. Quelle que soit la méthode, au Canada ou aux États-Unis, c'est toujours la même chose. Il s'agit d'aider une industrie ou au moins de lui fournir une certaine forme d'assistance.
    En ce qui concerne l'infrastructure, par exemple, envisagée comme incitatif, si le secteur public avait un rôle à jouer pour ces organisations ou entreprises désirant développer leurs services de recherche, cela serait-il un mécanisme ou un moyen pour obtenir plus de recherche et de développement? Je sais que le public y est favorable. Pensez-vous que cela permettrait d'attirer plus de R-D? C'est ce que nous avons fait à Windsor pour attirer DaimlerChrysler dans la R-D. C'étaient des terrains ainsi que certains services, des choses qui avaient aussi une autre utilité pour le bien public.
    Je crois que cela peut fonctionner. Je crains toujours qu'on investisse trop d'argent dans des immeubles et des machines parce que ce sont les chercheurs eux-mêmes qui sont les ressources les plus cruciales. Je reviens à l'importance de s'assurer qu'on a cette chaîne d'innovation complète. Je tiens à le souligner : si vous avez un laboratoire où l'on fait de la recherche mais qu'on ne s'est pas demandé à quoi serviront les résultats de cette recherche, ça ne sert à rien de la faire.
    Accusez-moi de ne pas être un patriote si vous voulez mais, comme entrepreneur, il m'est personnellement arrivé d'emmener des entreprises canadiennes aux États-Unis parce que, même si la recherche avait été faite ici, elle ne pouvait pas y être commercialisée. Quand je suis arrivé aux États-Unis, croyez-moi, j'ai permis à mes actionnaires de gagner beaucoup d'argent et c'était envers eux que j'avais une obligation. Je me souviens d'une entreprise que nous avons ensuite vendue à Smith and Nephew pour 180 millions de dollars et que je n'arrivais même pas à financer au Canada.
    Donc, c'est comme si le Michigan fabriquait une série de produits qu'une entreprise pourrait prendre sur des étagères et que le gouvernement pourrait appuyer, par les ressources humaines, l'infrastructure ou le capital.
    Exact. Ce que nous faisons aujourd'hui au Canada, à mon avis, c'est semer beaucoup de blé sans le récolter. Il faut s'intéresser à l'ensemble du système, de l'ensemencement jusqu'aux engrais, à la récolte et à la transformation en pâtes ou en pain. Si nous nous contentons de semer le blé, d'autres viendront le récolter et ils s'en serviront pour nous faire concurrence.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. McTeague.
    Vous avez tous les deux fait des remarques très intéressantes et je vous en remercie.
    Je voudrais revenir sur deux commentaires. M. Frise, vous avez parlé de notre pays, notre argent, au sujet du cas de Nokia en Finlande et de son succès mondial avec les téléphones cellulaires. M. Raymont, vous avez parlé de certains succès que vous avez eus en matière de commercialisation au sud de la frontière.
    Je me suis souvent demandé, et c'est une question qui revient souvent dans ce comité, si nous avons un problème d'économie d'échelle au Canada ou plutôt un manque de coordination, comme vous semblez l'indiquer, M. Raymont, des différents programmes qui existent — ou si ce n'est pas simplement le fait qu'il est impossible de forger une stratégie fondée sur la coordination des différents secteurs industriels, tout simplement parce que les industries sont contrôlées par des décisions prises bien en dehors du Canada.
    En disant ça, je ne veux pas brandir le vieil étendard du nationalisme mais simplement souligner que pratiquement chaque pays que vous avez mentionné a des entreprises qui sont des leaders dans leur secteur. Leur siège social se trouve sur leur territoire et c'est là que sont prises les grandes décisions. Il peut alors y avoir le genre de synergie qui débouche sur de nouveaux produits. Je m'interroge souvent sur le cas de l'industrie pharmaceutique où l'on trouve fort peu de mandats mondiaux alors qu'on y fait beaucoup de recherche et de développement, souvent afin de correspondre aux lois canadiennes sur les brevets pour pouvoir vendre les produits.
    En ce qui concerne l'énergie et l'automobile, puisque j'ai été directeur des relations publiques chez Toyota Canada pendant plusieurs années, je trouve bizarre que, même si elle n'a peut-être pas de subventions directes du gouvernement et de protection de son marché, ce qui est une autre question, elle fonctionne avec le paradigme des keiretsu où une société transige avec plusieurs autres. Il y a une relation commerciale dans laquelle on ne peut pas s'immiscer. C'est pratiquement aussi fort que l'organisation étatique. Je ne vois pas comment le Canada pourrait échapper à cette réalité étant donné que beaucoup des décisions prises dans le secteur de l'automobile — et je parle d'expérience — proviennent d'autres régions du monde.
    Sur la question précise de l'innovation, si une entreprise arrivait et, par exemple, était capable de baisser ces lumières de 50 %, vous ne pourriez pas être sensible au changement du point de vue de la lumière émise. Il me semble que ce genre de technologie pourrait être appuyé mais la réalité pour les entreprises qui pourraient faire ce genre d'invention est que la plupart estiment qu'elles doivent d'abord la commercialiser au sud de la frontière, là où il y a les marchés financiers et l'accès au capital pour faire ce genre de choses.
    Comment devrions-nous développer ou coordonner l'économie canadienne, étant donné le paysage économique actuel en ce qui concerne qui contrôle quoi dans nos secteurs clés? Comment coordonner un tel résultat lorsque les décisions et les marchés de capitaux ont tendance à se trouver ailleurs?
(1715)
    Je vais répondre à un aspect de votre question et laisser mon collègue répondre aux autres.
    Je suis vraiment très heureux que vous ayez soulevé ces questions car je pense que c'est crucial pour le Canada. Avec 32 millions d'habitants, il est temps de renoncer à l'idée que nous pouvons faire tout pour tout le monde et être concurrentiels dans chaque secteur de l'économie mondiale. Nous devons concentrer notre attention. Je sais qu'on n'aime pas l'Idée de choisir les gagnants, et ce n'est pas ce que nous avons à faire. Nous devons plutôt appuyer l'excellence car nous l'avons déjà.
    Quand j'étais à Ottawa, je n'étais pas la personne la plus populaire en défendant cette idée. Avec l'âge et mes cheveux de plus en plus rares et grisonnants, la politique sociale en vertu de laquelle nous décidons d'aider ceux qui ne peuvent pas s'en sortir eux-mêmes me paraît tout à fait cohérente. C'est une donnée de la réalité canadienne et je l'appuie complètement mais, comme politique économique, vouloir aider les entreprises incapables de s'en sortir toutes seules me semble totalement idiot, sauf peut-être pendant des périodes de transition.
    Si nous voulons faire concurrence à l'échelle mondiale, nous devons aider les entreprises qui sont déjà de solides piliers de notre économie pour leur permettre de rester les meilleures au monde. Quelqu'un a parlé plus tôt des meilleures au monde. Si nous ne pouvons pas être les meilleurs au monde, admettons que c'est une bataille que nous gagnerons pas et orientons notre appui vers celles que nous pouvons gagner.
     Prenons le cas de l'énergie.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant. Les seules industries ayant ce genre d'échelle et ce genre de décisions sont celles qui sont réglementées. À part celles-là, il n'y en a pas beaucoup qui sont vraiment canadiennes.
     Vous avez tort. Il y a le secteur de l'énergie, par exemple. Je pense que nous avons l'un des secteurs de l'énergie les plus puissants au monde. Nous avons de superbes écoles et de superbes établissements de recherche. Nous avons des entreprises de réputation mondiale. Nous avons les ressources énergétiques les plus vastes au monde, avec des réserves gigantesques. Je ne parle pas seulement du pétrole et du gaz naturel, ni même des sables bitumineux, je parle des énergies renouvelables et de l'hydroélectricité.
    Nous sommes un leader mondial pour l'hydroélectricité. Au lieu de dire : « Très bien, nous allons donc appuyer une industrie qui à des difficultés », pourquoi ne pas demeurer les meilleurs au monde en hydroélectricité et appuyer les meilleures entreprises au monde de ce secteur?
     Ce que ça signifie, c'est qu'il faut appuyer la technologie dans les secteurs où nous sommes déjà très bons, qui sont une force pour notre économie, au lieu d'essayer de faire un peu de tout pour tout le monde et d'être médiocres dans tout. Moi, je vote pour l'énergie.
    La foresterie est un autre bon exemple. Nous parlions de la Finlande et la foresterie est un exemple de secteur dans lequel nous n'avons fait aucun effort. Si nous faisions des recherches en biotechnologie sur les arbres résistant au dendroctone du pin et sur le sapin de Douglas qui pousse deux fois plus vite dans le climat de la Colombie-Britannique, et sur des arbres ayant des fibres plus longues et plus solides, nous aurions un secteur de la forêt extrêmement concurrentiel. Au lieu de vendre nos sociétés à la Suède et à la Finlande la moitié du temps, nous pourrions récupérer cette industrie.
    Nous n'avons pas appuyé celles de nos industries qui sont fortes. Nous les avons laissées de côté et nous y avons perdu. Je suis donc très fermement en faveur d'aider les secteurs dans lesquels nous sommes bons.
(1720)
    Merci beaucoup, M. McTeague.
    M. Frise.
    Très brièvement, la Finlande a 5,6 millions d'habitants parlant une langue que personne ne comprend. C'est un pays très isolé qui est dominé économiquement par les énormes pays qui l'entourent. Son climat est encore plus désespérant que le nôtre. Pourtant, c'est un pays qui fait d'excellentes choses parce que c'est ce qu'il a décidé de faire. Je ne peux donc pas accepter l'argument voulant que nous ne pouvons pas réussir à cause des économies d'échelle et parce que nous sommes petits. Non, nous ne sommes pas petits. Je regrette, nous sommes très gros et je pense qu'il est grand temps de se mettre ça dans la tête.
    Je suis parfaitement d'accord avec l'idée d'appuyer les plus forts et d'appuyer la qualité, la vivacité et la rapidité, facteurs qui sont tous vraiment importants. Dans tout cela, assurer un équilibre — entre le travail avec les nouveaux secteurs sur de nouvelles idées imaginatives et le travail avec les secteurs établis, parce que c'est là que travaillent la plupart des Canadiens et que ce n'est pas près de changer.
    Merci.
    M. Shipley.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, M. Frise et M. Raymont. Je trouve tout ça fascinant et j'aimerais que la séance dure plus longtemps.
    Vous venez de mentionner quelque chose qui m'intéresse, c'est-à-dire que beaucoup des choses que nous faisons sont des questions d'équilibre. On oublie parfois, en politique, que tout est question d'équilibre.
    En ce qui concerne la réglementation, vous recommandez l'abolition de la clause crépusculaire de 14 ans des RCE. Quels autres obstacles y a-t-il et que pouvons-nous faire pour aider?
    Franchement, je ne sais pas pourquoi on a adopté cette clause et je ne sais pas de qui ça relève. J'aimerais bien le savoir.
    Pour ce qui est des autres questions, je dirai simplement qu'il faut généralement beaucoup trop de temps pour que des décisions soient prises dans les programmes canadiens — pas seulement celui des RCE.
    M. Raymont a dit la même chose en parlant de l'obligation de rédiger un document de 44 pages pour demander quelques centaines de milliers de dollars. Dans les milieux de la recherche, on dit souvent qu'il y a des centaines de personnes qui se battent pour quelques poignées de dollars.
    Dans le cas du CRC australien, l'AutoCRC, la proposition au complet faisait 20 pages. Pour AUTO21, c'étaient trois annuaires téléphoniques. Bon, je n'ai rien contre un processus rigoureux et exigeant mais on perd beaucoup trop de temps à répondre à toutes sortes de questions.
    Le renouvellement de notre programme sera décidé l'an prochain et je suis sûr que ça passera comme du beurre dans la poêle et que nous allons réussir. Il n'empêche que ça va nous paralyser pendant de nombreux mois parce que nous serons obligés de passer par tout le processus de formulation d'une nouvelle proposition et que nous devrons donc de suspendre toutes nos activités pour nous occuper de ça. Ensuite, il y aura un long processus de décision.
    Tout ce processus prend près de 20 mois alors que nous avons déjà fait nos preuves pendant cinq ans et demi, qu'il y a eu des vérifications externes sans aucun problème, que nous avons un conseil d'administration indépendant qui est très exigeant, et que nous avons dans 40 universités du Canada des chercheurs dont les travaux sont révisés totalement par des pairs et qui supervisent cinq cents étudiants de niveau supérieur et ont besoin de ce financement. Pourtant, nous avons devoir tout arrêter pendant 20 mois en attendant qu'on décide si nous pouvons continuer ou non.
    Voilà le genre de situation dans laquelle nous nous trouvons.
    Oui, vous parlez de ces sortes de choses comme d'autres — que ce soient les municipalités, en termes de mécanismes réglementaires... Le processus d'obtention de subventions est devenu très lourd et j'espère que nous pourrons faire quelque chose au sujet de l'efficience avec laquelle ces choses avancent. C'est notre objectif, je crois.
    Pensez-vous aussi, du point de vue du financement du secteur privé et de la recherche et du développement, qu'il fait sa juste part?
(1725)
    Il l'a faite en tout cas dans AUTO21. Notre subvention fédérale — et je me permets de dire que le programme des RCE est absolument superbe et fantastique — est de 5,8 millions de dollars par an, ce qui représentait en 2001, quand on nous l'a accordée, 96 % de notre demande. Nous étions fous de joie de la recevoir.
    À l'époque, l'industrie a fourni 2,99 millions de dollars pour financer notre série de projets de recherche, ce qui représentait un ratio de 3 millions sur 5,8 millions, ce qui était bien. Sur les 2,99 millions de dollars, environ 60 % représentaient du liquide, le reste étant constitué de contributions en nature. À l'heure actuelle, je crois que la contribution de l'industrie est passée de 2,99 à 6,5 millions de dollars, mais notre subvention est restée la même, 5,8 millions.
    Je ne me plains pas de recevoir 5,8 millions de dollars mais il me semble tout à fait regrettable que nous soyons obligés de refuser des projets que l'industrie aimerait financer. Après tout, l'un des objectifs des programmes gouvernementaux est d'amener l'industrie à investir en partenariat avec le secteur public et à contribuer à l'éducation des gens, etc. — à faire que les chercheurs travaillent sur des projets valables. Or, nous devons en refuser parce que notre subvention est insuffisante pour nous permettre d'être des partenaires.
    Je vous pose une question à tous les deux : est-ce que le gouvernement agit trop dans un sens politique, en matière de recherche et de développement, plutôt que sur l'innovation en partenariat pour notre recherche et développement?
    Veuillez m'excuser, est-ce qu'il fait trop de quoi?
    Estimez-vous que le gouvernement donne trop d'orientation en termes de recherche et développement, en termes d'avancer avec une impulsion économique, au lieu de bâtir des partenariats avec les entreprises qui produiront plus d'innovation en termes de recherche et développement?
    J'estime très certainement, et je pense l'avoir déjà dit, que tout ce qui vient après le point médian du cycle de l'innovation — de la chaîne d'innovation, et même plus tôt — devrait être tiré par le marché. On a donc absolument besoin de partenariats.
    Le fait qu'on ait besoin du secteur privé n'abolit pas le fait qu'on a besoin des dollars fédéraux mais ça veut dire que la gouvernance de ces dollars, et la manière dont ils sont dépensés, devraient être essentiellement déterminées par l'industrie car, sinon, vous trouvez des solutions à des problèmes que personne ne vous a demandé de résoudre.
    C'est exact.
    Je suis d'accord avec mon collègue et j'irai même peut-être un peu plus loin. À mon avis, le rôle du gouvernement devrait être de fixer les objectifs de l'entreprise en consultant les principaux intéressés. Quels résultats voulons-nous atteindre? Je crois que c'est une population active capable d'être agile, rapide, excellente et fiable, et une économie compétitive, forte et agile. Il faut donc concevoir des programmes axés sur ces résultats et fournir des fonds qui seront démultipliés par les investissements d'un secteur privé encouragé à participer. Ensuite, le gouvernement devrait se contenter de regarder passer les balles.
    À mon avis, les mécanismes de gouvernance actuels sont absolument adéquats. Mon conseil d'administration sait quelles sont les règles, il ne n'autorise pas à m'en écarter d'un pouce, et c'est très bien. Le bureau du programme des RCE surveille de près ce que nous faisons, et c'est très bien. Je ne pense pas que le gouvernement exerce des pressions pour que nous fassions telle ou telle chose, ce qui est parfait. En fait, je pense que tout marche très bien.
    Ce qui manque peut-être — et M. Raymont sera peut-être d'accord — c'est une vision globale de ce que nous essayons de réaliser avec tous ces différents programmes, puis les moyens nécessaires pour les pousser dans cette voie.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Non, vous avez terminé. Merci beaucoup, M. Shipley.
     Un rappel au règlement, M. le président. J'aimerais demander le consentement unanime du comité pour prolonger la séance de 30 minutes. Les députés qui veulent partir pourront le faire.
    Nous pourrons certainement réinviter les témoins. Il y a aussi une autre solution. M. Frise est de Windsor et nous pourrions l'inscrire sur la liste des témoins de Windsor. M. Raymont est de Calgary et nous pourrions peut-être le convaincre de venir à Edmonton le 24 novembre.
     Je n'ai pas le consentement unanime.
    Très bien, j'aurais essayé.
    Y a-t-il un consentement unanime?
    Je n'ai pas de problème si vous voulez continuer mais je ne serai pas là. Je ne sais pas s'il vous faut le quorum.
    Tout le monde est-il d'accord pour continuer? Nous devrions peut-être demander aussi aux témoins ce qu'ils en pensent. S'il n'en tenait qu'à moi, M. Arthur, et aux témoins...
(1730)
    Vous pourriez peut-être leur demander de participer à l'une des autres séances que nous allons tenir dans les régions?
     C'est ce que je viens de dire. M. Frise est de Windsor et M. Raymont, d'Edmonton.
    M. Masse.
    Je sais que nous avons eu une discussion un peu plus tôt en comité. Je pense qu'il serait plus utile de visiter AUTO21, si notre horaire le permet, que d'entendre à nouveau M. Frise en séance. Je suis sûr que nous pourrons lui poser des questions plus tard si nous le souhaitons mais voir AUTO21... Vous l'avez vu. C'est une expérience très différente qui permet de vraiment bien comprendre le lien entre commercialisation et innovation.
    La dernière fois que j'y suis allé, il m'a laissé construire ma propre voiture.
    Et elle roulait, M. le président?
    Oui, c'était extraordinaire.
    Des voix: Oh!
    Au moins, celle-là a été construite au Canada.
    Messieurs, nous n'avons encore jamais eu de motion pour prolonger la séance et cela vous montre combien les membres du comité s'intéressent à ce que vous dites. Nous serions ravis de vous accueillir à nouveau, si cela vous convient, et nous essaierons d'ajouter vos noms pour les séances du 20 au 24 novembre, lorsque nous espérons pouvoir sillonner le pays.
    Si vous avez d'autres informations ou recommandations à présenter au comité, veuillez me les adresser ou les adresser au greffier et nous veillerons à les examiner avant la rédaction de notre rapport final, que nous espérons produire la première ou la deuxième semaine de décembre.
    Merci beaucoup d'être venus.
    La séance est levée.