Passer au contenu

INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare ouverte la 47e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre examen de la déréglementation des télécommunications.
    Nous allons tenir deux séances d'une heure. Nous allons entendre, pendant la première heure, deux témoins: M. Ian Munro, directeur de la recherche du Atlantic Institute for Market Studies, et M. Michael Janigan, directeur exécutif et avocat-conseil du Centre pour la défense de l'intérêt public.
    Messieurs, bienvenue. Vous aurez droit à cinq minutes chacun pour vos déclarations liminaires, après quoi, nous passerons aux questions.
    Monsieur Munro, nous vous écoutons.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je pensais que je n'avais droit qu'à trois minutes. Mon exposé sera donc bref. Je vous remercie de votre aimable invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Comme vous le savez sans doute, l'Institut a présenté, en janvier, des commentaires à Industrie Canada en réponse au décret modifiant la décision Telecom CRTC 2006-15. Permettez-moi de résumer brièvement notre réponse.
    Nous appuyons la proposition de remplacer le critère de la part du marché par celui des installations concurrentielles, ou celui de la concurrence, et d'adopter comme base géographique des décisions de déréglementation des zones plus petites que les régions visées par l'abstention locale, telles que définies par le CRTC. Le cadre établi par le Conseil est trop timide et retarde inutilement les avantages de la pleine concurrence pour les consommateurs.
    Le territoire intégral de la province de l'Île-du-Prince-Édouard constitue une seule région visée par l'abstention locale selon la définition du CRTC, et il fournit un exemple intéressant à cet égard. L'Île-du-Prince-Édouard compte environ 140 000 habitants, et la ville où j'ai grandi, Charlottetown, 65 000. Supposons qu'un concurrent pénètre le marché du service téléphonique de Charlottetown et capte 51 p. 100 des clients, de sorte qu'il constitue désormais le plus important fournisseur de service de la ville. Selon les règles du CRTC, le marché de Charlottetown resterait réglementé et l'entreprise titulaire de services téléphoniques, qui deviendrait alors le deuxième fournisseur, serait toujours assujettie à des restrictions touchant ces décisions de commercialisation et d'établissement de prix, contrairement à sa concurrente dorénavant plus importante.
    Lorsque la réglementation a pour effet d'entraver la capacité de la deuxième entreprise de soutenir la concurrence de celle qui détient la plus grande part du marché, il y a quelque chose qui cloche. Il faut aussi se rappeler qu'une part importante du marché ne se traduit pas nécessairement de façon directe par une position dominante sur le marché. La question consiste réellement à savoir si une part importante du marché résisterait à une tentative d'imposer des prix élevés et de faire des profits monopolistiques.
    Étant donné le degré de concurrence que nous avons déjà vu naître ces dernières années, nous ne croyons pas que cela se produirait dans un marché où interviendraient trois concurrents s'appuyant sur leurs installations. Il existe amplement de preuves démontrant que les consommateurs sont disposés à changer de fournisseur s'ils considèrent qu'une entreprise concurrente peut offrir une meilleure valeur que l'entreprise titulaire.
    Pour revenir à la question de la géographie, les zones plus petites sont préférables, car elles permettent l'établissement d'une réglementation plus précise et plus efficace. Le fait de déréglementer une grande région où il n'y a aucune concurrence dans certains secteurs pourrait présenter des risques pour certains consommateurs. Inversement, ne pas déréglementer une grande région comportant des secteurs où des concurrents ont fait des percées importantes prive le consommateur de ces secteurs des avantages de la pleine concurrence. En subdivisant le territoire en zones plus petites, on peut maintenir la réglementation là où il y a absence de concurrence, et assurer aux consommateurs les pleins avantages de la concurrence là où il existe des entreprises concurrentes.
    Nous appuyons également la suppression des interdictions en matière de reconquête. Les offres concurrentes des fournisseurs de service constituent l'essence même de la concurrence. Si l'entreprise A sait que sa concurrente B sera limitée dans sa capacité de réagir, il semble raisonnable de penser que la première ne cherchera pas à offrir des termes aussi avantageux qu'elle le pourrait.
    Dans le secteur canadien des communications, la libéralisation, la déréglementation et l'instauration de la concurrence ont trop souvent constitué des demi-mesures hésitantes. L'inertie en matière de réglementation prive les consommateurs des avantages de la pleine concurrence. Nous appuyons la proposition d'accélérer la déréglementation d'un marché local de la téléphonie où la concurrence est implantée.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Munro.
    Nous allons maintenant entendre M. Janigan.
    Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité sur des questions intéressant les clients résidentiels et les groupes de consommateurs particulièrement vulnérables, à savoir les mesures de déréglementation du gouvernement touchant le CRTC en particulier, et les télécommunications en général.
    Le Centre pour la défense de l'intérêt public est un organisme à but non lucratif qui offre des services d'aide juridique et de recherche aux consommateurs, notamment aux consommateurs vulnérables, qui se rapportent à la prestation des services publics essentiels.
    Le Centre a présenté des observations au ministre en réponse à l'avis publié dans la Gazette du Canada concernant son projet de décret annulant la décision CRTC 2006-15. Ces observations figurent en annexe. Elles font état des réserves que soulèvent le critère utilisé par le ministre et le précédant que crée le renversement de la décision de la CRTC.
    Comme on vous l'a indiqué, l'annulation elle-même et la décision qui fait l'objet de l'annulation sont très inhabituels. Les conditions qui indiquent si un marché est suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des consommateurs sans recours à la réglementation ne peuvent être rétablis de façon arbitraire. Il s'agit d'une question importante pour laquelle l'expérience pratique de l'organisme de réglementation doit être utilisée de concert avec les concepts théoriques associés à la présence ou à l'absence d'une emprise sur le marché. La décision CRTC 2006-15 s'appuyait sur un nombre important de témoignages d'experts, des témoignages qui ont été entièrement attestés au cours d'une audience devant un tribunal indépendant. Le projet de décret du ministre ne s'appuie pas sur un tel processus.
    Nous sommes préoccupés par l'éventualité que le gouvernement joue volontairement les apprentis sorciers en donnant libre cours aux forces du marché et en créant, pour l'industrie, des problèmes là où le cadre de protection des consommateurs qui était en vigueur parvenait à établir des mesures de contrôle adéquates. La principale question consiste à déterminer si des mécanismes appropriés seront mis en place pour cerner les problèmes ou même trouver des solutions.
    Il convient de souligner les répercussions qu'ont eues les mesures du gouvernement jusqu'à présent. Premièrement, elles n'ont pas créé de concurrence dans les marchés où il n'y avait pas déjà de concurrence. En fait, la plupart des principaux services de télécommunications sont déjà visés par une abstention de réglementation par le CRTC.
    Deuxièmement, elles n'ont pas libéré les entreprises de services locaux titulaires, les ESLT, de l'obligation de maintenir leurs tarifs locaux à des niveaux tarifaires. Ces entreprises ont toujours pu abaisser leurs tarifs pour l'ensemble de leurs tranches de tarification. Il s'agit d'un point très important qui semble avoir été laissé de côté dans bon nombre des observations formulées par le public sur la question.
    Troisièmement, elles ont créé un malheureux précédent en permettant à la réglementation des télécommunications par le biais de politiques d'éclipser les procédures administratives établies de longue date. Il s'agit d'un précédent qui peut s'avérer coûteux pour les gagnants à long terme. Dans de nombreux cas, les ESLT rejettent maintenant ouvertement l'examen règlementaire dans les procédures actuelles devant le CRTC, s'appuyant sur les actions de leur nouveau champion, le ministre de l'Industrie, pour se justifier.
    Quatrièmement, elles ne reflètent pas les volontés des Canadiens. Un sondage Pollara réalisé en septembre 2006 révèle que 80 p. 100 des Canadiens s'opposent à ce que les ESLT fixent leurs propres tarifs locaux. Une grande majorité des répondants ont déclaré être contre cette perspective, même dans les régions urbaines densément peuplées où l'on offre des services de téléphonie par câble. En fait, la plupart des Canadiens, à cause, peut-être, des problèmes que connaît l'industrie des services Internet sans fil et à large bande, ne croient pas que les services par câble créent suffisamment de concurrence pour les ESLT.
    Cinquièmement, ces mesures, de même que les modifications proposées à la Loi sur la concurrence, ne rassurent pas les clients qui se plaignent de la surfacturation ou des conditions exigeantes imposées par un fournisseur dominant. En théorie, la Loi sur la concurrence protège le concurrent éventuel contre agissement anticoncurrentiel. Elle ne fait rien pour le consommateur.
    Nous croyons qu'il serait préférable de créer des conditions grâce auxquelles les problèmes associés au nouveau régime proposé seraient rapidement cernés et réglés plutôt que de discuter sans cesse des conséquences.
    Ces conditions engloberaient au minimum: des recherches exhaustives, continues et indépendantes combinées à des consultations avec des intervenants concernant le contexte de la concurrence dans industrie des télécommunications, y compris les questions liées au choix, aux prix, à la pénétration du marché, à la capacité de payer, à l'accès et à la pénétration de la clientèle en fonction de données démographiques appropriées sur les clients; la mise sur pied d'un ombudsman indépendant servant les intérêts des consommateurs, tel qu'il est proposé dans la recommandation 6-2 du rapport du Groupe d'étude des télécommunications, afin de trouver des solutions pour les consommateurs dans un environnement déréglementé et de se pencher sur les problèmes liés à la protection des consommateurs et sur les solutions possibles; la mise en place d'un processus qui permettra d'établir rapidement et efficacement des mesures de protection du consommateur lorsque le marché n'est pas suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des utilisateurs.
(1535)
    Je vous remercie de votre indulgence. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Janigan.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur McTeague, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Munro, monsieur Janigan, merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Monsieur Janigan, je tiens à dire que j'ai essayé d'obtenir des précisions du CRTC concernant les tarifs, point que vous avez vous-même abordé, mais je n'ai pas eu réponse satisfaisante, ce qui ne m'étonne pas.
    Monsieur Munro, vous avez vanté les mérites du libre jeu des forces du marché, et utilisé l'Île-du-Prince-Édouard comme exemple. J'aimerais savoir quelles sont les recommandations du rapport du Groupe d'étude que vous appuyez ou que vous n'appuyez pas. À votre avis, devrions-nous établir un tribunal mixte de la concurrence en télécommunications, ou est-ce que la protection et la sauvegarde des intérêts des consommateurs peuvent être assurées dans un marché concurrentiel?
(1540)
    Je n'ai pas analysé en détail la proposition touchant le tribunal, mais d'après les témoignages qu'ont donné récemment Mme Scott, du Conseil, et M. Intven, un des auteurs du rapport, l'imposition de ce genre de sanction serait, à l'avenir, jugée appropriée, quoique je note également que M. Intven semblait à l'aise avec l'idée de mettre en place certaines mesures, comme la déréglementation, avant que le tribunal ne soit crée.
    Monsieur Munro, vous occupez le poste de directeur de la recherche auprès du Atlantic Institute for Market Studies. Je me demande si vous avez tiré des leçons de l'expérience américaine concernant la politique des télécommunications axée sur la concurrence. Le critère d'abstention qu'ils appliquaient a été rejeté par un tribunal. On a conclu qu'après plusieurs années, le degré de concentration de l'industrie américaine des télécommunications sera presque aussi élevé qu'il l'était avant le démantèlement de AT&T, en 1984, par suite d'une simple réorganisation ou remise en place des anciens monopoles.
    Les députés de ce côté-ci estiment qu'en l'absence d'une étude de marché détaillée et adéquate, étude qui a été recommandée par le Groupe d'étude, la même chose pourrait se produire ici.
    Vous semblez ne pas tenir compte du fait que les ESLT sont issues des monopoles. Ne craignez-vous pas qu'en l'absence de mesures de sauvegarde adéquates — et bien sûr, je prends note de ce que vous avez dit au sujet de Mme Sheridan Scott, entre autres—, mais avez-vous eu l'occasion d'analyser, à l'échelle internationale, les conséquences qu'entraîne la déréglementation lorsqu'elle ne s'appuie sur aucune étude de marché?
    Je n'ai pas vu d'études précises là-dessus. Je crois comprendre qu'il y a des analyses qui font état d'une hausse de la concentration aux États-Unis. Je n'ai entendu personne dire que la déréglementation, là-bas, posait problème et que les consommateurs s'en portaient plus mal.
    Je dis cela parce que nous avons, ici, notre propre étude, et je vous la remettrai volontiers, qui s'intitule: « Bibliothèque du Parlement », « Parts de marché des compagnies de téléphone locales par région visée par l'abstention locale ». Elle indique ce qui suit: « Selon les données sur les parts de marché en 2006, seuls les services résidentiels de la région de Halifax répondraient à l'un des critères d'abstention du CRTC. » 
    Pour ce qui est du travail que vous avez effectué, je trouve étonnant qu'une personne qui se spécialise dans la recherche et les études de marché ne procède pas d'abord à une analyse du marché qui l'intéresse avant d'arriver à ces conclusions. Quoi qu'il en soit, vous avez utilisé l'exemple de Charlottetown ou de l'île-du-Prince-Édouard. Je viens d'une collectivité qui compte, en théorie, deux joueurs potentiels.
    À votre avis, est-ce qu'il pourrait en avoir plus, ou êtes-vous à l'aise avec l'idée d'avoir juste deux ou trois joueurs, dont une entreprise sans fil qui n'entretient aucun lien avec les deux premiers, qu'il s'agisse d'une entreprise de câblodistribution ou de téléphone?
    Je pense que trois concurrents suffisent. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire, nous accordons trop d'importance au critère de la part du marché dans ce cas-ci. La question est de savoir si les concurrents sont en mesure de répondre rapidement à toute hausse de prix décrétée par une entreprise titulaire.
    Je vis à Halifax où EastLink mène une vive concurrence. Il y a également des entreprises sans fil parmi les concurrents. Si le marché était déréglementé et que l'entreprise titulaire décidait dès demain d'augmenter ses prix, je pourrais, dès la fin de semaine, me joindre à un concurrent. Voilà le vrai test. La contrainte imposée aux entreprises titulaires est la suivante: le concurrent est présent et est en mesure de répondre très rapidement à toute hausse de prix.
    Monsieur Janigan, je sais que vous vous êtes déjà penché là-dessus dans le passé, mais qu'arrive-t-il si les choses ne tournent pas rond pour le nouvel arrivant qui compte sur les services et les installations d'un ancien monopole et qui doit maintenant livrer concurrence à d'autres — que ce soit par le biais des règles de reconquête ou du critère des installations concurrentielles? Est-ce qu'il risque-t-il d'être la cible d'un comportement anticoncurrentiel? Est-ce que les 15 millions de dollars vont être versés au gouvernement du Canada plutôt qu'à la partie lésée? Est-ce que cela va favoriser la concurrence?
    Comme le sait le comité, les dispositions relatives à l'abus de position dominante et à l'établissement de prix d'éviction ont été peu utilisées au Canada. Le Bureau de la concurrence est très peu enclin à mener des enquêtes sur les pratiques qui pourraient donner lieu à un abus de position dominante. Il préfère considérer ces dispositions comme un moyen de faire valoir son point de vue.
    Je ne crois pas que le fait d'imposer des sanctions plus sévères en vertu de ces dispositions va donner grand-chose, parce qu'elles sont très peu utilisées. Pour être juste envers le Bureau de la concurrence, les dispositions en vigueur aux États-Unis sont également très sévères, mais elles sont peut-être utilisées davantage qu'au Canada.
    En ce qui concerne le nouvel arrivant, si le passé est habituellement garant de l'avenir, il n'y a pas beaucoup d'entreprises de services locaux qui livrent concurrence aux titulaires à l'heure actuelle. De manière générale, elles n'arrivent pas à soutenir la concurrence. Certains vont dire que c'est en raison des obstacles qui ont été érigés par l'entreprise dominante, et d'autres, que c'est tout simplement à cause des économies d'échelle.
(1545)
    Très bien.
    Merci, monsieur McTeague.
    Monsieur Crête.

[Français]

    Je voudrais qu'on parle de la façon dont on définit les régions. Le décret a créé un nouveau type de région. Le CRTC utilisait les régions d'abstention locale et le décret du ministre a créé les régions d'interconnexion locale.
    Même si vos mémoires énoncent des opinions un peu différentes sur le fond, êtes-vous plus favorables à l'utilisation de plus petites régions, ou de plus grandes régions?
    Au Québec seulement, on dénombre 102 régions d'interconnexion locale, alors que le CRTC utilise 20 régions d'abstention locale. La différence est importante, lorsqu'il s'agit de délimiter la concurrence.
    J'aimerais avoir l'opinion de chacun d'entre vous. Quelle est la meilleure formule pour assurer une concurrence adéquate?

[Traduction]

    Merci. Je m'excuse, mais j'ai un peu de mal à m'exprimer en français.
    Nous appuyons l'idée d'utiliser des régions plus petites pour les décisions de déréglementation, car cela permet d'établir une réglementation plus précise et aussi d'éviter les problèmes éventuels que pourrait entraîner une décision réglementaire, ou l'absence d'une telle décision, dans une région plus grande.
    Supposons que nous avons une grande région où la moitié seulement des clients sont desservis par plusieurs concurrents. Si vous décidez de déréglementer cette région, il va y avoir une partie de celle-ci qui ne sera pas desservie par les concurrents et qui ne sera pas déréglementée, ce qui risque de poser problème. Inversement, si vous décidez de maintenir la réglementation, alors la moitié de la région desservie par des concurrents se verra privée des avantages qu'offre la pleine concurrence parce que le cadre réglementaire restera en place.
    Si, au lieu de cela, vous imposez une décision réglementaire sur chacune des deux moitiés, de manière indépendante, vous pourrez déréglementer la région où les concurrents sont présents et permettre aux consommateurs de bénéficier des pleins avantages de la concurrence dans l'autre partie de la région où il y a absence de concurrence.
    Voilà pourquoi nous croyons que les zones plus petites sont préférables. Elles sont plus faciles à administrer.

[Français]

    Donc, en pratique, vous modifieriez le décret en vue d'avoir des régions plus petites.

[Traduction]

    Le nouveau critère s'appuie sur les régions d'interconnexion locale, les RIL, ou les circonscriptions locales. Nous estimons que les circonscriptions locales constituent une composante très utile.
    On a passé beaucoup de temps et d'énergie à tenter de définir le concept des régions visées par l'abstention locale lors de la procédure initiale. Cette définition, franchement, n'a rien de scientifique; tout est dans le libellé. Les opinions là-dessus sont partagées.
    Le problème, bien entendu, est le suivant: si la région définie est trop petite, la déréglementation, dans les faits, n'aura lieu que dans un petit secteur d'un centre urbain, ce qui veut dire que les autres régions seront assujetties à la réglementation pendant très longtemps parce que le secteur déréglementé ne sera pas inclus dans la zone plus vaste. Si la région définie est trop grande, alors certaines collectivités rurales risquent d'être incluses du fait qu'elles comptent moins d'habitants que les centres urbains. Elles seront automatiquement déréglementées même si cela ne sert pas leurs intérêts.
    La région visée par l'abstention locale peut être divisée en zones plus petites ou plus grandes, ce qui risque de profiter ou nuire aux intérêts des entreprises de téléphonie titulaires, ou de profiter ou nuire aux intérêts des clients qu'elles tentent de desservir. Le CRTC a essayé de trouver une solution qui tient compte de la communauté d'intérêts, et notamment de la communauté d'intérêts économiques de la région.
    La solution retenue, disons-le franchement, est loin d'être parfaite. On peut trouver, au Canada, d'autres exceptions dont l'application soulève des questions. Toutefois, de manière générale, je pense qu'il aurait été préférable de laisser ce modèle en place et de trouver une formule adaptée aux besoins particuliers des régions.
(1550)

[Français]

    Je veux être certain de bien comprendre. Vous préféreriez que la directive du ministre soit modifiée de telle sorte qu'on utilise les régions établies par le CRTC plutôt que celles qui ont été retenues dans la version actuelle.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    D'accord. J'ai une autre question.
    Monsieur Janigan, vous dites que l'organisme de réglementation doit avoir le pouvoir de rendre des décisions qui sont associées au pouvoir décisionnel et qu'il est important qu'on ne puisse pas renverser ces décisions à tout bout de champ. Vous faites référence à l'utilisation par le ministre, seulement à l'occasion et de façon très temporaire, du pouvoir du décret, pouvoir qu'il semble vouloir utiliser régulièrement.
    La solidité du pouvoir décisionnel du CRTC ou de tout nouveau tribunal qui pourrait résulter de la réforme vous préoccupe-t-elle pour l'avenir?

[Traduction]

    À mon avis, et je dis cela objectivement, le projet de décret du ministre est exceptionnel. Il semble s'écarter de la tendance actuelle qui prévaut en matière de réglementation, au Canada et à l'étranger.
    Il est question, dans le mémoire que j'ai fait parvenir au ministre, des documents d'orientation de l'OCDE qui traitent des rapports que le gouvernement doit entretenir avec l'organisme de réglementation. À notre avis, cette décision tranche avec l'approche habituellement adoptée à l'égard de la réglementation. Nous avons constaté que le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications prend le temps de préciser, dans son rapport, que ce genre de démarche ne serait pas possible à l'avenir. Je pense que c'est parce que cela ne cadre pas avec le rôle de l'organisme de réglementation indépendant, qui est d'élaborer une politique et un cadre réglementaires.
    Merci.
    Monsieur Carrie.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer.
    Nous avons beaucoup entendu parler, ces dernières semaines, de la façon dont les choses évoluent rapidement dans l'industrie des télécommunications. J'ai l'impression que la situation change dans toutes les régions du pays. Je viens d'Oshawa et je constate que les jeunes, là-bas, n'ont plus de téléphone conventionnel mais un cellulaire, et ils adorent cela. Ils le traînent partout. Ils envoient des messages alphabétiques à leurs amis. Peu importe où ils sont, ils peuvent utiliser cette grande percée technologique.
    Certains témoins de la région de l'Atlantique--nous avons entendu des représentants d'EastLink et de sociétés de communications par satellite--sont prêts à s'ouvrir à la concurrence. Pensez-vous que la région de l'Atlantique--le consommateur--va tirer parti de la déréglementation?
(1555)
    Oui, je le pense, car la déréglementation va permettre à tous les joueurs du marché de se battre becs et ongles pour attirer des clients. C'est ça, la concurrence. Plus vite nous nous retrouverons dans cette situation, mieux ce sera pour les consommateurs.
    Des préoccupations ont été formulées au sujet des consommateurs qui vivent dans les collectivités rurales de l'Est — ma famille vit près de Sydney. À votre avis, que risque-t-il d'arriver aux consommateurs dans les collectivités rurales si nous allons de l'avant avec la déréglementation?
    D'après la proposition du ministre, la déréglementation n'aurait lieu que dans les collectivités rurales où il existe des entreprises concurrentes. La réglementation serait maintenue là où il y a absence de concurrence, et ce, pour protéger les consommateurs. Voilà pourquoi j'ai parlé, plus tôt, des avantages qu'il y a d'utiliser des zones plus petites. Cela permet de cibler les régions en fonction de la concurrence qui existe sur le marché. La déréglementation n'aurait pas lieu là où il y a absence de concurrence. Les consommateurs continueraient d'être protégés par la réglementation.
    Voilà, c'est tout.
    Très bien.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet du régime d'abstention proposé par le ministre, régime qui vise à assurer la présence d'installations concurrentielles avant que la déréglementation n'ait lieu?
    Encore une fois, je reviens à ce que j'ai dit plus tôt: il faut laisser de côté le critère de la part du marché., et chercher plutôt à assurer la présence de concurrents qui seront en mesure de réagir rapidement à toute hausse de prix décrétée par un autre fournisseur. Cela peut paraître simpliste comme réponse, mais si le marché de Halifax est déréglementé et qu'un joueur — que ce soit l'ESLT ou quelqu'un d'autre — tente d'augmenter ses prix, je peux, avant la fin de semaine, passer à un autre fournisseur. Les économistes, avec leurs différents modèles, peuvent en débattre longuement, mais cette solution m'apparaît tout à fait simple et logique.
    Monsieur Carrie, si je puis me permettre, il faut bien préciser ce que le décret d'abstention veut dire. Les entreprises de téléphonie ont toujours été en mesure de livrer concurrence aux nouveaux arrivants. Elles peuvent, par exemple, pour ce qui est des services locaux, abaisser leurs tarifs, si elles veulent, pour l'ensemble de leurs tranches de tarification.
    Ce que l'on a dit dans ce cas-ci, c'est qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter au sujet des garanties habituelles qui sont offertes aux consommateurs dans une région en particulier, car il y a suffisamment de concurrence à cet endroit. Ce sont les forces du marché qui vont dicter le prix à imposer.
    De manière générale, cela veut dire, pour les gros consommateurs, plus de produits, plus de bouquets de services, peu importe. Par exemple, je suis moi-même un gros consommateur de services de télécommunications. Ma famille et moi dépensons probablement plus de 300 $ par mois en services comme Internet, le sans fil, ainsi de suite. Je suppose qu'il existe de meilleures offres combinées. Par ailleurs, nous prévoyons que les clients qui consomment peu de services de télécommunications ou qui vivent dans des collectivités rurales ne bénéficieront pas de rabais ou ne se verront pas offrir des rabais, en raison de la déréglementation.
    Ensuite, dans un milieu réglementé, les tarifs de l'entreprise de téléphonie titulaire doivent être abaissés dans l'ensemble des tranches de tarification. Dans un marché déréglementé, ces baisses peuvent être négociées au cas par cas avec les clients, et c'est de cela dont il est question ici. La concurrence n'est pas nécessairement un facteur, même si elle fait partie de l'équation. L'objectif ici est de cibler les clients que vous voulez attirer.
    Je voulais poser une autre question à laquelle vous avez peut-être une réponse. Bon nombre des témoins que nous avons entendus craignent que la déréglementation du service téléphonique local n'entraîne une remonopolisation du marché. Est-ce qu'une telle chose peut se produire?
    Non. La déréglementation, selon les critères proposés, va avoir lieu là où il existe déjà des fournisseurs concurrents. La remonopolisation du marché ne pourrait se produire que si l'entreprise titulaire écartait les concurrents du marché. Les câblodistributeurs sont de gros joueurs, pas de petites entreprises familiales. Les entreprises de services sans fil sont elles aussi de gros joueurs. L'idée qu'elles soient écartées du marché n'est tout simplement pas crédible. Même si un fournisseur éprouve des difficultés financières, l'infrastructure va rester en place: les câbles enfouis sous terre, les tours de transmission sans fil, ainsi de suite. Donc — dans le pire des scénarios, et ce n'est qu'une hypothèse —, si un fournisseur a de graves problèmes, quelqu'un d'autre va prendre la relève.
    L'idée d'une remonopolisation du marché n'est tout simplement pas crédible.
(1600)
    Je ne pense pas, moi non plus, qu'une telle chose puisse se produire, surtout dans les régions où les câblodistributeurs ont pénétré le marché de la téléphonie locale, ou encore dans celles où il n'y a eu aucun nouvel arrivant sur le marché. Ce qui risque plutôt de se produire, c'est la mise en place d'un duopole dominé par les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone Cela peut constituer une source d'inquiétude, car l'expérience montre que, dans le cas des services à large bande, par exemple, il existe un duopole en termes de prix et de produits.
    Je suis désolé, monsieur Carrie, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous allons maintenant entendre Mme Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    Vous allez devoir m'excuser, mais je suis néophyte en la matière.
    J'ai rencontré un électeur qui représente un petit fournisseur, et cet électeur est inquiet. Je voudrais vous faire part de certaines de ses inquiétudes.
    Revenons aux grandes entreprises qui avalent les plus petites du fait que celles-ci peuvent connaître des difficultés. Vous avez dit que l'infrastructure reste en place et qu'un autre fournisseur peut prendre la relève. Ma question peut vous sembler naïve, mais n'est-il pas également possible que ce soient justement les grandes entreprises, qui détiennent déjà une part importante du marché, qui prennent la relève — avalent les autres fournisseurs —, ce qui ouvre ainsi la voie à la monopolisation du secteur?
    À qui s'adresse votre question?
    À tous les deux.
    Merci.
    Je ne sais pas à quelles petites entreprises vous faites allusion dans votre exemple. La concurrence à laquelle sont assujetties les entreprises titulaires vient, ces jours-ci, des câblodistributeurs — Rogers, Shaw, EastLink, Vidéotron — qui sont loin d'être des petits fournisseurs. L'idée qu'une compagnie de téléphone puisse prendre le contrôle de l'un d'entre eux... Un tel scénario n'est pas crédible. Voilà pourquoi je ne sais pas vraiment à quelles petites entreprises vous faites allusion.
    D'accord.
    Prenons l'exemple de l'industrie sans fil au Canada, où l'on a effectivement essayé de mettre sur pied des réseaux numériques en attribuant des licences à Microcell et Clearnet. Ces entreprises ont été avalées par les fournisseurs auxquels elles étaient censées livrer concurrence.
    Il s'agit d'un problème de taille, car, dans les faits, ce sont les gains d'efficacité qui servent de base aux fusions. Souvent, les entreprises sont en mesure de démontrer que les gains d'efficacité entraînent des économies de coûts — pas nécessairement dans l'intérêt du consommateur, mais dans celui de l'actionnaire. Je pense qu'il y a un danger, sauf qu'il ne vient pas de la remonopolisation, mais plutôt de la formation d'un duopole ou d'un oligopole où les entreprises, extrêmement à l'aise avec la position qu'elles occupent, ne se livrent qu'une faible concurrence.
    J'ai rencontré, le mois dernier, à une conférence, le président de la plus importante compagnie de téléphone en Inde. Il me disait à quel point il était difficile, dans son pays, de livrer concurrence dans le marché sans fil, car les fournisseurs offraient des services sans fil à vie pour 20 $ par mois. Les entreprises de services sans fil se livrent, là-bas, une concurrence féroce. On n'assiste pas au même phénomène au Canada. Le niveau de concurrence entre les entreprises de télécommunications sans fil et à large bande n'est pas du tout le même, ici. Je pense qu'un marché duopolistique va finir par s'instaurer, un marché où les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone vont être satisfaits de la part de marché qu'ils détiennent et du rendement qu'ils offrent aux actionnaires.
    Les gens que j'ai rencontrés avaient certaines demandes à formuler au comité et au ministre.
    D'abord, ils voulaient que la déréglementation n'ait lieu qu'une fois confirmée la présence de plusieurs fournisseurs, des fournisseurs qui se livrent une saine concurrence, dans une région donnée. Ensuite, ils voulaient que le niveau de service soit maintenu même après la déréglementation. Enfin, ils voulaient qu'un mécanisme permettant de réintroduire la réglementation soit mise en place, au cas où il y aurait absence d'une concurrence saine et durable.
    Est-ce que ce sont là des demandes raisonnables? Des demandes censées?
(1605)
    Je pense que la qualité du service n'est qu'un aspect parmi d'autres de la concurrence. Les fournisseurs vont se livrer concurrence au niveau du prix et de la qualité du service. Si la qualité laisse à désirer, ils vont perdre leur part du marché. Les fournisseurs ont tout intérêt à fournir des services de grande qualité aux consommateurs.
    Pour ce qui est de la saine concurrence, je ne pense pas que l'on puisse dire de Shaw, Rogers, EastLink et Vidéotron qu'ils se livrent une concurrence malsaine. Je ne recommanderais pas, non plus, que l'on établisse un mécanisme pour introduire une nouvelle forme de réglementation si la concurrence laisse à désirer. La réintroduction de la réglementation est toujours possible, légalement, mais on risque à ce moment-là d'aboutir à un effet yo-yo si l'on passe de la réglementation à la déréglementation, et vice-versa. On risque également de décourager les investissements dans le marché, au détriment des consommateurs. En tout cas, j'espère que si l'on songe à réintroduire la réglementation dans le marché, on va examiner cette option de très près.
    J'aimerais répondre aux trois questions que vous avez posées.
    D'abord, il est important de faire en sorte que l'on ait accès à des données précises et indépendantes au sujet de l'industrie et de l'état de la concurrence dans les diverses régions visées par l'abstention locale. Ces données doivent être maintenues à jour et être accessibles à tous, pour que l'on puisse intervenir rapidement.
    Ensuite, concernant la réintroduction de la réglementation, cela fait partie, bien entendu, de tout régime responsable de déréglementation. En effet, si les forces du marché négligent d'offrir aux consommateurs la protection qu'elles sont censées leur offrir, alors l'organisme de réglementation doit intervenir rapidement et instaurer les mesures qui s'avèrent nécessaires pour solutionner le problème et protéger le consommateur.
    Pour ce qui est du troisième point — quel était-il?
    La qualité.
    Le Conseil a indiqué, dans la décision 2006-15, que la qualité du service pouvait être assurée par la concurrence. Le problème, c'est que les fournisseurs risquent de s'occuper davantage des clients qui constituent de gros consommateurs. Dans le cas des clients qui constituent de petits consommateurs, il se peut qu'il ne soit pas intéressant pour eux d'améliorer la qualité du service ou des lignes, ou encore d'installer de nouvelles infrastructures si cela n'est pas rentable sur le plan économique.
    En fait, je pense que la qualité du service devrait être maintenue dans un cadre déréglementé. Sinon, on pourrait nommer un ombudsman qui se chargerait de cerner les problèmes et d'en faire rapport à l'organisme de réglementation pour qu'il en discute avec les entreprises.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Brison, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins.
    Monsieur Janigan, j'aimerais avoir des précisions au sujet de l'approche qu'il conviendrait, selon vous, d'adopter pour procéder à une réforme de la réglementation dans l'industrie des télécommunications. Est-ce qu'il serait préférable, à votre avis, de mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations du rapport du Groupe d'étude et d'adopter une loi pour modifier le cadre réglementaire au lieu de renverser les décisions du CRTC pour en arriver à ce but?
    Oui. Le rapport du Groupe d'étude est un document détaillé qui contient toute une série de freins, de contrepoids et d'objectifs que je juge nettement préférables.
    Le gouvernement a choisi de prendre quelques mesures qui semblent s'inspirer du rapport, dans le but d'atteindre son objectif. Cette façon de faire, à mon avis, est tout à fait inappropriée. Si l'on veut entreprendre une réforme de l'industrie des télécommunications, il faut procéder de manière plus constructive. Il faut mettre sur pied un comité qui se chargera de mettre en oeuvre les dispositions du rapport du Groupe d'étude, d'analyser les recommandations qu'il a formulées, y compris celles portant sur la création d'un nouveau tribunal tripartite de la concurrence, ce qui va demander beaucoup de discussions, d'examiner les mesures précises de protection des consommateurs qui ont été proposées, mesures qui n'ont pas été prises en compte par le gouvernement et qui devraient l'être, surtout s'il veut déréglementer davantage le milieu.
(1610)
    Croyez-vous que le ministre, en choisissant les recommandations qui lui conviennent dans le rapport du Groupe d'étude et en procédant sans plan détaillé, est en train de créer un duopole et non pas d'ouvrir le marché à une plus grande concurrence?
    À l'heure actuelle, les compagnies de téléphone titulaires détiennent, pour la plupart, environ 90 p. 100 du marché résidentiel. Si nous instituons des réformes qui leur permettent, dans les faits, d'effectuer de plus grandes percées dans ce marché, nous risquons vraisemblablement de consolider leur position dominante et de créer, au mieux, un duopole dans les différents marchés.
    Ce que vous êtes en train de décrire, c'est le marché de la vallée de l'Annapolis où l'entreprise titulaire détient 96,9 p. 100 du marché. Dans les endroits comme le Cap-Breton, c'est 98,4 p. 100 du marché qu'elle détient. La concurrence, de manière générale, n'est pas très vive dans les régions rurales et les petites collectivités.
    Monsieur Munro, vous avez dit que la déréglementation aurait lieu là où il existe des entreprises concurrentes. Nous avons entendu plusieurs petits joueurs de l'industrie de la câblodistribution. Ils ont laissé entendre qu'ils n'investiront pas les millions requis pour pénétrer le marché des télécommunications, à l'échelle locale, si le critère de la part du marché est supprimé en faveur du critère des installations concurrentielles, et si les restrictions en matière de reconquête sont éliminées.
    Ils ont affirmé qu'ils ne mettront pas à risque leurs capitaux privés dans les marchés locaux, parce qu'ils ne croient pas qu'ils vont être en mesure de pénétrer ces marchés. Ils estiment que les grandes entreprises de télécommunication vont adopter un comportement prédateur.
    Vous dites que la déréglementation va avoir lieu là où il existe des entreprises concurrentes. Or, ce que nous disent les concurrents éventuels, c'est qu'ils ne pénétreront pas ces marchés, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas de concurrence.
    Comment réagissez-vous à cela?
    Je ne vois pas comment une règle de reconquête prévoyant une période de 30, 60 ou 90 jours peut constituer l'unique critère sur lequel ces concurrents éventuels vont se fonder pour décider s'ils doivent ou non pénétrer le marché.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais le critère des installations concurrentielles, qui remplacerait le critère de la part du marché, constitue tout un obstacle pour le nouvel arrivant qui veut pénétrer le marché.
    C'est vrai, et dans certaines régions plus petites, les concurrents peuvent mettre beaucoup de temps à arriver. Il y a d'ailleurs beaucoup de services qui sont assujettis à une faible concurrence dans ces régions. Il ne faut pas s'attendre à ce que trois fournisseurs aillent s'installer dans toutes les petites collectivités au cours des prochains mois.
    Toutefois, nous avons constaté dans d'autres régions où la concurrence commence à se faire sentir que les nouveaux arrivants s'adaptent très rapidement. Je me demande si ces petits joueurs ne vont pas reconsidérer leur position.
    Il y a de nouveaux joueurs qui arrivaient sur le marché en vertu des anciennes règles. Or, vous dites que ces changements ont pour effet d'accroître les obstacles que les nouveaux arrivants doivent surmonter pour pénétrer les régions qui sont actuellement desservies par un seul joueur, ou essentiellement par un joueur.
    Pouvez-vous conclure, monsieur Munro?
    Je m'excuse, mais à quel obstacle faites-vous allusion?
    Vous venez de dire que les changements ont pour effet d'accroître les obstacles que les nouveaux arrivants doivent surmonter dans les régions qui sont actuellement dominées par les entreprises titulaires.
    Non, il n'y a pas plus d'obstacles. Les joueurs peuvent pénétrer le marché à n'importe quel moment.
    Merci.
    Monsieur Brison, vous avez parlé pendant une minute de plus. Je suis désolé.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer.
    Pourrais-je avoir des précisions au sujet des recommandations du Groupe d'étude? Leur mise en application se ferait en deux temps. D'abord, le gouvernement annoncerait qu'il les endosse. Ensuite, il procéderait à la mise en oeuvre des recommandations et des modifications requises aux lois existantes.
    J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus. On a laissé entendre que les recommandations du Groupe d'étude soulèvent certaines réserves, mais encore une fois, leur mise en oeuvre se ferait en deux temps.
    J'aimerais aussi parler des recommandations qui sont retenues. On parle beaucoup du fait que le ministre ne choisit que les recommandations du Groupe d'étude qui l'intéressent.
    Monsieur Munro, je crois comprendre que la région de l'Atlantique représente le marché où la concurrence est la plus vive au Canada. Cela en dit long sur les possibilités qu'offre cette région, car il existe une volonté manifeste de la part des intervenants de l'industrie d'investir dans ce marché. Vous l'avez vous-même démontré.
    Concernant les recommandations du ministre, pouvez-vous nous dire si elles ont fait l'objet de consultations? Pouvez-vous nous dire brièvement quelques mots à ce sujet?
(1615)
    À quelles consultations faites-vous allusion?
    Aux consultations sur la mise en oeuvre des recommandations.
    Je ne sais pas si j'ai bien saisi la question.
    Certains ont dénoncé la façon de faire du ministre. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
    D'accord. Je vous remercie de cette précision.
    Je ne pense pas que le ministre a uniquement choisi les recommandations qui l'intéressent. Le Groupe d'étude, et M. Intven, la semaine dernière, ont proposé l'adoption de certaines mesures avant que la loi ne soit modifiée. Au nombre de celles-ci figurent les propositions que nous sommes en train d'examiner, et que je trouve tout à fait adéquates.
    Si nous attendons que toutes les modifications possibles soient enchâssées dans une nouvelle loi, nous risquons de retarder encore davantage le processus. Pendant ce temps-là, de nombreux consommateurs vont se voir privés des avantages que la pleine concurrence peut leur offrir.
    On entend aussi beaucoup parler de la menace que constitue la remonopolisation. Qu'en pensez-vous? Quel est votre avis là-dessus?
    Encore une fois, comme je l'ai déjà indiqué, je ne pense pas que cette menace soit crédible. Les câblodistributeurs et les entreprises de services sans fil sont bien financés, bien connus. Ils entretiennent des relations de longue date avec leurs clients. L'idée qu'ils puissent être écartés du marché par les entreprises de téléphonie est peu vraisemblable ou crédible. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter au sujet de la remonopolisation.
    Avez-vous des commentaires à faire au sujet du rôle que joue le Bureau de la concurrence en tant qu'organisme de réglementation?
    Je pense qu'il est logique de confier les questions d'ordre économique non pas au Conseil, mais au Bureau ou à un nouvel organisme qui pourrait compter sur l'expérience du Bureau, et de laisser les questions d'ordre culturel au Conseil. Le Bureau est celui qui possède des compétences en économie.
    J'ai une dernière question à poser. J'étais en train de rassembler mes notes là-dessus. La plus grande source d'inquiétude -- du moins, à mon avis -- , c'est que les petites entreprises doivent livrer concurrence aux géants. Comment réagit-on à la situation dans les provinces de l'Atlantique? Est-ce que ce problème est pris au sérieux? J'ai parlé de la mise en oeuvre des recommandations. Est-ce que les petites entreprises sont bien protégées, ou est-ce un dossier auquel le ministre doit s'attaquer?
    Je ne pense pas qu'il y ait un problème de ce côté-là. Je m'excuse. J'ai peut-être mal compris la question que M. Brison avait posée. Je vais donc essayer d'y répondre.
    Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'essayer de protéger les petites entreprises. Les fournisseurs se livrent concurrence. Il y a des gagnants et des perdants. Certains voient leur part de marché augmenter et ensuite diminuer. La situation évolue constamment. Je pense qu'il faut plutôt mettre l'accent sur le consommateur, les mesures qui doivent être prises pour qu'il ait accès aux pleins avantages de la concurrence.
    D'accord. Merci.
    Merci.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous avez dit que la déréglementation ne favorisait pas le consommateur ni une concurrence loyale envers les autres petits joueurs.
    Comment les petites entreprises pourront-elles s'immiscer entre les deux gros joueurs que sont le fil et le câble afin de leur faire concurrence?
(1620)

[Traduction]

    Ils peuvent se livrer concurrence en ce sens qu'ils ont accès à l'infrastructure, et je fais allusion ici aux petits câblodistributeurs. Pour revenir encore une fois au point qu'a soulevé M. Brison, il se peut que certaines petites entreprises choisissent de ne pas pénétrer le marché à court terme. Cette possibilité existe. Elles font des choix pour des raisons commerciales et, oui, cela peut vouloir dire que la concurrence va prendre plus de temps à s'instaurer dans les régions plus petites.
    Il faut éviter d'adopter une approche réglementaire qui priverait de nombreux consommateurs dans les grandes régions des pleins avantages qu'offre la concurrence parce que l'on veut permettre aux régions plus petites de faire du rattrapage. Il ne faut pas oublier que ces dernières vont continuer d'être protégées par la réglementation, jusqu'à ce que les conditions assurant le jeu de la concurrence soient mises en place.
    Vous avez raison de dire qu'il serait très difficile pour les nouveaux arrivants ou les petits fournisseurs de livrer concurrence de manière efficace aux entreprises de téléphonie titulaires et aux câblodistributeurs. Encore une fois, le passé est garant de l'avenir. La concurrence est responsable de nombreux échecs.
    C'est pour cette raison, dans une certaine mesure, que l'on veut assouplir, ou que l'on tente d'assouplir, les critères d'abstentions — parce que, dans les faits, on est arrivé à la conclusion que les entreprises ne seront pas en mesure de remplir les critères raisonnables leur permettant d'opérer dans un marché concurrentiel efficace. Voilà pourquoi il faut assouplir les critères — supposons qu'elles arrivent à le faire — pour que la déréglementation ait lieu.
    À mon avis, l'avenir ne sera pas nécessairement très brillant pour les petits concurrents, les nouveaux arrivants.

[Français]

    Monsieur Janigan, vous mentionnez souvent dans votre document qu'une part de marché de 25 p. 100 est trop faible.
    Pourquoi pensez-vous qu'il s'agit là d'une part de marché trop faible ou trop libérale? Vous avez dit qu'une part de 30 à 40 p. 100 donnerait une concurrence efficace.

[Traduction]

    Les arguments que nous avons avancés devant le CRTC lors de l'audience sur la règle de l'abstention se fondaient sur les conseils éclairés de spécialistes des domaines de la concurrence et des télécommunications. Ils ont dit qu'il fallait probablement avoir trois ou quatre fournisseurs différents qui détiendraient au moins 35 à 40 p. 100 du marché avant que celui-ci ne puisse devenir effectivement concurrentiel. Le CRTC a tenté de réduire ce seuil en autorisant la création d'un duopole et en fixant la part du marché à 25 p. 100.
    Nous avons conclu que la décision du Conseil reflétait une approche plutôt libérale à l'égard des compagnies de téléphone titulaires. Nous avons été fort surpris de la vive opposition qu'a suscitée cette décision. Cela ne cadre pas du tout avec les vues exprimées par les spécialistes des domaines de la concurrence et des télécommunication que nous avons consultés, et avec les conditions qui doivent être assurées pour avoir une concurrence efficace.
    Ce qu'ils ont fait, c'est analyser l'expérience de l'industrie des services sans fil, de l'industrie des services interurbains ou de l'industrie des services d'accès à large bande aux États-Unis et tirer des conclusions au sujet des baisses de prix.
    Quelles sont les conditions adéquates qui permettent d'assurer la concurrence? Ces conditions n'existent pas quand on se trouve en présence de duopoles. Les duopoles ne livrent pas une concurrence efficace. Les marchés duopolistiques finissent par tomber dans le parallélisme conscient ou inconscient. C'est dans cette voie que nous sommes en train de nous diriger.

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 30 secondes.
    D'accord.
    Monsieur Munro, vous avez parlé des petits marchés. Comment peut-il y avoir une certaine concurrence s'il n'y a pas déjà d'installations de fil ou de câble dans un petit marché donné?
     Vous avez dit que l'Île-du-Prince-Édouard, qui est votre région, avait un problème et qu'il faudrait prendre une grande région et la subdiviser en petites régions.
    Mais si, dans les petites régions, il n'y a pas d'autres concurrents que le fil ou le câble, comment un nouveau joueur pourra-t-il s'implanter dans ces petites régions, s'il n'y a pas d'argent pour les installations?

[Traduction]

    Il y a des régions petites et éloignées qui, à l'heure actuelle, ne sont pas desservies par les câblodistributeurs. Il va sans doute falloir attendre un bon moment avant que la concurrence n'arrive dans ces marchés. C'est pour cette raison que nous maintenons la réglementation : pour protéger les consommateurs de ces régions.
    Ce serait bien si nous avions un grand nombre de fournisseurs qui se livraient une concurrence axée sur les infrastructures dans tous les coins de ce pays. Mais je ne pense pas que ce soit réaliste. Encore une fois, c'est pour cette raison que nous avons un régime de réglementation. Il permet de protéger les consommateurs là où il y a absence de concurrence.
(1625)
    Merci.
    Monsieur Arthur.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Janigan, vous avez dit qu'un sondage Pollara réalisé en septembre 2006 révèle que 80 p. 100 des Canadiens s'opposent à ce que les ESLT fixent leurs propres tarifs locaux.
    Pouvez-nous citer la question qui a été posée à ces personnes?
    Oui.
À l'heure actuelle, les tarifs pour les services téléphoniques locaux imposés par les grandes compagnies de téléphone (Bell, Telus, Aliant, Sasktel, etc.) doivent être approuvés par une commission indépendante nommée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC »).
Veuillez indiquer si vous êtes entièrement d'accord, d'accord, sans opinion, pas d'accord ou pas du tout d'accord avec la déclaration suivante: « La compagnie de téléphone locale devrait pouvoir imposer les tarifs mensuels qu'elle désire sans avoir à les faire approuver par le CRTC. »
    À votre avis, est-il juste d'interpréter le fait que 80 p. 100 des répondants ait dit non à la question comme une opposition à la déréglementation? Croyez-vous que cette interprétation est honnête?
    Avez-vous dit à ces personnes que les tarifs diminueraient, si tel était le cas, avant qu'ils répondent non?
    Je ne comprends pas votre dernière question.
    Quand vous posez la question que vous venez de citer et que les gens répondent par un « non », est-ce parce qu'ils craignent une hausse des tarifs?
    Oui.
    Or, si le marché est déréglementé dès aujourd'hui, les tarifs vont diminuer. Est-ce que, d'après vous, votre question était honnête?
    Nous pensons qu'elle l'était, surtout, malgré ce que nous a dit le sondeur, que nous avons inséré le mot négatif magique « CRTC » dans la question pour faire en sorte qu'elle soit tout à fait claire et objective. Comme vous le savez, quand on ajoute le sigle « CRTC » dans une question qui appuie, en fait, le pouvoir exercé par celui-ci, il n'est pas facile d'obtenir une réponse satisfaisante.
    Est-ce le seul sondage que vous avez mené à ce sujet?
    Nous avons participé à un sondage de concert avec les grandes compagnies de téléphone avant que le Groupe d'étude ne dépose son rapport. Les résultats du sondage ont été remis au Groupe d'étude. Ils figurent dans les mémoires des compagnies.
    Est-ce que les résultats du premier sondage étaient identiques à ceux que vous avez obtenus quand vous avez posé la bonne question?
    Les questions qui ont été posées dans le sondage mené conjointement avec les compagnies de téléphone étaient différentes. Dans certains cas, les réponses reflétaient ces résultats. Dans d'autres cas, non.
    Êtes-vous allé jusqu'au bout de l'exercice, ou avez-vous mis un terme au sondage quand vous avez commencé à obtenir les résultats, parce que vous vouliez vous dissocier de celui-ci?
    Faites-vous allusion au sondage effectué pour le compte du Groupe d'étude?
    Oui.
    Non, nous avons remis...
    Avez-vous publié les résultats du sondage? Les avez-vous endossés?
    Oui, nous les avons endossés. Nous avons envoyé les résultats au Groupe d'étude.
    Concernant la déréglementation, avez-vous obtenu les mêmes réponses ou des réponses différentes?
    Il faut voir qui paie pour le sondage, n'est-ce pas?
    Non, pas nécessairement. J'ai vu la récente enquête réalisée par Ipsos Reid pour les compagnies de téléphone et j'ai remarqué que seulement 14 p. 100 d'entre elles étaient au courant des différents changements, et aussi que l'une des questions principales comportait 100 mots d'introduction avant d'entrer dans le vif du sujet. Mais peu importe, c'est probablement justifié.
    Le rapport du Groupe d'étude est également intéressant à divers autres égards. Favorables à la position d'ensemble que nous proposons, plusieurs groupes majoritaires importants considèrent que le gouvernement a un rôle central à jouer dans la réglementation des télécommunications. En outre, certains sont d'avis que la réglementation gouvernementale devrait traiter exactement de la même manière les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs.
    Combien de temps me reste-t-il?
(1630)
    Quinze secondes.
    Merci beaucoup. J'ai terminé.
    Je vous remercie beaucoup. Ceci met donc un terme à notre premier tour de table.
    Je tiens à vous remercier, messieurs Janigan et Munro, d'être venus aujourd'hui nous présenter vos points de vue et répondre à nos questions. Si vous souhaitez nous soumettre quelqu'autre document plus tard, veuillez vous adresser au greffier qui s'assurera de le transmettre à tous les membres du comité. Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pendant deux ou trois minutes et demander aux deux prochains témoins de s'avancer.

(1635)
    Très bien, chers collègues, veuillez regagner vos places le plus vite possible. Nous allons commencer la deuxième partie de cette séance immédiatement.
    Nous accueillons deux nouveaux témoins. C'est notre panel d'universitaires pour cette étude. Nous recevons, pour commencer, M. Michael Geist, professeur de droit sur les questions concernant Internet à l'Université d'Ottawa. Soyez le bienvenu, monsieur Geist.
    Ensuite, il y a M. Jeffrey Church, professeur à l'Université de Calgary.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Geist. Vous disposez de cinq minutes environ pour faire votre déclaration. Puis ce sera au tour de M. Church, qui aura aussi cinq minutes.
    Allez-y, messieurs.
    Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je dirige la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également journaliste indépendant et, à ce titre, j'écris toutes les semaines des articles sur le droit et les technologies pour le Toronto Star et le Ottawa Citizen. En outre, j'ai siégé au Groupe de travail sur les pourriels en 2004-2005 ainsi qu'au conseil de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, ou AECI, qui gère le domaine.ca au Canada, et ce pendant six ans, soit de 2000 à 2006.
    J'aimerais aborder brièvement trois questions concernant Internet qui, selon moi, ont un lien direct avec la réglementation des télécommunications, à savoir: la neutralité du réseau, l'accès à la large bande et les pourriels.
    Permettez-moi de commencer par la neutralité du réseau, un sujet qui a suscité une attention grandissante au cours des derniers mois et a fait l'objet d'un bref échange question-réponse lorsque le ministre a comparu devant votre comité la semaine dernière.
    Même si la définition de la neutralité du réseau est sujette à débat, à la base, il y a l'engagement de veiller à ce que les fournisseurs de services Internet traitent tous les contenus et toutes les applications de la même manière, sans accorder de privilèges, ni négliger le service ou établir un ordre de priorité en fonction de la source du contenu, de l'auteur ou du destinataire. La neutralité du réseau soulève souvent plusieurs préoccupations. La première est la crainte d'avoir un réseau Internet à deux vitesses.
    Nous savons que comme les fournisseurs créent des réseaux de plus en plus rapides, il y a tout lieu de croire qu'ils chercheront des compensations additionnelles pour placer certains contenus sur une voie rapide, laissant ceux qui ne veulent pas payer sur une voie lente. Étant donné que les consommateurs, évidemment, paient déjà pour différentes vitesses, nous parlons ici de tout autre chose. Il s'agirait d'un monde dans lequel, par exemple, Chapters pourrait être concurrentiel dans l'espace de vente de livres en ligne parce que son contenu serait sur une voie lente, pendant qu'Amazon paierait pour être sur la voie rapide.
    C'est un réseau Internet dans lequel les émissions de télévision et les films américains pourraient être rapidement téléchargés sur les ordinateurs des consommateurs parce que les studios américains auraient payé pour être sur la voie rapide, alors que le contenu canadien et celui programmé par les utilisateurs resteraient sur la voie lente. Finalement, c'est un environnement qui pourrait ressembler à un système de santé à deux vitesses, mais en ligne, dans lequel certains fournisseurs de services pourraient utiliser la voie rapide, laissant la voie lente à ceux qui ne sont pas disposés à payer.
    Cette vision d'Internet pourrait très bien devenir réalité. Aux États-Unis, les grandes entreprises de télécommunications, comme Verizon et BellSouth, ont déjà évoqué cette possibilité, alors qu'au Canada, Vidéotron a publiquement parlé d'imposer des frais pour la transmission des contenus.
    Le deuxième sujet de préoccupation est que les fournisseurs de services Internet bloqueront ou limiteront l'accès aux contenus et aux applications qu'ils n'aiment pas, souvent pour des raisons de concurrence. Aux États-Unis, un fournisseur de services Internet, Madison River, a bloqué l'accès à des services concurrents de téléphonie sur Internet.
    Ici, au Canada, Telus a déjà bloqué l'accès à un site Web favorable à un syndicat pendant un conflit de travail et, par la même occasion, a empêché l'accès à plus de 600 autres sites Web. Il y a aussi Shaw, qui avait annoncé une augmentation des tarifs de 10 $ pour les consommateurs utilisant les services de téléphonie Internet, ouvrant ainsi la porte à la création d'un avantage concurrentiel sur certains autres fournisseurs de services. Il y a également Rogers qui, actuellement, altère la performance de certaines applications, comme BitTorrent, qui est largement utilisée par les développeurs de logiciels ainsi que les cinéastes indépendants pour diffuser leurs travaux.
    En réaction à cela, il y a eu un élan de plus en plus grand en faveur d'une loi régissant la neutralité du réseau, c'est-à-dire de dispositions exigeant des fournisseurs de services Internet qu'ils traitent le contenu et les applications sur Internet de manière neutre, de façon à ce que l'accès offert aux compagnies qui réussissent actuellement sur Internet, comme Google, Amazon et eBay, profite aussi à la nouvelle génération de compagnies internautes et aux millions de personnes qui alimentent les contenus en ligne. Le Congrès américain a débattu d'une telle loi l'an passé et, en décembre dernier, AT&T a accepté d'appliquer certaines conditions pour régir la neutralité du réseau dans le cadre de sa fusion avec BellSouth, sous la pression de la Federal Communications Commission.
    Il convient de noter que les préoccupations entourant l'adoption d'une loi pour régir la neutralité du réseau se sont amplifiées en raison d'au moins deux problèmes sur le marché canadien. Le premier est l'absence de concurrence. Les consommateurs canadiens ont peu de choix concernant l'accès à la large bande. Cela se limite normalement au câble ou à la DSL, et il arrive même que certaines communautés n'aient accès à aucun des deux. Il est très rare que l'on trouve sur le marché un troisième fournisseur de services viable. Ce qui inquiète aussi, c'est le manque de transparence. Lorsque Rogers altère la performance de certaines applications, c'est pratiquement toujours passé sous silence. En revanche, certains fournisseurs de services Internet, dans d'autres pays, indiquent clairement la façon dont ils traitent toutes les formes de contenus et d'applications.
    Enfin, toujours en ce qui concerne la neutralité du réseau, le ministre a fait savoir la semaine dernière qu'il étudiait encore la question. Je pense qu'il est éminemment important de souligner que le Canada joue déjà un rôle actif en matière de politiques relatives à la neutralité du réseau sur la scène internationale. L'OCDE travaille actuellement sur un rapport concernant la priorisation dans la gestion du trafic Internet. Étant donné notre participation active à l'OCDE, j'imagine que les représentants canadiens s'affairent à la rédaction d'un document. D'après la dernière ébauche que j'ai pu voir, l'OCDE reconnaît qu'il existe des problèmes liés à des comportements anticoncurrentiels, à la possibilité que certains fassent obstacle à l'accès à l'information, et s'interroge sur les répercussions que pourrait avoir, au plan de la protection des renseignements personnels, le fait de contrôler le contenu passant par les réseaux de fournisseurs de services Internet.
(1640)
    En outre, on y fait remarquer qu'une vive concurrence peut contribuer à dissiper ces risques, mais cela ne s'applique pas au Canada, semble-t-il.
    Si je puis me permettre, j'aimerais aborder rapidement deux ou trois questions en marge de la neutralité du réseau. La première concerne la large bande. Nous reconnaissons de plus en plus l'importance cruciale de la large bande ou de l'accès aux services Internet haute vitesse. Que ce soit en matière de communication, de commerce, de création, de culture, d'éducation, de santé ou de diffusion des connaissances, l'accès à la large bande est incontournable. Il fut un temps où le Canada était un chef de file dans ce domaine. À la fin des années 1990, il est devenu le premier pays au monde à s'assurer que chacune des écoles de notre territoire, d'un océan à l'autre, ait accès à Internet. Dans la foulée, nous avons créé le Groupe de travail sur les services Internet à large bande afin de mettre au point une stratégie destinée à veiller à ce que tous les Canadiens puissent accéder à des réseaux Internet haute vitesse. Dans les années qui ont suivi la création de ce groupe de travail, notre position dans le monde n'a cessé de reculer. Beaucoup de pays européens ont dépassé le Canada à ce chapitre, et le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications a entrepris une analyse approfondie du marché canadien dans le but de déterminer si celui-ci était suffisamment fiable pour garantir à tous les Canadiens l'accès à la large bande. Ce groupe d'étude a conclu que ce n'était pas le cas et que, sans l'aide du gouvernement, au moins 5 p. 100 de Canadiens, c'est-à-dire des centaines de milliers de personnes, n'auront pas accès à la large bande. Il convient de mettre en oeuvre une stratégie à cet égard.
    Enfin, sur une période de 12 mois, entre 2004 et 2005, j'ai siégé au Groupe de travail national sur le pourriel, aux côtés de représentants de tous les grands groupes influents, dont des compagnies de télécommunications, des câblodistributeurs, des offices commerciaux, des fournisseurs de services Internet et des associations de consommateurs. La conclusion unanime à laquelle nous sommes arrivés est que le Canada doit se doter d'une loi anti-pourriels. Le cadre législatif actuel, qui englobe les lois sur les télécommunications, sur la protection de la vie privée et le Code criminel, est tout simplement inefficace. Étant donné que la plupart de nos principaux partenaires ont déjà adopté des lois anti-pourriels, si nous ne faisons rien, nous risquons de devenir un paradis pour les polluposteurs. En outre, les coûts associés à la déferlante de pourriels sont assumés par les petites entreprises, les fournisseurs de services, les établissements d'enseignement ainsi que la population canadienne. La loi seule ne résoudra pas le problème, mais elle est nécessaire.
    Merci.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour de M. Church.
    Bonjour. J'aimerais remercier les honorables députés de l'occasion qu'ils me donnent de témoigner devant ce comité aujourd'hui.
    Je suis professeur au département d'économie de l'Université de Calgary, et je suis également membre de l'Institute for Advanced Policy Research de cette même université, où je coordonne un groupe de travail sur l'institution et la réglementation des marchés. Je jouis donc d'une certaine expertise dans le domaine puisque cela fait au moins 12 ans maintenant que je m'intéresse à la guerre dans le secteur des télécommunications, notamment comme membre de l'équipe s'occupant des télécommunications au Bureau de la concurrence. J'étais là en 1995 et 1996, en tant que membre de la Chaire T.D. MacDonald en économie industrielle — il se trouve que j'ai une expérience théorique en économie des réseaux —, et c'est à cette époque que nous travaillions sur la décision 97-8.
    Je suis ici pour vous parler de différentes choses. La première est que le décret du Cabinet visant à renverser la décision relative à l'abstention de réglementation dans la téléphonie locale cause deux problèmes qu'il ne faut pas perdre de vue.
    Le premier vise le contexte institutionnel de cette décision. En général, quand un ministre renverse la décision d'un organisme de réglementation, cela a des conséquences tout à fait indésirables. Toutefois, si l'organisme de réglementation a pris une décision plutôt déconnectée de la réalité ou inefficace ou encore préjudiciable pour les consommateurs, il convient de se demander: « Comment se fait-il qu'un organisme de réglementation ait pu prendre pareille décision? » Dans ce cas, cela démontre qu'il y a des problèmes fondamentaux au sein du CRTC et dans la Loi sur les télécommunications.
    Le deuxième, bien sûr, c'est l'évaluation du cadre réglementaire décisionnel relatif à l'abstention de réglementation du CRTC et à ces quatre éléments clés.
    Pour comprendre mon insatisfaction à l'égard du cadre décisionnel du CRTC, vous devez connaître deux détails intéressants concernant cette décision. Le premier est la flexibilité des prix à la baisse. On autorise donc les entreprises de services locaux titulaires, les ESLT, à baisser leurs tarifs. Selon le régime réglementaire actuel, il est soit impossible soit peu rentable pour les ESLT de casser les prix pour s'aligner sur la concurrence.
    Le deuxième problème qui a dominé le débat était qu'on encourageait les agissements anticoncurrentiels. C'est lié à la baisse des tarifs des ESLT. On craignait en effet que les ESLT aient un comportement anticoncurrentiel. La question est de savoir si les dangers sont suffisamment réels pour que l'on condamne, avant le fait, le comportement des ESLT, ou s'il convient plutôt d'adopter une approche après le fait.
    Le deuxième problème qui, selon moi, revêt probablement une importance majeure pour les Canadiens, mais était pourtant secondaire dans la liste des sujets traités lors de l'audience, c'est la question de savoir quand il y a suffisamment de concurrence pour compenser les contraintes réglementaires s'appliquant à l'emprise sur le marché des ESLT. Ce que nous nous demandons par là, c'est quand la concurrence est-elle assez développée pour faire baisser les prix plafonds? Ainsi, au lieu que ce soit l'organisme de réglementation qui fait chuter les prix, c'est le jeu de la concurrence.
    Le but de toute cette initiative était de mettre au point un processus accéléré qui soit simple du point de vue administratif. Mais qui dit processus administratif simple dit aussi erreurs.
    À ce propos, il convient de se poser deux types de questions: la première est de savoir quelle est la probabilité de commettre une erreur, en l'occurence de s'abstenir de réglementer quand il aurait fallu le faire et vice-versa, et ensuite s'interroger sur le coût de ces erreurs. Il faut tenir compte des probabilités que le cadre décisionnel choisi soit mauvais et aussi penser aux coûts associés à ces décisions erronées.
    Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue le fait que nous avons connu une révolution dans le domaine de la téléphonie IP; il y a eu ce que l'on appelle la convergence. L'ancien modèle hybride que le CRTC avait tenté de créer, à la suite de la décision 97-8, ne fonctionne tout simplement pas. Il est inadapté; ce n'était qu'une tentative qui a échoué. Il y a maintenant de la concurrence entre les réseaux, et le CRTC doit instituer un cadre réglementaire qui reconnaisse cette concurrence ainsi que l'importance du lancement de la téléphonie numérique par les câblodistributeurs.
    Pour ce qui est de la concurrence entre les réseaux à très large bande non réglementés, l'ancien modèle ne fonctionnait absolument pas. C'était une belle expérience à tenter, mais il était très difficile de viser juste, même si nous n'avons ménagé aucun effort pour y arriver. Le CRTC a fait son possible pour soutenir les ESLT en vertu de l'ancien modèle. Mais cela n'a pas marché.
    Dans cette décision, ce qui préoccupait beaucoup le CRTC, c'était le comportement anticoncurrentiel. On a réfléchi aux conditions relatives à l'abstention et, ce faisant, on a rendu ces conditions, à mon avis, beaucoup trop compliquées. On a adopté la position de l'ACCT proposant la création de très grandes régions géographiques. Avec ces très vastes régions géographiques établies en fonction d'un seuil de parts de marché élevé, on retarde ou on finit par éliminer toute possibilité d'abstention.
    Le principe de définition du marché qu'a utilisé le CRTC est totalement contraire à une saine politique de la concurrence et à une bonne gestion économique. Le taux de 25 p. 100 est également inadapté dans le cadre de la concurrence entre réseaux. Les parts de marché, dans l'évaluation de la nature de la concurrence, servent à se demander ce qu'il adviendra des consommateurs si une entreprise a tenté d'augmenter ses tarifs. Si vous avez deux réseaux concurrents dont l'un essaie de monter les prix, il faudra savoir si les consommateurs touchés pourront facilement aller chez l'autre et si ce dernier dispose de la capacité suffisante pour accueillir ces nouveaux clients et offre de bas tarifs.
(1645)
    À cet égard, lorsque deux réseaux qui offrent des services très semblables se livrent concurrence, il convient de mesurer la part de marché sous l'angle des capacités — c'est-à-dire le nombre de câbles interactifs à large bande ou d'accès au réseau téléphonique qu'il y a dans les maisons ou endroits concernés.
    De façon générale, je dirais que le décret du ministre constitue un changement opportun et bienvenu à la proposition du CRTC. Je remarque que le prix plafond est maintenu; le décret permet donc aux entreprises titulaires d'avoir une certaine marge de manoeuvre pour fixer les prix à la baisse; les consommateurs et les ESLT tireront profit de cette souplesse, qui met par ailleurs un terme à la protection des câblodistributeurs.
    En ce qui concerne le ministre et le test du Bureau, il convient de noter trois éléments intéressants. Premièrement, on n'est qu'à un pas de ce que les ESLT ont toujours réclamé. J'ai passé 10 ans à affronter ces dernières. Elles ont toujours prétendu qu'il y aurait suffisamment de concurrence si nous réduisions les obstacles à l'entrée. C'était assez pour déréglementer. Nous avons finalement un critère qui repose sur la concurrence réelle. Il n'y aura pas de déréglementation avant que les services de câblodistribution soient disponibles et fournissent la téléphonie numérique, qui s'est avérée équivalente aux services des ESLT.
    Le critère du ministre, qui est aussi, d'après ce que je peux voir, le critère du Bureau, soulève trois éléments très controversés; je serai d'ailleurs heureux de répondre à vos questions là-dessus. D'abord, en général, on pourrait croire que deux concurrents ne suffisent pas. Nous avons entendu parler du problème des duopoles; deux entreprises, ce n'est pas assez. En fait, ce nombre peut parfois suffire, surtout lorsqu'il s'agit de trouver le juste milieu entre concurrence imparfaite et réglementation bancale. Vous voudrez peut-être examiner les caractéristiques de l'industrie pour voir si, dans ce cas, deux concurrents suffiraient.
    L'autre élément — et je répondrai avec plaisir à vos questions là-dessus — est le potentiel de collusion tacite, ou de parallélisme délibéré coordonné. Une fois ce duopole bien confortablement installé, qu'est-ce qui nous fait croire que les deux intéressés n'agiront pas comme des monopoles?
    Le troisième élément, bien sûr, c'est l'approche avant le fait. Pourquoi jugeons-nous qu'on ne sera pas fortement tenté d'adopter un comportement anticoncurrentiel? Les coûts de l'interdiction d'un tel comportement avant le fait sont très élevés, et il serait préférable d'adopter une approche après le fait, une fois que nous aurons appliqué ces mesures, créé un incitatif basé sur des données factuelles et vérifié que ce scénario s'est concrétisé.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Church.
    Je cède maintenant la parole à monsieur McTeague; vous avez six minutes.
    Je tiens à vous remercier tous les deux de votre comparution.
    Monsieur Geist, j'aimerais parler de votre dernière remarque concernant les pourriels. J'ai parrainé un projet de loi qui ne s'est pas rendu aussi loin que je l'aurais souhaité, mais c'est probablement parce qu'il y a énormément de questions importantes, et celle-ci, dans son ensemble, est préoccupante.
    Monsieur Church, je connais assez bien la Loi sur la concurrence, de même que le CRTC, mais j'ai remarqué que vous n'aviez jamais fait référence au rapport du Groupe d'étude. Vous avez parlé des moyens limités dont dispose actuellement le CRTC pour évaluer les technologies émergentes. Si je vous ai bien compris, vous avez affirmé qu'il était possible, au bout du compte, de se limiter à deux concurrents.
    Dans ce type de scénario où nous tentons d'accroître la concurrence, pourquoi seriez-vous d'avis, monsieur, que deux concurrents suffisent? Ce que nous avons constaté ici, tout comme dans d'autres industries, c'est que souvent, advenant une rationalisation, pour des raisons économiques ou autres, il se peut que l'un des deux concurrents abandonne la partie. Nous savons également qu'au chapitre de la téléphonie sans fil, la troisième option, les Canadiens ne sont pas très bien servis en ce moment.
    D'après votre expérience, pourriez-vous nous dire pourquoi le gouvernement ne s'est pas occupé d'abord du dossier de la téléphonie sans fil, avant de se lancer tête première en ignorant le rapport du Groupe d'étude ou en choisissant d'en retenir seulement certaines parties? Pourquoi n'y avez-vous pas fait allusion dans votre allocution d'aujourd'hui?
(1650)
    Je suis désolé, pourriez-vous...? Je ne comprends pas très bien la question. Vous avez terminé en évoquant la raison pour laquelle le gouvernement ne s'est pas occupé de la téléphonie sans fil.
    Pourquoi, selon vous, le gouvernement ne s'est-il pas attaqué au dossier des autres licences en ce qui a trait au spectre...
    D'accord, j'avais seulement besoin d'éclaircissements.
    Nous avons trois joueurs. Parlons des autres. Monsieur le président, je crois qu'un des témoins a parlé de l'arrivée sur le marché de Virgin, qui, nous le savons, agit à titre de revendeur pour Bell Canada. Je me demande pourquoi vous ne voyez pas là une nécessité d'accroître la concurrence.
    À moins de vous avoir mal compris, je trouve un peu troublant que vous sembliez croire que deux concurrents peuvent faire l'affaire. Cela nous ramène 10 ans en arrière.
    Il y a 10 ans, le secteur des télécommunications ne comptait que deux concurrents?
    Eh bien, deux fils pouvaient entrer dans une maison.
    Oui, mais maintenant, les foyers peuvent être branchés à deux fils à large bande qui offrent des ensembles de services comparables; ils se livrent donc concurrence. N'est-ce pas?
    En présumant qu'ils demeurent dans l'industrie.
    Il y a 10 ans, les maisons étaient branchées à des fils, dont celui du téléphone.
    Allez-y.
    Ce que je trouve intéressant, c'est que nous réglementons les compagnies de téléphone parce que nous craignons qu'elles occupent une position dominante sur le marché et qu'elles imposent des tarifs élevés aux consommateurs. N'est-ce pas?
    Non, monsieur; si je puis me permettre, nous craignons...
    Pourquoi les réglementons-nous? Pourquoi avons-nous cette réglementation économique qui contrôle leurs tarifs, si ce n'est pour surveiller également leur emprise sur le marché?
    Vous avez travaillé sur le dossier des interurbains. Cela a été une vraie réussite. Ce qui nous inquiétait, c'était qu'on puisse utiliser un monopole existant pour fixer un prix inférieur au coût d'acquisition afin d'empêcher l'entrée de nouveaux concurrents — une proposition qui, évidemment, nous semblait sensée de ce côté-ci.
    Je vais d'abord répondre à la question concernant la téléphonie sans fil, puis à l'autre au sujet de la relation existante.
    La question des services sans fil est intéressante car, pour moi, ceux-ci ne font pas partie du marché et ne constituent donc pas des concurrents. Si vous aviez le monopole de tous les accès sans fil d'un endroit particulier, vous pourriez hausser vos tarifs d'environ 5 p. 100. Cette forme de téléphonie vous permettrait d'appliquer une telle augmentation. Si vous aviez accès à tous les canaux de communication sans fil d'un endroit donné, vous pourriez exercer une emprise sur le marché. Les services sans fil ne font donc pas partie du marché.
    Si vous me demandiez si l'octroi d'un plus grand nombre de licences changerait quoi que ce soit à la concurrence que se livrent les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone, je vous répondrais que non.
    À condition que l'un d'eux puisse utiliser la technologie sans fil; il y aurait deux services filaires et un autre sans fil.
    À mon avis, la téléphonie sans fil constitue une zone de confort. Mais la vraie concurrence vient du côté des câblodistributeurs et des compagnies de téléphone, au chapitre des services filaires. C'est de là que doit venir la concurrence. Il est question de bradage, et nous nous demandons si nous devrions nous en inquiéter.
    En ce qui concerne les préoccupations relatives au bradage, il existe deux approches politiques. La première consiste à affirmer que, selon toute probabilité, nous pensons qu'il y aura bradage. Nous estimons qu'il y a de fortes chances que cela se produise, et que cela fonctionne.
    Vous devez donc vous poser la question à savoir si cela profitera aux ESLT. Cette approche leur permettra-t-elle d'exercer une influence sur le marché? Seront-elles capables d'extraire leur part du gâteau?
    Monsieur Church, il y en a peut-être une troisième: la capacité d'établir une autre preuve.
    Je vous dirais qu'à ce sujet, si vous deviez avoir une disposition avant le fait pour prévenir un tel scénario, vous devriez déterminer d'abord s'il est probable qu'il se réalise. Si vous croyez très fermement que ce sera le cas, alors faites-le.
    D'un autre côté, si vous pensez qu'il est très peu probable que cela se produise, il est plus logique de décider de ne pas imposer de restrictions aux ESLT et de leur laisser une certaine souplesse pour fixer des prix concurrentiels. Si elles s'engageaient vraiment dans des activités de bradage, nous appliquerions l'approche après le fait.
    Monsieur Church, je remets en question...
    Alors, la question est...
    Désolé.
    Donc, la question qu'il faut se poser est celle-ci: quelles sont les caractéristiques de l'industrie qui devraient vous indiquer si les probabilités de bradage avant le fait sont faibles ou élevées? À mon avis, il y a tout lieu de croire qu'il est très peu probable que les ESLT s'attaquent aux câblodistributeurs, parce que les coûts de ceux-ci sont irrécupérables; ces derniers ont besoin de la téléphonie pour livrer concurrence sur le plan des offres groupées, et ce ne serait pas avantageux parce qu'on pourrait hausser les tarifs. Et si on le faisait, certains services VoIP voudraient faire leur entrée sur le marché.
    Monsieur Church, dans ce scénario que vous nous présentez, il y a une possibilité de n'avoir qu'un seul câblodistributeur et qu'une seule compagnie de téléphone. Quel est l'avantage pour eux de se livrer concurrence si, au bout du compte, ils sont les deux seuls concurrents dans l'un des marchés les plus essentiels au Canada?
    C'est une très bonne question. Vous devez vous demander pourquoi, dans cette situation, deux concurrents suffiraient? Dans d'autres marchés, nous pourrions penser que ce n'est pas assez. Vous devez vous rappeler que vous effectuez des comparaisons. Nous avons une réglementation bancale pour une concurrence imparfaite.
    Nous devons nous demander si certaines caractéristiques du marché laissent croire qu'une concurrence imparfaite sera moins dommageable qu'un duopole. La réponse, je crois, est évidente. Dans cette industrie, on a des coûts irrécupérables très élevés et des coûts variables supplémentaires très bas. Cela donne lieu à une concurrence des prix très féroce.
(1655)
    Merci, monsieur McTeague.
    Nous allons maintenant entendre M. Crête.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je rappelle aux témoins de mettre leur... d'accord, oubliez ce que je viens de dire.

[Français]

    Monsieur Geist, je veux vous féliciter pour la présentation que vous avez faite sur ce que j'appelle en français l'accès universel ou, en anglais, le net neutrality.
    On a posé une question au ministre à ce sujet à la Chambre, et il a été très vague. Combien de temps a-t-on pour réagir afin d'éviter effectivement qu'un marchandage de l'Internet se développe? Quelles sont les conséquences de l'absence de législation pour 2007 et les deux ou trois prochaines années? Quelles seront les conséquences de l'inaction du gouvernement à ce chapitre?

[Traduction]

    Merci. C'est une bonne question.
    Je pense qu'au fil du temps, nous constatons que les cas s'accumulent. Quand on parlait de la neutralité du réseau, il y a un an ou deux, il n'y avait pas encore eu les exemples de Vidéotron et Shaw. Nous ignorions quel serait exactement l'ensemble des services offerts par Rogers. Ce qui se produit de façon assez régulière, c'est que les fournisseurs eux-mêmes expérimentent tout un éventail d'activités diverses.
    À n'en pas douter, c'est un domaine qui évolue à une vitesse fulgurante. YouTube, inconnu il y a un an, s'est développé très rapidement. Avec les types de regroupements auxquels nous assistons, la croissance du phénomène du contenu généré par les utilisateurs et le besoin de contenu canadien en ligne, je pense que nous courons le risque, si nous n'agissons pas rapidement, de nous retrouver coincés dans un environnement Internet à deux vitesses.
    De plus, si l'on regarde ce qui s'est produit aux États-Unis, AT&T était prête à accepter ces exigences parce que dans le cadre d'une fusion, il était très logique de faire des compromis concernant la neutralité du réseau. Si nous devons déréglementer le marché, c'est maintenant qu'il faut prévoir une disposition sur la neutralité.

[Français]

    Donnez-moi des exemples de ce que cela représentera pour les petits joueurs qui offrent des services sur Internet, qui développent de petits logiciels ou des accès intéressants, par opposition à ceux qui pourraient acheter cette facilité d'accès à l'autoroute. Quelles conséquences cela peut-il avoir, notamment sur la culture et la créativité de notre société?

[Traduction]

    Je pense que cela peut avoir des effets considérables. À bien des égards, c'est sur ce terrain que cela se joue. Dans le pire des scénarios, les Google, Amazon et eBay de ce monde paieraient, et tous les autres incapables de le faire seraient laissés pour compte, les coûts étant tout simplement trop élevés.
    Je pense qu'au Canada, ces dernières années, il y a eu d'énormes possibilités sur le plan culturel. Avec le contenu généré par les utilisateurs, beaucoup de petits joueurs peuvent utiliser le Web pour trouver un public qu'ils étaient incapables d'atteindre jusque-là. Mais j'ai peur qu'ils perdent une partie de ce public, ou du moins la capacité de le rejoindre, s'ils sont laissés sur la touche, alors que ceux qui en ont les moyens — les entreprises de radiodiffusion et autres — s'assurent que leur contenu atteigne les utilisateurs le plus rapidement possible.

[Français]

    Le fait de ne pas légiférer a des conséquences. Les gens qui gagnent du temps sont ceux qui pourront avoir le contrôle d'Internet s'il n'y a pas de législation.
    Est-il urgent d'établir une législation? Quelles seraient les principales têtes de chapitre de cette législation?
(1700)

[Traduction]

    Je pense que c'est pour le moins opportun, étant donné qu'on va vers la déréglementation. C'est le genre de choses que les grands fournisseurs, nous le savons, sont impatients d'obtenir. Une disposition concernant la neutralité du réseau serait probablement considérée comme le prix à payer dans le cadre de la déréglementation.
    En ce qui a trait aux types de dispositions souhaitables, je pense que les conditions entourant la fusion de AT&T et Bell définissent très bien les enjeux et constituent un excellent point de départ quant à ce qui est envisageable. Il ne fait aucun doute qu'on doit tenir un débat, mais nous devons aller plus loin que ce que le ministre a qualifié, la semaine dernière, de simple étude du dossier, et tâcher de créer cette disposition. Nous devons reconnaître que même au niveau de l'OCDE, on s'en occupe activement, tout comme le gouvernement canadien, probablement. Il faut que notre pays agisse aussi.

[Français]

    Donc, cela devrait faire partie intégrante d'une réforme de la déréglementation locale. Cela pourrait faire partie des conditions de négociation en vue d'accepter qu'il y ait concurrence, mais il faudrait que cet accès soit garanti.

[Traduction]

    Dans le rapport du Groupe d'étude, on a reconnu que la neutralité du réseau était une préoccupation, qu'on a particulièrement décrite sous l'angle du blocage du contenu et des applications. Si vous cherchez une justification dans le rapport, vous la trouverez. Tant que nous adopterons une approche globale pour régler tous les problèmes relevés dans le rapport du Groupe d'étude, nous aurons toutes les raisons d'aller de l'avant dans ce dossier.

[Français]

    Sur la question des pourriels, les spams, vous avez dit avoir travaillé à un comité qui avait presque été jusqu'à recommander un projet de loi.
    Avez-vous déposé au gouvernement un rapport d'étude équivalant à une législation dans ce secteur? Quelles étaient les principales parties de cette proposition de législation?

[Traduction]

    Le Groupe de travail national sur le pourriel a été saisi du dossier par la ministre de l'Industrie de l'époque, Mme Robillard. Nous avons présenté notre rapport au ministre Emerson, qui a alors recommandé un projet de loi antipourriels ainsi que les dispositions particulières qu'il faudrait y trouver. J'ai cru comprendre que le ministère avait travaillé à préparer un projet de loi de ce genre en réponse au rapport du Groupe de travail, mais qu'il n'y avait pas eu de suite à cause du changement de gouvernement.

[Français]

    Soyez bref.
    Quelles sont les conséquences de ne pas avoir de législation sur les pourriels?

[Traduction]

    Je pense que c'est une véritable préoccupation ici aussi, au Canada. Les fournisseurs de services Internet découvrent maintenant qu'à certains moments de la journée, plus de 90 p. 100 des échanges sur Internet sont composés de pourriels. Les coûts sont énormes, mais en examinant les lois antipourriels de bien d'autres pays, on peut voir qu'aux États-Unis, des poursuites sont intentées à l'encontre de polluposteurs basés au Canada, car ici, nous n'avons pas de dispositions permettant de poursuivre les polluposteurs. Étant donné la proximité de certains polluposteurs américains avec la frontière canadienne, nous avons toutes les raisons de croire que beaucoup d'entre eux pourraient bien déménager au Canada, et que notre pays deviendra un havre pour eux si nous n'agissons pas.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à monsieur Carrie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Church, lorsque le Groupe d'étude des télécommunications a préparé son rapport, il a fait état d'un certain sentiment d'urgence. On a critiqué le ministre en disant qu'il choisissait les parties des recommandations qui l'arrangeaient. Dans le rapport, on lit ce qui suit:
Le Groupe d'étude suggère que le gouvernement mette en oeuvre ces recommandations en deux phases:
— Durant la première phase, le gouvernement devrait émettre des énoncés de politiques préconisant la création d'une stratégie nationale d'adoption des TIC ainsi que la mise en oeuvre d'un nouveau cadre de réglementation, et prendre des mesures en vue de la réforme des institutions d'élaboration de politiques et de réglementation. De plus, le gouvernement devrait utiliser les pouvoirs conférés par la Loi sur les télécommunications pour émettre une directive de politique au CRTC afin que ce dernier interprète les objectifs politiques de la Loi d'une manière qui soit, en général, conforme aux grandes réformes recommandées dans le présent rapport du Groupe d'étude.
— Au cours de la deuxième phase, le gouvernement devrait mettre à exécution les recommandations qui requièrent des modifications aux lois existantes.
    J'aimerais savoir si, à votre avis, le ministre se contente de choisir les recommandations qui font son affaire, ou s'il a adopté une approche raisonnable pour mettre en oeuvre les recommandations du Groupe d'étude.
    Je dirais que c'était une approche très raisonnable.
    Je pense que ces deux ou trois dernières années, le CRTC a pris plusieurs décisions incompatibles avec une certaine conception de l'état des marchés et de l'évolution de la concurrence des câblodistributeurs et des services de téléphonie numérique. Il me semble logique, pour le bien des consommateurs, que le gouvernement agisse maintenant et traite avec le CRTC à court terme et à long terme, j'espère, et que nous assistions à certaines réformes de la Loi sur les télécommunications.
    Si, en tant que gouvernement, nous traînions de la patte... cette industrie semble évoluer rapidement. Quel impact cela aurait-il pour le secteur, sur le plan international, si nous prenions notre temps, au lieu de faire bouger les choses dans un sentiment d'urgence?
(1705)
    Lorsque vous pensez à la dimension internationale, s'agit-il de la façon dont nos entreprises seront capables de livrer concurrence au niveau mondial ou national — les entreprises nationales exportatrices —, ou avez-vous en tête l'industrie des télécommunications en particulier?
    Je parle de l'industrie des télécommunications en particulier. Par exemple, Sask Tel nous a dit avoir obtenu des contrats partout dans le monde. Il serait bon que nos entreprises canadiennes soient assez performantes pour rivaliser sur la scène internationale parce que la concurrence va s'accroître, d'après moi, au fil des ans. Quelles seront les répercussions pour nos entreprises si nous laissons les choses traîner et que nous ne bougeons pas?
    Nous avons appris, au cours des 15 dernières années, essentiellement grâce aux travaux de Michael Porter, que les entreprises les plus concurrentielles sur la scène nationale réussissent mieux à l'étranger parce qu'elles ont pu se faire la main, pour ainsi dire, sur le marché intérieur. La politique du CRTC ne permettait pas que les ESLT soient soumises à la concurrence.
    Vous avez dit que le gouvernement pouvait parfois faire des erreurs. Au sujet du critère de 25 p. 100, même les témoins que nous avons entendus au cours du dernier mois n'étaient pas certains s'il ne devrait pas plutôt être de 20, 15 ou 30 p. 100. Tout le monde a une opinion différente là-dessus.
     Le gouvernement va-t-il nuire à notre industrie sur la scène internationale s'il fait beaucoup d'erreurs de ce genre? Vous êtes au courant du nouveau critère fondé sur l'infrastructure. Diriez-vous qu'il est plus raisonnable?
    Ce qui cloche à propos du critère de 25 p. 100, c' est qu'il est établi à partir d'une mauvaise définition du marché et des très vastes 86 régions visées par l'abstention locale. En fait, il est possible que la concurrence survienne dans une région.
    Par exemple, Telus a un problème à Fort McMurray en Alberta actuellement. Elle fait face à la concurrence féroce de Shaw, mais Fort McMurray fait partie d'une très vaste région d'abstention locale et l'entreprise aura perdu une part importante du marché de Fort McMurray avant que le seuil de 25 p. 100 ne soit atteint. Le problème, c'est que la façon dont ces régions sont définies par le CRTC ne tient pas compte de l'origine de la concurrence. Par conséquent, les règles concernant l'abstention de réglementation prennent beaucoup trop de temps à s'appliquer parce qu'on doit perdre de très grandes parts de marché dans une région où il y a de la concurrence avant que la perte de marché atteigne 25 p. 100 pour l'ensemble de la région. Le critère utilisé par le CRTC ne convient pas.
    Avez-vous des recommandations à faire au gouvernement pour améliorer et peut-être même accélérer la mise en oeuvre du nouveau règlement? Avez-vous une idée là-dessus?
    Il y a deux choses qui me tracassent à propos du décret du ministre. S'il y a deux réseaux, dont les coûts sont bas malgré des investissements irrécupérables élevés, qui offrent des services à large bande, la concurrence en sera une du tout ou rien. C'est-à-dire que, si l'un peut vous convaincre d'acheter ses services, il va tout vous offrir, la télévision, Internet haute vitesse, la téléphonie numérique et j'en passe, il va tout rafler. Voilà une autre raison pour laquelle il y a une concurrence du tout ou rien à chaque endroit, pour revenir aux propos de M. McTeague qui a dit que c'était un secteur d'activités différent. La concurrence sera vive si vous voulez fournir tous ces services regroupés.
     Pour revenir à votre question, je me demande ce qu'on veut dire par toute la zone géographique. Ce n'est pas très clair.
    Il y a aussi les indicateurs de qualité de service qui m'embêtent, parce que certains d'entre eux s'appliquent encore à l'ancien modèle hybride qui n'est pas très efficace, comme nous le savons. Il y est question du dégroupement des lignes et de la rapidité avec laquelle on le fait, entre autres. Or, les câblodistributeurs n'ont pas besoin de lignes dégroupées pour être concurrentiels.
    Bien. D'accord. Connaissez-vous les règles de reconquête? Est-ce une bonne ou une mauvaise idée? Qu'en pensez-vous?
    Les règles de reconquête sont intéressantes parce que les explications qu'on donne sont, en théorie, très logiques. Les ESLT affirment perdre des clients et elles peuvent parfaitement les identifier. Il est avantageux pour elles de leur offrir le tarif le plus bas qu'elle peuvent se permettre d'offrir pour essayer de les réconquérir.
    Vous savez que ce n'est pas légal. La vente au détail et les services sont deux départements distincts. Autant que je sache, le secteur des services peut indiquer à la compagnie titulaire qu'elle a perdu un client, mais il n'est pas autorisé à divulguer son nom au secteur des ventes au détail.
    Mais elle sait qu'elle a perdu un client, qu'elle n'envoie plus de facture au 136 Hawkdale Circle, par exemple, comme elle le faisait avant. C'est en théorie ce que les câblodistributeurs affirment. Cependant, en réalité, je ne crois pas que ce soit nécessairement une préoccupation d'après la façon dont ils interprètent l'application de ces règles.
    Que se passerait-il dans les faits? On suppose que l'ESLT peut récupérer la contribution du client aux coûts. Il n'y a pas de coûts de rétention des clients. Le câblodistributeur, qui a dépensé beaucoup pour attirer un client que l'ESLT vient lui ravir, peut faire faillite parce qu'il ne récupère pas les coûts reliés à ce client.
    Je trouve que le CRTC et les câblodistributeurs n'expliquent pas clairement ce que représente les coûts d'acquisition des clients, qui ne sont pas récupérables et qu'ils perdraient complètement. Ce pourrait simplement être le coût du modem, qui est de 100 $, et celui du camion qui est de 50 $. Peut-être que c'est tout ce qu'ils perdraient dans la reconquête.
    Ensuite, on peut s'attendre à ce que tout le monde change de fournisseur pour se faire courtiser tout de suite après par la compagnie de services locaux titulaire. Ce serait une belle occasion de payer moins cher. Cette pratique ne se ferait pas sur une base individuelle; tout le monde profiterait de tarifs plus bas.
(1710)
    Merci, monsieur Church.
    C'est maintenant au tour de Mme Mahyssen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, je demande votre indulgence parce que je suis néophyte en la matière. Un petit concurrent m'a dit craindre que les grosses entreprises comme Bell Canada se servent de leur expérience et de toutes leurs ressources financières pour livrer une concurrence déloyale et peut-être même éliminer leurs concurrents du marché. Pensez-vous que c'est une préoccupation légitime?
    D'une manière générale, je ne crois pas que ce soit légitime d'interdire avant le fait à Bell et aux autres ESLT de réduire leurs tarifs.
    Il faut se demander si ce serait efficace et avantageux. Oui, les compagnies pourraient dépenser beaucoup d'argent et acculer leurs concurrents à la faillite en offrant les services pour à peu près rien, mais pourquoi le feraient-elles à moins que ce soit avantageux? L'industrie a beaucoup de raisons de croire que ce ne serait pas avantageux, et la plus importante est la suivante. Pour amener un câblodistributeur à fermer ses portes, la compagnie devrait réduire énormément ses prix et pouvoir les ramener à ce qu'ils étaient avant de les brader pour récupérer l'argent perdu, étant donné que les câblodistributeurs ont des coûts très peu élevés.
    Cependant, elle ne pourra pas hausser ses prix parce que Vonage et d'autres entreprises de services VoIP peuvent offrir les services sur Internet. L'entreprise aura donc perdu tout cet argent pour rien. L'avantage pour Bell et les autres ESLT de brader leurs prix sur une base ex ante me semble vraiment négligeable.
    Je voudrais simplement faire remarquer que le scénario qu'on vient de présenter est possible surtout si Vonage et d'autres fournisseurs tiers se trouvent sur le marché.
    C'est une des raisons pour lesquelles les partisans de la neutralité du réseau sont si inquiets. En effet, si ces fournisseurs tiers deviennent des concurrents importants sur le marché, les câblodistributeurs, comme d'autres fournisseurs de services Internet l'ont déjà fait, vont essayer de bloquer l'accès à ces services à leurs clients, et la technologie permet facilement d'exclure Vonage si on le veut vraiment.
    Merci.
    C'est à M. McTeague.
    Monsieur Church, j'ai deux ou trois autres questions à vous poser.
    Vous semblez proposer qu'on modifie la définition de marché pertinent. Je sais que vous trouvez que les parts de marché ne sont pas là, mais vous devez sûrement admettre que vous avez défini le marché de façon plus raisonnable et plus appropriée.
    Quoi qu'il en soit, pouvez-vous nous indiquer si les télécommunications ont été déréglementées quelque part dans le monde — dans un pays assez avancé dans le domaine — sans qu'on ait défini le marché ou qu'on se soit entendu sur ce que le marché pourrait être?
    Comme on l'a dit, les marchés sont réglementés parce qu'on se préoccupe de l'emprise sur le marché. Il est alors très important de définir le marché. C'est la seule façon d'ouvrir l'accès à un marché qui est dominé par un fournisseur et de savoir si on peut déréglementer, c'est-à-dire si la concurrence est suffisante pour remplacer les contraintes imposées par la réglementation sur l'emprise sur le marché.
    Cela m'intéresse parce que c'est crucial, d'après moi. Pour vous,
Remplacer les dispositions réglementaires avant le fait (ex ante) par des approches qui comptent davantage sur l'intervention réglementaire après le fait (ex post), sur la base de plaintes vérifiées concernant d'importants problèmes de marché
    est la formule à adopter. En fait, c'est dans le rapport du Groupe d'étude.
    Mais, ce qui intéressant, monsieur, c'est la recommandation précédente qui dit:
Appliquer symétriquement la réglementation économique à tous les fournisseurs de services qui ont une position fortement dominante sur le marché, quelle que soit la technologie qu'ils utilisent.
    J'imagine qu'on peut utiliser toutes les merveilleuses nouvelles technologies qui existent. Si un nouveau joueur ou l'une des deux grosses entreprises qui restent décide de se retirer et, s'il n'y a pas d'autre option, les services de communication vocale sur protocole Internet seraient peut-être une solution.
    Qu'est-ce qui garantit au consommateur que ces services et ces nouvelles technologies lui seront accessibles, quand il y a une seule entreprise qui domine le marché?
(1715)
    Je crois qu'il faut être prudent...
    Le temps me manque pour vous donner beaucoup d'explications.
    En fait, il y a un certain nombre de raisons qui nous portent à croire qu'on ne pourra pas majorer les prix qui ont été bradés. La plus importante est la présence des câblodistributeurs. Ils ont la capacité de transmission à large bande. Ils ont investi pour s'équiper en téléphonie numérique. Quelqu'un va pouvoir acquérir ces actifs, même si c'est à rabais, et il pourra être concurrentiel.
    Shaw nous a dit qu'à Vancouver il n'y a pas d'interconnexion. Si le décret est mis en oeuvre, l'entreprise ne sera pas raccordée. Par conséquent, elle ne pourra pas offrir des services de câblodistribution et de téléphonie concurrentiels comme prévu, ou du moins il n'y aura pas d'autres fournisseurs que les deux qui sont le minimum nécessaire.
    Ne pensez-vous pas que c'est un peu prématuré, et qu'il suffirait d'attendre quelques mois, comme le propose le rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications?
    Vous me dites alors que Shaw n'est pas prête à fournir les services si le cadre réglementaire est celui énoncé dans le décret du ministre?
    L'interconnexion n'est pas faite. On fait remarquer dans le rapport que beaucoup d'exploitants ne peuvent pas offrir des services de qualité parce qu'il n'y a pas interconnexion des réseaux, par exemple.
    D'accord, je comprends.
    Je trouve que c'est acceptable, et c'est pourquoi une étape très importante a été franchie ici par les ESLT. Ces compagnies prétendaient avant que, si on déréglementait, les entrées-sorties rapides sur le marché permettraient quand même de contrôler l'emprise sur le marché. Or, l'expérience a montré qu'il y a des obstacles économiques à l'entrée sur le marché et que l'on ne déréglemente pas avant qu'il y ait vraiment de la concurrence sur le terrain. Il n'y aura pas de déréglementation à Vancouver; il faut continuer de réglementer Telus tant qu'il n'y a pas interconnexion avec le réseau de Shaw et avant que Shaw offre des services jugés satisfaisants par les clients.
    La défense fondée non pas sur l'intérêt du consommateur mais sur les gains en efficience des entreprises a déjà permis de créer des quasi-monopoles. Superior Propane a établi un précédent... Mme Sheridon Scott pourrait nous en parler longtemps.
    Quelles garanties peut offrir, d'après vous, le seul critère de la concurrence? C'est-à-dire un critère de présence qui, autant que je sache, n'est pas connu ailleurs dans le monde. Quelles garanties offrent-on aux consommateurs si, en fin de compte, il y a seulement deux ou trois joueurs qui sont reconnus et c'est tout? Il me semble que nous avons entendu assez de gens se plaindre, non pas parce qu'ils vont être écartés du marché ou parce qu'ils sont trop paresseux, mais parce que les installations dont ils ont besoin pour être concurrentiels vont leur échapper. Vous leur coupez littéralement l'herbe sous le pied, et vous freinez la concurrence au lieu de l'accroître.
    Il faut être prudent parce que beaucoup de concurrents actuels utilisent les installations des ESLT. Nous réglementons le marché de gros pour que les installations servent à assurer la concurrence sur les marchés de détail. C'est une forme de concurrence bien différente. C'est une concurrence que le CRTC s'emploie activement à établir depuis 1997-1998. Il a fait l'impossible pour essayer d'équilibrer le rapport de force et assurer la viabilité de ces exploitants.
    La concurrence que se livrent les réseaux est maintenant bien différente et fondée sur les installations. Vu la nature de l'industrie, les sommes phénoménales que le câblodistributeur et la compagnie de téléphone investissent sans pouvoir les récupérer dans l'équipement et qu'il leur en coûte à peu près rien de fournir des services regroupés à un endroit donné, le fournisseur voudra offrir tous les services au client qui a un accès à large bande; il faut considérer que les câblodistributeurs sont de nouveaux arrivants et que leur part de marché est infime. Ce n'est pas la collusion ni le parallélisme délibéré qui les intéressent pour le moment. Ils veulent livrer une concurrence féroce pour accroître leur part de marché.
    Je pense qu'il est ridicule de penser qu'il y aura un commode duopole en partant, compte tenu de ce que les câblodistributeurs voudront faire. Ils vont vouloir accroître leur part de marché et être concurrentiels.
    Il faut aussi penser que les câblodistributeurs ont pénétré le marché et qu'ils ne l'ont pas fait en demandant des prix élevés; ils offrent de bas tarifs pour attirer les consommateurs. Les tarifs iront à la baisse. C'est la nature de la concurrence actuelle.
    Bien, merci.
    Merci, monsieur McTeague.
    C'est maintenant à M. Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    M. Church, vous avez travaillé avec le Bureau de la concurrence. Pouvez-vous établir un parallèle entre la déréglementation des télécommunications et celle des compagnies aériennes, et quel serait-il?
    Oui, il y en a un, et il est très intéressant parce que, pour la déréglementation des compagnies aériennes, nous avons fait les choses à l'envers. Quand on déréglemente dans d'autres secteurs, on essaie de limiter les avantages conférés par le statut de titulaire et de donner aux nouveaux venus la chance d'être concurrentiels. Nous avons fait exactement le contraire pour la déréglementation des compagnies aériennes. Nous avons permis à Air Canada d'établir son emprise sur le marché en lui facilitant beaucoup les choses.
    Or, même dans ce cas, nous avons constaté qu'un deuxième transporteur important a pu se tailler une place sur le marché. West Jet a pu pénétrer le marché et soutenir la concurrence. Il y a un duopole dans cette industrie. Le duopole me semble bien préférable au monopole réglementé d'une autre époque qui existait il y a 20 ans.
(1720)
    Je suis d'accord avec vous.
    Comment le cadre réglementaire des télécommunications au Canada se compare-t-il à celui d'autres pays du monde?
    Il est différent. Nous avons été parmi les premiers à vouloir faire concurrence au réseau local des États-Unis. Les Américains ont adopté leur loi sur les télécommunications en 1996. C'est en janvier 1995 que nous avons entamé des démarches pour établir les conditions de la concurrence locale.
    Nous sommes donc des précurseurs dans le domaine. Notre approche est bien différente de celle des États-Unis. Les Américains déterminent que les compagnies titulaires doivent fournir chacun des éléments du réseau à tel et tel prix aux nouveaux venus tandis que, chez nous, les installations et services essentiels représentent très peu d'éléments du réseau et sont mis à la disposition des fournisseurs à des prix beaucoup plus élevés qu'aux États-Unis.
    Dans un sens, les Américains ont ouvert l'ensemble du réseau à la concurrence et en mettent tous les éléments à la disposition des nouveaux fournisseurs. Leur formule n'a pas eu plus de succès que notre supposé modèle hybride qui donne accès à une partie des réseaux des titulaires aux concurrents.
    Spontanément, je dirais que l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché n'a pas tendance à faire monter les prix, ce que la réglementation a pour objectif de faire, comme vous l'avez dit. Elle a tendance à faire baisser les prix et je n'ai aucune raison de croire que la déréglementation va entraîner une hausse des prix.
    Comme vous ou quelqu'un d'autre l'a fait remarquer, ce ne sont pas de petites entreprises qui vont vouloir entrer sur ce marché. Elles auront les reins assez solides pour ne pas se faire écarter du marché dans le temps de le dire. Certes, comme vous l'avez indiqué, si c'était le cas, d'autres fournisseurs viendraient prendre leur place.
    J'aimerais avoir une précision. Vous ne voyez aucune raison de croire que les fournisseurs vont être chassés du marché et que les services coûteraient beaucoup plus cher parce qu'il n'y aurait plus de réglementation?
    Le CRTC a prévu, comme le décret du ministre d'ailleurs, que la réglementation existe toujours de façon latente. Le prix du service résidentiel de base est encore plafonné. C'est vraiment important parce que, si on a mal défini le marché géographique ou qu'une région est visée par l'abstention locale et qu'il n'y a pas de concurrence, le règlement existe toujours en principe.
    Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter des pratiques anticoncurrentielles. En effet, il est inutile d'éliminer des concurrents si je ne peux pas augmenter mes prix. Et je ne peux pas les augmenter parce que Vonage pourrait entrer sur le marché. Quelqu'un d'autre pourrait acheter les installations du câblodistributeur, sinon je dois toujours respecter la réglementation. Il est impossible de récupérer les investissements en bradant les prix. C'est un aspect important à prendre en considération. Cette possibilité existe toujours si les compagnies titulaires haussent leurs tarifs.
    La question est de savoir si on peut baisser les prix, et les consommateurs espèrent que oui.
    Merci.
    Est-ce que j'ai encore un peu de temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute, monsieur Del Mastro.
    Je vais offrir le temps qu'il me reste à M. Arthur.
    Avez-vous une question à poser, André?
    C'est très réconfortant pour moi, monsieur Church, d'arriver à comprendre un économiste. Merci.
    Des voix:Oh, oh!
    M. André Arthur: Je ne sais pas où va s'arrêter le débat sur la déréglementation mais, pour faire quelque chose de constructif, il faudrait régler le problème des petites entreprises familiales de câblodistribution. Elles côtoient les géants des télécommunications. Elles savent que la technologie sans fil est là. Dès qu'elles vont s'équiper pour fournir des services téléphoniques, elles vont se faire écraser parce qu'elles sont de trop petits joueurs. Elles craignent pour leur avenir si elles pénètrent ce marché.
    Y a-t-il une solution? Y a-t-il une façon de les protéger sans nuire à une déréglementation immédiate?
    Je ne pense pas qu'elles se feraient écraser tout de suite parce que la situation des ESLT est la même qu'elles aient à concurrencer Shaw et Rogers ou des petites entreprises familiales. Même si la compagnie titulaire les écarte du marché, quelqu'un d'autre va les racheter à moins que le Bureau de la concurrence ne leur permette de le faire. Quelqu'un va pouvoir acheter leurs actifs.
(1725)
    Comme je l'avais compris, leur solution est de vendre à un gros joueur.
    Monsieur Arthur, on peut remettre votre nom sur la liste si vous voulez. Le temps de parole cette fois-ci est écoulé.
    C'est au tour de M. Crête.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Geist, vous avez parlé de la nécessité d'adopter une stratégie relativement à la mise en oeuvre d'un système à large bande. Dans ma circonscription, on a reçu il y a quelques années une subvention d'Industrie Canada.
    Croyez-vous que sans politique, il n'y aura pas d'élargissement? Est-ce à dire que si on laisse agir le marché uniquement, de vastes pans du territoire canadien ne seront pas couverts?

[Traduction]

    C'est la conclusion du rapport du Groupe d'étude. Il a analysé le marché et a conclu de façon assez courageuse que les services seraient offerts là où ils sont viables mais que, tout de même, un pourcentage important de Canadiens ne seraient jamais desservis. Le marché n'existe tout simplement pas pour eux. Je crois que c'est le cas de beaucoup de Canadiens.
    J'entends toujours parler de la baisse formidable des prix et qu'il y a beaucoup de concurrence. Je me dis que je ne devrais pas vivre à Nepean, à l'ouest d'Ottawa, parce que Rogers ne cesse d'augmenter les prix et de plafonner ou de diminuer les services de connectivité Internet.
    Il n'est pas nécessaire de trop s'éloigner de l'agglomération d'Ottawa ou de la région du Grand Toronto pour constater que le choix diminue; il n'y a pas d'urgence à pénétrer le marché. Le Groupe d'étude conclut dans son rapport qu'il y a plus d'un million de Canadiens qui n'auront jamais accès au service à large bande par le libre jeu du marché.

[Français]

    Quels seraient les principaux éléments à intégrer à la politique de mise en oeuvre du système à large bande? La mise en oeuvre d'un tel système aurait un impact majeur sur l'utilisation du territoire et sur la survie des milieux ruraux au Québec et au Canada.

[Traduction]

    Oui. Il y a différentes possibilités. On pourrait offrir aux municipalités et aux localités le soutien dont elles ont besoin pour se doter d'une infrastructure offrant le service à large bande. Le gouvernement fédéral pourrait aussi simplement investir pour veiller à ce que toutes les localités du pays reçoivent ce service.
    Il faut remarquer que certains des projets envisagés par le gouvernement, qu'il s'agisse de services publics ou bancaires électroniques, seront dans l'ensemble possibles si tout le monde a cet accès. Ce sont des coûts qu'il faudra engager à un moment donné.

[Français]

    Monsieur Church, croyez-vous qu'on pourrait ne pas recourir à une politique et que les règles du marché à elles seules pourraient faire en sorte qu'un système à large bande soit mis en oeuvre, que l'ensemble du territoire soit couvert et que le service soit adéquat? L'expérience ne nous a-t-elle pas démontré que dans ce secteur, une intervention de l'État était absolument nécessaire?

[Traduction]

    Il y a deux aspects à considérer. D'abord, il faut déterminer quand l'abstention est possible. Le ministre et le Bureau de la concurrence proposent de compter sur le libre jeu du marché si la concurrence existe.
    Vous demandez s'il y a lieu que le gouvernement intervienne dans les régions où il n'y a pas de concurrence ni d'accès au service à large bande. Je crois que votre question est légitime. Il faudrait évaluer les coûts et les avantages et il peut y avoir des façons de faire intéressantes.
    En Alberta, d'où je viens, le gouvernement provincial a tout fait pour relier SuperNet à Bell afin de brancher toutes les localités de la province. Une fois toutes les villes raccordées, une foule de fournisseurs de services sans fil pouvaient se relier au câblage. Cela a créé de la concurrence entre Telus et Bell; ce programme a été formidable.

[Français]

    Monsieur Geist, si on n'adopte pas de politique, quelle sera d'après vous la situation au Canada dans cinq ans en ce qui concerne l'accès à la transmission à large bande? Croyez-vous que les écarts se seront accentués, qu'il y aura de nouvelles technologies, ou que ce sera le statu quo?

[Traduction]

    Il y aura de plus en plus de disparités dans notre pays quant à l'accès au service numérique. Il y a quelques années à peine, le Canada se classait au deuxième rang des pays du monde pour l'accès au service à large bande. Au dernier classement, nous n'étions plus dans les dix premiers.
    À moins que des mesures ne soient prises, il y a tout lieu de croire que nous allons continuer de perdre du terrain. On se demande toujours ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les autres pays sont de plus en plus nombreux à reconnaître que l'accès universel au service à large bande est un besoin crucial, mais nous ne l'avons pas encore fait.

[Français]

    Ce comité a t-il évalué les coûts qu'engendrerait la mise en oeuvre de cette politique qui viserait à rendre l'accès à ce système quasi universel sur le territoire? On parle ici de la construction des infrastructures, de la prestation des services, et ainsi de suite.
(1730)

[Traduction]

    Bien sûr, il en est question dans le rapport du Groupe d'étude, qui propose d'établir le programme Ubiquité Canada ou U-CAN pour assurer l'accessibilité des services à large bande aux Canadiens dans toutes les régions. Le rapport du Groupe d'étude traite de beaucoup d'aspects dont j'ai parlé ici aujourd'hui, si vous voulez prendre le temps d'examiner tous les autres sujets entourant la déréglementation.
    Merci, monsieur Crête.
    Monsieur Church, très brièvement.
    Pour revenir très rapidement là-dessus, ce n'est pas au sujet du gouvernement mais, dans un journal de Calgary cette semaine, Netcaster, un fournisseur qui est malheureusement la propriété de Bell, offrait le service Internet à large bande dans toute la province.
    D'accord.
    Pour cent dollars par mois.
    Nous revenons à M. Arthur. Vous avez une autre question à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Church, vous allez peut-être trouver que je suis un mauvais élève, mais je veux revenir sur la question soulevée par MM. Brison et Van Kesteren. J'essaie de comprendre s'il y a une solution.
    Je parle des entreprises familiales de câblodistribution existantes qui n'offrent pas de services téléphoniques. Il y en a un peu partout au Canada. Leurs concurrents potentiels sont les géants des télécommunications. Dès que les trois grands vont ouvrir les hostilités, elles ne pourront pas réunir les millions de dollars nécessaires pour s'équiper et offrir la téléphonie en raison de tous les aléas mais, même si elles le pouvaient, elles entraîneraient la déréglementation et seraient les premières victimes.
    Vous me dites qu'elles ne disparaîtraient peut-être pas et qu'elles pourraient aussi être rachetées. C'est un peu brutal et je ne suis pas certain que notre comité pourra recommander cela.
    Y a-t-il une solution entre le critère de 25 p. 100 proposé par le CRTC et l'infrastructure à trois concurrents présentée par le ministre? Y a-t-il un moyen terme qui permettrait au comité d'agir de façon unanime pour faire changement?
    Le président: Pour faire changement.
    J'ai deux éléments de réponse à donner. D'abord, je vous répète que je ne suis pas d'accord avec vous quand vous parlez de victimes.
    La compagnie titulaire n'a pas intérêt à brader ses prix si les actifs de l'entreprise ne disparaissent pas. La stratégie peut amener une petite entreprise familiale à quitter le marché, mais c'est une autre petite entreprise familiale qui va l'acquérir et rester dans la course. Je ne suis donc pas nécessairement d'accord avec vous pour dire qu'il y aura des victimes.
    Ensuite, je crois que, dès maintenant et de plus en plus, les entreprises familiales de câblodistribution vont être vendues à Shaw et Rogers qui vont investir des millions de dollars pour les acquérir parce qu'elles vont réaliser d'énormes économies d'échelle; elles connaissent le domaine et ont beaucoup d'installations qu'elles pourront utiliser dans de nombreux marchés géographiques. Elles pourront offrir le service meilleur marché que les entreprises familiales.
    Les entreprises familiales vont donc manquer de loyauté et vendre leurs intérêts à Cogeco, Vidéotron ou Shaw...
    Et elles pourront s'offrir une belle retraite.
    Oui. Ce serait donc...
    Ce n'est ni cruel ni brutal.
    ... la solution d'un économiste de Calgary.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Arthur.
    J'aurais seulement deux ou trois questions à poser avant de conclure.
    J'aimerais poser une question à M. Geist sur l'accès à large bande. John Maduri de Barrett Xplore a recommandé de reprendre le modèle de SuperNet dans d'autres provinces. Recommanderiez-vous aussi d'imiter ce qui a été fait en Alberta?
    Je pense d'ailleurs qu'on vient d'en parler et que ce modèle a eu beaucoup de succès. Cependant, ce n'est pas le seul et, à mesure que les municipalités vont adopter le standard Wi-Fi, nous aurons différents modèles possibles. L'important, c'est d'adopter une stratégie qui offre diverses possibilités et qu'elles prévoient toutes des délais fermes pour que tous les Canadiens aient accès au service.
    Je vous remercie.
    Monsieur Church, si ma mémoire est bonne, vous êtes peut-être le premier témoin à avoir parlé de la variation entre la taille des régions que propose le ministre et celle des grandes régions géographiques mises en évidence par le critère de part de marché de 25 p. 100 du CRTC. Je crois que le CRTC a défini 84 régions et qu'il y a environ 5 400 régions géographiques pertinentes.
    Puisque vous venez de Calgary, j'aimerais citer quelques exemples. Vous avez parlé de Wood Buffalo, où Telus déclare que Shaw occupe 30 p. 100 du marché. Cependant, dans cette région, on fait les regroupements suivants: Wood Buffalo et Cold Lake, Lethbridge et Medicine Hat, et enfin Camrose et Drumheller.
    C'est intéressant. Lorsque M. Shaw est venu ici et a parlé de conquête des marchés, il n'a jamais fait de regroupements. Il disait qu'il s'attaquerait séparément à Medicine Hat, Lethbridge et Camrose.
    J'aimerais que vous commentiez brièvement cette différence concernant les régions géographiques.
(1735)
    C'est le problème que pose le critère des 25 p. 100. Le CRTC était d'accord de manière explicite ou implicite avec l'ACTC en ce sens que tous deux étaient préoccupés par le bradage des prix. Pour remédier au problème, ils se sont dit qu'ils s'abstiendraient de réglementer afin de ralentir le bradage ou de le rendre impossible.
    Pour y arriver, il suffit de déterminer une très grande région géographique puis de dire qu'il faut perdre 25 p. 100 du marché dans cette région — quoi que dans le cas de Wood Buffalo, Shaw n'est présent qu'à Fort McMurray. Pour perdre ces 25 p. 100, je dois renoncer à 55 p. 100 à Fort McMurray. Les câblodistributeurs ne pénètrent pas toutes ces zones locales non réglementées en même temps; ils conquièrent les régions où leurs réseaux sont déjà en place et lorsque la taille de la population le justifie.
    À ce sujet, nous nous appuyons sur un rapport du CRTC de 2006, dont les données, je crois, ont été compilées fin 2005. Selon ce rapport, Telus détient 91 p. 100 du marché de la région d'Edmonton et 83 p. 100 pour Calgary. Avez-vous une idée des pourcentages actuels? On dit même que 99,7 p. 100 du marché de la région de Wood Buffalo est aux mains de Telus, ce qui n'est plus vrai aujourd'hui. Shaw, depuis son arrivée, occupe tout près de 25 p. 100 du marché de la région d'Edmonton. Possédez-vous des chiffres plus récents, pour la dernière année environ, en ce qui concerne la pénétration du marché?
    Ils ne sont pas disponibles. C'est l'un des aspects qui nous dérange dans nos rapports avec le CRTC. Lorsque nous essayons d'obtenir ces données, on nous répond que c'est confidentiel ou non pertinent. On fournit des renseignements confidentiels au CRTC, qui ne sait pas nécessairement quoi en faire. Du coup, l'information n'est jamais contre-vérifiée. Personne ne peut dire « Je ne crois pas que ce chiffre soit exact et voici pourquoi; voilà les vrais chiffres. » Tout se fait derrière des portes closes et on ne peut jamais voir ce que sont les chiffres exacts.
    Y a-t-il une meilleure façon d'obtenir ces renseignements? Si l'on se base sur des données indiquant, par exemple, 99,7 p. 100, mais que c'est plutôt 70 p. 100 ou 75 p. 100...
    Il ne faut pas oublier qu'il y a de la concurrence entre les réseaux et lorsque cela arrive, la part réelle de marché est de 50 p. 100 — Deux réseaux, 50 p. 100. Ces chiffres ne sont donc pas pertinents.
    D'accord.
    J'aimerais bien continuer d'en parler, c'est fascinant.
    Monsieur le président, j'ai une brève remarque concernant la prochaine séance.
    Au cours de l'échange d'aujourd'hui, l'opposition et notre parti ont pu poser deux questions, grâce à l'indulgence de la présidence. Vous en avez posé trois et demi ou quatre. Je pense qu'il faudrait en parler à la prochaine réunion de notre comité de direction, car nous voulons que soit garanti un certain équilibre.
    La prochaine rencontre du sous-comité aura lieu après le congé de mars. Est-ce trop tard?
    Non, ça va, monsieur le président. Merci.
    Parfait.
    Je vous remercie beaucoup, tous les deux, d'être venus témoigner. Comme je l'ai dit, si vous avez quoi que ce soit à soumettre au comité, veuillez l'adresser au greffier.
    Je vous remercie beaucoup pour votre attention.
    La séance est levée.