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La séance est ouverte. Nous sommes quelques minutes en retard, parce que nous avions une réunion en sous-comité auparavant et il nous a fallu un certain temps pour nous rendre ici.
Nous allons poursuivre notre étude — la première étude du comité dans le cadre de la présente législature — qui porte sur le secteur manufacturier et les défis auxquels il doit faire face. Tous les membres seront certainement d'accord pour dire que c'est un excellent exercice jusqu'à présent. Nous avons hâte d'entendre les groupes qui vont comparaître devant nous aujourd'hui.
Au cours de la première heure, nous accueillons des représentants de l'industrie automobile. Certains membres du comité diront qu'il s'agit de la plus importante industrie du pays, et je ne les contredirai pas.
Je vais faire la présentation des témoins à l'intention des membres du comité. Nous accueillons Mark Nantais, président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, Lorraine Shalhoub, directrice de la politique générale et des affaires extérieures de DaimlerChrysler Canada, Paul Roy, directeur des relations gouvernementales de Ford Canada, David Paterson, vice-président des affaires gouvernementales de General Motors du Canada limitée, et David Adams, président de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada.
Bienvenue à vous tous. Bienvenue au comité.
Chaque témoin ou association aura jusqu'à 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. Je vous encourage à être aussi bref que possible, parce que je sais que les membres du comité ont de nombreuses questions à vous poser.
Nous allons procéder dans l'ordre, en commençant par M. Nantais, pour un maximum de 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des défis que doit relever l'industrie automobile du Canada.
Je vais me servir d'un dossier de présentation qui guidera simplement les discussions, et j'aimerais aborder plusieurs questions qui touchent au secteur manufacturier : le dollar canadien, les questions énergétiques, les compétences, la formation, la mondialisation de l'industrie et comment ce phénomène est lié à un problème assez urgent pour nous, c'est-à-dire l'accord de libre-échange avec la Corée. Nous vous ferons part également de quelques réflexions sur d'autres sujets que vous voudrez peut-être aborder à une date ultérieure.
Cela étant dit, j'aimerais vous donner quelques renseignements de base, et je présume que David Adams pourra les confirmer puisqu'ils portent sur l'ensemble du secteur.
Environ 570 000 emplois sont liés directement ou indirectement à l'industrie automobile du Canada. Il s'agit du plus grand secteur manufacturier. L'industrie compte pour quelque 6,5 milliards de dollars de l'excédent commercial de 22 milliards de dollars avec les États-Unis. Quand on songe aux membres de l'ACCV, nous achetons des produits d'origine canadienne évalués à environ 40 milliards de dollars, à peu près trois fois plus que ce que le gouvernement fédéral achète au cours d'une année. L'industrie automobile représente environ 11 ou 12 p. 100 du PIB du secteur de la fabrication.
Je sais que vous n'avez pas le dossier devant vous, mais j'aimerais faire des commentaires sur l'un des tableaux que nous allons vous fournir en français et en anglais. Il montre les livraisons de produits manufacturiers, exprimées en dollars, et les incidences de la fabrication. Les livraisons ont augmenté énormément, passant d'environ 23 milliards de dollars en 1992 à plus de 50 milliards de dollars aujourd'hui. Cette effervescence est en partie attribuable aux investissements faits dans le secteur de l'automobile autour de 1999 à 2001.
On observe quelques soubresauts, dont une baisse attribuable aux événements du 11 septembre, ce qui est facile à comprendre. Une autre est survenue au moment de la panne d'électricité en Ontario. Ce qui est plus important, c'est la chute plus prononcée attribuable à un arrêt de travail dans l'usine de freins de General Motors au Michigan, qui a entraîné une baisse importante des livraisons.
Je souligne cet aspect pour montrer à quel point notre industrie est intégrée. Cela montre notamment la place importante qu'occupe notre industrie dans l'économie canadienne globale et le fait que nous dépendons d'un mouvement frontalier prévisible et que nous avons besoin d'une source énergétique et d'un système de distribution fiables. Je vais y revenir.
En ce qui a trait aux tendances actuelles, notre force a toujours été que les coûts de production étaient faibles au Canada, et ce n'est plus le cas. Néanmoins, les membres de l'ACCV continuent d'investir massivement au Canada et environ cinq des sept milliards de dollars nouvellement investis, dont on a fait l'annonce récemment, viennent des trois grands membres de notre association : DaimlerChrysler, Ford et General Motors.
Nous cherchons maintenant à transformer une industrie purement manufacturière pour nous investir dans des activités qui exigent de plus hautes compétences, à valeur ajoutée, notamment dans la recherche et le développement, la conception et le génie automobiles.
Voilà pour la toile de fond.
Permettez-moi de vous parler brièvement du renforcement du dollar canadien. Comme vous le savez, le dollar a connu une hausse très importante par rapport à la devise américaine au cours des dernières années. Cette appréciation a été surtout attribuable à la vigueur des prix des produits de base, du pétrole, et ainsi de suite. Nous ne savons pas jusqu'où cela ira. L'impact sera important sur les usines de montage. Les effets ne se sont peut-être pas encore faits sentir directement, mais compte tenu de la tendance actuelle et du niveau où le dollar se maintient, il y aura des répercussions.
Les segments de l'industrie automobile qui ont déjà été affectés sont nos fournisseurs de pièces et la chaîne d'approvisionnement qui alimente nos usines de montage au Canada. Tandis que le dollar prend de la vigueur, ils essaient tant bien que mal de maintenir des prix compétitifs. Par conséquent, leur compétitivité s'effrite.
Par ailleurs, comme notre industrie a une dimension mondiale, nous ne surveillons pas uniquement le taux de change du dollar américain. La valeur des devises des autres grands constructeurs automobiles, comme les pays d'Europe, le Japon et la Corée, est tout aussi importante pour nous maintenant, d'abord parce qu'elle a une incidence sur le prix des véhicules importés sur notre marché, mais aussi en raison des systèmes d'approvisionnement mondiaux émergents.
Parlons maintenant de la politique en matière d'énergie. Comme je l'ai mentionné, nous avons besoin d'un approvisionnement énergétique fiable. La panne d'électricité en Ontario nous a durement touchés pendant deux ou trois jours. Il a fallu presque une semaine avant que le courant ne soit tout à fait rétabli. Ce qu'il faut retenir, c'est que nous ne sommes pas certains qu'il existe une politique d'approvisionnement énergétique à long terme, en particulier en Ontario, et cette incertitude nuit aux décisions d'investissements futurs. Il nous faut un approvisionnement fiable et des coûts raisonnables par rapport à ceux des pays qui nous font concurrence.
Concernant les compétences et la formation, le secteur de l'automobile se tourne vers des activités à valeur ajoutée, comme la recherche et le développement ainsi que la conception et le génie automobiles. La pénurie dont ont souvent parlé les médias est peut-être plus criante dans notre chaîne d'approvisionnement. Nous avons un assez bon bassin de main-d'oeuvre, mais nos fournisseurs ont un sérieux problème, que ce soit sur le plan de l'alphabétisation ou la formation d'apprentis, les compétences générales et certaines compétences techniques dont nous avons besoin pour réaliser notre vision à long terme pour l'industrie de l'automobile; la main-d'oeuvre hautement spécialisée dont nous avons besoin doit être disponible.
Par ailleurs, par l'intermédiaire de l'ACCV et des entreprises, nous avons travaillé en partenariat avec les universités pour concevoir et mettre en oeuvre des programmes de formation avancée pour satisfaire à nos besoins. Je préside actuellement le Conseil sectoriel des ressources humaines de l'automobile, qui se penche également sur ces besoins en compétence. J'encourage les membres du comité à consulter le site Web du conseil pour lire ses rapports et recommandations.
Ceci m'amène au principal enjeu: la mondialisation. Nous avons été à l'avant-scène de la mondialisation. Nous avons participé au Pacte de l'automobile. Nous sommes des concurrents sur la scène internationale, nous sommes des multinationales, ce qui signifie que nous appuyons pleinement la libéralisation du commerce, dans la production de pièces comme dans la construction de véhicules.
Toutefois, les défis sont nombreux. On pourrait ouvrir de nouveaux marchés pour les produits canadiens de manière à augmenter la production intérieure et les débouchés à l'étranger. Des produits concurrentiels peuvent facilement être vendus sur le marché canadien également. L'ACCV et ses membres souhaitent travailler avec le gouvernement pour accroître ces débouchés à l'étranger et rehausser la prospérité canadienne.
L'impact de la Chine comme puissance émergente dans le secteur de l'automobile est réel et a retenu l'attention jusqu'à maintenant, mais ses effets négatifs présumés sur l'industrie nord-américaine peuvent prendre encore quelques années à se faire sentir. Certes, les investissements et la production augmentent en Chine, mais ils visent surtout à satisfaire le marché intérieur effervescent. Nous ne fermons pas les yeux sur la Chine, mais d'autres enjeux plus pressants existent, en particulier les négociations en cours visant l'accord de libre-échange avec la Corée.
Nous sommes en faveur d'un commerce libre et équitable, et nous sommes d'accord pour accroître ces marchés à l'étranger, mais on a entrepris des négociations qui, selon nous, nuiront à l'industrie automobile du Canada. Cette industrie comptait pour 67 p. 100 du déficit commercial de 2,6 milliards de dollars enregistré en 2005. Les produits canadiens ne peuvent pénétrer le marché coréen en raison d'un ensemble de barrières non tarifaires complexes et toujours changeantes. Si les produits coréens obtenaient un avantage de 6,1 p. 100 par la réduction des tarifs au Canada, la part du marché occupée par les véhicules construits au Canada diminuerait.
Nous savons que les Coréens n'ouvriront pas leur marché. Les protocoles d'entente conclus de gouvernement à gouvernement aux États-Unis montrent clairement que ces protocoles visaient à abolir ces BNT, mais qu'aucun effort n'a été fait en ce sens de la part des Coréens. Notre marché est grand ouvert, mais le marché coréen est hermétique.
Si vous examinez la performance de la Corée par rapport aux autres pays membres de l'OCDE qui construisent des véhicules, la moyenne mondiale est d'environ 48 p. 100, tandis qu'elle est de 2,4 p. 100 en Corée. C'est bien en-dessous de la moyenne de l'OCDE. Si vous examinez la composition des marchés, 98 p. 100 du marché coréen est satisfait par la production intérieure. Ensemble, tous les constructeurs automobiles du monde entier, et non seulement le Canada, représentent seulement 2 p. 100 de ce marché.
Où devrions-nous concentrer nos efforts? Nous croyons qu'il faut coordonner une approche canado-américaine pour trouver une solution en vue d'une ouverture réelle, valable et soutenue du marché de l'importation automobile de la Corée. Il faut abolir les tarifs et les barrières non tarifaires de la Corée. C'est la seule façon dont nous pourrons pénétrer le marché.
Nous avons offert une solution. Selon l'approche que nous préconisons, nous devrions atteindre un certain seuil dans la pénétration du marché. D'ici là, avec la possibilité d'un retour aux tarifs antérieurs en cas de piètre performance, nous ne croyons pas que le simple fait de négocier comme on le fait sera vraiment profitable pour les Canadiens. En fait, nous ne voyons aucun avantage pour le secteur de l'automobile.
Pour résumer cette question particulièrement importante pour nous, je dirai que la mondialisation signifie que le Canada doit créer un environnement d'affaires qui permet d'attirer et de soutenir une industrie mondialement concurrentielle et qu'il doit se doter d'une politique industrielle à long terme axée sur les priorités commerciales internationales.
Nous sommes d'avis qu'il faut consacrer nos ressources limitées à l'ouverture de nouveaux marchés pour les industries les plus importantes du Canada, mais en même temps, nous ne devrions pas sacrifier l'industrie automobile, dont le rôle est si important dans notre l'économie. Il y a peut-être quelques gains à réaliser, mais les résultats nets sur le secteur automobile du Canada sont très négatifs.
Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions, monsieur le président, et nous sommes prêts à discuter avec vous.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui.
Comme vous l'avez mentionné, je suis le président de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada. Pour vous donner un bref aperçu de cette association nationale, elle représente depuis 25 ans les intérêts de ses membres, qui oeuvrent dans le domaine de la construction, de l'importation, de la distribution et de l'entretien de véhicules légers et dont les sièges sociaux se trouvent à l'extérieur du Canada et des États-Unis. À l'heure actuelle, nous comptons 13 membres dont les sièges sociaux se trouvent dans trois pays: au Japon, en Allemagne et en Corée.
L'association était, à l'origine, un comité de l'Association des importateurs canadiens qui traitait des questions liées à l'importation d'automobiles. Comme les activités de ses membres au Canada se sont accrues et ont pris de l'expansion, les activités de l'association ont suivi la même tendance. En 1999, l'AFIAC est devenue une société distincte sans but lucratif.
Les ventes combinées des membres de l'AFIAC constituaient 10 p. 100 du marché canadien en 1979 alors qu'elles représentaient 43,3 p. 100 du même marché en 2005. En outre, les membres de l'AFIAC vendent 59 p. 100 de toutes les automobiles neuves au Canada.
Sur le plan de la fabrication, depuis le milieu des années 80, trois de nos membres japonais, Honda, Toyota et Suzuki, ont investi, dans le cadre d'une entreprise conjointe avec General Motors, plus de huit milliards de dollars dans des installations manufacturières, y compris l'investissement de 1,1 milliard de dollars récemment annoncé par Toyota à Woodstock et l'investissement de 154 millions de dollars de Honda à Alliston. Ces investissements ont permis à ces trois entreprises de construire plus de 33 p. 100 de tous les véhicules légers produits au Canada en 2005, alors que Honda fabriquait à peine 400 véhicules lorsque le constructeur a commencé ses activités de production au Canada il y a vingt ans. Oui, je dis bien 400 véhicules.
Par ailleurs, il faut se rappeler que Hyundai Auto Canada a fabriqué des véhicules dans une usine de montage de Bromont, au Québec, de 1989 à 1993, avant sa fermeture. Il s'agissait d'un investissement de 350 millions de dollars. L'usine embauchait environ 800 personnes et avait une capacité de production annuelle de 100 000 unités. Elle n'a jamais réalisé son plein potentiel.
Tout comme d'autres constructeurs de véhicules au Canada, toutes ces entreprises ont profité d'un marché nord-américain intégré pour les produits automobiles, résultat de la négociation de l'accord sur les produits de l'industrie automobile, mieux connu sous le nom de Pacte de l'automobile, conclu en 1965, qui a été suivi de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis puis de l'Accord de libre-échange nord-américain en 1994. Grâce à l'accès en franchise au marché américain que permettent ces accords commerciaux, chaque entreprise exporte plus de 75 p. 100 de leur production aux États-Unis.
Il n'existe aucun constructeur de véhicules canadien. Bien que Honda, Toyota et l'entreprise conjointe CAMI n'emploient pas le même nombre de Canadiens dans leurs installations que les autres grandes multinationales en activité au Canada, leurs récents investissements et leurs récentes annonces en matière d'emploi ont eu un effet modérateur sur l'importante restructuration que connaît l'industrie automobile. Chose intéressante, en pourcentage, la production de ces trois entreprises autorisée par l'ALENA se fait davantage au Canada, comparativement aux constructeurs nord-américains traditionnels, et elles vendent plus de véhicules fabriqués au Canada à des Canadiens que ces mêmes constructeurs nord-américains.
Cette croissance de la construction automobile au Canada signifie non seulement que le nombre de fabricants de pièces qui s'installent au Canada pour fournir ces installations a augmenté — pensons à l'usine de pièces Toyotetsu de 50 millions de dollars qui a été annoncée en avril pour Simcoe, en Ontario — mais, plus récemment, que la quantité de pièces provenant de fabricants canadiens a aussi augmenté. Il existe d'importantes possibilités de croissance dans ce secteur.
J'aimerais maintenant me concentrer sur les quatre priorités sur lesquelles le comité nous a invités à faire des commentaires. Le comité a entendu divers témoins. Mark a mentionné le redressement du dollar canadien — 44 p. 100 par rapport au dollar américain depuis 2002. Cette appréciation du dollar ne touche pas nécessairement tous les manufacturiers de la même façon. Il est clair qu'elle a un impact négatif important sur un fabricant dont les usines se trouvent seulement au Canada et qui cherche à vendre ses produits à l'étranger.
Toutefois, les grandes multinationales de la construction automobile qui ont des usines au Canada et aux États-Unis, et ailleurs, sont protégées naturellement contre les variations des taux de change. En conséquence, malgré le fait que plus de 75 p. 100 de la production automobile est exportée, bon nombre des pièces et composantes requises pour construire ces véhicules sont importées et la hausse du dollar canadien aura une incidence positive sur ces importations.
Comme Mark l'a fait remarquer également, la poussée de la devise canadienne a un impact négatif beaucoup plus grand sur les fabricants de pièces canadiens que sur les usines de montage, dans la mesure où ces fabricants exportent leur production. C'est aussi dans le secteur de la fabrication des pièces que la croissance de l'emploi sera probablement la plus importante dans l'industrie, dans un avenir rapproché. Nous devons faire preuve de vigilance à l'égard de ce secteur.
Nous pouvons, dans une certaine mesure, et c'est là notre première recommandation, annuler les effets négatifs de l'appréciation du dollar en prévoyant une déduction pour amortissement accéléré à l'égard des achats d'outillage et d'équipement de fabrication. L'amortissement accéléré, combiné à un dollar canadien plus fort, rendrait l'importation de machinerie plus intéressante aux yeux des fabricants de pièces de rechange et accroîtrait leur productivité.
Mark a parlé des coûts énergétiques élevés. Nos membres sont confrontés au même problème. L'Ontario avait jadis des ressources énergétiques abondantes qu'elle vendait à des prix raisonnables. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En janvier 2005, le comité consultatif de l'industrie, qui relève du ministère du Développement économique et du commerce, a noté que les tarifs d'électricité payés par les consommateurs industriels avaient augmenté de plus de 46 p. 100 entre le premier trimestre de 2002 et le deuxième trimestre de 2004. Concernant la prévisibilité des prix, le ministre de l'Énergie de l'Ontario a annoncé, en février, qu'il s'engageait à fournir des tarifs prévisibles et stables aux gros consommateurs industriels: le prix de l'électricité, qui a été ramené à 4,6 cents le kilowatt-heure en mai, passera à 4,7 cents en 2007, puis à 4,8 cents en 2008. Cette annonce, même si elle a été bien accueillie, ne constitue qu'une solution provisoire à un problème systémique. Outre la hausse des prix, la stabilité et la fiabilité de l'approvisionnement en électricité sont devenues un enjeu de plus en plus important.
Par ailleurs, l'industrie de l'automobile est la plus mondialisée de toutes. D'aucuns soutiennent que la mondialisation nuit au secteur canadien de l'automobile. Or, ce n'est pas ce qu'indiquent les chiffres.
Les dépenses en capital au Canada sont restées relativement constantes au cours des sept dernières années, oscillant autour de trois milliards de dollars par année. Le nombre d'emplois directs créés dans le secteur des pièces et de l'assemblage est demeuré plutôt stable, se chiffrant à environ 150 000 sur cinq ans. En 2005, le secteur comptait 148 250 employés, soit environ 11 p. 100 de plus qu'en 1995, année où il en recensait 133 181. La production de véhicules automobiles s'est maintenue à environ 2,6 millions unités au cours des cinq dernières années. La production canadienne a représenté environ 16 p. 100 de la production nord-américaine au cours de cette période.
Les ventes de véhicules ont elles aussi été relativement stables, atteignant 1,55 million d'unités au cours des cinq dernières années. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de transition majeure qui s'opère au sein de l'industrie et des différents secteurs et fabricants qu'elle englobe. Les défis auxquels est confronté le secteur manufacturier nord-américain sont bien connus et risquent de perdurer, à tout le moins, pendant un certain temps. Encore une fois, la santé d'un pan important de l'industrie de fabrication de pièces automobiles dépend de la capacité de General Motors, Ford et , dans une moindre mesure, de DaimlerChrysler, de relever ces défis.
Il y a des fabricants, comme ceux qui font partie de l'Association, qui continuent de réaliser des chiffres d'affaire impressionnants et d'ajouter à la capacité de production nord-américaine. Concernant les ventes, six des treize sociétés membres de l'AFIAC ont enregistré des ventes records en 2005. Au cours de la dernière année, Toyota a annoncé, pour la première fois en près de vingt ans, qu'elle allait investir dans de nouvelles installations. Hino a également annoncé l'ouverture d'une nouvelle usine de fabrication de camions à Woodstock. Deux autres projets s'ajoutent à la liste: l'usine de pièces automobiles Toyotetsu et l'usine de moteurs Honda. Ces investissements découlent de la progression des ventes qui, elle, entraîne une hausse la capacité de production. Par ailleurs, la plupart des fabricants de par le monde ont adopté le modèle d'entreprise qui consiste à produire des véhicules dans les marchés, ou près des marchés, où ils vendent les véhicules. Les sommes investies dans les installations d'assemblage ont un impact positif sur les usines de pièces automobiles.
Dans l'édition du 27 octobre 2005 du Canadian Auto Report, Carlos Gomes, économiste principal responsable de la recherche sur l'industrie et les marchés des produits de base auprès du Groupe Banque Scotia, a laissé entendre qu'un des modèles de voitures japonaises construit au Canada contient aujourd'hui moins de 2 000 dollars de pièces importées du Japon; ce chiffre dépassait les 5 000 dollars au milieu des années 1990.
Voici une autre statistique encore plus éloquente : le déficit commercial du Canada avec le Japon dans le domaine des pièces automobiles tournait autour de 1,7 milliard de dollars en 2005, soit pratiquement le même montant qu'en 1996, et ce, malgré la hausse de production de 140 p. 100 enregistrée par les sociétés japonaises au Canada : celle-ci est passée de 366 000 unités à environ 881 000 unités l'an dernier. Il est clair que ces sociétés s'approvisionnent davantage au Canada et aux États-Unis.
Le marché visé par l'ALENA est très compétitif. En fait, il représente le plus gros marché de l'automobile au monde. Comme les volumes de ventes continuent d'augmenter, les investissements étrangers directs devraient continuer de croître dans la région. Toutefois, le Canada doit prendre les mesures qui s'imposent et se doter d'un régime fiscal hautement compétitif qui permettra à l'industrie de soutenir la concurrence à l'échelle planétaire.
À cet égard, le budget de 2006 reconnaît à juste titre que, bien que le taux d'imposition des sociétés prévu par la loi soit de 5,1 p. 100 inférieur au taux en vigueur aux États-Unis, ce pourcentage va baisser à 2,0 p. 100 en 2010 par suite des réductions d'impôt annoncées par les États-Unis. De plus, le budget signale que, à ce chapitre, le Canada ne possède pas pour l'instant d'avantage sur les États-Unis. Toutefois, d'ici 2010, le taux effectif marginal d'imposition sera ramené à environ 32 p. 100, ce qui veut dire qu'il sera légèrement inférieur à celui des États-Unis, qui est fixé à 35 p. 100.
Nous proposons que le taux effectif marginal d'imposition...
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Oui. Je vais vous exposer brièvement les recommandations que nous formulons.
Le fait d'avoir un taux effectif marginal d'imposition légèrement inférieur à celui des États-Unis ne suffit pas à attirer des investissements étrangers au Canada, le marché américain étant plus important. Le gouvernement doit chercher des moyens de rendre le régime d'imposition des sociétés plus compétitif.
L'Association encourage le gouvernement fédéral à tenir des discussions avec les provinces qui ont des régimes fiscaux distincts, en vue de procéder à l'harmonisation des taxes de vente provinciales et de la TPS, dans les cas où il s'avère approprié de le faire. Cette mesure favoriserait les investissements, étant donné qu'elle entraînerait une baisse des taxes sur les produits, les biens d'équipement et les matières intermédiaires.
Le gouvernement devrait, en priorité, prévoir des infrastructures routières et ferroviaires transfrontières adéquates pour absorber le volume actuel et futur des échanges commerciaux. En effet, la frontière ne devrait pas constituer un facteur pour ceux qui envisagent d'investir dans les trois pays de l'ALENA.
À l'échelle planétaire, les pays savent à quel point l'industrie automobile locale est un important moteur de croissance et de prospérité économiques. La Chine et la Corée, par exemple, ont adopté des plans détaillés à long terme pour favoriser l'essor de leur industrie à l'échelle nationale. Le Canada doit lui aussi se doter d'une stratégie bien définie s'il veut assurer la viabilité à long terme du secteur automobile. Cette stratégie doit tenir compte des fabricants et des assembleurs déjà présents au Canada, et aussi des joueurs qui pourraient se joindre à eux dans les années à venir.
Je tiens à ajouter que les fonds publics, même s'ils contribuent à attirer des investissements dans le secteur automobile, ne doivent pas servir à choisir les gagnants ou les perdants parmi les ambassadeurs.
Pour terminer, le gouvernement se doit de maintenir l'image positive du Canada, qui est celle d'un pays qui offre une bonne qualité de vie à ses travailleurs spécialisés. Les décisions d'investissement peuvent parfois être influencées par divers facteurs: faible taux de criminalité, régime de soins de santé efficace, disponibilité de logements abordables. Il est plus facile pour un pays qui offre de tels avantages d'attirer un travailleur spécialisé, puisque c'est lui surtout qui choisit le pays dans lequel il souhaite travailler.
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Merci, monsieur le président.
J'allais poser une question au sujet de l'accord de libre-échange négocié avec la Corée du Sud, mais je vais passer à autre chose. De toute évidence, si nous n'obtenons pas la réciprocité ou si la Corée du Sud n'est pas disposée à ouvrir son marché, nous devons suspendre les discussions, pour toutes les raisons qui ont été invoquées.
Il ne fait aucun doute que nous avons un secteur très productif, que l'industrie de l'automobile occupe une place extrêmement importante au Canada. Nous jouissons de quelques avantages sur le plan de la concurrence: les soins de santé, les travailleurs spécialisés, ainsi de suite. Je pense que nous devons continuer de miser là-dessus.
Je veux savoir, et la liste des critères est longue — il y a le dollar, l'énergie, la frontière, les compétences, la formation, la technologie, la productivité —, quelles mesures nous devons prendre pour demeurer concurrentiels. Vous avez raison: s'il y a surcapacité, la production va aller là où le marché le dicte. Je pense que le Canada devrait s'attacher à offrir ce qu'il y a de mieux en matière de compétences, de technologies — et même d'impôt.
Ma question est la suivante : quelles mesures devons-nous prendre en priorité — et j'insiste là-dessus — pour maintenir ou améliorer notre capacité de production, que ce soit au niveau des automobiles, des pièces, ainsi de suite?
Par ailleurs, l'ancien gouvernement avait mis en place une stratégie de l'automobile élaborée conjointement avec le CPSCA. Il s'agissait d'un investissement de 500 millions de dollars. Comme nous devons formuler des recommandations au gouvernement au pouvoir, croyez-vous que nous devons offrir des fonds ou des programmes d'investissement technologique au secteur de l'automobile afin d'attirer de nouvelles usines d'assemblage ou d'accroître la production actuelle et, partant, la fabrication flexible, comme nous l'avons fait avec GM ou Ford, par exemple, dans le but d'aider l'industrie à soutenir la concurrence?
Merci, monsieur le président.
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Je peux essayer de répondre à cette question.
Chaque année, General Motors confie à des sous-contractants près d'un milliard de dollars en approvisionnement au Québec. Différents secteurs sont mis à contribution, mais le marché québécois a ses spécialités, les matériaux légers notamment.
Le Québec dispose d'une extraordinaire capacité en recherche et développement pour ce qui est des matériaux légers, une composante essentielle pour la fabrication de véhicules moins énergivores. Comme nous remplaçons certaines composantes en acier par des produits en aluminium de moindre poids et maintenant en magnésium, c'est un aspect très important pour nous. Au fait, l'impartition dans ce secteur connaît une croissance phénoménale au Québec.
L'appréciation du dollar canadien a effectivement un impact, surtout sur le marché des approvisionnements, compte tenu de la nécessité de soutenir la concurrence des autres fournisseurs mondiaux de ces matériaux. Lorsque vient le temps de soumissionner pour un contrat d'approvisionnement auprès des grands manufacturiers, si vos coûts ont augmenté de 40 p. 100 en deux ans par rapport à ceux de vos concurrents des États-Unis ou d'ailleurs, vous pouvez vous imaginer à quel point votre situation est délicate.
C'est donc une réalité qu'il faut prendre en considération. Nous collaborons avec nos fournisseurs pour nous assurer d'optimiser l'innovation au sein des chaînes d'approvisionnement canadiennes de manière à contrebalancer une partie de ces augmentations.
Je dois également ajouter que la hausse du dollar canadien a également des répercussions sur nos usines d'assemblage, car elle influe sur nos efforts pour attirer des investissements importants au détriment de nos compétiteurs sur le marché de l'automobile.
Il en va de même si notre base de coût pour la main-d'oeuvre — c'est-à-dire les salaires, les avantages sociaux et les coûts connexes — et les autres activités que nous confions à des sous-traitants au Canada augmente également de 40 p. 100 en deux ans. Cette hausse rend d'autant plus difficile la tâche de faire valoir la pertinence d'un investissement important. Nous sommes donc tenus de nous montrer plus productifs et c'est la raison pour laquelle on peut constater selon moi que la chaîne d'approvisionnement et le secteur de la fabrication automobile au Canada figurent parmi les chefs de file mondiaux en matière de productivité et de qualité.
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Merci, monsieur le président.
Félicitations à toutes les entreprises qui ont obtenu de bons résultats à l'enquête de J.D. Power and Associates. Dans une vie antérieure, j'ai travaillé pour Toyota Motor Corporation à Toronto. Nous vendions alors quelque 65 000 véhicules par année. J'ai quitté, et voilà que Toyota en est rendu à 170 000 véhicules vendus, ce qui vous montre à quel point ils peuvent bien se tirer d'affaire en mon absence.
J'aimerais soulever quelques questions qui préoccupent le comité et les membres de notre parti: tout le dossier de l'accès au marché des États-Unis pour ce qui est de... Je crois que vous avez parlé de FAST ou de NEXUS; la question des produits qui entrent aux États-Unis et qui en arrivent; et, bien évidemment, l'impact du dollar à 0,90 $, non seulement pour le secteur manufacturier, mais aussi bien sûr pour les pièces.
Ainsi, j'ai discuté il y a un certain temps avec Dennis DesRosiers de l'efficience de votre industrie et de la durée de vie des véhicules que vous produisez. Étant donné que vos véhicules durent aussi longtemps, et qu'ils sont accompagnés de garanties extrêmement généreuses à bien des égards, ne risquez-vous pas en fait d'atteindre un point de saturation qui n'a pas grand-chose à voir avec les taux de change, mais qui est bien davantage relié au fait que vos véhicules, comme le mien qui a 425 000 kilomètres au compteur, avec le même moteur et la même transmission, sont d'une telle qualité que c'est peut-être la réussite même de l'industrie qui pourrait causer sa perte?
Je ne suis pas ici pour vous demander de construire de mauvaises voitures, mais il faut bien dire que vous ne pourrez vendre qu'un nombre restreint de véhicules à une famille, quand elle peut conduire le sien pendant huit ou dix ans avant de retourner vous voir pour en acheter un autre.
Peut-être David pourrait-il répondre.