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Merci, monsieur le président. Merci aux membres du comité de permettre à Habitat faunique Canada de présenter certaines de ses idées concernant votre étude sur la conservation des habitats au Canada. Comme vous trouverez dans mes notes des détails sur notre organisation et ses réalisations, je vais simplement abréger.
Nous avons été créés en 1984, par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires et par des organismes de conservation, quand il a été reconnu que les populations d'oiseaux aquatiques, partout en Amérique du Nord, étaient en train de s'effondrer. Nous tirons la plus grande partie de nos fonds de la vente du Timbre sur la conservation des habitats fauniques au Canada, qu'achètent surtout les chasseurs pour valider leurs permis de chasse au gibier à plumes migrateur. Grâce à un accord de contribution avec Environnement Canada, nous consacrons les recettes de la vente du timbre à des projets de conservation partout au pays.
La première question que vous nous avez posée était: quels types d'intervenants contribuent à la conservation des habitats, et à quel degré participent-ils à l'effort total au Canada? Le terme « intervenant » est intéressant. Dans le contexte qui nous intéresse, on pourrait croire qu'il définit toutes les personnes qui oeuvrent à la conservation des habitats sauvages. Donc, des intervenants pourraient être des groupes d'écoliers qui nettoient des berges, des regroupements communautaires qui travaillent à l'échelle de leurs quartiers, des organismes provinciaux comme la Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba et l'Alberta Conservation Association, ou encore, des organismes de conservation nationaux comme Conservation de la nature Canada, Canards Illimités Canada, la Delta Waterfowl Foundation et nous-mêmes.
Il faut élargir ce concept d'intervenant et faire participer l'ensemble de la société. Cette affirmation peut sembler banale, mais il faut que tous comprennent que s'ils respirent, boivent de l'eau et consomment des produits de l'agriculture et des ressources naturelles, c'est qu'ils sont eux-mêmes des intervenants.
Il faut reconnaître que ce sont les pêcheurs à la ligne et les chasseurs qui ont fondé le mouvement de conservation en Amérique du Nord et financé le gros de la conservation des habitats. Ils continuent à contribuer en acquittant des frais de licences et de permis et en consacrant temps et argent à des projets de conservation et à des activités de financement.
Il est d'ailleurs difficile de quantifier avec exactitude le travail accompli par les intervenants, car une bonne partie n'est pas consignée. Pour les grandes organisations, on peut s'informer de leurs efforts et de leurs réalisations en consultant leurs rapports annuels et leurs publications, tandis que les efforts des groupes locaux sont seulement signalés, le cas échéant, dans des journaux locaux. Par le passé, Habitat faunique Canada a publié des rapports sur la situation des habitats fauniques au Canada, que diverses organisations utilisaient pour la planification de leurs projets de conservation.
Vous avez posé une deuxième question: le Canada accorde-t-il le libre accès aux renseignements et à l'expertise en matière de conservation des habitats? Quelles sont les sources de ces renseignements et comment l'information est-elle diffusée? Le Canada foisonne d'informations, c'est-à-dire de connaissances et d'expertise sur la conservation des habitats. Il suffit de demander et de chercher. Un certain nombre de sources très fiables sont à portée de main, comme les sites Web et les publications des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que des organisations non gouvernementales de conservation, au niveau régional et national. Bon nombre d'organisations non gouvernementales publient un bulletin électronique sur l'évolution de leurs travaux. Le truc est de savoir où trouver l'information et quelles questions poser. Il serait utile de diffuser davantage cette information, peut-être par la presse, surtout à l'intention des nouveaux Canadiens.
La troisième question que vous avez posée était: quels groupes de conservation des habitats sont les plus efficaces et quelles mesures prennent-ils? Tous les groupes sont capables d'être très efficaces. Tout dépend du niveau, de la portée et de la zone géographique d'un projet entrepris et de ce qu'on entend par « efficace ». S'agit-il du plus grand nombre d'hectares protégés, de retour sur investissements dans la conservation des habitats ou du nombre de participants? Nous utilisons tous ces critères et d'autres encore.
Avec les projets locaux de nettoyage, les résultats sont immédiatement observables. À l'inverse, les groupes de plus grande taille produisent des plans pluriannuels, tels que le Projet conjoint Habitat des Prairies, qui s'applique à l'Alberta, à la Saskatchewan et au Manitoba, ou des plans nationaux, tels que le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Ces plans prévoient souvent l'acquisition à perpétuité d'habitats critiques par l'achat direct ou l'acquisition de servitudes à long terme; la modification physique des lieux pour restaurer la végétation, l'hydrologie et d'autres fonctions écologiques, notamment. D'autres mesures de conservation des habitats consistent à réaliser des projets de sensibilisation et de démonstration.
Des groupes ont souvent recours à la presse, à Internet et aux médias sociaux pour promouvoir le travail accompli et les résultats des projets et, par le fait même, tenter de recruter des bénévoles.
On dit souvent que les organisations de conservation des habitats les plus efficaces sont celles qui réussissent à réduire au minimum leurs coûts indirects, tout en réalisant des projets concrets de conservation d'habitats. J'en ai nommé dans ma réponse à la première question.
La quatrième question était: quelle définition donne-t-on, au Canada, à « terres protégées » et comment cette définition diffère-t-elle de celle qu'on donne à l'étranger? Au Canada, il n'y a pas de consensus sur la définition de cette notion ni sur les méthodes employées dans diverses bases de données pour les comptabiliser. À Habitat faunique Canada, par exemple, nous utilisons une définition la plus large possible, pour aider nos partenaires à accomplir leur travail; pour nous, la conservation des habitats recoupe, en tout ou en partie, l'acquisition, la restauration, l'amélioration des habitats ainsi que la gestion des écosystèmes terrestres et aquatiques. Fort de mon expérience dans le domaine au Canada, aux État-Unis, au Mexique et aux Caraïbes, j'ai pu constater que tous ces pays utilisent à peu près la même définition, pour la conservation des habitats.
L'essentiel n'est pas la définition de « conservation des habitats ». C'est plutôt comment on y parvient. Au fond, ce qui importe, c'est que beaucoup de bonnes personnes déploient des efforts louables pour parvenir à la conservation des habitats et, par ricochet, de la vie sauvage, peu importe les définitions.
Avons-nous vraiment besoin d'une définition universelle pour les « terres protégées » au Canada? Combien de temps faudrait-il pour s'entendre sur une telle définition et, en fin de compte, à quoi cela servirait-il? Je pense qu'il est grand temps de mettre en oeuvre les mesures qu'on sait nécessaires avant qu'il ne soit trop tard.
La cinquième question était: lorsqu'il est question du rétablissement d'une espèce, comment les pratiques exemplaires et les initiatives d'intendance se comparent-elles aux mesures normatives et aux initiatives prescrites par le gouvernement? Les pratiques exemplaires en gestion, comme les plans agroenvironnementaux et ceux sur la biodiversité, peuvent se révéler très efficaces en elles-mêmes, pour autant que la population soit prête à lancer elle-même ces actions, de manière bénévole ou à l'aide de subventions.
Parfois, les mesures normatives doivent faire partie d'une boîte à outils pour la planification, parce que, souvent, le grand public a en grande partie perdu contact avec la nature qui l'entoure et ne comprend pas ce qui s'y passe. Les mesures prescrites par le gouvernement, y compris législatives, peuvent être très efficaces pour orienter l'utilisation des terres vers des projets de conservation directe et venir en aide aux espèces en déclin. Mais, attention! Les programmes gouvernementaux sont souvent très bureaucratiques et très décevants, car on consacre plus d'argent au processus bureaucratique qu'au travail de conservation de l'habitat sur le terrain.
La sixième et dernière question était: comment le gouvernement fédéral peut-il améliorer les mesures de conservation des habitats au Canada? Bien simplement, il faut mener à bien le Plan de conservation national le plus tôt possible. Entre-temps, on pourrait consacrer davantage d'efforts à la sensibilisation et à la participation active à la conservation des habitats. Par exemple, on pourrait rétablir le contact entre la nature et les jeunes en en promouvant les avantages immédiats et à long terme, surtout en ce qui concerne la santé et l'éducation. Il faut créer de nouveaux moyens de mobiliser les nouveaux Canadiens dans la conservation des habitats sauvages et les sensibiliser à l'importance d'une participation active.
Il existe des mesures fiscales incitatives, qui fournissent une certaine aide financière, mais il faudrait probablement en créer davantage, si on tient compte de la valeur réelle des biens et services écologiques.
Il faut absolument s'employer à changer les mentalités comme nous y sommes parvenus avec le bac de recyclage. Le gouvernement de l'Ontario fournit un excellent exemple de ce qui peut être accompli. Il a récemment publié son plan de conservation de la biodiversité, qui fait état des mesures et activités organisées au sein des ministères. Espérons qu'avec le temps, les gens feront à la maison ce qu'ils font déjà au travail, et que le message se propagera.
Pour conclure, c'est délibérément que nous avons mis de côté les études et les statistiques sur les taux de perte et de dégradation de l'habitat. Notre présence aujourd'hui met en relief ces phénomènes, et nous laissons à d'autres le soin de vous parler de ces détails. Il importe que les futurs projets de conservation soient désormais viables. Le Canada doit davantage s'employer à améliorer la conservation des habitats et néanmoins à demeurer au courant de ce qui se passe dans les industries des ressources naturelles, dont dépend la société.
Nous sommes devant l'inconnu. À mesure que d'autres sources d'énergie sont mises au point, d'autres problèmes concernant l'utilisation des terres et la conservation des habitats surgiront probablement. Les changements climatiques et l'adaptation des espèces modifieront sans doute notre approche en planification de la conservation des habitats. Il sera difficile de maintenir un équilibre sain entre la conservation des habitats et le développement économique, mais, à Habitat faunique Canada, nous croyons que c'est possible.
Merci beaucoup.
Je veux seulement dire que la Fondation David Suzuki accorde une grande importance à la conservation des habitats. Notre mandat consiste à atteindre un équilibre entre la gestion d'une économie fiable et le maintien d'une infrastructure de base pour les habitats, la diversité et l'écosystème.
Je vais vous parler un peu de moi. Je travaille dans le secteur de la conservation depuis environ 27 ans. J'ai travaillé dans le domaine de la pêche en eaux douces à Winnipeg. J'ai collaboré au programme sur les espèces en péril avec Canards Illimités et le Fonds mondial pour la nature. J'ai collaboré avec le Sierra Club pendant de nombreuses années, et depuis environ 11 ans maintenant, je suis membre de la Fondation Suzuki et mon travail est lié à la conservation du milieu terrestre, de l'eau douce et des aires marines.
Je vais tout de suite passer aux questions. La première concerne le type d'intervenants que l'on retrouve dans la conservation des habitats. Bon nombre de personnes y jouent un rôle. Je les classe dans deux catégories. Il y a les gens qui travaillent sur le terrain et qui font partie des gardiens des cours d'eau, qui travaillent à la conservation des habitats des aires naturelles locales ou qui font partie de groupes des Amis des parcs, qui contribuent à une gestion des parcs axée sur la conservation de la faune. Il y a ensuite l'autre groupe de gens qui travaillent aux politiques, aux lois et à la modification et à la réforme des règlements à une plus grande échelle. Ces gens se penchent sur les enjeux liés aux habitats pour les grandes industries et dans de vastes paysages. Il est vraiment important que les deux groupes d'intervenants soient reconnus comme des acteurs essentiels à l'amélioration de la conservation des habitats. Je crois que nous pouvons en faire davantage en incluant les nombreuses personnes qui se soucient grandement de la conservation des habitats et qui travaillent dans les industries, les ONG, les groupes communautaires et le gouvernement. La clé, c'est de transformer toute cette énergie en un processus par lequel les intervenants savent ce qui peut et devrait être accompli et établissent les priorités logiques et économiques nécessaires pour améliorer la conservation des habitats.
Pour ce qui est de la deuxième question, qui concerne les connaissances et les compétences en matière de conservation des habitats, en examinant les bases de données des gouvernements provinciaux et fédéral, on se rend compte qu'elles contiennent beaucoup de renseignements. Malheureusement, à mesure que les sites Web évoluent, bon nombre de renseignements que nous avions dans le passé ont été perdus. Les données sur les tendances et les initiatives en matière de conservation se perdent également. Je crois que nous pourrions faire mieux en essayant d'intégrer et de fournir un outil d'archivage simple sur la conservation des habitats. Certains renseignements sont axés sur les régions. Certains portent sur les espèces et concernent la gestion des espèces en voie de disparition et menacées et des plans de conservation. Dans l'ensemble, si l'on veut vraiment des renseignements sur l'habitat, il faut fouiller en profondeur. Ce sont parfois des groupes, des administrations municipales et divers organismes fédéraux qui détiennent l'information dont on a besoin.
En ce qui concerne la question des groupes et des organismes de conservation des habitats les plus efficaces, il y a tant de groupes qui travaillent à différentes échelles et à différents types d'habitats qu'il est difficile d'évaluer l'efficacité de leur travail, à moins qu'on se limite à leur demander s'ils atteignent les objectifs qu'ils se sont fixés. Dans une plus large mesure, Conservation de la nature Canada et Canards Illimités font du merveilleux travail. Ils essaient de protéger les terres privées et collaborent avec les propriétaires fonciers pour protéger les habitats. Malgré tous les efforts que les organisations mènent sur le terrain, la disparition d'habitats se poursuit, tant sur les terres privées que sur les terres publiques. Je vais prendre l'exemple des terres agricoles. Leur valeur croissante amène les agriculteurs à vouloir maximiser leur rendement. Ils utilisent souvent la dernière partie d'habitat naturel qu'il reste, qu'il s'agisse de zones humides, de haies et de boisés qu'il reste sur leur terre. Ce sont souvent les derniers refuges pour la faune. Nous observons le déclin de ce type d'habitat, surtout dans les zones situées près des centres urbains.
Dans ce contexte, bon nombre des autres organismes qui travaillent à l'amélioration des politiques environnementales dans tous les ordres de gouvernement — ceux qui élaborent de nouvelles mesures législatives ou de nouveaux règlements qui y sont liés — sont très importants parce que ce sont parfois les limites globales établies dans ces règlements qui constituent la seule façon de protéger l'habitat à une grande échelle.
En général, j'examine les indicateurs et les tendances dans la faune, et si nous tenons compte des engagements que nous avons pris dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, nous n'atteignons pas les objectifs fixés — et pour moi, cela en dit long. Indépendamment de tous les efforts et de notre bonne volonté, nous sommes toujours en train de perdre la bataille ou nous ne respectons pas nos engagements.
On pourrait dire que les organismes dévoués à la conservation ne sont pas très efficaces, mais je crois vraiment que cela témoigne de l'incapacité des gouvernements de s'occuper des questions relatives à la conservation des habitats en temps opportun et de façon efficace. Il faut investir beaucoup plus à cet égard pour y consacrer plus d'efforts.
En ce qui concerne la question suivante, qui porte sur la façon dont on définit les terres protégées et dont on en tient compte au Canada, ce sont les organismes provinciaux et fédéraux qui les définissent, et les cartes et les données qui y sont liées sont conservées aux différents endroits. Le Conseil canadien des aires écologiques suit l'évolution des grandes aires protégées. Nous avons des parcs nationaux, des réserves nationales de faune, des parcs provinciaux, des zones de conservation et des réserves écologiques. Ces grandes zones de conservation d'habitat sont faciles à trouver et à définir. La protection à plus petite échelle est plus difficile à faire et il faut fouiller beaucoup plus pour assembler toutes sortes de données sur la protection dont il est question ici.
Un facteur qui vient compliquer les choses pour la protection de l'habitat, c'est la diversité des désignations et l'utilisation autorisée de celles-ci. Dans les nombreuses provinces, qui ont différents types de parcs et de zones de conservation, il y a une variété d'utilisations permises et différentes échelles de conservation des habitats. J'attire votre attention sur l'UICN, qui fournit une classification utile des aires protégées et qui détermine dans quelle mesure certains habitats sont protégés dans différentes zones.
En matière de rétablissement des espèces, comment les pratiques exemplaires d'initiative de gérance se comparent-elles aux mesures prescrites par le gouvernement? À mon avis, nous avons besoin des deux. Les pratiques exemplaires de gestion ne devraient pas être le seul point de référence pour les activités commerciales et industrielles, mais souvent, les pratiques exemplaires ne suffisent pas. Par exemple, au cours des 10 dernières années, les compagnies forestières ont employé des pratiques exemplaires de gestion dans la forêt boréale pour l'habitat du caribou, mais cette espèce est toujours en déclin. Il faut que le gouvernement fédéral élabore des stratégies de rétablissement pour établir le seuil de perturbation pour le caribou et de plus fortes exigences sur la conservation des habitats.
Même si nous nous appuyons sur des données scientifiques, l'industrie ne fait pas toujours la bonne chose: elle a évidemment d'autres intérêts. À mesure que nous créons des activités de grande ampleur, qu'il s'agisse de la forêt boréale ou de l'exploitation pétrolière ou agricole, nous reconnaissons qu'il est nécessaire d'établir un cadre de réglementation sur la conservation des habitats plus strict.
Dans le cas de la conservation des terres privées, souvent, les pratiques exemplaires de gestion ne sont pas rentables pour les propriétaires. Dans ce cas, ce ne sont pas seulement des règlements restrictifs qui contribueront à la conservation des habitats, mais aussi l'établissement de meilleurs avantages économiques et fiscaux qui favoriseront la conservation. Encore une fois, il faut le faire à une plus grande échelle pour vraiment faire le travail de conservation des habitats auquel la plupart des Canadiens s'attendent.
La dernière question est la suivante: comment le fédéral pourrait-il accroître les efforts déployés en matière de conservation des habitats? J'ai une courte liste. Combien de temps nous reste-t-il?
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Je vais vous présenter rapidement les recommandations.
Premièrement, il s'agit de faire participer toutes les ONG dévouées à la conservation et les partenaires du public, notamment les gens sur le terrain et ceux qui élaborent les politiques et les mesures réglementaires.
Deuxièment, il faut s'engager à respecter les objectifs de la Convention sur la diversité biologique et à élaborer des stratégies en fonction de l'entente conclue à Nagoya, au Japon.
Troisièmement, il faut accroître le financement pour assurer la protection des habitats en ayant recours à nos diverses lois.
Quatrièmement, il faut faire participer les gouvernements des Premières Nations, des administrations municipales et des provinces à une planification plus stratégique sur les priorités en matière de protection des habitats.
Cinquièmement, il s'agit d'offrir des incitatifs financiers aux propriétaires fonciers et aux gouvernements pour qu'ils axent leurs efforts sur les zones de conservation d'habitats prioritaires.
Sixièmement, il faut prévoir des incitatifs économiques, surtout pour la planification en matière de rétablissement d'espèces en péril, et financer des organisations non gouvernementales, ce qui leur permettra de recourir à leurs bénévoles pour contribuer à la conservation des habitats.
Enfin, il faut reconnaître qu'en premier lieu, protéger la nature ne consiste pas à faire le travail de conservation après le travail de développement, mais à le faire de façon à maintenir l'intégrité de l'environnement au départ.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Je m'excuse auprès de tout le monde. J'ai dû m'occuper de ma fille. Elle est à l'hôpital et fait de la fièvre. Elle va bien. Je vais commencer mon exposé.
Tout d'abord, je me présente. Je m'appelle Ian Davidson. Je suis le directeur général de Nature Canada. Je travaille presque depuis toujours dans le domaine de la conservation, en fait, depuis l'âge de 17 ans, je crois. Je collabore avec le gouvernement canadien, le Service canadien de la faune, pour un organisme sans but lucratif. J'ai passé une bonne partie de ma vie à l'étranger à travailler dans le domaine de la conservation, surtout en Amérique latine et dans les Caraïbes. C'est un privilège et un honneur pour moi d'avoir été invité de nouveau à parler d'un plan de conservation national sur lequel se penche le comité permanent.
Depuis 1939, Nature Canada sensibilise les Canadiens à la nature. Il s'agit du plus important organisme de conservation fondé sur l'affiliation au pays. Il compte environ 46 000 membres et sympathisants et a un réseau de 375 organismes naturalistes provinciaux et régionaux canadiens.
Je veux vous parler surtout des principes et des objectifs en matière de conservation des habitats qui devraient faire partie de la stratégie nationale de conservation selon Nature Canada. Je veux également parler des rôles que le gouvernement et les organismes sans but lucratif ont à jouer dans l'amélioration de la conservation des habitats et la sensibilisation des Canadiens à la nature.
Je vais tout d'abord vous présenter le contexte. La Stratégie mondiale de la conservation de 1980 définissait la conservation ainsi: « la gestion de l'utilisation de la biosphère par l'être humain de manière à ce que les générations actuelles tirent le maximum d'avantages tout en assurant leur pérennité pour pouvoir satisfaire les besoins et les aspirations des générations futures ».
C'est une bonne définition, comme je l'ai constaté. Même en 1980, et de plus en plus depuis, l'activité humaine réduit la capacité de préserver les écosystèmes, même si l'augmentation des populations et de la consommation accroissent la pression exercée sur les écosystèmes. En termes plus simples, nous avons besoin d'une terre et demie pour maintenir le niveau de consommation actuel des populations humaines. Les ressources sont épuisées et le déficit augmente.
Nature Canada recommande l'adoption de deux principes clés de politique publique qui découlent de ces désagréables vérités: premièrement, il ne devrait plus y avoir de perte nette dans l'habitat faunique au Canada; deuxièmement, la conservation de la nature doit être la priorité dans le cadre du développement des ressources naturelles et des décisions qui sont prises.
En ce qui concerne le premier principe, une politique du MPO de 1986 a établi un objectif à long terme de gain net en productivité pour les habitats du poisson au Canada. Des projets de développement proposés devaient être examinés par le MPO en vertu de la Loi sur les pêches pour garantir qu'il n'y a aucune perte nette, ce qui veut dire que de tels projets n'endommageraient pas l'habitat du poisson. Si la disparition de l'habitat était toutefois inévitable, il faudrait créer un autre habitat ailleurs pour combler la perte.
Tout comme les poissons, d'autres espèces sauvages méritent de ne subir aucune perte nette de la productivité de l'habitat. Cela devrait être un principe clé à la base de la politique et de la loi fédérale en matière de conservation des habitats.
Le deuxième principe, c'est « la conservation d'abord » — une expression qui a été utilisée par M. Monte Hummel, le président de WWF Canada — selon lequel des réseaux solides d'aires protégées doivent être « établies comme des zones de base de conservation de grande valeur » avant que des décisions majeures relatives au développement de ressources soient prises, de sorte que la résilience des écosystèmes aux pressions et aux impondérables, comme les changements climatiques, soit maximisée.
L'application de ces principes nécessite une capacité des sciences écologiques au sein du gouvernement fédéral.
Le Canada a pris des engagements importants en matière de conservation des habitats, par exemple dans le cadre des conventions sur la diversité biologique, la conservation des espèces migratrices et les zones humides — la Convention de Ramsar —; de lois, comme la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les pêches et la Loi sur les espèces en péril; et de politiques, comme la politique d'aucune perte nette du MPO.
Deux engagements qui ont été pris récemment sont particulièrement intéressants. Tout d'abord, en 2010, le Canada a accepté les objectifs d'Aichi de conserver, par des aires protégées, au moins 17 p. 100 de ses eaux intérieures et 10 p. 100 de ses zones côtières et marines d'ici 2020. Les objectifs d'Aichi font partie du plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020 créé conformément à la Convention sur la diversité biologique.
Selon le Conseil canadien des aires écologiques, en 2013 — depuis février dernier — les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux protègent maintenant environ 10 p. 100 du territoire canadien et seulement environ 0,88 p. 100 de ses aires marines. Il reste donc encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs de 17 et de 10 p. 100, respectivement.
Le gouvernement fédéral est également responsable de la gestion d'autres écosystèmes d'une importance capitale sur le plan de la conservation, le plus remarquable étant les quelque 2,2 millions d'acres de pâturages communautaires des Prairies canadiennes. Grâce à l'oeuvre avant-gardiste de chefs de file déterminants du milieu agricole il y a plus de 75 ans, des prairies qui étaient en piètre état ont été restaurées à l'aide de fonds publics et assurent désormais chaque année une production économique en plus d'offrir des avantages sur le plan environnemental.
Les pâturages communautaires de l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, ou ARAP, constituent l'un des plus beaux exemples d'entreprise à trois volets au Canada. Les 80 pâturages communautaires de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba couvrent plus de 9 000 kilomètres carrés et comprennent certaines des plus grandes prairies indigènes non morcelées en Amérique du Nord. En plus d'offrir un habitat essentiel à la survie de nombreuses espèces en péril, comme la paille emblématique aujourd'hui presque disparue, ces terres servent chaque année de pâturage à des centaines de milliers de bovins.
L'annonce récente du gouvernement fédéral concernant le retrait des pâturages communautaires de l'ARAP présente un défi particulier. Il faut veiller à ce que les pratiques de gestion exemplaires de l'ARAP continuent de profiter aux utilisateurs et de protéger un de nos habitats les plus menacés. La réussite du transfert de la gestion des prairies indigènes aux utilisateurs ou à des intérêts de Premières Nations témoigne d'une nouvelle façon de gérer la faune des terres productives.
Le fait est que le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle déterminant dans la conservation de l'habitant en créant des parcs nationaux, des réserves fauniques nationales, des refuges d'oiseaux migrateurs, des aires marines protégées à l'échelle nationale et d'autres zones de gestion. Le gouvernement fédéral doit absolument compléter son réseau de zones protégées pour respecter ses engagements sur la scène internationale.
Les regroupements à but non lucratif comme Nature Canada, que je représente, peuvent jouer un rôle important dans le cas de partenariats public-privé, par exemple, mais les gouvernements fédéral et provinciaux sont les seuls à pouvoir réaliser des gains importants tels que l'agrandissement de la réserve de parc national Nahanni, la création de nouvelles aires protégées d'importance, comme la proposition d'aire marine nationale de conservation protégeant le détroit de Lancaster, et la protection de la viabilité de certaines des plus grandes étendues de prairies indigènes afin de préserver la biodiversité.
Nature Canada a elle-même beaucoup contribué à la conservation. En 1996, nous nous sommes associés à Études d'Oiseaux Canada dans le programme mondialement reconnu de zones importantes pour la conservation des oiseaux. Grâce aux partenaires de BirdLife International dans plus d'une centaine de pays, nous surveillons un réseau mondial des zones les plus importantes de la planète pour la conservation des oiseaux et de la biodiversité.
Nous avons identifié près de 600 zones importantes pour la conservation des oiseaux dans les écosystèmes variés d'un bout à l'autre du Canada, qui représentent près de 3 p. 100 du territoire. En collaboration avec des partenaires régionaux en matière de conservation, nous avons créé une base de données exhaustive sur les zones importantes pour la conservation des oiseaux, avons achevé près d'une centaine de plans de conservation, avons aidé des collectivités à réaliser plus de 150 projets locaux et avons créé un réseau de milliers de bénévoles qui participent à la protection des zones importantes pour la conservation des oiseaux.
En plus d'assurer la conservation de l'habitat en créant des aires protégées, Nature Canada croit fermement que le plan de conservation national devrait en plus réconcilier les Canadiens avec la nature. Une enquête Ipsos réalisée en 2011 révèle que 80 p. 100 des Canadiens disent être heureux lorsqu'ils sont en harmonie avec la nature, et que 85 p. 100 craignent que leurs enfants et petits-enfants ne puissent pas profiter des espaces naturels qui existent aujourd'hui. Aussi, les faits révèlent que les jeunes sont de moins en moins proches de la nature et des habitats. D'ailleurs, l'expression « trouble déficitaire de la nature » a été forgée pour décrire cette rupture et les conséquences qu'elle entraîne.
Au fond, peu de gens sont conscients de la nature ou s'y intéressent. Alors qu'il s'agissait autrefois d'une valeur canadienne fondamentale, notre identité de société proche de la nature est menacée. C'est pourquoi Nature Canada trouve important que le plan de conservation national ait pour objectif de rétablir cette valeur en inspirant les Canadiens et en les motivant à rendre les habitats à la nature.
Pour terminer, Nature Canada aimerait présenter quelques recommandations au comité. Tout d'abord, l'absence de pertes nettes et la primauté de la conservation devraient être des principes essentiels à la conservation des habitats.
Deuxièmement, il faut poursuivre les efforts de manière à compléter le réseau canadien de réserves fauniques nationales et de parcs nationaux, ainsi que financer suffisamment la capacité de recherche scientifique du Service canadien de la faune et de Parcs Canada pour atteindre ces objectifs.
Troisièmement, il faut mieux protéger les habitats des zones importantes pour la conservation des oiseaux au Canada en favorisant les partenariats sur les lieux avec un large éventail d'intervenants, comme les gouvernements, les regroupements de protection de la nature, les communautés autochtones de Premières Nations et le secteur privé.
Quatrièmement, il faut cibler les écosystèmes canadiens les plus menacés en s'attardant particulièrement aux prairies indigènes, qui offrent un habitat à des espèces résidentes et migratoires.
Dans le cadre du plan de conservation national, et en reconnaissant le rôle fondamental qu'ont joué les prairies dans la formation du Canada, il faut retarder le transfert des prairies indigènes aux gouvernements provinciaux de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba jusqu'à ce que les utilisateurs et les regroupements de Premières Nations adoptent des stratégies de développement durable concernant la gestion et la conservation des grandes prairies indigènes les plus précieuses au Canada.
Cinquièmement, il faut financer suffisamment les organismes fédéraux comme le Service canadien de la faune, Parcs Canada et Pêches et Océans Canada afin de rattraper le retard dans l'élaboration de stratégies de rétablissement des espèces en péril, et afin de protéger l'habitat vital des espèces ciblées.
Pour terminer, il faut financer des programmes qui visent à réconcilier les Canadiens avec la nature et qui en reconnaissent la valeur fondamentale; qui mettent les Canadiens à contribution là où ils se trouvent, même dans les grands centres urbains; qui comblent le fossé nouvellement créé au Canada; et qui tirent parti de partenariats, d'expériences et de ressources de divers intervenants partout au pays, et ce, dans le but de rétablir l'harmonie entre la société canadienne et la nature.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie aussi chacun de nos témoins pour les renseignements importants qu'ils nous fournissent aujourd'hui et pour leurs nombreuses années d'expérience dans le domaine de la conservation.
Monsieur Ugarenko, dans votre exposé au nom de l'Habitat faunique du Canada, vous avez dit, comme Bob l'a mentionné un peu plus tôt, que ce sont les pêcheurs à la ligne et les chasseurs qui ont mis sur pied à l'origine les mouvements de conservation et qui ont assuré le gros du financement des activités. Je suis heureux que vous le mentionniez, car on a trop souvent tendance à l'oublier.
J'aimerais saisir la balle au bond de M. Pilon au sujet des plages et des oiseaux migrateurs, mais en transportant le débat sur la côte Ouest, d'où je suis originaire, et où nous avons la migration des bernaches cravant. Sur la côte Est de l'Île de Vancouver, il y a des plages peu profondes. Je pense que nous avons un festival de la bernache cravant depuis 14 ou 15 ans maintenant. La population participe activement, et nous avons épuisé les bénévoles pendant quelques années, mais il y a un vent de renouveau qui souffle. Tout le monde sait que les chiens ne sont pas admis sur la plage pendant la migration des bernaches cravant. On ne veut pas les déranger pendant qu'elles s'alimentent, car on sait à quel point c'est important. Il y a des expositions d'art et de sculpture. L'Université de Vancouver y participe, de même que BC Nature. On organise des excursions pour observer les oiseaux se nourrir des oeufs de hareng, puis 10 ou 12 jours plus tard ceux qui se nourrissent des alevins — ceux qui viennent d'éclore, si on veut. C'est une activité formidable organisée sur la côte, et la population y participe activement à tous les niveaux.
Je voulais souligner ici l'importance pour chacun de nous de mobiliser les gens au niveau local. Je pense que c'est M. Davidson qui a mentionné cela — et je veux me faire l'écho des propos de Michelle pour vous remercier d'être ici malgré vos problèmes familiaux ce matin.
Vous avez mentionné que vous aviez un autre exposé à faire devant un groupe naturaliste ici dans la vallée de l'Outaouais. Je tenais à souligner l'importance de la participation de la population et vous renvoyez la balle en vous demandant si cela n'est pas important pour tout le monde — pour le gouvernement et nos grandes organisations — de mobiliser les gens à la base. Que pourrions-nous faire pour encourager les gens à participer davantage?