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La 75
e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable est ouverte.
Nous accueillons aujourd'hui, en tant que représentante de l'Association nucléaire canadienne, Heather Kleb, sa présidente intérimaire. Nous entendons également, au nom de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, Bob Bleaney, vice-président, que nous accueillons en personne, ainsi que Alex Ferguson et David Pryce, avec qui nous allons nous entretenir par vidéoconférence. Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus.
Nous allons également nous entretenir par vidéoconférence avec deux personnes qui comparaissent à titre personnel, Sarah Otto, directrice du Centre de recherche en biodiversité, Département de zoologie de l'Université de la Colombie-Britannique, et Jeannette Whitton, professeure agrégée au Département de botanique, de l'Université de la Colombie-Britannique.
Nous souhaitons donc la bienvenue à nos témoins. Chacun d'entre vous disposera de 10 minutes pour présenter son exposé. Après cela, les membres du comité auront l'occasion de vous poser des questions.
Nous allons commencer par Heather Kleb, présidente intérimaire de l'Association nucléaire canadienne.
Heather, vous avez la parole.
Bonjour, monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs.
Je m’appelle Heather Kleb. Je suis présidente intérimaire et chef de la direction de l’Association nucléaire canadienne.
L’ANC compte une centaine d’organismes membres qui extraient l’uranium, traitent le combustible, produisent de l’électricité et font progresser la médecine nucléaire. Notre secteur offre une énergie sûre, fiable et à faible teneur de carbone qui compense les gaz à effet de serre libérés par les sources d’énergie à base de combustibles fossiles.
Dans l’ensemble, nous représentons quelque 60 000 Canadiens qui tirent directement ou indirectement leur subsistance de l’industrie nucléaire. Nos membres travaillent et vivent dans les collectivités où se situe notre industrie. Ils ont donc tout intérêt à préserver l’environnement dans lequel ils vivent et travaillent. Ils partagent les intérêts énoncés dans l’Étude visant à présenter des recommandations concernant l’élaboration d’un plan de conservation national et prennent couramment des mesures pour protéger les espaces naturels du Canada, rétablir les écosystèmes dégradés et former des partenariats visant à rapprocher les Canadiens de la nature.
Je voudrais vous parler aujourd’hui de quelques-unes de ces contributions à la protection et à la restauration de l’environnement ainsi que de l’opportunité d’étendre ces contributions grâce à des partenariats et à d’autres moyens.
Permettez-moi d’abord de situer le contexte des règles qui régissent notre industrie et de vous faire part de notre position à cet égard. L’industrie nucléaire est très fortement réglementée. Nous sommes assujettis à la même législation que les autres grands secteurs de ressources, c’est-à-dire à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, à la Loi sur les espèces en péril, à la Loi sur les pêches et aux autres mesures législatives de protection de l’environnement.
De plus, nous sommes soumis à un organisme de réglementation qui nous est propre, la Commission canadienne de sûreté nucléaire. La commission veille à la protection de la santé, de la sécurité et de l’environnement en appliquant la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Cette loi et ses règlements d’application énoncent le principe ALARA, c’est-à-dire le principe du plus bas niveau qu’on puisse raisonnablement atteindre (de l’anglais, As Low As Reasonably Achievable). Autrement dit, notre industrie ne se contente pas de respecter les exigences réglementaires. Elle s’efforce d’aller au-delà. En fait, notre industrie a développé une culture qui l’amène à faire plus que se conformer aux règles de sécurité et de protection de l’environnement.
Examinons, par exemple, l’approche d’amélioration de l’habitat qu’Ontario Power Generation (OPG) a adoptée pour sa centrale nucléaire de Darlington, à Clarington (Ontario). OPG a aménagé un bassin de décantation pour intercepter les eaux de drainage provenant de la décharge dans laquelle sont enfouis ses déchets de construction. Ne se contentant pas d’aménager le bassin, OPG est allée au-delà des exigences en établissant un milieu favorable à la reproduction des amphibiens et du ventre rouge du Nord. Petit poisson sans valeur commerciale, le ventre rouge du Nord a le dos argenté et des raies noires sur les côtés. Il est commun dans le sud de l’Ontario, mais les scientifiques le surveillent parfois parce que la santé de sa population dépend de la santé de son habitat.
En 2008, des initiatives comme celle-ci ont valu à OPG le prix Corporate Habitat of the Year, qui reconnaît les efforts continus d’amélioration de l’habitat de la faune. Le site de Darlington a été choisi parmi 146 autres d’Amérique du Nord qui étaient candidats à ce prix.
Monsieur le président, ce n’est là qu’un exemple des mesures prises par notre industrie non seulement pour se conformer aux exigences, mais pour les dépasser. Les avantages d’une telle approche sont clairs. Bien sûr, notre secteur doit parfois aller au-delà de l’amélioration de l’habitat pour le rétablir et le restaurer.
Nous avons acquis beaucoup de connaissances et d’expérience et développé de nombreuses technologies dans le domaine de la restauration de l’environnement. On peut s’en rendre compte dans le cas d’Énergie atomique du Canada Limitée (EACL). EACL envisage, pour des raisons de sécurité, de désaffecter une cheminée construite il y a une soixantaine d’années. La cheminée ne servait à rien depuis plus de 25 ans, sauf pour les martinets ramoneurs qui y ont fait leur nid. Le martinet ramoneur est un petit oiseau noir et blanc dont la population a diminué par suite de la disparition de son habitat. Il utilise des structures verticales comme les cheminées pour se jucher et établir son nid, mais l’industrie ne se sert plus de cheminées. Les changements survenus dans ses opérations l’ont amenée à démolir les cheminées et à ne pas les remplacer. C’est l’une des raisons pour lesquelles le martinet compte maintenant parmi les espèces menacées.
Il y a trois ans, un biologiste d’EACL a confirmé que ces oiseaux utilisaient les cheminées de l’entreprise. Celle-ci s’est également rendu compte qu’on manquait en général de renseignements sur le martinet ramoneur et qu’on ne connaissait presque rien de ses habitudes de nidification. EACL a alors pris contact avec un spécialiste du martinet de l’Université Trent et a lancé un programme de recherche destiné à en apprendre davantage sur l’espèce. Les connaissances qu’EACL a acquises jusqu’ici et acquerra à l’avenir lui permettront non seulement de mieux comprendre le comportement de l’espèce, mais aussi de mieux gérer ses opérations. En effet, la société dispose maintenant de renseignements sûrs pouvant servir de base aux décisions qu’elle prendra quant à l’entretien ou à la désaffectation des cheminées.
Elle s’efforce aussi de recueillir de l’information visant à aménager un habitat de remplacement approprié pour le martinet ramoneur. Comme vous pouvez le voir, nous avons adopté une approche proactive de la restauration de l’environnement et sommes déterminés à aller au-delà de la simple conformité. De plus, nous formons des partenariats pour mieux atteindre ces objectifs.
Nos membres conviennent que le plan de conservation national doit susciter et soutenir des partenariats solides et durables entre les parties prenantes. Voici un exemple du mode de fonctionnement de ces partenariats de conservation. En 2012, la version définitive du Programme de rétablissement du caribou des bois, population boréale, au Canada, a mis en évidence d’importantes lacunes dans notre connaissance de l’habitat du caribou des bois en Saskatchewan. Le caribou des bois vit dans les forêts de conifères matures où il se nourrit de lichens, de saules et d’autres végétaux. Il est réparti entre sept provinces du Canada, dont le nord de la Saskatchewan. En 2002, le caribou des bois comptait parmi les espèces menacées.
L’un de nos membres, la société Cameco, extrait de l’uranium dans le nord de la Saskatchewan. Lorsque la société a appris qu’il y avait d’importantes lacunes dans les données disponibles, elle a réagi en élaborant un programme de surveillance du caribou des bois dans sa région. Elle a également parrainé une initiative de recherche provinciale plus vaste visant aussi à combler les lacunes. Compte tenu du volume requis de données, un projet de cette envergure dirigé par le gouvernement ne peut réussir sans le financement et le soutien de l’industrie. Par conséquent, Environnement Canada a formé un partenariat avec la province, Cameco et d’autres parties prenantes du secteur privé pour mieux connaître les caractéristiques de l’habitat du caribou des bois en Saskatchewan.
À l’avenir, ce partenariat établi en Saskatchewan permettra aux services provinciaux de gestion de prendre de meilleures décisions. Grâce au financement provincial et à son programme de surveillance, Cameco a recueilli de précieux renseignements sur une espèce en péril et sur son habitat.
Monsieur le président, vous pouvez voir quelle approche l’industrie nucléaire a adoptée en matière de conservation en considérant ses recherches sur l’habitat du caribou des bois, ses efforts visant à créer un habitat pour le martinet ramoneur ou son travail en faveur du milieu du ventre rouge du Nord. Ces trois projets témoignent de l’engagement de notre industrie envers la protection de l’environnement, de notre expérience en restauration environnementale et de notre volonté de former des partenariats pour réaliser de tels projets. Ils montrent aussi qu’il est nécessaire de trouver de nouvelles occasions de partenariats et de projets afin de compenser les effets environnementaux.
En ce qui concerne le plan de conservation national, nos membres croient à la nécessité de dispositions destinées à compenser les effets sur les espèces et leurs habitats par des moyens flexibles. Nous croyons également à la nécessité de politiques et de lignes directrices documentées dans ce domaine. Même si les politiques et stratégies de rétablissement de certaines espèces ont réussi, les variations régionales de l’environnement naturel du Canada impliquent qu’une approche commune à toutes les régions ne peut pas convenir. Un plan de conservation national normatif serait difficile à mettre en oeuvre à l’échelle provinciale. Les provinces sont responsables du rétablissement des espèces, mais le gouvernement fédéral peut définir un cadre national pouvant guider les efforts de conservation de l’habitat. Ce cadre devrait être élaboré en collaboration avec les autres administrations et s’appuyer sur des politiques et des lignes directrices ou encore sur des pratiques exemplaires de gestion permettant d’orienter les initiatives de conservation de l’habitat. La concertation et la collaboration entre les deux ordres de gouvernement sont essentielles pour éviter le double emploi et aboutir à de meilleures mesures de conservation de l’habitat.
Les gouvernements provinciaux devraient diriger les efforts dans ce domaine grâce à la mise en oeuvre et à la gestion de stratégies de conservation de l’habitat alignées sur le plan national. Dans un tel cadre, on pourrait envisager de recourir à des banques d’habitat pour compenser les pertes subies dans ce domaine. Des banques d’habitat existent à différents degrés dans plusieurs provinces canadiennes. À cet égard, un processus formel bien défini constituerait un autre moyen de favoriser la conservation de l’habitat. Bien sûr, les cadres, politiques et lignes directrices doivent être élaborés en consultation avec les parties qui ont l’expérience des partenariats pour la protection, la restauration et la conservation de l’environnement, des parties comme le secteur nucléaire canadien. Compte tenu de nos connaissances, de notre expérience et de notre technologie, nous devons prendre part à de telles conversations.
Monsieur le président, j’ai couvert beaucoup de terrain en peu de temps. Les membres du comité ont peut-être des questions à poser, auxquelles je me ferai un plaisir de répondre.
Je vous remercie.
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Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité.
Je m’appelle Bob Bleaney. Je suis vice-président, Relations extérieures, de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’ACPP. Alex Ferguson, vice-président, Politique et environnement, et David Pryce, vice-président, Opérations, à l’ACCP se joignent à moi aujourd’hui par téléconférence depuis Calgary.
L’ACPP représente le secteur pétrolier et gazier en amont du Canada. Les membres de l’Association découvrent et exploitent plus de 90 p. 100 des ressources pétrolières du Canada, investissent plus de 60 milliards de dollars chaque année et emploient, sur l'ensemble du territoire national, plus de 550 000 personnes.
Nous sommes heureux d’avoir l'occasion aujourd’hui de faire connaître l’opinion de l’ACPP sur la conservation des habitats au Canada.
Pour commencer, permettez-moi de dire que l’ACPP appuie les efforts déployés en vue d’élaborer une vision globale de la conservation au Canada. L’ACPP a déjà présenté un exposé détaillé des vues de l’association sur l’élaboration d’un cadre national de conservation lors du témoignage présenté devant le comité en mai 2012. Nous avions à l'époque souligné l'importance de reconnaître que la conservation est l’affaire des divers gouvernements et d’une multitude d’intervenants et nous avions fait remarquer qu’il serait constructif de mettre l’accent sur la définition de grands objectifs, des principes et des priorités contribuant à l’avancement de la conservation.
Selon nous, il est en outre important de tenir compte des lois existantes, comme la Loi sur les espèces en péril (LEP), qui montrent bien les contraintes que les lois canadiennes peuvent imposer aux options disponibles en matière de conservation des habitats et de résultats environnementaux positifs. L’ACPP a fait part au gouvernement fédéral de ses vues sur la nécessité d’apporter quelques changements à la LEP. De tels changements pourraient contribuer à la conservation des habitats.
Avant de répondre aux questions précises du comité, je voudrais exposer brièvement les considérations de l’ACPP en ce qui concerne la conservation des habitats au Canada.
D'après nous, il conviendrait en premier lieu de mettre l'accent sur les résultats environnementaux responsables, plutôt que sur un plan normatif. Tout plan doit, de par sa nature même, avoir la souplesse nécessaire pour s’adapter aux circonstances particulières des régions, et aux divers intérêts. En deuxième lieu, la protection des espèces ne doit pas se limiter à la seule conservation des habitats, quoique la conservation soit certainement un volet de la protection des espèces. Troisièmement, la conservation ne doit pas être axée sur l’exclusion de l’utilisation, mais doit plutôt tenir compte des paysages exploités, permettant ainsi une politique mieux équilibrée en offrant une plus grande souplesse au niveau de l’utilisation des terres, y compris la souplesse dans le temps.
Abordant les questions précises posées par le comité, je vais vous exposer le point de vue de l'ACPP.
Selon les types d’intervenants s'occupant de la conservation des habitats, l'ACPP retient tous les ordres de gouvernement, les peuples autochtones, les organisations de conservation des habitats, les établissements universitaires, soit les centres de recherche scientifique, les organisations non gouvernementales ayant des intérêts précis, en matière de conservation, les propriétaires fonciers privés, les utilisateurs des terres, les détenteurs de droits, industriels ou non. Pris dans leur ensemble, ces intervenants contribuent puissamment à la conservation des habitats. Il convient cependant de noter que le public a lui aussi un rôle important à jouer à la fois par l'utilisation qu'il fait des terres, et par ses modes de consommation.
En ce qui concerne maintenant les savoirs et les compétences en matière de conservation des habitats, on peut dire que le Canada dispose en ce domaine de ressources considérables, en grande partie grâce aux investissements du secteur privé. L'ACPP estime que l’information accessible au public est nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en matière de conservation des habitats. Cette information est aussi importante pour aider à susciter la confiance du public à l’égard de ces résultats. Notre industrie finance plusieurs organismes qui effectuent des recherches ou recueillent de l’information pour éclairer la gestion des habitats. Citons, parmi ceux-ci, la Petroleum Technology Alliance of Canada, la Science Community and Environmental Knowledge Fund, l’Alberta Biodiversity Monitoring Institute, la Canadian Oil Sands Innovation Alliance et le Foothills Research Institute.
L’ACPP considère que les propriétaires et les utilisateurs des terres et les organismes de conservation sont les groupes les plus efficaces. Les propriétaires et les utilisateurs des terres tels que les entreprises du secteur primaire, les utilisateurs agricoles et les utilisateurs récréatifs ainsi que les autres utilisateurs des terres peuvent contribuer grandement à la protection des habitats par les choix qu'ils font au jour le jour.
Les organismes de conservation axés sur des objectifs pratiques tels que Conservation de la nature Canada, Canards Illimités Canada et l’Alberta Conservation Association doivent leur efficacité à leur capacité de collaborer avec de multiples intervenants. Ils reconnaissent en outre la nécessité de gérer les paysages à long terme ainsi que la valeur des « paysages fonctionnels », un des nombreux outils de conservation des habitats. Ils doivent en outre une partie de leur efficacité à leur capacité technique de classer par ordre d’importance les projets de conservation des habitats, puis de les réaliser et d'en évaluer l'efficacité. Leurs priorités correspondent aux objectifs nationaux ou provinciaux en matière de conservation des habitats et ils ont la capacité de mobiliser des ressources pour obtenir des résultats meilleurs en matière de conservation. Ils jouissent en outre, auprès des Canadiens, d'une excellente réputation.
L’ACPP est très favorable au maintien des organismes de conservation clés et à un cadre de conservation qui soutiendrait et encouragerait des pratiques appropriées par tous ces groupes.
Concernant maintenant la question de savoir comment définir les « terres protégées », définition qui, contrairement à ce qu'il en est dans d’autres pays, exclut l’utilisation des terres afin d'en maintenir le caractère sauvage alors que dans beaucoup d’autres pays, les terres protégées sont simplement des terres gérées. L’acceptation des terres gérées a permis à des pays possédant peu de régions sauvages, comme l’Allemagne, d’utiliser les terres plus efficacement afin d’atteindre de nombreux objectifs sociaux, économiques et environnementaux, dont la conservation des habitats. Ces pays essayaient de conserver les terres, mais ils cherchent maintenant à protéger les habitats; les résultats sont très différents.
Le gouvernement fédéral a actuellement l’occasion d’examiner des options stratégiques qui reconnaîtraient et prendraient en compte la nature sauvage et la conservation ainsi que les terres gérées; avec cette prise en compte, ces options feraient la promotion de paysages fonctionnels tout en autorisant un examen stratégique équilibré. Pour définir ce qu'on entend par terres protégées, il faut exiger qu’elles produisent des résultats de conservation, plutôt que prescrire les moyens d’obtenir un résultat donné. Pour parvenir à cette définition axée sur des résultats, il faut prévoir suffisamment de souplesse pour garantir que les mesures appropriées sont reconnues et encouragées.
La question suivante concernait les pratiques exemplaires de gestion permettant le rétablissement d'une espèce. Là encore, il faut de la souplesse. En effet, un cadre efficace de conservation des habitats doit reposer sur une structure qui autorise et favorise les actions bénévoles, les pratiques de gestion exemplaires et les initiatives de gérance parallèlement aux mesures prescrites par le gouvernement. Des exemples notables de gestion réussie des espèces sont attribuables à des initiatives prises hors du cadre des prescriptions du gouvernement; on pense notamment à l’ours grizzli et au renard véloce.
Le Canada n’a pas mis en place d’autres moyens de respecter les interdictions de la LEP ni des moyens de gérer les habitats des espèces en péril de manière bénévole. Cela est particulièrement remarquable étant donné que la LEP est largement axée sur la protection des habitats. Étant donné le nombre d’espèces visées et la variété des activités qui touchent le paysage, il est essentiel que des outils différents soient mis en place et à disposition grâce à une LEP améliorée, afin que les résultats de conservation soient atteints et convenablement encouragés.
La dernière question est comment le gouvernement fédéral pourrait-il accroître les efforts déployés en matière de conservation des habitats au Canada. Selon nous, un cadre de conservation des habitats efficace doit être équilibré et souple et, afin d'assurer que les résultats obtenus sont conformes aux intérêts du Canada, doit prendre en compte de multiples facteurs. Un tel cadre doit autoriser et promouvoir les actions bénévoles, les pratiques de gestion exemplaires et les initiatives de gérance parallèlement aux mesures prescrites par le gouvernement. Il doit reconnaître une définition plus large des « terres protégées » incluant les efforts bénévoles et formels de conservation des habitats et tenir compte des aires sauvages et des paysages fonctionnels. Un tel cadre doit en outre veiller à ce que les lois existantes telles que la LEP permettent effectivement d'assurer la conservation des espèces et veiller à ce que les mécanismes de conformité permettent d’atteindre par divers moyens les résultats visés. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de communiquer au public canadien et aussi à la communauté internationale les résultats des efforts déployés par le Canada en matière de conservation.
Disons, pour résumer, qu'il nous faut, en matière d'environnement, mettre l'accent sur l'obtention de résultats responsables plutôt que sur la prise de mesures normatives, favoriser davantage le recours à des outils souples en réponse aux besoins des habitats et de la conservation, et adopter, dans l'intérêt de tous, un cadre d'action plus équilibré.
Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Je vous remercie. Je m'appelle Sarah, mais tout le monde m'appelle Sally. N'hésitez pas à en faire autant.
Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous exposer mes idées sur la conservation de l'habitat au Canada. Je suis professeure à l'Université de la Colombie-Britannique, où j'enseigne la biologie depuis presque 20 ans. Mon domaine de spécialisation est la biologie évolutionniste. J'emploie des modèles mathématiques et effectue des expériences afin de mieux comprendre comment la biodiversité a évolué, et cerner les facteurs qui créent, pour les diverses espèces, un risque de disparition.
J'ai été, en 2007, nommée directrice du Centre de recherche en biodiversité. Nous comptons plus de 50 professeurs et 200 étudiants de 2e et 3e cycles. Nos travaux ont permis de découvrir de nouvelles espèces tant dans des terres aussi éloignées que la Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais aussi dans la cour du Centre de recherche en biodiversité. Les recherches que nous avons menées ont permis d'élucider les processus évolutionnaires et écologiques qui sont à l'origine de la biodiversité, ainsi que ceux qui servent à la protéger. Nos chercheurs ont également étudié ce qui se produit lorsqu'une espèce s'éteint ou disparaît d'une région. Dans quelles conditions l'écosystème va résister et dans quelles conditions il risque de se dégrader.
Je vous parle aujourd'hui en tant que scientifique, mais je m'adresse également à vous en tant que mère et citoyenne. Lorsque nous étions enfants, le monde dans lequel nous vivions était infini. La nature nous semblait sans limite. Les forêts s'étendaient à perte de vue, et la mer abondait en poissons de tous genres. Je me souviens que, lorsque j'étais enfant, en voiture, nous jetions nos déchets par la fenêtre et il ne nous venait même pas à l'esprit que cela pouvait avoir un effet cumulatif sur le monde dans lequel nous vivions. Nous pulvérisions nos cultures avec du DDT, et nous conduisions nos voitures sans nous soucier des traînées de fumée qui sortaient du tuyau d'échappement.
Ce monde infini n'est plus celui de nos enfants. Nos enfants, en effet, grandissent maintenant dans un monde circonscrit. Ils ont appris qu'il n'existe sur terre aucun point qui ne soit pas affecté par nos comportements, même dans les régions où aucun être humain n'est jamais allé. Nous savons maintenant que l'effet cumulatif de milliards d'êtres humains a complètement remodelé la planète, y compris le ciel et les océans.
Des chercheurs tels que David Schindler, en Alberta, ont découvert que, sous l'effet des phosphates que contiennent les détergents à lessive, nos lacs et nos cours d'eau étaient changés en soupe alguoïde. Les détergents ne contiennent plus de phosphates. Les chercheurs ont également découvert que le DDT a, entre autres, pour effet d'amincir la coquille des oeufs pondus par les oiseaux, entraînant ainsi une diminution catastrophique d'un grand nombre d'espèces de rapaces. L'interdiction du DDT a permis à ces espèces de se rétablir, et les gens qui se rendent à Vancouver peuvent maintenant apercevoir des faucons pèlerins et des pygargues à tête blanche s'élancer au-dessus des immeubles.
La mise en lumière, par des chercheurs, des impacts d'un grand nombre de produits polluants, a entraîné, non sans succès, une réglementation plus poussée des émissions. C'est ainsi que la réduction des émissions de CFC a permis d'amorcer le rétablissement de la couche d'ozone, et la guérison de sa déchirure. L'EPA, l'Agence américaine de protection de l'environnement, évalue à plus d'un million le nombre de personnes qui, au cours de ce siècle, seraient mortes d'un cancer sans la mise en place de cette réglementation.
Le monde circonscrit qui est celui de nos enfants contient de bien moins nombreuses ressources naturelles que le monde dans lequel nous sommes nous-mêmes nés. Dans les régions sud-ouest de la Colombie-Britannique, 75 p. 100 des forêts anciennes ont disparu. Dans les océans, 80 p. 100 des gros poissons, des espèces prédatrices telles que le thon, ont disparu à cause de la surpêche pratiquée au siècle dernier. Sur l'ensemble de la planète, plus d'une espèce sur cinq de vertébrés et de végétaux sont en péril. J'englobe dans cette catégorie les espèces en danger critique d'extinction, les espèces en voie de disparition et les espèces menacées. Nous savons maintenant que les taux d'extinction sont, en raison de l'activité des êtres humains, de 100 à 1 000 fois plus élevés que les taux naturels. Ce taux d'extinction n'a en effet rien de naturel.
Cette diminution radicale des ressources en provenance des forêts et des océans a eu de très graves incidents sur la vie dans les communautés et aussi sur l'emploi. En Colombie-Britannique, depuis 2000, dans le secteur forestier, le nombre d'emplois directs, est passé de 100 000 à 50 000. Cela est en partie dû à l'amenuisement de nos forêts anciennes, à des pratiques de gestion qui mettent l'accent sur les bénéfices à court terme, et à la délocalisation des emplois du secteur de la transformation du bois.
Vous n'êtes pas sans savoir que dans les provinces des Maritimes, la fermeture de la pêche à la morue a fait perdre leur emploi à 40 000 personnes. Les scientifiques disaient depuis longtemps qu'il était essentiel d'adopter des pratiques de gestion durable, mais il n'avait été tenu aucun compte de leurs avertissements. J'ajoute que de mauvaises politiques en matière de conservation de l'habitat et de l'environnement créent un risque pour les exportations canadiennes, les marchés internationaux exigeant de plus en plus de produits issus de récoltes durables et de cultures qui ne nuisent pas à l'environnement.
J'estime, pour ma part, que la situation ne fait que s'aggraver. Selon une étude comparative de l'état des espèces de la Colombie-Britannique entre les années 1990 et les années 2000, plus de la moitié des espèces sont en diminution. Il est probable que d'ici la fin de la présente législature, une espèce de plus aura disparu du Canada, en l'occurrence la chouette tachetée du Nord. J'ai atteint l'âge adulte à une époque où il y avait, en Colombie-Britannique, des centaines de chouettes, mais il ne reste maintenant en liberté que deux couples reproducteurs. Or, cette diminution est la conséquence directe de la perte de nos forêts anciennes.
Ont déjà disparu de Colombie-Britannique le tétras des armoises, l'iguane à petites cornes, le lièvre de Townsend. Et la liste s'allonge. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que si la dégradation est déjà trop avancée, les habitats ne vont pas nécessairement se rétablir. La disparition d'une espèce modifie d'une manière que nous ignorons les interactions entre les espèces qui subsistent, et modifie aussi le réseau trophique. C'est que le fait de mettre fin à certains comportements ne permet pas nécessairement d'assurer le rétablissement de l'écosystème. C'est ainsi que la morue demeure rare 20 ans après le moratoire sur la pêche à la morue, en partie à cause de cette modification du réseau trophique qu'a causée la surpêche.
La science a contribué au rétablissement après les catastrophes environnementales causées par les phosphates, le DDT et le CFC, mais les scientifiques n'ont pas toutes les connaissances qu'il faudrait pour sauvegarder notre économie et notre bien-être.
C'est ainsi que nous ne savons pas, lorsqu'une espèce disparaît, quelles sont les découvertes médicales potentielles que nous perdons en même temps. Qui aurait pu deviner, par exemple, que les limaces de mer contribueraient tant à la découverte des mécanismes par lesquels les souvenirs s'inscrivent dans la mémoire, nous aidant aussi à comprendre ce qui se passe lorsque quelqu'un est atteint de la maladie d'Alzheimer. Qui aurait pu deviner que la pervenche de Madagascar, une plante à jolies petites fleurs roses, donnerait un médicament qui aide à lutter contre la leucémie infantile? Qui aurait deviné que les champignons telluriques seraient à l'origine de certaines de nos découvertes médicales les plus importantes — des antibiotiques tels que la streptomycine, la néomycine et l'érythromycine?
Les chercheurs ne savent pas vraiment quelles sont les espèces qui, en disparaissant, ont provoqué le dérèglement des communautés écologiques auxquelles elles appartenaient. Nous ne sommes pas en mesure de prédire avec précision les habitats qui serviront de refuge principal et les corridors qui relieront l'habitat actuel d'une espèce à son habitat futur. Étant donné le réchauffement de la planète, cette question nous inspire une inquiétude croissante. Nous ne connaissons même pas toutes les espèces qui risquent de disparaître.
Compte tenu des incertitudes de la science, la seule manière de procéder est, d'après moi, de protéger nos étendues terrestres et aquatiques. Le principe de précaution doit nous porter à protéger des impacts une plus grande partie de notre pays avant que la situation devienne grave au point qu'elle ne puisse plus se rétablir. Pourquoi cela? La conservation de l'habitat crée une zone tampon, une réserve où les écosystèmes naturels peuvent prospérer et se maintenir, ces réserves servant à alimenter, en espèces et en individus, les zones environnantes, qu'il s'agisse de larves de poisson ou d'abeilles pollinisatrices. La conservation de l'habitat constitue également, envers nos enfants, l'engagement de leur conserver des régions où ils pourront découvrir la nature vierge.
Le Canada est partie à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, aux termes de laquelle il s'est engagé à sauvegarder, d'ici 2020, au moins 10 p. 100 des zones marines et 17 p. 100 des zones terrestres et des eaux intérieures. Cet objectif est en train de nous échapper. Actuellement, environ 1 p. 100 des eaux marines et 10 p. 100 des terres canadiennes sont protégées. Mais la tendance est trop faible pour que nous parvenions à atteindre les objectifs qui ont été fixés. Ajoutons que de nombreuses terres protégées sont séparées les unes des autres, et souvent très éloignées des écosystèmes et des espèces les plus menacées.
Je suis à ce point convaincue qu'il nous faut, dans l'intérêt des générations à venir, faire tout le nécessaire pour protéger nos terres que l'année dernière j'ai donné 100 000 $ du prix MacArthur qui m'avait été attribué à la Nature Trust of British Columbia et à Conservation de la nature Canada en vue de l'achat de terres dans l'Okanagan, un des écosystèmes les plus menacés du Canada. Ce don n'est cependant qu'une goutte d'eau par rapport aux besoins. Il nous faut travailler ensemble, les individus...
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Je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de comparaître devant vous.
Mon domaine de spécialisation est l'écologie des plantes et l'évolution végétale. Je m'intéresse particulièrement aux origines et à l'interaction des espèces. Ces travaux m'ont donné l'occasion de passer des jours et des semaines dans des zones naturelles où j'ai eu la chance d'apprécier des merveilles comme beaucoup d'entre nous ont rarement l'occasion de le faire. Cette expérience de la nature, l'inquiétude que j'éprouve quant à l'impact des populations humaines sur le monde naturel, me porte à vouloir partager ce que j'ai appris en matière de conservation. C'est donc avec plaisir que je prends la parole devant vous.
Je fais partie du COSEPAC, le comité de spécialistes chargé, au titre de la Loi sur les espèces en péril, d'évaluer les espèces sauvages du Canada. Mes opinions en la matière ont, certes, été modelées par mon travail au sein de ce comité, mais je précise que je ne suis pas ici en tant que représentante du COSEPAC.
Ma participation aux mesures prévues par la Loi sur les espèces en péril, m'a portée à prendre part à des travaux de recherche sur la mise en oeuvre de la LEP. Avec un groupe d'étudiants de l'Université Simon Fraser et de l'Université de la Colombie-Britannique, et d'autres chercheurs, j'ai récemment piloté un projet d'analyse des stratégies de rétablissement mises en oeuvre dans le cadre de la LEP. Nous avons constitué une base de données afin d'évaluer les progrès qu'ont permis les mesures de rétablissement. Je voudrais vous faire part des principaux résultats de ces travaux et résumer à votre intention comment ces résultats pourraient éclairer nos politiques de conservation de l'habitat. Je voudrais aujourd'hui insister particulièrement sur les résultats que nous avons obtenus en ce qui concerne les systèmes terrestres et les écosystèmes d'eau douce.
Les stratégies de rétablissement comprennent une description des menaces auxquelles sont exposées les espèces en péril. Nous avons fait un résumé de ces diverses menaces et tenté de crever les grandes lignes du phénomène. Selon des analyses menées avant cela par d'autres chercheurs, la perte et la dégradation des habitats, les espèces exotiques envahissantes, la surexploitation et la pollution sont, dans le monde, les principales menaces qui pèsent sur les espèces en péril.
Lors de notre analyse des espèces canadiennes, nous avons retenu une approche légèrement différente qui consiste à décrire les menaces en décomposant les divers facteurs afin d'en déceler les causes. C'est ainsi, par exemple, que la perte des habitats peut être due à des activités très diverses. Parfois, c'est la construction de logements, parfois la construction de routes. Ce peut aussi être diverses activités industrielles, l'agriculture, l'exploitation minière ou l'exploitation gazière et pétrolière. Ces différentes menaces appellent des réactions différentes, elles aussi, et c'est pour ça qu'il est important de les décomposer.
Comme dans les études antérieures, nos conclusions révèlent que les menaces associées à la disparition et à la dégradation des habitats sont plus importantes et que les espèces envahissantes et la pollution ont une incidence sur un grand nombre des espèces inscrites sur la liste de la Loi sur les espèces en péril. Toutefois, la majorité des répercussions associées à la disparition des habitats que nous avons constatées étaient liées au développement dans les secteurs résidentiel et commercial et d’autres activités humaines telles que les loisirs. Nous avons également découvert que la majorité des espèces en péril subissent les effets de nombreuses menaces.
Les principaux résultats de nos travaux correspondent au fait que la plupart des Canadiens vivent près de centres urbains, et dans les régions sud du pays. C'est donc dans ces régions-là que l'impact écologique est le plus marqué. Les régions les plus au sud du pays sont non seulement là où habite le gros de la population, mais également là où se trouvent un grand nombre d'écosystèmes menacés et où tentent de survivre de nombreuses espèces rares. Je cite, parmi les écosystèmes menacés, l'habitat de chênes de Garry, dans la partie sud de l'île de Vancouver, le sud de l'Okanagan, les prairies herbeuses vallonnées, ce qui reste de prairies dans le sud de l'Ontario, et les plaines côtières de la Nouvelle-Écosse.
Ce sont des habitats restreints où vivent de nombreuses espèces rares et menacées. Ces zones font l'objet de mesures de conservation intensives, dont l'évaluation des espèces en péril, la gestion des impacts humains, dont ceux qui sont directement liés à la taille des populations en cause, qu'il s'agisse de récréation, de logement, de routes ou de pollution. Nous tentons également de gérer les incidences de ces impacts dont l'arrivée d'espèces envahissantes. La gestion des impacts que nous avons sur la nature est une énorme tâche qui ne peut que s'amplifier.
Outre ces menaces localisées, nos analyses mettent en lumière la modification des systèmes naturels, car en modifiant ou en gérant le niveau des eaux, et en nous livrant à des activités telles que la lutte contre les incendies, nous modifions les habitats, ce qui ouvre la porte aux espèces envahissantes qui, elles aussi, posent de grands risques pour les espèces en péril.
L'industrie forestière, les pêches, la pollution, l'impact de l'industrie pétrolière, gazière et minière, complètent la liste des principales menaces qui planent sur les espèces en péril. Toutes ces activités dégradent les habitats nécessaires au maintien de la biodiversité et font ressortir l'importance du rôle qui, en matière de conservation, revient à la conservation de l'habitat. Le fait que ces menaces n'ont pas le caractère immédiat des menaces qui se manifestent plus près des zones urbaines doit nous inciter néanmoins à la prudence car ces menaces sont souvent les plus graves pour les espèces affectées.
L'étude plus détaillée des espèces prises individuellement et des stratégies de rétablissement démontre en outre l'importance que les détails revêtent au plan de chaque espèce. Il ne suffit donc pas de chercher à conserver en bloc les habitats et il est en outre inexact de penser que l'habitat c'est uniquement la terre ou que l'habitat permet à lui seul de préserver la biodiversité. S'il est clair que la conservation de l'habitat est essentielle à toute cette gamme d'efforts, il faut aussi que les habitats que nous nous attachons à conserver aient les qualités nécessaires pour assurer le maintien des espèces qui y vivent. D'ailleurs, lorsque nous pensons aux habitats, il nous faut faire l'effort d'imaginer un système vivant où toutes les espèces sont reliées, des bactéries du sol aux grands prédateurs, chacune contribuant de manière particulière à la définition des exigences de chaque espèce en ce qui concerne son habitat.
C'est pourquoi, lorsque, en matière de conservation, nous parlons d'approches écosystémiques, il nous faut entendre par cela des approches qui tiennent compte des besoins de chaque espèce conçue dans son individualité, mais qui mettent l'accent sur le maintien de l'équilibre des processus naturels qui permettent à la nature de se maintenir comme elle peut compte tenu des nombreuses agressions qu'occasionnent les comportements humains.
Les efforts en ce sens doivent être éclairés par des politiques basées sur des données scientifiques. Il faut fonder sur la science les stratégies en vertu desquelles nous décidons des zones à protéger, des mesures permettant la gestion des espèces envahissantes, et qui contribuent à notre compréhension des principales étapes du cycle de vie des diverses espèces dans les zones où notre activité crée le plus de risques pour leur santé ou leur survie.
La science joue un rôle essentiel dans l'évaluation des espèces dont est chargé le comité sur la situation des espèces en péril au Canada, et dans l'élaboration de stratégies de rétablissement. En matière d'évaluation des espèces, tâche à laquelle nous nous attelons depuis longtemps, le système canadien jouit d'une bonne réputation, tant au Canada que dans d'autres pays. Un des points forts de cette manière de procéder est qu'elle repose entièrement sur des données probantes et qu'elle peut être jugée et évaluée à la fois par le grand public et par les spécialistes. Cela permet d'alimenter un salutaire débat tel que celui auquel ont donné lieu certaines espèces les plus connues. Ce modèle, fondé essentiellement sur des résultats scientifiques, garantit que les compromis qu'on est parfois obligé d'accepter — en tant que scientifiques, nous comprenons qu'il faut tout de même parfois parvenir à un compromis — sont clairs et transparents.
Lorsqu'un scientifique insiste sur la nécessité d'une approche fondée sur la science, certains pourraient penser qu'il ne fait que défendre ses intérêts, qu'il tente d'obtenir par ce moyen des ressources supplémentaires pour son secteur d'activité. Je tiens cependant à insister sur le fait que la science employée dans l'intérêt général, comme l'expliquait tout à l'heure ma collègue, la professeure Otto, est un investissement qui se justifie pleinement car il contribue à la formulation de politiques éclairées et doit se voir reconnaître un rôle essentiel dans l'élaboration de notre politique en matière de conservation.
C'est très volontiers que je répondrai aux questions que vous pourriez vouloir me poser. Je vous remercie.
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Permettez-moi de commencer.
Il s'agit, selon nous, de définir une plateforme en matière d'habitats, industriels ou non, et de prévoir des incitatifs à des mesures de conservation volontaires. Nous avons constaté, dans de nombreux ressorts, dans les régions du nord du Canada, où nous exerçons nos activités, que, si les entreprises ne faisaient que ce que prescrivent les politiques gouvernementales, les utilisateurs des terres, qu'ils soient industriels ou non... En ne permettant pas, en matière de conservation, le recours à ces mesures supplémentaires, on borne l'objectif général qui peut être, par exemple, le rétablissement d'une espèce en particulier. La plupart des efforts et la plupart des réussites obtenues localement sont liés à des activités qui vont au-delà des strictes exigences de la loi.
Nous tenons à insister sur le fait que la LEP, qui met surtout l'accent sur le nombre d'hectares qui vont être soustraits à tel ou tel type d'activité, décourage les opérateurs et les autres utilisateurs des terres de prendre les mesures complémentaires nécessaires afin de mieux assurer, sur un territoire donné, le rétablissement de telle ou telle espèce.
Nous sommes donc partisans d'une approche fondée sur les résultats.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
Mon temps est court et je tacherai d'être directe dans mes questions, que j'adresserai principalement à Mme Otto.
Tout d'abord, au nom de tous les membres du comité ici, j'aimerais vous féliciter de votre bourse MacArthur. C'est une grande réalisation pour tout Canadien et certainement pour une Canadienne dans votre domaine de recherche. Toutes nos félicitations.
J'aimerais suivre le fil des questions entrepris par ma collègue, Mme Quach. Elle a commencé par établir les fondations.
Madame Otto, vos antécédents — en évolution théorique et expérimentale, je crois — sont manifestement très pertinents pour les travaux du comité, puisque vous étudiez la biodiversité et que ce sujet mène naturellement à celui de la conservation de l'habitat. Ceci étant dit, comme ma collègue vous demandait quelles étaient les répercussions de la recherche fondamentale, surtout votre recherche fondamentale, sur la conservation de l'habitat, j'aimerais passer en revue certaines politiques et mesures de financement touchant des sujets de recherche fondamentale propres à votre portefeuille et pouvant être utiles.
Si je comprends bien, vous avez actuellement, depuis l'exercice de 2006, environ 1,6 million de dollars de financement provenant du CRSNG. Est-ce à peu près exact?