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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 avril 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la 54e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie est ouverte.
     Conformément à l'article 108(2) du règlement, nous poursuivons notre étude du Régime canadien d'accès aux médicaments. C'est la deuxième séance à ce sujet.
    Nous avons prévu trois heures pour entendre les témoins mais il y aura malheureusement des votes à 17 h 45, ce qui nous obligera à partir peu après 17 h 30. Je crois comprendre que monsieur Lewis a généreusement accepté de raccourcir un peu son exposé de façon à donner plus de temps aux organisations non gouvernementales, qui sont au nombre de six.
    Nous allons donc consacrer la première heure à monsieur Lewis.
    Monsieur Lewis, je vous remercie de nous accorder une heure pour participer à cette séance par vidéoconférence à partir de Toronto. Chacun sait quelles ont été vos fonctions passées au Canada et que vous êtes l'ex-envoyé spécial de l'ONU sur le VIH/sida.
    Je vais vous donner immédiatement la parole pour votre exposé. Je crois comprendre que vous avez un exposé de cinq minutes, environ, après quoi nous passerons aux questions. Si nous pouvons limiter cette partie à 45 minutes, cela donnera un peu plus de temps aux ONG.
    Vous pouvez commencer quand vous voulez, monsieur Lewis, et je vous remercie à nouveau d'être avec nous.
    En fait, mon exposé est un peu plus long que vous ne l'avez dit mais je ne tiens pas à abuser de votre patience. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous, même de loin. Je crois avoir aperçu un portrait de mon père sur l'un des murs de la salle du comité, ce qui me met beaucoup plus à l'aise pour m'adresser à vous.
     Je voudrais commencer par établir un peu le contexte. Permettez-moi de dire dès l'abord que je ne prétends pas avoir une connaissance particulière de la législation dont vous êtes saisis. Toutefois, je suis rassuré par la présence de plusieurs représentants d'ONG, de mes amis du Réseau juridique canadien VIH/sida et de MSF, en particulier, qui ont présenté des mémoires empreints d'intelligence, de clarté et de précision. Plus vous aurez de temps à leur consacrer, mieux cela vaudra. Pour ma part, je voudrais surtout donner mon avis personnel sur l'occasion perdue avec cette législation car j'y ai beaucoup réfléchi lorsque j'étais l'envoyé de l'ONU pour l'Afrique.
     En septembre 2003, la Conférence régionale du sida pour l'Afrique s'est tenue à Nairobi. Par coïncidence fascinante, elle faisait immédiatement suite à la décision de l'OMC d'autoriser la délivrance d'une licence obligatoire qui permettrait la fabrication et l'exportation de médicaments génériques vers les pays en développement pour traiter de nombreuses maladies différentes. Évidemment, la Conférence du sida était enthousiasmée par cette perspective et, comme il semblait possible à ce moment-là que le Canada devienne le premier pays occidental à mettre cette décision en application, de nombreux militants africains étaient pleins d'espoir et d'enthousiasme.
    Vous vous souviendrez que c'est en 2003 seulement que le traitement antirétroviral du sida a commencé à prendre. C'est aussi cette année-là que l'Organisation mondiale de la santé a lancé son plan « 3 millions d'ici 2005 » visant à mettre 3 millions de personnes sous traitement pour la fin de 2005. Le Canada semblait être devenu le plus fort partenaire de cet effort herculéen destiné à terrasser la pandémie et à garder des millions de gens en vie. Nous avons fourni 100 millions de dollars — bien plus que n'importe quel autre pays — à l'OMS pour appuyer la diffusion du traitement, essentiellement en Afrique, et nous avons lancé le projet de loi C-9 qui représentait l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique. Le chemin à parcourir pour faire adopter ce projet de loi fut long et tortueux mais je n'hésite pas à dire qu'on a eu le sentiment, à l'échelle internationale, que le Canada jouerait un rôle de pointe parmi les pays occidentaux pour lutter contre la pandémie. En 2003, 2004 et 2005 notre position a semblé devenir encore plus forte que celle des États-Unis avec le plan d'urgence du président. Pourquoi? Parce que son plan reposait sur des médicaments brevetés coûtant très cher alors que le Canada allait à l'évidence procéder avec des médicaments génériques à un prix abordable pour les pays africains.
    Depuis 2003, alors que notre projet de loi cheminait de manière étonnamment lente dans le labyrinthe bureaucratique et parlementaire, on me demande continuellement où en sont les choses. L'ex-haut-commissaire du Kenya au Canada m'a fait venir à Ottawa pour m'implorer d'agir afin que son pays ait accès à nos médicaments. Le même message m'a ensuite été transmis par le ministre de la Santé du Kenya. Le haut-commissaire de la Tanzanie au Canada m'a adressé la même demande. Ensuite, c'est le directeur de la commission du sida du Rwanda qui m'en a parlé directement. Je n'oublierai pas de si tôt une réunion que j'ai eue à Addis Abbeba avec le président de l'Éthiopie à la mi-mai 2004, lorsqu'il a mis fin à notre longue conversation en me disant : « Alors, monsieur l'Envoyé, allons-nous recevoir les médicaments du Canada? Nous attendons tous. Quand allons-nous les recevoir? »
    J'espère que le comité comprend que nous avons créé de très hautes attentes en Afrique où l'on est complètement abasourdi de voir que les attentes, les promesses et la législation n'ont rien donné. Je partage cette réaction. Je pensais que ce projet de loi donnerait des résultats et il n'y a aucune raison qu'il n'en ait donné aucun. Je pensais que le Canada avait compris qu'il était à l'aube d'une contribution spectaculaire dans la lutte contre la pandémie, contribution qui aurait le potentiel de limiter le carnage de vies innombrables et de réduire considérablement le raz-de-marée d'orphelins qui engouffre pays après pays. Je me trompais, nous avons échoué. Nous avons échoué lamentablement.
    Je ne suis pas ici pour blâmer qui que ce soit. Il est clair pour tout le monde que le projet de loi était profondément déficient. Il est certainement clair aussi que nous devons trouver le moyen de faciliter la délivrance d'un permis obligatoire; que nous devons résister au désir curieux d'imposer des conditions allant au-delà des exigences de l'accord sur les ADPIC de l'OMC; que nous devons trouver le moyen de protéger le pays destinataire contre toute mesure de rétorsion; et que l'industrie des produits pharmaceutiques brevetés et génériques doit avoir un régime législatif résultant dans l'octroi d'un permis plutôt que dans une impasse. C'est une question de santé publique et la primauté de la santé publique est explicitement entérinée dans les ADPIC.
(1535)
    J'affirme que tout cela est possible. Après avoir lu les mémoires qui vous ont été envoyés aujourd'hui, j'affirme même que c'est possible dans le cadre des flexibilités identifiables qu'offre la décision de l'OMC.
    Monsieur le président, le Canada a un rôle énorme à jouer. Personne ne devrait croire, même avec le temps, que cette législation est superflue ou irréparable. Les besoins sont gigantesque. Un rapport a été publié cette semaine par l'Unicef, ONUSIDA et l'OMC indiquant que, même si 1,3 million de personnes reçoivent aujourd'hui le traitement en Afrique, au moins 5 millions de plus en ont besoin immédiatement. Ce que devrait donner cette législation, c'est la capacité de produire des médicaments combinés à dose fixe de première ligne.
    Plus de 300 000 enfants sont morts l'an dernier de maladies reliées au sida. S'ils avaient bénéficié de formulations médicamenteuses pédiatriques, ils seraient peut-être encore en vie. De plus, 10 p. 100 à 15 p. 100 de ceux qui obtiennent le traitement acquièrent une résistance au bout de quatre à cinq ans. Ils ont besoin de médicaments de deuxième ligne. Or, ces médicaments ne sont pas encore disponibles sous forme générique et les prix actuels des formulations brevetées sont astronomiques pour les pays pauvres.
    Tragiquement, il faut se souvenir qu'il y a 40 millions de personnes au monde qui auront besoin du traitement chaque jour, dès maintenant ou à l'avenir, et que leur nombre ne fait qu'augmenter. Nous parlons donc de milliards et de milliards de comprimés, mais n'oubliez pas que, selon le rapport de l'ONU, on obtient un taux de survie de 93 p. 100 à la fin de la première année parmi ceux qui reçoivent le traitement. C'est là une confirmation évidente de la légitimité de cette législation. le Canada a clairement un rôle à jouer en la matière et cette législation a aussi clairement un rôle à jouer.
    En conclusion, permettez-moi de dire que personne ne souhaite la ruine des compagnies pharmaceutiques. Comme d'autres, je réitère simplement qu'on doit utiliser la décision de l'OMC du 30 août 2003 qui permet la fabrication et l'exportation de médicaments génériques.
     D'aucuns diront qu'il y a d'autres besoins dans le monde entier — et ils ont absolument raison — mais cette législation est destinée à répondre à l'un des besoins impératifs — concordant avec plusieurs des objectifs de développement du millénaire — qui ne doit pas être jugé secondaire par rapport à d'autres priorités. À ceux qui disent qu'une grande partie du problème relève en réalité des systèmes de santé et des ressources en la matière, je concède qu'il y a du vrai dans ce qu'ils disent mais, si cette législation permet d'assurer un traitement à long terme, alors, le Canada et d'autres pays, notamment les pays africains eux-mêmes, auront la confiance nécessaire pour restaurer les infrastructures fracturées.
    Je vous implore de mettre toutes autres considérations de côté et d'apporter à la législation les changements qui lui permettront d'être efficaces. Je ne veux pas faire de sensiblerie, monsieur le président, mais je ne peux m'empêcher de retourner continuellement dans ma tête les choses que j'ai vues au cours des cinq dernières années. Vous savez, les gens sont si courageux en Afrique! Ils meurent en nombre effarant, surtout les jeunes femmes, et ils luttent tellement fort pour leur survie. Il serait merveilleux que le Canada devienne leur premier allié dans la lutte contre la pandémie.
    Merci de votre attention, monsieur le président.
(1540)
    Merci beaucoup, monsieur Lewis, de ce plaidoyer bref et éloquent. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous passons directement à la période des questions en commençant avec monsieur McTeague pour six minutes.
    Merci, monsieur Lewis, de nous avoir adressé ces remarques fines et pertinentes. Au nom des gens de ma circonscription, je tiens aussi à vous remercier de tout ce que vous avez fait au cours des années.
     En 2002, vous avez prononcé un discours au Château Laurier sur les besoins dans ce domaine et les conséquences de l'inaction, et c'est ce qui a poussé de nombreux députés, moi compris, à essayer de convaincre le gouvernement de l'époque de relâcher le régime de réglementation des médicaments pour essayer de faire face à cette catastrophe humaine, comme vous disiez à l'époque.
    Depuis lors, bien sûr, nous avons vu ce qui s'est passé et, tout comme vous, nous sommes surpris de constater qu'aucun comprimé n'a encore été envoyé en Afrique.
     J'ai aussi eu l'occasion de parler à Mark Fried et à d'autres, d'Oxfam et de Médecins sans frontières, et j'ai envoyé une lettre il y a quelques années pour expliquer la situation en détail. Il me semblait à l'époque, comme vous l'avez dit, que le Canada était vraiment à l'avant-garde. Nous avions les ONG avec nous. Certes, nous ne pouvions pas être partout mais nous avions certainement la possibilité de distribuer ces médicaments.
     Je suis ici avec mon collègue, Keith Martin, qui vous posera une question dans un instant et qui possède aussi une connaissance assez directe de la situation en Afrique.
    Je voudrais savoir s'il y a d'autres nations, nonobstant toutes les bonnes intentions exprimées au Canada sans aucun résultat, qui ont réussi à faire des percées et qui ont été en fait assez audacieuses pour s'attaquer à cette pandémie, à cette catastrophe humaine.
     Quand vous parlez de nations, monsieur McTeague, voulez-vous parler d'Occident ou d'Afrique?
    De n'importe où. Y a-t-il une nation quelconque qui a réussi là où le Canada a échoué, malgré ces obstacles incroyables?
    Je crois que des lois ont été adoptées, comme on peut le constater à la lecture du document de politique ou de réflexion que vous avez reçu, par des pays aussi différents que la Norvège, la Hollande, la Suisse, etc. Ces lois, qui ne sont pas toutes aussi développées que celle du Canada, n'ont encore débouché sur aucune action. Les pays africains n'ont pas encore demandé de licences obligatoires, à mon avis essentiellement parce qu'aucun ne veut être le premier à le faire si son nom n'est pas protégé. Il y a une certaine tendance aux représailles ou à des menaces, souvent des États-Unis, et à des menaces explicites des sociétés pharmaceutiques.
    Voyez ce qui se passe aujourd'hui en Thaïlande. Le gouvernement a délivré une licence obligatoire pour la fabrication d'un équivalent générique d'un médicament appelé Kaletra des laboratoires Abbott. Cette société a annoncé un acte de représailles tout à fait étonnant en disant qu'elle retirerait tous ses médicaments du marché thaïlandais et n'en produirait plus pour ce marché. Cela lui a valu beaucoup de critiques mais vous pouvez imaginer le sentiment de vulnérabilité des pays africains si l'on ne met pas en place un régime assurant leur confiance puis l'acheminement des médicaments.
    Monsieur Lewis, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a fait une annonce il y a un peu plus d'une semaine à Mississauga, à un endroit appelé Pill Hill — la colline des pilules — près de Toronto. J'aimerais savoir si vous pensez que ce sera efficace, de concert avec cette législation, et si vous y voyez une occasion de lancer le mouvement pour faire en sorte que les pays africains qui ont vraiment besoin de notre aide puissent obtenir ces médicaments indispensables.
    Je ne rate quasiment aucune des paroles du ministre mais je n'ai pas entendu cette annonce de Mississauga. Ou je l'ai peux être entendue sans savoir que c'était à Mississauga. De quoi s'agit-il?
    Je laisse à mes collègues conservateurs le soin de nous expliquer ce qui s'est passé mais il s'agissait de renouveler les efforts pour que les fabricants de médicaments brevetés donnent accès à des médicaments abordables à cette région du monde. Je leur laisse le soin de poser des questions à ce sujet pour qu'ils puissent préciser ce qu'ils ont annoncé. Évidemment, j'ai déjà entendu ce genre de choses dans le passé et je suis très déçu de voir que, cinq ans après cette grande déclaration si célébrée, nous sommes encore loin de respecter le moindre de nos engagements.
    Permettez-moi donc de vous demander ceci. Les sociétés indiennes, comme Rambaxy par exemple, qui enfreindraient peut-être les normes internationales pourraient-elles être la solution si nous ne réussissons pas à acheminer des médicaments canadiens en Afrique?
(1545)
    Il ne fait aucun doute que l'Inde est actuellement la source de la plupart des médicaments assurant un traitement antirétroviral dans le monde, et c'est de loin la première source de médicaments pour l'Afrique. On y a de plus en plus recours, même dans le cadre de l'initiative présidentielle américaine. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme y a recours. Même chose pour la Fondation Clinton. Elle forme la base de la majeure partie du traitement mais sa capacité de production n'est pas infinie et il subsiste des incertitudes en ce qui concerne les modifications à sa loi sur les brevets pour savoir si ces médicaments pourront continuer d'être produits en si grande quantité.
    Il y a aussi la question des médicaments de deuxième ligne, dont on a désespérément besoin et pour lesquels il n'y a pas encore eu de négociations pour réduire les prix. En outre, leur production n'est pas assurée.
    Il y aura donc toujours de la place pour une législation canadienne, pour une fabrication et une exportation du Canada. C'est incontestable — la demande est là, considérant l'énormité des besoins. Et il semble que nous pourrions être compétitifs, relativement parlant. Ça pourrait être une question de quelques sous dans un sens ou dans l'autre.
    Si nous ne réussissons pas, monsieur Lewis, pensez-vous que le gouvernement canadien devrait tout simplement accepter de payer la facture de ces médicaments? Très franchement, si nous ne réussissons pas à franchir les obstacles rhétoriques, les batailles et les tergiversations interminables pour combattre une maladie qui ne connaît aucune frontière et décime des êtres humains et des individus innocents, croyez-vous que le gouvernement fédéral aurait l'obligation morale de le signer, ce maudit chèque?
    J'ai toujours pensé que le gouvernement fédéral, s'il augmente le pourcentage du PIB pour l'APD — et il a baissé, d'après ce que j'ai vu — pourrait utiliser une grande partie de ça pour appuyer l'achat de médicaments et l'amélioration des systèmes de santé, de l'infrastructure, etc.
    Toutefois, la contribution serait beaucoup plus importante si l'on assurait un acheminement systématique de médicaments vers les pays qui en ont besoin, au cours des années, car la promesse de signer un chèque peut varier d'un gouvernement à un autre, tout comme le montant. Comme je l'ai dit, notre contribution à l'APD en pourcentage du PIB a baissé entre 2005 et 2006 et elle risque de baisser encore.
    C'est donc le régime d'accès, je pense, qui doit être la base de l'action.
    Merci beaucoup, monsieur McTeague.
     Madame Brunelle.

[Français]

    Bonjour, monsieur Lewis. C'est un plaisir de vous rencontrer. Vous avez agi en tant qu'envoyé spécial de l'ONU dans le cadre du VIH/sida en Afrique. Par conséquent, je présume que vous connaissez bien la situation qui perdure là-bas. Le fait qu'aucun médicament n'y soit envoyé donne à penser qu'on fait face à des problèmes d'ordre pratique et politique.
     Mon collègue a demandé plus tôt si le gouvernement devait faire un chèque. Or, on a tous pu constater que dans certains pays, des médicaments étaient détournés et qu'ils ne parvenaient malheureusement pas aux hôpitaux et aux cliniques qui en avaient vraiment besoin.
    Auriez-vous des recommandations à faire à ce sujet?

[Traduction]

     Dans la loi actuelle, les mesures prévues pour identifier les médicaments par la couleur ou l'emballage éviteraient leur détournement, et c'est vrai pour de nombreux médicaments provenant de diverses sources.
    Très franchement, le vrai problème n'est pas le détournement. Cela n'a pas été un problème grave dans la plupart des pays africains ayant des taux élevés d'infection. Ce qui leur manque, c'est la sécurité — d'approvisionnement et de ressources. Ils ont évidemment besoin d'aide pour la formation professionnelle afin de combler leurs carences en capacités humaines, et ils ont évidemment besoin d'aide pour réparer l'infrastructure mais, si nous pouvions être sûrs qu'il y a des pays ayant des capacités importantes, en Afrique ou ailleurs, pour assurer l'acheminement de médicaments génériques à très bas prix, alors je pense que, si le G8 tenait les promesses qu'il a faites en matière de financement, nous finirions par maîtriser la pandémie.

[Français]

    Nous avons vu que certains pays souffraient d'un manque flagrant d'infrastructures. On a noté entre autres le manque d'accès à l'eau et à des mesures d'hygiène. On parle de soigner les gens, mais ne pensez-vous pas qu'on devrait régler les problèmes d'hygiène de base avant d'envoyer des médicaments? Ça pourrait aussi se faire en parallèle.
(1550)

[Traduction]

     C'est une excellente remarque, madame Brunelle, et je ne saurais vous contester. Ce que vous dites concerne en fait ce qu'on appelle les objectifs de développement du millénaire. Chacun d'entre eux devrait faire l'objet de mesures concrètes, et chacun d'entre eux impose au monde occidental le devoir moral de fournir des ressources, de réduire la dette et d'instaurer des règles équitables pour le commerce international.
    L'un de ces objectifs de développement du millénaire est d'éliminer les maladies transmissibles que sont le sida, la tuberculose et le paludisme, et il y a aussi les objectifs de réduction de la pauvreté et de la faim et de réduction de la mortalité maternelle et infantile. Oui, si l'ACDI pouvait cibler ses fonds vers les autres impératifs, parallèlement à l'impératif crucial de faire face à la pandémie — La pandémie détruit le développement dans tellement de pays qu'il est impossible de faire des progrès à l'égard des autres objectifs parce qu'il y a un niveau tellement élevé de maladie et de décès. Avant d'assurer le développement, il faut assurer la santé. Cette équation a été énoncée de manière particulièrement éloquente par l'économiste Jeffrey Sachs. Il appelle ça le fardeau de la maladie et affirme qu'on ne peut pas s'attaquer aux autres phénomènes si l'on ne réussit pas à éliminer le fardeau de la maladie.

[Français]

    On arrive difficilement à guérir le sida, et ça provoque une recrudescence d'autres maladies comme la tuberculose, entre autres. Il faudrait certainement agir. Les compagnies pharmaceutiques nous disent qu'elles envoient déjà de généreuses quantités de médicaments en Afrique. D'après vous, est-ce suffisant et, le cas échéant, est-ce que ça ferait en sorte que cette loi soit très peu utilisée, du fait qu'elle ne serait pas vraiment nécessaire?

[Traduction]

     Je pense qu'il vaut la peine de noter que l'industrie des médicaments brevetés ne saurait faire concurrence aux prix qui ont été négociés pour les médicaments génériques. Dans le meilleur des cas, les médicaments brevetés coûtent annuellement entre 500 $ et 800 $ dollars par personne.
    La Fondation Clinton avait négocié au départ un prix de 139 $ par personne et par année, et ce prix est en train de baisser. Même si l'on baissait les prix des médicaments brevetés, ils resteraient largement supérieurs à ceux des médicaments génériques. Et quand on parle de pays où les gens vivent avec moins d'un dollar par jour, les équivalents génériques deviennent évidemment le facteur dominant.
    Oui, la législation, dans son état de dormance, est décevante mais il ne faut pas baisser les bras. Nous avons encore une contribution très importante à faire par le truchement de cette législation pour compléter ce que font les médicaments brevetés.
     À l'heure actuelle, les sociétés de médicaments brevetés fournissent les médicaments de deuxième ligne et les médicaments pédiatriques mais, peu à peu, des équivalents génériques apparaissent. Le Canada pourrait être une force importante sur chaque front, non seulement pour les médicaments combinés à dose fixe de première ligne mais aussi pour d'autres développements si cette législation produit ses effets.

[Français]

    Merci.
    Merci, madame Brunelle.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci beaucoup, monsieur Lewis, de comparaître devant nous en ce moment très important où nous examinons cette législation pour voir comment améliorer ce que nous faisons comme pays. Je pense que c'est quelque chose qui n'est absolument pas sectaire sur le plan politique. Tous les membres de ce comité veulent collaborer afin de voir ce que nous pouvons faire pour faire le meilleur effort possible.
    Mon collègue libéral a évoqué l'une des choses que le gouvernement a faites récemment dans le budget de 2007. Il y avait une mesure en vertu de laquelle les sociétés faisant don de médicaments pourraient réclamer une déduction fiscale égale au coût des médicaments donnés ou, si elle est moins élevée, à la moitié de la différence entre la valeur marchande et le coût des médicaments donnés.
    Je crois qu'il voulait connaître votre opinion. Pensez-vous que c'est un pas dans la bonne voie?
     C'est évidemment un pas en avant mais j'espère que les gens réalisent que ce n'est qu'un pas. Par rapport aux besoins, ce ne sera jamais suffisant.
    Le problème est tellement écrasant, à certains égards. Je ne pense pas qu'on ne puisse pas le résoudre mais il est énorme et chacun essaye de proposer des réponses, aussi marginales soient-elles.
    La différence entre ces pas en avant et cette législation est que celle-ci pourrait représentait une attaque sérieuse contre le problème. Les autres mesures ne font qu'attaquer à la marge.
(1555)
    Considérant l'expérience que vous avez acquise sur le terrain en Afrique et dans d'autres parties du monde en développement, quels acteurs ou agences font le meilleur travail pour s'attaquer à des crises de santé publique comme le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose? Est-ce que ce sont les ONG? Les Nations Unies? Les compagnies pharmaceutiques? Les gouvernements des pays en développement? Qui est vraiment dans la bonne voie à ce sujet? Quelqu'un?
    C'est une question terriblement intéressante et je vous remercie de l'avoir posée.
    Je pense que certains des gouvernements d'accueil font un travail exceptionnel. Le gouvernement du Botswana, le gouvernement du Rwanda, le gouvernement de l'Ouganda — ces gouvernements font beaucoup d'efforts et sont très efficaces. Je suis très impressionné par les efforts récents des gouvernements de la Zambie et du Malawi. Ces gouvernements sont parfaitement conscients du problème et remuent ciel et terre pour le résoudre.
     Je suis aussi très impressionné par la Fondation Clinton qui a agi avec un sentiment d'urgence qu'on voit rarement en réaction aux maladies transmissibles. C'est un peu la même chose avec la Fondation Gates. La Fondation Clinton n'a pas autant d'argent mais elle a des gens sur le terrain et bénéficie de la puissance du charisme inclusif du président, ce qui en fait une organisation tout à fait remarquable de par son action.
    Il y a également certaines agences de développement international dans les relations bilatérales. Il y a l'agence britannique DFID, et il y a les Irlandais qui font des efforts particuliers dans certains pays. Je suis également tout à fait prêt à reconnaître que l'initiative présidentielle des États-Unis a réussi à fournir un traitement à plus d'un million de personnes sur le plan mondial, ce qui n'est pas négligeable. Je conteste peut-être certains aspects du programme mais ça ne change rien à cette réalité.
    L'ACDI, à part sa contribution extraordinaire à l'OMS, semble moins active qu'elle pourrait l'être, bien que j'aie le sentiment qu'elle voudrait l'être plus si elle trouvait les ressources nécessaires.
    Je suis très déçu par un certain nombre d'agences de l'ONU, bien que j'estime que le Programme alimentaire mondial et l'Organisation mondiale de la santé se distinguent par leurs efforts. Je crois que l'Unicef a été moins efficace et que le Programme des Nations unies pour le développement a été moins efficace ces dernières années. Il y a un vrai problème en ce qui concerne les enfants et il n'y a aucune raison qu'il existe. Très franchement, les ONG peuvent être extraordinaires, certaines d'entre elles étant très actives sur le terrain — Aide à l'enfance, Care, Vision mondiale. Médecins sans frontières fait un travail de terrain magnifique. Je serais presque prêt à donner ma vie pour Médecins sans frontières. Il y a aussi une organisation américaine, Partners In Health, qui est extrêmement efficace au niveau local.
    La situation est donc un peu mitigée mais on peut toujours trouver de très bons acteurs, locaux ou externes, qui changent vraiment les choses.
    Vous avez mentionné plusieurs gouvernements — du Botswana, du Rwanda. Pouvez-vous nous dire ce qu'ils font que les autres ne font pas? Mettent-ils en place des mécanismes de distribution adéquats pour acheminer les médicaments vers les régions affectées, par exemple? Travaillent-ils un peu mieux avec nous sur le plan international? Que font-ils de plus que les autres?
    Dans un sens, je pense que c'est la qualité du leadership politique qui a fait de la pandémie une cause célèbre, et c'est pourquoi tout le monde agit aussi intensément. Ce que beaucoup ont fait, c'est distribuer les médicaments gratuitement. Ensuite, ils ont compris qu'ils ne devaient pas se concentrer uniquement dans les grands centres urbains mais aller aussi dans les régions rurales. Et il n'est pas toujours nécessaire que ce soit un médecin qui fasse le travail, ça peut être une infirmière ou un travailleur en santé communautaire.
    Ils ont aussi instauré des programmes très intensifs de formation et de recyclage pour essayer de combler les carences causées par la perte de travailleurs de la santé. Ils encouragent les gens à obtenir des conseils et à se faire examiner. Le Botswana a été l'un des premiers à mettre en place ce qu'il appelle des examens de routine où toute personne qui se présente à un médecin ou à une infirmière, que ce soit pour un rhume ou un cancer, se voit demander si elle a passé un examen du VIH, ce qui produit des taux d'examen beaucoup plus élevés qu'ailleurs.
    Dans un petit pays comme le Lesotho, des gens font maintenant du porte-à-porte dans tout le pays pour offrir à toute personne de plus de 12 ans la possibilité de se faire examiner. Ce pays a formé 7 000 travailleurs en santé communautaire. Il convient donc de souligner, monsieur, que ces pays déploient vraiment beaucoup d'efforts pour résister à la pandémie.
(1600)
     Merci beaucoup.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Carrie. Merci de vos questions.
    Nous passons maintenant à monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lewis, de témoigner aujourd'hui.
    Alors que nous discutons de ceci, je trouve ironique de voir devant moi une affiche de la campagne Humanity First, de Tommy Douglas, dont le slogan était « Les gens avant les profits ». Il y a trois ans, quand nous discutions de ce projet de loi, on avait l'impression qu'il n'y avait pas la volonté politique nécessaire pour qu'il soit le meilleur possible.
    Ce qui m'inquiète — et je le disais lors des audiences de lundi —, c'est qu'il semble que nous pensons être le premier pays, et le plus avancé, à avoir produit un modèle. En réalité, je me demande si nous n'avons pas empiré les choses en établissant une norme que les autres gouvernements ont suivie. Or, personne n'est passé à l'action, nulle part.
    Je suis choqué. Je dirais que c'est un génocide qui se passe actuellement. Les mesures existent pour aider les malades mais, pour une raison ou une autre, une excuse ou une autre, on ne fait rien.
     Que se passe-t-il là-bas en ce qui concerne les pertes de professionnels — d'enseignants, de médecins, d'infirmières? Si nous réussissons à envoyer des médicaments là-bas — au Rwanda, par exemple, et ailleurs —, leur sauvons-nous la vie? Arriverons-nous à faire en sorte que des enfants cessent de devenir d'office des chefs de famille? Quelle est la capacité d'ingénuité humaine et d'apprentissage qui est perdue par notre inaction? Sommes-nous en train de perdre l'aptitude, jour après jour, d'améliorer réellement la situation?
    La perte de capacités humaines est un cauchemar. Je pense qu'on comprend partout que les dommages causés dans de nombreux secteurs — la santé, l'éducation, l'agriculture — sont profonds et très graves. L'un des problèmes pour la diffusion des traitements est que nous avons perdu tant de personnes que nous manquons bien souvent de professionnels ou de quasi-professionnels pour rendre les choses possibles.
    Des efforts considérables sont déployés pour former des gens et en recycler. L'Organisation mondiale de la santé affirme aujourd'hui que l'Afrique manque d'un million de travailleurs de la santé, ce qui est évidemment un chiffre énorme, et le problème s'étend peu à peu à de nombreux pays.
    Quand nous faisons des choses utiles... Par exemple, DFID du Royaume-Uni a fourni une somme de près de 300 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer les salaires et les conditions de vie de la fonction publique du Malawi, en mettant particulièrement l'accent sur le secteur de la santé. Les gens ont alors cessé de quitter le pays pour aller chercher du travail ailleurs. Ils avaient une certaine sécurité d'emploi et de revenus. Les Irlandais font la même chose au Lesotho.
    Quand j'étais au Swaziland, j'ai vu un centre de bien-être mis sur pied pour des infirmières et d'autres travailleurs de la santé où les gens se sentaient traités d'une manière spéciale — c'est quelque chose qu'il faut faire avec beaucoup de travailleurs du secteur de la santé parce qu'ils n'ont pas envie de se retrouver dans les mêmes files d'attente pour avoir des médicaments que les gens qu'ils sont censés traiter — et cela a eu pour effet secondaire d'arrêter le départ d'infirmières vers d'autres pays.
    Nous avons donc appris, par diverses interventions, qu'un pays peut conserver ses professionnels. Après ça, il faut se démener comme un diable pour en trouver d'autres et pour essayer de faire revenir ceux qui étaient partis.
     Cela dit, les pertes sont terribles. Voyez simplement ce qu'est devenue l'espérance de vie dans beaucoup de ces pays. Elle tombe parfois à un niveau qui se situe entre 36 et 45 ans. Écoutez, c'est presque la moitié de l'espérance de vie au Canada.
    Dans votre exposé, vous avez parlé d'intimidation en disant que le premier pays qui prendra l'initiative pourrait faire l'objet de représailles des compagnies pharmaceutiques. Vous avez mentionné la situation en Indonésie.
    La fois précédente, cette situation s'est présentée quand Bayer m'a contacté pour m'inviter à faire du lobbying afin de faire retirer Avelox de la liste des médicaments inscrits à l'annexe parce que nous avions décidé de dresser une liste des traitements disponibles.
    Pourriez-vous donner plus de détails sur votre préoccupation concernant l'établissement d'une norme ou d'un précédent pouvant être invoqué plus tard contre un pays? Les répercussions dépassent probablement largement le seul cas des médicaments contre le sida. Il y a probablement d'autres médicaments auxquels ils craignent de ne plus avoir accès pour leurs citoyens.
    Oui, et je pense que mes collègues des ONG défendront avec vigueur l'idée qu'on n'avait jamais envisagé cela purement et simplement pour le VIH. C'est ma préoccupation, pas la leur. Je pense qu'ils vous diront aussi que l'inscription de médicaments à l'annexe n'est pas compatible avec l'ouverture des marchés résultant de l'accord sur les ADPIC et de l'arrangement de l'OMC. Nous y avons ajouté notre propre estampille, qui a un effet limitatif.
    Je pense que le risque d'intimidation résulte du fait que ces pays ont le sentiment d'être extrêmement susceptibles aux pressions issues des accords commerciaux internationaux. Les compagnies pharmaceutiques ont des amis très puissants, notamment aux États-Unis.
    Vous vous souviendrez que, lorsque l'Afrique du Sud a voulu réduire le prix des médicaments, plus de 40 compagnies pharmaceutiques ont établi un consortium pour traîner le gouvernement devant les tribunaux. On ne saurait dire plus clairement : « N'essayez pas de nous résister ». Les compagnies pharmaceutiques n'ont été obligées de faire marche arrière, avec un certain degré d'opprobre et d'humiliation, que parce que le monde a réagi. Il était tout simplement inadmissible qu'elles s'imaginent pouvoir matraquer et soumettre un gouvernement en le traînant devant les tribunaux et en menaçant de quitter le pays.
    C'est une situation très délicate. Je n'ai d'ailleurs jamais très bien compris leur réaction car le marché des médicaments brevetés en Afrique n'est pas très vaste. Elles ne perdraient pas grand-chose. Leurs prix sont protégés dans le monde occidental où elles font leurs profits et exécutent leurs recherches. Je pense que ce texte de loi pourrait être réparé et être appliqué.
(1605)
    Je regrette, monsieur Masse, votre temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous en prie.
    Je donne maintenant la parole à monsieur Byrne puis, rapidement, à monsieur Martin.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lewis, je voudrais revenir sur cette question d'intimidation. L'autre jour, nous avons entendu des témoins du gouvernement du Canada et de ministères importants dire qu'il serait difficile d'expliquer pourquoi ce processus législatif, cette acceptation des dérogations aux ADPIC, ne donne pas un meilleur accès aux médicaments au nom des compagnies canadiennes, des producteurs génériques. Je me demande s'il n'y a pas une certaine intimidation exercée à l'endroit non seulement des pays importateurs, les pays destinataires, mais aussi des compagnies canadiennes qui pourraient vouloir participer à ça.
    Vous avez dit que l'Inde fait actuellement plus que ce qu'on est en droit d'en attendre. Elle s'est dotée d'une réglementation qui lui permet de produire ces médicaments, mais il me semble qu'elle a aussi des arguments commerciaux pour ce faire. Elle a une main-d'oeuvre bon marché, ses coûts de production sont beaucoup plus faibles et elle est ainsi devenue un entrepôt mondial d'antirétroviraux.
     Je me demande si vous croyez que le Canada, s'il modifiait ses paramètres commerciaux — Je crois comprendre que vous estimez que le texte de loi est assez satisfaisant, nonobstant la désignation des pays d'importation. Ce qui se passe, au Canada, c'est que les arguments commerciaux ne sont pas assez forts pour inciter les producteurs génériques à entrer en scène.
    Je me demande si l'ACDI n'aurait pas un rôle meilleur ou plus fort à jouer pour participer à ce genre d'activité, de la même manière qu'elle dispense une aide publique au développement pour d'autres types de services, que ce soit la télédétection environnementale ou l'approvisionnement en eau potable. L'ACDI passe des contrats avec des entreprises canadiennes pour les faire participer à des projets d'aide publique au développement, souvent en y contribuant financièrement.
    Si une société de produits génériques devenait le partenaire d'un pays importateur, en ayant l'ACDI comme partenaire financier, cela ne serait-il pas un meilleur modèle pour la mise en oeuvre du Régime canadien d'accès aux médicaments?
    J'ai deux ou trois choses à dire à ce sujet. Premièrement, je crois que le but de la législation est bon mais que le texte lui-même n'est pas bon. Je pense que la loi est profondément déficiente — je l'ai déjà dit — et qu'elle nécessiterait de profondes modifications pour être efficace. Certes, elle procède d'une intention parfaitement valable et généreuse. On a tiré parti de l'amendement apporté à la décision de l'OMC, la décision annoncée en août 2003 puis entérinée de manière permanente en 2005.
    Deuxièmement, je pense que le vrai problème est de trouver le moyen de délivrer une licence obligatoire, comme d'autres pays l'ont fait, c'est-à-dire de trouver une méthode rationnelle et facile, dépourvue de toutes les tensions et de toutes les difficultés qui semblent inhérentes à ce texte de loi.
    Troisièmement, l'ACDI peut certainement jouer un rôle utile comme elle le fait dans d'autres aspects du développement international mais, si l'on veut que les compagnies génériques puissent produire dans les pays en développement... Que ceux-ci soient achetés en route par l'ACDI ou par qui que ce soit d'autre, il faudra toujours qu'une licence obligatoire ait été délivrée.
    Autrement dit, il faudra toujours que la loi soit appliquée pour que l'ACDI puisse être utile, à moins que nous soyons prêts à utiliser des deniers publics pour acheter des médicaments qui coûtent extrêmement cher, ce qui n'aurait aucun sens.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur Lewis, de participer à notre séance d'aujourd'hui. Je voudrais vous demander rapidement votre avis sur trois questions précises.
    Ne pensez-vous pas que la loi offre deux possibilités pour distribuer immédiatement les médicaments? Premièrement, par le truchement de l'ACDI, le Canada pourrait financer des médicaments par l'intermédiaire de Health Partners International — pas seulement des ARV mais aussi tous les autres médicaments dont le pays destinataire estime avoir besoin.
    Deuxièmement, la loi pourrait être formulée de manière à ce que les sociétés de médicaments brevetés et de médicaments génériques puissent se faire concurrence pendant une certaine période. Si une compagnie générique gagnait, elle obtiendrait une licence obligatoire. De cette manière, les médicaments pourraient être distribués avec l'aide financière de l'ACDI.
    Finalement, pourriez-vous nous dire comment la Fondation Clinton a réussi à mettre en application un plan incroyable en un seul mois au Lesotho? Ce serait très instructif pour nous.
    Je n'en sais pas assez sur votre deuxième question, la concurrence entre les génériques et les brevetées, Keith — ça fait plaisir de pouvoir vous appeler Keith, et je connais Brian, ce qui fait au moins deux personnes que je peux appeler par leur prénom. Je pense que ça créerait des complications énormes sur le plan du droit international de la propriété intellectuelle et qu'il serait très difficile de concevoir une loi pouvant être mise en oeuvre dans ce contexte.
    Pour ce qui est de votre première idée, c'est à dire que l'ACDI achète les médicaments et les distribue aux pays qui en ont besoin, je pense qu'il y aura un vrai problème tant qu'on n'aura pas une loi débouchant sur la délivrance de licences obligatoires. Apparemment, il n'y aura plus de licences obligatoires; cette idée a été abandonnée dans les négociations des deux ou trois dernières années. Si l'on veut une licence obligatoire, il faut mettre rapidement en place le mécanisme permettant de la délivrer, que l'ACDI soit concernée ou non.
    Il me semble que le point focal de vos délibérations — corrigez-moi si je me trompe — est de savoir comment obtenir une licence obligatoire. Comment faire en sorte qu'une société générique produise le genre de médicaments qui sont extrêmement prisés en Afrique et qui permettent de sauver énormément de vies? Que l'ACDI puisse intercéder après la délivrance d'une licence obligatoire comme l'ont fait d'autres acheteurs — l'Unicef intercède comme acheteur et distributeur, et le Fonds mondial intercède, etc. —, il faut avant toute qu'une licence obligatoire soit disponible. Ils intercèdent maintenant avec l'Inde où ça ne pose pas de problème mais je soupçonne qu'ils intercéderaient avec le Canada si nous donnions une licence obligatoire pour des thérapies combinées à dose fixe de première ligne.
    Au Lesotho, un mois après avoir pris connaissance du problème, la Fondation Clinton a dit : « Nous allons signer avec vous un protocole d'entente qui nous permettra de négocier le prix des médicaments à la baisse ». C'est pour le Lesotho qu'elle a donné le prix de 139 $ par personne et par an. Elle l'a proposé un mois après avoir pris connaissance du problème, simplement parce qu'elle avait construit un appareil pour négocier avec les génériques en Inde. Elle pourrait être l'organisme négociant avec les génériques au Canada. Nous ferions partie du mécanisme qu'utilisent la Fondation Clinton et d'autres pour fournir des médicaments à l'Afrique.
    En conclusion, je pense que tout est fondamentalement en place au Canada, si ce n'est que — permettez-moi de le dire — nous avons une mauvaise loi qui ne marche pas. Si nous pouvions la faire marcher, le Canada jouerait ce rôle de premier plan. C'est ce que j'attends de mon pays, et c'est une attente merveilleuse.
    Merci beaucoup, monsieur Lewis.
     Nous sommes un peu coincés, maintenant. Il est 16 h 15 et, comme il y aura des votes à 17 heures 45, nous devrons mettre fin à la séance à 17 h 30, ce qui veut dire que le temps consacré aux ONG sera réduit d'une heure.
    Je propose de mettre fin à la session avec monsieur Lewis à 16 h 15. Je m'étais inscrit sur la liste, et j'avais aussi le nom d'un autre député, et je vais donc demander l'opinion du comité. Ma recommandation est que nous passions immédiatement aux ONG. Je sais que monsieur Lewis est un excellent témoin et que nous aimerions pouvoir discuter plus longtemps avec lui mais nous avons six représentants d'ONG et je crois que nous devrions leur accorder au moins une heure et 15 minutes.
    Cela vous convient-il? Il semble que oui.
    Monsieur Lewis, je vous présente mes excuses. Nous aimerions vous poser beaucoup d'autres questions mais, si vous avez d'autres informations à fournir au comité, n'hésitez pas à me les envoyer ou à les envoyer au greffier. Nous les communiquerons aux membres du comité. Merci beaucoup de nous avoir consacré votre temps aujourd'hui.
(1615)
    Vous êtes très généreux, monsieur le président, mais laissez-moi vous dire que vous allez maintenant parler à des gens qui savent vraiment de quoi ils parlent.
    Merci.
    Merci.
    Je suspends la séance pendant quelques minutes pour permettre aux représentants des ONG de s'installer.
(1615)

(1620)
    Le président : Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos travaux.
     Nous accueillons maintenant six témoins qui sont Sarah Perkins, du Programme des droits internationaux de la personne, de la faculté de droit de l'Université de Toronto; Richard Elliott, du Réseau juridique canadien VIH/sida; Robert Fox, directeur général d'Oxfam Canada; Michael O'Connor, directeur général de la Coalition interagence sida et développement; Carol Devine, agent de liaison sur l'accès aux médicaments essentiels, de Médecins sans frontières; et John Kelsall, président de Partenaires canadiens pour la santé internationale.
     Je vous donne à chacun cinq minutes pour vos déclarations liminaires, en commençant tout de suite avec madame Perkins.
    Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui, monsieur le président. Je comparais au nom de l'Initiative d'accès aux médicaments, du Programme des droits internationaux de la personne basé à la faculté de droit de l'Université de Toronto.
    Dans mon exposé, et vous trouverez cela dans mon mémoire, j'aborderai les trois principaux obstacles inhérents au régime d'accès aux médicaments.
    Dans la mesure du possible, nous avons tenté d'aborder notre examen du RCAM du point de vue du Ghana, l'un des pays qui devaient bénéficier de cette législation. Des représentants officiels du Ghana sont déjà venus deux fois au Canada pour apprendre comment notre pays pourrait leur fournir l'accès aux médicaments qui permettraient de traiter des dizaines de milliers de Ghanéens qui meurent actuellement du VIH/sida mais, malgré leurs efforts, ils ont dû constater que le régime du Canada est impénétrable.
    Pour remédier à cette situation, je vous implore d'envisager les amendements concrets proposés par le Réseau juridique canadien du VIH/sida, mais aussi de veiller à ce que le régime révisé englobe les trois recommandations suivantes.
    Premièrement, vous devez vous assurer que le RCAM est compatible avec les protocoles d'approvisionnement internationaux standards car il est inacceptable que le Canada adopte un système qui semble encourager les pays en développement à enfreindre leurs propres lois sur l'approvisionnement afin d'avoir accès aux médicaments canadiens. Les protocoles d'approvisionnement standards exigent que les gouvernements lancent des appels d'offres et choisissent le candidat le mieux-disant selon des critères objectifs. Le RCAM ne facilite pas l'application de ces lois sur l'approvisionnement.
    En vertu du RCAM, on ne peut obtenir de licence obligatoire que si le fabricant et le pays importateur sont déjà parvenus à une entente. Cela veut dire qu'au moment où le fabricant décide de répondre à un appel d'offre international, il ne peut le faire qu'à condition d'obtenir ensuite une licence. Or, une telle procédure n'est pas compatible avec les lois d'approvisionnement du Ghana et, même si elle l'était, l'offre serait tellement incertaine qu'elle serait jugée irrecevable. Il convient donc de modifier le RCAM pour permettre au fabricant de demander une licence obligatoire avant de passer une entente avec le pays importateur. Pour faciliter cette mesure, on ne devrait pas exiger du fabricant d'indiquer la personne ou l'entité à qui le produit doit être vendu.
    Notre deuxième recommandation est qu'il faut autoriser explicitement dans le RCAM l'octroi de licences pour approvisionner des groupements d'achat régionaux. Les marchés potentiels des petits pays sont insuffisants pour pouvoir profiter des économies d'échelle que permettent les achats groupés. Le fait que le RCAM n'englobe pas explicitement le paragraphe 6(i) de la décision du 30 août 2003 du Conseil général doit être corrigé pour permettre aux pays en développement et aux pays les moins développés de tirer parti de toutes les flexibilités des ADPIC qui étaient explicitement prévues à leur intention, notamment la possibilité, au titre de ce paragraphe, d'effectuer une redistribution régionale des médicaments avec une seule licence obligatoire.
    Notre troisième recommandation est qu'il convient d'abolir l'annexe 1 du RCAM et de préciser que le régime englobe les ingrédients pharmaceutiques actifs.
    En ce qui concerne l'annexe 1, l'existence de cette liste constitue un obstacle immédiat pour les gouvernements des pays en développement. J'ai vu sur leurs visages les réactions des ministres de la santé des pays étrangers lisant cette liste. Ils étaient déconcertés, déçus et furieux parce que cette liste ne contient quasiment aucun des médicaments qui les intéressent le plus et qu'ils veulent désespérément donner à leurs populations.
    La liste restreinte des médicaments exacerbe l'incertitude et donne l'impression — à juste titre — que les sociétés canadiennes seront incapables de répondre rapidement aux appels d'offre de médicaments.
    En ce qui concerne les ingrédients pharmaceutiques actifs, notre analyse du RCAM a surtout porté sur l'offre de produits pharmaceutiques finis aux pays en développement. En 2001, l'OMC s'était engagée à faire des efforts pour s'assurer que les pays en développement recevraient leur part de l'expansion du commerce international grâce à des programmes de développement des capacités. L'Organisation s'était également engagée à s'attaquer à la marginalisation de ces pays développés dans le commerce international.
    La décision du 30 août 2003 entérinait ces engagements en précisant que ce régime devait être utilisé de manière à promouvoir la facilitation de la production locale de médicaments dans les pays en développement et les pays les moins développés. Le Canada ferait preuve d'une négligence coupable s'il ne cherchait pas d'autres méthodes que l'offre de médicaments pour assurer un approvisionnement à long terme et durable à l'échelle mondiale, notamment en appuyant la fabrication locale.
    La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, dont le Ghana fait partie, se tourne de plus en plus vers l'approvisionnement en gros et la fabrication locale des médicaments essentiels pour remplacer les importations. Ses efforts ne rendront pas le RCAM inutile. Au contraire, celui-ci restera tout aussi crucial pour les ingrédients pharmaceutiques actifs. Le Canada et ses producteurs génériques devraient assurer le transfert technologique et le développement des capacités des producteurs pharmaceutiques locaux comme l'envisageait explicitement le Conseil général dans sa décision.
    En conclusion, le secteur privé du Canada et nos élus ont fait de grandes promesses pour lutter contre les problèmes d'accès aux médicaments dans le monde en développement. L'heure est venue de commencer à faire preuve de créativité pour assurer cet accès. Cela changera du tout au tout la situation de personnes qui, sinon, seront condamnées à mort et, si nous tenons notre parole cette fois, nous pourrions devenir les leaders dont la résolution de cette crise a tellement besoin.
    Merci.
(1625)
    Merci, madame Perkins.
    Nous passons maintenant à monsieur Elliott.

[Français]

    Mon nom est Richard Elliott. Je suis avocat et directeur adjoint du Réseau juridique canadien VIH/sida. Nous avons remis aux membres du comité un mémoire abrégé contenant plusieurs recommandations sur les amendements au Régime canadien d'accès aux médicaments.
    Comme nous le savons tous, le Régime canadien d'accès aux médicaments ne remplit pas la promesse du Canada d'aider les pays en développement à obtenir des médicaments abordables. Selon nous, il y a plusieurs explications à cela. Notre recommandation d'aujourd'hui a pour but de proposer un système différent qui, peut-être, remplira la promesse du Canada.

[Traduction]

     Comme nous le savons tous, le Régime canadien d'accès aux médicaments n'a pas produit les résultats attendus depuis son adoption il y a trois ans. Avec les recommandations que nous vous proposons aujourd'hui, nous espérons vous fournir des propositions d'amendements très concrètes qui simplifieront et rationaliseront considérablement le processus existant, ce qui est le coeur du problème. Nous vous adresserons dans les prochains jours un mémoire plus détaillé mais vous trouverez déjà dans la documentation qui vous a été remise des propositions concrètes concernant les dispositions précises qu'il conviendrait de retirer de la législation et celles qu'il conviendrait d'y ajouter pour mettre en application les recommandations que je vais formuler dans les minutes qui suivent.
    Avant de ce faire, demandons-nous pourquoi le régime canadien n'a pas fonctionné. Nous savons que ce n'est pas parce que le besoin de médicaments est inexistant. Comme l'a dit monsieur Lewis il y a un instant et comme nous avons pu le lire dans le rapport de l'ONU publié cette semaine, près des trois-quarts des personnes vivant avec le VIH dans le monde en développement n'ont toujours pas accès aux antirétroviraux dont elles ont besoin, malgré les progrès réalisés ces derniers temps. Il est incontestable, comme on nous l'a dit, que les fonds nécessaires pour réagir à la pandémie mondiale du sida restent désespérément insuffisants.
    Certes, on essaye de réunir des fonds supplémentaires et ce, depuis plusieurs années. Cela ne suffit pas mais on constate néanmoins une diffusion croissante des traitements. Le manque de ressources n'est donc pas, comme certains le disent, un facteur suffisant pour expliquer pourquoi le régime canadien n'a pas fonctionné, pas plus que ceux d'autres pays ayant adopté un régime foncièrement similaire. À notre avis, il est parfaitement clair que trois ans et demi après l'adoption par l'OMC d'une décision qui était censée permettre aux pays en développement de faire un usage efficace des licences obligatoires pour obtenir des médicaments meilleur marché, et après l'adoption de ce mécanisme par plusieurs pays, dont le Canada, le problème vient du mécanisme lui-même.
    Permettez-moi d'abord d'exposer certaines failles spécifiquement canadiennes dans la mise en oeuvre de cette décision de l'OMC.

[Français]

    Nous avons une liste limitée de produits qui peuvent être fabriqués en version générique pour l'exportation. Cette liste limitée devrait être éliminée. Peu importe le produit pharmaceutique dont il est question, on en a besoin. On devrait pouvoir produire des versions génériques abordables pour l'exportation. On devrait également éliminer l'exigence d'obtenir la permission du gouvernement du pays importateur pour les ONG qui veulent fournir des médicaments génériques abordables.

[Traduction]

    Nous devrions éliminer l'exigence supplémentaire inutile et injustifiée qui a été imposée aux pays en développement qui n'appartiennent pas à l'OMC pour pouvoir importer des médicaments génériques fabriqués au Canada. Nous devrions aussi éliminer les dispositions du Régime canadien d'accès aux médicaments qui offrent des possibilités supplémentaires aux compagnies de médicaments brevetés de s'adresser aux tribunaux pour intenter des poursuites vexatoires qui freinent encore plus le processus.
    Nous devons éliminer la limite arbitraire de deux ans concernant la durée d'une licence obligatoire, qui existe actuellement dans le régime canadien. C'est une limite complètement arbitraire que n'exigeait pas la décision de l'OMC qui fonde la législation.
    Plus fondamentalement, au-delà de ces particularités de la mise en oeuvre par le Canada de cette décision de l'OMC, le problème crucial émane de la décision elle-même. Le mécanisme a été la base non seulement de notre législation mais des lois adoptées par une douzaine d'autres pays, dont aucune n'a produit plus de résultats.
    Le problème est que la décision de l'OMC est inutilement compliquée, prend beaucoup de temps et pose des risques. Elle met en place un processus d'obtention d'une licence obligatoire qui est irréaliste, n'est pas convivial et ne répond pas aux besoins et aux réalités des pays en développement ni aux préoccupations d'ordre pratique que connaissent les fabricants de médicaments génériques qui, comme nous le savons, s'intéressent avant tout à des facteurs d'ordre commercial, tout comme les fabricants de médicaments brevetés.
    Il est difficile de ne pas conclure qu'il y a un vice dans le système lui-même. Nous avons entendu lundi des représentants du gouvernement s'adresser à votre comité pour expliquer le processus actuel. Il leur a fallu plus d'une minute pour n'expliquer que la première étape du processus avant qu'on les interrompe. Permettez-moi donc de vous exposer le processus complet, pour que vous en compreniez bien le caractère très complexe.
    Comme l'a dit madame Perkins, chaque fois qu'un pays en développement veut commander la version générique d'un médicament breveté, il doit négocier un contrat avec un producteur générique du Canada. Ce contrat ne peut être que provisoire car aucune licence n'est délivrée à ce moment-là, et le producteur doit alors passer par tout le processus consistant d'abord à demander une licence volontaire puis à essayer de négocier une redevance. C'est seulement alors qu'il obtiendra peut-être une licence qui lui permettra de fournir le produit demandé, dans la quantité demandée, au pays considéré.
    Le fournisseur devra reprendre tout le processus chaque fois. À notre avis, il serait beaucoup plus simple, plus direct et plus rationnel de délivrer une licence au début du processus, comme le disait madame Perkins. Cela permettrait aux fabricants de médicaments génériques d'exporter le produit vers n'importe lequel des pays admissibles au titre de cette législation, à condition qu'il verse périodiquement les redevances applicables aux sociétés de médicaments brevetés du Canada.
     Une seule licence au début du processus permettrait aux sociétés de médicaments génériques d'être compétitives, couvrirait les pays admissibles et n'obligerait pas à reprendre tout le processus à chaque fois. Comme nous l'avons dit, cela serait également conforme à nos obligations en vertu de l'OMC.
    Merci.
(1630)
     Je suis désolé de devoir vous interrompre mais nous avons quatre autres témoins à entendre.
    Monsieur Fox, vous avez la parole.
    Je suis très heureux d'être avec vous cet après-midi, monsieur le président. Comme vous le savez, je suis le directeur général d'Oxfam Canada, organisation qui est très active en Afrique australe et dans le reste du monde au sujet de ces questions, à la fois en première ligne pour travailler quotidiennement avec les gens créatifs et courageux qui mènent ces luttes et aussi devant les tribunes internationales que sont l'OMC et les Nations Unies, ainsi que devant le Parlement canadien. Nous avons déjà comparu devant votre comité au sujet de ces questions.
    Je me trouvais il y a deux semaines au Zimbabwe où j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes différentes qui sont confrontées à ces problèmes dans leur vie quotidienne, et dont certaines attendent même leur mort prochaine. Rien ne concentre autant l'esprit que de s'asseoir sur un bout de carton avec quelqu'un dont la santé s'étiole sous vos yeux et de partir ensuite rencontrer une autre personne que vous aviez vue six mois auparavant lors de votre dernier séjour en Afrique australe, qui était alors dans la même situation et qui est maintenant devenue une organisatrice communautaire, une femme faisant la promotion de la santé de manière vitale et active, et un leader de sa communauté qui s'occupe de ses enfants et essaye de gagner sa vie — ce qui n'est pas facile au Zimbabwe, mais c'est une autre histoire — parce qu'elle a finalement obtenu accès aux ARV. On parle parfois de Lazare ressuscité mais, quand vous avez l'occasion de voir ça vous-même, c'est absolument incroyable et très émouvant. Voilà le genre de problème dont nous parlons aujourd'hui.
     il ne s'agit pas seulement du VIH/sida. Nous savons qu'il y a de plus en plus de millions de gens dans les pays en développement qui risquent d'être atteints du cancer. Le nombre de personnes atteintes du diabète, par exemple, est censé passer de 30 millions à 330 millions dans les prochaines années.
    Le problème du prix des médicaments est absolument crucial pour nous tous. Il ne fait aucun doute qu'il y a à ce sujet des obstacles sérieux. Le monde a accepté nos promesses. C'est de cela que parlait la déclaration de Doha mais nous avons permis que l'intention du monde soit entravée par les profits des grandes entreprises et par les intérêts qui les appuient.
    Quand on voit ce qui se passe à l'heure actuelle au niveau mondial du point de vue du rôle du gouvernement des États-Unis, en particulier, on constate que les États-Unis négocient de manière très agressive des accords commerciaux bilatéraux et régionaux qui sont en réalité des ADPIC-plus. Autrement dit, loin de faciliter l'accès aux médicaments, ils le rendent encore plus difficile et ils créent plus d'obstacles que jamais à l'accès à des soins de santé abordables.
    Voyez le rôle des grandes compagnies pharmaceutiques et voyez ce qu'elles disent. Elles disent qu'elles doivent investir beaucoup en R-D mais, soyons sérieux, elles consacrent seulement 14 p. 100 de leurs revenus à la recherche contre 32 p. 100 à l'administration et au marketing. Quand on parle de leur engagement envers les pays du Sud, sur les 1 556 médicaments pour lesquels elles ont demandé un brevet ces dernières années — j'ai oublié le chiffre exact mais je pourrais le trouver, il est dans notre mémoire —, 21 seulement concernent des maladies typiques des pays du Sud, comme le paludisme ou le schistosome. Or, il s'agit là de questions de vie ou de mort, pas pour les consommateurs de drogues de luxe des pays du Nord mais pour des gens qui vivent avec moins d'un dollar par jour dans les pays du Sud.
    Et pourtant, ces grandes compagnies pharmaceutiques ont l'audace d'être très agressives en s'attaquant aux pays du Sud qui essayent d'obtenir l'accès aux médicaments. Novartis a eu l'audace de traîner le gouvernement indien devant les tribunaux pour exiger qu'il abroge une loi autorisant la production d'un médicament contre le cancer qui pourrait tout changer pour des millions de citoyens indiens et d'autres personnes dans le monde qui risquent d'être privées de l'accès à ce médicament.
    Au Canada, bien sûr, elles n'ont pas essayé de jouer les gros bras. Elles ont plutôt essayé de faire du lobbying et elles ont eu autant de succès. Nous avons intégré tellement d'arcanes bureaucratiques dans notre régime qu'il est complètement impossible d'en tirer parti. Encore une fois, la volonté du législateur et la volonté des Canadiens ont été étouffées par une législation qui est beaucoup trop timide et beaucoup trop servile à l'égard d'intérêts qui n'ont rien à voir avec l'humanité, rien à voir avec les droits humains et rien à voir avec l'accès des populations aux soins de santé, mais tout à voir avec la protection de privilèges et la protection de profits.
    Voyez par exemple l'ordre du jour du sommet du G8 de juin — le sommet qui était censé revenir sur la question de l'Afrique. Voyez la partie concernant les ébauches d'accords, puisque ces choses-là sont réglées des mois à l'avance, comme vous le savez. La partie de l'accord concernant la propriété intellectuelle est totalement consacrée au piratage. Il s'agit uniquement de resserrer les boulons. Il s'agit uniquement de s'assurer que personne, n'importe où, dans n'importe quelle circonstance, ne puisse produire ces médicaments de manière plus équitable et moins dispendieuse, au lieu d'offrir une vraie solution au problème.
(1635)
    Si nous pouvons prendre un médicament qui coûte 10 000 $ par an et par personne et en produire un équivalent générique coûtant 139 $ par an et par personne, ça devrait mettre fin à toute discussion. Tous nos efforts devraient être consacrés aux mesures nécessaires pour acheminer ce médicament aux gens qui sont sur le point de mourir parce qu'ils n'y ont pas accès.
    Merci.
    Merci, monsieur Fox.
    Je donne maintenant la parole à monsieur O'Connor.
    Merci beaucoup, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser au comité pour la révision de cette législation.
    Je représente la Coalition interagence sida et développement qui est une organisation regroupant 150 organismes de première ligne oluttant contre le sida au Canada, des agences de développement, des associations professionnelles et des organisations syndicales. Je représente l'ISD auprès d'organismes internationaux comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et le Programme de l'ONU contre le sida.
    J'ai déjà eu l'occasion de m'adresser à votre comité en 2004. En relisant mes notes, j'ai comparé avec beaucoup d'intérêt les questions dont nous avions traité à cette occasion. Les mêmes préoccupations existent encore aujourd'hui et doivent donc être réitérées.
    À l'époque, nous avions dit que cette législation était très importante. Elle faisait partie de la réaction exhaustive du Canada à une crise de santé à l'échelle mondiale. Comme vous le savez, 3 millions de personnes meurent chaque année du sida, 2 millions meurent de la tuberculose et un million meurent inutilement du paludisme. Par le truchement de leur parlement, les Canadiens avaient pris cet engagement avec les meilleures intentions au monde.
    Plusieurs choses ont changé depuis 2004, comme je vais l'indiquer. L'engagement politique est aujourd'hui plus fort qu'en 2004. Lors des rencontres du G8 en 2005, le monde, Canada compris, s'est engagé à faire en sorte que toute personne ayant besoin d'un traitement pour le VIH/sida y aurait accès d'ici à 2010. C'était ce qu'on appelait l'engagement d'accès universel. C'était un engagement audacieux qui a été réitéré aux Nations Unies lorsque tous les pays l'ont endossé en juin 2006.
    Il y a eu un changement aussi sur le plan financier, c'est-à-dire sur l'argent nécessaire. Le Fonds mondial, qui est le principal mécanisme de versement des fonds pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme, venait juste d'être mis sur pied en 2004 mais, depuis, son financement a augmenté. Aujourd'hui, il est doté de 7,1 milliards de dollars qui sont consacrés à des programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme dans 136 pays. En 2010, la somme atteindra probablement 8 milliards de dollars, dont la majeure partie sera consacrée à des médicaments et à d'autres produits de santé. Donc, l'argent est là.
    Cet élément du casse-tête doit être réitéré chaque année. Le Canada a fait une contribution raisonnable au Fonds mondial, de l'ordre de 4 p. 100, et nous espérons qu'il maintiendra cet engagement.
    On a parlé de goulots d'étranglement. Certes, c'est toujours un problème mais on s'y attaque avec détermination. Comme vous le savez, à la réunion du G8 de l'an dernier, le premier ministre Harper a pris un engagement très audacieux de 450 millions de dollars sur 10 ans qui seront consacrés à renforcer les systèmes de santé.
    Le programme sera mis en oeuvre par l'ACDI au cours des prochaines années. C'est un programme qui permettra de s'attaquer non seulement aux problèmes d'infrastructure existant dans certains pays mais aussi à certaines pénuries de professionnels de la santé en améliorant leur milieu de travail et en offrant de la formation professionnelle.
     Le besoin est évident, comme l'ont clairement montré Stephen et mes collègues. Certaines personnes auront besoin du traitement pendant toute leur vie. À l'heure actuelle, comme l'a dit Stephen, 5 millions de personnes devraient recevoir le traitement. En 2010, leur nombre se situera entre 8 et 10 millions. Il s'agit là d'un traitement du VIH pendant toute la vie. L'accroissement du nombre de patients exigera des traitements de deuxième ligne.
     On aura aussi besoin de traitements complexes contre la tuberculose. De plus en plus de gens n'arrivent pas à se faire traiter avec des médicaments dont le brevet a expiré. Nous avons besoin de beaucoup plus des médicaments de pointe que le Canada peut produire.
    En conclusion, je crois que les recommandations du Réseau juridique VIH/sida et de l'Université de Toronto concernant les modifications à apporter à cette législation doivent être prises en considération.
(1640)
    J'ai plus que jamais la conviction que la législation mérite d'être réparée. Quand vous entendez ces chiffres, vous vous demandez peut-être si cet effort en vaut la peine. Eh bien oui, soyez-en convaincus. Vous allez sauver la vie de beaucoup de gens. C'est un travail important que vous avez à faire, qui permettra d'avoir un impact non seulement dans l'immédiat mais aussi à long terme, et je pense que les Canadiens auront toutes les raisons d'être fiers si la législation est réparée correctement et que nous prenons cette mesure importante pour une réaction exhaustive au problème.
    Merci.
    Merci, monsieur O'Connor.
    Madame Devine a maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président, d'accorder à Médecins sans frontières la possibilité de comparaître aujourd'hui devant votre comité.

[Français]

    Je veux vous remercier de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Je représente MSF en tant qu'humanitaire. Je ne suis pas une spécialiste du droit de la propriété intellectuelle ou du droit des brevets J'ai travaillé au Rwanda, au Soudan, au Timor-Oriental et au Pérou avec MSF et j'ai pu constater personnellement les ravages causé par le sida et les autres maladies infectieuses non traitées. J'ai aussi vu les conséquences des monopoles pharmaceutiques sur le prix des médicaments. En 2006, j'ai participé aux premières consultations sur le projet de loi C-9, l'EJCA.
    Aujourd'hui, MSF dispense une assistance médicale indépendante dans 70 pays. Dans 30 de ces pays, nous traitons 80 000 personnes avec des antirétroviraux et nous appliquons des programmes intégrés de traitement, de prévention et de soins sur le VIH. Nous pouvons donc voir de près la réalité de l'approvisionnement en médicaments et la nécessité d'un accès fiable à des médicaments abordables. Chaque année, nous dépensons des millions de dollars pour acheter des médicaments, notamment grâce aux 22 millions de dollars donnés par les Canadiens l'an dernier.
    La déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique par l'Organisation mondiale du commerce, en 2001, prenait acte des problèmes que connaissent beaucoup de pays pour avoir accès aux nouveaux médicaments. Bien que Doha ait clarifié le droit des pays à prendre des mesures pour lever les obstacles causés par les brevets du point de vue de l'accès de tous aux médicaments, la déclaration n'a pas réglé le problème de l'exportation de médicaments produits sous licence obligatoire, ce qui est le thème du débat d'aujourd'hui.
    Quand la solution a été annoncée, en 2003, MSF et d'autres organismes ont dit que la décision du 30 août était trop onéreuse et trop lourde. Elle était trop bureaucratique. Pourtant, MSF s'est engagée a essayé de la mettre en oeuvre et a déclaré que : « Les pays doivent se prévaloir dès maintenant de la déclaration de Doha pour procurer des médicaments au meilleur prix à leurs populations. L'expérience qu'ils acquièrent mettra à l'épreuve les limites des règles de l'OMC en matière de brevets et sera inestimable après Cancun ». Cette occasion existe encore.
    Chose louable, le Canada est le premier pays à avoir tenté d'appliquer la solution. J'ai participé de près à ce processus en pressant le Canada d'établir un précédent efficace, comme beaucoup d'autres l'ont fait au Canada et à l'échelle internationale.
    En février 2004, mon collègue Michael O'Connor a témoigné devant votre comité. Nous avions déclaré alors que nous pouvions prévoir que le projet de loi canadien ne donnerait pas de résultats à moins d'en corriger les déficiences fondamentales et d'en éliminer certaines limitations fatales allant au-delà des exigences des ADPIC. Certaines ont été éliminées mais d'autres demeurent.
    Nous avons essayé de bonne foi de placer une commande en vertu du Régime canadien d'accès aux médicaments. Avec d'autres parties prenantes du gouvernement canadien, nous avons consacré plus de deux ans à essayer de faire fonctionner ce régime. En bref, nous avons été en liaison avec une société canadienne de médicaments pharmaceutiques qui a rapidement mis au point un antirétroviral à doses fixes combinées qui n'existait pas à l'époque sous forme approuvée. Santé Canada nous a informés officiellement que le médicament avait été approuvé et que c'était un médicament de qualité mais aucun pays en développement n'a notifié les ADPIC de son désir d'utiliser ce régime.
    Stephen a mentionné que c'est une solution qui fonctionne médicament par médicament et pays par pays, avec beaucoup d'obstacles bureaucratiques. Entre temps, ce même médicament a été fabriqué par des sociétés génériques indiennes et a été préqualifié par l'OMS.
    Pour l'acheter, il ne faut subir aucune procédure additionnelle et il n'est pas nécessaire de notifier l'OMC. Logiquement, les pays préfèrent cette méthode. De récents développements en Thaïlande et en Inde illustrent malheureusement pourquoi c'est le cas et on vous en a déjà parlé aujourd'hui.
    J'ai deux questions fondamentales à aborder en conclusion.
    Depuis trois ans, MSF essaye honnêtement de fournir des médicaments par le truchement du Régime canadien d'accès aux médicaments. Or, aucun comprimé n'a encore quitté le Canada ni aucun autre pays ayant mis en oeuvre la décision du 30 août. Force nous est donc de conclure que la décision de l'OMC n'est pas efficace et ne constitue pas une solution, mais nous pensons au demeurant qu'elle peut encore être modifiée.
    Il existe encore aujourd'hui des sources de médicaments génériques en Inde mais ces sources vont se tarir parce que l'Inde commence à accorder des brevets pharmaceutiques. À ce moment-là, il sera crucial que la production pour l'exportation de médicaments fabriqués sous licence obligatoire devienne aussi facile qu'elle l'est aujourd'hui.
    Nous implorons le Canada de mettre en oeuvre des solutions réalistes et compatibles avec les ADPIC — on en a donné certains exemples —, d'améliorer sa législation et d'offrir un meilleur modèle au monde en nous assurant aujourd'hui qu''il va le soumettre à l'OMC. Nous avons pris des engagements envers la population canadienne, mais nous en avons pris également en tant que pays membre de l'OMC à Doha, où ce concept de l'accès aux médicaments pour tous a été adopté.
    Deuxièmement, l'accès aux médicaments reste une préoccupation quotidienne pour MSF. Il est indispensable de faire passer l'intérêt des gens avant les brevets, comme l'indique l'affiche dont on a parlé plus tôt, autant dans la législation canadienne qu'à l'OMC. Notre expérience nous a montré que la concurrence des génériques est une manière cruciale d'assurer l'accès de millions de gens aux médicaments. Plus de 80 % des patients que nous traitons le sont avec des médicaments génériques indiens dont l'approvisionnement risque de se tarir à cause de l'obligation de respecter les ADPIC et le brevetage planétaire. Depuis Doha, nous avons vu que les intérêts commerciaux peuvent parfois primer sur l'accès aux médicaments.
(1645)
    Je voudrais juste mentionner qu'on a parlé aussi des médicaments de deuxième ligne, dont le besoin est de plus en plus urgent. Le Canada peut jouer un rôle en fabriquant des médicaments de deuxième ligne à formulation pédiatrique.
    Nous vous encourageons à prendre les mesures logiques qui s'imposent pour respecter vos promesses.
    Merci.
     Merci beaucoup, madame Devine.
    Nous passons finalement à monsieur Kelsall.
    Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à m'adresser au comité sur ce sujet qui me tient très à coeur.
    Je m'appelle John Kelsall et je suis président de Partenaires canadiens pour la santé internationale. PCSI est une agence canadienne dynamique à but non lucratif oeuvrant dans le secteur de l'aide médicale qui fournit des médicaments essentiels, des appareils médicaux et des vaccins aux populations de certains des pays les plus pauvres au monde.
    Nous sommes heureux que le gouvernement du Canada ait décidé de se pencher attentivement sur le fonctionnement du régime d'accès aux médicaments destinés à empêcher des pertes de vie et à atténuer les souffrances attribuables notamment aux effets dévastateurs de la pandémie de VIH/sida. Nous appuyons sans réserve les objectifs du régime, c'est-à-dire venir en aide à des personnes qui en ont désespérément besoin.
    Depuis la Conférence internationale sur le sida qui s'est tenue à Toronto en août dernier, la plupart des Canadiens sont au courant du problème du VIH/sida, notamment en Afrique subsaharienne. Grâce aux médias, beaucoup ont pu constater les ravages de ce fléau. Quiconque a des yeux pour voir la détresse des victimes, des oreilles pour entendre leurs histoires d'horreur, et un coeur pour ressentir de la compassion ne peut que vouloir faire quelque chose. J'ai personnellement constaté les effets de cette catastrophe et entendu les appels au secours des victimes.
    Selon ONUSIDA, un enfant de moins de 15 ans est infecté chaque minute de chaque jour. Quatre-vingt-dix pour cent des plus de 5 millions d'enfants infectés sont africains. En Afrique subsaharienne, 50 p. 100 des personnes vivant avec la maladie sont des femmes. Sur le continent, les trois quarts des jeunes infectés sont des femmes de 15 à 24 ans.
    Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir pris l'engagement d'assurer la fourniture de médicaments essentiels abordables pour atténuer les souffrances des victimes. Nous sommes également très conscients qu'on a besoin d'ARV devant être fournis de manière coordonnée, c'est-à-dire avec la prestation de conseils aux patients et de soins à domicile, en ayant recours à des professionnels de la santé et à des laboratoires d'analyses sanguines, et en faisant en sorte que l'offre d'ARV, d'autres médicaments et d'appareils médicaux soit toujours assurée.
    Nous croyons que le gouvernement devrait avoir pour politique de permettre aux organismes d'aide comme le nôtre de devenir la main tendue des Canadiens, d'une manière à la fois raisonnable et responsable. Nous savons cependant que votre étude est destinée à résoudre des problèmes d'ordre pratique et de réglementation concernant la question de savoir à qui les médicaments doivent être vendus et à quelles conditions. Nous avons la conviction que les personnes de coeur trouveront des solutions réalistes et équitables à ces problèmes.
    Nous vous avons déjà communiqué officiellement nos positions sur ce sujet et, dans le cadre de cette discussion, je veux simplement souligner nos principales recommandations.
    Premièrement, adopter une démarche intégrée face au problème du VIH/sida. PCSI recommande au gouvernement, aux organismes d'aide, au secteur privé et aux institutions civiles d'équilibrer l'affectation des fonds et des autres ressources entre tous les éléments de la lutte contre le VIH/sida, notamment le traitement des infections opportunistes et les autres programmes de santé publique appuyant les interventions.
    Deuxièmement, simplifier le plus possible le RCAM et communiquer clairement les informations pertinentes aux pays susceptibles de s'en prévaloir. PCSI recommande au gouvernement d'entreprendre des programmes facilitant l'accès aux médicaments essentiels par le truchement du RCAM en faisant participer les pays en développement, notamment de l'Afrique subsaharienne, en les encourageant à s'en prévaloir et en apportant au programme les modifications qui s'imposent.
    Troisièmement, privilégier des solutions pratiques et à l'échelle humaine. PCSI recommande au gouvernement de mettre l'accent sur la prestation d'un appui aux établissements de santé ayant besoin d'ARV et d'autres médicaments nécessaires d'origine canadienne, afin d'élaborer un modèle de traitement efficace du VIH/sida, notamment en Afrique subsaharienne.
    Finalement, préserver les dispositions anti-détournement du régime actuel. PCSI recommande au gouvernement de prendre toutes les mesures raisonnables pour s'assurer que les médicaments d'origine canadienne ne sont pas détournés de leur destination désignée.
    Ce qui nous semble évident, monsieur le président, c'est que le Canada doit s'efforcer de mieux comprendre pourquoi les dispositions du régime actuel n'ont pas encore été opérationnalisées. Pour ce faire, il aurait intérêt à écouter les gouvernements africains, par exemple, pour qui ce régime revêt une importance capitale. Beaucoup ont déjà agi avec courage face à des obstacles énormes pour mettre en oeuvre des stratégies nationales audacieuses destinées à faire échec à la propagation désastreuse du VIH et du sida.
    Le Canada jouit d'une excellente réputation de nation compatissante mais les problèmes que pose le sida en Afrique dépassent largement la compassion. Ils exigent la mobilisation de tous les pays développés et de tous les secteurs de la société. Ils appellent une action responsable.
(1650)
    Le Régime canadien d'accès aux médicaments n'est qu'un des outils destinés à régler un faisceau plus large de problèmes, et ce n'est même pas le plus important. Il faut par conséquent que les décisions le concernant soient empreintes à la fois de prudence et de courage Elles nécessiteront de la bonne volonté et de l'imagination de la part de tous les partis politiques, de tous les segments de la société canadienne et de tous les secteurs de l'industrie. Nous avons la conviction que tous répondront à cet appel.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Kelsall.
    Nous allons maintenant passer aux questions et je demande aux députés d'être aussi brefs que possible pour pouvoir donner la parole au plus grand nombre possible.
    Monsieur Byrne, c'est vous qui allez commencer.
    Je remercie les témoins qui nous ont donné des informations extrêmement intéressantes.
    L'une des choses sur lesquelles le comité doit obtenir plus d'informations concerne les recommandations précises que vous pourriez faire, collectivement ou individuellement, sur la modification de la législation. Si vous ne pouvez les donner immédiatement, pouvez-vous les envoyer au président?
    Je sais que le Réseau juridique canadien VIH/sida en a formulé dans son exposé mais, si quelqu'un en a d'autres, ça nous serait très utile, surtout si nous pouvions les recevoir sans tarder.
    Je voudrais revenir sur l'intervention de madame Perkins. Si je me souviens bien, madame, vous avez dit que nous ne pouvons pas exiger des pays importateurs qu'ils contreviennent à leurs propres lois. Y a-t-il quelque chose de précis dans ce qui est recommandé ici qui amènerait le Canada à contrevenir aux exigences des ADPIC de l'OMC et aux dispositions précises des exemptions attribuées ou accordées?
(1655)
    Non, en vertu des règles de l'OMC, le Canada ne contreviendrait pas aux règles des ADPIC s'il autorisait un fabricant exportateur à obtenir une licence obligatoire avant de passer une entente officielle avec un pays importateur. Cela serait conforme aux ADPIC et c'est ce que le Canada devrait faire. De cette manière, il permettrait aux gouvernements étrangers, notamment à celui du Ghana, qui a adopté ses propres lois en matière d'approvisionnement, de respecter leur législation et de passer des contrats internationaux. Les sociétés pourraient donc s'adresser à eux en toute bonne foi en ayant une licence en main pour répondre à leurs appels d'offres et leur donner des prix.
    Nous pouvons battre les autres sur ce terrain. C'est possible, ce serait conforme aux ADPIC et c'est probablement ce qui serait le plus efficace.
    C'est donc essentiellement votre seule préoccupation sur ce qui nous placerait en contravention des propres exigences juridiques des pays importateurs?
    Oui, c'est ce qui est le plus évident et notre expérience au Ghana nous a montré que c'est le plus gros obstacle pour tirer parti de cette législation. On semble avoir l'impression, chez les sociétés génériques et ailleurs, que les pays africains vont venir au Canada — peut-être pour négocier avec des sociétés privées — pour indiquer précisément de quels médicaments ils ont besoin.
    Or, du point de vue du gouvernement étranger, et du gouvernement ghanéen, ce ne serait pas possible car ce serait une infraction à ses propres lois. Il faut donc renverser le processus : ce sont nos entreprises qui doivent aller là-bas avec une licence en main.
    Merci.
    Merci, monsieur Byrne.
    Je donne la parole à monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui pour nous informer de la panoplie de problèmes que vous avez. L'un d'entre vous a-t-il déjà livré des médicaments ou d'autres produits dans un autre pays, ce qui lui aurait permis, par l'intermédiaire de l'OMC, de les introduire ailleurs? Des commandes ont-elles été faites en réponse desquelles vous auriez envoyé quelque chose au moyen d'un processus quelconque?

[Traduction]

    Nous avons discuté de cette question avec un pays qui ne fera pas de notification ADPIC. Nous avons également porté ces questions à l'attention d'autres pays en développement, en mentionnant aussi l'intérêt potentiel de MSF à leur procurer beaucoup de médicaments mais, à notre connaissance, aucun ne s'est prévalu de la législation canadienne.

[Français]

    Comment pourrait-on modifier la loi afin que vous puissiez exporter des médicaments dans d'autres pays? Quelle serait la meilleure solution pour vous aider à les exporter?

[Traduction]

    Je ne saurais vous répondre.
    Notre principale recommandation, qui constitue un élément de réponse et dont madame Perkins a déjà parlé, est de simplifier le processus en laissant le fabricant générique du Canada obtenir une licence obligatoire au début du processus avant de négocier des contrats avec un ou des pays. En ayant cette autorisation légale en main, ce fabricant pourrait ensuite répondre de manière transparente aux appels d'offres internationaux des pays en développement. Il pourrait négocier avec plusieurs pays en développement figurant sur la liste des pays admissibles, ce qui produirait certaines économies d'échelle parce qu'il pourrait effectivement négocier de plus gros contrats, ce qui lui permettrait de négocier avec les fournisseurs des ingrédients pharmaceutiques actifs pour faire baisser les prix de fabrication et ne l'obligerait pas à relancer tout le processus à chaque fois, pour chaque commande différente de chaque pays différent.
    Ce serait simple et il suffirait qu'il verse périodiquement les redevances sur la base d'une formule qu'on trouve déjà dans la législation et qui constitue d'ailleurs la caractéristique la plus positive du régime canadien. Le régime canadien n'est pas complètement mauvais. Ses dispositions de calcul des redevances me semblent être un excellent modèle pour le reste du monde. Il est regrettable que peu d'autres pays s'en soient inspirés. Quoi qu'il en soit, ce serait une méthode beaucoup plus simple, à notre avis.
    Pour revenir sur une question qui avait été posée au sujet des ADPIC et pour réitérer ce qu'a dit madame Perkins, ce serait en réalité conforme à l'obligation du Canada, en tant que membre de l'OMC, d'instaurer ce genre de processus par voie législative. Ce serait une méthode différente de celle qui existe actuellement dans le régime et de celle qui était envisagée dans la décision de 2003 de l'OMC, mais il faut bien préciser que cette décision n'était pas censée être la seule solution envisageable. De fait, on disait dans la décision, et les membres de l'OMC l'on dit explicitement à cette occasion, qu'elle n'empêcherait aucun pays de tirer parti des autres flexibilités offertes par les règles de l'OMC sur les brevets.
    L'une de ces flexibilités, qui n'a pas encore été examinée mais qui pourrait l'être par le Canada, consisterait à définir des exceptions limitées au droit canadien des brevets pour permettre le genre de processus que je viens d'exposer. Il y aurait donc l'obtention d'une licence au début, suivie de la négociation des contrats et du versement des redevances sur une base continue.
(1700)

[Français]

    On doit d'abord obtenir une licence pour fabriquer le produit. Cependant, je pense que la difficulté consiste à obtenir des contrats d'autres pays. On obtient une licence et on franchit les différentes étapes du processus, mais ce qui importe avant tout, c'est d'avoir un contrat avec un autre pays.
    La loi vous aide-t-elle à obtenir des contrats d'autres pays, ou si vous ne pouvez pas vous qualifier? Que vous ayez une licence ou non, si vous ne vous qualifiez pas, cela représente déjà un problème. Vous ne pouvez pas vendre sans contrat. Avez-vous de la difficulté à vous qualifier et à obtenir des contrats?

[Traduction]

    Cela s'est avéré être un problème et c'est pourquoi nous recommandons le processus plus simple et légèrement différent que nous avons présenté.
    Comme l'a dit MSF, malgré tous ses efforts et parce que la législation canadienne exige qu'il y ait déjà un contrat provisoire avec un pays donné, et parce que le processus défini par l'OMC et dans la législation canadienne exige que le nom de ce pays soit divulgué avant qu'il y ait la moindre garantie que le fabricant générique pourra obtenir une licence, certains pays ont fait preuve de réticence et, hélas, d'une réticence fatale à se prévaloir du régime.
    Nous avons entendu tout à l'heure monsieur Stephen Lewis parler d'intimidation. Il ne faut pas prendre ça à la légère. Quand on voit ce qu'a fait le gouvernement des États-Unis, quand on voit les mesures qu'ont prises les sociétés de médicaments brevetés pour empêcher des pays de se prévaloir des licences obligatoires, il n'est pas étonnant que les pays en développement hésitent beaucoup à signer des contrats avec vous en sachant que vous devrez ensuite, en tant que fabricant générique, vous adresser à une société de médicaments brevetés du Canada et divulguer le fait que vous négociez avec nous parce que nous voulons obtenir des médicaments moins chers, ce qui sera communiqué au gouvernement américain qui exercera ensuite des pressions sur notre ministère du Commerce. Nous avons l'obligation de dire tout cela à l'OMC avant même de savoir si vous obtiendrez vraiment la licence qui vous permettra de fabriquer le produit qui nous intéresse et si vous pourrez nous le fournir.
    Autrement dit, on met la charrue avant les boeufs. Il faut renverser le processus et ce serait tout à fait possible en apportant à la législation canadienne les modifications que nous proposons dans notre mémoire.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de monsieur Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président, et merci à nouveau à tous les témoins.
    Ce dossier est très complexe et nous vous remercions sincèrement d'être venus nous en parler.
    Nous avons entendu hier ou il y a deux jours des représentants du gouvernement nous exposer leur position. Nous venons maintenant d'avoir le privilège de vous entendre exposer vos propres frustrations. Nous aurons plus tard la possibilité d'entendre des représentants des compagnies pharmaceutiques.
    Je pense que nous réalisons tous que les Canadiens sont absolument horrifiés de voir qu'aucune aide n'est encore fournie. Nous cherchons tous réellement une solution. C'est frustrant pour tout le monde. C'est frustrant pour vous et ça l'est aussi pour nous qui devons maintenant revoir la législation. Monsieur Chrétien avait fait une promesse à l'Afrique et le système s'avère complètement inefficace. Il est donc dans notre intérêt à tous de trouver une solution et c'est vraiment ce que nous cherchons.
    Je veux parler du RCAM et je m'adresse à monsieur Fox, d'Oxfam. Êtes-vous en concurrence avec d'autres systèmes de fourniture de médicaments utilisés par le gouvernement canadien? Est-ce que le RCAM fait concurrence à d'autres méthodes de prestation d'argent et de médicaments? Faites-vous concurrence à d'autres avec le RCAM?
    Je dirais que non. Certes, il y a une dynamique parallèle en jeu.
    Il y a d'abord les diverses méthodes dont disposent le gouvernement canadien et la population canadienne pour prêter assistance aux personnes voulant l'accès aux médicaments. L'ACDI donne des fonds et nous en donnons pour appuyer les programmes de l'OMC. Nous appuyons financièrement divers autres mécanismes multilatéraux.
    La question est de savoir combien payent les gens pour obtenir les médicaments fournis par ces divers mécanismes. Ils se rejoignent sur le plan de leur conséquence mais il s'agit de deux dynamiques différentes. Ce que fait le RCAM influe sur le prix que payent les gens pour obtenir les médicaments fabriqués au Canada et, comme ça ne marche pas, les fournisseurs canadiens fournissent uniquement à ces mécanismes des médicaments qui coûtent cher, ce qui a pour conséquence que ces fournisseurs ne sont pas les producteurs de choix parce qu'il y a d'autres pays — comme le Brésil et l'Inde, mais ce ne sont pas les seuls — qui répondent en réalité au besoin.
     Donc, si vous avez un budget d'aide d'un million de dollars à consacrer à des médicaments, vous n'allez pas vous adresser à l'un des fabricants de médicaments brevetés pour les acheter, n'est-ce pas? Voilà la situation dans laquelle nous sommes. Ce n'est pas qu'il n'y a strictement aucune relation mais le RCAM ne concerne pas les mécanismes de fourniture des médicaments ni l'efficacité de l'approvisionnement, il concerne la somme qu'on dépense pour avoir accès à ces médicaments.
(1705)
    Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais aller vite. Y en a-t-il parmi vous qui font la promotion du RCAM en Afrique?
    J'ai dit que nous avons immédiatement parlé à nos collègues quand le Canada a annoncé qu'il serait le premier à mettre la législation en oeuvre. Comme je l'ai dit, nous sommes présents dans de nombreux pays. Nous avons décidé d'essayer de l'utiliser, pour plusieurs raisons. D'abord, pour voir si elle est applicable et, ensuite... Nous ne pensons pas que le Canada va résoudre la crise de l'accès aux médicaments mais il peut contribuer à la recherche d'une solution. Nous avons vu les effets de la concurrence des génériques, et s'il y a un générique de plus, tant mieux.
    Nous pensions que le Canada pourrait aussi jouer un rôle, comme je l'ai dit, sur le plan des médicaments de deuxième ligne, de l'innovation, des nouveaux médicaments et des formulations pédiatriques. Nous pensions que le Canada avait un rôle à jouer et nous en avons parlé internationalement dans nos programmes. Nous avons eu beaucoup de réactions positives de nos équipes de terrain dans ces 30 pays.
    Je pense qu'il est très important de répéter que les changements pouvant être apportés peuvent rendre le régime moins complexe et plus efficace. Sous sa forme actuelle, aucun pays ne veut s'en prévaloir. S'il était simplifié et s'il suivait vraiment l'idée du paragraphe 6 de l'OMC d'autoriser la concurrence des génériques, d'autoriser l'exportation de médicaments génériques vers les pays en développement, il pourrait avoir un effet réel.
    Vous parlez de concurrence. Eh bien, à l'heure actuelle, l'Inde produit beaucoup de médicaments génériques, mais ça risque de ne pas durer. Il faut donc d'autres solutions et le Canada pourrait en faire partie.
    Je veux ajouter rapidement que nous avons travaillé avec un pays africain en vue d'obtenir des antirétroviraux du Canada. Ce pays, après un processus et un examen, voulait vraiment attirer un investissement pour produire des antirétroviraux localement. Il produisait déjà des antirétroviraux pour 60 000 personnes et il cherchait des occasions d'en fabriquer plus.
    Il est intéressant de voir que les ministres de la Santé de l'Union africaine viennent de se réunir en Afrique du sud et que l'une des questions dont ils ont discuté portait sur l'augmentation de la fabrication d'antirétroviraux en Afrique.
    Vous avez 40 secondes.
    Je vais donc suivre votre exemple et en rester là pour le moment. J'interviendrai au tour suivant.
    Merci.
    Monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    L'un des avantages du parlement et de ce comité est le compte rendu officiel des débats qui permet de voir comment les choses se sont faites à l'origine.
    On dit de plus en plus que cette législation est inefficace et que la solution serait simple mais il a fallu 550 jours pour ciseler ce texte de loi et le faire adopter. Ne l'oublions pas.
    Je voudrais demander aux témoins — notamment à madame Devine — s'il y avait à l'époque des champions canadiens, dans les instances politiques ou dans la bureaucratie, qui ont permis de faire avancer le dossier lorsqu'il était bloqué ou qui ont trouvé des solutions aux problèmes qui se posaient. Quel que soit le résultat des délibérations actuelles, je me demande si nous ne devrions pas désigner une sorte de champion qui veillerait à ce que ce processus de révision avance et débouche sur des résultats concrets.
    Merci de votre question.
     Lorsque le projet de loi a été déposé, il avait tous les champions nécessaires. Tous les partis étaient d'accord. Donc, au début, tous les membres du gouvernement y étaient favorables.
    À MSF, nous travaillons dans des zones de guerre et dans des pays difficiles, à cause de notre mandat de neutralité, et il ne m'appartient donc pas de nommer des champions particuliers mais je peux certainement vous dire que nous avons vu des gens travailler très fort sur cette question. Du milieu de l'automne 2003 jusqu'à récemment, et pendant la conférence sur le sida, nous avons participé à des réunions innombrables et nous avons vu des champions. Ce médicament a été approuvé très rapidement par Santé Canada, même si nous pensions que l'étape supplémentaire représentant ADPIC-plus n'était pas nécessaire.
    Il y a donc certainement eu des champions mais leur action a été minée. Lisez le rapport que nous vous avons présenté et la réponse que nous avons donnée à l'honorable député monsieur Byrne et vous verrez que nous avons mentionné plusieurs ONG ainsi que les problèmes rencontrés. Je pense qu'il est très facile de deviner qui était à l'origine des blocages.
    Nous pensons cependant qu'on peut maintenant relancer le processus, l'objectif essentiel étant de réparer la législation. Le Parlement européen avait produit une bonne description en 52 mots de la manière dont cette solution de l'OMC pourrait fonctionner et c'est devenu un texte de 3 000 à 5 000 mots. Je pense que nous avons besoin de plus de champions et la séance d'aujourd'hui en produira peut-être.
(1710)
    Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Sinon, je passe à la question suivante.
    Monsieur Elliott, vous avez exposé un processus simplifié et avez formulé des recommandations au sujet de la législation. Que se passe-t-il avec les autres gouvernements? Estiment-ils aussi que leurs propres lois ne fonctionnent pas et essayent-ils de les modifier? Y a-t-il des problèmes similaires dans les autres pays? Si nous réussissons à produire une meilleure loi, pourrions-nous leur proposer de s'en inspirer et d'adopter notre processus?
    À ma connaissance, aucun de la demi-douzaine de pays qui ont adopté un texte similaire au régime canadien n'a entrepris le genre de révision à laquelle nous participons actuellement. Le Canada a été le premier à avoir agi à ce sujet, ce qui lui donne plus d'expérience que les autres. Hélas, cela n'a pas produit le résultat souhaité.
    Je crois sincèrement que si le Canada, à la fin de cette révision, modifiait sa législation en adoptant certaines des réformes que nous proposons pour rationaliser et simplifier le processus de licence obligatoire pour l'exportation, cela susciterait beaucoup d'intérêt dans plusieurs autres pays qui ont adopté des processus similaires sur la base de la même décision déficiente de l'OMC. Je pense que le Canada est en excellente position aujourd'hui pour dire que ça ne marche pas, parce qu'il a essayé de bonne foi de faire fonctionner le système de l'OMC.
    Beaucoup de groupes, comme MSF, ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à cette affaire. Nous avons même vu une société de médicaments génériques mettre au point un produit. Il lui a fallu franchir beaucoup d'obstacles pour ce faire mais, malgré ça, nous ne réussissons pas encore à le distribuer.
    Il faut que ça change et, si le Canada devait établir ce précédent et dire : « Nous allons exploiter les autres flexibilités des règles de l'OMC pour adopter un processus simple et direct avec une licence au début et c'est tout », cela donnerait à plusieurs autres pays le courage de revoir leur propre régime et, peut-être, d'envisager quelque chose de similaire. Je pense que c'est une contribution extraordinaire que le Canada pourrait faire.
    Monsieur Fox, il est important de rappeler qu'il ne s'agit pas seulement ici du VIH et du sida. Dans votre exposé, vous avez dit qu'on avait aussi souligné la tuberculose et le paludisme à l'origine. Pourriez-vous nous donner rapidement quelques exemples des autres types de traitements qui seraient vraiment bénéfiques?
    Avant de quitter le problème du sida, quelqu'un a dit au sujet des formulations pédiatriques, des doses et traitements adéquats pour les enfants et de la question des traitements de deuxième et de troisième ligne, qu'il s'agit là de choses que nous commençons à comprendre et qui sont vraiment importantes.
    Le fait est que, pour beaucoup de gens du Sud, nous parlons de... Je sais que c'est une évidence mais ce sont des gens qui gagnent moins d'un dollar par jour. Il n'y a pas de système médical dans leurs pays. Pour eux, l'obstacle le plus important sur le plan de la santé est le prix des médicaments. Beaucoup d'entre eux les achètent en privé, dans un système de marché. Un certain nombre de problèmes de santé, comme le cancer, le diabète ou la tuberculose — la tuberculose a tendance à être traitée dans le système de santé, mais les autres choses, pas nécessairement —, peuvent avoir une incidence phénoménale sur la vie des gens et les collectivités.
    Nous pourrions vous donner toutes sortes d'exemples de pays où, à cause de la pression exercée sur les gouvernements du Sud, les prix des médicaments augmentent en fait considérablement — le Pérou, la Bolivie, la Colombie, les pays de l'Afrique subsaharienne. L'accessibilité des médicaments a été sérieusement retardée à cause de ces pressions et de l'impact des accords commerciaux régionaux.
(1715)
    Merci.
    Monsieur Martin.
    Je vous remercie tous du travail que vous faites pour sauver la vie de gens qui ne peuvent pas se défendre. J'admire profondément et sincèrement ce que vous faites et je vous en remercie du fond du coeur.
     À titre de remarque préliminaire, nous savons tous, et j'espère que nous intégrons cela au contexte, qu'à moins d'avoir du personnel médical, de l'eau propre, une nourriture adéquate, des services de diagnostic et le système de santé intégré qui est nécessaire pour mettre en oeuvre ce programme de manière efficace, nous ne pourrons pas faire ce pourquoi nous sommes ici, c'est-à-dire nous assurer que les patients recevront les soins dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin et à un prix abordable.
    Je m'adresse au représentant de l'ACDI en lui disant que j'espère que nous mettons ça dans le contexte du rôle de leadership que doit jouer le Canada pour répondre aux besoins de ressources humaines du secteur de la santé, de services de diagnostic et de tous les autres éléments requis pour que ce régime soit un succès.
    J'ai plusieurs questions à poser. J'ai déjà posé la première à monsieur Lewis.
    Supposons que le Canada modifie sa loi pour que les compagnies brevetées et les compagnies génériques puissent se faire concurrence en réponse à un appel d'offres administré par l'ACDI. Autrement dit, l'ACDI lancerait un appel d'offres pour obtenir des médicaments à l'intention d'un pays donné et quiconque voudrait... Si ce sont les compagnies brevetées, elles fournissent les médicaments. Si ce sont les génériques, elles reçoivent une licence obligatoire et fournissent les médicaments. Toutefois, cela relie le groupe qui possède les ressources financières au groupe qui peut se charger de la fabrication. Est-ce que ce ne serait pas une manière de produire enfin ces médicaments pour les pays qui en ont besoin?
    Deuxièmement, madame Devine, qu'est-ce qui pourrait vous empêcher de travailler avec monsieur Kelsall pour obtenir les médicaments dont vous avez besoin dans le cadre du travail excellent que fait MSF? Dans le cas du groupe de monsieur Kelsall, Partenaires en santé, nous avons réussi à obtenir 11 millions de dollars de médicaments — c'est un excellent partenariat — en deux semaines à la suite du tsunami d'Asie du Sud-Est. Si monsieur Kelsall avait les ressources du gouvernement du Canada, MSF pourrait travailler avec lui et il pourrait répondre aux besoins de votre groupe sur le terrain. Est-ce que ce serait possible?
    Tout d'abord, je ne pense pas qui m'appartienne de juger le travail de l'ACDI, et l'idée de travailler avec... Nous avons un engagement de l'OMC, une décision de l'OMC que le Canada a approuvée. Nous avons une législation qui ne marche pas. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour essayer de la faire marcher, ce qui nous a donné une expérience que nous partageons avec vous. Donc, pour moi, c'est une possibilité mais il n'en reste pas moins que le Canada a pris cet engagement et que ce problème doit être réglé.
    Au sujet de la deuxième question, nous pourrions collaborer. Comme je l'ai dit, MSF fournit des médicaments dans de nombreux pays. Nous cherchons toujours des possibilités. Nous cherchons le meilleur prix, nous cherchons des médicaments de qualité. Nous sommes actifs à un moindre niveau au Canada mais je vous rappelle que nous sommes une organisation internationale. À l'heure actuelle, 82 p. 100 de nos médicaments vienne d'Inde. Nous essayons de penser latéralement et de chercher d'autres ressources. C'est pourquoi nous nous occupons de questions de brevets. Nous avons un engagement à l'égard des patients qui sont traités actuellement et, pour la deuxième ligne, les prix des médicaments sont parfois de 12 p. 100 à 50 p. 100 plus élevés.
    Donc, nous pourrions fort bien agir en partenaires.
    Monsieur Elliott et monsieur O'Connor peuvent-ils répondre brièvement?
    Merci, monsieur le président.
    Je réponds d'abord à votre première question. Certes, je ne pense pas qu'une seule des ONG qui oeuvrent contre le sida et pour la santé en général reprocherait à l'ACDI d'offrir plus d'argent pour la santé dans les pays en développement. De fait, c'est ce que nous réclamons et continuerons de réclamer.
    Toutefois, une mise en garde s'impose : nous devons éviter de tomber dans l'aide liée. Il faut éviter de croire que verser des poignées de dollars des contribuables canadiens à l'ACDI nous permettrait d'échapper aux problèmes fondamentaux du régime canadien et du processus de licence obligatoire. Vous trouverez peut-être cela un peu cynique mais ça reviendrait quasiment à essayer de dissimuler le problème plus fondamental du processus de licence obligatoire. Vous pourriez bien, à cause de ça, graisser suffisamment les rouages en subventionnant les sociétés canadiennes pour faire sortir une ou deux choses du pipeline.
    Je crois que le problème fondamental est de réussir à faire bien fonctionner le processus pour qu'une licence obligatoire puisse être facilement obtenue, pas seulement parce que l'ACDI aura consacré suffisamment d'argent lié à l'achat de médicaments à des fournisseurs canadiens, sans compter qu'elle pourrait peut-être même négocier un meilleur contrat avec un autre fournisseur.
    Monsieur O'Connor.
(1720)
    Je pense que la contribution canadienne par le truchement de l'ACDI serait une goutte d'eau dans l'océan. Nous parlons en effet d'une très grosse quantité de médicaments pendant une période très longue et les appels d'offres auxquels vous songez ne sont pas la méthode habituelle en affaires.
    Et je pense que c'est pour de bonnes raisons. Chaque pays a la responsabilité de son système de santé. C'est le Botswana qui doit s'occuper de la population du Botswana. Si le Botswana et beaucoup d'autres pays dressent des plans pour s'attaquer à leurs problèmes de VIH, notre rôle est de les aider. La principale conséquence de cette modification législative sera de créer des occasions de commencer à obtenir des médicaments fabriqués au Canada avec les 8 milliards de dollars dont on dispose — en faisant marcher la concurrence.
    C'est maintenant au tour de monsieur Kelsall.
    Hélas, votre temps de parole est écoulé, Keith.
    Monsieur Kelsall.
    Si vous me permettez d'ajouter un mot, je dirais que, pour Partenaires canadiens pour la santé internationale, tous les produits que nous obtenons du Canada sont le résultat de dons. Quand nous les envoyons à l'étranger, ce sont des dons. L'ACDI nous aide à couvrir nos coûts, ainsi que des donateurs privés.
    Pour ce qui est de travailler avec MSF, je disais justement à quelqu'un que nous avons déjà travaillé avec MSF en Bosnie et que nous avons déjà été partenaires.
    Tout ce que je veux dire, c'est que je considère que ce dispositif n'est que transitoire. Très franchement, comme je l'ai déjà dit, il faut que les pays africains viennent eux-mêmes à la table. Ils en ont la responsabilité. Ils sont intéressés par les investissements parce qu'ils veulent produire chez eux. Je pense que c'est ça qu'il faut encourager.
    Très bien. Merci.
    Merci, monsieur Martin.
    Je donne maintenant la parole à monsieur Arthur.
    Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi, tout le monde.
    Ma question s'adresse en particulier à ceux d'entre vous qui avez des travailleurs sur le terrain, c'est-à-dire monsieur Fox, madame Devine et monsieur Kelsall.
    Plus de trois ans après que l'OMC ait pondu cet oeuf, aucun médicament n'a encore été envoyé là-bas, que ce soit par le Canada ou par la trentaine de pays qui ont essayé de faire la même chose. Je suis prêt à parier qu'un échec aussi monumental ne peut être attribué à une cause unique. Il y a probablement une galaxie de causes.
    Après tout ce qui s'est dit ici depuis deux jours, nous commençons à réaliser que les pays qui pourraient recevoir ces médicaments n'en font tout simplement pas la demande. Il y a beaucoup d'autres facteurs, très certainement, d'ordre juridique, politique ou autre, mais ils ne demandent tout simplement pas les médicaments qu'ils pourraient obtenir s'ils les demandaient de la manière compliquée qui est prévue.
    Ceci m'amène au fait — et seule madame Brunelle y a fait allusion quant elle a parlé de détournement de médicaments — que la plupart de ces pays sont pauvres comme Job, que la plupart sont bien prêts à accepter tout l'argent que le Canada voudrait bien leur envoyer, qu'ils ne diront jamais non à l'argent mais qu'ils disent pourtant non aux médicaments.
    Ce qui nous amène à la question inévitable de la corruption. Dans la plupart de ces pays, les gens vivent avec un dollar par jour mais il y a des élites qui sont très riches et qui ont des comptes bancaires en Suisse. Serait-il possible qu'ils acceptent tout l'argent que nous pourrions leur envoyer mais qu'ils ne tiennent pas à nous demander nos médicaments parce qu'il est beaucoup plus difficile d'envoyer des médicaments en Suisse? Y a-t-il aussi là un problème de corruption?
    Je crois qu'il est très important de préciser très clairement que les pays du sud en demandent jour après jour. Ils n'en demandent pas au Canada parce qu'il n'est pas évident, tant que nous n'aurons pas réussi à expédier au moins un comprimé à l'étranger, qu'il vaut la peine de nous en demander. Ils ont des gens qui meurent et ce qu'ils doivent faire, c'est s'adresser à l'Inde, au Brésil et à d'autres sources parce qu'ils n'ont pas le luxe d'attendre que nous réussissions à faire fonctionner cette législation.
    Dès qu'elle fonctionnera et dès que des fabricants canadiens commenceront à produire ces médicaments, ils viendront en acheter au Canada. Ce n'est pas une question de corruption ni une question de consacrer l'argent à autre chose. La question est qu'ils seront ici pour acheter dès que nous serons en mesure de fournir.
(1725)
    Madame Devine.
    Je suis d'accord avec vous sur la galaxie de problèmes et sur les vraies raisons politiques pour lesquelles ces pays ne demandent pas les médicaments.
    Je ne parlerai pas de corruption, question qui préoccupe aussi MSF. Nous dépensons de l'argent canadien, de l'argent international et de l'argent suisse, parce que nous recevons des dons du monde entier. Notre souci est que l'argent aille aux patients et c'est ce que nous voulons assurer mais, dans ce cas, nous ne pensons pas que la question du détournement ou la question de la corruption soit la question fondamentale.
    Voyez ce qui s'est passé en Thaïlande : quand elle a délivré une licence obligatoire, elle s'est fait taper sur les doigts publiquement et brutalement. L'une des choses que le Canada peut faire, à part réparer la législation, serait d'exprimer publiquement et fermement son appui à l'effort de la Thaïlande avec la licence obligatoire. Je pense que nous pouvons appuyer ces pays.
    Au sujet de la corruption, je suis d'accord avec Robert quand il dit que ces pays veulent les médicaments et que le problème vient simplement du fait que les pays riches ont rendu le processus trop difficile.

[Français]

    Monsieur Kelsall.

[Traduction]

    J'ai une longue expérience du monde des affaires — je collabore avec une ONG depuis 15 ans — et je sais qu'il est très important de connaître le coût des intrants, le coût de l'expédition et le coût de la distribution. C'est pourquoi je dis que c'est en réalité une stratégie de transition. Ce qu'il faut, c'est encourager les pays africains à fabriquer chez eux.
    Il serait intéressant pour le comité de déterminer si, dans les pays africains qui produisent leurs propres ARV, des subventions proviennent de la fondation Clinton ou d'autres organismes internationaux pour rendre le prix final abordable au patient. Si les ARV sont fabriqués au Canada, il est facile d'imaginer qu'il faudra prévoir une certaine forme de subventionnement pour que les patients puissent payer les prix demandés.
    Vous avez tous les trois répondus à ma question comme si le Canada était le seul pays confronté à ce problème. Réalisez-vous qu'il y a une trentaine de pays qui font exactement face au même problème, dont ceux de l'Union européenne? Aucun n'a encore réussi à obtenir une seule commande de médicaments génériques de ces pays, absolument aucun.
    Hélas, votre temps de parole est écoulé. C'était votre dernière déclaration.
    Je passe à madame Brunelle.

[Français]

    J'aimerais aborder la question de la liste de l'annexe 1. Madame Perkins, vous nous dites, par votre recommandation 3, que les médicaments admissibles ne devraient pas se limiter à la liste de l'annexe, car les médicaments auxquels on s'intéresse le plus ne s'y trouvent pas.
    Monsieur Elliott, vous en avez parlé aussi; vous proposez d'éliminer cette annexe 1. Je n'ai pas participé aux travaux lors de l'élaboration de ce projet de loi, mais il me semble qu'on a dû tenir un long débat avant de s'entendre sur cette liste. Elle a dû faire l'objet d'un consensus.
     Je me demande comment on a pu réussir à s'entendre quand on sait qu'en recherche et développement, ça va rapidement. Il y a sûrement de nouveaux médicaments qui s'ajoutent. Doit-on éliminer cette liste de médicaments de l'annexe 1? Y a-t-il des risques? Y aura-t-il des problèmes? Est-ce la solution pour pouvoir vraiment appliquer cette loi?

[Traduction]

    Merci beaucoup de cette question.
    Je veux préciser quelque chose. Je crois — et Richard Elliott pourra probablement me corriger si je me trompe — que le Canada est le seul pays à avoir mis en oeuvre cette décision et à avoir inclus une annexe. La liste des médicaments de l'annexe 1 n'est pas exigée par l'OMC. Nous pourrions donc éliminer cette décision pour les facteurs que vous mentionnez.
     La recherche et le développement se font très, très rapidement. À mesure que des médicaments sont découverts, nous voulons qu'ils soient immédiatement disponibles s'il y a un fabricant générique qui est prêt à les fabriquer. On peut donc abolir cette liste et ce serait parfaitement conforme à nos obligations au titre de l'OMC.

[Français]

    J'aimerais d'abord clarifier une chose. Lors de l'élaboration du projet de loi, il n'y avait pas de consensus sur le fait qu'il devait y avoir une liste. Au contraire, toutes les ONG ont condamné l'existence de cette liste limitée. Nous avons expliqué, comme Mme Perkins l'a dit, qu'étant donné la décision de l'OMC selon laquelle une liste n'était pas nécessaire, la loi canadienne n'avait pas besoin d'inclure une liste.
    Pour nous, il n'est pas difficile d'identifier ce qu'est un produit pharmaceutique. On devrait seulement dire qu'on peut avoir une licence obligatoire pour des produits pharmaceutiques. Il n'est pas difficile de déterminer ce qu'est un produit pharmaceutique, il n'est pas nécessaire d'avoir une liste limitée.
    Merci.
(1730)
    On peut penser qu'en cas de pandémie, par exemple, l'existence de cette liste de médicaments pourrait retarder le processus et empêcher d'en donner rapidement. L'élimination de cette liste pourrait être une solution en cas de pandémie.
    Ça doit faire partie de la solution, mais ce n'est pas la seule recommandation de notre mémoire. Il contient d'autres choses très importantes, notamment sur le processus d'obtention d'une licence obligatoire. Ce processus devrait être simplifié. Éliminer la liste est une partie de la solution, mais ce n'est pas tout.
    Merci.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame Brunelle.
    Chers collègues, il nous reste 13 minutes. Je suis le prochain sur la liste et j'ai quelques questions à poser.
     Je ne vais pas retenir les députés ici, je sais qu'ils doivent aller en Chambre. Par contre, j'aimerais que les témoins restent encore quelques minutes. Je vais poser mes questions et, s'il nous reste un peu de temps, je pourrais en accepter quelques autres aussi.
    Tout d'abord, je veux revenir sur la discussion entre madame Brunelle, madame Perkins et monsieur Elliott au sujet des annexes.
    Vous avez raison de dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des annexes dans la législation. De fait, je pense qu'il n'y en a pas dans les autres pays mais, quand j'ai interrogé le représentant d'Industrie Canada, il m'a dit que le processus serait en réalité plus long s'il n'y avait pas d'annexe parce qu'il y aurait alors des poursuites sur les questions de brevets. Donc, Industrie Canada estime qu'on a simplifié le processus en prévoyant des annexes identifiant les produits pharmaceutiques.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas d'accord. Comme je l'ai dit, quand les pays en développement voient cette liste, ils constatent que les médicaments qu'ils veulent et dont ils ont le plus désespérément besoin n'y figurent pas, comme les médicaments de deuxième ligne.
    Dans le cas du Ghana, c'est le premier pays d'Afrique de l'Ouest à avoir délivré une licence obligatoire. Il l'a délivrée pour importer des médicaments d'Inde. Il délivre souvent ce genre de chose en urgence quand il constate soudainement qu'il lui manque tel ou tel médicament, parce que la planification est très, très difficile dans les pays africains. Si nous voulons une législation efficace et permettant d'agir vite, il faut supprimer ce genre de liste car les médicaments dont ils ont besoin risquent de ne pas y figurer.
    Vous n'avez pas tort mais ce n'était pas ma question. Il y a un processus pour ajouter des médicaments à la liste, et je ne sais pas s'il est particulièrement lourd ou non, mais ma question était que, selon Industrie Canada, si ces annexes n'existaient pas, le processus prendrait plus longtemps parce que les compagnies brevetées intenteraient des poursuites contre les compagnies génériques.
    Vous dites que ce n'est pas votre avis. Pourquoi?
    Malgré tout le respect que je dois à nos collègues d'Industrie Canada, j'ai peine à imaginer qu'une compagnie de médicaments brevetés puisse s'adresser de manière crédible à un tribunal canadien pour dire que telle ou telle pilule n'est pas un produit pharmaceutique.
    Si l'on dit dans la législation qu'on peut obtenir une licence obligatoire pour n'importe quel produit pharmaceutique, je ne pense pas que les risques de poursuites soient très élevés. Est-ce que Glaxo ira vraiment devant la Cour fédérale du Canada pour dire qu'un comprimé de 3TC n'est pas un produit pharmaceutique? Je pense que cette inquiétude est excessive.
    Non, le problème est qu'elle dira qu'on a violé son brevet et c'est ça qui bloquera tout le processus.
    Mais c'est précisément le but même de cette législation, permettre de passer outre aux brevets pour autoriser une société générique à fabriquer les produits. Croire que nous avons besoin d'une liste de médicaments spécialement désignés pour éviter toute confusion sur la question de savoir si tel ou tel médicament est un produit pharmaceutique ne me semble pas particulièrement logique.
    Veuillez m'excuser, madame Devine, j'ai une deuxième question à vous poser.
    Pour revenir à ce que disait monsieur Martin, je pense, très respectueusement, que le gros problème est que nous mettons en place un modèle par lequel nous autorisons simplement...
    Chaque fois qu'on parle de droit des brevets, et c'est la même chose quand il s'agit du droit de la concurrence et de beaucoup d'autres lois, c'est toujours très compliqué parce qu'il y a beaucoup d'intérêts en jeu. Il me semble que la question de monsieur Martin était complètement légitime dans le sens où il parlait de sortir de ce système et de lancer des appels d'offres en réalisant bien que ce sont les compagnies brevetées qui ont inventé ces médicaments et qu'on devrait leur donner la chance de répondre aux appels d'offres. Il a dit de simplifier le système de licence.
    Il me semble que c'était une question parfaitement légitime, surtout si l'on songe aux sommes considérables dont disposent des fondations comme la Fondation Gates. Il me semble qu'il serait beaucoup plus simple de dire : voici le gouvernement du Canada qui arrive à la table par le truchement de l'ACDI, voici, peut-être, la Fondation Gates, et voici une occasion qui est offerte aux compagnies brevetées et aux compagnies génériques d'assurer l'approvisionnement de tel ou tel médicament. L'objectif fondamental est de faire en sorte que le médicament parvienne au patient, comme disait monsieur Fox, pour améliorer son état de santé. Ce n'est pas d'engager un débat au Canada sur des questions de brevets.
    Madame Devine, vous pourriez peut-être répondre à nouveau à cette question.
(1735)
    Merci.
     En ce qui concerne Médecins sans frontières, nous avons une certaine quantité d'argent à consacrer à des médicaments. Nous voulons traiter le plus de gens possible avec des médicaments de qualité et nous allons donc préférer des médicaments génériques. Nous n'avons pas eu assez de succès dans l'obtention d'une quantité suffisante de médicaments abordables des compagnies brevetées pour ne pas devoir dépendre aujourd'hui des compagnies génériques et, à moins que le système d'établissement des prix ne soit radicalement modifié — et nous sommes prêts à reconnaître qu'il y a eu certaines bonnes initiatives ponctuelles —, ce n'est pas la méthode que nous nous choisirons si nous voulons sauver des vies immédiatement, si nous parlons de la pandémie du sida.
    La raison pour laquelle j'aime la proposition de monsieur Martin est qu'elle permet d'inviter les compagnies de médicaments brevetés à venir à la table. Le gouvernement du Canada y est, tout comme les Fondations, et on leur donne l'occasion d'y venir aussi.
     C'est ce que nous recommandons depuis des années, franchement, et...
    Bien.
    Monsieur O'Connor, voulez-vous répondre?
    Oui. Je veux simplement dire qu'à notre avis, puisque nous sommes une organisation qui examine ce que fait l'ACDI et comment nous dépensons depuis plusieurs années nos budgets d'aide au développement, une telle solution, si c'était l'une des recommandations du comité, constituerait un pas en arrière. Ça nous ramènerait à l'aide liée. Ça ne nous permettrait pas d'exploiter pleinement le potentiel de cette législation et je pense que ce serait antiproductif.
    Bien.
     J'aimerais beaucoup continuer cette discussion mais je vous remercie tous d'être venus. Je remercie les membres du comité qui sont restés et m'ont permis de poser mes questions.
    Je regrette que nous n'ayons pas plus de temps mais, évidemment, nous n'avons aucun contrôle sur les votes qui se tiennent en Chambre. Si vous avez d'autres informations à fournir au comité, veuillez me les envoyer ou les envoyer au greffier.
    Merci à tous d'être venus et merci aux membres du comité.
    La séance est levée.