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Comme je l'ai indiqué, je traiterai de trois questions aujourd'hui. Les deux autres sont la décision de confier l'évaluation environnementale des projets énergétiques à l'Office national de l'énergie et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, et le manque d'impartialité apparent du système.
Le Club Sierra du Canada croit que ces trois questions sont liées. Certains intérêts sont déterminés à ravager nos ressources naturelles sans se préoccuper des générations futures. Seul le profit immédiat leur importe et seul un processus solide et indépendant d'évaluation environnementale peut nous protéger contre eux. Je crains que nous ne soyons engagés dans la mauvaise direction. J'espère que votre comité pourra apporter à la loi les modifications qui s'imposent et corriger les erreurs des dernières années.
Le gouvernement et l'industrie n'ont pas à avoir peur de politiques et d'évaluations environnementales bien conçues. Les interventions judicieuses créent autant d'emplois que les mauvaises, faites à la hâte, sans pour autant avoir les mêmes répercussions environnementales, sanitaires et sociales.
Pour vous brosser un tableau rapide du Club Sierra, sachez qu'il fait partie de la plus ancienne et de la plus grande organisation de conservation de la nature en Amérique du Nord. Au Canada, nous nous intéressons aux questions de conservation depuis 1963, notamment en participant, dans le cadre des évaluations environnementales tant fédérales que provinciales, aux audiences sur les sables bitumineux, les pipelines, les grands barrages et les centrales nucléaires, ainsi que sur des enjeux locaux de moindre envergure.
En 2009, le Club Sierra du Canada a contesté la légalité de la modification de la LCEE par voie réglementaire. En 2010, semblant accepter notre interprétation, le gouvernement a remanié les modifications par un projet de loi budgétaire. En 2011, il a payé nos frais de justice. Voilà un bel exemple d'ouvrage hâté, ouvrage gâté. S'il vous plaît, ne prenez plus de décisions à la hâte en matière d'évaluation environnementale.
La comité va entendre, dans le cadre de ses audiences, beaucoup d'avocats, dont mon prédécesseur, qui connaît la loi à fond. Mes observations seront donc de nature plus philosophique ou empirique, tirées de mon expérience et de celle du Club Sierra dans le cadre de notre participation aux évaluations environnementales, et porteront également sur ce que nous pouvons faire pour les améliorer.
Je suis sûr que l'industrie vous dira que le processus d'évaluation environnementale est un lourd fardeau et qu'il a besoin de rationalisation. Après avoir passé plus de 30 ans dans le domaine, je sais que par rationalisation, on entend affaiblissement. Il faudrait renforcer la loi et élargir la portée de l'évaluation. Le Canada a signé des traités de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité, lesquels ont force obligatoire. L'évaluation environnementale est essentielle au respect de nos engagements et à la transmission de notre héritage à nos enfants et petits-enfants.
Le Club Sierra du Canada voit dans l'intention annoncée de réduire les formalités administratives et les autres modifications enfouies dans des projets de loi budgétaires la volonté de changer fondamentalement les modalités d'exécution des évaluations environnementales. Cela s'inscrit dans une vaste campagne antidémocratique pour marginaliser et réduire au silence les voix qui plaident pour l'environnement au Canada. Nous entendons bien ne pas nous laisser faire.
La façon démocratique de réviser la LCEE — qui fait l'objet de la séance d'aujourd'hui — passe par l'examen que la loi même prévoit. Rien ne justifiait de modifier la loi avant l'examen. Le recours à des projets de loi budgétaires pour modifier le dispositif de protection de l'environnement au Canada ne saurait s'expliquer que par la peur de l'opinion publique.
Dans le cadre des examens précédents, Environnement Canada menait des consultations auprès des intervenants.
Voici où je vais faire le lien.
Pendant 29 ans, le gouvernement fédéral a collaboré avec le Réseau canadien de l'environnement, organisme fondé expressément pour l'aider à recueillir les avis et conseils de plus de 600 organisations environnementales d'un océan à l'autre. Ce sont le plus souvent de petits groupes locaux de bénévoles qui travaillent à préserver notre milieu naturel. Ce sont ces bénévoles locaux qui mettent la main à la pâte et qui réalisent les évaluations environnementales, et ils ont beaucoup plus à offrir que moi. Le RCE a accompli un travail formidable et apporté une contribution énorme en veillant à ce que nous disposions d'une solide loi sur l'évaluation environnementale au Canada.
Les intervenants n'ont pas été consultés cette fois-ci. La décision de ne pas consulter les organisations environnementales et d'éliminer le financement du RCE au moment même où la LCEE fait l'objet d'un examen n'est manifestement pas une coïncidence. Le message qu'elle envoie est clair.
Le mandat environnemental du gouvernement fédéral est complexe et sa capacité à obtenir les vues de tous les intervenants, relativement limitée. Il est insensé de se priver d'une source vitale de conseils.
La décision de confier l'évaluation des projets énergétiques à l'Office national de l'énergie et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire ne tient pas debout. Le renard n'a pas d'affaire dans le poulailler. Ces organismes de même que les conseils responsables des hydrocarbures extracôtiers sont trop proches de l'industrie pour offrir au gouvernement des avis objectifs. Il y a là conflit d'intérêts intrinsèque.
J'ai ici un document que j'ai, à premier vue, confondu avec le rapport annuel de Bruce Power. Il s'agit en fait celui de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, où on peut lire clairement en page couverture Fait: Le nucléaire au Canada est sans danger. Je ne lancerai pas un débat à ce sujet aujourd'hui, mais cet intitulé est assez discutable. Un titre comme Commission canadienne de sûreté nucléaire: réglementer pour garantir la sécurité de l'énergie nucléaire aurait été acceptable. Mais l'organisme de réglementation fait là de la propagande pour l'énergie nucléaire. Pourtant, ne revient-il pas à l'industrie de faire sa promotion, et non à l'organisme qui la réglemente? En voyant cela, n'y a-t-il pas lieu de conclure à la partialité de la Commission canadienne de sûreté nucléaire? Cet organisme a maintenant le pouvoir de déterminer si nous allons construire ou non des centrales nucléaire au Canada.
L'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont pour mission première de fixer les normes régissant aussi bien les vannes des pipelines que la quantité de radioactivité à laquelle le public peut être exposé. Pour assurer cette réglementation, ils doivent collaborer étroitement avec l'industrie, ce qui brouille les cartes. Les experts et les consultants qu'ils emploient ont assez souvent passé presque toute leur carrière dans l'industrie et aspirent à y retourner. C'est particulièrement de le cas de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Comme l'évaluation environnementale joue un rôle beaucoup plus large, il lui faut être d'une portée supérieure et se tenir à une distance suffisante de l'industrie pour préserver son impartialité. Il ne suffit pas aux commissions de comprendre les aspects techniques des projets; il leur faut aussi une large information. Les impacts environnementaux débordent le périmètre du projet et ont des impacts socio-économiques sur les localités voisines. Il faut également savoir s'il existe une meilleure solution aux projets envisagés. Ces aspects ont tous autant d'importance dans le processus.
Il arrive souvent, au cours des audiences, que les conclusions de l'organisme de réglementation soient mises en doute dans des mémoires présentés par le public, alors que c'est cet organisme qui prend la décision. Il y a là clairement un conflit d'intérêts qui confère une impression d'impartialité. Par exemple, l'an dernier, la Commission canadienne de sûreté nucléaire a autorisé Bruce Power à exporter 1 600 tonnes de déchets nucléaires en Suède aux fins de recyclage. Il s'agissait de 16 générateurs de vapeur. C'est seulement après la campagne menée par le Club Sierra du Canada, des dizaines de municipalités et des organismes autochtones que la Commission a accepté des mémoires du public.
Le projet de remise en état de la centrale Bruce proposé par Bruce Power a fait l'objet d'une évaluation environnementale en 2005. L'entreprise avait alors assuré que les 16 générateurs de vapeur seraient gardés à l'installation de stockage des déchets d'Ontario Power Generation. Lorsqu'un projet approuvé subit des changements fondamentaux, il faudrait, selon le Club Sierra du Canada et d'autres parties prenantes, que l'évaluation environnementale soit automatiquement revue et que la décision soit prise par un organisme indépendant de l'organisme de réglementation. Quand j'ai soulevé la question devant la CCSN, le président m'a demandé si j'étais contre le nucléaire, puis a demandé à ses collaborateurs s'ils avaient tort de ne pas recommander une révision de l'évaluation environnementale. Je vous laisse imaginer ce qu'ils ont répondu.
La CCSN s'est préoccupée uniquement du transport des déchets, ce qui se justifie de la part de l'organisme de réglementation. Mais elle a fait fi des questions plus larges dont une évaluation environnementale aurait tenu comte, comme celle de savoir si le projet était conforme à la politique de longue date du Canada exigeant que les déchets nucléaires soient stockés sur les lieux des réacteurs et interdisant la circulation de matériaux contaminés dans l'environnement. La CCSN ainsi permis à Bruce Power, une entreprise privée, de modifier la politique nucléaire du Canada, tout en se dérobant à la responsabilité qui lui incombe d'évaluer correctement toutes les questions. Cela ne serait pas arrivé si les rôles de réglementation et d'évaluation étaient distincts, comme ils le devraient.
J'aimerais également soulever la question de l'impartialité dans la sélection des membres d'une commission d'évaluation. Qui est qualifié et comment les commissaires devraient-ils être choisis? Le public n'est pas consulté. La mise sur pied de la commission est annoncée et quelques mois après, la liste des membres nous est communiquée. La sélection des commissaires se fait sans consultation ou candidature, alors que les décisions qu'ils prennent peuvent avoir sur le droit et la société du Canada des incidences aussi importantes que celles d'un tribunal.
Loin de moi le désir de nuire à la réputation des commissaires. Je suis certain que ce sont toutes des personnes admirables. Je veux toutefois vous parler de ce que j'ai vécu la dernière fois que j'ai comparu dans le cadre d'une évaluation environnementale. C'était...
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Bonjour. Je vous sais gré de me donner l'occasion de témoigner.
Je m'appelle Jennifer Jackson, directrice générale, Association canadienne des eaux potables et usées.
Notre association, mieux connue sous le nom d'ACEPU, souhaiterait donner son point de vue sur l'examen obligatoire de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui a lieu aux sept ans.
C'est la première fois que l'ACEPU témoigne devant le comité permanent à ce sujet. Nous avons toutefois été régulièrement consultés par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale concernant des changements qui pourraient avoir des répercussions sur notre secteur.
L'ACEPU est une association de commerce industriel spécialisée, fondée sur les recommandations du personnel de Santé Canada et d'Environnement Canada avec l'aide de la Fédération canadienne des municipalités. C'était il y a 25 ans, et nous célébrons cette année notre 25e anniversaire. L'ACEPU est devenue la voix nationale de l'industrie canadienne de l'eau.
Nous comptons dans nos rangs des membres des services publics des municipalités canadiennes de toute taille et de toutes les régions du pays, ainsi que des commissions de services publics, des fournisseurs d'équipement et des cabinets de conseils et d'évaluation en matière d'environnement qui offrent des services à nos membres. Nous représentons également l'industrie de l'eau du Canada à l'échelle tant nationale qu'internationale.
Nos membres offrent aux Canadiens des services relatifs aux eaux potables, usées et pluviales en s'occupant des infrastructures essentielles. Nous comptons des membres dans l'ensemble des provinces et territoires du Canada. L'industrie des eaux potables et usées du Canada est évaluée à 10 milliards de dollars au pays, nos membres produisant presque sept milliards de dollars annuellement.
La plupart de nos membres disposent de budgets municipaux limités à des fins non lucratives. Nous sommes la voix des gestionnaires professionnels responsables de ce qui est largement considéré comme une infrastructure invisible au Canada. Nos membres des services publics venant de municipalités de tailles et de lieux géographiques fort divers, chacun a des défis différents à relever pour concilier la protection de l'environnement et les objectifs en matière de santé publique.
En ce qui concerne l'examen de la LCEE, les membres des services municipaux et publics de l'ACEPU se trouvent dans une position particulière, étant les exécutants et les bénéficiaires d'évaluations environnementales efficaces. Si d'autres, habituellement situés en amont des installations, mènent une évaluation environnementale et que les projets réalisés ultérieurement ont des effets nocifs sur la qualité de l'eau, les services de nos membres responsables de la gestion des eaux potables et usées pourraient eux aussi s'en ressentir. Cependant, mon exposé portera principalement sur le processus d'évaluation environnementale, parce que nos membres en réalisent régulièrement, conformément aux lois provinciales, territoriales ou fédérales en la matière.
Les projets d'eaux potables et usées des municipalités canadiennes peuvent être assujettis à la LCEE. Il pourrait notamment s'agir de la délivrance de permis fédéraux aux termes des dispositions relatives à l'habitat du poisson de la Loi sur les pêches ou de projets qui pourraient toucher des espèces protégées en vertu de la Loi sur les espèces en péril ou de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Il arrive souvent que des projets relatifs à l'eau puissent avoir des répercussions sur les terres fédérales ou que la LCEE s'applique dans des municipalités qui reçoivent du financement du gouvernement fédéral. Généralement, la construction ou l'agrandissement notable d'usines de traitement d'eau nécessitera aussi une évaluation environnementale provinciale ou municipale ou un processus d'autorisation équivalent.
Je témoigne aujourd'hui pour parler des deux principales préoccupations du secteur: le processus d'évaluation environnementale et l'harmonisation.
Pour ce qui est du processus, l'approbation du gouvernement fédéral dans le cadre d'une évaluation environnementale n'est qu'une étape dans une série d'autorisations qu'il faut obtenir pour les projets municipaux complexes. Les ministères fédéraux responsables d'appliquer la réglementation n'accueilleront pas de demandes et ne délivreront pas de permis réglementaires tant que l'évaluation environnementale fédérale ne se sera pas soldée par une approbation.
Nos membres ont clairement exprimé leur frustration quant au temps de plus en plus long qu'il faut pour gérer les projets qui font intervenir des processus d'évaluation environnementale fédéraux et provinciaux. Ils considèrent que la réalisation d'une évaluation environnementale fédérale dans le cadre de leurs projets tend à engendrer d'importants délais et, évidemment, des coûts substantiels. Dans le cas du projet d'assainissement du port d'Halifax, lequel prévoyait la construction de trois nouvelles usines de traitement des eaux usées, il a fallu quatre ans pour obtenir l'approbation du gouvernement fédéral, en 2003. Selon ce que l'on nous a dit, cette évaluation a entraîné des coûts supplémentaires d'un à deux millions de dollars, notamment pour les programmes de surveillance subséquente obligatoires.
La réglementation est sans contredit un thème important aux yeux de nos membres. En 2010, nous avons appuyé l'établissement de délais dans les règlements relatifs à l'examen exhaustif, lesquels sont maintenant en application. Cependant, quand nous avons demandé à nos membres s'il convenait d'imposer des délais au cours des examens préalables fédéraux, le processus de classification qui a une influence sur la vaste majorité des projets relatifs aux eaux potables et usées, les réactions ont été partagées.
À l'étape de l'examen préalable, les impacts environnementaux peuvent varier d'un projet à l'autre parce que l'emplacement et la fragilité de l'environnement diffèrent. Dans la plupart des cas, les mesures d'atténuation proposées se résument à la mise en oeuvre de pratiques de gestion exemplaires. Le processus d'examen préalable a toutefois l'avantage d'aider presque tous les promoteurs à trouver des mesures d'atténuation et d'adaptation pensées expressément pour l'endroit en question, lesquelles pourraient, devraient et seront mises en oeuvre. Les travaux requis varient selon l'emplacement du projet et le type de proposition.
Nous concluons donc qu'il faudrait peut-être poursuivre les efforts pour voir si l'on peut ou non intégrer des délais dans l'examen préalable et les mettre en oeuvre efficacement. L'ACEPU est disposée à collaborer avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et le ministre de l'Environnement pour voir s'il existe un moyen d'appliquer des délais législatifs dans le processus afin de satisfaire tant les besoins de nos membres qui gèrent les projets que les exigences de la LCEE.
En ce qui concerne l’harmonisation, à mesure que la LCEE a évolué au fil des ans, les gens ont reconnu qu’il y avait un important chevauchement entre le processus d’évaluation environnementale du gouvernement fédéral et celui des provinces. Les deux favorisent la participation constructive du public et l’évaluation des effets potentiellement négatifs d’un projet sur l’environnement.
En 1998, le gouvernement fédéral et toutes les provinces, à l’exception du Québec, ont signé l’accord pancanadien sur l’harmonisation environnementale. En date d’aujourd’hui, toutes les provinces, à l’exception du Québec, ont conclu une sous-entente sur l’évaluation environnementale.
Par conséquent, en théorie, les processus d’EE aux deux échelles devraient être des processus de planification qu’emploient les promoteurs de projet, qu’il s’agisse du gouvernement fédéral, d’une municipalité, d’une personne ou d’une organisation du secteur privé.
Dans son sens le plus pur, l’harmonisation devrait mener à une seule évaluation du projet, à des calendriers négociés entre les partis, à un seul processus de consultation et, au besoin, un seul processus d’audience publique.
En consultant les intervenants sur le terrain, l’ACEPU a appris que l’harmonisation avait donné des résultats mitigés et n’avait pas eu l’effet voulu pour diverses raisons qui, à notre avis sont celles qui suivent.
Les processus d’EE provinciaux ont tendance à être des processus de planification, des analyses des besoins et des solutions de rechange pour le problème à résoudre qui sont axées sur l’avenir. En revanche, le processus d’EE fédéral n’intègre pas précisément ces éléments au stade de la demande. Le promoteur du projet doit présenter une demande d’évaluation environnementale, et le processus débute habituellement plus tard.
Il faut faire la distinction entre le processus d’EE et les décisions réglementaires qui sont prises à la suite du processus. Cependant, en pratique, on confond souvent les deux. Les décisions du gouvernement fédéral qui ont permis l’intégration d’éléments déclencheurs dans le processus d’EE fédéral font que celui-ci est parfois mieux adapté à la phase de la conception détaillée. À ce stade, la décision a déjà été prise et l’option ou la solution préférée a déjà été choisie. Par conséquent, bon nombre de gestionnaires et d’intervenants sur le terrain parlent de l’évaluation environnementale fédérale comme d’un processus en aval qui requiert plus de travail détaillé au préalable, ce qui rend difficile l’harmonisation des processus fédéraux et provinciaux.
Grâce au processus d’EE fédéral, à l’ACEE et à la décision relativement récente que la Cour suprême du Canada a rendue concernant le projet minier de Red Chris, les promoteurs de projet comprennent mieux la nécessité de procéder à une analyse des effets cumulatifs. Jusqu’à récemment, le processus ne mettait pas autant l’accent là-dessus.
Je vais laisser tomber nos recommandations et conclure en disant que les municipalités sont des partenaires qui contribuent à la réalisation d’objectifs environnementaux au Canada. Nous nous réjouissons à la perspective d’entretenir avec vous une relation constructive et coopérative dans le cadre de l’examen de cette loi ou de toute autre initiative à venir qui serait confiée au ministre de l’Environnement et à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers membres du comité permanent, c’est avec plaisir que je comparais aujourd’hui devant le comité afin de communiquer le point de vue de l’Association canadienne de l’électricité sur la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et de présenter les changements que nous vous recommandons d’apporter à la loi.
[Français]
L'Association canadienne de l'électricité remercie le comité de lui offrir la possibilité de venir lui présenter ses préoccupations et recommandations relativement à la loi.
[Traduction]
Les membres de l’Association canadienne de l’électricité produisent, transportent et distribuent quotidiennement de l’électricité aux clients résidentiels, industriels, commerciaux et institutionnels de tout le Canada. Nous représentons toutes les facettes du système électrique.
J’ai le plaisir d’être accompagnée aujourd’hui de M. Terry Toner. Terry est le directeur des Services de l’environnement de Nova Scotia Power Incorporated et le président du groupe de travail de l’association sur la gérance environnementale. Ce groupe de travail s’occupe d’un vaste éventail d’enjeux liés à l’électricité, aux espèces marines et aux pêches, y compris la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches. Il est également le vice-président du groupe de travail mixte sur la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale que nous avons créé en collaboration avec nos collègues de l’Association canadienne de l’hydroélectricité. Le groupe de travail mixte a produit le mémoire que nous avons déposé aujourd’hui et qui renferme les recommandations que je vais vous exposer ce matin.
Le Canada est un chef de file mondial de la production d’électricité à émissions faibles ou nulles. Selon Statistique Canada, à l’heure actuelle, à peu près 80 p. 100 de l’électricité canadienne proviennent de sources à émissions faibles ou nulles, comme l’énergie hydraulique et, dans une moindre mesure, l’énergie éolienne, solaire et marémotrice. Le secteur canadien de l’électricité est assujetti à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale surtout en ce qui concerne ses installations hydroélectriques, bien que la loi touche aussi ses projets d’énergie éolienne et ses projets de transport et de distribution.
Le moment que le comité a choisi pour examiner la loi est particulièrement important, compte tenu de l’urgence d’investir des sommes importantes dans l’infrastructure électrique du Canada. Nous mentionnons souvent que notre économie repose sur les ressources naturelles, mais nous pensons rarement au rôle que l’électricité y joue.
Depuis le début de l’existence de notre système électrique, le prix de notre électricité est concurrentiel et plus bas que celui facturé dans bon nombre d’autres parties du monde. Cela donne un énorme avantage concurrentiel aux entreprises canadiennes, et c’est le résultat de la prévoyance des générations de nos parents et de nos grands-parents qui ont bâti un système stable et fiable sur lequel nous en sommes venus à compter.
Le système électrique — également connu sous le nom de réseau, comme vous le savez peut-être tous — est la machine la plus volumineuse, la plus complexe et la plus interconnectée d’Amérique du Nord. Le système est sécuritaire, solide et bien entretenu, mais il montre des signes de vieillissement. Comme les autres grandes infrastructures, notre système électrique a besoin d’une importante transformation et de nombreux investissements, étant donné qu’il est désuet.
Aujourd’hui, le secteur de l’électricité doit faire face à un problème tridimensionnel. Nous devons remplacer une infrastructure vieillissante tout en satisfaisant une nouvelle demande, accroître constamment nos efforts pour réduire nos émissions et remplacer progressivement le matériel analogue par du matériel numérique.
En raison du manque d’investissements et des nouvelles pressions exercées sur le système, on estime globalement qu’il faudra investir au moins 293 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années. Cela représente environ 15 milliards de dollars par année. Il est nécessaire d’investir ces fonds dans l’infrastructure afin d’entretenir les actifs actuels et de répondre aux besoins d’un marché croissant.
Au cours de la dernière décennie, les personnes chargées des projets d’infrastructure ont dû affronter des complications croissantes découlant des lois et de la réglementation qui étaient caractérisées par de longs processus réglementaires souvent redondants. Dans certains cas, les processus d’approbation et les périodes de construction des projets d’infrastructure électrique peuvent exiger plus de 10 années, du début du projet à la connexion de l’infrastructure au réseau. Sur ces 10 années, environ quatre sont consacrées au processus fédéral d’EE.
La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale joue un rôle central dans le processus d’EE. Mais, en raison de la complexité actuelle de la loi et de son interaction avec d’autres mesures législatives, celle-ci contribue, comme Mme Jackson l’a signalé, à retarder inutilement l’évaluation des projets. Parfois, le processus n’aboutit pas à d’autres effets positifs sur l’environnement. Outre les complications entraînées par le processus fédéral, les processus provinciaux recoupent celui-ci.
L’examen législatif en cours donne aux membres du comité l’occasion de recommander des changements à apporter à la loi qui faciliteront les investissements qui s’imposent pour renouveler l’infrastructure électrique, tout en garantissant des résultats environnementaux positifs. Je vais insister sur le fait que notre association souhaite également que toute modification apportée à la loi ait des effets positifs sur l’environnement.
Nous aimerions souligner qu’il est nécessaire d’accroître l’efficacité de la série de lois et de règlements ayant trait à l’environnement et la coordination entre elles, et que les améliorations apportées au processus fédéral d’évaluation environnementale devraient tenir compte de l’ensemble du régime fédéral de réglementation.
Comme je l’ai mentionné, à l’heure actuelle, il faut habituellement quatre ans pour faire approuver de grands projets au Canada, sans compter les études menées par les promoteurs de projets eux-mêmes. Cette situation est inquiétante pour notre industrie. Outre l’urgence de renouveler l’infrastructure partout au Canada, ces genres d’investissement dans les services publics doivent être effectués au bon moment et ne peuvent être reportés en raison de délais découlant d’imbroglios réglementaires.
Les changements apportés à la loi devraient viser à améliorer la coordination entre les processus d’évaluation des diverses administrations et à obéir au principe d’une seule évaluation par projet qui sera menée par l’administration la mieux placée pour le faire. Je vous ferai remarquer que nous ne sommes pas les premiers témoins à faire cette importante recommandation, et j’estime que nous ne serons pas les derniers.
Le mémoire que nous et l’Association canadienne de l’hydroélectricité avons préparé conjointement et qui vous a été remis aujourd’hui expose les domaines et les enjeux prioritaires ainsi que nos recommandations concernant les modifications à apporter à la loi. Nous recommandons, entre autres, d’éviter le chevauchement qui existe entre le processus fédéral et les processus provinciaux d’EE en négociant des accords d’équivalence, de limiter l’application de la loi aux projets où celle-ci peut avoir une valeur ajoutée et d’optimiser les mécanismes de détermination de la portée des incidences. Deuxièmement, nous recommandons d’assurer l’uniformité des évaluations et des autorisations; troisièmement, de réduire les délais; et finalement, de permettre au processus de tenir compte des avantages du projet en adoptant une approche qui vise le développement durable, au lieu de continuer à mettre l’accent sur les effets néfastes du projet sur l’environnement.
Durant leur comparution qui est prévue pour le 15 novembre, nos collègues de l’Association canadienne de l’hydroélectricité aborderont plus avant la question du chevauchement des processus. Aujourd’hui, nous mettrons l’accent sur les trois derniers enjeux prioritaires.
J’aimerais commencer par aborder la question du manque de cohérence entre le processus d’EE et les autorisations ultérieures. La façon dont la LCEE interagit avec les autres lois invoquées est ambiguë. De plus, une fois qu’un projet a été approuvé, les rôles et les responsabilités des instances fédérales sont mal définis. Ces incohérences entraînent des contradictions entre les exigences sur lesquelles on s’est entendu durant l’EE et celles qui doivent être satisfaites pour obtenir des autorisations.
Je vais vous donner un exemple emprunté à un projet hydroélectrique du Manitoba. Dans le cas en question, l’instance responsable, soit le ministère des Pêches et des Océans a demandé que d’autres travaux soient effectués après la réalisation de l’EE, dont des recherches et des mesures d’atténuation qui allaient plus loin que ce qui avait été convenu durant l’étape de l’EE. Cela a retardé considérablement l’obtention des autorisations qui devaient être accordées juste avant la date à laquelle la construction devait commencer.
Pour assurer l’uniformité entre le processus d’évaluation et le processus d’autorisation, nous recommandons que les décisions prises en vertu de la loi soient exécutoires pour toutes les instances chargées d’administrer les lois invoquées et les autres processus d’autorisation. Les promoteurs devraient également pouvoir choisir de faire examiner les autorisations et les permis dans le cadre du processus d’EE.
L’industrie est également très préoccupée par les délais. Le fait qu’il faille en moyenne quatre ans pour franchir les étapes du processus semble inutile. Les règlements adoptés en juin qui fixent des délais pour la conduite d’études détaillées sont un pas dans la bonne direction. Toutefois, la limite de temps proposée n’est pas suffisamment rigoureuse et ne tient pas compte du processus en entier. Pour tous les types d’évaluation et tous les processus d’autorisation, on devrait limiter le temps qui peut s’écouler entre la présentation de la demande et l’achèvement du processus.
En outre, la loi est désuète. Aujourd’hui, elle ne cherche qu’à éviter les impacts environnementaux néfastes. Je rappelle aux membres du comité que, tant à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nationale, l’objet initial des évaluations environnementales n’était pas de stopper les projets, mais d’atténuer ou de supprimer les impacts environnementaux avant de permettre au projet d’aller de l’avant.
On devrait prendre en considération le résultat net du projet et ses incidences socioéconomiques avant de prendre une décision au terme de son évaluation. Au bout du compte, ces décisions devraient tenir compte des effets environnementaux positifs du projet.
Parmi les autres recommandations importantes, on retrouve la nécessité de prendre des mesures pour prévenir le chevauchement des processus, l’importance de fixer les éléments déclencheurs à un niveau approprié et l’optimisation de la détermination de la portée des incidences. En d’autres termes, la loi doit porter ses efforts sur les enjeux principaux. Le processus d’EE n’était pas censé se pencher sur de menus détails; la délivrance des permis est axée sur ces détails plutôt que sur l’évaluation.
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Merci, monsieur Bennett.
Tout le monde ici, je suppose, conviendra que l'on peut faire quelque chose pour réduire les délais, ne serait-ce qu'en rationalisant les processus et en prenant d'autres mesures appropriées.
La complexité des mesures à prendre en tenant compte de tant de facteurs différents est une des raisons pour lesquelles, à mon avis, la consultation avec l'industrie et les groupes environnementaux serait très utile avant toute intervention auprès du comité.
Ayant eu à m'occuper, en tant que ministre, du désastre des mines Britannia — l'un des plus graves problèmes de sites contaminés que nous ayons eus, avec la destruction, pendant des générations, des mollusques et des fruits de mer dans l'inlet Burrard —, je pense qu'un examen du projet après quatre ans aurait probablement permis d'économiser beaucoup d'argent quand on pense aux centaines de millions de dollars qu'a coûtés le nettoyage.
Pour que l'industrie soit plus efficace, sans que soit mise en péril la protection de l'environnement, il y a lieu de discuter des délais. Certains témoins ont parlé d'un processus d'évaluation en deux étapes; dans la première, le feu vert serait donné ou refusé dans un délai plus court. En Colombie-Britannique, on appelle cela un report de projet aux termes de l'évaluation environnementale. Autrement dit, s'il est évident que le projet n'aura pas le feu vert, ont le met de côté et l'on consacre les ressources aux projets susceptibles d'être approuvés.
Puis-je avoir l'avis de M. Bennett et de l'un des promoteurs de l'industrie sur cette idée de système à deux étapes?