Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, chers concitoyens ici présents, au nom des membres de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), je vous remercie de m'avoir invité à cette audience qui me permettra de mieux comprendre vos préoccupations au sujet de notre industrie.
Je serai bref dans mes observations afin de pouvoir répondre au plus grand nombre de questions possible.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, l'ICPP est une association industrielle représentant de grandes entreprises canadiennes engagées dans le raffinage, la distribution et la commercialisation de produits pétroliers destinés au transport ainsi qu'à des utilisations résidentielles et industrielles. Collectivement, les entreprises membres de l'ICPP exploitent 16 raffineries (représentant plus de 80 p. 100 de la capacité canadienne de raffinage) et approvisionnent plus de 7 000 points de vente des grandes marques de carburants de transport d'un bout à l'autre du Canada. Nos membres sont : Chevron Canada Limited, Husky Energy Inc., la Compagnie pétrolière Impériale Ltée (Division des produits pétroliers et chimiques), North Atlantic Refining Limited, Petro-Canada, Produits Shell Canada, Suncor Energy Products Inc., Ultramar Ltée, Nova Chemicals (Canada) et Bitumar Inc. Nos membres exercent leur activité en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. ARCO Products Canada Ltd. et Parkland Income Fund assurent la commercialisation dans l'Ouest canadien.
Nous savons pertinemment que les projecteurs sont braqués sur notre industrie. Pour la plupart des Canadiens, nous sommes ceux qui leur fournissent l'élément indispensable qui leur permet de se rendre au travail et à l'école et assurent le transport des équipes paramédicales et des pompiers, le chauffage de la maison et le fonctionnement de la tondeuse le samedi ou le dimanche matin. Nous offrons des produits de qualité, un rendement reconnu et des installations complexes sûres et fiables. De plus, nos produits sont abordables parce que nous maintenons nos coûts à un bas niveau. Nous sommes également directement exposés à la réaction des consommateurs puisque nos prix sont indiqués sur des affiches plus hautes que moi.
L'abordabilité de nos produits est l'une des principales préoccupations des consommateurs, des défenseurs des droits des consommateurs, des activistes sociaux, des environnementalistes, des scientifiques, des ingénieurs et des économistes, tout comme des décideurs en matière de politique gouvernementale tels que vous. Nous comprenons votre intérêt pour les prix de l'essence et les marges de raffinage. Je voudrais aujourd'hui vous fournir une explication relativement simple à cette question complexe.
Le premier graphique illustre les fluctuations du prix de l'essence dans quatre grands centres urbains comparativement au prix de gros pratiqué au port de New York. C'est là la preuve que nous évoluons sur un marché basé sur le cours des produits de base où nous sommes l'acheteur au prix du marché et non le décideur de prix.
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Je vais maintenant commenter le premier graphique, qui illustre le prix de gros de l'essence en 2007. Dans ce cas précis, nous avons suivi les fluctuations de prix de janvier à juin au port de New York, à Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver. Ce que vous pouvez constater — ou en tout cas ce que le graphique essaie d'illustrer — c'est que pour le marché des dérivés du pétrole, nous évoluons sur un marché nord-américain. Nous achetons aux prix du marché; ce n'est pas nous qui fixons les prix.
S'ajoute à cela le phénomène de la spéculation dont j'aimerais parler brièvement. Selon Ressources naturelles Canada :
Les nouvelles de la baisse récente des niveaux de stocks, combinées à la négociation à un cours supérieur de la demande en essence, ont ravivé les spéculations des analystes sur la possibilité d'une pénurie au cours de l'été. Du coup, les spéculateurs et les négociants se sont lancés à la recherche de contrats pour les livraisons d'été. Cette activité fébrile a fait bondir le prix de gros de l'essence partout en Amérique du Nord, et par le fait même, les prix à la pompe. Les prix vont donc probablement rester élevés jusqu'à ce que les stocks commencent à se renflouer ou que les analystes soient sûrs qu'il y aura assez d'essence pour subvenir à la demande de l'été.
Extrait d'Aperçu du marché des produits pétroliers, 2007, Ressources naturelles Canada, disponible sur le site Web du ministère.
Nous ne sommes pas responsables de cette situation; telle est la réalité des opérations sur le marché des produits de base.
Pour ce qui est des marges de raffinage, le deuxième graphique en illustre les fluctuations. Elles sont instables, cela ne fait pas de doute, et il est certain que la moyenne est à la hausse.
En ce qui concerne les carburants, la législature actuelle et celles qui l'ont précédée ont adopté des politiques dont les répercussions financières, en dépenses, ont pris la proportion d'un corridor ferroviaire à grande vitesse entre Montréal et Toronto. Et en beaucoup moins de temps. Pour se conformer à l'exigence concernant la faible teneur en soufre, nous avons dû dépenser près de cinq milliards de dollars pour reconfigurer les procédés de production de l'essence et du diesel.
Nous avons collaboré avec des représentants du gouvernement à la mise en place de cette politique et avons réussi à atteindre son objectif, tout en protégeant l'avantage concurrentiel du Canada pour la production de carburants et leur distribution aux Canadiens. J'insiste là-dessus car il s'agit d'une somme colossale : cinq milliards de dollars de fonds privés ont été investis dans la modernisation de l'infrastructure exploitée par le secteur privé et axée sur la concurrence. Et nous continuerons de faire des investissements similaires en tant que votre partenaire à part entière afin de relever les nouveaux défis liés aux changements climatiques et à l'assainissement de l'air.
Prenez un moment pour examiner l'environnement commercial dans lequel évoluent les membres de l'Institut. Notre principal intrant est le pétrole brut, un produit assujetti à un système international de prix et provenant de multiples régions du monde. Le système de taxes est complexe et coûteux : la définition de l'ARC du volume d'essence requis pour dénaturer l'éthanol et la TPS prélevée sur le résultat final. Dans le premier cas, nos membres assument eux-mêmes le coût de l'administration d'une décision gouvernementale, ce qui n'est pas chose facile.
Le troisième élément est la marge de raffinage, c'est-à-dire la différence entre le coût du brut et le prix de vente de l'essence sur le marché, soit essentiellement deux marchés de produits de base superposés, le marché du brut étant basé sur des milliers de transactions à l'heure dans le monde portant sur des produits futurs et dérivés. Pour au moins une des entreprises de l'ICPP, cette marge, à ne pas confondre avec le bénéfice, a varié de zéro en décembre 2006 à 10,7 ¢ au moment de la rédaction de ce mémoire.
Enfin, la commercialisation, c'est-à-dire les facteurs autres que le prix destinés à attirer le consommateur : aliments, services mécaniques, emplacement, etc.).
Il n'en reste pas moins que ces dix dernières années, les bénéfices après impôt se sont établis en moyenne à environ 1,5 ¢ le litre, ce qu'illustre le graphique Performance financière de l'industrie pétrolière d'amont.
L'infrastructure canadienne du carburant est dynamique et dessert mieux le consommateur dans un marché pleinement concurrentiel. Cependant, un cadre de politique ambigu n'encourage pas les décisions en matière d'investissement. Il y aurait lieu d'envisager de supprimer l'exemption fiscale sur les carburants renouvelables parce que cela fait augmenter le coût du carburant par rapport au prix américain.
En ce qui concerne l'assainissement de l'air, l'hypothèse qui sous-tend les dernières données fournies par Environnement Canada laisse croire que nous devrons répondre à la consommation future par les importations. Le plafonnement des contaminants atmosphériques nous empêche de croître et de répondre à la demande, même si nos membres possèdent les technologies qui leur permettent de produire le carburant le plus propre possible. On nous demande de dépasser les exigences de rendement de nos principaux concurrents américains.
En ce qui concerne les GES, l'incertitude entourant l'établissement du prix des crédits de carbone à long terme demeure un problème. Nous savons qu'un objectif de réduction de 18 p. 00 d'ici à 2010 pour toutes les grandes sources d'émission industrielle, ainsi qu'une réduction annuelle continue de 2 p. 00 par la suite, créera une forte demande au pays à l'égard des crédits de carbone. De plus, l'accès de plus en plus réduit à des options relatives à la conformité imposera à notre secteur des coûts élevés, que nos concurrents américains n'auront pas à assumer.
La mise en oeuvre des politiques — au pluriel, j'insiste là-dessus, car il y en a plusieurs au pays — sur les carburants renouvelables nous a déjà coûté très cher, car il a fallu nous conformer aux exigences de chaque province ou territoire.
Pour ce qui est des fluctuations de prix, je vais être franc : tout le monde les a en horreur. Elles sont difficiles à suivre et à comprendre. Aussi frustrantes qu'elles soient, elles démontrent cependant les importantes économies que les consommateurs réalisent avec le temps. De fait, — et d'autres témoins l'ont fait remarquer — de récentes études menées en Nouvelle-Écosse indiquent que la réglementation des prix, bien qu'elle réduise les fluctuations, finit par coûter plus cher aux consommateurs de cette province qu'à ceux du reste du pays.
Je vous conjure de ne pas nous demander l'impossible. Nous fonctionnons dans un marché de produits de base mondial régi par l'offre et la demande. Plusieurs études, notamment celles effectuées par le Bureau de la concurrence et le Conference Board du Canada, sont arrivées à la conclusion que les Canadiens ont fait des gains, malgré les frustrations ressenties à la pompe par moment.
Longtemps les Canadiens ont connu les deuxièmes plus bas prix du carburant du monde occidental. À vous de décider s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise chose sur le plan de la politique gouvernementale. Quant à nous, notre rôle est de fournir aux Canadiens le carburant le plus sûr et de la meilleure qualité qui soit au plus bas prix possible. Notre bilan à cet égard est excellent.
Il existe un intérêt renouvelé pour ce que nous faisons et notre manière de faire. L'ICPP s'en réjouit parce que même si ce que nous vendons n'est qu'un produit de base, le fait qu'il soit sûr, propre et bon marché témoigne de l'intelligence et de l'intégrité remarquables des gens qui travaillent pour nos membres. On peut faire certaines choses pour accroître l'efficacité énergétique, par exemple utiliser des ampoules différentes ou des chaudières éconergétiques. Dans ce but, l'ICPP a fait siens les conseils de la CAA. Oui, la pression des pneus y fait pour beaucoup.
Sur ce, je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci.
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Monsieur Baily, Monsieur Macerollo, je suis heureux de vous voir ici. Cela fait plaisir de voir que certains d'entre nous ont changé de casquette et d'autres pas.
Deux sur trois, ce n'est pas mal, Dane.
Monsieur Macerollo, merci de votre exposé. J'ai été intéressé par ce que le président a demandé à propos du graphique parce que, évidemment, il savait que j'allais poser des questions sur les écarts entre le prix de gros du port de New York et le prix. Dans 35 minutes à peu près, je saurai quel prix nous sera demandé demain. Cela a toujours varié entre 2 et 7 ¢ le litre, selon les circonstances.
Comme nous n'avons pas la même essence qu'à Buffalo et à Toronto, ou que celle vendue à Plattsburgh dans l'État de New York, qui est un autre point de comparaison, et qu'elle n'est pas la même que celle produite à Montréal, comment justifiez-vous, à peu près n'importe quand, un prix du gros pour l'essence imposé à vos propres membres par vos raffineurs, que vous représentez, qui soit plus élevégénéralement que le prix du gros à la raffinerie aux États-Unis?
M. Macerollo ou M. Baily.
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Tout d'abord, il y a un ou deux cents en coût de transport. La réalité à court terme, c'est que le produit ne transite pas instantanément par la frontière, mais s'il y a un écart à long terme, étant donné que le produit est essentiellement le même, et si un raffineur américain ou un grossiste américain a l'occasion de transporter le produit sur le marché canadien et de gagner un ou deux cents de plus, il le fera, aux dépens du marché américain.
Le produit peut donc traverser la frontière. Il ne la traverse pas chaque jour et c'est la raison pour laquelle, quand vous prenez tel ou tel jour ou moment dans le temps, ça peut être très trompeur. Je peux choisir des chiffres pour dire que — vous savez, je me souviens d'un jour, en 2005 je pense, où le prix de l'essence était plus bas que celui du brut. Si notre industrie avait le contrôle qu'on lui attribue souvent, pourquoi donnerions-nous le produit gratuitement? Ce sont essentiellement les marchés qui établissent le prix, et nous lleur emboîtons le pas.
Quand vous regardez en détail, vous vous demandez parfois ce qui est arrivé au prix à Vancouver et comment il s'éloigne — Eh bien, le marché de Vancouver est un peu distinct de celui de New York. Il a tendance à suivre, mais il y a des circonstances spéciales. On peut voir des circonstances spéciales dans l'Ouest. Quand le circuit de raffinage dans l'Ouest à partir d'Edmonton, qui approvisionne la région de Victoria jusqu'à Thunder Bay, devient très serré, vous voyez les prix de gros augmenter dans ce marché et ils font ça pour attirer les importations. Quand le prix du gros monte, vous créez ainsi une circonstance qui va attirer les importations. Si vous êtes à court d'approvisionnement, c'est exactement ce que vous voulez faire. C'est de cette façon que le marché équilibre ces situations.
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Monsieur Baily, je vais revenir à l'autre point dans un instant mais j'aimerais passer tout de suite à la question de l'offre.
Nous, en Ontario, sommes durement touchés. La région de notre président a elle aussi été durement touchée. À bien des égards, en hiver en Ontario, nous sommes enclavés. Il n'y a pas que le prix qui nous inquiète, que l'on évoque auprès des députés, de votre industrie et des indépendants; nous avons un problème d'approvisionnement. Quelles mesures votre industrie est-elle prête à prendre pour restaurer ça avant de perdre le peu de confiance qui reste dans votre capacité de... Comme vous l'avez dit, monsieur Macerollo, je pense que votre fiabilité a été sérieusement remise en question.
La deuxième et dernière observation, adressée à l'un ou l'autre d'entre vous, est la suivante. Les indépendants ont suggéré que vous fournissiez à peu près toutes les semaines un inventaire à Ressources naturelles Canada, comme beaucoup de vos compagnies mères le font aux États-Unis. Est-ce que ça vous serait acceptable?
Merci, monsieur le président. C'est tout pour moi.
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Bonjour, messieurs, et merci d'être présents aujourd'hui.
Vous nous dites dans votre présentation, à juste titre, que les prix fluctuent. Ce qui est vraiment difficile pour les consommateurs, c'est de subir cette flambée des prix au moment des vacances de Noël et des vacances d'été. On essaie de comprendre ce qui peut justifier une telle chose.
Je crois que vous représentez les principales pétrolières du Canada. Imperial Oil, Petro-Canada, Husky Oil, EnCana, Suncor et Shell, soit les gens que vous représentez, j'imagine, ont réalisé un profit record d'environ 12 milliards de dollars en 2006, ce qui représente une hausse de 25 p. 100 par rapport à 2005 et de 70 p. 100 par rapport à 2004.
Ma première question sera simple. Comment pouvez-vous nous dire dans votre présentation que vos entreprises sont dans une situation vraiment difficile alors même que vous enregistrez des profits records?
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Je ne veux pas vous donner l'impression que nos entreprises traversent une période difficile. Par contre, je veux insister sur le fait qu'un certain nombre de décisions de politiques gouvernementales exercent des pressions sur le secteur du raffinage au pays. Établissons aussi une distinction entre l'amont et l'aval. Nous représentons l'aval. C'est le point à partir duquel le pétrole arrive à la raffinerie, jusqu'à la station d'essence.
Pendant très longtemps, cette activité n'a pas été rentable. Si vous examinez les chiffres du passé, pendant très longtemps, c'était le secteur déficitaire de notre activité. Je rappelle donc qu'à un moment donné, un bénéfice de 5 ¢ le litre... J'admets qu'il y a beaucoup de litres, mais 5 millions de dollars pour la désulfurisation, c'est aussi beaucoup d'argent et ça ne vous rapporte pas un cent de plus ou un litre de plus d'essence. Ce sont deux bonnes idées. Abaisser la teneur en soufre pour réduire la pollution, c'est une excellente décision et nous l'avons mise en oeuvre, mais cela coûte de l'argent.
Pour ce qui est des fluctuations de prix, madame, il est certain que pendant la saison estivale la demande d'essence augmente. Il y a un nombre limité de raffineries au Canada et aux États-Unis. Il y a une limite à ce qui peut être importé d'Europe pour augmenter l'offre existante. Faute d'une plus grande flexibilité de l'offre, il y aura des fluctuations de prix.
C'est quelque chose que nous ne contrôlons pas, mais dont nos membres s'accommodent assez bien, et qui rapporte des dividendes aux actionnaires. Mais le secteur de raffineries — et je souligne qu'il s'agit bien du raffinage, et non de tout l'éventail des activités — n'a pas été jusqu'à présent un secteur particulièrement lucratif. Il ne l'est que depuis les deux dernières années.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les deux témoins d'aujourd'hui; je pense que vous avez éclairci la différence entre marge et profit.
Certains des témoins que nous avons entendus, comme l'a rappelé Mme Brunelle, ont déclaré qu'une marge de raffinage de 4 ¢ à 6 ¢ serait appropriée, et nous voyons ces marges augmenter. Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de cette tendance. Au Canada, tous les partis, tous les gouvernements disent que les émissions doivent être plus propres, qu'il faut mélanger divers biocarburants et trouver de nouvelles technologies. Et comme il s'agit du marché nord-américain, avec des différences entre le Canada et les États-Unis, nous avons eu un autre problème à propos de nouvelles raffineries au Canada.
De quelle manière selon vous le cadre réglementaire du Canada par opposition à celui des États-Unis joue-t-il dans la décision des compagnies quand vient le moment de choisir l'emplacement de raffineries? Y a-t-il une grande différence?
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Normalement, je dirais que le marché canadien est plus stable, plus convivial, du point de vue de la concurrence, mais il s'est passé des choses bizarres.
Aucune raffinerie n'a été construite en Amérique du Nord — pas une seule — depuis de très nombreuses années. Il n'y a pas que le Canada qui ait de la difficulté à attirer des investissements pour ce genre de projet. Malgré les subventions qu'offrent les États-Unis pour la construction de raffineries, les investisseurs ne sont pas intéressés.
L'autre jour, vous avez posé une question sur la politique fiscale. Et il existe, en fait, des incitatifs au sud de la frontière. Ce n'est pas ce que nous demandons. Comme l'expérience américaine l'a montré, ils ne sont pas toujours efficaces.
Dans le cas des carburants renouvelables, le gouvernement fédéral fournit, à lui seul, une subvention de 51 ¢ le gallon pour l'éthanol-carburant. Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé l'élimination de notre subvention équivalente à compter du 1er avril de l'an prochain et son remplacement par une subvention versée directement aux producteurs, ce qui aura pour effet de creuser davantage l'écart compétitif entre le Canada et les États-Unis.
Ce ne sont que quelques exemples. Les gouvernements provinciaux ont fait la même chose. Il y a de nombreuses politiques fiscales qui s'appliquent à notre produit, mais dans l'ensemble, le carburant est moins taxé en Amérique du Nord que dans les autres pays.
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Parce que le raffinage est —
Il y a un certain nombre de facteurs qui entrent en jeu. Premièrement, notre industrie est très réglementée. Lorsque les gouvernements, tant au Canada qu'aux États-Unis, font des déclarations sur la conservation et l'efficacité énergétique — à savoir, que nous devons réduire notre consommation — ils indiquent au marché qu'il ne serait pas très payant d'investir dans notre secteur. La politique gouvernementale vise en fait à réduire la demande.
Même si cela n'a pas marché, si vous me permettez d'être franc, parce que c'est vrai que ça n'a pas marché. La demande reste très forte sur le marché canadien. Lorsqu'on ajoute à cela la réglementation environnementale, et toute la planification que nécessite pendant 10 ans la construction d'une raffinerie, comme je le disais dans mon mémoire, on a un cadre politique ambigu qui n'encourage pas les investissements. Pour que nous prenions ce genre de décisions, il est très important pour nous de pouvoir compter sur une politique gouvernementale prévisible.
Vous parlez des bénéfices. Dans votre déclaration, juste avant ce graphique, vous dites : « Il n'en reste pas moins que ces dix dernières années, les profits après impôt se sont établis en moyenne à environ 1,5 ¢ le litre ». Vous dites également que la marge a varié entre 0 en décembre à 10,7 ¢ tout récemment. Il y a donc eu d'énormes fluctuations.
Sous le graphique, je vois les gains au litre, que j'interprète comme étant les profits. L'augmentation est pratiquement verticale, alors que le RRCP reste stable à environ 17, 17,5, 16,9 p. 100 après avoir été à 14,3 p. 100.
Pouvez-vous m'expliquer cela? Combien de litres ont servi au calcul de ces profits?
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La principale fermeture a été celle de la raffinerie de Petro-Canada à Oakville. Ce n'est un secret pour personne que cette raffinerie était trop petite et que cela n'aurait pas valu la peine d'y faire les investissements qu'aurait nécessité la désulfuration de l'essence.
À l'heure actuelle, on discute de trois grands projets de raffinerie. Shell en a un dans le sud-ouest de l'Ontario qui aurait une capacité de 300 000 barils par jour. La capacité canadienne totale est de 2 millions de barils, c'est donc une part très importante. Irving a aussi un projet axé principalement sur l'exportation. Elle répond à la totalité de la demande locale, mais elle exporte aussi des produits de qualité en Californie — des mélanges très précis que demande cet État. Irving est une entreprise de raffinage très perfectionnée et cette nouvelle installation lui permettrait de doubler sa capacité en ajoutant 300 000 barils par jour. On parle aussi d'un complexe de raffinerie pour Terre-Neuve. Ce sont d'énormes investissements.
Il faut tenir compte des risques que prennent les entreprises de raffinage. L'un des risques, bien entendu, est la demande, comme Tony le disait. Si le Canada atteignait sa cible de Kyoto dans le secteur des transports, la demande chuterait de 30 p. 100. Il faut avoir les nerfs solides pour dépenser 4 ou 5 milliards de dollars, sachant que la demande risque de diminuer de 30 p. 100. Voilà le genre de décisions que ces grandes sociétés doivent planifier avant d'investir dans ce secteur.
L'an dernier, plus de 80 p. 100 des profits des sociétés intégrées provenaient du secteur amont. En moyenne, cette proportion est d'environ 75 p. 100; l'an dernier elle était de 80 p. 100 en raison du prix du pétrole brut.
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Vous nous avez dit qu'une raffinerie coûtait 5 milliards de dollars, mais d'après ce que je comprends, ce n'est pas une question d'argent. ExxonMobil a encaissé un imposant bénéfice net de 9,3 milliards de dollars au cours des trois premiers mois de l'année. Ce n'est donc pas là que le manque d'argent va se faire sentir. On dit pourtant que son chiffre d'affaires a reculé de 2 p. 100 à cause du prix du baril de pétrole. L'an passé, il était de 73 $ alors qu'il est de 61 $ cette année.
Pourtant, ces gens ont encore obtenu des marges de profit beaucoup plus considérables. Ils ont fait 39 milliards de dollars l'an passé et ils en feront beaucoup plus cette année. Mais où réalisent-ils ces profits? Selon le journal Les Affaires, c'est à cause de la marge de profit sur le raffinage que ces gens font beaucoup plus d'argent. Le prix du baril de pétrole a descendu, mais ils ont augmenté le prix du raffinage.
C'est encore bien plus probant au Canada. En effet, comme le disait ma collègue, Petro-Canada a réalisé un bénéfice net de 590 millions de dollars au cours du premier trimestre et de 206 millions de dollars l'an passé durant la même période. Non seulement les profits ont doublé pour le premier trimestre, mais les pétrolières qui investissent dans le développement des sables bitumineux peuvent déduire de leur revenu 100 p. 100 de leurs investissements dès la première année.
En outre, dans une récente étude qu'elle a préparée, l'Association canadienne des producteurs pétroliers a fait une projection pour les trois prochaines années de l'impact des cadeaux fiscaux consentis aux pétrolières. On parle de 5,1 milliards de dollars en 2005; de 4,5 milliards de dollars en 2006; de 3,2 milliards de dollars en 2007 et de 2,3 milliards de dollars en 2008.
Dans ces conditions, je ne crois pas que la construction d'une raffinerie, évaluée à 5 milliards de dollars, soit une question d'argent. Je ne crois pas que ce soit un problème pour les pétrolières. Depuis le début, vous dites posséder 16 raffineries et raffiner 80 p. 100 des produits du marché canadien. S'il manque de raffineries, qu'on en construise une. De toute façon, le gouvernement va vous aider et vous accorder des réductions d'impôt. Qui va en bénéficier?
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Il y a certains éléments importants. Je pourrais vous en parler pendant 30 minutes, mais j'essaierai de m'en tenir à 30 secondes.
Premièrement, lorsqu'elles font leur planification, les entreprises doivent pouvoir déterminer avec certitude le coût de la conformité. Si elles ne savent pas ce que cela va coûter, elles ne savent pas comment l'inclure dans leur modèle de gestion.
Deuxièmement, l'accès de plus en plus restreint aux compensations suppose une certaine innovation technologique ce qui, encore une fois, est incertain. Nous ne savons pas si les choses vont fonctionner comme tout le monde le souhaite. Ce que nous savons par contre, du moins dans ces deux exemples, c'est que nos concurrents américains n'ont tout simplement pas à faire face à ce problème à l'heure actuelle. Si jamais les règles du jeu sont égalisées, ils auront peut-être le même problème, mais ça, nous ne le savons pas, et l'incertitude est la pire chose en affaire.
Monsieur Baily, j'aimerais vous poser une question.
Vers 15 heures, heure d'Ottawa, aujourd'hui, la marge de craquage entre le pétrole brut et l'essence raffinée aux États-Unis s'établissait à 17,5 ¢ le litre. J'utilise un prix pour l'essence aux États-Unis de 226,43 $ et de 69,09 $ pour le pétrole brut. Je pense qu'il s'agit de la catégorie WTI mais il y a probablement aussi un mélange de Brent et d'autres pétroles que nous utilisons ici.
Le prix de gros fixé par vos membres — 423 $ — m'aurait donné, il y a de cela neuf minutes, 68,8 ¢ à Ottawa, soit deux dixièmes de cents de moins que le prix affiché vendredi dernier et un prix également en baisse de deux dixièmes de cents à Toronto, soit 68,7 ¢. Le prix reste inchangé à Montréal à 67,9 ¢.
Je me demande quel degré de concurrence doit exister pour que vos industries membres affichent un prix de gros identique au prix de vente de l'essence qui sera affiché demain matin, et qui sera, ici à Ottawa, de 1,053 $ le litre et à Toronto, de 1,043 $. Comment est-ce possible en une heure? Comment en arrivez-vous à fixer des prix de gros identiques qui seront affichés demain dans vos stations services? À moins, bien sûr, que vous décidiez de ne pas le faire pour me remettre à ma place pour avoir dit cela.
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Mais demain matin — Je suis prêt à parier que je peux, tous les jours sauf celui où vous comparaissez ici, prédire le prix de l'essence dans l'Est du Canada à un dixième de cent le litre près.
M. Taylor du Bureau de la concurrence a voulu faire de l'humour en disant qu'il connaissait les prix réduits mais cela n'empêche pas Canadian Tire ou Esso d'afficher le prix tel qu'il est censé être. Les trois facteurs que vous avez cités à juste titre sont votre prix de gros, vos taxes et votre marge bénéficiaire au détail — 5 ¢ à Toronto et 6 ¢ ici. Heureusement, ils peuvent compter sur une marge.
Voici ma question. Si la marge de craquage est de 17,5 ¢, je sais qu'aucune raffinerie de ce pays, peu importe le genre de pétrole qu'elle transforme, ne dégagera une marge de plus de 5 ¢. Ce serait un taux de rendement intéressant. Ainsi, vous dégagez au moins 12 ¢ le litre pour la marge de craquage à elle seule et vous obtenez maintenant 4,7 ¢ le litre de plus demain matin, en supposant que 40 milliards de litres sont vendus annuellement et que vous pouvez maintenir le rythme pendant quelques années. Cela prive les consommateurs de quelques milliards de dollars, ce que je suis prêt à accepter à condition que vous réinvestissiez cet argent.
Comment réussissez-vous cela? Comment réussissez-vous à obtenir des prix de gros identiques dans toutes les villes de tout le Canada et pourquoi le Bureau de la concurrence ne juge-t-il pas cette pratique contraire aux règles? C'est sans doute une question rhétorique.
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Non, ce n'est pas ainsi que nous procédons. Je pense que vos propos s'inspirent d'une étude du Centre canadien de politiques alternatives qui faisait état d'une barrière psychologique. Nous rejetons cette étude et nous rejetons catégoriquement sa méthodologie. Très franchement, c'est une étude très gauchissante qui vise à servir de prétexte à l'instauration d'un système de réglementation des prix qui n'est absolument pas justifié.
Le fait est que les Canadiens sont parmi les consommateurs les plus sensibles au prix de l'essence dans le monde. Ils sont prêts à changer de poste d'essence pour une différence 0,1 ¢ le litre. Les fournisseurs ont intérêt à contenir leurs coûts car ils n'ont pas de prise sur le prix de gros.
Il n'y a donc pas de barrière psychologique. Il n'y a pas non plus, du moins de notre part, de manipulations psychologiques. Il faut cependant se rappeler que ces produits se vendent partout dans le monde et qu'ils sont utilisés par les automobilistes de tous les pays. Et tant que la demande augmentera plus vite que l'offre, en l'occurrence sur le marché nord-américain, les prix vont continuer à grimper.
J'aimerais bien que l'explication soit plus compliquée, car cela me permettrait peut-être d'avoir un emploi plus payant, mais les choses sont bien plus simples que vous ne l'insinuez.
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J'ai deux dernières questions à vous poser.
Si vous voulez acheter une voiture, vous allez visiter d'autres concessionnaires, peut-être pour avoir un meilleur prix. Pourquoi les compagnies ou les propriétaires de dépanneur ayant une bannière n'ont-ils pas de concurrence? Irving, au Nouveau-Brunswick, raffine du pétrole pour tout le monde. À Halifax, Esso raffine du pétrole pour tout le monde. À Québec, c'est Ultramar. Comment se fait-il que le prix soit uniforme pour tout le monde?
Nous cherchons tous la même chose. Où est la concurrence? Aucune compagnie ne fait concurrence à l'autre comme le font les compagnies qui vendent des véhicules, et le prix d'un même véhicule n'est pas le même d'un endroit à l'autre. Pourquoi est-ce ainsi?
Ma deuxième question est la suivante. D'après votre expérience, pouvez-vous nous dire quand sera la prochaine augmentation du prix de l'essence?
Personne d'autre ne veut intervenir.
J'aimerais moi-même poser quelques questions aux témoins. Tout d'abord, merci d'être des nôtres aujourd'hui.
Quand les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada ont comparu devant notre comité, ils ont décomposé le prix moyen de l'essence à la pompe en ces différents éléments. Je crois important d'y revenir. En 2006, le prix de détail moyen était de 97,7 ¢ le litre; le prix du pétrole brut était de 45,8 ¢, les taxes fédérale et provinciale s'élevaient à 32,7 ¢, la marge de raffinage, à 14,1 ¢ et le coût du marketing, à 5,1 ¢.
On nous a expliqué que le Canada produit 3 p. 100 du pétrole brut et que, par conséquent, il ne peut influencer cette composante du prix final de l'essence. Les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent, à leur guise, augmenter ou diminuer les taxes. La marge de marketing s'élèverait à 5,1 ¢ le litre, ce qui est assez peu. La concurrence est très fort sur ce marché, particulièrement à l'échelle locale.
Pendant nos audiences, les délibérations ont donc essentiellement porté sur la marge de raffinage, qui était de 14,1 ¢ le litre en moyenne en 2006. Or, la grande question qu'on se pose est celle de savoir quelle partie de cette marge bénéficiaire correspond aux coûts, et quelle partie correspond aux bénéfices? Je crois vous avoir entendu dire, monsieur Macerollo, que les bénéfices étaient de 1,5 ¢ le litre. Je ne sais pas si c'est pour 2006, mais cela revient à dire que le coût du raffinage s'élève à 12,6 ¢ le litre.
Ai-je raison de séparer ainsi les coûts et les bénéfices à l'intérieur de la marge bénéficiaire?
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Je pourrais vous donner deux conseils.
Pendant nombres d'années, j'ai répondu à des appels sur le sujet au nom d'un député; je demandais alors aux gens d'appeler l'Institut canadien des produits pétroliers.
Autrement, si vous voulez vous lancer dans une explication détaillée, vous pouvez expliquer que le marché du pétrole brut est un marché de produits de base et que le marché de l'essence est un autre marché de produits de base qui se superpose au premier. Même en fonctionnant à plein régime, on ne peut dépasser un montant maximum de bénéfice. Vous pouvez avoir tout le pétrole du monde, mais si vous n'avez pas — Les installations ne peuvent en produire qu'une quantité donnée par jour. Si la demande excède la capacité des raffineries de produire une quantité suffisante pour approvisionner le marché, des pressions à la hausse s'exercent sur les prix.
Il s'agit d'un marché nord-américain. Les consommateurs canadiens rivalisent avec les consommateurs américains pour obtenir ce produit et, très franchement, les consommateurs américains sont prêts à payer davantage.