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Bonjour et merci, monsieur le président.
Je m’appelle Andrea Barnett, et je suis analyste en politiques nationales chez Canards Illimités, ici à Ottawa. Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Karla Guyn, notre directrice de la planification et de la conservation, qui travaille à Winnipeg.
Au nom de Canards Illimités Canada et des 144 000 Canadiens qui appuient notre travail, c’est un honneur de vous présenter notre vision pour le plan de conservation national du Canada.
Toutefois, avant de vous parler de ce qui, pour nous, devrait être le plan de conservation, j’aimerais vous présenter Canards Illimités Canada, CIC pour faire un peu plus court. CIC, qui se consacre à sa mission depuis près de 75 ans, est le chef de file de la conservation des milieux humides. Pourquoi notre travail nous passionne-t-il autant? Les milieux humides sont une forme de capital naturel incroyablement précieuse qui fond à un rythme alarmant. Jusqu’à 70 p. 100 des milieux humides ont été perdus dans de nombreuses régions peuplées du Canada, et ce phénomène se poursuit au rythme quotidien de 80 acres, soit 32 hectares. Pour vous donner une idée plus concrète de ce rythme effarant, imaginez tous les milieux humides disparus chaque jour qui représentent l’équivalent de 45 terrains de football. Et imaginez maintenant que cette superficie doublerait le lendemain, triplerait le surlendemain, et ainsi de suite. Vous comprenez maintenant ce qui nous motive.
Nous voulons stopper la disparition de milieux humides, conserver les milieux humides existants, tout en restaurant ceux qui ont disparu et en gérant ceux qui en ont besoin. CIC, organisme à but non lucratif enregistré et organisme à vocation scientifique, met en oeuvre des projets de conservation des habitats, fait de la recherche, élabore des programmes d’éducation et contribue à l’établissement de politiques publiques pour la conservation des milieux humides.
Ce travail ne profite pas seulement à la sauvagine et à l’ensemble de la faune; il protège les acquis des Canadiens, puisque les milieux humides purifient notre eau potable, modèrent les effets des changements climatiques, réduisent les risques d’inondation et de sécheresse et, de manière générale, contribuent à notre bien-être.
CIC oeuvre dans toutes les provinces et tous les territoires, en collaboration avec de nombreux partenaires de conservation: d’autres groupes de conservation, dont nos organisations soeurs aux États-Unis et au Mexique, tous les ordres de gouvernement au Canada, le gouvernement fédéral et les États aux États-Unis, des centaines de propriétaires fonciers, des universités, les Premières nations et des partenaires dans un grand nombre de secteurs d’activité.
Nos efforts de conservation ont prouvé que nous sommes axés sur les résultats, que nous faisons confiance à la science et que nous misons sur la collaboration, l’innovation et l’adaptation. Au cours du dernier exercice financier, CIC a ajouté de nombreuses réalisations importantes à son actif.
Nous avons conclu avec succès une campagne de six ans, « Les milieux humides de demain », qui a permis de recueillir et d’investir 600 millions de dollars pour la conservation des milieux humides dans tout le pays. Nous avons organisé plus de 500 activités de collecte de fonds partout au Canada, accueillant plus de 68 000 personnes. Nous avons joint plus de 100 000 étudiants, enseignants et autres dans le cadre de nos programmes d’éducation. Et grâce à nos partenariats, nous avons protégé plus de 160 000 acres d’habitat et eu une influence positive sur 34 millions d’acres grâce à l’élargissement, à la planification de l’aménagement du territoire et à l’intendance. Cela porte nos totaux cumulés, depuis notre création en 1938, à environ 6,2 millions d’acres protégés et 95 millions d’autres sous influence.
En tant qu’agence responsable de la mise en oeuvre d’un plan continental de conservation qui a porté fruits, le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, ou PNAGS, CIC désire soumettre un certain nombre de suggestions concernant le plan de conservation national.
Nous appuyons entièrement l’élaboration de ce plan et félicitons le comité d’avoir entrepris l’étude de cette importante initiative. Un plan à l’échelle nationale contribuera à faire du Canada un leader mondial dans la conservation des habitats et permettra à notre pays de faire la preuve de son leadership international sur les questions environnementales. Ce plan, qui adopte une approche de conservation fondée sur le paysage et l’habitat, permettrait à des générations futures de Canadiens de jouir elles aussi d’écosystèmes sains.
L’habitat le plus important du Canada doit être conservé au moyen de différents outils, comme la désignation de terres en tant que zones protégées et les servitudes de conservation en vertu desquelles le propriétaire privé foncier conserve le titre et l’utilisation de la terre. En outre, il faudrait recourir à des mesures de restauration pour les écosystèmes qui ont déjà été perdus ou dégradés, en mettant l’accent sur les écosystèmes les plus menacés et les plus précieux, comme les milieux humides.
Le plan devrait également relier les gens et les habitats par une mosaïque de terres cultivées. Nous devons donc faire participer tous les Canadiens, en particulier les propriétaires fonciers, du secteur agricole et de l’industrie, au moyen d’un plan qui facilite la conservation et la gérance des paysages canadiens, en plus de récompenser les mesures de conservation entreprises par bon nombre de ces secteurs.
J’aimerais maintenant laisser la parole à Karla.
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CIC est d’avis que le plan de conservation national devrait être axé sur 10 grands résultats reconnus. Premièrement, il faut instaurer une culture de la conservation qui stimule la valorisation, la fierté, l’engagement et la responsabilité parmi tous les Canadiens, tant au sein du milieu de la conservation traditionnel que chez les nouveaux agents de la conservation, par exemple les jeunes, les citadins et les nouveaux Canadiens.
Deuxièmement, il faut freiner les tendances négatives et même les inverser par le déplacement des phénomènes perturbateurs loin des zones sensibles, par l’atténuation des impacts inévitables et par la restauration de zones qui ont été perdues ou dégradées.
Troisièmement, le Canada doit respecter et dépasser ses engagements actuels, tant nationaux — aux termes de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur les pêches — qu’internationaux, en vertu de la Loi sur les oiseaux migrateurs et différents accords multilatéraux comme la Convention sur la diversité biologique et les objectifs d’Aichi.
Quatrièmement, l’économie canadienne doit directement profiter des efforts de conservation. Des emplois seront créés par les programmes de restauration et d’intendance; les secteurs du tourisme et des loisirs de plein air se développeront; les entreprises augmenteront leur part de marché grâce à leur image de marque « verte » et à la certification écologique; et les agriculteurs seront indemnisés au moyen de différentes mesures incitatives pour la conservation du capital naturel.
Cinquièmement, des objectifs, des plans et des cibles seront établis à tous les niveaux. On adoptera une approche scientifique pour la planification, la mise en oeuvre et le suivi des efforts de conservation et des ressources, de façon à assurer l’efficacité budgétaire.
Sixièmement, un système efficace de suivi, de surveillance et d’information sera mis au point. Ce système national suivra les résultats concernant les habitats sur les terres publiques et privées et fera état de la progression de la mise en oeuvre du plan de conservation national.
Septièmement, les actions de conservation seront mieux coordonnées. Des économies d’échelle seront réalisées grâce à des partenariats et au partage des ressources, à une meilleure coordination entre les ordres de gouvernement et à la collaboration accrue au sein du milieu de la conservation.
Huitièmement, les outils existants seront évalués et de nouveaux outils seront développés. Dans certains cas, cela signifie que nous continuerons de faire ce que nous faisons déjà bien. Des programmes comme le PNAGS, le programme de conservation des zones naturelles, le programme des dons écologiques et le plan agroenvironnemental sont des outils de conservation bien établis et efficaces qui doivent être maintenus et élargis. Dans d’autres cas, nous aurons besoin de nouveaux outils, en particulier sur les terres privées et cultivées.
Neuvièmement, des modèles de financement efficaces devront appuyer les activités et les programmes à long terme. Cela signifie qu’il faudra apporter un soutien continu aux programmes existants qui sont efficaces, notamment les programmes que nous venons de mentionner. Par ailleurs, il faudra concevoir de nouveaux modèles de financement en faisant notamment appel aux capacités du secteur privé. De nouvelles approches devront cibler des modèles novateurs de partage des coûts et de nouveaux incitatifs pour encourager la conservation sur les terres privées.
Dixièmement, il faudra forger de solides partenariats à long terme. En s’inspirant des idées découlant de modèles éprouvés comme le PNAGS, il sera possible d’établir de nouveaux partenariats de conservation pour la planification, la mise en oeuvre, le financement et le suivi avec tous les agents de la conservation du Canada.
Il est clair que nous ne pouvons pas gérer ce que nous ne pouvons pas mesurer. Il sera donc crucial pour la réussite de ce plan de disposer de données de surveillance et d’évaluation correspondant aux objectifs. Du point de vue de la conservation, deux types de mesures sont capitales: celle des habitats, qui comprend un inventaire actif des habitats, y compris des inventaires des milieux humides pouvant servir à établir un niveau de référence et à surveiller l’évolution des habitats ainsi que l’impact de la conservation au fil du temps, et celle des faunes terrestre et aquatique, mesures comprenant des enquêtes sur les populations ayant besoin de mesures de conservation et sur les facteurs qui les menacent, comme les espèces envahissantes et les changements climatiques.
Ces deux types de mesures donneront des indications très claires sur les progrès accomplis dans le sens de l’objectif ultime du plan. Nous pourrons vous proposer d’autres paramètres au terme de discussions plus approfondies.
Pour conclure, CIC espère que le plan de conservation national saura gagner l’appui sans réserve de tous les partenaires de la conservation au Canada et contribuera à susciter des actions et des résultats concrets, profonds, ciblés et mesurables. Nous espérons que le gouvernement du Canada continuera à faire preuve d’un leadership et d’un soutien sans faille, y compris sur le plan du financement, en faveur de la création et de la mise en oeuvre de ce plan. En effet, comme le dit la célèbre maxime d’un des dirigeants fondateurs de CIC, la conservation sans action et sans financement n’est qu’un mot.
Par conséquent, monsieur le président, CIC aspire à conserver son rôle dans ce processus et remercie sincèrement le comité de nous avoir accueillies aujourd’hui. Nous sommes en train de rédiger un bref rapport et de préparer des documents justificatifs pour étayer une partie de nos réflexions. Quand le rapport sera prêt, nous le communiquerons à la greffière afin qu’elle le distribue aux membres du comité. Nous serons ravis de répondre aux questions des députés.
Merci.
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Bonjour après-midi et merci de nous donner l’occasion de présenter au comité nos recommandations pour la création d’un plan de conservation national.
Je m’appelle Alison Woodley. Je suis la directrice nationale de conservation de la SNAP.
Je vais principalement vous parler des éléments que nous croyons essentiels au succès du plan de conservation national du Canada. Dans les prochaines semaines, nous déposerons nous aussi un mémoire qui contiendra de plus amples précisions sur nos recommandations.
La SNAP est la voix des Canadiens en ce qui a trait à la protection des espaces naturels publics. Depuis notre fondation en 1963, nous jouons un rôle déterminant dans la création de plus des deux tiers des aires protégées au Canada. Nous avons 13 bureaux régionaux répartis dans presque toutes les provinces et les territoires, et notre bureau national se trouve ici, à Ottawa. Nous comptons plus de 50 000 membres actifs partout au pays.
Selon nous, le Canada devrait protéger au moins la moitié de nos terres et de nos eaux publiques.
Au cours des dernières années, la SNAP a salué d’importants progrès, dont l’agrandissement de 600 p. 100 de la réserve de parc national du Canada Nahanni en 2009 et la création de la réserve d’aire marine nationale de conservation Gwaii Haanas en Colombie-Britannique en 2010.
Depuis de nombreuses années, la SNAP travaille de concert avec les Premières nations, d’autres partenaires et les gouvernements au maintien de ces aires protégées. L’automne dernier, nous avons reçu — tout comme les Premières nations Dehcho et Parcs Canada — la prestigieuse médaille d’or de la Société géographique royale du Canada pour notre collaboration aux efforts visant à agrandir le parc Nahanni.
La création de grandes aires protégées comme celle-ci est d’une importance capitale, mais nous savons maintenant que nous devons en faire encore plus pour préserver les écosystèmes sains. Nous devons intégrer nos aires protégées à des terres et à des milieux aquatiques exploités de façon durable pour que la faune et la flore puissent circuler librement d’un milieu à l’autre. Cela devient particulièrement important avec les changements climatiques. Nous devons donner aux plantes et aux animaux l’espace dont ils ont besoin pour modifier leurs comportements et s’adapter aux conditions changeantes.
La conservation de la nature trouve beaucoup d’appui au Canada. La faune, la flore et les espaces naturels font partie de notre identité nationale. Les sondages montrent toujours que les Canadiens sont très favorables aux mesures de conservation. Le Canada est responsable de l’intendance d’environ 20 p. 100 des derniers espaces sauvages intacts de la planète, et nous avons la plus longue ligne de côte.
Nous nous retrouvons sans aucun doute devant une occasion unique d’entreprendre un ambitieux programme de conservation. Au Canada, 90 p. 100 des terres sont de propriété publique, ainsi que la totalité de nos eaux. Les Canadiens jouent donc un rôle déterminant dans l’avenir de ces espaces. À ce jour, toutefois, seulement 10 p. 100 de nos terres et 1 p. 100 de nos océans sont protégés.
Ces nombres sont inférieurs aux moyennes mondiales, et encore plus inférieurs à ce qui est nécessaire pour protéger notre patrimoine naturel dans le futur. Beaucoup de travail reste à faire.
Laissez-moi maintenant vous faire part de nos recommandations en ce qui a trait aux éléments essentiels au succès du plan de conservation national. Nous croyons d’abord que le plan devrait miser sur la conservation de grandes aires terrestres et maritimes. Nous sommes d’avis que le plan devrait s’articuler autour des notions élémentaires de protection, de connexion, de restauration et d’engagement.
Le volet « protection » devrait guider la mise en œuvre du plan de sorte que la protection de grands habitats sauvages partout au Canada en serait la pierre angulaire. Cela exige la création de réseaux d’aires protégés, tant sur le territoire qu’en milieu aquatique.
Le volet « connexion » devrait porter sur l’intégration des zones protégées à des terres et à des milieux aquatiques exploités de façon durable pour permettre à la faune et à la flore de circuler entre les aires et protéger les écosystèmes sains dont nous avons besoin en tant qu’humains.
Des lois environnementales strictes, des pratiques et des certifications industrielles améliorées, des programmes d’intendance et des processus de planification axés sur la conservation des terres et des milieux aquatiques sont certains des outils dont il faut se munir pour y arriver.
Le volet « restauration » vise la restauration des écosystèmes dégradés et le rétablissement des espèces en péril. Ces deux objectifs ne peuvent être atteints que si des outils d’intendance collaborative et des lois environnementales strictes sont en place.
Enfin, le volet « engagement » renvoie à l’importance de rapprocher les Canadiens de la nature qui les entoure. Nous devons créer des intendants qui vont appuyer les efforts de conservation qui seront faits dans le futur. Cette mesure pourra donner lieu à la création de nombreux partenariats. Les groupes de conservation comme la SNAP, Canards Illimités et la Fondation David Suzuki en sont tous des acteurs potentiels.
Chaque région du Canada doit faire l’objet d’une approche différente, et le plan devra en tenir compte. Par exemple, davantage d’efforts de restauration et d’intendance privée devront avoir lieu dans les zones peuplées du Sud du pays, tandis que dans le Grand Nord, c’est la planification de l’aménagement du territoire en fonction de la conservation par les collectivités autochtones qui revêt une plus grande importance.
Pour qu’il aboutisse, il faut que le plan de conservation national fixe des buts clairs et ambitieux, qu'il soit assorti d’objectifs scientifiquement fondés et que les progrès accomplis fassent l’objet d’évaluations et de rapports.
Nous proposons que le Canada fasse preuve de leadership international en s’engageant à dépasser les objectifs de conservation définis dans la Convention sur la diversité biologique.
Dans ces objectifs d’Aichi, nous nous engageons à protéger 17 p. 100 de nos terres et 10 p. 100 de nos eaux d’ici à 2020. Nous suggérons que le Canada s’engage à faire plus: faire de 20 p. 100 de nos terres et de 10 p. 100 de nos océans des zones protégées d’ici à 2020. Nous pensons qu’il s’agit d’une étape à la fois ambitieuse et réalisable.
Pour qu’il réussisse, le plan national de conservation doit s’appuyer sur des initiatives innovantes de conservation à grande échelle qui sont déjà à l’oeuvre dans le pays. Elles sont menées par des gouvernements, des citoyens, des collectivités autochtones, des groupes de conservation, des industries et, dans de nombreux cas, elles s’inscrivent dans le cadre de larges partenariats entre ces différents groupes.
L'Entente sur la forêt boréale canadienne en est un bon exemple. La SNAP et huit autres organisations environnementales ont signé cette entente voici presque deux ans avec 21 membres de l’Association des produits forestiers du Canada.
L’entente est l’exemple d’une initiative à grande échelle en action. Elle s’applique à plus de 76 millions d’hectares de forêt s’étendant de Terre-Neuve-et-Labrador à la Colombie-Britannique. Les parties se sont engagées à travailler ensemble pour atteindre six objectifs stratégiques: maintenir les aires protégées, avoir des pratiques durables d’avant-garde, rétablir les espèces en péril — en particulier le caribou des bois —, s’attaquer au changement climatique pour protéger la forêt, améliorer la prospérité du secteur forestier et encourager la reconnaissance par le marché des performances environnementales.
Il s’agit d’une approche novatrice qui pourrait potentiellement beaucoup contribuer à la formulation d’un plan national de conservation, pour une vaste zone de forêt boréale canadienne. Il est également important de reconnaître les énormes avantages mutuels qui découlent de la conservation, notamment économiques.
Nous développerons ce point dans notre mémoire détaillé, mais pour prendre un exemple, en 2009, les parcs nationaux, provinciaux et territoriaux canadiens ont contribué pour 4,6 milliards de dollars au PIB du Canada. Ils ont financé 64 000 emplois et généré 337 millions de dollars de recettes fiscales pour les gouvernements.
La SNAP est ravie de continuer à participer aux débats en cours au sujet de l’élaboration d’un plan national de conservation. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de présenter aujourd’hui certaines de nos réflexions préliminaires de haut niveau. Nous présenterons, comme je l’ai mentionné, un mémoire plus détaillé et nous serions ravis de poursuivre cette discussion lors d’une prochaine rencontre avec les membres du comité.
Merci encore de nous avoir permis d'échanger nos points de vue, je serai ravie de répondre à vos questions.
Et merci de me permettre d'être parmi vous via Internet.
Je m’appelle Bill Wareham. Je suis spécialiste en conservation marine et cela fait 10 ans que je travaille pour la Fondation David Suzuki. J’ai passé les 25 dernières années à travailler pour des organisations non gouvernementales au Canada, sur divers enjeux de conservation — terrestres, zones humides, parcs provinciaux et nationaux, gestion des pêches, gestion des forêts — et c’est fort de cette longue expérience que j’entends participer au débat d’aujourd’hui.
Les actions de la Fondation David Suzuki en matière de protection de l’environnement au Canada sont guidées par un vaste ensemble d’objectifs. Un de nos objectifs centraux est d’examiner les secteurs qui assurent la survie de la société canadienne — les terres agricoles, les pêches, les forêts — et de veiller à ce que, dans l’avenir, ces secteurs soient viables non seulement du point de vue économique, pour continuer de soutenir notre économie, mais aussi du point de vue de la biodiversité et des espèces sauvages représentatives du Canada, auxquelles, je crois, les Canadiens sont attachés.
Trois de nos objectifs vont dans le sens du plan national de conservation. L’un d’eux consiste à protéger la nature, tant du point de vue de la diversité que de la santé des écosystèmes. Nous devons protéger notre climat, transformer l’économie pour qu’elle opère dans les limites de ces systèmes naturels, et faire que les gens se reconnectent avec la nature, soient des intendants de l’environnement dans tout le pays, dans les communautés, les municipalités et les gouvernements provinciaux, et qu’ils se donnent pour mission de protéger la nature.
Nous pensons que le plan national de conservation est une initiative très importante, mais il faut nuancer. Selon nous, ce plan doit être très ambitieux. S'il est présenté comme plan national de conservation, les Canadiens s'attendront à quelque chose de majeur, il doit donc contenir des éléments suffisamment importants pour justifier ce label.
J’aimerais souligner certains des principes clés de ce plan qui nous tiennent à coeur: établir et promouvoir une vision claire et un objectif; fixer des buts de conservation réalisables; se concentrer sur des initiatives de conservation à plus grande échelle, aider les autorités provinciales et municipales, lorsque leurs compétences se superposent à l’autorité fédérale; faire participer les gouvernements des Premières nations à chaque étape du processus; s’assurer que les meilleurs résultats scientifiques disponibles soient intégrés à la discussion et à la prise de décision sur ces questions et, enfin, concevoir un plan qui soit suffisamment souple pour s’adapter aux changements environnementaux dans la durée.
Ce que nous visons — et ici nous sommes d'accord avec ce qu’a mentionné la SNAP — c'est, entre autres, d’adopter les objectifs de la convention sur la biodiversité, mais aussi d’aller plus loin pour voir comment nous pouvons être un chef de file global pour la conservation de la biodiversité. Nous souhaitons également utiliser la Loi sur les parcs nationaux et la conservation de la vie sauvage et la Loi sur les aires marines pour établir un réseau de grandes aires protégées, et nous sommes d’accord pour aller plus loin que l’objectif énoncé, comme l’a mentionné la SNAP. Nous voulons aussi inciter les gouvernements provinciaux et territoriaux à collaborer davantage et à travailler à la désignation de plus grandes zones de leurs territoires; nous voulons en outre fournir des incitations économiques aux gouvernements provinciaux et territoriaux afin qu’ils restaurent au moins 15 p. 100 des écosystèmes dégradés. Enfin, nous souhaitons assurer un financement aux municipalités et aux organisations non gouvernementales pour leur permettre de faire les analyses et la planification requises pour les aires protégées et la gestion des terres.
Nous recommandons également: d’améliorer la réglementation relative aux produits toxiques; d’établir une stratégie énergétique nationale assortie des mécanismes et des incitatifs nécessaires pour favoriser une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet nous pensons que de l’eau propre, un air pur et la protection des terres et de la faune doivent faire partie d’un plan de conservation national valable. Enfin, il faut investir pour accroître la capacité et le financement des pêches nationales afin de soutenir une stratégie de reconstitution des pêches dont l’économie canadienne retire d’importants bénéfices.
En ce qui concerne le processus, voici nos suggestions.
La première est d’encourager les contributions et les expressions de soutien du public en ligne et d'informer la population sur les objectifs et les résultats du plan national de conservation. Nous pouvons mettre à la disposition des internautes un portail en ligne où ils pourraient voir ce qui se passe, suivre les évolutions, contribuer, participer et trouver des liens vers les gouvernements provinciaux ou vers d’autres initiatives qui contribuent au plan.
La seconde est d’établir des comités de coordination nationaux et régionaux incluant des représentants fédéraux, provinciaux ainsi que des représentants des Premières nations afin de faciliter le dialogue indispensable et la prise de décisions concernant ces grands enjeux.
Notre troisième recommandation est de mettre en place des comités de coordination fédéraux interinstitutions. Dans nombre de nos initiatives de conservation, nous avons constaté un manque de coordination et de cohérence entre les agences fédérales, ce qui peut vraiment ralentir l’avancée des initiatives. Nous avons récemment assisté au rapprochement de certains comités, en particulier dans le cas des océans. Nous aimerions soutenir ce genre de choses dans l’idée plus globale du plan.
Notre quatrième recommandation est de faire une évaluation, grâce à un suivi et à un rapport annuel d’étape, pour que les gens puissent voir où nous en sommes par rapport aux grands enjeux.
Notre cinquième recommandation est d’encourager les Canadiens à s’engager individuellement dans ces initiatives et à participer non seulement à la planification et à la conception, mais aussi à l’information des décideurs et à l’établissement d’un conseil consultatif non gouvernemental sur le plan national de conservation. Le conseil serait composé des principales ONG, d’universitaires, et de dirigeants industriels, qui pourraient réviser le plan et discuter des problèmes qui se présentent.
Pour conclure, je voudrais dire que nous sommes tout à fait en faveur du plan. Nous aimerions être associés à sa conception. Nous fournirons volontiers des informations supplémentaires concernant certains concepts à mesure que vous affinerez votre approche et déterminerez vos objectifs clés.
Nous voulons insister sur l’idée que cela doit vraiment être un plan très ambitieux. Nous pouvons le faire. Si le Canada, pays riche et développé, ne parvient pas à mettre en place quelque chose qui servira de modèle global à l’intégration des sociétés humaines dans leur environnement, je ne vois pas qui pourra le faire. Nous aimerions contribuer à ce que ce plan soit très ambitieux avec des résultats très importants. Nous serons ravis de nous engager avec nos équipes pour aider tout au long du processus.
Merci beaucoup.
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La Fondation David Suzuki se préoccupe beaucoup de la participation du public, notre intention est de sensibiliser les gens à différents enjeux. Nous sommes dans un processus d’apprentissage progressif, parce qu’il est difficile de demander à des communautés, à des particuliers, à des enfants ou simplement à des gens qui n’ont jamais participé à un plan de conservation, d’y prendre part du jour au lendemain.
Nous avons, par exemple, le programme David Suzuki au travail, par lequel nous transmettons aux gens des réflexes de base en matière d’économies d’énergie, d’eau et de papier dans le cadre de leur activité professionnelle. Puis, nous les faisons participer à des questions plus vastes pour qu’ils prennent conscience de l’empreinte environnementale de leur communauté, de nos villes, de nos économies et de nos industries, et nous les familiarisons avec certains enjeux de leur région. Il peut s’agir de pêches, de parcs naturels ou d’espèces menacées. Nous essayons de pousser ces gens à transmettre le message à leur tour. Nous appelons cela l’échelle de la participation et du savoir.
Avec notre initiative pour la durabilité des produits de la mer, nous essayons de faire en sorte que les gens s’engagent à acheter des produits de la mer durables, pour autant qu'ils sachent ce dont il est question. Nous tentons de les éduquer, de leur fournir des informations via nos sites Internet, comme des recettes intéressantes et diverses autres choses pour les associer à notre action. Dans le même temps, ils apprennent l’importance du maintien des pêches, que les pêches sont la source de la nourriture qu’ils consomment et qu’il est possible de les reconstituer. Nous essayons de les sensibiliser sur ce point-là.
Nous avons aussi des programmes éducatifs dans les écoles. Nous faisons des vidéoconférences d’envergure nationale. Nous avons un système CISCO TelePresence qui nous permet de nous adresser aux écoles et à un grand nombre de personnes, depuis nos bureaux à Vancouver, à Ottawa ou à Toronto. Nous pouvons leur faire des conférences et diffuser des vidéos pédagogiques sur différents sujets.
Voilà nos principales actions actuelles. Nous essayons de développer notre présence dans les médias sociaux pour tenter d’intéresser la population à différents niveaux. Les thèmes principaux sont notamment notre interconnexion avec la nature et les systèmes, qu’il s’agisse de l’eau douce, de la bonne santé des océans ou des nombreux services rendus par les paysages forestiers.
Nous oeuvrons également pour la promotion du concept de capital naturel et de services rendus par les écosystèmes, en essayant d’enseigner aux gens la valeur de leurs ressources. Dans certains secteurs précis, avec par exemple notre programme de corridor d’espaces verts autour de Toronto, Montréal et Vancouver, nous tentons d’illustrer les concepts de conservation des espaces verts au plus près du lieu de vie des gens.
Nous pensons que les systèmes de grande taille, dont j’ai parlé plus tôt — système océanique, système forestier, zones humides des prairies, grand systèmes fluviaux — et qui sont le réseau central de la fonction environnementale, doivent être protégés à une échelle bien plus grande. Nous avons une stratégie nationale des aires marines protégées. Nous avons une stratégie des parcs nationaux. Tout cela se développe, mais ces 25 dernières années, la progression a été très lente.
Je pense qu’il est possible d’intensifier le travail en s’appuyant sur nos politiques existantes. Nous aimerions voir un résultat qui ne soit pas simplement la conservation des vestiges de populations de certaines espèces pour pouvoir dire que nous les avons encore, mais un système nous permettant, vraiment, d’avoir des populations viables, surtout dans le cas des pêches qui, comme nous le savons tous, sont très importantes pour les Canadiens.
Nous sommes face à un choix. Nous pouvons reconstituer, reconstruire et maintenir ces pêches à des niveaux plus élevés. Les aires marines protégées peuvent nous y aider. Je crois que ces stratégies réduiraient le risque à l'avenir, en sachant que nous observons des changements dans les précipitations, le couvert forestier et ce genre de choses. Assurer la mise en place de tout cela est notre première préoccupation.
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier nos invités pour leur présence et pour les exposés qu'ils nous ont faits aujourd'hui.
J'aimerais parler des milieux urbains et de la préservation de l'environnement. Nous avons parlé tout à l'heure de la sensibilisation des populations urbaines et des façons de le faire.
Il y a notamment un projet dans ma circonscription, qui s'appelle le Lakeview Corridor Project. C'est sur le Lac Ontario, dans une zone où l'accès au lac est coupé depuis 120 ans. Un groupe local tente de remédier à ce problème et de ramener la nature aux gens vivant dans les environs.
J'ai écouté avec grand intérêt ce qui s'est dit à propos du programme de Canards Illimités, sur les milieux humides de demain et les 600 millions de dollars dédiés à la préservation des milieux humides. J'aimerais en savoir plus, même si c'est terminé maintenant. Je me demande si cet effort sera maintenu d'une façon ou d'une autre, peut-être en prenant une autre direction, et si un soutien a été apporté à des projets urbains par le truchement de ce programme.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'importance qu'il y a à préserver les habitats en milieux urbains. Le projet auquel je fais allusion, le Lakeview Corridor project, s'échelonne sur 20 ans. Il permet de remplacer une centrale électrique au charbon située dans le secteur. Elle avait quatre cheminées hideuses qui gâchaient vraiment le paysage des berges du lac Ontario. Je pense que ce projet pourrait être un modèle de revitalisation des friches industrielles dans la région du Grand Toronto. À la place, il y aura des pistes le long du rivage, des maisons écologiques, des entreprises éco-responsables et des canaux récréatifs, l'idée étant de recréer des milieux humides et un habitat aquatique dans la région.
De plus, même si j'aime l'idée de sensibiliser les jeunes des milieux urbains et de faire des sorties dans les parcs, je pense aussi que la préservation de l'environnement est l'affaire de tous dans notre vie quotidienne, où que nous vivions, et la plupart des Canadiens vivent en ville.
Pensez-vous qu'il soit possible de combiner une croissance intelligente avec la préservation de l'environnement? Notre gouvernement, par le biais de notre comité et du rapport sur un plan national de conservation, devrait-il soutenir des projets urbains allant dans ce sens? Quels seraient vos conseils à notre égard alors que nous étudions cette question dans le contexte des zones urbaines?
Désolée pour ce long préambule.
Je me suis beaucoup promené au Canada. Je connais l'Ouest canadien presque autant que le Québec. Je me pose une question. De quelle façon une stratégie peut-elle fonctionner dans les Prairies, au Québec et dans les provinces Maritimes, où les contextes sont très différents?
En ce qui a trait à la Saskatchewan et à l'Alberta, on parle presque toujours de terres cultivées. Les enjeux sont assez simples. Il s'agit toujours de milieux humides situés dans des voies de migration des canards, etc.
Au Québec, dès que l'on sort d'une ville ou d'un village, on est presque toujours sur des terres de la Couronne. Les propriétaires ou les utilisateurs ne sont pas facilement identifiables, comme le sont les fermiers des Prairies.
Comment peut-on préparer un plan qui tienne compte de ces particularités que l'on retrouve dans les Prairies et la vallée du Saint-Laurent? Aussitôt qu'il y a quelque chose à conserver dans la vallée du Saint-Laurent, il s'agit de terres de choix et ça vaut très cher. On ne peut pas les protéger.
Comment établir différentes stratégies, alors qu'on a différentes conditions?
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C'est une très bonne question, tout à fait. Je pense que c'est à la fois la force et la faiblesse de ce plan.
J'aimerais citer l'exemple du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, et peut-être que ma collègue Karla pourra m'aider. Ce plan comprend le Canada, les États-Unis et le Mexique. C'est potentiellement l'un des meilleurs exemples de plan de conservation réussi de tous les temps. Et pour revenir à votre question, ce plan vise à regrouper tous les acteurs présents dans toutes les régions pour faire tomber les barrières et exploiter le potentiel.
En fin de compte, il s'agit vraiment de fixer un objectif et de déterminer quelles sont les priorités, qu'il s'agisse des projets, des secteurs ou des régions choisis pour la conservation. Ensuite, il faut savoir ce qui se passe dans le paysage et recenser les outils potentiels.
Une fois que vous savez quelles sont vos priorités et que vous disposez d'une vaste gamme d'outils — nous avons dit qu'il faut le bon outil au bon moment — vous pouvez vraiment déterminer la meilleure marche à suivre pour un paysage en particulier.
Par exemple, en milieu urbain, c'est la construction qui présente un danger pour les habitats. Il faut donc voir comment communiquer avec les promoteurs et les autorités locales pour mettre en place des stratégies. Dans d'autres cas, il faudra traiter avec le milieu industriel dans le nord — l'industrie minière, pétrolière et gazière ou d'exploitation forestière. Il y a toutes sortes de perspectives qui s'offrent à vous. Puis, pour les terrains privés et les secteurs dans lesquels il y a moins de changements, la stratégie sera encore différente.
L'idée est de créer un plan complet qui contienne différents objectifs.
Karla, avez-vous quelque chose à ajouter?
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je voudrais revenir sur ce que disait mon collègue, M. Choquette, qui brandissait le spectre de la destruction des habitats de poissons par les conservateurs.
Ce que vous énoncez est, bien sûr, de la spéculation. Récemment, au Québec, vous avez eu des problèmes... Il y a eu les inondations.
[Français]
Il s'agissait de la rivière Richelieu.
[Traduction]
En 2003, un agriculteur a reçu une amende pour avoir drainé son champ après une inondation, car des poissons s'étaient retrouvés sur son champ après que la rivière fut sortie de son lit. À la suite des récentes inondations causées par la rivière Richelieu, ce même agriculteur a dû, cette fois-ci, obtenir un permis de pêche pour pouvoir drainer son champ.
Nous voulons nous assurer que la réglementation soit intelligente. Il est possible d'atteindre nos objectifs de préservation de l'environnement, sans pour autant se montrer punitifs et déraisonnables. Il s'agit de s'assurer que nos réglementations soient « intelligentes ».
À nos amis de Canards Illimités, je retiens de ce que vous avez dit que vous avez organisé 500 événements pour lever des fonds qui ont attiré 68 000 personnes. Pour avoir participé à un certain nombre de ces événements, je sais qu'ils sont très appréciés dans la région, car nous avons beaucoup d'amateurs d'activités en plein air. La Fondation du saumon du Pacifique, qui œuvre pour la restauration des habitats, et Canards Illimités reçoivent beaucoup de dons dans notre région parce que les gens ont à cœur de préserver les marécages et les milieux humides sur la côte. La restauration des estuaires et des habitats attire beaucoup de bénévoles sur la côte d'où je viens, sur l'île de Vancouver.
Par contre, dans vos remarques je vois que vous parlez d'une approche de la protection de l'environnement basée sur les paysages et les habitats.
Pourriez-vous tout d'abord définir une « approche basée sur le paysage »?