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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mars 2010

[Enregistrement électronique]

(1405)

[Traduction]

     À l'ordre. Cette séance du 10 mars 2010 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous poursuivons notre étude du crime organisé.
    Comme vous le savez, nous tenons des audiences dans tout le pays afin de recueillir des recommandations sur la manière de lutter contre le crime organisé, du moins du point de vue fédéral. Nous sommes déjà allés à Halifax, Montréal, Toronto, Edmonton et Vancouver, et nous tenons nos dernières audiences à Winnipeg.
    Nous prévoyons publier un rapport au cours des deux ou trois prochains mois dans le but d'aider le Canada à prendre des mesures pour lutter contre le crime organisé.
    Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous.
    Nous accueillons d'abord Kimberly Fussey, de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Nous entendrons ensuite Robert Bonnefoy, Christer McLauchlan et Tim Van der Hoek — qui n'est pas apparenté à Ted Vanderhoek, l'ancien chef de la police d'Abbotsford, en Colombie Britannique — du Service correctionnel du Canada.
     Nous aurons également l'inspecteur John Ferguson et l'inspecteur Robert Bazin, de la Gendarmerie royale du Canada.
    Du Service de police de Saskatoon, nous accueillerons Clive Weighill.
    Finalement, nous aurons l'agent Nick Leone et l'inspecteur Jim Poole, du Service de police de Winnipeg.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous. Je pense que vous connaissez la procédure. Chaque organisation aura 10 minutes pour une déclaration liminaire, après quoi nous passerons à une période de questions.
    Nous commençons avec l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Madame Fussey, vous avez 10 minutes.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie d'avoir invité l'Agence des services frontaliers du Canada à participer à l'audience d'aujourd'hui.
    La région des Prairies de l'ASFC est responsable de la sécurité à la frontière dans les bureaux d'entrée des Prairies, des T.N.-O. et du Canada, ce qui représente 37 postes frontaliers terrestres, cinq aéroports et deux ports maritimes.
    À titre de directrice de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs du programme de l'Immigration pour la région des Prairies, je suis responsable des opérations relatives à l'exécution de la loi et des audiences de l'immigration au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et dans les T.N.-O.
    Les opérations de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, qui sont responsables des enquêtes, de la détection et de l'arrestation des contrevenants à l'égard de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, sont situées dans les villes suivantes : Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary, Lethbridge et Edmonton.
    Les opérations des audiences, qui sont responsables de représenter les intérêts de l'ASFC et de Citoyenneté et Immigration Canada devant la Division de l'immigration, la Division des appels de l'immigration, la Division de la protection des réfugiés, et les procédures judiciaires de la Cour fédérale, sont situées à Winnipeg, Calgary et Edmonton.
    Les agents d'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l'immigration de la région collaborent avec les employés des opérations dans nos bureaux d'entrée et avec ceux de la Division des enquêtes criminelles et du renseignement, tant à l'échelle régionale que nationale, afin de respecter le mandat du programme.
    Le mandat de l'exécution de la loi...
    Veuillez m'excuser, quelqu'un a déposé un Blackberry sur la table.
    Pouvez-vous enlever vos Blackberrys de la table et les mettre dans vos poches ? Merci.
    Veuillez poursuivre.
    Le mandat de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs comprend la tenue d'enquêtes longues et complexes à l'égard de présumés criminels de guerre, de cas de sécurité nationale et de groupes du crime organisé. Nos agents de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs localisent et renvoient les ressortissants étrangers qui entrent au Canada illégalement ainsi que les individus, y compris les résidents permanents, dont le statut d'admissibilité a changé après leur entrée au Canada.
    Cette activité comprend les enquêtes menées en collaboration avec d'autres organismes d'exécution de la loi, dont la GRC et les services de police municipaux canadiens. Un bon nombre des personnes renvoyées de la région des Prairies ont été jugé interdites de territoire à cause d'activités criminelles perpétrées au Canada ou à l'étranger. Certains de ces individus ont été ou sont membres de divers groupes du crime organisé connus, y compris des membres de bandes de motards criminalisées comme Afrikan Mafia, MS-13, Clippers, Fresh Off the Boat, et Fresh Off the Boat Killers.
    L'exécution de la loi à l'égard du crime organisé revêt une grande importance pour notre division étant donné qu'un article de la LIPR stipule que l'appartenance à un groupe du crime organisé constitue un motif d'interdiction de territoire au Canada. Il s'agit de l'article 37.
    L'article 37 concerne les résidents permanents et les étrangers qui sont interdits de territoire pour raisons de criminalité organisée :
    
a) être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre où s'est livrée à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d'un tel plan ;

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles que le passage clandestin, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.
    L'ASFC aide à protéger la population du Canada contre les risques liés à la frontière.
    Je crois comprendre que votre étude ne porte pas essentiellement sur des statistiques ou sur des cas particuliers. Toutefois, si cela vous intéresse, j'ai des informations à ce sujet. Sinon, je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
    Merci.
    Ce qui nous intéresse avant tout, ce sont les mesures fédérales, législatives ou autres, qui pourraient vous aider dans votre lutte contre le crime organisé. Peut-être pourriez-vous y réfléchir en attendant la période des questions ?
(1410)
    Tout à fait.
    Nous passons maintenant au Service correctionnel du Canada.
    M. Bonnefoy.
    Je m'appelle Robert Bonnefoy et je dirige l'établissement de Stony Mountain, qui se trouve au nord de Winnipeg, au Manitoba. Je suis ici avec Christer McLauchlan, agent du renseignement de sécurité à l'établissement de Stony Mountain, et Tim Van der Hoek, un ancien agent du renseignement de sécurité à l'établissement de Stony Mountain qui occupe maintenant le poste d'agent principal de projet à Sécurité préventive et renseignements de sécurité, à l'administration centrale.
    Je vous remercie de me donner l'occasion, aujourd'hui, de vous fournir de l'information sur les gangs et la gestion des gangs dans nos établissements correctionnels fédéraux.
    Les organisations criminelles constituent une menace sérieuse de compromettre la gestion sûre, ordonnée et efficace des établissements du Service correctionnel du Canada. À l'heure actuelle, on compte environ 54 différents types de gangs qui opèrent à l'intérieur de nos établissements. Leurs membres pour la plupart adhéraient déjà un gang avant leur incarcération et, en janvier 2010, environ 29 p. 100 d'entre eux purgeaient une peine pour des infractions liées aux drogues.
    Le SCC a adopté une stratégie multidimensionnelle de lutte énergique contre le problème complexe des gangs et du crime organisé ainsi que de leur gestion, en particulier des criminels notoires qui sont mêlés au crime organisé.
    Comme Mme Fox l'a dit hier, le SCC utilise un modèle de gestion des risques fondé sur les renseignements, qui permet d'orienter les activités en privilégiant des mesures préventives et proactives. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires de la justice pénale, et nous veillons à communiquer en temps opportun des renseignements clairs et complets à nos partenaires, aux intervenants locaux, nationaux et internationaux, aux services de police et aux collectivités.
    La gestion des gangs est une question complexe qui nécessitera d'autres investissements pour en améliorer l'efficacité. Le SCC constate l'augmentation du nombre de délinquants qui sont membres de gangs ou d'organisations criminelles ou y sont affiliés depuis l'adoption par les organismes responsables de l'exécution de la loi d'une approche intégrée en matière de gangs.
    Le nombre de délinquants parmi la population carcérale qui font partie de gangs à l'intérieur des établissements du SCC correspond à l'évolution des gangs dans la communauté. Ce qui veut dire que nous sommes confrontés à une myriade de types de gangs comme des organisations criminelles traditionnelles, des bandes de motards organisées et des gangs de rue. Toutefois, depuis l'émergence des gangs de rue et d'autres types de bandes comme les bandes autochtones, le SCC a été témoin de tout un changement dans sa population carcérale, particulièrement en ce qui concerne le nombre de gangs.
    En janvier 2010, 2 019 criminels sous l'autorité du SCC étaient reconnus comme membres affiliés d'une organisation criminelle, y compris les gangs. Soixante-cinq pour cent de ces délinquants étaient incarcérés et 36 p. 100 faisaient l'objet d'une surveillance dans la collectivité. En décembre 2009, 491 délinquants incarcérés faisaient partie d'un gang autochtone — le type de gang le plus important dans le SCC aujourd'hui — ou y étaient associés, et la Région des Prairies gérait 87 p. 100 de ces membres des gangs autochtones.
    L'extension constante des gangs a créé plusieurs problèmes pour le SCC, soit des questions de pouvoir et de contrôle découlant de l'intimidation, de l'extorsion et de la violence; des incompatibilités et des rivalités entre les divers groupes criminalisés; de la distribution de drogues dans les établissements et le maintien de relations avec des organisations criminelles de l'extérieur; du recrutement de nouveaux membres de gangs et de sympathisants d'idéologies extrémistes; la possibilité d'intimidation, d'infiltration, de manipulation et de corruption du personnel; des tentatives d'ingérence par les chefs de gang dans les opérations correctionnelles, soit par l'attribution d'argent ou par l'intervention des réseaux externes.
    Bien que le SCC privilégie l'intégration des délinquants, la dynamique complexe et la structure variable des gangs empêche l'adoption d'une stratégie universelle pour la gestion des gangs. Les rivalités et les incompatibilités entre les gangs peuvent obliger le SCC à séparer certains types de gangs.
    Le SCC évalue chaque situation au cas par cas et détermine les interventions appropriées à l'échelon local qui seront les plus efficaces. Cela comprend d'offrir à tous les membres de gangs la possibilité de rompre avec leur gang et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher ceux qui maintiennent leur affiliation d'exercer leur pouvoir et leur influence dans nos établissements et dans la collectivité.
    Le SCC concentre ses ressources sur le perfectionnement accru de son personnel en matière de dynamique des gangs et de sensibilisation aux gangs ainsi qu'en techniques d'interview motivationnelle, ciblant particulièrement les membres des gangs autochtones. Dans la Région des Prairies, nous collaborons avec nos syndicats et nos partenaires de l'exécution de la loi au Manitoba relativement aux questions liées aux gangs autochtones.
(1415)
    À titre de directeur de l'établissement de Stony Mountain, je suis responsable de quelque 550 délinquants incarcérés. Pour ce qui est du profil de notre population, 204 délinquants incarcérés font partie d'un gang, soit 38 p. 100 de notre population carcérale, et 158 de ceux-ci, soit 77 p. 100, sont membres d'un gang autochtone. Par rapport aux autres établissements dans la Région des Prairies, nous comptons le plus grand nombre de détenus qui adhèrent à un gang dans un établissement à sécurité moyenne, de détenus de moins de 30 ans purgeant une peine pour un crime violent, de délinquants autochtones âgés de moins de 30 ans — en fait, ils représentent le tiers de notre population carcérale —, et le plus grand nombre de délinquants de moins de 30 ans qui purgent des peines d'emprisonnement de deux à trois ans.
    Étant donné l'étendue et la complexité du profil de nos délinquants, la gestion de la population carcérale a été un outil d'une importance incroyable pour gérer nos gangs. L'établissement de Stony Mountain est divisé en cinq unités opérationnelles, y compris quatre sous-unités qui servent à abriter les membres de gangs incompatibles. La gestion d'un grand nombre de délinquants affiliés à un gang est un défi de taille à relever chaque jour du fait des incidences sur nos activités opérationnelles courantes. Nous devons nous assurer de surveiller étroitement le mouvement des gangs incompatibles. L'établissement des horaires des programmes et des activités est également difficile du fait que nous ne pouvons pas intégrer les gangs incompatibles dans les mêmes programmes ou les affecter aux mêmes tâches.
    Cela étant, grâce à la gestion efficace de la population carcérale, nous avons réussi l'année dernière à réduire le nombre d'incidents dans l'établissement.
    Lorsqu'on aborde la dynamique des gangs, il est important de savoir que les renseignements de sécurité que nous recevons sont fluctuants et qu'ils changent constamment. Il est impératif que nous continuions à suivre les tendances dans les établissements et à recueillir et à analyser quotidiennement les renseignements de sécurité à l'échelle locale et régionale. C'est ainsi que nous avons procédé à deux réorganisations à l'établissement de Stony Mountain au cours de l'exercice financier en cours.
    L'embauche d'un troisième agent du renseignement de sécurité a également permis de nous concentrer sur la gestion fondée sur le renseignement. En plus de notre travail de gestion des gangs et de la population carcérale à l'échelle locale, nos agents du renseignement de sécurité ont travaillé très étroitement avec leurs homologues provinciaux et les services de police locaux. Ainsi, nous nous assurons de collaborer les uns avec les autres plutôt que de travailler isolément lorsque nous nous penchons sur les questions liées aux gangs et à la dynamique des gangs. Nous sommes en mesure de communiquer rapidement l'information et d'aborder de façon intégrée les questions au fur et à mesure qu'elles se présentent.
    Outre les stratégies de gestion susmentionnées, l'établissement de Stony Mountain a aussi ciblé le secteur des interventions en milieu correctionnel pour l'aider à gérer les gangs. Nous avons été les premiers au pays à mettre en place la première unité des Sentiers autochtones. Notre Sentier autochtone s'occupe de 78 délinquants et est voué à la fourniture d'un environnement de guérison traditionnel à l'intention des délinquants qui sont résolus à suivre une démarche de guérison autochtone.
    Le cadre opérationnel de l'unité adhère au principe de guérison enseigné par les Anciens et les conseillers spirituels. Nos initiatives, nos interventions, notre gestion des cas et nos services aux délinquants sont adaptés aux besoins des Autochtones. Tous les membres du personnel de l'unité reçoivent une formation pour les sensibiliser à la culture. L'équipe met en pratique une approche multidisciplinaire qui a aidé les délinquants à rompre avec les gangs autochtones et leur a assuré une transition sécuritaire dans des établissements à sécurité minimale ou des centres de guérison.
    Je vous remercie pour votre attention aujourd'hui.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à l'inspecteur Ferguson, de la Gendarmerie royale du Canada.
    Je m'appelle John Ferguson et je suis officier responsable de la lutte contre la drogue et le crime organisé au Manitoba. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue, l'inspecteur Robert Bazin, officier responsable de l'intégrité des frontières. Il se présentera au début de son propre exposé.
    Avant de commencer, nous remercions le comité de nous avoir invités aujourd'hui et de nous donner l'occasion de parler du crime organisé au Manitoba et de son incidence sur notre collectivité. Nous espérons que le comité sera ainsi mieux informé de la situation du crime organisé dans la province, de certaines des mesures que nous avons prises pour le combattre et des difficultés que nous rencontrons dans ce domaine.
    En ma qualité de responsable de la répression des drogues et du crime organisé, j'assume notamment la responsabilité de toutes les grandes enquêtes de la GRC au sujet du trafic de drogue au Manitoba et de la co-surveillance de l’unité intégrée de lutte contre le crime organisé du Manitoba, le MIOCTF.
    Puis-je vous demander de ralentir, inspecteur, pour que nos interprètes puissent vous suivre ?
    Certainement.
    Pour l'information des membres du comité qui ne connaissent pas le MIOCTF, il s'agit d'une unité financée par la province comprenant le Service de police de Winnipeg, le Service de police de Brandon et la GRC. Il a pour mission d'attaquer le crime organisé à sa source.
    Au Manitoba comme dans plus ou moins tout le Canada, le même constat s'impose : le crime organisé continue d'évoluer et de proliférer. Technologie et partenariats aidant, de petites organisations deviennent de grands réseaux habiles et complexes. Les voilà qui s'adonnent simultanément à plusieurs activités illicites. Bien que le commerce de la drogue reste pour elles une pierre angulaire, les organisations criminelles du Manitoba pratiquent maintenant plusieurs activités comme la contrefaçon et la contrebande.
    Ce genre d'évolution aggrave la menace et les torts potentiels. Les sommes en jeu ne cessant d'augmenter, les organisations défendent leurs intérêts de plus en plus férocement. Non seulement elles sont plus violentes qu'avant, mais elles vont aussi plus loin dans leur tentative d'infiltrer et de corrompre les forces de l'ordre, les organismes gouvernementaux ainsi que les entreprises des domaines de la finance et des transports. Signe d'un penchant accru pour la violence, 61 des 179 homicides survenus au Manitoba entre 2007 et 2009 sont attribuables aux trois plus importants gangs de rue de la province. Selon nos estimations, entre 30 et 35 p. 100 des homicides de cette période étaient imputables au crime organisé.
    Les organisations criminelles grandissent et évoluent, mais les forces de l'ordre manitobaines réagissent. Misant sur de judicieux partenariats et sur des enquêtes à la fois structurées et intégrées, elles prennent les devants et remportent certaines victoires.
    En 2007, les forces de l'ordre manitobaines ont formé le Comité directeur des priorités opérationnelles, un groupe qui devait leur permettre d'échanger au sujet de leurs enquêtes sur le crime organisé. Composé de gestionnaires intermédiaires issus des secteurs du renseignement et des opérations des plus grands services de police du Manitoba et de l'Agence des services frontaliers du Canada, le comité se réunit tous les trois mois pour discuter d'initiatives courantes et futures, et aussi pour désigner les organisations criminelles et les classifier selon la menace qu'elles représentent. Ainsi, il est possible de repérer les failles du renseignement ainsi que des avenues d'enquête non explorées. Incontestablement, ce comité est un atout dans la lutte au crime organisé. Il nous a permis non seulement de cibler certains groupes à des fins de répression, mais aussi de discuter ouvertement et d'échanger des renseignements dans un esprit de confiance et de coopération.
    Le travail du MIOCTF et celui du Groupe intégré du renseignement sur les gangs, le GIRG, illustrent fort bien la collaboration accrue entre organismes partenaires.
    Les bandes de motards criminalisées et les gangs de rue sont probablement les deux types d'organisations qui font le plus de mal à nos collectivités. Entre février 2006 et décembre 2009, le MIOCTF a réussi trois grandes enquêtes qui ont mené à l'arrestation de cinq membres en règle des Hells Angels et de 57 associés, y compris le « club école » Zig Zag Crew au complet. Le procès des individus arrêtés au terme de la troisième enquête n'est pas terminé, mais des 31 personnes arrêtées au terme des deux premières, 29 ont été condamnées. Leur peine totale s'élève à 190 années de prison, ce qui signifie une moyenne de six ans et demi par personne.
    Regroupant des enquêteurs policiers et des agents des services correctionnels, le GIRG a pour mandat de recueillir des renseignements sur les 26 gangs de rue connus au Manitoba. Dans les deux dernières années, les renseignements recueillis par le GIRG ont permis l'arrestation de 23 membres de ces gangs, impliqués dans 12 meurtres. Ils ont aussi grandement aidé le service de police de Winnipeg à ouvrir une enquête sur le Paa Pii Wak Safe Haven for Men, initiative antigang subventionnée. Cette enquête a révélé que des membres du gang de rue le plus puissant du Manitoba avaient infiltré l'organisme et s'étaient mis à y embaucher des complices. Se faisant passer pour des préposés au programme, ces gangsters s'arrangeaient pour que leurs associés soient transférés de la prison au centre Paa Pii Wak, où ils pouvaient ensuite poursuivre leurs activités criminelles. Au terme de notre enquête, nous avons arrêté plusieurs gangsters, et le centre et le programme ont perdu toutes leurs subventions gouvernementales.
    Malgré nos victoires, nous sommes conscients de devoir nous aussi évoluer dans certains domaines clés. Il nous faut prendre appui sur nos pratiques exemplaires, comme le Comité directeur des priorités opérationnelles, consolider nos partenariats, et miser sur une collaboration de plus en plus étroite. Bref, il faut passer d'un point de vue organisationnel à un point de vue provincial. Le crime organisé transcende les frontières, et il est temps que les forces de l'ordre en fassent autant.
(1420)
    Nous devons poursuivre l'expansion de nos groupes intégrés, mais aussi adopter un nouveau modèle qui garantira à nos échanges de renseignements un caractère structuré, continu et par-dessus tout, pertinent. En regardant chez nos voisins, nous constatons qu'une certaine formule a fait ses preuves : confier à un organe centralisé d'une part la collecte et la communication du renseignement dans toute la province, et d'autre part l'évaluation des risques et des avenues d'enquête à l'aide de l'évaluation provinciale de la menace.
    Nous voulons nous doter d'une structure qui, propice à la circulation de l'information et des renseignements, fera évoluer notre modèle d'enquête dans le sens de la cohérence. Au Manitoba, nous savons ce qu'il y a à faire et nous allons le faire.
    Monsieur le président, l'inspecteur Bazin et moi-même avons été informés que nous aurions 10 minutes chacun. Je crois comprendre que tel n'est pas le cas. J'avais l'intention de vous parler de certaines des difficultés que pose la lutte contre le crime organisé. Ces informations se trouvent dans mon mémoire et je vais donc m'arrêter ici pour permettre à l'inspecteur Bazin de continuer.
(1425)
    Merci.
    Allez-y.
    Je remercie le comité de nous avoir invités à venir parler du problème important du crime organisé dans nos collectivités.
    Je serai bref et n'aborderai que quelques points essentiels.
    Je suis l'agent responsable de l'intégrité de la frontière. C'est l'un des programmes fédéraux de la GRC au Manitoba. J'ai le plaisir de travailler dans ma province d'origine puisque j'ai été transféré ici en 2008 après des affectations à Ottawa et dans plusieurs collectivités de la Saskatchewan. Je travaille dans le secteur du renseignement sur le crime organisé depuis 2002.
    Comme l'a dit mon collègue, l'inspecteur Ferguson, les groupes du crime organisé sont très actifs au Manitoba et nous causent des difficultés incroyables pour assurer la sécurité de nos collectivités. Je tiens cependant à préfacer mes remarques sur les activités du crime organisé en mentionnant la frontière que nous partageons avec les États-Unis.
    Comme d'autres témoins vous l'ont certainement dit, le crime organisé se manifeste dans toutes les collectivités de notre province, de Winnipeg jusqu'aux plus petits villages. Les vastes régions rurales de notre province sont loin d'être immunisées contre cette menace. De fait, le crime organisé a évolué et agit efficacement dans bon nombre de nos petites collectivités rurales, des hameaux et des villages.
    En voici un bon exemple. En 2005, près de Sundown, une petite collectivité du sud de la province située à quelques kilomètres seulement de la frontière américaine, juste au sud de Winnipeg, notre équipe intégrée de sécurité de la frontière de Rivière Rouge a découvert un réseau important du crime organisé. L'enquête menée à ce sujet — sous le nom de code Project Determine — avec la collaboration de nos collègues américains a permis de démanteler une opération très pointue et à très grande échelle de culture de marijuana dirigée par un groupe du crime organisé autochtone de l'Ontario ayant des liens en Colombie-Britannique. L'enquête a produit 37 arrestations et la saisie de plus de 28 000 plants de marijuana et 5 500 graines de marijuana, d'une valeur totale de plus de 39 millions de dollars.
    Bien qu'il soit nécessaire d'intégrer nos enquêtes avec nos collègues nationaux et internationaux, travailler dans un environnement intégré commun comporte sa part de difficultés. Ainsi, certaines restrictions législatives et leur interprétation entravent notre aptitude à partager des informations avec nos partenaires canadiens et, surtout, internationaux. Nous avons donc besoin d'un dispositif législatif qui soit clair en ce qui concerne le partage de renseignements criminels de façon à faciliter des enquêtes plus efficaces et plus efficientes contre le crime organisé.
    Au Manitoba, nous partageons une longue frontière avec les États-Unis — de 460 km — où l'on trouve un chapelet de petites collectivités, de lacs, de marécages et de forêts. Les groupes du crime organisé sont parfaitement conscients des avantages que leur offre cette géographie, notamment un risque minime de dépistage de leurs activités. En outre, la proximité des États-Unis leur est attrayante avec leurs vastes populations, leurs nombreux clients potentiels de marchandises illicites et, surtout, l'accès facile à toutes sortes d'armes à feu, outil de travail numéro un du crime organisé.
    C'est dans ce contexte que la GRC du Manitoba exploite une équipe intégrée de sécurité de la frontière conjointement avec l'Agence des services frontaliers du Canada ainsi que, du côté américain, U.S. Border Patrol, U.S. Immigration and Customs Enforcement, et U.S. Customs and Border Protection. Ensemble, nous nous efforçons de dépister et de perturber l'action des criminels et les menaces à la sécurité nationale à et entre nos ports d'entrée.
    Le crime organisé n'a qu'une raison d'être, l'argent. Je pourrais dire aussi la cupidité, la corruption, et le pouvoir qui en résulte. Bon nombre de groupes du crime organisé se diversifient en s'éloignant des activités à haut risque et à haut rendement, comme le trafic de drogue, afin de chercher des activités à faible risque et haut rendement.
(1430)
    Veuillez m'excuser, j'entends des conversations en aparté.
    Étant donné que nos témoins sont venus d'aussi loin que la Saskatchewan pour s'adresser à nous, prêtons-leur toute l'attention qu'ils méritent.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    L'une de ces activités, qui prend de plus en plus d'importance au Manitoba et dans l'ensemble du pays, est l'importation et la vente de biens contrefaits. Aujourd'hui, on peut contrefaire pratiquement n'importe quoi, comme des lunettes de soleil, des piles électriques ou des pièces automobiles, pour ne donner que quelques exemples. Il faut cependant ajouter à la liste les produits pharmaceutiques qui, de par leur nature, posent des risques énormes à la sécurité publique.
    Le risque d'appréhension en cas d'infraction aux lois sur la contrefaçon et sur les marques de commerce est extrêmement faible. Les enquêtes, qui sont souvent internationales, peuvent être très complexes et concerner des victimes de plusieurs juridictions et pays, ce qui rend les poursuites difficiles, voire impossibles.
    Plusieurs groupes du crime organisé du Manitoba se sont lancés dans le trafic et la distribution de tabac de contrebande, lequel provient essentiellement du sud de l'Ontario. Les pertes de recettes fiscales qui en résultent pour les gouvernements ont une incidence profonde sur l'activité économique du pays et de la province.
    Je ne saurais parler de la menace du crime organisé au Manitoba sans mentionner brièvement le port de Churchill, tout au nord du Manitoba. C'est le port océanique le plus proche des vastes régions productrices de céréales de l'Ouest canadien. Bien qu'il ne soit actuellement ouvert que cinq mois par an environ, le réchauffement climatique a une incidence profonde sur la région. Selon des estimations du gouvernement et d'autres organisations, l'accès océanique à la baie d'Hudson pourrait être libre de glaces entre 2013 et 2050.
    En octobre 2007, par exemple, un premier navire est arrivé directement à Churchill du port russe de Mourmansk. Certes, il n'existe pas encore de renseignements indiquant que le crime organisé cible ce port mais on ne saurait négliger le fait que le crime organisé pourrait avoir un accès relativement facile à l'Amérique du Nord de cette manière. De ce fait, cette région reste un secteur prioritaire pour le programme d'intégrité de la frontière de la GRC.
    Permettez-moi d'aborder très brièvement une difficulté particulière que nous rencontrons dans nos enquêtes. Il s'agit du décalage qui existe entre la technologie et nos lois. En effet, il conviendrait d'actualiser les dispositions de nos lois sur « l'accès légal », ce dont vous avez déjà certainement entendu parler.
    Le crime organisé est particulièrement adepte à exploiter la nouvelle technologie pour éviter ou retarder l'interception de ses communications par les organismes de police. Par exemple, il utilise fréquemment des téléphones cellulaires avec paiement à la pièce pour éviter les systèmes d'écoute de la police et il en change fréquemment. À l'heure actuelle, aucune loi n'exige que l'acheteur d'un téléphone cellulaire avec paiement à la pièce présente une pièce d'identité ou que le détaillant tienne un registre de sa clientèle.
    Il est crucial qu'on actualise la législation sur l'accès légal de façon à renforcer notre aptitude à intercepter les communications privées, outil fondamental des enquêtes sur le crime organisé.
    Voilà, monsieur le président, les quelques remarques que je voulais faire sur le crime organisé. Mes collègues et moi-même serons très heureux de répondre aux questions.
    Merci.
    C'est maintenant au tour du Service de police de Saskatoon.
    Chef Weighill, vous avez 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'appelle Clive Weighill et je suis chef de la police de Saskatoon.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Saskatoon, c'est la plus grande ville de la Saskatchewan, dotée d'un service de police regroupant plus de 600 agents assermentés et employés civils. C'est avec plaisir que je m'adresse à vous au sujet de la criminalité des gangs et du crime organisé en Saskatchewan, notamment à Saskatoon.
    D'un point de vue général, la Saskatchewan n'est pas confrontée à beaucoup des problèmes de crime organisé que connaissent d'autres provinces ou de plus grandes villes telles que Vancouver, Toronto, Montréal ou Winnipeg. Il y a divers groupes de gangs de motards criminels à Regina et Saskatoon et nous avons pu constater ces dernières années, à cause du boum économique, le début d'une activité de gangs originaires de la Colombie-Britannique et de l'Alberta.
    Toutefois, la majeure partie de l'activité des gangs est essentiellement attribuable à des gangs de rue autochtones locaux. Cette activité a commencé au début des années 1990 avec des détenus des centres correctionnels qui, dès leur libération, redevenaient actifs dans leurs gangs.
    À mon avis, l'attrait principal de la vie en gang résulte de la marginalisation de la population autochtone dans notre province. Une proportion élevée de la population autochtone vit dans la pauvreté, dans des logements insalubres, et fait face au racisme, aux retombées continues des pensionnats et aux aspects restrictifs de la Loi sur les Indiens.
    Avant la formation des gangs de rue, le commerce du sexe et de la drogue au centre-ville était géré par des familles qui protégeaient leur territoire. Cette situation a radicalement changé puisque nous avons aujourd'hui environ 17 gangs de rue confirmés dans la province de la Saskatchewan, dont sept dans la seule ville de Saskatoon.
    La plupart des gangs ont une structure très fluide, certains de leurs membres pouvant à l'occasion changer d'allégeance quand des alliances sont bénéfiques. Il n'ont pas encore atteint le degré d'organisation du crime organisé traditionnel mais ils ont leur hiérarchie, avec leurs gros bras. Le trafic de drogue est leur principale activité.
    Si vous me le permettez, j'aimerais vous donner une idée très générale et stéréotypée du mode de vie qui pousse les jeunes dans les gangs.
    Un jeune se réveille un matin en se demandant où est son frère. A-t-il été ramassé par la police hier soir? Il descend à la cuisine prendre son petit-déjeuner. Ses parents ne sont pas là, ou il vit avec un seul parent qui doit s'occuper de nombreux enfants. Il ne trouve rien pour prendre son petit-déjeuner, ou pas grand-chose. Il décide de s'habiller mais n'a pas beaucoup de vêtements à sa disposition, ou en tout cas peu de vêtements propres. Il s'habille comme il peut et se prépare à partir à l'école. Il cherche ses livres d'école et réalise peut-être qu'il n'a pas fait ses devoirs la veille.
    En route vers l'école, sa plus grande peur est que quelqu'un lui saute dessus pour voler l'argent qu'il a pour déjeuner, ou peut-être simplement pour s'amuser.
    Quand il arrive à l'école, il n'est peut-être pas bien préparé pour la journée. Il n'a peut-être pas étudié pour un examen, n'a peut-être pas fait ses devoirs et n'a probablement pas de très bons résultats scolaires. Au fond, il ne se sent pas du tout à l'aise à l'école et n'a pas le sentiment d'y être à sa place.
    En quittant l'école, il rencontre quelques types qui parlent de détrousser quelqu'un dans la rue pour acheter de la bière. Il commence à trouver que la violence, la drogue et l'alcool sont une source d'excitation et de pouvoir. Les membres du gang l'incitent à se joindre à eux, à commencer à livrer de la drogue et à faire du recouvrement de dettes par la force en intimidant des victimes et des témoins.
    Ce jeune ne tarde pas à posséder un certain pouvoir et à avoir un sentiment d'appartenance que ni sa famille, ni l'école ne peuvent lui procurer.
    Les gangs sont devenus beaucoup plus structurés et plus violents. En 2006, il y a eu quatre homicides reliés à l'activité de gangs; en 2007, trois; en 2009, quatre.
    Nous avons aussi constaté une augmentation soutenue du nombre d'introductions par effraction dans des domiciles reliées à la drogue et aux gangs, ainsi que du nombre d'agressions et de vols. Plus récemment, nous avons vu des cas de simples passants n'ayant strictement rien à voir avec l'activité criminelle se faire arrêter en pleine rue et se faire balafrer à coups de tessons de bière par des jeunes voulant montrer leur audace pour se faire accepter dans un gang.
    Hélas, l'intimidation se manifeste sur deux fronts : criminel et social. En ce qui concerne l'activité criminelle, les victimes sont menacées de mesures de rétorsion si elles se plaignent à la police. On menace les témoins pour qu'ils ne coopèrent pas avec la police. Il n'est pas rare de voir quelqu'un témoigner dans un tribunal alors que se trouvent dans la galerie du public quelques membres d'un gang faisant le geste de pointer un revolver sur sa tête ou de lui trancher la gorge. Ça n'incite certainement pas d'autres témoins à collaborer avec la police et ça favorise incroyablement la perte de mémoire. Nos enquêteurs passent des heures innombrables à essayer de rassurer les témoins et à les protéger avant et après leur témoignage.
(1435)
    Pour ce qui est du social, il y a beaucoup d'excellents citoyens qui vivent au centre-ville. Quand ils mènent une action sociale pour améliorer leur collectivité et, peut-être, signaler des problèmes de gang, on entre chez eux par effraction et on essaye de les agresser ou de les intimider pour qu'ils aient peur de refaire la même chose.
    Notre service travaille avec la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, le Conseil tribal de Saskatoon, la Fondation des métis du centre-ville et les ministères provinciaux de la Justice, des Services sociaux, de la Santé et de l'Éducation, ainsi que les organismes communautaires, pour dresser des stratégies de prévention, d'intervention et d'exécution afin de réprimer l'activité des gangs.
    Je dois dire, monsieur le président, qu'engager plus d'agents de police n'est pas la solution. La prison ferme pour un trirécidiviste ne l'est pas non plus, ni allonger les peines de prison. Si nous ne réussissons pas à résoudre les problèmes sociaux qui contribuent à la criminalité — pauvreté, logements insalubres, racisme, toxicomanie et agressivité —, l'activité des gangs sera florissante et ceux-ci resteront une option viable pour les marginalisés. On peut bien emprisonner les membres des gangs, ils retrouveront en sortant de prison le même environnement et il est très probable qu'ils reprendront les mêmes activités.
    Vous savez, je pars de temps en temps en patrouille avec les agents de police. J'enlève mon insigne de chef — j'ai alors l'air d'être l'agent de police le plus âgé de Saskatoon — et je les accompagne. Il y a quelque temps, nous étions au centre-ville et nous nous étions arrêtés en bord de route pour rédiger certains rapports. Un groupe de 17 ou 18 jeunes enfants s'est approché de notre voiture de police en courant. C'étaient des enfants de 8, 9 ou 10 ans et un adolescent de leur quartier les avait pourchassés pour leur tirer dessus avec une carabine à plombs.
    En voyant le quartier, je me suis demandé qui allait bien pouvoir aider ces enfants. Il y en avait 17 ou 18, certains étaient autochtones, d'autres non, et tous portaient des vêtements déplorables. On pouvait voir les maisons dans lesquelles ils vivaient et la détresse de leur vie. Dans un cas comme ça, on se dit : est-ce que ça va changer un jour?
    Nous avons des problèmes au Manitoba, en Saskatchewan, dans le nord de l'Alberta et dans les territoires du Nord. Nous avons un problème de vaste population marginalisée.
    Je ne cesse d'évoquer ces questions, monsieur le président. Si nous n'arrivons pas à résoudre les problèmes sociaux sous-jacents, un million de flics n'y changeront jamais rien.
    Merci beaucoup de votre attention.
(1440)
    Merci.
    Je donne la parole à l'inspecteur Poole du Service de police de Winnipeg.
    Vous avez déjà témoigné devant notre comité, n'est-ce pas?
    Une fois, à l'automne de 2008, je crois, au sujet des vols de voitures.
    Très bien. Allez-y, vous avez 10 minutes.
    Bon après-midi, monsieur le président. Au nom du Service de police de Winnipeg et du chef Keith McCaskill, merci de nous donner la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Jim Poole et je suis inspecteur de police. Je supervise plusieurs unités, dont l'unité des crimes de rue. Je suis accompagné de l'agent Nick Leone, de notre unité du crime organisé, qui est un expert sur le thème de votre étude.
    L'histoire des gangs de rue au Manitoba, notamment à Winnipeg, est caractérisée par la violence. En 1998, Winnipeg a vu apparaître le premier gang de rue structuré, rapidement suivi de gangs rivaux. La rivalité sur les couleurs, le territoire et le commerce de la drogue s'est rapidement intensifiée. Ensuite, nous avons vu apparaître des gangs de rue d'immigrants.
    Certains de ces groupes ont forgé des relations de coopération. À l'heure actuelle, beaucoup des gangs de rue et des groupes du crime organisé basés à Winnipeg ont établi des liens interprovinciaux qui facilitent leurs activités criminelles.
    Il y a à n'importe quel moment au moins 12 gangs de rue actifs dans la ville de Winnipeg, chiffre qui augmente si l'on tient compte des divers groupes dissidents et des groupes d'origine rurale qui ont des liens de criminalité étroits avec les gangs de Winnipeg ou qui viennent dans la ville pour commettre des actes criminels.
    Le point commun de tous ces gangs de rue est le recours à la violence et à l'intimidation, comme nos collègues l'ont déjà dit. Les gangs assurent la discipline dans leurs rangs et règlent les conflits qu'ils ont les uns avec les autres au moyen de la violence, ce qui peut aller jusqu'au meurtre. Les gangs de rue n'hésitent aucunement à tabasser leurs propres membres en guise d'exemple pour le groupe.
    Les gangs de rue ont recours à l'intimidation et à la peur pour empêcher les témoins et les victimes de signaler les incidents à la police et de témoigner aux procès. À Winnipeg, l'intimidation a atteint le niveau des menaces et d'actes de violence contre des membres des organismes d'application des lois et de l'appareil judiciaire. Je précise que l'activité des gangs est l'un des crimes les moins fréquemment dénoncés à cause d'une sous-culture de non-coopération et de rétorsion.
    L'acquisition et l'utilisation d'armes à feu par les gangs de rue ne cesse d'augmenter et les cas d'armes à feu déchargées en pleine rue devient de plus en plus fréquent à Winnipeg. L'intensification de la violence entre les gangs rivaux a une incidence profonde sur la sécurité publique ainsi que sur la sécurité des agents de police.
    Bien des Canadiens seraient étonnés d'apprendre qu'on trouve des enfants soldats dans beaucoup de nos villes. C'est une tendance inquiétante. Des chefs de gangs recrutent des enfants et de jeunes adolescents dans le seul but de leur faire commettre des actes violents pouvant aller jusqu'au meurtre. Ces chefs de gangs exploitent ainsi la faiblesse de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin d'échapper aux poursuites. Ils se disent que la peine infligée à un jeune sera légère pour un crime qui serait passible de la prison à vie s'il était commis par un adulte. Entre 2007 et 2009, 12 des 30 homicides de gangs commis à Winnipeg l'ont été par des jeunes.
    Outre les actes prémédités de violence et d'intimidation, on continue d'assister à une escalade de la violence fortuite commise par des membres de gangs contre des victimes innocentes de vols et d'agressions. Les voleurs d'automobiles, dont beaucoup à Winnipeg sont reliés à divers gangs, conduisent des véhicules volés au mépris des règles de la route, déclenchant des poursuites et défonçant délibérément des voitures de police. Deux civils innocents ont perdu la vie récemment à cause de ce genre d'activité totalement irréfléchie et insensée.
    Grâce au succès de la stratégie de répression des vols de voitures de Winnipeg, la stratégie WATSS, le nombre de véhicules volés a sensiblement baissé ces dernières années. On ne saurait cependant crier victoire car tout véhicule volé expose les citoyens à un risque extrême.
    Outre qu'ils étendent leurs activités vers les régions rurales à partir de Winnipeg, les gangs de rue, même les plus petits et les moins sophistiqués, les étendent aussi interprovincialement. Cette tendance pose des problèmes aux organismes d'application des lois car elle oblige à coordonner les enquêtes entre plusieurs organismes de police dont l'action est souvent entravée par des différences du point des politiques, des budgets et des objectifs.
(1445)
    Enquêter sur des membres de gangs qui commettent des actes criminels interprovincialement peut être difficile car l'information et le renseignement ne sont pas toujours échangés efficacement ni à temps.
    Les enquêtes concernant les gangs de rue et le crime organisé ont tendance à être plus complexes que les enquêtes de police traditionnelles. Elles portent sur un nombre multiple d'accusés qui participent à différents types de crimes à des degrés variables. Elles peuvent déboucher sur des douzaines d'arrestations, des centaines de motifs d'inculpation et des milliers d'éléments de preuve. Ces crimes exigent souvent une myriade de techniques d'investigation policière spécialisées, comme les crimes à caractère commercial ou financier qui se moquent des frontières internationales, les crimes technologiques, les crimes reliés à la drogue, les crimes de gangs, le trafic d'êtres humains et l'homicide.
    Il devient alors indispensable aux organismes d'application des lois de s'adapter et de créer des unités spécialisées d'enquêteurs pouvant travailler ensemble. Les organismes d'application des lois doivent comprendre que la philosophie traditionnelle de l'enquêteur, personne capable de faire tous les métiers sans en maîtriser aucun, ne saurait être efficace contre les gangs de rue et le crime organisé.
    Étant donné l'échelle énorme de leurs activités illégales, les groupes du crime organisé et les gangs de rue emploient la technologie électronique la plus moderne et la plus pointue et ce, pour deux raisons : pour éviter d'être repérés par la police, et aussi, comme dans toute entreprise rentable, pour faciliter la circulation de vastes quantités de produits — dans le cas présent, de contrebande — et d'argent d'un lieu à un autre.
    Les groupes du crime organisé utilisent des BlackBerrys, du courriel et de la messagerie chiffrés et il est de plus en plus difficile d'intercepter leurs communications par les méthodes d'écoute clandestine traditionnelles. L'utilisation de serveurs hors site pour entreposer des données illégales est devenue plus fréquente, ce qui rend difficile l'obtention d'informations comme éléments de preuve.
    Ces technologies font que les techniques policières traditionnelles d'infiltration et d'écoute clandestine sont désuètes. La possibilité pour les agences d'exécution des lois de surveiller ces technologies est limitée par le caractère dispendieux de ce genre d'enquête. Le crime organisé en est parfaitement conscient et utilise donc la technologie de pointe à son avantage.
    Quand on est dans le crime organisé ou dans un gang de rue, c'est pour la vie. Le critère de succès est l'argent et le pouvoir. Pour atteindre cet objectif, les groupes et les individus considèrent leurs activités criminelles comme des activités commerciales ordinaires qui fonctionnent 24 heures par jour, sept jours sur sept. Soyons clairs : on peut pas s'attendre à ce que la police démantèle en quelques mois ce que le crime organisé et les gangs de rue mettent des années à bâtir.
    Les services de police doivent eux aussi se fixer des objectifs à long terme en ayant recours à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à des activités d'infiltration et de surveillance clandestine. Il faut parfois des mois, voire des années, pour que les enquêtes portent fruit. Voilà pourquoi les services de police ont besoin d'outils spéciaux et de ressources dédiées pour lutter contre le crime organisé, parce que c'est une lutte spécialisée.
    À Winnipeg, dans le but de réprimer l'activité violente des gangs qui s'est intensifiée l'été dernier, la province du Manitoba et le Service de police de Winnipeg ont joint leurs forces à celles de l'unité de répression des organisations criminelles et des délinquants à haut risque, des services de probation du Service correctionnel, et du bureau du procureur de la Couronne. Leurs cibles sont les membres des gangs de rue, au moyen du plan de répression et de suppression des gangs, le GRASP. C'est un programme financé en partie par la province qui a fourni du personnel pour appuyer nos processus.
    Bon nombre des aspects du GRASP sont inspirés de la stratégie WATSS de la police de Winnipeg, c'est-à-dire de l'unité des vols de voitures. Cet outil a fait ses preuves pour réduire les vols de voitures et nous voulons l'appliquer aux gangs. Le programme WATSS a eu du succès contre les vols de voitures.
     Le GRASP est un programme de collaboration destiné non seulement à réduire la violence des gangs à Winnipeg mais aussi à rehausser les communications entre les organismes d'exécution des lois et à recueillir plus de renseignements sur les membres des gangs. Mis en oeuvre en janvier 2010, il assure une intense supervision des détenus libérés sous des conditions fixées par le tribunal étant donné qu'ils feront l'objet d'un contrôle exercé deux fois par semaine par des membres du GRASP. En cas de transgression des conditions, des mesures vigoureuses seront prises pour les renvoyer devant la justice.
(1450)
    Le GRASP surveillera aussi les délinquants les plus susceptibles de récidiver avec violence. Ceux qui sont ciblés par notre programme sont enregistrés dans le CIPC. Afin d'assurer la sécurité des agents et l'obtention de renseignements, ils y sont identifiés comme sujets du GRASP. C'est l'unité des crimes de rue du Service de police de Winnipeg qui a la responsabilité de cette initiative.
    Afin d'établir les priorités de surveillance du GRASP, une équipe d'évaluation intégrée comprenant des membres de l'appareil judiciaire du Manitoba et du Service de police de Winnipeg examinent au peigne fin le passé des membres des gangs. Ceux-ci sont classés en fonction de critères précis puis inclus dans notre programme. La liste de priorité des membres des gangs sera revue régulièrement afin d'ajouter au programme les personnes d'intérêt supérieur qui bénéficient d'une libération.
    Voilà donc l'une des mesures que nous avons prises récemment au sujet du problème des gangs à Winnipeg.
    Je vais en rester là en vous remerciant de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous allons donc ouvrir la période des questions.
    Monsieur Murphy, vous avez 10 minutes.
    Je remercie tous les témoins de leur présence. Nous avons recueilli beaucoup d'excellents témoignages dans les diverses villes où nous nous sommes rendus et je crois percevoir l'émergence d'un accord entre les législateurs et les témoins. Si j'ai bien compris, on nous dit que les chefs des gangs, les cerveaux, essayent toujours de se blinder contre la culpabilité. Ils utilisent des enfants soldats ou d'autres pions, c'est une tendance. Nous convenons tous que ces caïds doivent être punis le plus sévèrement possible pour être mis hors d'état de nuire.
    Nous sommes également d'accord, je crois, au sujet de la justice pénale appliquée aux jeunes — le chef de Saskatoon a très bien exposé leur détresse —, c'est-à-dire que ce sont de simples pions. De longues peines de prison ne les dissuaderont pas et ne les changeront pas. Quand ce sont des enfants, on ne doit pas nécessairement les incarcérer sans leur offrir un traitement. Je crois qu'il y a un accord virtuellement universel à ce sujet. Il y a aussi accord sur l'intervention précoce, et il y a accord sur l'accès légal, sur la technologie et sur la saisie de l'argent du crime organisé et de la contrefaçon. On s'entend sur toutes ces questions-là.
    La zone grise, la zone difficile, c'est le point de contact entre le pion et le caïd. C'est à ce niveau que les Canadiens s'attendent à ce que quiconque commet un meurtre, quel que soit son âge, fasse l'objet d'une peine le retirant de la société pendant un certain temps afin de dissuader les autres et, idéalement, de favoriser une certaine forme de réadaptation.
    Que pouvez-vous nous dire pour nous aider avec cette zone grise? Comme vous le savez, nous allons réfléchir à des modifications pouvant être apportés à la LJPA afin de répondre aux besoins de la société. Que pouvez-vous dire pour nous aider à lutter contre le crime organisé dans nos villes? Cette question ne concerne pas vraiment de vastes pans du Canada rural et c'est pourquoi cette étude est effectuée dans les grandes villes. C'est un phénomène urbain qui exploite l'arrière-pays.
    Quelles mesures pénales pourrions-nous prévoir pour trouver un juste équilibre? Vous avez parlé de mettre les caïds hors d'état de nuire tout en protégeant les pions qui sont récupérables.
    Je m'adresse d'abord au chef — à cause de votre âge, chef, mais aussi parce que ce que vous avez dit de la détresse de ces jeunes a retenu mon attention.
(1455)
    Vous vouliez simplement commencer par le benjamin.
    M. Brian Murphy: C'est ça.
    Chef Clive Weighill: Je conviens qu'il faut changer la loi. Je ne suis certainement pas laxiste quand il s'agit du crime mais, quand on parle de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, l'un des écueils...
    Vous savez, elle permet à la police d'employer d'autres méthodes que des poursuites pénales. Pour des infractions mineures, nous pouvons appliquer d'autres sanctions et, quand quelqu'un entre dans un gang, il commence généralement par commettre des infractions mineures. Le problème de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est qu'il n'y a pas de structure. On peut bien dire que la police peut donner des avertissements officiels, et nous le faisons lorsqu'il s'agit d'infractions mineures mais, lorsque les crimes sont plus graves, que pouvons-nous faire de ces jeunes? Où se trouvent les centres de désintoxication des jeunes qui ont besoin d'aide? Où se trouvent les programmes pour les jeunes qui ont besoin d'aide?
    C'est bien beau de dire dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents que la police peut les orienter vers d'autres services mais ceux-ci n'existent pas. De ce fait, nous sommes obligés de les renvoyer dans l'appareil de justice pénale et ils se retrouvent finalement dans des centres de détention de jeunes dont ils sortent en étant des criminels encore plus aguerris qu'avant.
    Je sais que cela peut vous donner l'impression que je suis laxiste, et presque académique et théorique, mais j'ai vraiment la conviction que la solution n'est pas législative, à mon humble avis, si on ne s'attaque pas en même temps aux causes profondes du problème. Comme je l'ai dit, vous pouvez enfermer les gens aussi longtemps que vous voulez, les menacer autant que vous voulez mais, si leurs conditions de vie sont déplorables et que nous n'avons aucun mécanisme pour les aider sans les jeter dans l'appareil de justice pénale, on aura toujours le même résultat, à mon humble avis.
    Il me reste environ deux minutes. Puis-je donc demander à la GRC et à Winnipeg de répondre en une minute chacun?
    Je partage complètement l'avis du chef Weighill. La clé est d'avoir une stratégie vigoureuse d'application des lois mais aussi une stratégie vigoureuse de prévention.
    Vous devez concevoir des programmes qui ont du sens. J'ai eu l'occasion ou le luxe de participer à plusieurs comités sur la justice pour adolescents au Manitoba. Malheureusement, si la police n'était pas présente dans cette collectivité, ces comités ne pourraient généralement rien faire. Vous savez, nous comprenons que notre travail en bout de chaîne serait beaucoup plus facile si le problème pouvait être résolu à l'entrée. Aucun d'entre nous, je pense, ne conteste l'idée que la prévention est la clé du casse-tête.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. J'ai plutôt formulé quelques remarques.
    À Winnipeg, et surtout dans la zone grise, pour les gens qui se trouvent au milieu entre les pions et les caïds, que faisons-nous?
    J'étais à Regina la semaine dernière pour participer à une très petite conférence organisée par RAGS, la stratégie antigang de Regina, qui est financée par le fonds de justice pénale pour adolescents. C'est une sorte d'organisme d'entraide. Les gens qui veulent sortir des gangs doivent le contacter eux-mêmes. Lors de cette conférence, j'ai appris que les groupes auxquels on doit s'intéresser sont les enfants de 10 ans, à peu près.
    Je sais que je ne réponds par exactement à votre question concernant les caïds et les jeunes qui font le sale boulot. C'est à des enfants qui ont une dizaine d'années qu'il faut maintenant s'intéresser si l'on veut éviter qu'ils tombent dans ces gangs. J'ai été très impressionné par la stratégie antigang de Regina et je pense qu'elle pourrait probablement être efficace ici.
    Merci.
    Mme Mourani, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bonjour à tous. Je vous remercie d'être présents.
    Mes questions s'adresseront aux représentants du Service correctionnel du Canada. J'aurai plusieurs questions auxquelles j'aimerais obtenir de brèves réponses, compte tenu du temps qui m'est alloué.
    Selon mes informations, le gang autochtone Native Syndicate aurait été créé dans le pénitencier de Stony Mountain. Est-ce que je me trompe?
(1500)

[Traduction]

    Je pense que c'est le cas, oui.

[Français]

    Toujours selon mes informations, ce gang se serait répandu non seulement un peu partout au Manitoba, mais aussi en Ontario, en Saskatchewan et un peu en Alberta. Cette migration est non seulement due à la migration des membres, mais aussi au transfert des détenus effectué par le service correctionnel pour gérer sa population lors de cas de violence.
    Tout d'abord, je voudrais savoir s'il y a d'autres gangs de prison, comme on appelle ces gangs qui se sont créés en prison? Qui sont ces gangs? Que faites-vous pour régler ce problème de gangs de prison? Pourquoi continuez-vous à transférer les détenus et membres de gangs dans d'autres provinces et villes canadiennes?

[Traduction]

    Je vais essayer de répondre à toutes vos questions.
    En ce qui concerne les gangs établis à Régina et la manière dont ils étendent leur activité, je ne peux pas vous répondre immédiatement mais nous pourrons vous envoyer ces données techniques à la première occasion.
    Pour ce qui est du problème des gangs autochtones et de rue, nous faisons de la gestion de risque fondée sur le renseignement. Nous essayons de réunir des informations pour les partager avec nos partenaires du Service et donner à notre personnel les outils nécessaires pour comprendre le comportement des gangs. Notre objectif essentiel est d'essayer d'amener les membres à en sortir. Nous utilisons nos informations de stratégie de gestion du risque pour essayer d'amener les membres des gangs à en sortir. Nous avons amélioré notre programmation et nos interventions et nous avons consacré beaucoup d'énergie et d'efforts à cela.

[Français]

    Plusieurs gangs se sont répandus d'un bout à l'autre du Canada à cause du transfert des détenus. Un autre exemple est Indian Posse. Pourquoi continuez-vous ce genre de pratiques?
    Au Québec, des membres de gangs proviennent des Prairies et d'ailleurs, et contaminent aussi d'autres provinces. Pourquoi continuez-vous à faire le transfert de membres de gangs de rue, qui sont parfois des membres notoires et que vous n'êtes pas capable de gérer dans vos pénitenciers? Pourquoi n'avez-vous pas développer une autre stratégie?

[Traduction]

    Ce que nous faisons — je dirige un établissement à sécurité moyenne —, c'est que nous réunissons des informations... Toutes les organisations criminelles ont un risque inhérent dans nos établissements. Quand certains délinquants font l'objet d'une évaluation de sécurité maximum, ils sont transférés dans un établissement capable de gérer leur risque. C'est ce qui explique certains des transferts.
    Certains des autres transferts répondent à des objectifs de programmation. Il arrive souvent que des membres de gangs essayent d'en sortir. Nous essayons de les aider localement mais il nous arrive aussi souvent de les transférer dans un autre établissement pour leur donner la chance de couper tout contact avec leur gang.
    Voilà donc certaines des raisons pour lesquelles les membres de gangs peuvent être dispersés dans le système pénitentiaire.

[Français]

    Sauf erreur, par exemple, lorsqu'un détenu a une cote « maximum » au Manitoba, vous allez sûrement le transférer dans un pénitencier à sécurité maximum. Mais pourquoi le transférer au Québec ou ailleurs? N'avez-vous pas de pénitencier à sécurité maximum au Manitoba? C'est ce que vous voulez dire?

[Traduction]

    Oui, nous allons parfois transférer un détenu dans une USD, une unité spéciale de détention, parce que son risque ne peut pas être géré en sécurité ou efficacement dans une unité à sécurité maximum. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous pouvons transférer certaines personnes du Manitoba au Québec.l'un
    Ai-je répondu à votre question?

[Français]

    Non. Vous n'avez pas de pénitencier à sécurité maximum au Manitoba? C'est bien cela?

[Traduction]

    Non, nous n'avons pas d'établissement à sécurité maximum au Manitoba.

[Français]

    Donc, c'est ça, le grand problème. Parfois, vous êtes obligés de les transférer dans d'autres provinces parce que, dans votre propre province, ici, au Manitoba, vous n'avez pas toutes les cotes de sécurité, comme la cote maximum.
(1505)

[Traduction]

    En plus de ça...
    Allez y, Tim.

[Français]

    En ce qui concerne les gangs de prison, selon mes informations, pour pouvoir former un gang de prison, il faut tout d'abord qu'il y ait une population assez concentrée. Par exemple, il faut une population assez concentrée d'Autochtones, s'il s'agit d'un gang autochtone. Donc, il faut une bonne proportion de membres potentiels à recruter et aussi une certaine proximité de ces gens dans un même établissement.
     La surpopulation autochtone dans les pénitenciers fédéraux a-t-elle contribué notamment à ces gangs de prison?

[Traduction]

    Je pense que les populations de nos gangs reflètent les populations des gangs de la communauté. Si nous avons beaucoup de membres de gangs de rue d'origine ethnique dans la communauté, les délinquants sont souvent déjà affiliés à un gang avant leur incarcération. Nous essayons donc de gérer ces groupes.
    Une autre réponse à votre question sur les raisons pour lesquelles des détenus sont transférés est l'option d'isolement, qui est une option extrême à nos yeux. Quand nous avons un détenu placé en isolement, nous essayons de dresser un plan pour son retour dans la population carcérale générale afin qu'il puisse participer aux fonctions de réadaptation telles que la programmation et l'emploi. C'est une autre raison pour laquelle nous transférons des délinquants d'un établissement à un autre.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Comartin pour sept minutes.
    Merci de votre présence.
    Inspecteur Ferguson, l'incident dont vous avez parlé, d'un gang ayant infiltré une ONG, concernait-t-il un gang de rue?
    Oui.
    Était-ce une agence légitime ou avait-elle été créée pour...
    C'était une agence légitime qui recevait son financement par l'intermédiaire d'une organisation religieuse de Winnipeg, je crois.
    Vous avez dit qu'elle était financée par le gouvernement.
    C'est exact. Ses fonds venaient du gouvernement.
    Mais elle était basée dans une église...
    Je ne sais pas si l'agent Leone a plus de renseignements à ce sujet car je ne suis pas exactement certain de sa structure. C'était une agence créée pour aider les membres des gangs. Elle recevait des fonds du gouvernement fédéral par le truchement d'une église locale. Toutefois, je ne sais pas exactement comment elle avait été créée.
    Savez-vous pendant combien de temps elle a fonctionné avant d'avoir été infiltrée?
    Assez longtemps. Je n'ai pas l'information avec moi mais c'était un an, peut-être, si ce n'est plus.
    Je suis d'accord. Je pense que le financement initial passait par une organisation légitime et que ce groupe a ensuite créé son propre comité pour gérer les fonds lui-même. C'est alors qu'il y a eu des problèmes.
    Combien de temps cela a-t-il duré avant qu'ils se fassent prendre?
    Au moins un an, si ce n'est plus.
    Avez-vous connaissance d'autres tentatives d'infiltration, ou menez-vous des enquêtes à ce sujet actuellement?
    Non, pas de cette ampleur, à ma connaissance.
    Inspecteur Poole, vous en avez parlé également de corruption de membres de l'appareil judiciaire. Lors de nos deux journées d'audience à Toronto et à Edmonton, nous avons aussi entendu parler d'enquêtes à ce sujet ou de soupçons que les services de police ou des organismes de justice pénale auraient été infiltrés. Y a-t-il eu des accusations ou des enquêtes de même nature ici?
    Je ne suis pas sûr d'avoir dit que... d'infiltration du gouvernement?
    C'est ce que j'avais cru comprendre. Oh, c'était peut-être d'intimidation.
    Oui, je parlais d'intimidation.
    Est-ce que ça a marché? Est-ce que des enquêtes ont été compromises par suite de l'intimidation de ces personnes?
    Je peux dire que nous avons mené des enquêtes sur des membres du Service de police de Winnipeg qui, selon nous, avaient été corrompus par le crime organisé et qui profitaient de leur influence comme agents de police pour aider ces organisations, oui.
    Qu'en est-il de l'intimidation?
    C'est toujours un problème. Il est toujours difficile d'obtenir des témoins.
(1510)
    Mais contre l'appareil judiciaire, nous avons porté des accusations dans certains cas où ils ont été intimidés.
    Absolument.
    Même des juges?
    Il y a eu des procureurs de la Couronne dont le domicile a fait l'objet d'entrée par effraction de membres de gangs.
    Monsieur Bonnefoy, avez-vous connaissance d'employés du Service correctionnel qui auraient été menacés ou intimidés?
    Oui, certains de nos employés ont été menacés mais nous avons un protocole de protection des employés et nous avons une politique qui aide notre personnel à savoir quoi faire en cas de menace.
    Cela s'était produit uniquement à l'intérieur de l'établissement ou aussi au domicile ou dans la communauté?
    Je n'ai pas connaissance de tels incidents en dehors de l'établissement.
    Intentez-vous normalement des poursuites lorsqu'il y a une telle intimidation?
    À l'intérieur de l'établissement?
    M. Joe Comartin : Oui.
    M. Robert Bonnefoy : Oui, si c'est justifié. Nous collaborons très étroitement avec notre GRC locale.
    Quand Sentiers a-t-il débuté?
    Je n'ai pas la date exacte. Nous avons lancé Sentiers il y a une dizaine d'années.
    Le programme a-t-il eu du succès? Avez-vous un système pour en mesurer le succès?
    Nous avons un tel système et le programme a eu beaucoup de succès. C'est l'un de nos principaux outils pour donner aux membres des gangs la possibilité d'en sortir...
    Je suis désolé de vous interrompre mais est-il précisément destiné à la communauté autochtone ou a-t-il une plus large portée?
    Il est spécialement destiné à la communauté autochtone. Il est basé sur un modèle holistique autochtone mais les détenus non autochtones peuvent parfaitement participer au programme et à l'initiative. Il a été efficace pour des détenus autochtones aussi bien que non autochtones.
    En matière de non-récidive ou au moins de sortie des gangs, avez-vous des pourcentages ou des chiffres absolus?
    Je n'ai pas de chiffres avec moi. Nous pourrions les obtenir mais je sais, par exemple, que nous avons transféré des détenus de sécurité minimum à un pavillon de ressourcement au cours du dernier exercice budgétaire. Nous en avons eu 119 l'année précédente et 145 cette année. Nous continuons donc d'avoir du succès à cet égard.
    Assurez-vous un suivi des prisonniers qui sont passés par ce programme, après leur libération?
    Oui. Le Service tient des statistiques pendant un certain temps après l'expiration du mandat.
    Pour ce qui est de la sortie des gangs, avez-vous des chiffres indiquant que vous avez du succès?
    Je ne peux pas vous répondre pour le moment. Je n'ai pas de chiffres avec moi mais je vous les communiquerai plus tard avec plaisir.
    Votre déclaration et vos réponses me donnent le sentiment que, si des détenus sont identifiés comme membres d'un gang, ils sont placés ensemble et vous faites en sorte que les gangs sont séparés. C'est bien ça?
    Localement, comme je l'ai dit, c'est un environnement qui change vraiment rapidement et c'est pourquoi nous appliquons une démarche de gestion du risque fondée sur le renseignement. Nous recueillons continuellement des renseignements et nous essayons d'atténuer le risque que posent les organisations criminelles dans nos établissements. Nous avons donc certains groupes que nous tenons à l'écart d'autres groupes parce qu'ils sont incapables de s'entendre et qu'ils représentent un danger pour leurs membres et pour les autres détenus.
    Mais ces groupes restent unis?
    Oui. Il y a certains groupes dont les membres restent ensemble en étant séparés des autres. Ça fait partie de notre gestion de la population. Nous maintenons certains groupes ensemble parce qu'ils ne peuvent s'entendre avec aucun autre groupe. Nous voulons également minimiser leur influence du point de vue du trafic de drogue et du recrutement, ainsi que leur influence sur les autres détenus.
    Merci.
    Monsieur Norlock, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je veux simplement m'adresser aux deux représentants de la police municipale.
    Inspecteur Poole, vous avez parlé de modification de la LJPA. Les modifications proposées concernaient précisément les récidivistes violents. J'aimerais connaître votre avis sur ces modifications, ou propositions de modifications, et je parlerai ensuite des services qui sont disponibles.
    Je voudrais également demander au chef Weighill de parler de certaines des questions entourant ce que vous faites quand... Vous dites qu'il n'y a aucun service pour traiter ces adolescents mais, ce matin, nous avons accueilli plusieurs dames, certes moins nombreuses que vous, messieurs, qui dispensent des services, et nous sommes également allés dans d'autres villes du Canada où il y a des lieux et des entités dans la communauté qui s'occupent réellement des enfants délinquants ou aident leurs parents.
    Peut-être pourriez-vous donc préciser votre pensée, inspecteur Poole? Vouliez-vous parler des récidivistes violents quand vous parliez de jeunes délinquants?
(1515)
    J'essaye de me souvenir du contexte.
    Vous parliez des problèmes qu'elle pose.
    En ce qui concerne la LJPA...
    Dans le domaine des vols de voitures, il y a beaucoup de jeunes qui sont arrêtés, qui sont ensuite relâchés et qui continuent alors de commettre les mêmes infractions et sont à nouveau arrêtés. Au fond, c'est une porte tournante du point de vue du temps qu'ils passent en détention.
    Même avec le processus de surveillance électronique que nous avons au Manitoba, avec les bracelets, il y en a certains qui n'hésitent pas à les couper pour s'en débarrasser. C'est arrivé plusieurs fois avec les mêmes personnes. Il y a des choses comme ça. Je pense que c'est ce que je voulais dire au sujet des vols de voitures.
    Nous n'avons pas les mêmes types de programmes pour les membres des gangs de rue. Nous espérons actuellement... notre province estime que ces transgressions sont graves et on s'oppose avec le plus de véhémence possible à la libération sous caution, du côté des adultes, avec ce programme GRASP.
    Merci.
    Chef Weighill.
    Je reviens sur les récidivistes graves. Je crois c'est un problème pour tous les services de police. C'est aussi un problème pour les tribunaux car nous avons certains jeunes ou adolescents, malheureusement, qui ont besoin d'une intervention parce qu'ils sont incapables de cesser leurs activités criminelles. Voilà les gens dont je parlais en disant que les programmes de réadaptation ne leur servent à rien.
    Vous avez dit que d'autres personnes sont venues vous parler de programmes qui existent, et il est vrai qu'il y en a dans les collectivités mais ils sont souvent gérés par des organisations communautaires comme la Société John Howard ou la Société Elizabeth Fry qui consacrent — c'est juste une estimation personnelle — 60 p. 100 de leur temps à essayer d'obtenir des fonds chaque année pour pouvoir continuer. Je pense que toute organisation communautaire vous dira que c'est l'un des obstacles.
    Il est difficile pour la police de travailler en partenariat avec beaucoup d'agences qui ne savent pas si elles recevront des fonds l'année suivante. Ça ne contribue pas à la crédibilité quand on essaye de faire de la médiation avec certaines victimes.
    Je pense que nous avons donc besoin de très bons programmes gouvernementaux, des programmes solides sur lesquels nous saurons pouvoir compter chaque fois que nous en aurons besoin pour essayer d'obtenir certains résultats.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bonnefoy, vous avez dit que votre établissement de Stony Mountain est à sécurité moyenne.
    Dans ma circonscription, nous avons Warkworth, aussi à sécurité moyenne. Dieu merci, on y a lancé le programme Sentiers qui fonctionne très bien.
    Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Je vous demande cela parce que je fais partie d'un autre comité, le Comité de la sécurité publique et nationale, où l'on discute des programmes qui existent pour les détenus.
    Évidemment, à Warkworth, nous avons tout, de la fabrication de meubles jusqu'à la réparation de grands véhicules militaires. Ils finiront bientôt leur 200e.
    Quels autres programmes avez-vous pour que les gens gagnent leur vie une fois qu'ils sont sortis? Bien sûr, nous savons que subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille est crucial. Pouvez-vous donc nous dire quels services vous fournissez, outre l'éducation, pour aider ces gens à gagner leur vie après l'incarcération?
    Le programme Sentiers représente en soi une démarche de guérison holistique. Nous avons des Anciens qui se consacrent à cette unité, ainsi que des assistants d'Anciens, des agents de liaison autochtones et des agents correctionnels autochtones. Nous gérons neuf programmes particuliers pour les autochtones.
    En outre, dans tout l'établissement, comme vous l'avez dit, nous mettons l'accent sur notre programme GED, le programme d'éducation. Nous faisons beaucoup de certificats professionnels, de formation professionnelle, pour essayer de donner aux détenus des compétences qui les aideront à trouver un emploi valable à leur libération.
    Nous avons ensuite toute une foule de programmes fondamentaux portant sur des choses telles que la toxicomanie, la violence et ce genre de choses.
(1520)
    Pour ce qui est de la formation professionnelle, est-ce qu'ils peuvent obtenir un certificat? Autrement dit, est-ce qu'ils peuvent devenir menuisiers ou plombiers qualifiés, par exemple, au Manitoba?
    Oui, nous offrons des certificats du Sceau rouge. Dans le passé, nous avons dispensé de la formation sur la préparation des aliments, par exemple, ou la conduite de chariots élévateurs. CORCAN est une grande partie de notre mandat de formation professionnelle des détenus.
    Vous avez dit que vous en faites le suivi. Savez-vous donc si ceux qui obtiennent leur certificat professionnel ou leur Sceau rouge ont tendance à ne pas récidiver?
    Je ne sais pas. Je regrette, je n'ai pas cette information.
    Merci.
    Merci.
    Nous retournons à M. Murphy pour un deuxième tour de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons parlé d'argent. Nous savons que l'argent est le nerf de la guerre. Nous avons parlé des gangs et des jeunes, de l'intervention et de toutes ces choses-là.
     Nous n'avons pas parlé d'armes à feu. Nous avons eu certains témoignages aujourd'hui à ce sujet, ce qui était nouveau pour moi, et on nous a dit, ce qui est encore pire, qu'elles sont de plus en plus fréquentes.
     Monsieur Bazin, je crois que c'est vous qui avez parlé de la prolifération des armes à feu dans l'exécution d'actes criminels.
    Voici donc une courte question pour les trois services de police : le problème des armes à feu est-il en train d'empirer dans nos collectivités? Les lois actuelles — et, s'il vous plaît, ne me parlez pas du registre — sont-elles utiles? Il existe un régime beaucoup plus ancien pour les armes de poing, en vertu du Code criminel, des armes à autorisation restreinte, etc. Que pouvons-nous faire, législativement ou autrement — c'est peut-être plus une question de frontière — à ce sujet? À moins que tout aille bien, ou mieux.
    Vous pouvez commencer comme vous voulez. Pourquoi ne répondez-vous pas de gauche à droite? C'est un peu notre tendance naturelle, de ce côté.
    Je ferai une brève remarque et je laisserai la parole à Nick.
    Au sujet des peines plus sévères, qu'il s'agisse d'une année de plus pour infraction commise avec une arme à feu, ou quelque chose comme ça, je ne sais pas si ça changerait vraiment quelque chose et empêcherait quelqu'un de l'utiliser. C'est juste mon avis personnel.
    Qu'en pensez-vous, Nick?
    Du point de vue des enquêtes, je pense qu'une peine minimum pour l'utilisation d'une arme à feu serait un progrès. Ça n'aura pas nécessairement un effet préventif pour amener un membre d'un gang à se dire « je risque quatre ans de prison si je suis pris avec ce revolver » mais ça permettra au moins de le retirer ce membre de la circulation et d'empêcher qu'il commette d'autres actes criminels pendant un certain temps. C'est peut-être évident mais c'est très important.
    Avez-vous constaté une augmentation ou non du nombre ou de l'utilisation d'armes à feu dans votre ville?
    C'est pire. En ce qui concerne le type d'armes à feu que nous voyons, comme il y a beaucoup de régions rurales au Manitoba, on voyait traditionnellement des fusils à canon scié alors qu'on voit aujourd'hui des armes plus sophistiquées, des pistolets semi-automatiques qui coûtent cher...
    D'où viennent-ils?
    De la Colombie-Britannique — mais des recherches plus poussées avec l'ATF montreraient qu'ils viennent en fait des États-Unis.
    M. Brian Murphy: Chef.
    Oui, il y a manifestement plus d'armes à feu à Saskatoon. Certes, les armes de choix restent les battes de baseball et les couteaux, ça ne fait aucun doute, mais nous voyons aussi beaucoup plus d'autres armes : des fusils à canon scié, des 22 à canon scié et beaucoup de revolvers.
    Heureusement, beaucoup de ces armes ne servent encore pour le moment qu'à intimider. Les criminels les portent sur eux et s'en servent pour intimider les gens. Nous pouvons cependant deviner l'étape suivante. L'intimidation a ses limites.
    Que pouvons-nous y faire?
    Ce que nous avons actuellement est assez satisfaisant. Nous avons de bonnes lois limitant la possession des armes à feu. Il s'agit de bien les appliquer.
    Elles sont faciles à obtenir parce qu'elles peuvent facilement traverser la frontière. Je ne sais pas si nous avons besoin de lois supplémentaires. Je ne vois pas vraiment ce qu'on pourrait ajouter aux lois actuelles qui sont déjà très restrictives.
    Je regrette, je n'ai pas d'autre réponse à vous donner.
    Je peux parler brièvement des armes à feu.
    Nous voyons beaucoup d'armes à feu traverser la frontière. Nous avons beaucoup de renseignements à ce sujet. Une bonne partie de la marijuana ou des graines de marijuana de la Colombie-Britannique s'en va au sud et les revolvers remontent au nord. Dans certaines des régions où nous travaillons, il est très facile de faire passer des armes à feu. Ce n'est pas du tout difficile. Il y a diverses méthodes. Voilà pourquoi nous voyons arriver plus de pistolets semi-automatiques qui coûtent cher. Dans l'ensemble, ils viennent des États-Unis.
    Pour ce qui est des lois, je pense que nous en avons de bonnes actuellement. Nous pourrions peut-être les renforcer un peu en n'accordant absolument aucune latitude au niveau des peines infligées aux membres des gangs qui se font arrêter avec une arme à feu dissimulée. Ça devrait être absolument clair.
    La question sera alors de prouver qu'il s'agit bien de membres des gangs. C'est pour cela que l'enregistrement dans des bases de données est important, et je suis sûr que vous en avez entendu parler mais, si nous pouvons arriver au point où le membre d'un gang qui porte un pistolet pour intimider les gens... Comme l'a dit le chef Weighill, c'est de l'intimidation. Ils sortent leur pistolet pour faire peur. Ils n'ont probablement pas l'intention de l'utiliser mais ils le feront si c'est nécessaire. C'est ce que je pense.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, John?
(1525)
    Merci.
    Je donne la parole à Mme Guay pour cinq minutes.

[Français]

    C'est très intéressant, ce qui se passe ici, parce que c'est particulier. On a vu qu'à Edmonton, c'était très différent. À Toronto aussi, la façon de procéder était différente. Ici, il s'agit vraiment des Autochtones. Vous avez vraiment des difficultés.
    Ce matin on a reçu plusieurs femmes. D'ailleurs, c'était surprenant, il n'y avait pas un homme, que des femmes. Celles-ci travaillent dans différentes associations pour aider les jeunes, ceux qui sont déjà en prison. Il y a des grands-mères qui aident la jeunesse et tout cela, pour tenter d'améliorer la situation ici.
    Je me demande si vous travaillez vraiment en coopération avec elles et ces associations. Y a-t-il vraiment un lien qui se fait entre vous et elles, qu'il s'agisse des autorités pénitentiaires ou policières du Manitoba, de Winnipeg, de Saskatoon? J'aimerais une brève réponse.
    N'importe qui peut répondre, mais qu'il le fasse rapidement, parce que je n'ai que cinq minutes.

[Traduction]

    À Winnipeg, notre initiative GRASP avec la province nous donne la possibilité d'établir des liens entre les différents groupes. Ce sont eux qui sont vraiment au courant des mesures préventives que nous avons à notre disposition, et nous...

[Français]

    Faites-vous appel à ces personnes?

[Traduction]

    Oui, nos gens des services de probation.
    Nous avons de bonnes relations et une excellente coopération avec les services d'aide à l'enfance et à la famille et avec les services de probation de la province. Nous avons un membre de la GRC qui travaille avec l'Assemblée des chefs du Manitoba et la Fédération des métis du Manitoba.

[Français]

    Merci.
     Monsieur Bonnefoy.

[Traduction]

    Nous avons aussi beaucoup mis l'accent sur nos partenariats. Nous avons des partenariats avec les bureaux de libération conditionnelle communautaires et avec des organisations externes comme l'Assemblée des chefs du Manitoba, diverses organisations autochtones et la Société John Howard. Nous avons des liens très étroits avec la police locale. Nous essayons d'assurer la continuation des services, de l'établissement jusqu'à la communauté.
    Oui. Je ferai une seule remarque, qui est que ce sont de très bonnes organisations avec qui travailler parce qu'elles sont proches des gens avec qui elles travaillent. De ce fait, elles bénéficient de la confiance des gens avec qui elles travaillent, ce qui est très important si nous voulons agir en partenariat avec elles.

[Français]

    C'est exactement ce qu'on nous a dit ce matin.
    Monsieur Weighill, tout à l'heure, vous disiez — et j'étais contente de vous entendre dire cela aussi — qu'on ne réglerait pas le problème en créant des lois plus sévères, en ayant plus de prisons et plus de jeunes en prison. Vous disiez que c'était vraiment à la base qu'il fallait trouver des solutions.
    Dois-je comprendre que c'est un peu le sentiment de tous ceux qui sont ici, à cette table? Entre autres, la Loi sur les jeunes contrevenants sera présentée à la Chambre des communes bientôt, car on veut renforcer la loi en ce qui a trait aux peines minimales de 10 ans pour les jeunes. Je voudrais connaître votre opinion à ce propos.

[Traduction]

    Il ne faut jamais perdre de vue la victime. Si un crime mérite une peine de 10 ans, ou une peine minimum obligatoire, et qu'il s'agit d'un jeune, il faut réaliser que c'est une possibilité absolue.

[Français]

    Cela existe déjà dans la loi. Faut-il sévir, rendre les peines plus sévères encore? Selon la loi, le juge a actuellement la possibilité d'infliger une peine de 10 ans. Cela existe déjà et on veut maintenant rendre cela obligatoire.
(1530)

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'il y ait de peine minimum obligatoire de 10 ans, à moins que j'aie mal compris la question.

[Français]

    D'accord, ça va.

[Traduction]

    Je ne connais pas toutes les modifications qui sont proposées pour la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et je ne peux donc pas vous répondre.
    Je pense qu'il faut des peines longues dans certaines situations mais c'est aux juges qu'appartient la décision. Il y a probablement une réaction du public parce qu'on pense que les juges sont laxistes mais, dans l'ensemble, elles sont prévues par la loi. Les juges ont le pouvoir de faire ce qu'ils veulent.
    Je ne peux pas parler de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je ne la connais pas très bien.
    Je ne sais pas si John me faire une remarque.
    Non, je ne la connais pas très bien non plus.
    Cela dit, en ce qui concerne les peines obligatoires, il faut qu'il y ait un équilibre. Je reviens sur l'exemple mentionné par l'inspecteur Bazin d'une vaste opération de culture de marijuana d'une valeur de plus de 39 millions de dollars, avec l'arrestation de 31 personnes. C'étaient tous des immigrants, dont certains étaient présents illégalement dans le pays. En fin de compte, c'étaient tous des gens désespérés qui essayaient de subvenir aux besoins de leurs familles.
    Est-ce qu'il aurait été juste de leur infliger une peine minimum? Ma tendance à la compassion me porterait probablement à dire non. Aurait-on dû infliger une peine minimum à l'organisateur? Oui, absolument. Voilà l'équilibre qu'il faut trouver.
    Je voudrais faire une remarque au sujet d'un amendement, celui concernant la publication des noms des jeunes. Je suis parfaitement d'accord avec cela. Un jeune de 14, 15, 16 ou 17 ans qui intimide les gens et cause du chaos dans la collectivité, je ne vois pas de raison valable de ne pas divulguer son nom.
    Si vous les voyez, vous devez... [Inaudible]... les arrêter.
    Chef, pensez-vous également que la protection du public doit être l'objectif primordial de la loi?
    Absolument.
    Bien.
    C'est maintenant au tour de M. Dechert, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, de vos témoignages cet après-midi.
    On a parlé plusieurs fois de l'intimidation des témoins. Si vous aviez été ici ce matin, vous auriez entendu l'histoire déchirante de M. Floyd Wiebe dont le fils, T. J. Wiebe, a été assassiné à Winnipeg il y a quelques années. Ce qui m'a frappé dans ce qu'il a dit, c'est que le caïd criminel qui a convaincu trois autres d'assassiner son fils a été acquitté parce que les témoins avaient été intimidés et n'avaient pas voulu témoigner ou donner le témoignage nécessaire pour le faire condamner.
    Chef Weighill, vous avez parlé de l'intimidation des témoins. Voici ma question : que peut-on y faire? Comment devrions-nous changer la loi ou changer la protection des témoins pour résoudre ce problème afin qu'un plus grand nombre de témoins soient prêts à donner les témoignages nécessaires pour faire condamner certains de ces criminels très dangereux?
    À mon avis, cela doit être l'un des angles législatifs les plus stricts de notre appareil de justice pénale car c'est la pierre angulaire. Si vous avez des gens qui sont intimidés ou qui ont peur de témoigner, c'est tout le système de justice pénale qui s'effondre. Quiconque manipule le système en voulant intimider ou menacer des témoins devrait subir au maximum les foudres de la loi.
    Devrions-nous donc prévoir des peines plus lourdes pour ceux qui font ça?
    Absolument, parce que, sans ça, c'est le désastre.
    Partagez-vous cette opinion, inspecteur Poole?
    Oui.
    Très bien.
    Nous parlions tout à l'heure d'armes à feu mais nous n'avons pas entendu la représentante de l'Agence des services frontaliers du Canada. J'aimerais savoir de quelles ressources supplémentaires l'Agence a besoin pour endiguer ce flux d'armes à feu et de revolvers illégaux qui traversent la frontière.
    Je peux obtenir l'information pour vous mais, malheureusement, mon programme porte spécifiquement sur la LIPR, pas sur la Loi sur les douanes.
    Certes, mais c'est évidemment quelque chose dont s'occupe l'ASFC?
    Inspecteur Bazin, avez-vous une opinion à ce sujet?
    Oui. Nous collaborons étroitement avec l'ASFC pour réprimer la contrebande d'armes à feu à travers la frontière. Certaines passent par les ports mais la grande majorité passe entre les ports. Donc, dans notre...
(1535)
    Vous voulez parler des zones frontalières non protégées?
    Certaines passent par des postes frontaliers surveillés en étant dissimulées dans des véhicules ou autrement mais la grande majorité passe par les zones intermédiaires qui ne sont pas surveillées. On a beaucoup plus de zones frontalières non surveillées que surveillées au Canada.
    Nous collaborons donc étroitement avec l'ASFC — qui fait partie de nos équipes intégrées de surveillance de la frontière — ainsi qu'avec les Américains pour essayer de recueillir des renseignements et pour collaborer avec les commerces légitimes d'armes à feu des États-Unis afin de savoir qui en achète de grandes quantités. Généralement, ce sont des hommes de paille qui font les achats et il y a des méthodes pour faire ça...
    C'est une méthode mais il est très difficile de les arrêter à la frontière alors que...
    Exactement. Parfois, comme vous le savez, s'ils pensent qu'ils seront sérieusement interrogés au poste de douane, ils vont quelques kilomètres plus loin pour essayer de passer en douce en pleine nuit.
    Pouvez-vous décrire brièvement comment ces armes sont distribuées et vendues? Comment passent-elles des importateurs dans les mains des gangs de rue?
    La contrebande est souvent coordonnée par les gangs eux-mêmes. Ce sont eux qui établissent les contacts aux États-Unis pour faire la contrebande. Le fournisseur général... Ils ont une source du côté américain qui coordonne l'expédition. L'échange se fait à la frontière ou il se peut qu'un membre du gang canadien traverse illégalement la frontière pour aller aux États-Unis faire l'échange et ramène avec lui les armes et les fusils, et c'est comme ça qu'on les retrouve dans nos villes. Il les ramène dans les villes et les distribue généralement à partir de là. Mais il y a différentes manières de faire et ils utilisent différentes méthodes — ce serait peut-être trop long à expliquer ici — et ce n'est pas très difficile étant donné la longueur de notre frontière avec les États-Unis.
    Très bien. Merci.
    Une très brève question pour M. Bonnefoy. Quelle est la proportion des membres de gangs dans votre établissement qui faisaient partie d'un gang avant d'y arriver, par opposition à ceux qui sont devenus membres de gangs pendant leur détention?
    Je n'ai pas cette information.
    D'autres témoins nous ont dit que c'est en prison que beaucoup de jeunes deviennent membres de gangs, surtout autochtones.
    Nous consacrons beaucoup d'énergie à lutter contre ce recrutement. Quand quelqu'un qui arrive en prison et est déjà membre d'une organisation criminelle, il est difficile de l'en séparer. Par contre, si ce n'est pas le cas, nous pouvons essayer d'éviter qu'il se joigne à un gang... et ça arrive. Il y a du recrutement dans les établissements pénitentiaires mais je n'ai pas de chiffres à vous donner.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Merci.
    Mme Mendes, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus témoigner.
    Je vais aborder une question complètement différente, si vous me le permettez. J'ai beaucoup de chance d'avoir choisi le Canada pour immigrer. Ce n'est pas le pays où je suis née mais je l'adore absolument.
    Au cours des 20 dernières années, à peu près, les statistiques de la criminalité ont-elles augmenté ou baissé, se sont-elles stabilisées, ont-elles changé d'une manière quelconque qui menace réellement notre sécurité, la sécurité de nos jeunes? Est-ce que c'est vraiment ça le risque? Je songe en particulier au crime organisé.
    En ce qui concerne les crimes avec arme à feu, c'est maintenant devenu la norme plutôt que l'exception. Chaque matin, quand nous faisons le point sur les actes criminels commis durant la nuit, quand nous examinons les incidents graves et les arrestations, nous constatons que le nombre de crimes commis avec des armes a augmenté de manière spectaculaire. Qu'il s'agisse de gens qui ont déchargé leur arme sur des personnes ou sur des maisons, la probabilité d'atteindre un simple passant innocent a vraiment augmenté. C'est donc une menace réelle pour la population des villes.
    Il n'y a aucun doute dans mon esprit à ce sujet. Nous voyons aujourd'hui des jeunes se promener dans la rue une machette à la main. Nous les voyons avec des couteaux. Nous voyons des couteaux dans les écoles. Vous savez, la criminalité a baissé au cours des 15 dernières années au Canada, de manière générale. Il y a moins de crimes contre les biens et de crimes avec violence. Par contre, le degré de violence des crimes est beaucoup plus élevé qu'il ne l'a jamais été.
    C'est peut-être plus une question d'impact. Aujourd'hui, le crime a peut-être plus d'impact que par le passé.
    Pour ce qui est des groupes du crime organisé, notre problème est qu'ils sont devenus beaucoup plus sophistiqués. Ils se sont blindés. Ils se servent des lois et de la technologie pour rendre nos enquêtes plus difficiles et pour qu'il nous soit plus difficile de les contrer. Voilà le problème qu'ils nous posent.
(1540)
    Hier, des témoins nous ont parlé de tout le processus de divulgation d'informations en disant particulièrement qu'il permet aux organisations criminelles d'avoir des informations qu'elles n'auraient pas autrement.
    Qu'en pensez-vous?
    Absolument. Divulgation nos techniques est toujours un problème. Le problème que nous avons avec la divulgation est que nous ne savons pas où se situe le seuil. Si vous me demandiez quelle serait une divulgation pertinente, j'aurais bien du mal à vous répondre. Je parle figurativement, pas littéralement, bien sûr, mais il y a bien des cas où c'est une question d'opinion. La défense dira que telle ou telle chose doit être divulguée, la Couronne dira que non, et le juge décidera. Sa décision vaudra uniquement pour ce cas. Dans le cas suivant, avec les mêmes paramètres, la décision sera différente.
    Il faudrait fixer le seuil. Nous avons besoin de savoir quelles sont les attentes en matière de divulgation.
    Est-ce également votre avis, chef Weighill?
    Absolument. La divulgation embouteille le système. Quand vous menez une grande enquête, vous passez probablement autant de temps à préparer les informations à divulguer au tribunal qu'à enquêter.
    Je ne sais pas comment on se sortira de cela. Je crois que la divulgation est légitime mais elle est vraiment onéreuse.
    Elle aboutit également à donner des informations aux gangs criminels pour court-circuiter le système.
    Tout à fait. C'est comme la télévision. Pour beaucoup de malfaiteurs, la télévision est une école du crime, tout comme la divulgation.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    Avant de donner la parole à M. Woodworth, je voudrais poser une question à Mme Fussey. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'il y a deux ports maritimes de la Colombie-Britannique qui vous préoccupent, n'est-ce pas?
    Non, il y en a un au nord du Manitoba...
    Deux points maritimes, alors.
    ... oui, et le deuxième, dans les Territoires du Nord-Ouest, je crois.
    Celui du Manitoba, c'est Churchill, n'est-ce pas?
    Oui.
    Et celui des Territoires du Nord-Ouest?
    Je crois que c'est Inuvik.
    Merci.
    Monsieur Woodworth, vous avez cinq minutes.
    J'ai deux questions à poser. La deuxième sera pour l'inspecteur Bazin qui a parlé d'entrave législative au partage de renseignements.
    Avant de parler de cela, je veux interroger le chef Weighill sur les amendements à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il y en a deux pour lesquels vous avez exprimé votre appui, le premier étant de faire de la protection de la société l'objectif primordial de la loi, et le deuxième, d'obliger le tribunal à envisager de publier les noms des jeunes contrevenants violents lorsque c'est nécessaire pour protéger la société.
    Il y a eu beaucoup d'informations erronées au sujet de ces amendements mais il y a seulement trois autres choses que feraient les amendements à la loi et j'aimerais connaître votre avis à leur sujet. La première serait de simplifier les règles permettant de mettre les délinquants violents et récidivistes hors de circulation en attendant leur procès si c'est nécessaire pour protéger la société.
    Avez-vous une opinion là-dessus? Cela vous semble-t-il raisonnable?
    J'approuve complètement cette proposition.
    Très bien. Merci.
    Un autre amendement consisterait à demander à la Couronne d'envisager de réclamer une peine pour adultes dans le cas d'un adolescent condamné pour l'un des crimes les plus graves : meurtre, tentative de meurtre, homicide et voies de fait graves. La Couronne serait également tenue d'informer simplement le tribunal si elle décidait de ne pas réclamer une peine pour adultes.
    Ce serait donc limité aux crimes les plus graves, ce ne serait pas automatiquement une peine pour adultes, et il s'agirait simplement de demander à la Couronne de voir si ce serait une bonne idée. Cela vous paraît-il raisonnable?
    Oui.
    Merci.
    Le troisième amendement consisterait à permettre aux tribunaux d'imposer des peines plus adéquates aux autres délinquants violents et récidivistes que c'est nécessaire dans des cas individuels, à utiliser les sanctions existantes de manière à dissuader les récidivistes potentiels, à invoquer une tendance à l'escalade de l'activité criminelle pour réclamer une peine de détention si nécessaire, et à imposer une peine de détention en cas de comportement notoirement irresponsable mettant en danger la vie et la sécurité d'autrui.
    Que pensez-vous de cette proposition?
    Celle-là est plus complexe. J'en approuve certains éléments mais pas d'autres. Chaque fois que vous infligez une sanction plus punitive dans l'espoir que la personne ne recommencera pas, je ne pense pas que vous êtes gagnant. Par contre, je pense qu'il faut faire quelque chose au sujet des récidivistes graves.
    Merci beaucoup.
    Inspecteur Bazin, vous avez parlé d'entrave législative au partage de renseignements. Vouliez-vous parler de la LPRPDE, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques?
(1545)
    En partie. Il y a également certaines restrictions dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.
    Il y a en fait des restrictions dans diverses lois. La Loi sur les douanes, par exemple. Quand vous traitez avec des agences internationales ou, dans notre cas, américaines, il y a des restrictions à ce que vous pouvez et ne pouvez pas partager. On souffre encore plus généralement d'une certaine paralysie dans notre pays au sujet du partage de renseignements, notamment avec les Américains.
    Il conviendrait de se pencher attentivement sur ces restrictions et, dans la mesure du possible, d'abolir celles que je ne crois pas nécessaires dans la plupart des cas.
    Existe-t-il des exceptions quelconques permettant de partager des renseignements, exceptions qui pourraient servir de modèle d'un point de vue général?
    Pas à ma connaissance.
    Ce sera tout pour moi.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Petit, pour cinq minutes.

[Français]

    Durant deux ou trois jours et d'autres périodes antérieurement où nous nous sommes penchés sur le crime organisé... L'étude que nous faisons porte sur le crime organisé. Notre gouvernement va proposer différentes lois qui sont actuellement à l'étude, etc. Les mots qui reviennent souvent sont « renseignement », « information ». Le renseignement est à la fois bon pour la réhabilitation et aussi pour la dissuasion, pour savoir à qui nous avons affaire.
    On parle avec différents groupes qui représentent les forces de l'ordre, que ce soit des policiers, des agents frontaliers ou autres. En ce qui concerne les jeunes contrevenants, vous avez de la difficulté à obtenir des renseignements. En tant qu'avocat, je peux vous dire que c'est très difficile. Je ne sais pas comment vous les avez obtenus. Car dans bien des cas, quand un jeune est condamné à l'extérieur du système judiciaire, vous n'avez pas les renseignements et vous ne savez même pas ce qu'il a fait. Lorsque son cas est répertorié dans le système pour la première fois, c'est considéré comme s'il s'agissait d'une seule fois. Lorsque le juge veut savoir qui il a devant lui, il n'a pas les renseignements. Alors, s'il ne les a pas, vous ne les avez pas. Donc, il y a déjà un problème, à savoir comment le jeune va réagir et comment travaille le crime organisé.
    Ensuite, il y a beaucoup de renseignements que nous n'avons pas. Par exemple, ce matin, plusieurs personnes venant du milieu autochtone nous ont parlé des dommages causés à leur communauté par les orphelinats, etc. Dans les orphelinats, il y a eu beaucoup de cas de pédophilie, mais rien n'est indiqué dans les statistiques du Canada. Moi-même, je ne le savais pas; j'apprends cela au fur et à mesure.
    J'ai besoin de savoir ce que vous savez et comment je peux vous aider ou comment vous pouvez nous aider, parce qu'il nous manque des renseignements. Vous êtes sur le terrain. Vous travaillez fort et je vous encourage à continuer. Cependant, il y a un problème de renseignements. J'ai besoin de renseignements. Comment le crime organisé contrôle-t-il les jeunes? On a même appris qu'il y avait des cas de divulgation de preuve qui servent au crime organisé, afin que ces gens sachent qui les a trahis et qu'ils puissent ensuite leur régler leur compte. C'est là où en est rendue la divulgation de la preuve. Dans bien des cas, c'est dangereux.
    Avez-vous quelque chose à nous proposer? Nous avons besoin de vous parce que vous êtes nos yeux sur le terrain, que ce soit sur le plan carcéral, en ce qui concerne la GRC, ou au palier municipal. On a besoin de renseignements, car les renseignements concernant les crimes — et non pas concernant les gens... Il ne peut pas y avoir d'augmentation parce que vous n'avez pas les renseignements et moi non plus, je ne les ai pas.
    Ma question s'adresse à M. Ferguson, et au monsieur de Winnipeg qui pourrait peut-être nous donner des réponses. Quelles suggestions pourriez-vous nous faire?

[Traduction]

    Veuillez m'excuser, je ne saisis pas très bien ce que vous me demandez. Il y avait beaucoup d'informations dans votre intervention.
    Je vais vous répondre et vous me direz si je m'écarte du sujet.
     Le chef Weighill, en particulier, et l'inspecteur Poole ont tous deux évoqué les phénomènes sociaux dans leurs déclarations liminaires en disant qu'il faudrait trouver exactement quelles sont les causes sociales. Quand vous me demandez ce qui explique l'emprise du crime organisé sur les jeunes, c'est essentiellement l'offre d'une vie meilleure que celle qu'ils estiment avoir, que ce soit en leur donnant des choses ou en leur donnant un sentiment de pouvoir ou d'appartenance.
    De ce fait, il nous incombe de concevoir les programmes dont parlait le chef, afin de travailler avec les groupes communautaires pour faire en sorte que ces jeunes soient plus intéressés à mener une vie normale, à ne pas tomber dans la criminalité, au lieu d'être influencés par ces groupes extérieurs.
    Ai-je répondu à votre question?
(1550)

[Français]

    Monsieur Ferguson, selon les statistiques, au Canada, le nombre d'homicides a diminué. Sauf qu'il y a 500 Autochtones qui sont disparues. On ne sait pas où les placer. Les place-t-on du côté des femmes disparues ou du côté des femmes assassinées? On ne le sait pas. On n'a donc pas de moyen de savoir où on en est actuellement. Pourtant, ces 500 personnes existent, mais on ne sait pas... On ne les a pas encore retrouvées. On ne sait pas si elles ont été tuées ou liquidées. Que constatez-vous sur le terrain? Que pouvez-vous nous suggérer?

[Traduction]

    Dans cette province, nous avons mis sur pied un groupe de travail sur les femmes disparues et assassinées, en coopération avec le Service de police de Winnipeg. Comme vous l'avez dit, nous ne savons pas ce que sont devenues ces femmes disparues. La première étape est d'essayer de le savoir.
    Voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet, agent Leone?
    Malheureusement, le temps de parole de ce député est écoulé.
    Je donne la parole à M. Rathgeber pour une dernière intervention de cinq minutes.
    Vous pouvez certainement donner du temps à M. Leone pour lui permettre de répondre à la question.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de cet après-midi, à la fois pour leurs témoignages et pour le bon travail qu'ils font pour assurer notre sécurité.
    J'ai plusieurs questions à poser aux représentants des deux services de police.
    Tout d'abord, inspecteur Poole, vous avez comparu devant notre comité à Ottawa l'automne dernier.
    En effet.
    Était-ce au sujet du projet de loi C-26, le projet de loi sur le trafic de biens?
    Oui. Il s'agissait des aspects violents des vols d'automobiles à Winnipeg.
    Je ne me souviens pas de vous avoir posé la question à ce moment-là mais connaissez-vous la valeur estimative des véhicules volés dans cette ville? Je crois comprendre que c'est tout un problème à Winnipeg.
    Il y a eu une crête en 2006 et on a ensuite mis en place la WATSS, la stratégie de répression des vols de voitures à Winnipeg, en collaboration avec la province. Nous avons eu du succès, les chiffres le prouvent. On est passé de 40 voitures volées en 2006 à moins de 10 aujourd'hui, parfois zéro, parfois quatre, par jour.
    Toutefois, je le répète, je ne crie pas victoire car tout vol est une menace.
    Pensez-vous qu'il faudrait déposer à nouveau le projet de loi — c'était le projet de loi C-26, je crois — pour que le fait de modifier le numéro d'identification d'un véhicule soit passible d'une peine de prison obligatoire à la troisième condamnation?
    On l'a perdu à cause de la prorogation.
    Ce que je demande au témoin, M. Comartin, c'est s'il est favorable à sa réintroduction.
    Je ne suis pas au courant de la situation en ce moment. J'aimerais avoir plus de temps pour répondre à cette question. À l'époque, c'étaient les aspects violents qui préoccupaient surtout Winnipeg, mais ce serait certainement intéressant pour d'autres infractions.
    Si je ne me trompe, chef Weighil, votre province a proposé des lois assez novatrices sur le bannissement des membres de gangs portant leurs couleurs, n'est-ce pas?
    En effet, mais cette loi n'a pas résisté à une contestation et elle a été abrogée.
    A-t-elle été abrogée ou a-t-elle été invalidée par les tribunaux?
    Veuillez m'excuser, elle a été invalidée par les tribunaux. On est en train de la reformuler.
    Dans le court laps de temps où elle a été en vigueur en Saskatchewan, a-t-elle contribué à empêcher des personnes de se joindre à des gangs ou a-t-elle entravé leur activité d'une manière quelconque?
    La principale raison pour laquelle nous y étions favorables était qu'elle empêchait l'intimidation. Si quelqu'un entrait dans un bar en portant le blouson des Hells Angels, le propriétaire du bar devait l'obliger à l'enlever et à partir. Aujourd'hui, comme la loi a été invalidée, le propriétaire du bar est dans une position difficile. Demander à ce client d'enlever son blouson des Hells Angels, c'est entrer en guerre tout seul contre la bande puisque ce n'est plus illégal.
    Auparavant, il n'était pas obligé de dire au client d'enlever son blouson puisque celui-ci était obligé de le faire lui-même, de par la loi. Autrement dit, le propriétaire du bar n'était pas sur la sellette. Aujourd'hui, il est intimidé. Les Hells Angels peuvent entrer en toute impunité dans un bar en portant leur blouson et personne ne peut rien dire parce que ce n'est pas illégal. De ce fait, ils entrent dans les bars et intimident les gens.
(1555)
    Au sujet de l'intimidation, la Saskatchewan offre-t-elle une protection aux témoins avant les procès comme l'Alberta a récemment décidé de le faire en adoptant une loi à cet effet?
    Oui, nous avons adopté cette loi l'an dernier et cela aide en particulier la police à couvrir les frais de protection de témoins. Nous ne parlons pas ici des cas où les témoins doivent aller s'installer ailleurs avec une nouvelle identité — c'est le gouvernement fédéral qui s'occupe de cela — mais la province donne des fonds aux agences municipales pour les aider à accorder cette protection.
    Et le Manitoba, rapidement?
    Nous travaillons aussi avec le ministère de la Justice. Une fois qu'une personne devient officiellement témoin, le ministère de la Justice assume les frais de sa réinstallation et de toute mesure de cette nature.
    Merci beaucoup.
    Merci. Nous arrivons à la fin de la séance.
    J'ai une dernière question à poser au chef Weighill.
    Ce que vous avez dit dans votre déclaration liminaire semblait indiquer que vous n'êtes pas en faveur de peines plus lourdes contre les membres des gangs et du crime organisé. Vous avez beaucoup insisté sur la prestation de ressources aux services sociaux afin de permettre aux jeunes délinquants, à ceux qui ont été intégrés aux gangs de bas étage, de renoncer aux gangs parce que nous pouvons leur offrir d'autres options.
    Ai-je bien interprété votre témoignage ou êtes-vous en faveur de peines plus sévères pour les membres des gangs de haut niveau à condition de fournir des ressources suffisantes pour les autres?
    Je suis favorable à des mesures plus strictes, ça ne fait aucun doute. Ce que j'essayais de dire, c'est que ce phénomène procède de facteurs sociaux et que la société se doit donc d'y consacrer certaines ressources.
    Il ne fait aucun doute que certains criminels ont besoin de ces interventions. Nous avons besoin de peines plus sévères pour ceux qui sont déjà actifs dans cette criminalité. Mon espoir est que nous pourrons à l'avenir empêcher beaucoup de gens de devenir membres des gangs mais il ne fait aucun doute que nous avons besoin de mesures plus strictes pour ceux qui font déjà partie des gangs. Nous devons absolument réagir tout de suite et prendre des mesures.
    Nous avons entendu témoin après témoin nous dire que nous devons apprendre à faire la distinction entre ceux qui méritent des peines plus sévères et ceux qui ont besoin d'une aide plus tôt dans leur vie, c'est-à-dire qui ont besoin de ce qui leur permettrait d'éviter de devenir des criminels. Nous vous en remercions.
    Je remercie tous nos témoins. Nous allons préparer un rapport dans les mois qui viennent et j'espère que vous y trouverez de nombreuses recommandations qui permettront au Canada de mener une lutte plus efficace contre le crime organisé.
    Encore une fois, merci à tous.
    La séance est levée.
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