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Mesdames et messieurs, je déclare ouverte cette 41
e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur la déréglementation dans le secteur des télécommunications.
Notre séance d'aujourd'hui sera divisée en deux. Au cours de la première partie, nous accueillerons des représentants du CRTC, puis pour la deuxième, ceux du ministère de l'Industrie et du Bureau de la concurrence.
Nous disposons d'une heure pour discuter avec trois représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Nous allons tout d'abord entendre M. Richard French, vice-président des Télécommunications, suivi de M. John Keogh, avocat général principal, et de Mme Fiona Gilfillan, directrice exécutive associée intérimaire.
Bienvenue à tous.
Nous vous allouons dix minutes pour votre présentation, et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
Monsieur French, je crois que c'est vous qui allez prendre la parole en premier.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. Nous n'utiliserons pas les dix minutes qui nous sont accordées; notre présentation ne devrait pas dépasser trois ou quatre minutes.
Je représente ici le CRTC.
Notre nouveau président, Konrad von Finckenstein, m'a demandé de vous transmettre ses excuses. Comme vous le savez sans doute, il est en poste depuis une semaine seulement et doit se familiariser rapidement avec le conseil et ses nouvelles responsabilités, ce qui l'accapare beaucoup.
[Français]
Il a hâte de vous voir dans un avenir assez rapproché, une fois qu'il aura maîtrisé ces dossiers. On peut vous dire que ce ne sera pas très long avant qu'il ne les maîtrise, puisqu'il y travaille très fort.
[Traduction]
C'est avec plaisir que nous avons accepté de comparaître devant le comité au cours de cette première heure de séance pour discuter de questions importantes dans le monde quelque peu agité des télécommunications. Les débats que vous soulevez sont indispensables dans une démocratie. Dans les pays industrialisés, le rôle que nous jouons, en tant qu'organismes de réglementation indépendants assujettis aux lois et politiques adoptées par des gouvernements responsables, revêt également une grande importance.
Nous espérons pouvoir vous aider aujourd'hui à cerner les problèmes. Comme je l'ai déjà dit, le milieu des télécommunications évolue rapidement, que ce soit pour les entreprises que nous régissons, les usagers des services de télécommunications, les divers groupes d'intérêt public et le CRTC lui-même.
[Français]
Notre rôle est de nous adapter aussi rapidement que possible à ces changements, à cette turbulence, tout en poursuivant les objectifs de la loi.
[Traduction]
C'est ce que nous faisons et continuerons de faire.
Compte tenu de notre statut quasi judiciaire, il y a une certaine limite à ce que je peux dire. Par exemple, le conseil doit s'abstenir de participer à des débats publics. Même si nous le voulions, nous ne pourrions pas toujours nous exprimer pleinement et librement. J'espère que les membres du comité comprendront que mes réponses ne peuvent pas être aussi sincères et précises qu'ils le souhaitent.
Par les propos d'un de ses membres, en l'occurence moi-même, le conseil ne doit pas être contraint de s'engager concernant un dossier qui pourrait lui être soumis plus tard. Par exemple, si je devais donner mon avis sur une mesure ou une décision que le conseil pourrait prendre, je ne pourrais pas le faire sans créer une impression de parti pris.
[Français]
J'aimerais cependant souligner que je reste disponible pour fournir autant d'information que possible afin d'aider les membres du comité et d'alimenter leur réflexion.
[Traduction]
Nous ferons de notre mieux aujourd'hui pour nous accommoder de ces contraintes et nous assurer qu'elles ne vont pas à l'encontre de vos objectifs.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, chers collègues, d'être venus témoigner aujourd'hui. J'aurais toutefois préféré que vous n'ayez pas eu à le faire.
Tout d'abord, au nom de mon parti, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez accompli en vue d'accroître la concurrence dans des domaines tels que les télécommunications sans fil, Internet et les appels interurbains.
Évidemment, nous estimons que l'ordonnance a été émise prématurément. J'ai donc une question très précise pour vous, monsieur French ou vos collègues.
Étant donné que l'article 34 de la Loi sur les télécommunications exige qu'il faille déterminer, de manière objective, le niveau de concurrence — et nous savons combien il est important pour le CRTC de connaître et de dénombrer les entreprises qui dominent le marché, qu'arrive-t-il lorsqu'il y a trois entreprises, dont l'une occupe à elle seule 90 p. 100 du marché et les autres 5 p. 100 chacune? Êtes-vous certain de protéger les intérêts des consommateurs en déréglementant la tarification pour l'entreprise qui possède 90 p. 100 des parts de marché, sans en savoir plus dans les circonstances?
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Je n'approuve pas toutes les prémisses à la base de votre question, monsieur McTeague.
Je reconnais que les compagnies de téléphone bien établies feront de redoutables concurrents. Je dois dire que la rapidité avec laquelle celles-ci ont perdu des parts de marché au profit d'importantes entreprises de câblodistribution offrant des services de voix sur IP me permet d'être optimiste face au dynamisme de ce duopole particulier. Le fait de savoir si d'autres entreprises entreront sur le marché est un élément important, mais pas quelque chose qui, pour nous, sera déterminant pour l'avenir.
J'aimerais faire une observation neutre qui n'a absolument rien à voir avec l'opinion du conseil. En plaçant le scénario d'abstention élaboré par le conseil dans sa décision, et en le comparant au décret en conseil provisoire, les analystes financiers se sont demandé si cela accélérerait le processus d'abstention et stimulerait ou pas la concurrence. Ils ont proposé de devancer l'abstention de six à dix mois par rapport à ce qui avait été dit dans la décision originale du CRTC. Je suppose qu'il faut se demander si ces six à dix mois sont susceptibles de nuire au dynamisme de la concurrence sur les grands marchés où rivalisent d'importantes compagnies de câblodistribution.
Je ne peux vraiment pas en dire plus, parce que cela soulève des questions auxquelles le conseil pourrait être confronté au cours des prochains mois.
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Je le répète, comme on peut le constater en lisant leurs rapports financiers et de commercialisation, les grands câblodistributeurs ayant offert des services de communication vocale sur protocole Internet, ou VOIP, sont très satisfaits du rendement de ces produits. Si nous examinons les données, nous pouvons voir qu'elles font des incursions rapides sur un marché ayant toujours été dominé par les entreprises bien établies.
Si vous le souhaitez, nous pouvons remettre ces données au comité. Celles-ci montrent que la part de marché des concurrents, au cours de la période de 20 mois allant de décembre 2004 à août 2006, a triplé pour s'établir à 11 ou 12 p. 100. Si cela se produisait dans l'industrie de la bière et touchait l'ensemble de l'appareil commercial des brasseries, tout le monde perdrait immédiatement son emploi. En matière de parts de marché, c'est un changement très rapide par rapport aux normes de la plupart des entreprises, et particulièrement de celles du secteur des télécommunications.
Je parle des marchés résidentiels, monsieur Carrie, et non de ceux des affaires. Comme je l'ai dit, c'est sur les premiers que les entreprises de câblodistribution se livrent concurrence.
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Nous devrons en quelque sorte passer le flambeau à nos collègues du Bureau de la concurrence. Il convient de préciser que nous espérons tous les deux des amendements à nos réglementations respectives afin de clarifier et de concrétiser ce transfert de responsabilités. Faute de quoi, nous collaborons avec le Bureau pour nous assurer d'avoir une compréhension mutuelle.
Récemment, en septembre 2006, le Bureau de la concurrence a publié son ébauche du Bulletin d'information en matière de dispositions relatives à l'abus de position dominante dans les télécommunications. Le Bureau avait l'entière responsabilité de ce document, mais il est le fruit de longues discussions avec nous. Nous avons essayé de tirer parti de l'expérience du Bureau en matière de droit et d'économie de la concurrence et en retour, il a cherché à bénéficier de notre connaissance de l'industrie des télécommunications et des implications, du point de vue technologique, des différentes formes de pratiques réellement ou potentiellement anticoncurrentielles.
Au final, nous entretenons des rapports plus solides qu'avant, et nous espérons — et vous pouvez le demander à Mme Scott — que le législateur pourra, à moyen terme, nous aider à clarifier encore davantage nos relations. Il y a certains problèmes d'arrimage et de corrélation entre nos deux réglementations.
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Merci, monsieur le président.
Merci à monsieur French et au groupe de témoins de leur présence à la séance d'aujourd'hui.
Au cours de la dernière année, a pris des mesures pour le moins intéressantes en ce qui concerne le CRTC. Il a enjoint cet organisme de revenir sur des décisions importantes concernant les VOIP, il a proposé un changement d'orientation stratégique et déposé un projet de loi visant son pouvoir d'intervention. Enfin, il a présenté une ordonnance du cabinet devant entraîner la déréglementation prématurée des services téléphoniques locaux.
Je ne vous demande pas, monsieur French, de nous donner votre opinion là-dessus, mais par rapport aux ministres précédents, quelle est l'importance de ces interventions dans le contexte actuel?
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Je vais laisser M. McCallum intervenir très brièvement vers la fin. Je pense qu'il veut poser une courte question.
J'aimerais revenir sur ce dernier point, monsieur French. Je ne souhaite pas insister là-dessus outre mesure, mais cela me préoccupe. D'après ce que nous avons compris, l'augmentation s'appliquait à tous les services téléphoniques offerts et avait une incidence pour les fidèles consommateurs qui devaient assumer une hausse des coûts. Il semble qu'on ait augmenté du même coup les tarifs commerciaux, y compris ceux imposés au gouvernement canadien, de 10 p. 100.
Je vais laisser cela de côté, car je crois que ce qui est le plus préoccupant pour nous, c'est le fait que par le passé, en vertu de l'article 34 de la Loi sur les télécommunications, on imposait normalement au CRTC de tirer la conclusion de fait que la concurrence était suffisante pour justifier qu'on s'abstienne d'imposer une réglementation dans n'importe quelle circonstance. Étant donné qu'on vous a retiré ce droit et que, pour reprendre les mots que vous avez employés, ce genre de retrait est sans précédent, comment nous y prendrons-nous pour déterminer si l'abstention peut véritablement remplacer la réglementation des prix au détail d'une entreprise? Comment procéderons-nous maintenant? On vous a enlevé vos yeux, vos oreilles, votre capacité à surveiller la situation. On a renvoyé cela au Bureau de la concurrence, ce qui m'amènera à une autre question. Comment croyez-vous y arriver? Y a-t-il une possibilité de retour en arrière si cette mesure s'avère mauvaise?
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Je ne vais pas vous donner une, mais bien deux réponses. Et je vais m'efforcer d'être bref.
Si je me place du point de vue d'un exploitant en milieu rural — qui compte entre 4 000 et 12 000 clients et entre en concurrence avec Telus, SaskTel, Bell Canada ou Aliant — je pourrais me demander pour quelle raison j'investirais pour augmenter la capacité de mon réseau afin d'offrir des services de téléphonie sur Internet alors que, en vertu du décret proposé par le ministre, Bell Canada, Aliant ou SaskTel, soit mon compétiteur attitré, bénéficie d'une abstention immédiate et peut d'ores et déjà me faire concurrence en ciblant mes clients? Ce concurrent sera tout de suite au courant lorsqu'une personne quittera mon réseau et entrera en contact avec elle pour lui présenter une offre. Ses capacités financières et organisationnelles sont nettement plus considérables que les miennes, alors à quoi cela me servirait-il d'essayer, dans de telles circonstances? C'est exactement ce que vont vous dire les petites entreprises de câblodistribution.
Ma deuxième réponse est inspirée par une notion voulant que ce secteur se dirige vers un marché à forfaits. Il ne sera plus possible de survivre en offrant un seul service de communication. Il faudra proposer, au minimum, Internet haute vitesse, la câblodiffusion et les télécommunications. Une telle capacité sera essentielle à la survie de ces entreprises sur le marché, étant donné que les sociétés de télédiffusion vont offrir à grande échelle leurs produits télévisuels.
Si ces entreprises se retrouvent ainsi à un niveau subéconomique en ne disposant pas des ressources organisationnelles requises pour relever le défi de l'offre de produits multiples, elles vont probablement choisir la voie de la logique en se regroupant pour former une plus grande société.
Voilà donc mes deux réponses. Votre point de vue dépend beaucoup de vos impressions personnelles et de votre conception du rôle de l'État.
M. le président me fait signe que mes deux réponses sont suffisamment longues. Merci.
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Nous en discuterons lors d'une réunion portant sur nos travaux futurs. Merci.
Je ne sais pas s'il sera nécessaire d'interrompre nos travaux. Tous nos témoins sont arrivés.
Nous souhaitons la bienvenue à Mme Sheridan Scott, commissaire de la concurrence au Bureau de la concurrence. Bonjour, madame Scott.
Également du Bureau de la concurrence, nous accueillons M. Richard Taylor, sous-commissaire de la Direction générale des affaires civiles.
Comme nos témoins précédents, vous avez droit à un maximum de 10 minutes pour nous présenter une déclaration d'ouverture, après quoi nous passerons directement aux questions des députés.
Madame Scott, vous pouvez commencer.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui afin de discuter de récents développements concernant la réglementation dans le secteur des télécommunications. Comme M. Rajotte l'a indiqué, je suis accompagnée aujourd'hui de M. Richard Taylor, sous-commissaire de la concurrence à la Direction générale des affaires civiles du Bureau.
Dans mon allocution d'ouverture, j'aimerais seulement parler de la position du Bureau relativement à la déréglementation des télécommunications et des mesures que le Bureau prend actuellement en vue de se préparer aux changements à venir en ce qui concerne le cadre de réglementation des télécommunications. Comme vous vous en doutez, le Bureau appuie fermement les efforts déployés en vue de laisser davantage s'exercer les lois du marché dans cette industrie cruciale.
Le Bureau a toujours participé au débat concernant la réforme de la réglementation dans le secteur des télécommunications. En vertu de l'article 125 de la Loi sur la concurrence, le commissaire a le droit de présenter des observations et de soumettre des éléments de preuve à des offices, commissions et autres tribunaux fédéraux au sujet de la concurrence dans le cadre d'instances pertinentes. Ce pouvoir d'intervention a été largement utilisé par le Bureau au fil des ans à l'égard de plusieurs industries, mais jamais autant que dans le cas du secteur des télécommunications. Depuis 1990, le Bureau a fait 65 interventions devant le CRTC, notamment en participant pleinement à l'instance sur l'abstention de la réglementation des services locaux, en 2005.
L'objectif du Bureau a toujours été le même. Notre rôle consiste à encourager les organismes de réglementation à adopter des approches axées dans la plus grande mesure possible sur les forces du marché. Lorsqu'une réglementation s'impose, le Bureau a toujours préconisé un niveau minime de réglementation qui permet que les objectifs de l'organisme de réglementation soit atteint.
[Français]
Durant cette période, le Bureau a défini plusieurs principes directeurs qui, à notre avis, sont à la base d'un cadre de déréglementation efficace.
Premièrement, lorsqu'il est possible que le jeu de la concurrence s'exerce dans une industrie, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un monopole naturel ou d'un monopole gouvernemental, on devrait se fier aux forces du marché le plus tôt possible.
Deuxièmement, lorsqu'un régime réglementaire de surveillance continu est requis, on devrait adopter un modèle de réglementation qui imiterait es effets du marché le plus possible.
Troisièmement, là où la réglementation a entraîné une distorsion des prix, les organismes de réglementation devraient agir rapidement afin que les prix correspondent à ce qu'il en coûte pour offrir le service.
Quatrièmement, si de nouveaux entrants n'ont pas de pouvoir de marché, ils ne devraient pas être soumis à une réglementation.
Cinquièmement, les monopoles antérieurs devraient être déréglementés dès que les conditions du marché permettent d'avoir une concurrence durable et efficace, afin de protéger les consommateurs.
Et, sixièmement, la période de transition, où certains acteurs du marché sont réglementés tandis que d'autres ne le sont pas, ne devrait plus être nécessaire.
[Traduction]
Comme le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications l'a fait observer dans son rapport final, le secteur des télécommunications a connu une telle évolution par le biais des changements technologiques et de l'innovation sur la plupart des marchés que l'on peut maintenant s'écarter sans crainte d'une surveillance réglementaire continue et commencer à laisser s'exercer davantage les forces du marché. En fait, la concurrence s'est déjà substituée à la réglementation dans le cas d'un certain nombre de services de télécommunications, tels que les appels interurbains, l'Internet et le sans fil. La téléphonie locale est la prochaine étape dans cette transition.
À mesure que le processus de déréglementation se poursuivra, le Bureau jouera un rôle de plus en plus important pour ce qui est d'encourager et de maintenir la concurrence dans le secteur des télécommunications. Ce qui veut dire que ce sont la concurrence et les forces du marché, et non un organisme de réglementation, qui imposeront une discipline dans les activités de l'industrie et qui détermineront les prix et les niveaux de service. Le rôle du Bureau sera le même que dans le cas de tout autre industrie, c'est-à-dire intervenir seulement dans les situations particulières ou des pratiques anticoncurrentielles menacent le bon fonctionnement du marché. Son intervention ne consistera pas en un régime réglementaire de surveillance continue.
Néanmoins, le Bureau prévoit au départ une augmentation du nombre de plaintes dans cette industrie en raison de la déréglementation du marché. C'est dans cette optique que nous avons mis au point des outils et des ressources et amélioré les mesures dont nous disposons déjà. Ainsi, le Bureau a récemment élaboré, en complément à ses Lignes directrices pour l'application des dispositions relatives à l'abus de position dominante, une ébauche de bulletin d'information sur ce sujet dans le secteur des télécommunications. Ce document établit les types particuliers de pratiques qui, de l'avis du Bureau, pourraient entraîner des mesures d'exécution en vertu de la loi. L'objectif du bulletin est d'expliquer clairement aux intervenants de l'industrie les critères auxquelles il faut satisfaire en vertu de la Loi sur la concurrence avant que le Tribunal de la concurrence puisse rendre une ordonnance corrective. Le Bureau a récemment terminé ses consultations auprès des parties intéressées et finalise actuellement le bulletin pour fins de publication plus tard au printemps.
[Français]
Pour terminer, j'aimerais souligner que le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications a recommandé que le Bureau de la concurrence et le CRTC collaborent plus étroitement pour trouver les meilleurs moyens pour mieux utiliser nos expertises respectives. À cet égard, avant la publication du rapport final du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, nous nous employions déjà à améliorer le niveau de collaboration entre nos deux organismes. Suite à la publication du rapport final, un groupe de travail a été mis en place afin d'assurer le suivi à la suite des recommandations du groupe d'étude. Cette mesure a constitué pour le Bureau de la concurrence une excellente occasion de tirer parti de l'expertise du personnel du CRTC lors de l'élaboration du Bulletin en matière d'abus de position dominante dans les télécommunications. Nous croyons que la collaboration et la mise en commun de l'information peuvent s'améliorer encore davantage, sujet aux limites imposées par le cadre législatif déjà existant. J'attends donc impatiemment de travailler avec le nouveau président, M. Konrad von Finckenstein.
Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.
:
C'est formidable de pouvoir vous accueillir, commissaire, et j'en profite pour vous offrir mes félicitations tardives. Je n'ai pas eu la chance de participer aux travaux de ce comité depuis votre nomination et je tiens à prendre le temps de vous remercier pour l'excellent travail que vous accomplissez.
Il y a dans ce dossier un grand nombre de documents et de renseignements qui n'ont jamais été rendus publics, bien qu'ils aient effectivement été communiqués. Je pense notamment au décret du ministre qui a un certain nombre de répercussions. Tout d'abord, il va de soi que ce décret aura pour effet d'éliminer deux critères très utilisés pour évaluer l'emprise sur le marché, à savoir la perte de parts de marché et la preuve de rivalité, assortie d'un critère beaucoup plus rudimentaire de concurrence dynamique.
Compte tenu du temps requis pour défendre ou soumettre au Bureau un cas d'abus de position dominante, peut-on affirmer sans crainte que ces critères, en tenant compte notamment de celui de la concurrence dynamique, ne respecterait plus le paradigme du caractère raisonnable en bonne et due forme? Comment vous proposez-vous de mettre fin à une situation anticoncurrentielle d'abus de position dominante dans un marché donné, surtout en l'absence d'une analyse de ce marché, l'étape suivante habituelle dans tous les autres pays de l'OCDE préalablement à une déréglementation?
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Votre question comporte deux volets. Il y a d'abord l'aspect des critères proposés relativement à la décision du CRTC. Nous avons nous-mêmes, au Bureau de la concurrence, élaboré l'un de ces critères pour aider le CRTC qui souhaitait compter sur une mesure administrative simple et efficiente pour déterminer s'il y a lieu de s'abstenir de réglementer un marché. Nous nous sommes donc efforcés de puiser dans notre expertise afin de concevoir le critère le plus simple possible aux fins de l'abstention; nous estimons qu'il s'agit d'un critère qui intègre bon nombre des éléments dont vous avez parlé. Il comporte un aspect touchant la rivalité; il examine la nature de la concurrence entre les différents joueurs sur le marché. Ce sera donc l'un des critères disponibles.
Pour ce qui est des abus de position dominante, si de tels cas nous sont soumis après la déréglementation, à la suite d'une ordonnance d'abstention du CRTC, il est bien évident que nous ferons appel aux outils traditionnellement à notre disposition. Richard pourrait vous fournir de plus amples détails à ce sujet, car ces questions relèvent de sa responsabilité.
Je peux vous dire que lorsque nous concentrons nos efforts sur un marché donné, nous pouvons agir très rapidement. Je sais que quelques-uns des intéressés qui ont comparu devant vous ont laissé entendre qu'il nous fallait bien des années pour accomplir notre travail. Je ne pense pas que cette évaluation soit conforme à la réalité. Lorsqu'on nous soumet un dossier important et que nous y consacrons les ressources nécessaires, nous pouvons travailler de façon assez expéditive. Par exemple lorsque nous avons été saisis d'une plainte importante dans le secteur du transport aérien, nous avons pu mener notre enquête à terme dans un délai de cinq mois. Nous avons pu obtenir assez rapidement des injonctions lorsque nous l'avons jugé nécessaire.
Au cours de la dernière année, Richard s'est également employé activement à rationaliser le processus de traitement des plaintes relatives à l'abus de position dominante, et ce, pour l'ensemble des industries sous notre supervision. Je pense donc que nous allons pouvoir consacrer les ressources nécessaires à ce dossier et intervenir suffisamment rapidement sur le marché.
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Merci, monsieur le président.
Dans votre document, vous énumérez sept critères en ce qui concerne la déréglementation. Cela commence ainsi: « Lorsqu'une réglementation s'impose, le Bureau a toujours préconisé [...] ».
Considérez-vous que la décision actuelle du ministre, selon laquelle on n'avait pas besoin de réglementer la téléphonie locale, repose sur des faits réels?
Mme Sheridan Scott: À quelle partie du document faites-vous référence?
M. Paul Crête: Au paragraphe précédant la liste de critères, vous dites: « Lorsqu'une réglementation s'impose [...] ».
Normalement, c'est le CRTC qui décide si la réglementation s'impose, mais le ministre a décidé de passer outre au pouvoir du ministre.
Savez-vous si la décision du ministre repose sur une étude quelconque pour savoir s'il y a actuellement une compétition réelle dans le marché de la téléphonie locale?
:
Permettez-moi de vous dire quelques mots à ce sujet, et vous pourrez me dire si c'est suffisant ou si vous voulez entendre Richard.
Concernant nos ressources, vous avez raison: au cours des années, nous avons constamment essayé de faire rajuster notre budget de base pour ne pas toujours avoir à quémander. Ce processus n'est pas terminé, mais je peux vous dire que nous recevons une réaction très favorable partout où nous abordons cette question. Je crois que je vous l'ai dit la dernière fois que vous m'avez posé la question, nous avons en fait le sentiment que le fossé sera comblé.
Je dois dire que nous recevons également une réaction relativement favorable lorsque nous faisons valoir que nous aurons peut-être besoin de ressources temporaires pour traiter le dossier des télécommunications en particulier, pendant une courte période de temps, disons cinq ans.
Ce n'est pas encore réglé, mais nous voyons la chose d'un bon oeil.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, madame Scott, d'être ici.
[Traduction]
J'ai suivi avec intérêt vos questions et vos réponses, de même que celles du représentant du CRTC. Si l'on examine la question de la concurrence par opposition à un monopole ou à une réglementation, un service réglementé, cela semble bien. Tous sont d'accord pour dire que, si j'ai des concurrents qui offrent des services égaux ou meilleurs pour le même prix ou à un prix plus bas, alors en tant que consommateur, je jouirai d'un accès amélioré. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Il semble y avoir beaucoup de concurrence parmi les fruits mûrs, dans les centres urbains où les marchés sont bons et très rentables. Mais les bienfaits de la concurrence ne semblent pas toujours se transposer ou, du moins, rarement dans les régions rurales. Nous avons pu le constater dans le transport aérien. Bien qu'il se soit amélioré peut-être pour bien des gens, dans beaucoup de régions, il n'y a plus de service.
Pour ce qui est de la téléphonie, de ce genre de services, j'ai de vives préoccupations. Dans la Nouvelle-Écosse rurale où j'habite, il n'y a pas de concurrence. Il n'y a pas de service de transmission à large bande. Même le câble n'est pas disponible partout. Dans certaines régions, nous avons réussi à négocier avec de petits câblodistributeurs pour obtenir le service à large bande, avec l'aide du gouvernement pour payer les frais d'infrastructure, mais tous n'y ont pas accès. La transmission mixte n'est pas disponible. Les titulaires fournissent le service de téléphonie à un prix très élevé. L'installation des fils, de l'équipement de commutation et tout le reste dans ces régions rurales coûte beaucoup plus cher, par rapport aux revenus, que dans les régions urbaines.
Si nous ne réglementons pas la concurrence, si nous n'intervenons pas dans le processus, ne risquons-nous pas à un moment donné que le réinvestissement dans les régions les moins rentables fait par les titulaires en arrive à un point tel que le service n'est pas disponible ou qu'il est d'une qualité inférieure à celle dont jouissent la moitié des Canadiens?
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Il est intéressant de suivre l'évolution de la concurrence au sein des nombreux marchés. Vous avez tout à fait raison de dire qu'en règle générale, la concurrence commence dans les marchés urbains plus concentrés et tout le reste. On peut certes le constater dans tout le secteur des télécommunications. L'introduction de la concurrence dans l'interurbain, Internet et le sans fil s'est faite d'abord dans les centres les plus densément peuplés. Toutefois, nous observons également qu'elle s'étend lentement aux régions plus clairsemées, de sorte que, là aussi, la concurrence s'installe.
À notre avis, en règle générale, s'il fallait comparer l'approche de la réglementation à celle de la concurrence, on préfère laisser le plus possible s'exercer les forces du marché parce qu'elles se traduiront par des prix compétitifs et un plus grand choix. La solution ne conviendra peut-être pas parfaitement à toutes les régions, j'en conviens, et si l'on se fie aux divers critères qui ont été proposés et dont il est question aujourd'hui, il se pourrait fort bien que la réglementation se poursuive dans certains secteurs. C'est une possibilité, et les instances de réglementation se substitueront aux forces du marché, comme c'est leur nature de le faire.
J'ai passé dix ans de ma carrière au CRTC, en réalité. Ce qu'on tente de faire, c'est de laisser s'exercer le plus possible les forces du marché, parce qu'on tente d'obtenir des gains d'efficacité et de les refiler aux consommateurs pour lesquels nous estimons qu'ils sont avantageux.
Donc, c'est sûr qu'il n'y aura pas de solution parfaite et que tout ne se fera pas du jour au lendemain. Mais s'il faut choisir un modèle, selon moi, celui du libre jeu des forces du marché va s'imposer à long terme comme un meilleur modèle que la réglementation gouvernementale.
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L'amende de 15 millions de dollars est le maximum prévu. C'est un plafond. Elle ne peut dépasser ce montant. Il appartiendrait au tribunal d'en fixer le montant. L'amende pourrait n'être que de 3 $. Elle peut varier, de zéro à 15 millions de dollars. Le projet de loi prévoit plusieurs critères dont doit tenir compte le tribunal pour fixer le montant qui convient.
D'autres pays qui prévoient des amendes pour l'abus de la position dominante ont souvent un montant qui est lié au volume d'affaires, par exemple 10 p. 100 du chiffre d'affaires. Si vous vous arrêtez aux résultats finaux des sociétés de téléphonie titulaires, vous constaterez que 15 millions de dollars représentent un peu moins probablement que 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires.
Tout serait fonction du chef d'accusation comme tel, de sorte que nous examinerions le dossier, une accusation à la fois. Il ne faudrait pas en réalité parler d'accusation — qui relève plus du droit criminel —, mais de décret à partir duquel on établirait la preuve d'une infraction particulière. Donc, cela se ferait une infraction à la fois.
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Quand vous me dites cela, vous affirmez en même temps que vous avez de la difficulté à étudier les marchés. Vous dites que c'est difficile, car vous n'avez pas les chiffres ni les données, dans le marché déréglementé.
Notre hantise, c'est de constater que dans un marché de gros fournisseurs, comme Bell, que vous connaissez bien, la marge de manoeuvre des petits et la possibilité pour d'autres de prendre leur place...
Et cela correspond à vos critères. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de continuer avec l'étape intermédiaire que le CRTC proposait, c'est-à-dire que tant que quelqu'un n'a pas atteint 25 p. 100, on continue de réglementer, et quand on parvient à 25 p. 100, à ce moment-là, on a un vrai marché de concurrence?
Il reste quelques minutes. Je vais en réalité m'accaparer le bloc de temps suivant réservé aux conservateurs, comme c'est la prérogative de la présidence.
Tout d'abord, la question centrale, si l'on s'éloigne du jargon, c'est qu'on est confronté à deux approches presque. Vous envisagez une approche selon laquelle il faut s'en remettre à un pourcentage de l'emprise sur le marché, par exemple, c'est-à-dire l'approche qu'adopte le CRTC, soit de s'abstenir dans le cas de la téléphonie locale, ce qui a de toute évidence un impact sur le système vocal sur l'Internet. Ou bien, vous adoptez une approche, ce que tente de faire le ministre d'après moi, qui cherche à déterminer s'il y a vraiment de la concurrence dans les services offerts.
Il me semble, d'après vos réponses et votre déclaration, que vous favorisez cette dernière approche — du moins en principe. Par contre, j'ignore si vous vous prononceriez expressément en sa faveur.
Donc, d'une part, vous avez une emprise de 25 p. 100 sur le marché et, d'autre part, la concurrence entre trois services, deux services à fil et un sans fil.
Si l'on s'arrête aux données fournies par M. French, il a parlé de 11 p. 100, je crois, pour COGECO, Vidéotron, Shaw et Rogers; ensuite, il a dit qu'il fallait un taux de 25 p. 100 environ pour que l'abstention soit efficace. Si je me fie simplement à Edmonton, une ville dont la taille varie de moyen à grand, on y compte Telus qui assure un service local, la téléphonie, l'Internet, y compris la LANA; ensuite, Shaw assure le service de télédiffusion, de téléphonie locale et d'Internet par câble. Vonage offre le système vocal sur l'Internet. Vonage est présente à Devon, une collectivité de 7 000 âmes à l'extérieur d'Edmonton et à Leduc, une localité de 17 000 âmes. On a donc le sans fil, Telus, Bell et Rogers. Néanmoins, je soupçonne que la part de marché de Telus est supérieure aux trois quarts de la téléphonie locale.
Donc, si vous adoptez la première approche, il ne serait en réalité pas question de déréglementer le marché. Pourtant, en tant que consommateur d'Edmonton, la déréglementation me semblerait tout simplement logique, mais peut-être pas en région rurale — je pourrais simplement dire qu'en tant que consommateur, je peux passer à Telus pour avoir accès à LANA ou à Shaw pour l'Internet, ou encore passer de Telus à Bell ou l'inverse si je n'aime pas le service.
Il me semble donc, et je tiens simplement à me le faire préciser, que vous êtes favorable à la seconde approche, que vous vous fiez au gros bon sens pour examiner la situation sur le terrain et affirmer qu'il existe effectivement des sociétés sur place pour offrir les services, plutôt que de miser sur une emprise sur le marché de 25 p. 100, ce qui me semble de plus en plus irréaliste dans le monde des télécommunications.
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En un certain sens, nous avons adopté une solution intermédiaire. J'ai affirmé plusieurs fois que les critères reposant sur la part de marché sont utiles, mais qu'ils ne sont pas toujours les facteurs déterminants. Le critère de la part de marché nous déplaît. Nous ne serions pas d'accord avec un critère de 25 p. 100. Ce que nous envisageons plutôt, c'est de déterminer s'il existe un autre concurrent tout aussi efficace qui pourrait offrir le service.
À nouveau, je précise qu'il s'agit d'une version abrégée de notre analyse habituelle. Le critère se trouve actuellement dans la réglementation proposée par le ministre. Nous aurions tenu compte de plusieurs facteurs, comme la structure des coûts, la présence de rivaux et je ne sais trop quoi encore. Parce que nous envisageons la présence de deux infrastructures concurrentielles dans notre critère, nous nous rapprochons davantage d'avoir simplement des infrastructures indépendantes qui peuvent offrir un choix concurrentiel. Si nous avions fait cette analyse quand nous avons parlé pour la première fois de l'abstention, il y a deux ans, nous aurions peut-être examiné certains de ces éléments.
Nous serions également en train d'observer actuellement la série de chiffres que vous citez justement — le pourcentage de la part du marché. Actuellement, 1,1 million de consommateurs utilisent les services de câblodistribution, et 300 000 autres utilisent Call-Net. Ces données nous confirmeraient que certains éléments de notre critère concernant la rivalité et ce genre de choses sont satisfaits.
Vous allez vous rendre compte, selon moi, que nous avons fait une partie du chemin, mais nous n'en sommes certes pas rendus, dans notre analyse, à la part de marché. Nous proposons clairement un critère qui mise sur l'importance de ces infrastructures concurrentielles.