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Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Jay Myers et je suis le vice-président et économiste en chef des manufacturiers et exportateurs du Canada. Je suis ravi de pouvoir venir aujourd'hui pour discuter de l'état actuel du secteur manufacturier canadien et des difficultés que nous rencontrons dans une économie mondiale très exigeante.
Je vous ai apporté plusieurs documents. Je vais commenter cet exposé, qui est un aperçu de la situation économique actuelle des manufacturiers. J'ai pensé que cela pourrait servir de coup d'envoi à la discussion d'aujourd'hui. J'ai aussi apporté ce document, qui est le sommaire de l'initiative fabrication 2020, lancée il y a environ deux ans et qui a rassemblé plus de 3 500 manufacturiers et dirigeants communautaires à l'occasion de 98 rencontres partout au pays, consacrées à l'avenir de la fabrication au Canada. On y retrouve la synthèse des défis, changements et évolution du secteur ainsi que les recommandations qui nous ont été faites et qui sont nécessaires à la réussite de ce secteur au pays.
J'ai aussi apporté ce document. Il s'agit d'un inventaire des activités et des programmes de 29 ministères du gouvernement fédéral à l'intention du secteur. Il a été préparé l'année dernière en réponse à notre initiative 2020, faisant en réalité le point des programmes actuels du gouvernement fédéral qui nous intéressent. Je veux donc déposer ces documents à l'ouverture de notre entretien.
Pour commencer, la fabrication est le plus gros secteur économique du pays. Il emploie 2,1 millions de Canadiens. Il y a deux ans, il donnait de l'emploi à 2,3 millions de gens. Les livraisons annuelles s'établissent à plus de 610 milliards. C'est un secteur important non seulement en raison du nombre de gens qu'il emploie mais aussi en raison de sa contribution directe à l'économie du pays, dont il représente environ 18 p. 100. Chaque dollar de production manufacturière génère plus de 3 $ d'activité économique dans le secteur primaire, le secteur tertiaire ainsi que dans le secteur public.
Il représente les deux tiers de nos exportations et les deux tiers de la recherche-développement du secteur privé au pays. Il a fait d'immenses progrès en matière de productivité. Il a amélioré considérablement son efficacité énergétique, ce qui lui a permis de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7,4 p. 100, en-deçà des niveaux de 1990, dès 2003. Il s'agit donc d'un secteur au coeur du changement et directement soumis à toutes les forces de la concurrence dans l'économie mondiale d'aujourd'hui. La priorité absolue à l'heure actuelle, c'est l'appréciation du dollar canadien. Mais il ne s'agit là que du défi à court terme du secteur.
Il faut considérer des facteurs comme la pénurie de personnel qualifié, qui constitue une véritable contrainte à la production aujourd'hui en Alberta et dans l'ouest du pays. Il faut considérer l'émergence des économies industrielles de la Chine et de l'Inde, non seulement comme concurrents mais aussi comme débouchés dynamiques pour nous. Il faut aussi discuter de la capacité du secteur de s'adapter à ces conditions.
Ce graphique illustre la croissance du secteur manufacturier depuis 15 ans. J'ai commencé à travailler à l'Association des manufacturiers du Canada il y a 15 ans, à l'époque où chacun disait que la fabrication périclitait au pays. C'est ce que beaucoup de gens disent aujourd'hui : qui se soucie du secteur de la fabrication? Pourtant, c'est ce que disaient les gens à la veille de la plus forte période de croissance de ce secteur au Canada, sa taille ayant doublé en dix ans.
Durant les années 90, le secteur manufacturier a été le premier créateur d'emplois au pays. Beaucoup a changé pendant cette période. Le dollar peu cher explique environ le tiers de cette croissance mais une grande partie de celle-ci provient de la restructuration qui s'est opérée dans le secteur. Les entreprises exportaient davantage. En 1990, nous avons exporté le quart de ce qui se fabriquait au pays. Aujourd'hui, c'est plus de 60 p. 100 et la moitié de ces exportations vont vers les États-Unis. Le dollar canadien se renchérit par rapport au dollar américain. Cela a de grosses conséquences parce qu'il s'agit d'une réduction du prix; ça a augmenté de 50 p. 100 et c'est une réduction de prix sur les ventes à l'exportation. Si 50 p. 100 de vos ventes sont exportées aux États-Unis, cela influe beaucoup sur les résultats.
À cause du libre-échange, les fabricants canadiens ne pouvaient plus rivaliser sur le plan des bas coûts et du fort volume; ils ont dû trouver autre chose. Ils ont rivalisé sur le plan de la spécialisation. Leur atout a été la spécialisation, le travail à façon, la valeur ajoutée, le service et la capacité d'adaptation leur permettant d'offrir des produits et des services en fonction de l'évolution de la demande du client. C'est ce qui a donné aux fabricants canadiens un avantage sur leurs vis-à-vis américains. Quatre-vingt-dix pourcent des entreprises canadiennes sont des PME de moins de 500 employés. Dans des grandes entreprises aussi on assiste à des changements dans tout le secteur manufacturier. Il est très dynamique mais fait face à quantité de difficultés, aujourd'hui surtout à cause de la montée du dollar.
Je vous signale que les trois graphiques suivants illustrent les tendances de croissance par province, secteur et type de fabrication. La période va de mars à mars. Globalement, on observe une augmentation de 3 p. 100 du total des livraisons. Le dynamisme est dans l'ouest du pays. Le plus gros problème dans cette région, c'est la pénurie de travailleurs, qui stoppe l'expansion que les manufacturiers ont connu ces deux dernières années. Si le problème ne se règle pas très rapidement plus de travail sera donné en sous-traitance à d'autres régions du pays, si nous avons de la chance, sinon aux États-Unis et à la Chine.
La vraie faiblesse se trouve en Ontario. Actuellement, cela tient en grande partie à la faiblesse du secteur automobile, où certaines entreprises souffrent de surcapacité. Il y a aussi des faiblesses dans une grande partie de la chaîne d'approvisionnement. Évidemment, si l'on parle de l'automobile et de l'aérospatiale, il s'agit des plus grandes chaînes d'approvisionnement que l'on puisse imaginer. Chaque dollar de fabrication produit 9 $ d'activité économique.
Ici, sur la première page, classée par secteur, vous remarquerez la faiblesse des produits textiles, du bois et du papier et, sur la page suivante, le secteur de l'équipement de transport. Cela masque la faiblesse du secteur automobile où la production est en baisse. Les chiffres du secteur du transport ont augmenté par suite de la production aérospatiale plus forte. Ces taux de croissance par secteur reflètent actuellement je crois — et cela varie selon les régions du pays — ce qui se passe dans la quasi-totalité des secteurs de fabrication du pays.
J'attire toutefois votre attention sur le graphique suivant. C'est une chose de sortir un produit; c'en est une autre de réaliser un bénéfice. Ce graphique montre la différence entre les prix et les coûts sur une période de six ans, qui va du début de 2000 à la fin de l'an dernier. On voit qu'en moyenne les prix sont assez stables. Plus vous êtes rapproché du client, moins vous aurez de chance de pouvoir répercuter vos coûts sur lui parce que si vous montez votre prix, la concurrence va vous rafler votre client.
Le fait est que lorsqu'il s'agit de produits de consommation ou d'équipement, les prix baissent. Comme je l'ai dit, l'appréciation rapide du dollar équivaut à une réduction du prix de vos ventes à l'exportation. Une appréciation de 50 p. 100 c'est une réduction de prix à laquelle il est difficile de s'adapter. Le problème, c'est que rares sont les coûts d'exploitation qui sont en baisse. Les coûts de la main-d'oeuvre ne font que suivre le rythme de l'inflation mais ils ont quand même augmenté de 18 p. 100. Le coût des matières premières, celui de l'énergie et du transport sont tous en hausse très rapide.
La seule façon dont les entreprises peuvent compenser la montée de ces coûts au moment où leurs prix chutent, c'est en devenant plus productives ou en fermant leurs portes. On observe actuellement les deux phénomènes. Elles se concentrent sur le résultat, une meilleure efficacité et la réduction des coûts. C'est ce qui explique le nombre actuel de licenciements. La production manufacturière au pays atteint des records mais on dénombre environ 150 000 pertes d'emploi dans le secteur. Cela tient en grande partie à la nécessité d'améliorer la productivité.
Je ne vais pas commenter les autres diapos mais si vous en prenez connaissance, vous constaterez le lien entre la productivité et la montée du dollar. La productivité a augmenté d'environ 5,5 p. 100 par rapport à l'an dernier. Cela signifie qu'en moyenne au pays les manufacturiers sont compétitifs quand le dollar est à environ 82¢. Ce n'est pas tant le niveau du dollar qui fait mal, c'est la vitesse de sa progression. Les entreprises ont vraiment du mal à soutenir le rythme rapide de son appréciation.
Je pense que l'on assistera à la disparition d'environ 100 000 emplois dans le secteur manufacturier cette année et qu'il y aura davantage de fermetures d'entreprises. Déjà, certains emplois disparaissent parce que des entreprises décident d'éliminer une gamme de produits simplement parce qu'elle n'est plus rentable au Canada.
Mais il s'agit là du court terme. Pour l'avenir — je vous ai remis une analyse dont on pourra discuter plus tard — la question à long terme est de savoir comment soutenir la concurrence de la Chine, de l'Inde, du Brésil et du Mexique. Comment tirer profit de cette grande chance d'investissement dans l'ouest du pays? Comment s'assurer que l'on aura bien les travailleurs et les entreprises avec l'imagination nécessaire pour améliorer la productivité et l'innovation qui font tourner une entreprise à valeur ajoutée? Enfin, comment s'assure-t-on que l'on investira dans la technologie, l'innovation, les biens nécessaires à ces améliorations de la productivité? Voilà le défi auquel nous faisons face aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous et félicitations. Ça fait plaisir de voir tout le monde autour de la table. La séance devrait être agréable et j'ai bien hâte de travailler avec vous autres.
Je pense que la plupart d'entre vous savent que nous avons 150 000 chefs d'entreprise comme membre et que nous représentons l'entreprise indépendante. Nous représentons des PME. Elles équivalent à 45 p. 100 du PIB et 60 p. 100 du nombre total d'emplois. Je ne pense pas que la plupart d'entre vous savent, par contre, que nous comptons 11 000 entreprises de fabrication parmi nos membres, ce qui fait de nous l'un des plus importants, sinon le plus important représentant du secteur manufacturier. Comme Jay l'a dit, 90 p. 100 du secteur manufacturier est composé de PME. Il n'est donc pas étonnant que nous comptions autant de membres.
Nous voulons vous parler des difficultés auxquelles font face non seulement les manufacturiers mais aussi l'économie de la PME parce que vous verrez qu'il y a des similitudes entre les deux.
Corinne et Lucie ont rassemblé des graphiques tirés de plusieurs de nos rapports. Vous avez cette trousse; à droite se trouve l'exposé que je vais vous présenter. Sortez aussi ceci, c'est le Baromètre des affaires que je vais citer, si vous le voulez bien, parce que c'est important.
Le premier graphique est notre Baromètre des affaires, un indice que nous utilisons, et qui est aussi utilisé par la Banque du Canada. Nous le publions tous les trimestres. Il est repris par Bloomberg et d'autres dans le monde. C'est un indice étonnant des attentes des propriétaires de PME au sujet de leur propre entreprise. Leur évaluation de l'économie a autant de valeur que celle de n'importe qui d'autre dans cette salle. C'est l'évaluation de leur propre entreprise — ce sont eux les experts — et leurs prévisions sont incroyablement justes quand il s'agit de prévoir le PIB. Si vous passez à la dernière page du Baromètre trimestriel des affaires, vous y verrez notre indice ainsi que l'évolution de notre PIB. L'indice est étonnamment juste quand il s'agit de prédire l'emploi et l'évolution du PIB. Il y a peu de divergence, sans doute à cause du coût du combustible et du fait que nous avons un autre gouvernement minoritaire. On y trouve d'autres choses mais dans l'ensemble, le baromètre a été incroyablement juste et c'est pourquoi le gouverneur de la Banque du Canada, M. Dodge, veut nous rencontrer deux ou trois fois par an pour en discuter parce que nos chefs d'entreprise ont une assez bonne idée de ce qui se passe.
Je vous renvoie aussi à la page 2 du baromètre parce que vous y trouverez la ventilation des attentes par province et secteur. Cela a été fait en mars et comprend les attentes pour l'année. Si vous regardez la figure 4 vous verrez que le secteur manufacturier est en hausse. D'autres secteurs pâtissent davantage que le secteur manufacturier. Regardez l'agriculture, regardez le commerce de gros, regardez les transports. Ils sont en baisse. Je voulais seulement vous le signaler.
Je passe à la page suivante. Nous avons demandé à nos membres, qui sont experts en la matière, quels étaient leurs plans d'emploi. Si je vous interrogeais à propos de votre bureau, vous pourriez me dire ce que vous allez faire dans votre bureau; si on les interroge à propos de leur entreprise, ils peuvent nous dire quels sont leurs plans d'emploi. Vous pouvez voir au sujet des plans d'emploi prévus que, dans toute l'économie des PME, 31 p. 100 ont dit qu'ils allaient augmenter le nombre d'emplois, 7 p. 100 ont dit qu'ils allaient le baisser et 63 p. 100 ont dit qu'il n'y aurait aucun changement.
Nous avons ventilé ce chiffre pour le secteur manufacturier et nous avons constaté que les PME de fabrication sont encore plus optimistes à propos de l'emploi. C'est ici où Jay et nous divergeons. C'est peut-être une question de taille, mais 40 p. 100 des plus de 300 répondants prévoient augmenter le nombre d'emplois cette année, 8 p. 100 disent qu'ils vont le baisser et 52 p. 100 disent qu'il n'y aura aucun changement.
Nous avons calculé des chiffres pour vous, très rapidement, au sujet du dollar. Encore une fois, nous avons examiné le cas de la population en général et, comme Jay l'a rappelé, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problème, surtout en ce qui concerne le dollar. Il s'agit de la population en général des petites entreprises. En rouge, 33 p. 100 disent qu'un dollar moins élevé est une bonne chose, en blanc, 19 p. 100 disent qu'un dollar plus élevé les aiderait, soit 1 sur 5; et en jaune, 39 p. 100 disent que cela serait sans effet. Si vous considérez le secteur manufacturier, maintenant, il n'y a pas de quoi s'étonner. Soixante-deux pour cent, soit le double de la population complète, dit qu'un dollar plus bas les aide. Le dollar élevé est donc problématique — bien qu'environ 15 p. 100 du secteur manufacturier dit qu'un dollar plus élevé a un effet positif. Je suis d'accord avec Jay sur ce point. Nous ne cessons de dire que ce qui compte ce n'est pas tant le niveau du dollar mais bien le rythme de son augmentation et la capacité de s'y adapter.
À la page suivante, nous avons demandé à l'ensemble de nos membres en fonction de quels facteurs ils avaient établi leur plan d'activité et d'emploi. Les réponses dans le graphique 6 montrent que les principaux facteurs ayant un effet sur la performance se sont détériorés, en particulier les taux d'intérêt, les primes d'assurances, le prix de l'énergie et le prix des autres intrants.
J'aimerais m'attarder un moment sur les assurances. Nous avons demandé aux membres du comité, lorsque leurs places étaient inversées, d'examiner la question des assurances. Même maintenant, quand on vous dit que les assurances ne sont pas un problème, 55 p. 100 de nos membres disent que le coût et l'accès font encore problème. Nous pensons que le comité devrait au moins examiner ce qui se passe dans ce dossier.
Jay, nous examinons cette question plus en détail. Dans le secteur manufacturier, un des gros problèmes, ce sont les assurances, leur coût élevé et la possibilité de souscrire à des polices. Je ne vois pas pourquoi le comité ne pourrait pas examiner cela impartialement. Nous avons beaucoup d'information à vous transmettre. Il ne s'agit pas du tout de s'en prendre au secteur des assurances mais plutôt de comprendre ce qui se passe comme vous le faites pour le secteur manufacturier.
Si nous distinguons les facteurs qui ont une incidence sur la performance du secteur manufacturier, vous verrez qu'ils sont très semblables à ceux qui influent sur la population en général, mais les répercussions sont plus fortes et plus violentes. En particulier, les répercussions sur les salaires du marché sont plus violentes — beaucoup plus que pour la population en général — et c'est la même chose pour les prix de l'énergie.
Corinne a dérivé de l'information de ces rapports là-dessus. Si vous voulez bien nous en parler, Corinne.
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Très volontiers. Merci, Garth.
Pour illustrer un peu les répercussions du prix de l'énergie sur les petites et moyennes entreprises et le secteur manufacturier, je voulais vous montrer un sondage réalisé l'automne dernier par la FCEI, à la suite de l'ouragan Katrina, quand soudain le prix du carburant a connu une hausse spectaculaire. Nombreuses ont été les entreprises à ressentir ces répercussions assez rapidement, si bien que nous voulions faire le point sur la situation. Ce sont d'ailleurs des renseignements que nous avons présentés au Comité de l'industrie à l'automne dernier. C'est le deuxième document dans la partie droite de votre chemise, derrière le Baromètre trimestriel des affaires .
Pour ne pas m'attarder, je vais juste retenir deux éléments. Tout d'abord, nous leur avons demandé quelles répercussions les prix plus élevés du carburant avaient sur leurs entreprises, au moment du sondage. Vous constaterez dans le diagramme une barre rouge qui indique les entreprises qui perdaient de l'argent en conséquence. Dans le secteur de la fabrication, environ 15 p. 100 des entreprises déclaraient à l'époque perdre de l'argent, à la suite des augmentations des prix du carburant; ce qui est intéressant c'est que 71 p. 100 estimaient rester rentables, avec une moindre marge, et 9 p. 100 déclaraient que leurs bénéfices demeuraient intacts.
Le diagramme illustre bien le fait que des secteurs comme le transport, l'industrie primaire et l'agriculture avaient beaucoup plus de mal à faire face à l'augmentation au moment du sondage.
Le diagramme suivant est une projection : à terme, comment vos activités commerciales peuvent-elles se poursuivre si les prix des carburants restent aux niveaux actuels? Pouvez-vous rester rentables? Et fait intéressant, là encore, c'est que les industries manufacturières semblent un peu plus souples que certaines des autres industries, si le prix du carburant continue à augmenter; or, nous avons constaté qu'il reste à un dollar ou un dollar et quelque d'un bout à l'autre du pays.
Le secteur manufacturier, en rouge, dit que les entreprises risquent de ne pas pouvoir survivre si les prix restent à leur niveau d'aujourd'hui. Vous constatez que c'est la conclusion dans 5 p. 100 des cas. Mais c'est un pourcentage beaucoup moindre que dans l'agriculture, où une entreprise sur quatre déclare qu'elle aura du mal à survivre si les prix restent élevés. Dans le secteur manufacturier, toutefois, 42 p. 100 disent bien qu'ils devront effectuer des changements majeurs en matière d'investissement, d'emploi ou de coûts pour faire face à des prix du carburant plus élevés, ce qui est un facteur qu'il ne faut pas perdre de vue. C' est la moyenne dans l'industrie, qui s'applique à tous les différents secteurs.
Enfin, 51 p. 100, soit à peu près la moitié, déclarent pouvoir faire face au prix du carburant actuel, en apportant simplement des ajustements mineurs à leurs entreprises. Elles sont capables de s'adapter à la situation.
Nous admettons que les prix de l'énergie ne sont pas simplement que le coût du carburant. Il faut aussi prendre en compte le coût de l'électricité, entre autres. Nous avons réuni des données, ce matin; nous avions demandé à nos membres quelle importance le coût des intrants représentait dans leurs entreprises et nous avons en fait retiré le coût de l'électricité du coût du carburant. Là encore, dans le secteur manufacturier, nous avons constaté que ce sont les coûts du carburant qui ont, de loin, les plus fortes répercussions à l'heure actuelle, bien plus que le coût de l'électricité, par exemple. Je pense que c'est un bon indice de la façon dont le secteur manufacturier, et tous les secteurs de l'économie, en fait, font face à la question.
Évidemment, ce n'est pas le seul problème auquel l'industrie est confrontée. Nous avons également un diagramme montrant quels sont les principaux enjeux des PME. On y remarque, aux premiers rangs, la réglementation gouvernementale et les formalités administratives, ainsi que la pénurie de main d'oeuvre qualifiée. Plus cela va, plus ces deux points constituent pour nos membres des problèmes majeurs.
Si vous passez au diagramme du bas de la page, vous constatez que nous avons pu ventiler les préoccupations des entreprises en ce qui concerne la pénurie de la main d'oeuvre. Cela permet de se faire une meilleure idée de la façon dont cette question est abordée d'un bout à l'autre du Canada et dans tous les secteurs. On constate que le problème est beaucoup plus pressant dans l'Ouest du Canada que quand on se dirige vers l'est. Par secteur, on note que le secteur manufacturier figure assurément parmi les cinq premiers, mais, encore une fois, ce n'est pas le seul secteur où l'on estime que ce problème exerce une énorme influence.
l s'agit, bien sûr, d'impressions. C'est pourquoi nous avons voulu avoir également des faits pour pouvoir juger de l'importance du problème. Voulez-vous vous reporter à la diapositive 12?
Au début de l'année nous avons publié un rapport intitulé Du travail à revendre, que vous trouverez également dans le dossier. C'est le dernier document dans la pochette de droite. Grâce à ce rapport, nous avons pu déterminer que le taux de postes vacants dans les petites et moyennes entreprises s'établissait à 3,2 p. 100, soit une augmentation par rapport à 2,7 p. 100, il y a un an environ.
Cela peut sembler minime, mais, une fois converti en nombre de postes, cela se chiffre en fait par plus de 255 000 postes vacants. Quand nous parlons de postes vacants à long terme, nous désignons ceux qui sont vacants depuis plus de quatre mois, si bien qu'il s'agit là d'un grave problème. Et quand nous voulons connaître le nombre de postes vacants à long terme par entreprise, nous constatons que plus d'une entreprise sur quatre est confrontée au problème des postes vacants maintenant et à l'avenir.
Dans le diagramme suivant, le phénomène est ventilé par secteur. Vous pouvez constater que, dans le secteur manufacturier, le taux de postes vacants progresse assez rapidement, mais n'est pas aussi significatif que c'est le cas dans bien d'autres secteurs confrontés au problème.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que mes collègues ont brossé pour vous un panorama assez détaillé des défis que doit relever le secteur, si bien que je ne vais pas m'y attarder. Toutefois, je souhaiterais offrir quelques réflexions, avant que nous passions à la période des questions.
La première porte sur une divergence remarquable et plutôt troublante au sein de l'économie canadienne. Il semblerait que l'histoire de la croissance canadienne soit devenue un conte de deux économies : le secteur manufacturier et celui des ressources.
Pour les producteurs de ressources naturelles, évidemment, la demande mondiale augmente et, avec elle, les prix et les bénéfices. Pour les fabricants, par contre, c'est l'offre mondiale qui augmente, avec, par conséquent, une pression à la baisse sur les prix qu'ils touchent, de plus faibles marges de bénéfices, voire, parfois, une absence totale de bénéfices. Pour le secteur des ressources, la cherté de l'énergie entraîne des profits accrus. Pour les fabricants, elle entraîne des coûts plus élevés et donc des bénéfices moindres.
Le résultat? Une divergence, également, entre les régions du Canada. C'est un point qu'il me semble important de signaler. Ainsi, une bonne partie de l'Ouest, où le secteur des ressources fait fonction de locomotive, jouit du plein emploi, ou presque, et enregistre un manque d'ouvriers qualifiés. Le manque de main-d'oeuvre est, à mon sens, un problème auquel doit faire face chaque secteur, partout au pays, un problème à long terme peu susceptible d'être résolu du jour au lendemain.
Dans l'Ouest, on constate une augmentation marquée des salaires et d'autres coûts. Dans le centre du Canada, par contraste, le secteur manufacturier compresse le personnel. Pour l'instant, ces mises à pied ont été absorbées par d'autres secteurs, si bien que l'économie, dans son ensemble reste relativement prospère.
Mais il est important de noter que les tendances inflationnistes que l'on constate à l'Ouest ont amené une augmentation des taux d'intérêt plus rapide que ne le justifierait la situation du coeur industriel du pays, pris isolément. C'est pourquoi j'estime, monsieur le président, que nous ne pouvons nous tourner vers la Banque du Canada pour faire face aux défis propres au secteur manufacturier, à cause de cette division régionale au sein de notre économie. J'estime qu'il faut laisser de côté la politique monétaire et voir ce que les gouvernements devraient ou pourraient faire d'autre.
Je voudrais également souligner le contraste entre les résultats jusqu'à maintenant, qui ont été assez bons, et les risques qui se profilent à l'avenir, considérables, selon moi. La façon dont les fabricants sont parvenus, dans bien des secteurs, à augmenter leurs livraisons, malgré les défis multiples d'une compétition accrue de la part de la Chine ou de l'Inde, la hausse des coûts de l'énergie, l'appréciation du dollar et d'augmentation des taux d'intérêt, est vraiment remarquable. On constate un fort investissement, la mise en place de nouvelles technologies et de nouveaux équipements. On enregistre dans ces domaines une croissance supérieure à 10 p. 100. Quand les fabricants canadiens trouvent des façons de rester compétitifs, ils le font.
Il n'y a pas lieu, toutefois, de se reposer sur ses lauriers et de penser que les résultats seront aussi satisfaisants à l'avenir. Au contraire, à mon sens, les dangers qui se profilent sont sérieux. On parle, notamment, du risque d'une appréciation accrue du dollar canadien. Il s'agit, bien sûr, d'une appréciation à l'encontre du dollar américain, plutôt qu'à l'encontre d'autres devises. Mais, comme l'a souligné Jay, vu que la moitié de notre production est écoulée sur le marché américain, la force de notre dollar par rapport au dollar américain a des conséquences majeures sur les bénéfices ou les pertes du secteur manufacturier.
Là encore, chaque entreprise a une structure de coûts différente. N'empêche que vient toujours le moment où une compagnie se demande si cela vaut la peine de rester en affaires. Elle se demande si elle doit effectuer d'autres investissements, qui lui permettront de tirer des bénéfices en restant basée au Canada, ou si elle doit fermer boutique ou encore aller s'installer ailleurs, où elle pourrait fabriquer ce qu'elle doit fabriquer avec réalisant des bénéfices.
L'autre risque est lié au facteur macroéconomique, notamment à l'avenir de l'économie américaine. Une si grande proportion de notre production allant aux États-Unis, le taux de change n'est pas la seule chose qui compte; ce que les consommateurs américains sont prêts à acheter est également un facteur important.
Le Canada a appris à ses propres dépens quelles peuvent être les conséquences de déficits croissants du gouvernement s'étalant sur une longue période, allié à un déficit commercial courant accru. C'est exactement la situation des États-Unis aujourd'hui. Oui, leur économie a une plus large assise et plus de ressort. Il n'y a pas de consensus quant à la durée probable de la situation actuelle. N'empêche que les exportateurs canadiens qui veulent vendre sur le marché américain ont de bonnes raisons de s'inquiéter. Il serait téméraire de miser sur une demande qui se maintiendrait aux niveaux actuels.
Ceci dit, laissez-moi envisager les sujets qu'on voudra aborder en matière de compétitivité. C'est, évidemment, un problème complexe, auquel il n'existe pas de remède miracle. Mais il y a une chose que les entreprises ou les gouvernements peuvent faire pour que le Canada devienne, tout d'un coup, le meilleur endroit au monde où faire des affaires.
Nous avons publié, plus tôt cette année, un article intitulé « Du bronze à l'or ». Nous l'avons distribué à tous les membres du comité et j'en ai des exemplaires supplémentaires, au besoin. Je peux en parler, si vous le souhaitez, mais nos suggestions tiennent en deux mots : même dans le contexte politique actuel, avec un gouvernement minoritaire qui ne peut rien faire sans la collaboration des autres partis, il y a moyen d'agir concrètement.
Il y a bien des choses à faire et qui devraient l'être. Nous présentons des idées pour nous attaquer aux problèmes dans tous les domaines, des familles dans les collectivités, l'éducation, l'immigration, l'innovation, la réglementation — ce dont parlait Garth — l' environnement et la politique énergétique, ainsi que l'infrastructure et la fiscalité bien sûr.
Dans son budget récent, le gouvernement fédéral prend un engagement particulièrement important : celui de consacrer une bonne part de l'année qui vient à élaborer un plan global, une stratégie pour rendre l'économie canadienne plus concurrentielle. Nous avons hâte de collaborer avec les membres du comité, avec les membres de tous les partis représentés au Parlement, pour forger les objectifs futurs et une stratégie d'ensemble qui créera plus d'emplois et des revenus plus élevés pour les familles canadiennes au cours de la prochaine génération.
Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais m'attacher à une décision politique particulièrement importante pour le secteur manufacturier, à l'heure actuelle et c'est l'impôt sur les sociétés. Si la question est particulièrement pressante pour les fabricants, c'est parce qu'ils doivent maintenant effectuer des choix fondamentaux entraînant des investissements majeurs, selon qu'ils misent sur la croissance ou pas. La question, pour les fabricants, n'est pas de savoir s'ils devraient investir dans de nouvelles technologies ou un nouvel équipement pour rester concurrentiels mais de savoir où ils devraient investir. Autrement dit, le problème pour votre comité c'est de déterminer par quels moyens ils vont persuader les sociétés canadiennes qu'elles peuvent continuer à enregistrer une croissance profitable dans un marché mondial tout en restant au Canada.
Pour cela, il faut garder deux réalités à l'esprit. La première est que le Canada écoule la majorité de sa production sur le marché américain. Qu'il s'agisse de nouvelles installations ou d'agrandissement d'installations existantes, l'accès au marché américain est primordial. Le risque de retards à la frontière, vu l'accent mis par les États-Unis sur les questions de sécurité, reste une préoccupation. On a aussi lieu de s'inquiéter de l'état des infrastructures frontalières, étant donné l'énorme augmentation des flux commerciaux du nord au sud et du sud au nord, enregistrés au cours de la dernière décennie.
La frontière représente un risque, c'est là mon argument. Si votre entreprise compte desservir la clientèle de toute l'Amérique du Nord, elle a tout intérêt à s'installer dans le plus gros des deux marchés, c'est-à-dire les États-Unis. C'est pourquoi le Canada doit s'efforcer d'avancer un argument incontournable pour convaincre les investisseurs et les entreprises de s'installer dans les collectivités canadiennes. Y parvenir requiert une série d'approches différentes; personnellement, je recommanderais au comité de se pencher d'un peu plus près sur l'aspect des ressources humaines.
Pour convaincre les investisseurs, le budget fédéral de 2006 représente déjà un grand pas en avant. Il reconnaît, tout d'abord, que pour concurrencer les États-Unis quand il s'agit d'attirer les investissements, le Canada doit présenter un avantage marqué dans le taux général d'imposition des sociétés. Etre plus ou moins comparable ne suffit pas. Deuxièmement, il reconnaît que les investisseurs potentiels tiennent compte non seulement du taux d'imposition fédéral des sociétés mais de l'ensemble des répercussions de toutes les formes d'imposition des sociétés, à tous les niveaux du gouvernement, soit le taux effectif marginal d'imposition sur le capital.
Troisièmement, le budget constate, je crois, que le gouvernement fédéral a déployé la plus grosse partie des efforts dans ce domaine. Le gouvernement sortant a réduit de sept points de pourcentage au total l'impôt sur les sociétés et proposé, pour les quelques années à venir, des réductions supplémentaires que le gouvernement actuel a incluses dans son budget et que nous espérons voir mettre en place sans tarder. Tout ceci est très important et je tenais à signaler les progrès effectués.
Mais il faut faire davantage et c'est aux gouvernements provinciaux de faire maintenant preuve de bonne volonté. Dans les mois qui viennent, des discussions approfondies vont avoir lieu sur ce qu'on qualifie de déséquilibre fiscal. Autrement dit, les provinces estiment avoir besoin d'aide pour réunir les fonds nécessaires pour fournir aux Canadiens et aux Canadiennes les services relevant de leur compétence. Dans le cadre de ces discussions, vont être abordés à la fois les formules d'imposition et les transferts.
À mon sens, il est vital que les gouvernements provinciaux considèrent non seulement leurs besoins mais leur participation à l'édification d'une économie canadienne plus forte. Le budget fédéral souligne notamment un point qui reste à résoudre : l'existence, dans certaines provinces, de taxes de vente au détail qui s'ajoutent au coût des intrants pour les entreprises. Les provinces de l'Atlantique et le Québec ont adopté, à la place, des taxes à la valeur ajoutée, ce qui représente un énorme avantage quand il s'agit de permettre et d'encourager l'investissement des entreprises. Il faudrait que les provinces qui conservent encore une taxe de vente au détail s'inspirent de cet exemple le plus rapidement possible.
En terminant, je voudrais dire que de défi est des plus urgents dans la province d'Ontario. L'Ontario est le coeur du secteur manufacturier. C'est là, de même qu'au Québec, que les défis du secteur de la fabrication sont ressentis le plus vivement.
Je pense que les fabricants doivent faire des investissements considérables, en particulier en Ontario, mais aussi au Québec, si nous voulons maintenir et augmenter le nombre d'emplois dans ce secteur à l'échelle nationale. Pourtant, des recherches en cours à l'Institut C.D. Howe — je dois dire que c'est encore à l'étape préliminaire — indiquent que les impôts des sociétés en Ontario sont maintenant les plus élevés au Canada et peut-être même les plus élevés parmi 32 pays du monde, en termes de taux réel d'imposition sur l'investissement des entreprises.
Je dis cela ici aujourd'hui non pas parce que je m'attends à ce que votre comité change la politique du gouvernement de l'Ontario, mais parce que je constate la présence de députés de plus d'un parti qui représentent des circonscriptions de l'Ontario et dont les électeurs ont besoin d'un secteur manufacturier fort et en pleine croissance. J'encourage simplement les députés de l'Ontario qui sont autour de cette table à envisager d'avoir une conversation avec leurs collègues députés provinciaux et de les encourager à accorder à cette question du taux d'imposition total des sociétés davantage d'attention au niveau provincial, au lieu de se tourner simplement vers Ottawa pour qu'e les députés fédéraux résolvent le problème à leur place.
Cela dit, je vais mettre fin à mon exposé liminaire et je suis prêt à répondre aux questions.
Premièrement, ne faites rien qui va empirer la situation. Si j'étais ministre, je ne mettrais pas en place des politiques pour empirer la situation. Je sais que cela paraît idiot, mais c'est ce que nous faisons. Donc, la première chose qu'on devrait faire, c'est de se demander comment alléger le fardeau de la réglementation, au lieu de l'alourdir? J'ignore si la volonté existe, mais ce serait facile à faire et je pense que cela nous aiderait tous, grandes et petites entreprises. C'est le premier point.
Mais deuxièmement, je dois dire que je suis d'accord avec ce qu'on a dit au sujet de l'investissement. Mais cela me rappelle l'histoire de Bill. Bill est un entrepreneur qui a 100 employés. Il fait des affaires en Chine depuis 15 ans. Il a son entreprise au Nouveau-Brunswick. Il a fondé une entreprise de communications de haute technologie et il a gagné le gros lot : une grande entreprise internationale lui a dit : « Nous allons acheter votre entreprise et nous sommes prêts à payer des millions de dollars ». Bill était prêt à vendre et il a dit : « Qu'allez-vous faire de cette entreprise? » On lui a répondu : « Eh bien, nous voulons seulement votre produit et vos marchés. Nous allons le faire à partir des États-Unis, pas du Nouveau-Brunswick. » Bill a dit : « Désolé, ce n'est pas à vendre. »
L'investissement existait et c'est un marché planétaire, mais qu'en est-il du marché local? Que dire de la moitié du PIB? Du marché total de l'emploi?
Il faut deux stratégies — et j'en reviens à Bill. Soixante-dix pour cent veulent vendre leur entreprise d'ici dix ans et 40 p. 100 d'ici cinq ans. Deux millions d'emplois sont en jeu. On peut créer une nouvelle entreprise, ce qui exige beaucoup d'efforts, ou bien on peut en prendre une qui existe déjà et en assurer la croissance. Quatre-vingt pour cent de ces gens-là n'ont aucun plan de succession.
Je sais que le gouvernement envisageait d'adopter des dispositions de roulement. Ces gens-là veulent transmettre leur entreprise à quelqu'un d'autre. Nous devons envisager quelque chose de ce genre pour permettre à Bill de transmettre son entreprise soit à ses employés, soit à des gens qui veulent la racheter. Si j'étais ministre de l'Industrie, c'est une stratégie à laquelle je réfléchirais et je rassemblerais tout le monde pour le faire. Ce n'est pas seulement une stratégie du gouvernement; elle fait aussi l'éducation de Bill.
Il sera content que je raconte cette histoire, mais quoi qu'il en soit...
Il faut réunir toute la communauté des investisseurs. Il faut réunir des groupes comme la FCEI et tous les autres. Nous ne sommes pas seulement confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre, mais aussi à une pénurie d'entrepreneurs.
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Je voudrais commencer par les ententes commerciales internationales.
L'une des pages de ce document, vers la fin, illustre les contraintes au chapitre de l'essor des exportations. Les barrières commerciales ou les contraintes qui nuisent à notre capacité de faire des affaires sur la scène internationale sont dans une certaine mesure des contraintes qui ont trait au marché, mais elles sont aussi en très grande partie des contraintes opérationnelles. Pour l'exportation, les contraintes qui empêchent d'introduire de nouveaux produits sur le marché, les contraintes qui nuisent à l'amélioration des opérations, vous verrez que c'est souvent la même chose: le manque de ressources, un problème de liquidités, le manque de personnel qualifié. Tout cela reflète le fait que la plupart des compagnies dans le secteur manufacturier sont de petites compagnies.
Cela dit, il y a certainement des obstacles que nous devons surmonter si nous voulons vendre dans le reste du monde. Le Canada est un petit marché. Nos barrières commerciales interprovinciales en font un marché encore plus petit. Nous avons cinq marchés fragmentés, au mieux.
Pourtant, le secret du succès dans le monde des affaires aujourd'hui, en particulier dans la fabrication, c'est de se spécialiser toujours davantage, d'utiliser des procédés technologiques de pointe et de donner un meilleur service taillé sur mesure. Plus on est spécialisé, plus le marché visé doit l'être. C'est pourquoi l'ALENA a été tellement avantageuse pour les compagnies canadiennes de toutes tailles parce que cela leur a permis de se spécialiser et leur a donné la capacité de se lancer dans le haut de gamme pour s'attaquer au marché américain.
Le problème qui se pose, maintenant que nous avons fait cela, c'est que nous sommes dans une économie mondialisée; la concurrence est mondiale et les débouchés sont mondiaux. Comment s'assurer d'avoir un accès sûr à ces marchés pour nos exportateurs, pour les investisseurs et pour les compagnies qui veulent conclure des partenariats? Je pense que le meilleur moyen est d'adopter une approche multilatérale, mais cela ne nous amènera pas très loin ni très vite.
Nous devons mettre l'accent sur les ententes bilatérales et régionales, mais nous devons veiller à ce que ces ententes bilatérales nous donnent effectivement et efficacement accès au marché. Les principales contraintes aujourd'hui sont les obstacles réglementaires, les problème aux douanes et les problèmes de logistique des transports; ce ne sont pas nécessairement les tarifs des douanes. Dans notre accord avec la Corée, nous ne pensons pas obtenir réellement accès au marché coréen par l'élimination des barrières non tarifaires. Je ne pense pas qu'il vaille la peine de continuer à négocier cette entente et de réduire nos barrière tarifaires. Nous avons ici un marché passablement ouvert. L'objectif de cette entente et d'autres est d'obtenir un accès efficace au marché pour nos biens et services.
Nous ne parlons pas de compagnies qui rivalisent dans le secteur manufacturier; nous parlons de chaînes d'approvisionnement. À moins d'avoir une industrie des services compétitive, une chaîne d'approvisionnement compétitive, on ne peut pas être compétitif si l'on est un exportateur mondial. Il faut aller au-delà de cela. C'est l'une des raisons pour lesquelles il nous faut une stratégie plus large s'appliquant à la fois au secteur manufacturier et à l'exportation des services.
Pour ce qui est du commerce interprovincial, il me serait impossible, à cause de divers règlements sur les transports, de conduire un gros camion d'un bout à l'autre de notre pays. En tant que professionnel, je ne peux pas passer facilement d'une province à l'autre, et pourtant le marché de notre pays est petit. Nous devons absolument rationaliser notre marché.
Cependant, si l'on examine les aspects positifs de la situation, on constate des changements non seulement dans les négociations qui se poursuivent sur le marché intérieur canadien, mais aussi sur le plan de la logistique, dans la possibilité de mettre en liaison l'industrie canadienne et celles de la Chine et des État-Unis, dans la mise en valeur des sables bitumineux de l'Alberta, et aussi dans les grands projets énergétiques de l'Ouest du Canada. Ce sont-là des occasions que nous ne pouvons pas nous permettre de rater, à mon avis, mais si nous les abordons en adoptant la même approche de cloisonnement, en y allant secteur par secteur, province par province, nous allons rater le coche.
Je me félicite vraiment de la conclusion de cette entente entre l'Alberta et la Colombie-Britannique. J'espère qu'elle va paver la voie à de futures ententes dans tout le pays, surtout au chapitre de la réglementation et en particulier pour le marché du travail.
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Au sujet de la réglementation, étant moi-même président du Comité sur la réduction de la paperasserie à Industrie Canada, je peux vous dire que nous avons établi des lignes directrices. Notre rapport n'a pas encore été rendu public — j'espère qu'il le sera bientôt — mais, en ce qui concerne la réglementation, nous y disons comme nous l'avons fait à maintes reprises, que des principes ont déjà été établis et que nous espérons que le nouveau gouvernement les suivra aussi.
Il faut d'abord évaluer le fardeau réglementaire; il faut en mesurer et en comprendre l'ampleur. Nous avons dit que le fardeau réglementaire coûte 33 milliards de dollars à l'économie. Est-ce acceptable? Si on estime que ce n'est pas acceptable, on doit se donner des buts.
Il faut ensuite institutionnaliser l'évaluation et les rapports sur l'évaluation. Il ne suffit pas qu'il y ait un bureau et un président de comité qui dise en passant « voici ce que vous devez faire » et qu'il dresse ensuite une liste rapide de cinq choses. C'est comme tuer les mauvaises herbes; quand on en arrache une, il y en a dix autres qui poussent à côté. Il faut un effort concerté.
Troisièmement, chacun doit se donner comme objectif d'être un modèle pour les autres. Les provinces ont déjà pris des mesures. La Colombie-Britannique a réduit les exigences réglementaires — non pas la réglementation, mais le nombre d'étapes — de 40 p. 100; elle fait une évaluation continue et s'est engagée à poursuivre la réduction.
Nous avons ici une liste de 10 mesures, mais elle ne peuvent se réaliser que si toutes les parties, et surtout les dirigeants, s'engagent à leur concrétisation.
C'est un objectif qui m'apparaît tout à fait réalisable. Il faudra du temps, mais il faut aussi donner aux gens le temps de constater qu'il y a une amélioration, que le climat s'améliore, que votre engagement est réel et que c'est un effort concerté.
Pouvez-vous vous imaginer qu'il n'y a pas de processus budgétaire continu? Dans certaines municipalités, le budget est plus gros que celui de l'Île-du-Prince-Édouard, plus gros que celui de certaines provinces, mais il n'y a pas de processus budgétaire. Cela semble ridicule. Or, nous n'avons pas de processus d'examen de la réglementation, et c'est tout aussi ridicule. Il faut le mettre en place et déposer des rapports régulièrement.
Quelqu'un d'autre a soulevé la question de la main d'oeuvre, et c'est un autre dossier d'actualité...