:
La séance est ouverte. Il s'agit de la 55
e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous tenons aujourd'hui notre troisième réunion sur l'étude du régime canadien d'accès aux médicaments du Canada, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
Tout d'abord, veuillez m'excuser pour la chaleur. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé, mais je tiens à remercier M. McTeague pour le vent de fraîcheur qu'il apporte, comme il le fait habituellement pour ce comité. Il a franchi un pas de plus vers le poste de commissaire à la concurrence du Canada.
C'est notre dernière réunion aujourd'hui. Nous accueillons cinq représentants d'associations de l'industrie ou d'entreprises.
Nous allons entendre M. Jim Keon, président de l'Association canadienne du médicament générique, de même que le vice-président de l'Association, M. Jack Kay, qui est aussi président et chef de la direction d'Apotex Inc. Nous accueillons également le premier vice-président et avocat général de Gilead Sciences Inc., M. Gregg Alton. Du côté des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, nous entendrons d'abord, le président, M. Russell Williams, puis M. Terry McCool, le vice-président des affaires corporatives d'Eli Lilly Canada Inc.
Messieurs, nous avons accordé dix minutes à chaque association, à l'Association canadienne du médicament générique, à Gilead et à Rx&D.
Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de dix minutes de M. Keon.
:
Je vous remercie, monsieur le président, de même que tous les membres du comité, de m'avoir invité aujourd'hui.
Je me nomme Jim Keon et je suis président de l'Association canadienne du médicament générique, l'organisation qui représente les compagnies pharmaceutiques génériques au Canada.
Je suis accompagné de Jack Kay, le président d'Apotex, la plus grande compagnie pharmaceutique générique au Canada.
[Traduction]
Le 24 janvier 2007, l'ACMG a remis au gouvernement un mémoire dans le cadre de l'examen du régime canadien d'accès aux médicaments et nous en avons fourni des exemplaires au comité. Si vous avez des questions plus précises sur les lacunes et les défis du régime, je serai ravi d'y répondre, et d'ailleurs, j'espère que nous aurons l'occasion de le faire.
Je tiens à clarifier une conception erronée qui a pu émerger depuis l'adoption de cette mesure législative il y a deux ans. Nous avons entendu à maintes reprises que pas un seul comprimé n'a été exporté depuis la mise en oeuvre de la mesure législative. Bien que ce soit malheureusement vrai, cela cache le fait que les fabricants de médicaments génériques canadiens font don de médicaments chaque année.
L'an dernier seulement, les fabricants de produits pharmaceutiques génériques canadiens ont donné près de 100 millions de doses de médicaments, ce qui correspond à environ 20 millions de dollars. Ces produits ont été remis à l'Afghanistan, à l'Asie du Sud au lendemain du tsunami et à divers endroits en Afrique. Nos entreprises étaient présentes pour offrir des traitements de première intention pour chacun de ces médicaments.
En fait, les fabricants de produits génériques canadiens étaient heureux de se joindre au premier ministre Harper le 16 février à Mississauga pour souligner leurs dons considérables de médicaments faits à l'Afghanistan.
Mais ces dons sont des médicaments que les fabricants de produits génériques fabriquent en ce moment. En vertu du régime canadien d'accès aux médicaments, les produits sont liés à la protection conférée par les brevets et, par définition, ne sont pas fabriqués par les fabricants de médicaments génériques.
Je me souviens de l'optimisme qu'a suscité l'annonce faite en 2003 que le Canada serait le premier pays à mettre en oeuvre la décision marquante de l'OMC d'appliquer la déclaration de Doha sur l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle. Mais depuis ce moment, le processus et les résultats ont été décevants.
Il y a plus de deux ans, j'ai témoigné devant le comité et fait valoir qu'il était peu probable que le projet de loi du Canada visant à permettre aux fabricants de produits pharmaceutiques génériques d'exporter des médicaments brevetés dans des pays en développement atteigne l'objectif de fournir des médicaments abordables à des gens qui en ont désespérément besoin. Dès le début, il est devenu évident que le gouvernement avait l'intention de faire trop de concessions aux fabricants de médicaments de marque et qu'il serait pratiquement impossible pour les fabricants de produits pharmaceutiques génériques d'utiliser ce régime
Nous avions alors fait observer que l'approche générale à l'égard de la mesure législative devrait être la mise en oeuvre directe et fidèle de la décision de l'OMC. Il est maintenant clair que même cela pourrait ne pas être suffisant puisque aucun pays importateur admissible n'a fait la demande d'accès à des médicaments en vertu de la décision, et ce, malgré le fait qu'il existe une mesure législative de mise en oeuvre dans cinq pays.
Par conséquent, nous demandons au gouvernement du Canada non seulement de corriger les failles fondamentales de sa propre mesure législative, mais également d'aller à l'OMC, fort de son expérience dans la mise en oeuvre de la décision pour demander aux pays d'adoucir les contraintes imposées par les règles de l'OMC.
Sans plus tarder, j'aimerais céder la parole à Jack Kay qui vous fera part de la tentative d'Apotex de travailler avec cette mesure législative.
:
Je vous remercie de donner au groupe Apotex l'occasion de vous présenter l'expérience qu'il a véritablement vécue avec le RCAM, le Régime canadien d'accès aux médicaments.
Le groupe Apotex est un chef de file dans la recherche et le développement de médicaments génériques novateurs et biotechnologiques au pays. Nous prévoyons dépenser plus de deux milliards de dollars au cours des dix prochaines années en recherche et en développement. En ce moment, nous avons plus de 600 médicaments qui sont en train d'être mis au point. Comptant près de 5 000 employés, nous envisageons d'en embaucher 350 autres pour accroître notre capacité de production afin de la faire passer de un milliard à 1,4 milliard de comprimés et de capsules par mois. Plus de 300 médicaments que nous fabriquons à l'heure actuelle sont exportés dans plus de 115 pays afin de respecter la valeur fondamentale d'Apotex: fournir des médicaments d'importance vitale à des prix abordables.
En Afrique, des centaines de personnes meurent pour rien du VIH-sida chaque année parce qu'ils n'ont pas accès à de tels médicament. La raison est simple: l'industrie pharmaceutique multinationale n'aime pas réduire ses prix et préfère vendre ses produits aux pays industrialisés, où elle peut demander des prix plus élevés.
Après avoir entendu un discours de Stephen Lewis, notre entreprise s'est engagée à faire quelque chose à cet égard. En 2002, nous avons offert au gouvernement fédéral de l'époque de fabriquer cinq antirétroviraux à nos frais si le gouvernement se chargeait de les faire parvenir aux endroits où ils pourraient servir en Afrique. Le gouvernement n'a même jamais offert d'examiner notre proposition. Une partie du problème était liée à l'absence d'un mécanisme pour faciliter le processus et à un manque d'infrastructure pour distribuer les médicaments efficacement. Entre-temps, des millions de personnes continuent de mourir du VIH et du sida.
En 2003, le projet de loi C-9 a été déposé et nous avions de grands espoirs que des mesures seraient prises.
Je vais vous faire un compte rendu de l'expérience d'Apotex. Nous avons travaillé en consultation avec Médecins Sans Frontières, qui a communiqué la liste des médicaments contre le VIH-sida dont il avait cruellement besoin et nous a informés qu'une association de lamivudine, de zidovudine et de nevirapine était nécessaire. Nous avons commencé la mise au point d'Apo-TriAvir et une équipe spéciale de R-D a été assignée au projet. Les membres ont redoublé d'efforts, ont travaillé la fin de semaine et ont fait des heures supplémentaires pour soumettre le dossier. Beaucoup ont travaillé au projet de leur propre chef parce qu'ils voulaient faire quelque chose d'important pour les malades atteints du VIH-sida en Afrique. Le médicament pourrait sauver des millions de vies et Apotex s'était engagé à vendre l'Apo-TriAvir au prix coûtant.
Parallèlement, Santé Canada et Industrie Canada ont établi une méthode d'approbation accélérée. Les travaux sur l'association de médicaments à dose fixe ont commencé en avril 2005 et le dossier de la présentation a été achevé en décembre de cette même année. Le produit a été approuvé par Santé Canada en juin 2006 et a été présélectionné par l'Organisation mondiale de la Santé suite à l'approbation par le Canada. Ainsi, cela garantissait aux pays bénéficiaires l'efficacité, la sécurité, l'authenticité et la disponibilité du médicament.
Apotex a investi jusqu'à présent plus de deux millions de dollars dans la recherche et le développement du médicament.
Après s'être donné autant de mal pour mettre au point cet important médicament contre le sida, le vrai problème pour Apotex est la mesure législative, puisqu'il est impossible de s'y retrouver dans les exigences du RCAM. Tout d'abord, on exige une licence volontaire par opposition à une licence obligatoire, ce qui oblige à connaître dès le départ l'identité du pays bénéficiaire et le pays bénéficiaire doit en faire la demande. Ce sont les pays pauvres, qui ont ni le savoir-faire ni les ressources, qui doivent porter tout le fardeau. La mesure législative s'adresse aux sociétés pharmaceutiques qui font des affaires dans le monde industrialisé, non en Afrique.
L'efficacité de la mesure législative est compromise en raison de son manque de clarté. L'objectif du RCAM a peut-être besoin d'être clairement défini: produire des médicaments de qualité pour des maladies graves en temps opportun.
La mesure législative complexe existante tien d'abord compte des intérêts des grandes sociétés pharmaceutiques. Pourquoi? Nous devons mettre de l'ordre dans nos priorités en tant que Canadiens et nous concentrer sur les gens qui meurent tous les jours du sida en Afrique.
La mesure législative fait durer la crise humaine, sans rien accomplir. De plus, rien n'empêche l'industrie pharmaceutique multinationale de vendre unilatéralement ces médicaments à des prix abordables, mais elle ne le fait pas. Tous ses efforts visent à faire obstacle à la mesure législative.
Pour terminer, suite à notre expérience avec le processus, nous recommandons de modifier la licence obligatoire définie sur approbation réglementaire. Ce changement accélérera le processus et limitera les frais juridiques qui peuvent être substantiels.
Merci.
:
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de témoigner devant vous et les membres du comité aujourd'hui.
[Français]
Merci, monsieur le président et membres du comité, de me donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis premier vice-président et avocat général de Gilead. Je suis également responsable de notre programme d'accès, qui met nos produits à la disposition des pays les moins développés dans le monde. C'est, en fait, un programme que j'ai mis au point et que je dirige personnellement.
À l'heure actuelle, par l'entremise de ma division à Gilead, nous offrons un traitement antirétroviral à environ 50 000 malades vivant dans les pays les moins développés, ce qui correspond à une centaine de pays les moins développés et à environ 50 pays dans les marchés à revenu intermédiaire. Par ailleurs, je siège au conseil d'administration d'un organisme à but non lucratif qui exploite 38 cliniques où sont traitées plus de 50 000 personnes dans 15 pays partout dans le monde. J'ai donc une expérience pratique des questions dont nous discutons.
Tout d'abord, je veux féliciter le Canada d'être le premier pays à avoir pris des mesures en vue de mettre en oeuvre la décision de 2003 de l'OMC en matière de santé publique. Chez Gilead, nous avons un but commun qui est d'éliminer les barrières qui restreignent l'accès aux médicaments essentiels pour les gens qui habitent dans les pays en voie de développement.
Je vais vous faire part de quelques-unes des expériences que nous avons eues en offrant l'accès aux médicaments essentiels et de notre point de vue sur les défis auxquels sont confrontés Gilead et le RCAM — le Régime canadien d'accès aux médicaments — dans ce processus. Je tiens à préciser que mes commentaires sont ceux de Gilead et ne reflètent pas nécessairement l'avis des autres membres de l'industrie, même si je crois que notre industrie poursuit un but commun dans cette initiative.
Gilead s'emploie à subvenir aux besoins de malades atteints du VIH dans le monde entier. Nous y parvenons au moyen de programmes scientifiques de recherche et de développement dans le but de découvrir de nouveaux médicaments qui offrent aux malades de nouvelles possibilités de traitement importantes. Nous avons également élaboré un programme d'accès complet qui s'attarde à l'incidence de la pauvreté sur la capacité des personnes vivant dans des pays qui ne peuvent se payer nos médicaments.
La pierre angulaire de notre programme d'accès est l'utilisation responsable de la propriété intellectuelle. Dans près de 100 pays les moins développés, y compris l'ensemble de l'Afrique, le programme d'accès de Gilead permet d'obtenir nos produits contre le VIH au prix coûtant. Nous ne touchons pas un cent de profit.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec des pays à revenu intermédiaire, des pays qui ont des moyens financiers bien supérieurs à ceux de l'Afrique subsaharienne, et avons établi des échelles de prix offrant des rabais considérables à des pays comme la Thaïlande, le Mexique et le Brésil. Nous avons une relation très étroite. Ils sont à l'aise avec nos stratégies d'établissement des prix.
L'an dernier, nous avons noué des partenariats avec onze fabricants de produits génériques indiens pour produire des versions génériques de nos médicaments contre le VIH en vue de les distribuer dans les pays en voie de développement, y compris l'ensemble de l'Afrique. Le programme est offert à 95 pays. La raison qui nous a amenés à établir ces partenariats, c'est que ces sociétés sont les chefs de file mondiaux de l'approvisionnement en médicaments des pays en voie de développement; elles l'ont prouvé.
Toutes nos ententes prévoient un transfert de technologie complet pour permettre à nos partenaires d'accélérer la production d'ingrédients pharmaceutiques actifs et de comprimés. Nos partenaires sont libres de fixer le prix — nous n'imposons aucune restriction — de leurs produits et ils nous versent une redevance de 5 p. 100 du prix fixé.
J'aimerais également signaler que ces licences permettent à nos partenaires de fabriquer des associations à dose fixe avec n'importe quel autre produit à leur disposition.
Dans le cadre du processus d'examen actuel, nous croyons que le RCAM devrait être évalué de manière réaliste en fonction du rôle qu'il peut jouer dans la réalisation des objectifs de la décision de 2003 de l'OMC. Certains critiquent le RCAM, le qualifiant d'échec parce qu'ils croient que sa bureaucratie excessive et sa complexité en auraient empêché l'utilisation.
Je vais vous donner deux raisons principales qui expliquent, selon nous, pourquoi le RCAM n'a pas été employé — et ce sont des défis auxquels nous sommes confrontés —, de même que quelques suggestions pour l'améliorer.
Premièrement, les pays les moins développés qui n'ont pas de capacité de fabrication, les pays qui sont réellement visés par la décision de l'OMC, obtiennent actuellement la plupart de leurs médicaments de l'Inde où, historiquement, il n'y a pas de brevets sur les médicaments, et grâce à des programmes d'accès offerts par des entreprises de recherche et de développement comme le groupe Gilead, qui a considérablement baissé ses prix. Il n'a pas été nécessaire pour ces pays de faire leurs achats auprès des entreprises canadiennes de produits génériques.
Les critiques ont souligné que le manque d'accès aux médicaments pour les malades dans les pays les moins développés démontre que le RCAM devrait être simplifié. Je crois que cela ne tient pas compte des faits. Le manque d'accès aux médicaments est, et a été, un problème malgré la disponibilité de produits génériques à bas prix.
Le problème découle d'une infrastructure de soins de santé faible, du manque de professionnels de la santé et d'un manque de volonté politique dans ces pays pour faire du VIH une priorité. D'après le dernier Rapport sur la santé dans le monde, il y a 500 infirmières pour 50 000 personnes au Canada; en Ouganda et en Éthiopie, il y en a 31 et 11 respectivement pour le même nombre de personnes. Comment allons-nous offrir l'accès aux gens s'il manque de personnes pour prendre soin d'eux?
Jusqu'à ce qu'on s'attaque à ces barrières, les démarches entreprises par le Canada, les ONG, l'industrie des produits génériques et des entreprises comme Gilead connaîtront un succès limité.
Le RCAM est un régime important, complet et bien conçu qui établit un équilibre entre les droits des malades dans les pays en voie de développement et ceux de l'industrie de la recherche et du développement. Bien que le RCAM n'ait pas encore été utilisé, il pourrait être un véhicule d'accès important si les brevets empêchent les pays les moins développés d'accéder à des médicaments abordables.
Le RCAM sera particulièrement important si l'Inde commence à faire respecter les brevets et que les produits génériques ou de marque à prix réduit ne sont pas disponibles dans ces pays.
Je vais faire plusieurs observations fondées sur notre expérience dont vous pourrez tenir compte dans le processus d'examen.
Gilead a eu beaucoup de mal à prévoir la demande de médicament avec les gouvernements des pays en voie de développement, les ONG et les organismes d'achat internationaux. Une exigence relative à la quantité nécessaire d'un médicament dans le RCAM pourrait interrompre l'approvisionnement de médicaments essentiels. Une telle exigence pourrait compliquer davantage l'utilisation du régime. Le gouvernement devrait abolir cette exigence dans le RCAM et s'attacher à s'assurer que les médicaments génériques exportés en vertu du RCAM se rendent bien aux malades à qui ils sont destinés.
Nous croyons également que le RCAM ne devrait pas prescrire une durée de licence précise. La durée appropriée dépendra d'une multitude de facteurs, parmi lesquels le problème qui justifie la nécessité de la licence, la nature de la maladie, le coût et le temps nécessaires pour établir et accroître la capacité de fabrication, de même que le volume de production annuel nécessaire pour récupérer l'investissement. Je veux préciser que Gilead impartit toute la fabrication de ses médicaments et nous comprenons tout le travail que suppose l'attribution de nouveaux contrats de fabrication en sous-traitance. Ce sont toutes des questions qui pèsent dans la décision.
Enfin, j'aimerais dire que nous ne devrions pas être confrontés à un cas de « deux poids, deux mesures » en ce qui a trait à la qualité. Les malades qui vivent dans les pays en voie de développement devraient recevoir des produits de même qualité que ceux qui vivent dans les pays développés. C'est d'autant plus important dans le cas des maladies infectieuses où un produit de moindre qualité peut engendrer une résistance ou l'échec du traitement.
J'aimerais remercier une fois de plus le gouvernement du Canada et votre comité de m'avoir permis de prendre part à cette discussion.
Merci.
:
Good afternoon, Mr. Chair et membres du comité parlementaire.
Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada félicitent le Canada d'être l'un des premiers pays à adopter une loi qui favorise l'accès des pays du tiers monde aux produits pharmaceutiques. Le Régime canadien d'accès aux médicaments a été adopté à l'unanimité par le Parlement dans un esprit de compassion qui reflète les valeurs canadiennes. La communauté de recherche pharmaceutique appuie la générosité inhérente de cette loi, qui se veut un outil pour satisfaire aux besoins en médicaments des pays en développement. Nous assistons à une crise humanitaire mondiale dont il faut s'occuper de toute urgence.
[Traduction]
En premier lieu, je suis conscient que le Régime canadien d'accès aux médicaments a été critiqué par des gens qui prétendent que cette loi est inefficace. Je tiens à rappeler respectueusement à ces gens qu'il s'agit d'une loi encore bien jeune. La Décision de Doha a été prise en 2003 et la loi est entrée en vigueur en mai 2005. D'une certaine manière, la loi n'a pas encore été entièrement mise en oeuvre. Par exemple, un comité consultatif d'experts n'a toujours pas été créé aux termes de la loi. Il est donc difficile de prétendre que la loi a été véritablement mise à l'essai.
À mon avis, le fait que bien peu de gens connaissent cette loi illustre bien ce point. J'ai rencontré les ambassadeurs de 25 pays africains avant Noël et j'ai constaté que la majorité d'entre eux n'avait jamais entendu parler du Régime canadien d'accès aux médicaments. Le ministre de la Santé, Tony Clement, a récemment exprimé la même opinion lorsqu'il a déclaré avoir rencontré des représentants de deux pays africains, qui ignoraient l'existence de cette loi.
[Français]
Avant de modifier la loi, nous croyons que le gouvernement devrait se donner la possibilité de la mettre à l'épreuve. Au lieu de réécrire le Régime canadien d'accès aux médicaments, je recommande que, dans un premier temps, le gouvernement entreprenne un programme d'éducation de grande envergure afin de former les intervenants, particulièrement ceux des pays en développement, au sujet de la loi et de ses mécanismes.
[Traduction]
En outre, il est important d'évaluer cette loi dans un contexte plus large. La communauté pharmaceutique pense que le fait de donner des médicaments aux patients des pays en voie de développement ne résout qu'une seule partie d'un problème sanitaire beaucoup plus vaste. Sans moyens de transport, cliniques, eau potable ou accès à des professionnels de la santé, cette loi ne sera pas très efficace toute seule. Par conséquent, il faut la concevoir comme un élément d'une approche globale visant à augmenter l'accès aux médicaments d'importance vitale.
Des gens travaillant aux premières lignes de la lutte contre le sida ont indiqué combien un plan coordonné était nécessaire pour freiner la prolifération du VIH en Afrique. Certaines organisations humanitaires recommandent des mesures allant au-delà de l'accès aux médicaments. On a demandé au Canada de verser de l'argent pour aider à payer les coûts des programmes de prévention du VIH. On a aussi demandé aux pays développés d'effacer la dette en échange d'investissements dans les soins de santé et la formation des travailleurs de la santé.
[Français]
Rx&D croit qu'une telle approche globale est nécessaire. Nous devrons prendre en considération l'accès prescrit par la loi aux médicaments ainsi qu'un éventail de mesures non législatives. Le tout devrait être considéré comme une approche intégrée en vue de soutenir les objectifs du Canada dans les pays du tiers monde.
[Traduction]
Il reste encore beaucoup à faire puisque nous sommes tous responsables de trouver une solution. Cependant, la communauté de recherche pharmaceutique novatrice — et c'est l'une des raisons pour laquelle je me suis joint à la communauté — augmente depuis des années l'accès aux médicaments dans les pays en développement, et ce, à l'extérieur du cadre de la loi actuellement à l'étude.
Depuis cinq ans, la communauté pharmaceutique mondiale a donné cinq milliards de dollars en aide humanitaire, notamment en médicaments. Cette contribution se traduit par des interventions positives en matière de santé pour quelque 540 millions de personnes dans le monde entier. Vous trouverez les détails sur ces efforts dans nos notes d'information. Je vous recommande à tous d'en prendre connaissance.
Cet argent a servi à mettre sur pied une infrastructure de soins de santé et à distribuer des médicaments et des vaccins. Nous savons que des progrès ont été réalisés. L'Organisation mondiale de la Santé a récemment signalé que ces trois dernières années, le nombre de personnes qui reçoivent un traitement contre le sida a augmenté considérablement en Afrique subsaharienne — passant de 2 à 28 p. 100, ce qui représente 1,3 million de personnes. Il reste tout de même beaucoup à faire et nous devons déployer d'énormes efforts, mais je pense que des progrès sont réalisés.
La communauté de recherche pharmaceutique a également adopté des approches novatrices comme accorder des prix préférentiels au prix coûtant, inférieurs au prix coûtant, voire gratuits. Des accords de licences volontaires conclus avec des fabricants de médicaments à l'étranger nous ont permis de réduire les coûts de production et le prix de certains médicaments. Nous avons également investi dans des cliniques et de la formation pour veiller à ce que les médicaments soient adéquatement administrés, ce qui est crucial.
Sur la scène nationale, la communauté de recherche pharmaceutique canadienne a, depuis 1990, versé près de 150 millions de dollars en médicaments et en soutien financier à Partenaires canadiens pour la santé internationale. Cet argent a été utilisé dans des centaines de projets humanitaires. Il s'agit d'un partenariat continu qui accélère la distribution de médicaments « actuels » aux personnes dans le besoin et évite les détournements de médicaments.
[Français]
Nous saluons la décision du gouvernement dans le dernier budget de prévoir des incitatifs visant à maximiser les dons aux organismes comme Partenaires canadiens pour la santé internationale, parce que nous savons qu'ils distribuent des médicaments de grande qualité aux personnes qui en ont le plus besoin.
[Traduction]
Il existe clairement de nombreuses façons de fournir des médicaments abordables aux pays dans le besoin. Les médicaments génériques sont un de ces moyens, bien que des gens, y compris Industrie Canada, disent que le prix des médicaments génériques au pays constitue un obstacle. Toutefois, le fait que la communauté de recherche pharmaceutique ait offert des médicaments de marque à prix préférentiels aux pays en difficulté mérite aussi d'être souligné.
Terry.
:
Ce comité a entendu la semaine dernière que le gouvernement devrait éliminer certains dispositifs de protection prévus par la loi, notamment la liste de l'annexe 1 . À notre avis, cela ne constitue pas une solution, puisque la liste de l'annexe 1 n'entrave pas la disponibilité des produits brevetés comme certains l'ont laissé entendre. En fait, 95 p. 100 des médicaments sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la Santé ne sont protégés par aucun brevet. Le respect de bon nombre des brevets restants n'est pas exigé dans les pays en développement. Aucune loi spéciale n'est donc nécessaire pour livrer ces médicaments aux pays dans le besoin.
Je dirais que la liste de l'annexe 1 facilite le mouvement des médicaments puisqu'elle crée un processus pour la distribution des médicaments aux pays en développement. C'est pourquoi je considère cette liste avantageuse. La retirer n'améliorera pas la loi.
Je voudrais également souligner l'importance de veiller à ce que d'autres dispositifs de protection, en particulier ceux qui visent à empêcher les détournements, demeurent dans la loi et soient pleinement mis en oeuvre. Ces dispositifs garantiront que les médicaments parviennent aux malades des pays en voie de développement et qu'ils ne sont pas détournés pour être vendus illégalement sur le marché noir.
La corruption au sein du réseau d'approvisionnement en médicaments constitue un grave problème dans les pays en voie de développement. Il est inutile pour le Canada de participer à ce processus si l'on ne peut pas, à tout le moins, rendre la chaîne de l'approvisionnement en médicaments sûre et ainsi garantir que les médicaments et les vaccins que nous envoyons parviennent aux personnes qui en ont besoin.
Je tiens aussi à rappeler au comité l'existence d'une disposition moins connue de la loi, qui prévoit une période de 30 jours pour qu'une société de médicaments génériques négocie avec une société pharmaceutique détentrice de brevet afin de produire un médicament donné pour l'exportation. À ma connaissance, aucune société de médicaments génériques n'a demandé de licence obligatoire.
La protection de la propriété intellectuelle joue également un rôle dans l'accès aux produits pharmaceutiques. Les gens ont tendance à dire que l'accès et la propriété intellectuelle sont mutuellement exclusifs. Je ne suis pas d'accord. Je dirais que la propriété intellectuelle crée l'accès parce qu'elle débouche sur de nouveaux médicaments. En fait, c'est la protection de la propriété intellectuelle qui stimule la recherche et l'innovation. Et cela mène à la création de médicaments essentiels. Par conséquent, il est important de ne pas mettre la recherche en péril au pays.
Les régimes de propriété intellectuelle existent dans les pays développés parce qu'ils créent un climat d'innovation afin de traiter les maladies. Ils n'existent pas dans bien des parties du tiers monde. C'est pourquoi le Canada a la responsabilité de créer un régime qui protège la propriété intellectuelle et augmente l'accès aux médicaments d'ordonnance dans les pays pauvres.
Notre industrie croit qu'il serait prématuré et inefficace de modifier le Régime canadien d'accès aux médicaments à ce stade-ci. La loi n'a pas été mise à l'épreuve. Nous pourrons uniquement constater l'efficacité de la loi lorsqu'elle sera mieux connue et pleinement mise en oeuvre. C'est seulement alors que des modifications pourraient être envisagées.
Modifier la loi maintenant risque d'être une solution inappropriée aux problèmes de soins de santé qui perdurent dans les pays en voie de développement. Nous encourageons le comité et le gouvernement du Canada à aller au-delà de la loi actuelle et à adopter une approche plus exhaustive à l'égard des dons de médicaments aux personnes les plus nécessiteuses.
Le Régime canadien d'accès aux médicaments n'est qu'une composante du continuum des efforts visant à répondre aux besoins en matière de santé des pays en développement. En élargissant son approche, le Canada peut continuer à jouer un rôle de chef de file dans le domaine de l'amélioration de l'accès aux soins de santé à l'étranger.
Merci. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
M. Byrne est absent aujourd'hui. Il est resté chez lui, car il souffre d'une otite. Il pourrait bien faire appel à vous tous très bientôt pour le soigner.
Messieurs, merci d'être venus aujourd'hui. Nous vous avons invités parce qu'un message succinct et éloquent nous a été transmis la semaine dernière par Stephen Lewis, la même personne qui est responsable à mon avis d'avoir exercé des pressions pour que le gouvernement mette en oeuvre ce régime afin d'essayer de s'attaquer à cette tragédie indéniable qui est en train de se produire. Je crois que vous êtes tous d'accord avec cela. Selon moi, l'approche semble être le problème, l'obstacle.
Je suis vraiment inquiet d'apprendre que 300 000 enfants un peu partout dans le monde meurent parce que nous sommes incapables de leur fournir des médicaments. Cela dit, je crois que la majorité des Canadiens reconnaissent l'importance de veiller à ce que ces maladies soient endiguées pour éviter qu'elles ne se répandent partout ailleurs dans le monde. Nous connaissons le contexte. Je viens d'une ville qui ne connaît que trop bien les ravages causés par le SRAS.
Ma question s'adresse à vous tous. J'ai écouté ce que Jack et vous, Terry, aviez à dire. Nous avons un exemple d'un médicament qui est prêt et disponible et, depuis 2001, une collectivité d'ONG me dit qu'elle peut offrir le régime et assurer la distribution des médicaments appropriés là où le Canada peut avoir un effet, soit dans 5 à 10 p. 100 des endroits qui sont actuellement touchés. Alors, je ne pense pas que cela pose un problème ici. Évidemment, même un effet de 1 p. 100 est mieux que rien quand il s'agit de sauver une vie. Je crois que nous nous entendons tous là-dessus.
La condamnation du régime, le RCAM, découle de son incapacité à aider véritablement. Vous avez certainement des exemples où vous avez fourni des médicaments et le premier ministre était présent pour lancer l'initiative des PCSI. C'est bien.
Mais, je m'interroge sur notre crédibilité, nous qui sommes à cette table en train de discuter des problèmes existants alors que des milliers d'enfants vont mourir aujourd'hui dans cette région du monde en grande partie à cause de nos beaux discours ici. Je sais que vous avez tous vos intérêts à défendre; vous avez des raisons de faire ce que vous faites. À votre avis, pourquoi ne pouvons-nous pas passer d'un système de licence volontaire à un système de licence obligatoire, en permettant au pays de prendre cette décision, en collaboration avec nos ONG qui sont excellents et bien intentionnés?
Si vous me le permettez, je vais vous laisser répondre monsieur Kay, monsieur McCool ou monsieur Russell.
:
Bonjour, messieurs. Cela nous fait plaisir de vous voir aujourd'hui.
J'essaie de comprendre pourquoi la loi n'a pas fonctionné et pourquoi aucun médicament n'a effectivement été livré. Le Réseau juridique canadien VIH/sida nous disait que plusieurs pays en développement étaient incapables d'acheter des médicaments brevetés et que, par ailleurs, ils n'avaient pas la capacité industrielle de fabriquer leurs propres produits génériques. Ils dépendent donc des pays exportateurs de médicaments, d'où la nécessité de cette loi, évidemment. On voit que le besoin est là.
Par ailleurs, on a entendu au cours de deux réunions de nombreuses raisons pour expliquer cet échec. On nous a parlé de la méconnaissance du régime — vous nous le rappelez de nouveau aujourd'hui — et on nous a dit qu'il n'y avait même pas un site Internet en activité. On a mentionné la complexité du processus, le manque de mesures de soutien, que ce soit sur le plan du transport ou des cliniques. On nous a dit que parfois, des régions manquent même d'eau. Donc, on a des difficultés fondamentales majeures qui empêchent de soutenir l'envoi des médicaments. On nous a parlé du détournement de médicaments. On a vu des reportages à cet effet et on peut comprendre que dans des pays qui sont en guerre, qui connaissent des difficultés majeures et où il y a même des détournements de nourriture, les médicaments soient également précieux. On nous a dit, dans certains cas, que la liste des médicaments contenue à l'annexe du régime d'accès était trop restreinte.Ce serait une des raisons; il y en avait de nombreuses autres.
La question que je pose aux gens de la recherche et du développement est la suivante: quels sont les efforts que vos compagnies ont faits pour fournir des médicaments à prix abordable? On voit qu'il y a des besoins. Je demanderais aussi à tous les témoins pourquoi ça ne fonctionne pas et dans quelle mesure ils ont essayé de s'associer, ou de s'entendre, pour en arriver à ce que ça fonctionne finalement.
:
Je vais commencer, si vous le permettez. Merci d'avoir posé des questions assez détaillées. Je ne suis pas convaincu que ça ne fonctionne pas. Je pense que ça n'a pas encore été éprouvé, si je peux dire. Une des raisons pour lesquelles le programme n'a pas été utilisé jusqu'à maintenant est le prix des produits génériques au Canada. Vous pouvez ajouter cela à votre liste de raisons. Je voudrais cependant expliquer que la loi n'est pas aussi complexe que cela. Il y a des exigences: il faut savoir de quel pays provient la demande, la quantité de produits recherchés, qui vont les utiliser et pour combien de temps. Il me semble que ce n'est pas si compliqué que cela.
Malheureusement, jusqu'à maintenant, la deuxième étape n'a pas été franchie par les compagnies génériques afin de tester le système. Si on veut s'assurer que les nouveaux médicaments contre le VIH sont efficaces, on doit faire de la recherche. On essaie d'obtenir un équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l'accès au médicament, et l'un n'empêche pas l'autre. On doit tout d'abord informer les pays que notre loi existe, et c'est pourquoi j'ai visité 25 ambassades pour expliquer cette loi. Je crois qu'on peut commencer par informer la population de l'existence de cette loi. De plus, on a un document démontrant que nos compagnies de recherche et de développement ont fait beaucoup de travail en partenariat avec les pays et les ONG, les organisations non gouvernementales, et nous avons sur le terrain des programmes sur l'accès aux médicaments, sur les cliniques, les systèmes de santé, d'éducation et de formation professionnelles qui fonctionnent. Selon moi, c'est d'une approche complète que nous avons besoin. De cette manière, on peut continuer à soutenir la loi tout en soutenant une approche complète de la part du Canada.
Je voudrais compléter ma réponse en souhaitant que ça va fonctionner et qu'on aura prochainement un produit qui va passer le test du système en entier, de A à Z, afin d'assurer que pendant que les autres compagnies continuent d'implanter d'autres programmes d'accès, on puisse aussi utiliser ce système.
:
Laissez-moi vous expliquer ceci. Nous avons quelques produits différents. Notre produit d'origine est actuellement fabriqué dans les Caraïbes et ici même, au Canada; alors il y a un médicament canadien qui répond aux besoins des malades en Afrique par l'intermédiaire du programme d'accès de Gilead. Les produits génériques indiens seraient de véritables produits génériques qui se retrouveraient alors dans ces 95 pays. Nos produits d'origine s'y trouveraient également. Ils se feraient tous concurrence sur le marché.
Le raisonnement n'est pas fondé tellement sur le prix. Nous croyons que les prix de nos produits sont aussi bas qu'ils peuvent l'être. Croyez-moi, si nous pouvions baisser nos coûts de fabrication, nous le ferions volontiers, parce que c'est bon pour nos affaires, mais nous avons déjà travaillé très fort pour amener le prix aussi bas que nous pouvons le faire. En fait, la plus grande partie de ce travail sur des solutions d'efficacité de production se fait actuellement dans nos installations à Edmonton.
La raison pour laquelle nous voulons travailler avec des entreprises indiennes, c'est qu'elles ont une très bonne capacité pour livrer ces médicaments aux personnes malades dans ces pays, non seulement à cause du prix, mais également à cause de leur connaissance des systèmes de soins de santé et de leur connaissance des gens et de la façon de travailler dans un environnement très difficile; à titre d'entreprise occidentale, nous ne sommes pas bien équipés pour faire cela.
Lorsque vous parlez du RCAM et du fait qu'il n'a pas été utilisé jusqu'à présent, je pense qu'une partie de la raison, ce n'est pas parce que c'est un échec, mais parce qu'un grand nombre de programmes en place font effectivement le genre de choses que Gilead fait.
Nous parlons beaucoup dans la présente salle du désir d'utiliser le RCAM, ou du fait qu'il s'agit d'un échec parce que rien n'est utilisé, mais l'objectif de l'accès, l'objectif du RCAM, l'objectif des caractéristiques de souplesse incorporées dans les ADPIC ne devrait pas être de briser les brevets ou de les supplanter, mais de fournir un accès. C'est cela qui devrait être l'objectif global. Le fait qu'il n'a pas été utilisé pourrait, en fait, démontrer que certaines des choses qui surviennent dans le monde fonctionnent ou, du moins, fonctionnent aussi bien qu'elles peuvent le faire dans un environnement très difficile.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de votre comparution ici aujourd'hui sur cette question très importante. Je pense qu'il y va ici de la réputation de notre pays.
Je vais commencer par M. Williams et M. McCool.
Vous avez dit de manière répétée que vous avez besoin de plus de temps pour cette loi. Le fait est que cette loi est apparue après 550 jours d'examen. Il a fallu tout ce temps, plus d'un an et demi, pour avoir un texte législatif, qui n'a rien produit depuis ce temps.
Si, à votre avis, c'est encore prématuré, combien de temps faudra-t-il encore attendre et que faut-il changer, plus précisément, pour que cette loi fonctionne? J'aimerais savoir, parce que la liste des morts continue de s'allonger. Je pense qu'en fait, nous sommes en train de participer à un génocide intentionnel, parce que nous avons des systèmes en place et que nous invoquons une excuse après l'autre.
Dans combien de temps, diriez-vous, y aura-t-il une enquête complète à la suite de laquelle des gens devront rendre des comptes si nous n'arrivons toujours pas à fournir des comprimés à des gens? Est-ce dans un an, dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans? Combien de temps?
:
Merci, monsieur le président. Je ne croyais pas que c'était déjà mon tour, mais c'est bien.
Merci à tous d'être venus.
C'est intéressant. Je compatis avec vous. Je vais vous dire pourquoi. Vous êtes pointées du doigt, car il se trouve que vos entreprises gagnent beaucoup d'argent en faisant quelque chose de bien. Et si vous ne l'aviez pas fait, nous serions encore pris dans ce dilemme d'il y a 15 ou 20 ans, lorsque le sida est apparu... Je ne crois donc pas que ce soit juste de vous en faire le reproche, mais comme l'a dit M. Shipley tout à l'heure, je crois, ce que nous tâchons de faire, c'est de comprendre en quoi le Canada a échoué.
Nous avons ce merveilleux principe qu'on appelle, je crois, l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique. C'était une idée formidable, mais elle ne s'est tout simplement pas matérialisée.
Je comprends vraiment la nécessité de faire des profits. Ils sont notre moteur. Je viens de dire à mon collègue qu'il était injuste de laisser entendre que votre entreprise devait trouver toutes les réponses. Si notre pays veut apporter sa contribution, il lui faut allonger l'argent, pour parler crûment.
J'ai entendu des accusations, et j'aimerais donner aux entreprises pharmaceutiques l'occasion de se défendre; je crois qu'elles ne l'ont pas vraiment eue.
En premier lieu, les ONG et les fabricants de médicaments génériques s'opposent à l'obligation de demander une licence volontaire. Selon vous — et j'ai quelques questions à poser, alors vous pourriez peut-être répondre à celle-ci rapidement —, pourquoi cette obligation est-elle nécessaire? Est-il pensable qu'une licence volontaire soit accordée?
:
C'est une exigence de l'OMC à laquelle 146 pays ont souscrit, et qui prévoit que ces derniers envoient une notification à l'OMC pour l'aviser que leur capacité manufacturière est insuffisante pour produire ces types de médicaments. On a proposé que le Canada demande à l'OMC de modifier cet accord visant 146 pays. Ces négociations sont déjà difficiles, au départ. Je ne pense pas que cela se réalisera nécessairement. Mais c'est une exigence de l'OMC, et le Canada a respecté les décisions de cet organisme en rédigeant la loi.
La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'en toute franchise, tout le monde a eu l'occasion de négocier avec le gouvernement canadien pendant 15 mois, comme l'a dit Brian, je crois, tout le monde était à la table, a parlé en toute connaissance de cause et a tenté de simplifier le processus, tout cela pour envoyer des médicaments en Afrique.
Je pense qu'on n'a pas répondu à la question de savoir s'il y avait une si grande offre ici, au Canada, dans l'industrie des médicaments génériques, dont beaucoup ne sont pas fabriqués ici. Quelques grandes compagnies, dont Apotex, pourraient être mises à contribution pour l'élaboration de cette loi, mais je pense qu'on tenait pour acquis que cette grande industrie de médicaments génériques allait sauter sur l'occasion et participer, mais je crois que c'est impossible.
:
Oui. Si je le pouvais, je participerais.
Je pense que, pour notre part, à Gilead, nous voulons travailler directement avec les gouvernements du monde entier — on peut dire que c'est sur une base volontaire, mais pas au sens de la licence volontaire prévue dans l'Accord sur les ADPIC — pour prendre des arrangements avec eux. C'est ce que nous tentons de faire, en tant que compagnie: établir un équilibre entre la protection de notre propriété intellectuelle et les besoins, pour les patients, d'accéder à nos produits.
S'il advenait que des dispositions contraignantes sous forme de loi ou une certaine marge de manoeuvre aux termes des ADPIC s'avèrent nécessaires, j'aurais l'impression, du point de vue de Gilead, que notre entreprise a échoué à répondre aux besoins de ces pays. Nous croyons réellement que les exigences relatives à l'identification du pays et à la présentation de notre demande sont importantes. En effet, nous aimerions savoir pourquoi nous n'avons pas satisfait ces besoins, le cas échéant, et être en mesure de discuter avec les gouvernements des pays concernés pour conclure un arrangement en vue de leur fournir des médicaments, au moyen du système que nous avons mis en place.
Chaque fois que nous l'avons fait, ce fut une réussite. Je pense que c'est ce que nous devrions viser, au lieu de chercher à enfreindre des brevets ou encore à recourir au RCAM ou à la marge de manoeuvre conférée par l'Accord sur les ADPIC. L'objectif devrait être que l'industrie de recherche et de développement dispose de mécanismes responsables de fixation des prix qui permettent aux pays en développement d'accéder à leurs produits.
:
Je suis tout à fait d'accord. C'est important que la loi fonctionne. Je dirais, encore une fois, que les fabricants de médicaments de marque n'en ont pas besoin. S'ils le veulent, ils peuvent déjà faire des dons de médicaments sans elle.
La loi vise à créer de la concurrence, parce qu'il a été prouvé à maintes reprises que les prix chutent quand un fabricant de médicaments génériques indien, ou autre, produit un médicament et est prêt à l'offrir à un gouvernement. C'est ce qui fait baisser les prix.
Nous approuvons les deux recommandations de Gilead en ce qui a trait à l'élimination de la limite de temps pour la licence. Je pense que ce serait très important.
Comme Jack l'a dit, l'auto-identification des pays pose un véritable problème sur le plan politique. Nous aimerions que cette obligation soit supprimée ou restreinte d'une quelconque manière. Nous voudrions également que la licence puisse être obtenue de façon automatique, afin d'éliminer ou de limiter le plus possible la nécessité de négocier avec des fabricants de médicaments de marque.
Par ailleurs, nous voudrions éliminer l'exigence relative à une quantité maximale de produits pour un seul pays à la fois. Il faut que nous ayons le droit, si nous devons investir 2 millions de dollars, de produire ces médicaments pendant une longue période et de les envoyer partout où on en a besoin.
Nous aimerions également qu'on annule la responsabilité légale à laquelle nos compagnies sont susceptibles de faire face si un médicament est détourné par inadvertance une fois qu'il a franchi nos frontières. Il est irréaliste de penser qu'après qu'il a vendu un produit à Oxfam, MSF ou n'importe qui d'autre, un fabricant de médicaments génériques peut continuer d'en assurer le contrôle pendant toutes les étapes de son transport.
Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre le détournement de médicaments vers les pays occidentaux. Par exemple, le produit d'Apotex n'est pas légalement disponible dans le monde occidental, alors s'il faisait son apparition ici, il serait saisi immédiatement, et on mettrait un terme à sa vente sur-le champ.
Donc, la disposition contre le détournement est également un problème.
Dans notre exposé, nous avons précisé six ou sept changements importants que nous voudrions qu'on apporte à la loi, et qui constitueraient de grandes améliorations, selon nous.
J'aimerais revenir sur les premières questions de M. Carrie.
Monsieur Kay, au début de cet exposé, vous avez parlé de la nécessité pour les pays d'être précis et de se manifester. Je ne mets nullement en doute la réputation et l'excellent travail d'une société, d'un groupe ou d'une ONG comme Médecins Sans Frontières.
La fin de semaine dernière, je me suis entretenu avec le fondateur de cet organisme, Richard Heinzl, qui n'arrive pas à comprendre les difficultés que nous éprouvons à ce sujet. Selon lui, une société ou une organisation comme MSF peut négocier un contrat, aller voir Apotex et présenter de solides arguments pour l'achat de ces produits afin de soigner les personnes atteintes, mais elle se retrouve bloquée par l'industrie des médicaments d'origine, parce que celle-ci ne révèle pas quel pays est concerné. Est-ce exact?
Je pose la question à MM. McCool et M. Williams.
:
J'y suis habitué, ne vous en faites pas. Je vais changer mon nom pour William Russell.
Pour répondre à votre question, qui est importante, il me semble nécessaire d'avoir certains renseignements de base. Je comprends les facteurs délicats que vous essayez de faire ressortir. Nous sommes très touchés par cette crise humanitaire. Nous devons composer avec elle, et nous nous y efforçons. Je ne vais pas vous en parler plus longuement, mais nous y travaillons activement, et nous allons continuer de le faire. Nous devrions tous faire plus, et en profondeur.
Mais nous essayons toujours de trouver cet équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l'accès, et il me semble que si nous voulons cet équilibre, alors des principes de base, pour nous assurer qu'il n'y a pas d'activités de diversion, seraient de déterminer quel pays la demande, de savoir quelle quantité, et de savoir qui l'utilisera. Ce sont des principes tout à fait fondamentaux. S'il y a un moyen d'y parvenir qui comporte une certaine flexibilité, nous devrions l'envisager, mais ces principes de base, qui consistent à répondre à ces quatre questions, sont à mon avis tout à fait fondamentaux.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis toujours ébahi par la capacité d'un gouvernement et du Parlement de compliquer les choses. Quand on multiplie cela par le nombre de pays qui sont membres de l'OMC, je suppose qu'on se rend maintenant compte que les possibilités sont indéfinies.
Nous avons pris la bonne volonté du monde, et l'avons lâchée en plein milieu du terrain miné de la guerre entre les produits génériques et les produits de marque, et nous devrions en être fiers? Il y a quelque chose qui ne va pas.
Et puis il y a aussi ces rapports compliqués entre les médicaments et l'argent. Nous avons ici des pays qui sont les plus pauvres du monde, et ils sont censés vouloir des médicaments, mais en fait, ils veulent de l'argent. Si nous leur envoyons de l'argent pour acheter nos médicaments, ils diront que c'est paternaliste, qu'ils n'en veulent pas. Ils veulent notre argent pour construire leurs usines pour produire leurs médicaments avec nos brevets, ou notre absence de brevets. Alors à aucun moment il n'y aura d'ordre réel, avec de l'argent réel pour des médicaments réels, à un bon prix. Ce n'est pas ce qui les intéresse.
De plus, la plupart de ces pays de la liste, figurent aussi sur une autre liste, celle des pays les plus corrompus du monde. Nous voici, avec notre bonne volonté et notre terrain miné, poussés à produire des médicaments pour eux, et à les leur céder à bon prix. Je ne suis pas sûr qu'ils soient intéressés à acheter des médicaments. Ils prendront tout ce qu'on voudra leur donner, mais ils préféreraient encore de l'argent parce que c'est tellement plus facile de mettre l'argent dans un compte suisse que des médicaments.
Monsieur Kay, vous nous avez parlé de votre très mauvaise expérience avec un pays qui ne voulait pas être identifié. Ce pays, est-ce que c'était une véritable commande qu'ils étaient prêts à payer, quand vous avez inventé la triple combinaison de menthe que vous avez sur votre bureau? Était-ce une commande en bonne et due forme, ou juste du bla bla?
Ma troisième question est pour essayer de tirer tout cela au clair. Il y a bien des gens qui disent que cette loi n'est pas efficace, qu'elle est brisée, que c'est un désastre, c'est tout simplement terrible. Pourtant, l'un des défis pour le comité, c'est que nous ne pouvons fonder notre étude, en fait, sur bien des études de cas qui nous permettraient de déterminer qu'elle n'a pas clairement été efficace dans un cas ou un autre. Ce que je comprends des témoins que nous avons entendus lors de la première séance, c'est que nous n'avons que deux cas sur lesquels nous appuyer. L'un est public, l'autre pas.
J'aimerais essayer de comprendre moi-même ce qui est arrivé ou n'est pas arrivé dans le cas d'Apotex et du médicament. À ce que j'avais compris, il y avait trois titulaires de brevet, mais M. Kay a dit qu'il y en avait quatre. D'après les documents de recherche que nous avons reçu, ce que je comprends, c'est qu'Apotex a soumis le produit à l'approbation de Santé Canada en vertu du RCAM en décembre 2005. L'approbation a été donnée en juin 2006. En août 2006, le médicament a passé l'évaluation préalable de l'OMC. Apotex a amorcé un dialogue avec les titulaires de brevet du médicament en juin 2006, mais à cause de la complexité du processus, rien ne s'est passé depuis.
J'aimerais essayer de comprendre ce qu'on entend par la complexité du processus. À la lecture de ce document d'information que nous ont remis les attachés de recherche, il me semble qu'on faisait des progrès, et que tout a arrêté.
Alors, monsieur Kay, veuillez m'expliquer pourquoi le processus a arrêté?