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J'aimerais déclarer ouverte la 76
e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Nous recevons deux groupes de témoins aujourd'hui.
Nous entendrons d'abord, en personne... La circulation leur donne du fil à retordre, mais les représentants du Conseil régional de l'environnement de Laval seront ici sous peu. Nous entendrons ensuite par vidéoconférence de Longueuil, au Québec, Andréanne Blais, biologiste au Conseil régional de l'environnement du Centre-du-Québec.
Bienvenue à notre comité par vidéoconférence. Nous allons vous demander de nous présenter sans plus tarder votre exposé de 10 minutes. Nous entendrons l'exposé des autres témoins dès qu'ils arriveront, après quoi les membres du comité pourront vous poser chacun une série de questions.
Madame Blais, la parole est à vous.
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Bonjour à tous. Je vous remercie de me recevoir. C'est pour moi un grand privilège.
Je suis Andréanne Blais. Je suis biologiste au Conseil régional de l'environnement du Centre-du-Québec, un organisme à but non lucratif qui oeuvre dans le domaine de la protection et de l'amélioration de l'environnement dans une optique de développement durable. Notre créneau est celui de la concertation, c'est-à-dire la mise en commun des intérêts des différentes parties impliquées dans des dossiers environnementaux. Aujourd'hui, j'ai été invitée pour parler plus particulièrement des milieux humides et de la gestion milieux humides et de ces écosystèmes.
Depuis plusieurs années, les milieux humides ont été maltraités, notamment par des développements agricoles et urbanisés. Je ne citerai que deux exemples. Dans les basses terres du Saint-Laurent, qui se situent dans la région le long du fleuve Saint-Laurent du Québec jusqu'en Ontario, les pertes de milieux humides sont de l'ordre de 45 %. Pour ceux qui restent, on parle d'une perte d'intégrité des milieux naturels de l'ordre de 65 %. En Ontario, dans cette zone, on parle de pertes de 68 % de milieux humides.
Si on remonte au Nord du Canada, on constate des pertes dans les milieux humides arctiques et boréals. Toutefois, celles-ci sont plutôt liées aux impacts des changements climatiques, notamment l'assèchement des tourbières dont je vais parler un peu plus tard lors de ma présentation.
Toutefois, heureusement, les mentalités évoluent. Les décideurs et les acteurs de la société commencent à prendre en considération d'une façon plus avertie la gestion des milieux humides, notamment par ce que l'on appelle « les biens et services écologiques » que nous apportent ces milieux humides. Je parle, entre autres, des avantages que ces milieux humides apportent à la société, comme par exemple la filtration et la gestion des eaux. En effet, en période de sécheresse, les milieux humides vont libérer tranquillement les eaux pour approvisionner les nappes d'eau souterraines ou les cours d'eau. On peut aussi en parler en termes récréatifs, de recherches, de chasse et de pêche. Ce sont, par conséquent, de nombreux biens et services qui profitent à l'ensemble de la société.
Au Québec, actuellement, la superficie des milieux humides représente 10 % du territoire. Au Canada, la superficie des milieux humides représente 14 % du territoire. Le Canada est l'un des pays au monde qui contient le plus grand nombre de milieux humides.
Comme je le mentionnais, cette prise de conscience a donc amené, au cours des années, l'adoption de différentes politiques et mesures législatives. Bien entendu, il faut se référer au pouvoir et au devoir des cadres législatifs, notamment à tout ce qui est transfrontalier et international. On parle notamment des oiseaux migrateurs, de la faune et de la pêche. Ces milieux humides ont une importance sur le plan législatif et le Canada possède notamment la Politique fédérale sur la conservation des terres humides, la Convention sur les zones humides et même des plans conjoints des habitats.
Cependant, au Québec, même avec la Loi sur la qualité de l'environnement, ce cadre législatif est très faible. Il s'applique surtout sur des terres publiques et des terres privées où l'on retrouve les plus grandes zones de développement. C'est là que le cadre législatif est plus faible. Par contre, il y a de belles initiatives, notamment au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, et quelques règlements en Ontario.
Mentionnons d'autres faiblesses sur le plan de la gestion des milieux humides, notamment ce qui touche leur prise en considération en amont des projets. Les milieux humides sont pris en considération trop tard dans le cadre du processus décisionnel. Si on en tenait compte bien plus tôt, on pourrait les intégrer au processus décisionnel, notamment en considérant les valeurs économiques des biens et services écologiques. Évidemment, ce manque de prise en considération provient de lacunes sur le plan de l'information, des connaissances, du suivi et de la cartographie des milieux humides — on ne sait pas où ils sont et quelle est leur valeur — et d'une absence de sensibilisation auprès des propriétaires privés.
Nous recommandons au comité d'imposer des balises plus claires sur le plan législatif, d'augmenter le nombre de recherches fondamentales sur les milieux humides, que ce soit par la cartographie, le suivi ou les pratiques de gestion.
Nous recommandons également de développer des incitatifs financiers. Cela peut se faire par l'amélioration des programmes qui existent déjà. Je parle du programme de financement communautaire ÉcoAction, du Programme d'intendance de l'habitat pour les espèces en péril ou du Programme de conservation des zones naturelles en partenariat avec Conservation de la nature Canada. Il faut assurer des soutiens techniques à cette prise en considération des milieux humides en amont des projets.
On recommande aussi de fournir un cadre plus large sur le plan éducationnel par l'entremise du développement d'un réseau de sensibilisation aux milieux humides d'un bout à l'autre du Canada. De plus, sur le plan des changements climatiques, on recommande de tenir compte du principe de précaution visant à réduire les émissions de GES. Comme je l'ai mentionné, les tourbières qu'on retrouve ici au Canada renferment 14 % de tout le carbone canadien et de tout le carbone mondial. Si ces tourbières s'assèchent, ce carbone sera libéré dans l'atmosphère et libérera de façon considérable des gaz à effet de serre. L'assèchement des tourbières libérerait donc 25 fois plus de carbone que ce que produisent les carburants fossiles en une année, ce qui aurait des répercussions considérables en matière de changements climatiques.
En résumé, on croit formellement qu'il faut vraiment resserrer le cadre législatif et remettre en amont des projets la prise en considération des milieux humides.
Cela termine mon exposé. Je vous remercie de m'avoir écoutée.
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Effectivement, on travaille avec l'UPA et avec le ministère de l'Agriculture du Québec. Au Québec, l'agriculture est vraiment concentrée dans les basses-terres du Saint-Laurent où les terres sont les plus fertiles. Nous considérons effectivement que l'agriculture, qui est une source alimentaire pour l'homme, doit primer sur les objectifs, mais nous croyons qu'il est possible de concilier ces deux éléments.
Les producteurs agricoles ont tout avantage à conserver les milieux humides. Si on ne les conserve pas, les crues des eaux lors de fortes pluies vont entraîner un lessivage très fort du sol vers les cours d'eau et les sols riches et cultivables s'appauvriront énormément. Les avantages reliés à la conservation des milieux humides profitent donc aux deux parties, que ce soit aux agriculteurs ou à la société.
Nous croyons qu'il faut accompagner les agriculteurs afin de leur offrir une compensation si des milieux humides se retrouvent sur leurs terres. On doit leur offrir des incitatifs financiers, comme il en existe aux États-Unis grâce à ce qu'on appelle le Clean Water Act. Il faut soutenir ces producteurs, et c'est la société qui doit le faire.
Sur le plan agricole, il est intéressant de mentionner qu'on créera de nouveaux milieux humides. Les producteurs ont effectivement compris que l'eau riche en nutriments et en phosphore qu'ils utilisent et qui passe au travers de leurs champs peut polluer les cours d'eau. Ils filtreront donc l'eau des milieux humides qu'ils créeront sur leur terre.
Il y a vraiment une ouverture des deux parties en ce qui concerne le travail de conciliation. Comme je l'ai dit, il faudra vraiment accorder un soutien financier à ces producteurs.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Blais, de votre présence devant le comité et de partager de nouveau avec nous vos connaissances ainsi que votre expertise.
Je voulais tout d'abord souligner l'excellent travail que vous faites en collaboration avec l'équipe du CRECQ, autant pour la protection de l'environnement que pour la sensibilisation des gens et des différents organismes à son importance.
J'ai lu votre mémoire qui est très intéressant et les recommandations y sont très pertinentes. Je vais y revenir tout à l'heure, mais je tenais à souligner que ce mémoire est vraiment bien fait.
Je voulais commencer par aborder la question des changements climatiques. Au NPD, nous croyons que nous devons rapidement faire face aux changements climatiques, se doter de mesures concrètes, avoir une vision globale et être très actifs dans ce domaine. Nous croyons que le gouvernement actuel ne fait pas assez de travail en ce sens.
Je constate qu'il est vraiment important de conserver les milieux humides. Si je ne me trompe pas, vous avez mentionné qu'ils contiennent du méthane et que, par conséquent, il est important de conserver les tourbières parce que, sinon, cela va dégager beaucoup de gaz qui vont accélérer les changements climatiques. J'ai aussi lu dans votre mémoire qu'on les utilise parfois pour l'agriculture mais qu'il faut par contre s'assurer qu'elles sont réaménagées. Pouvez-vous développer votre pensée relativement à l'importance de bien conserver les tourbières ou de les réactiver?
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En ce qui a trait aux tourbières, on en retrouve peu dans les basses-terres du Saint-Laurent. Par contre, quand on arrive dans ce qu'on appelle la plaine de Manseau—Saint-Gilles et en montant vers le nord, on en retrouve beaucoup. Pour le Centre-du-Québec, cela représente 40 % des milieux humides qu'on a en région. Les tourbières sont composées d'une grande couche, soit d'un minimum de 30 cm de tourbe. Cette tourbe est une matière végétale. Elle est donc composée de carbone et, comme toute matière végétale, quand elle s'assèche et quand l'eau sort de la tourbière, le carbone est libéré dans l'atmosphère par des processus chimiques. Ce carbone, soit du dioxyde de carbone ou du méthane, qui est quatre fois plus dangereux que le dioxyde de carbone, va être libéré dans l'atmosphère et va causer ce qu'on connaît au niveau des changements climatiques. C'est une réalité qu'on connaît peu. Par contre, beaucoup d'études ont noté ce principe, mais peu existent pour effectuer un suivi et confirmer combien de pertes de tourbières sont dues aux changements climatiques. Les changements climatiques entraînent des périodes de sécheresse très prolongées et, quand il y a des coups d'eau, ils sont très forts et ne réussissent donc pas nécessairement à réalimenter l'entièreté de la tourbière parce qu'ils sont trop forts. On a donc une perte considérable au niveau des tourbières qui sont des puits de carbone auxquels il faut faire attention. Ce sont de petites bombes à changements climatiques.
Pour ce qui est des tourbières du Centre-du-Québec, on a aussi une importante pression au niveau du développement de la canneberge. Présentement, le système ralentit, parce que le prix de la canneberge est à la baisse. Les producteurs ne font pas de profit actuellement, donc ils ne vont pas en se développant. Par contre, on a connu un essor assez important au cours des dernières années au niveau de la destruction des tourbières dû à l'implantation de champs de canneberges. L'implantation d'un champ de canneberges implique une destruction totale et on ne peut pas revenir en arrière. Par contre, un autre type de développement économique peut se faire et il y a ainsi d'autres façons de profiter des tourbières, soit l'exploitation de la tourbe et l'exploitation de sentiers d'interprétation dans les tourbières. C'est donc un processus réversible. On parle d'une dizaine d'années pour que la tourbière puisse se remettre en état. Sinon, il existe beaucoup de processus.
On a, en Ontario, un centre au niveau des milieux humides qui se spécialise notamment dans la restauration des milieux humides. On a une expertise canadienne très développée. Il faut donc profiter de cette expertise au niveau de la recherche, de la restauration et donc de la remise en état des milieux humides.
Dans votre explication, vous avez mentionné deux choses dont je voulais parler. La première étant relative à l'efficacité des milieux humides pour s'adapter un peu aux changements climatiques. Vous en avez très bien parlé dans votre explication un peu plus tôt et vous avez aussi abordé l'importance de la science, entre autres de la science fondamentale, parce qu'on connaît très peu ou pas assez tous les bienfaits des milieux humides et de l'importance de la biodiversité en général. D'ailleurs, le gouvernement conservateur a malheureusement sabrer dans le financement de la science fondamentale, et ce, de plusieurs façons récemment. Cela n'aide pas, entre autres, à faire une bonne lutte aux changements climatiques, pas plus qu'à conserver de manière appropriée la biodiversité.
Je trouve votre première recommandation vraiment très pertinente. Il s'agit d'avoir un inventaire national des milieux humides. Pouvez-vous développer votre pensée à ce sujet?
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En ce qui concerne l'inventaire national, certains organismes réalisent de nombreux travaux dans les milieux humides pour la conservation de la sauvagine, surtout l'organisme Canards illimités Canada, que vous devez très bien connaître. Ces organismes collaborent notamment avec le gouvernement fédéral à divers égards. Ils réalisent actuellement la cartographie des milieux humides dans différents endroits du Canada. Nous recommandons d'aller de l'avant avec cet inventaire national parce qu'il nous permettra de prendre en considération le milieu humide avant le projet.
Si l'on décide de bâtir un magasin et que l'on dépose notre demande sans savoir qu'un milieu humide s'y trouve, les analystes pourraient par la suite nous en informer, ce qui retarderait les procédures, ferait augmenter les coûts et engendrerait des procédures juridiques. Le fait d'en tenir compte en amont permet d'adapter le développement dans cette zone.
Par exemple, on développe actuellement à Victoriaville un parc industriel sur pilotis dans les milieux humides. Ce sont donc des initiatives très intéressantes qui existent aussi en Europe. On peut vraiment faire certaines choses quand on tient compte du milieu humide avant d'entamer un projet. Pour cela, il nous faut un inventaire national pour savoir où sont ces milieux humides. Canards Illimités Canada le fait présentement dans certaines régions, mais il leur faut évidemment un soutien financier.
Il y a notamment le Programme d'intendance de l'habitat pour les espèces en péril, qui doit cependant s'adapter quand une espèce en péril est présente dans un milieu humide. S'il n'y a pas d'espèces en péril, ce programme ne s'applique pas.
Il y a aussi le programme ÉcoAction. C'est justement par l'entremise de ce programme que nous avons reçu cette année une subvention afin de sensibiliser les propriétaires de 30 milieux humides. À l'échelle canadienne, nous avons le Programme de conservation des zones naturelles.
Tous ces programmes sont souvent sensibles au renouvellement. Nous recommandons vraiment le renouvellement annuel de ces programmes, afin de soutenir les actions destinées aux terres privées.
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Merci, madame Blais et madame St-Denis.
[Traduction]
Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins du Conseil régional de l'environnement de Laval, M. Guy Garand et Mme Marie-Christine Bellemare. Bienvenue. Je suis désolé que vous ayez été pris dans la circulation, mais nous sommes contents que vous ayez réussi à arriver à temps pour comparaître devant le comité.
Tous les membres du comité ont reçu copie de votre présentation PowerPoint.
Je vais donner à nos témoins 10 minutes pour présenter leur exposé. Étant donné où nous en sommes rendus dans les questions, je vais utiliser ma prérogative de président pour dire qu'après cet exposé, nous allons permettre une autre série de questions de sept minutes par intervenant. Je vais nommer les membres du comité qui ont déjà demandé à être inscrits à la liste. Si l'un ou l'autre des partis souhaite changer la séquence des intervenants, dites-le-moi.
J'ai sur ma liste les noms de Mme Quach, M. Lunney, M. Pilon et Mme Rempel. Ces quatre personnes pourront poser des questions après cet exposé. Si un membre du comité souhaite modifier cette liste, faites-moi signe pendant l'exposé.
J'invite maintenant M. Guy Garand à nous présenter son exposé.
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Merci, monsieur le président. Veuillez excuser notre retard. Il y a eu un gros accident sur l'autoroute 50. Nous avons été pris dans un bouchon de circulation.
Je suis accompagné aujourd'hui de Marie-Christine Bellemare, qui est biologiste. Elle est chargée de projet chez nous et couvre les milieux humides ainsi que tous les milieux naturels sur le territoire de Laval. Pour ma part, je couvre le territoire de Laval et la grande région métropolitaine de Montréal pour ce qui est des milieux naturels et de la biodiversité.
Si on regarde les politiques à l'échelle du Canada, il faut procéder par étapes et disséquer cela en trois parties: le Canada, le Québec et le niveau municipal. Le Canada applique sa réglementation sur les terres humides dont il est propriétaire. Le gouvernement du Québec applique l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, selon laquelle il faut une autorisation ou un certificat d'autorisation pour remblayer ou altérer un milieu humide. Les municipalités, quant à elles, gèrent les compensations comme telles ou le suivi des compensations.
J'ai ici est une carte de 1972 qui vous montre la superficie de la grande région métropolitaine, qui est aujourd'hui la Communauté métropolitaine de Montréal. Le rouge montre tout ce qui était urbanisé à cette époque et représente des îlots de chaleur qui ont un effet sur la biodiversité, les milieux naturels ainsi que sur l'être humain. Nous voici maintenant en 1982. Sur la photo, vous pouvez voir que le rouge a doublé à cause du développement, de la perte des zones agricoles et de la perte des milieux naturels incluant les milieux humides à l'intérieur de ceux-ci. Ce sont des études que j'ai pilotées dans les années 1980. Vous avez la dernière photo, qui date de 2005, au moment où j'ai piloté la dernière étude avec un consortium universitaire, soit l'Université du Québec à Montréal, l'Université de Montréal et l'Institut de recherche en biologie végétale. On voit qu'on a encore perdu énormément de milieux naturels et de milieux humides.
Pour poursuivre, regardons les cinq grandes régions de la Communauté métropolitaine de Montréal. C'est dans le registre du gouvernement du Québec. On constate que du 1er janvier 2010 au 8 mai 2013, 411 certificats d'autorisation ont été émis dans la grande région de Montréal, pour Laval, la Montérégie, les Laurentides et Lanaudière. Sur ce nombre, on peut voir que 92 % des certificats d'autorisation pour destruction ou altération des milieux humides de la grande métropole ont été accordés et qu'il n'y en a qu'un seul qui ait été refusé de la part du gouvernement du Québec. C'est une honte totale. Je dis bien « totale ». Et ça continue à ce rythme aujourd'hui.
Nous, au Conseil régional de l'environnement de Laval, suivons l'évolution des milieux humides depuis 2000. Cela fait exactement 13 ans qu'on fait le suivi de tout ça. Quand il est question de zones humides disparues, il s'agit de la zone blanche qui est la zone développable. On ne parle pas des milieux humides à l'intérieur du territoire agricole.
Pour vous donner une idée, en 2004, le gouvernement du Québec, le Conseil régional de l'environnement de Laval et la Ville de Laval ont, sur une photo précise, statué qu'il y avait exactement 352 milieux humides et qu'on avait une superficie de 332 hectares en zone développable, soit en zone blanche. On peut voir qu'en 2004, on a perdu quelques milieux humides. Ce fut également le cas en 2005, 2007, 2010 et 2012. On se retrouve avec 97 milieux complètement perdus à tout jamais, dont 77 qui ont été altérés partiellement. Donc, 50 % des milieux humides sont disparus et il s'agit d'une disparition de 38 % de la superficie des milieux humides sur le territoire de Laval. C'est aussi ce qui arrive pour toute la grande région métropolitaine de Montréal. Donc, je crois qu'aujourd'hui, avec la connaissance scientifique qu'on a relativement aux milieux humides et aux bienfaits qu'ils nous rendent au niveau écosystémique, biologique et de la filtration et de la rétention de l'eau, il y a urgence de conserver ces milieux.
Quand il est question de compensation, vous pouvez regarder le rond en bas, à votre gauche, qui est encadré de noir. Le rouge et le beige représentent les milieux humides qui ont été compensés et qu'on a remis dans le grand cercle. Il y a eu une acquisition pour compensation sur 53 % des milieux humides. Toutefois, cette acquisition n'est pas nécessairement un milieu humide pour un milieu humide. Souvent, on détruit un milieu humide mais on le remplace par un champ en friche, un boisé ou une bande riveraine.
On voit qu'il y a 3,2 hectares d'aménagement de milieux humides. Ce n'est pas de la compensation. Donc, c'est une perte qu'on pourrait considérer. Le taux de 17,6 % correspond à l'aménagement de bandes riveraines. Encore là, on ne protège pas et on ne compense pas. On a aussi perdu une trentaine d'hectares, soit 29 %. On peut donc constater qu'il n'y a pas de compensation ou qu'il y en a peu et qu'on a une perte nette.
Dans le corridor fluvial de Montréal et de la grande région métropolitaine, il nous reste aujourd'hui environ 15 % de nos milieux humides, incluant les plaines inondables et les milieux humides à l'intérieur des terres.
Je pense que la situation actuelle est assez dramatique. Les changements climatiques nous pendent au bout du nez. Ils vont avoir un effet sur la biologie et sur ces écosystèmes. On n'a qu'à penser à la qualité de l'eau du fleuve. Le niveau de l'eau baisse partout dans les rivières de la région métropolitaine. On peut faire une corrélation avec la destruction des milieux humides, la canalisation des ruisseaux et le remblai des plaines inondables, qui sont aussi des milieux humides.
Pour ce qui est des bienfaits et de l'utilité des milieux humides, je vais laisser la parole à Mme Bellemare.
Je vous remercie.
La perspective du Conseil régional de l'environnement de Laval est surtout régionale et locale, mais le but de notre présentation d'aujourd'hui est de vous démontrer que malgré la grosse machine fédérale et provinciale, quand on arrive à des situations concrètes au niveau municipal, on voit que les milieux humides ne sont pas bien protégés. Quelque chose ne fonctionne pas dans le système, comme vous l'indiquent les données que nous vous avons présentées.
Le problème, selon moi, est que les milieux humides sont constamment menacés parce qu'on a toujours l'impression qu'ils sont sans valeur. On les voit comme de simples marécages. Pourtant, ils ont une très grande valeur. Je pense qu'Andréanne en a parlé plus tôt. Ils procurent beaucoup de biens et de services à la communauté.
Dans les grandes régions métropolitaines, le problème est que les milieux humides se trouvent souvent sur des terres privées. Il faut donc convaincre leurs propriétaires de les conserver ou, autrement, fournir aux organismes de conservation, comme le Conseil régional de l'environnement, les outils nécessaires pour les acquérir. Bien souvent, cela coûte cher parce que ce sont des terres privées. C'est un problème. Il faut se pencher sur cette question. Il y a plusieurs solutions possibles.
J'en profite pour vous montrer quelques photos afin de vous donner une idée de ce que nous vivons quotidiennement, plus particulièrement à Laval. De beaux milieux humides de ce genre, qui ont une grande valeur écologique, sont complètement remblayés. Or, comme vous avez pu le constater, les compensations exigées à la suite d'un remblai ne sont pas nécessairement équivalentes à la perte écologique encourue.
Comme je vous l'ai dit, notre mandat est surtout régional, mais à l'échelle canadienne, le problème est qu'il y a selon nous beaucoup d'inégalités entre les provinces. La politique canadienne existe, mais elle n'a pas vraiment permis de mettre en vigueur des objectifs précis en matière de conservation ou de standardisation. Par conséquent, les provinces sont un peu laissées à elles-mêmes. À notre avis, une solution serait de mettre en oeuvre un cadre doté de grandes orientations précises. Chaque province pourrait alors en quelque sorte se comparer aux autres.
Selon nous, l'approche canadienne en matière de compensation est très flexible. Encore là, la définition de « compensation » n'est pas la même selon les provinces ou territoires où l'on travaille. Est-ce qu'on peut compenser la perte d'un milieu humide par un milieu terrestre? Pas nécessairement, mais ça se fait. Est-ce qu'on compense un hectare par un autre hectare? Il existe certains ratios. Plusieurs recherches scientifiques se font présentement là-dessus.
De plus, il est rare qu'il y ait un suivi à la compensation. On restaure des milieux humides qui ont été altérés, mais il n'y a pas nécessairement de suivi relativement au succès de cette compensation.
À ce sujet, je vais vous parler de la perspective à l'échelle du bassin versant. Présentement, on examine le terrain, on restaure le milieu humide et on s'en va. Or s'il y a en amont du ruisseau une grosse usine qui pollue celui-ci, le milieu humide n'est pas restauré parce que d'autres polluants s'y infiltrent. Il faut donc travailler à une échelle beaucoup plus globale. L'échelle du bassin versant est à la fois géographique et écologique.
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Dans notre jargon en biologie, les milieux humides sont les reins de la nature, au même titre que les forêts sont les poumons de la nature. Les eaux passent à l'intérieur des plantes et ce sont les plantes qui travaillent pour nous, 24 heures sur 24 et 365 jours par année. Les végétaux captent toutes sortes de polluants et peuvent même capter certaines huiles.
Aujourd'hui, tous les grands centres urbains disposent d'usines de traitement des eaux usées. Je ne tiens pas à lui faire de la publicité, mais l'auberge Le Baluchon, une très grosse auberge de Saint-Paulin, a déboursé des millions de dollars pour créer des milieux humides afin de traiter ses eaux usées. C'est un exemple, un modèle à suivre.
Au parc Jean-Drapeau de Montréal, une grande plage a été créée sur une île et la filtration de l'eau s'y fait par des plantes de bassins versants.
On pourrait facilement retracer aux États-Unis et en Europe plusieurs exemples comme ceux-ci. C'est une nouvelle tendance qui coûte beaucoup moins cher.
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Il serait peut-être difficile d'adapter cette loi aux très grands centres urbains, mais il faut certainement les protéger. En matière de gestion par bassins versants, on observe un déficit en milieux humides dans beaucoup de secteurs, alors que ces derniers permettent de maintenir la qualité de nos eaux et de recharger les nappes phréatiques. Les eaux filtrées par les milieux humides s'en vont dans les eaux souterraines et servent à approvisionner plusieurs municipalités.
Il y a deux ans, dans les Cantons-de-l'Est, des municipalités ont manqué d'eau en raison de l'assèchement des nappes phréatiques. Y a-t-il un lien à faire avec les milieux humides?
Comme l'a très bien mentionné Mme Blais, l'approvisionnement en eau potable de la ville de New York est assuré par les monts Catskill, situés à environ 200 ou 300 km de la ville. Cet endroit est réputé pour la qualité de l'eau qu'il fournit à la ville de New York. Selon moi, plusieurs grandes villes pourraient protéger les grands bassins naturels et filtrants pour approvisionner les grands centres urbains, car les eaux de villes comme Toronto, Montréal et Vancouver sont pour la plupart hautement polluées.
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Protéger ou augmenter le nombre de milieux humides pourrait avoir un effet sur les changements climatiques, mais ce n'est pas la solution à adopter. On fait fausse route si l'on pense que les milieux naturels, autant les forêts que les milieux humides, vont diminuer les changements climatiques. Pour réellement s'attaquer aux changements climatiques, il faudra aussi s'attaquer au transport routier à la grandeur du Canada et des États-Unis. Je vous dirais que c'est une question mondiale. D'une certaine manière, les milieux humides sont là pour nous aider.
La plus grande crainte que je peux avoir concerne l'étiage de la rivière des Milles-Îles depuis 2001. Elle a connu des périodes d'étiage en 2001, 2005, 2007, 2008 et 2010. Depuis les dernières périodes d'étiage, les municipalités ont été obligées de faire bouillir leur eau pendant une période de six à huit semaines. La rivière continue de s'assécher. Le gouvernement du Québec, sans passer par le Bureau d'audiences publiques, a fait passer un décret visant à écrêter un cap de roches entre le lac des Deux Montagnes et la rivière des Milles Îles afin d'approvisionner en eau près de 400 000 habitants.
J'ai mentionné des chiffres à ce sujet. On prévoit encore la construction de 75 000 à 100 000 unités d'habitation dans le nord de Laval et dans les grandes régions des Laurentides et de Lanaudière situées sur la rive nord de Laval. La captation d'eau qu'on y fera asséchera aussi les cours d'eau.
Les changements climatiques, la canalisation des ruisseaux et le remblayage des plaines inondables ont des répercussions sur les Grands Lacs et sur le fleuve Saint-Laurent, mais s'ajoute à cela toute la captation d'eau qui se fait par les résidences. Chaque citoyen, chaque industrie et chaque institution capte énormément d'eau et ne fait pas attention.
On nous a toujours dit que le Canada est un pays d'eau et de forêts. Malheureusement, on constate aujourd'hui que la forêt s'épuise, qu'elle a des problèmes et que nos cours d'eau ont aussi des problèmes. Pourtant, le Canada est considéré comme la plus grande réserve d'eau potable au monde. Tous les Canadiens devraient avoir à coeur cette richesse et devraient vouloir la protéger et la valoriser, parce que des pays situés au sud de nous, comme les États-Unis, en auront un jour besoin.
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Je vais vous donner comme exemple la Réserve de la biosphère du lac Saint-Pierre. Il y a présentement un énorme problème: il a fallu décréter un moratoire sur la perchaude, qui est pourtant un poisson très commun dans nos cours d'eau. Ce poisson est maintenant très rare dans le lac Saint-Pierre. La cause est la destruction de l'habitat dans les milieux humides et les bandes riveraines, comme l'a mentionné M. Garand. La protection de ces milieux humides va donc contribuer à préserver un site Ramsar.
On croit qu'un site est protégé du fait qu'il est décrété site Ramsar, mais ce n'est pas le cas. Un site Ramsar a des connections partout. Or les cours d'eau qui se jettent dans le lac Saint-Pierre ne proviennent pas de sites Ramsar. Il faut préserver les environs des sites Ramsar, que ceux-ci soient ou non des aires protégées. Comme vous l'avez mentionné, la Réserve de la biosphère fait de l'excellent travail à cet égard. Toutefois, les compressions ont eu comme effet de réduire les activités de sensibilisation, entre autres.
Heureusement, le gouvernement provincial a prévu une enveloppe budgétaire pour la protection de la perchaude et la Réserve de la biosphère a pu profiter de cette enveloppe pour mener à bien des recherches sur la perchaude et faire de la sensibilisation. Il reste que ces centres doivent être financés pour que la société soit sensibilisée.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais poser mes questions en anglais. Malheureusement, mon français a des lacunes,
[Traduction]
... si on peut dire.
Je tiens à remercier nos témoins de contribuer avec autant d'enthousiasme à cette discussion importante.
Madame Blais, vous avez mentionné que des tourbières disparaissaient au profit de la production de canneberges, et que le prix de la canneberge variait constamment. Il pourrait falloir des années pour restaurer ces terres, mais les canneberges poussent en milieu humide, elles aussi.
Pouvez-vous nous expliquer un peu plus la situation? C'est la première fois que nous entendons parler de ce concept. Il y a beaucoup de canneberges produites en Colombie-Britannique et dans la vallée du bas Fraser. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce qui se passe et nous décrire en quoi cela fait diminuer la valeur des terres?
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Ici, dans la région du Centre-du-Québec, le Règlement sur les exploitations agricoles, ou REA, limite l'expansion agricole. Nous avons des problèmes en matière de qualité de l'eau. Or il a été prouvé que l'agriculture contribuait à cette pollution des cours d'eau, mais le REA ne couvre pas les petits fruits, dont la canneberge.
Présentement, au Centre-du-Québec, la production de la canneberge prend de l'expansion. Pour se développer, la canneberge a besoin de deux choses: d'eau et d'un sol à PH acide. Les sites de tourbières offraient des conditions excellentes pour la culture de la canneberge, notamment l'acidité et l'eau. Or, dans le cas de la canneberge, il n'y a aucun retour possible depuis la destruction de la tourbière. C'est comme construire une route en asphalte. Il n'y a pas de retour possible.
Beaucoup de certificats d'autorisation ont été octroyés dans le cas de cette exploitation agricole, mais à l'heure actuelle, les gens de l'Association des producteurs de canneberges du Québec travaillent de concert avec le ministère pour développer des techniques de culture à l'extérieur des tourbières. Ils vont cibler des terrains sablonneux. En effet, le sable a tout de même un PH acide. Ils vont créer des circuits fermés. L'eau va circuler sur le terrain sans qu'il soit nécessaire de s'approvisionner aux cours d'eau.
L'exploitation de la canneberge est celle qui consomme le plus d'eau. Une étude sur les eaux souterraines qui vient d'être réalisée dans notre région indique qu'environ 90 % de la consommation d'eau est imputable à la production de la canneberge. Il y a encore des difficultés, mais je crois que les producteurs commencent à travailler dans un esprit de conciliation. Ils se sont mis peu à peu à quitter les tourbières. Cependant, les dommages qui ont été causés sont irréversibles.
J'aimerais parler de la création d'habitats de réserve (je crois que le sujet a été soulevé) et de ce qui s'est passé à Montréal. Vous avez mentionné qu'on avait perdu beaucoup de milieux humides dans les zones de développement urbain et dans leur périphérie. Je crois que vous vous inquiétez du nombre inquiétant de demandes de développement qui ont été approuvées pour des projets dans des zones sensibles.
Le concept d'habitats de réserve... Madame Bellemare, vous avez parlé un peu plus d'un sujet que M. Garand a effleuré: je crois que vous avez demandé si tous les hectares de terres étaient équivalents. Vous vous inquiétez de la création d'habitats de réserve. Il semble y avoir une stratégie utilisée au Québec, mais elle ne viserait pas des terres de grande valeur ou de valeur égale.
Pouvez-vous nous donner une meilleure idée de la façon dont le concept de la création d'habitats de réserve est appliqué? Il doit y avoir des zones de grande valeur autour de Montréal qui pourraient être protégées, compte tenu de la grande difficulté à contenir l'étalement urbain.
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Vous vous aventurez sur un terrain glissant sur lequel je ne me prononcerai pas.
Le Canada, le Québec et les grandes régions métropolitaines et les municipalités devraient travailler ensemble et se donner comme objectif national de protéger 30 % de nos territoires. Le Protocole de Nagoya signé par plusieurs pays en 2010 et le Programme des Nations Unies pour l'environnement mentionnaient qu'il fallait protéger 17 % de nos forêts et 10 % de nos cours d'eau, ce qui totalise 27 %.
Les communautés scientifiques, l'Union internationale de la conservation de la nature et même les sites d'Environnement Canada mentionnent qu'il faut protéger 30 % du territoire. À ma connaissance, on est loin de cet objectif pour ce qui est de nos territoires canadiens, et ce, même avec les grands parc nationaux, provinciaux et autres.
C'est bien de mettre des chiffres sur papier et de se donner des objectifs, de parler de politiques, mais à un moment donné, il faudra passer à l'action, car si on attend trop longtemps encore, on ne pourra plus récupérer et affirmer qu'on protégera 30 % de notre territoire. C'est un enjeu. On fait partie de la biodiversité en tant qu'êtres humains et on a besoin de tous les éléments naturels autour de nous pour assurer notre survie et celle de tout ce qui est vivant.
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J'aimerais compléter la réponse.
En ce qui a trait particulièrement à Laval, bien que je pense que c'est une situation qu'on peut extrapoler à d'autres régions urbaines, le territoire est souvent divisé en zones agricoles et en zones développables. En zones agricoles, peut-être qu'avec les tourbières on peut faire des canneberges, mais à Laval, les milieux humides situés en zones agricoles sont protégés dans le sens qu'ils ne sont pas cultivables. Souvent, les agriculteurs savent qu'ils représentent une ressource en eau, donc ils les protègent.
Le problème sont les zones développables appartenant à des promoteurs qui désirent les développer. Si on leur dit qu'on doit protéger ces milieux humides, ils vont alors nous répondre qu'on doit acheter leur terrain et que, s'ils l'avaient développé, il vaudrait 8 millions de dollars. On est le Conseil régional de l'environnement. On ne possède donc pas 8 millions de dollars pour acheter leur terrain.
Malheureusement, puisque les villes jouissent d'un bon pouvoir et qu'il n'y a pas de volonté politique au niveau municipal pour protéger ces terrains, c'est alors laissé à l'individu. Je pense qu'au niveau national, il n'y a pas vraiment d'objectifs, d'évaluations, de critères ou de suivis et il faudrait donc essayer d'encadrer tout cela pour que tout le monde fasse la même chose. Par exemple, si à Laval on décide de protéger les milieux humides et de ne plus développer, ce n'est pas juste, comparativement aux Laurentides qui continueront de développer ces milieux au cours des 30 prochaines années.
Il faut essayer de rendre cela équitable et uniforme pour tout le monde. Cela sera un défi, c'est certain, mais c'est nécessaire.
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On doit faire du développement. Je ne suis pas contre le développement. Je suis biologiste, mais j'ai aussi une formation en architecture. Or, on doit penser beaucoup plus à intégrer tous les modèles de développement. Qu'il s'agisse de développement résidentiel, commercial, industriel ou institutionnel, on doit y intégrer le milieu naturel. La proximité d'un milieu naturel donne une plus-value à tout projet de développement.
Je suis persuadé que vous-mêmes, si vous aviez le choix de vivre en milieu urbain, vous préféreriez vivre près d'un milieu naturel, que ce soit un milieu humide ou une forêt. Il n'y a qu'à penser à Central Park, à New York. Allez voir le prix des condos autour de Central Park: ce n'est pas achetable. Pourquoi les gens veulent-ils vivre là? C'est parce qu'un poumon s'y trouve. C'est la même chose pour le mont Royal, à Montréal, et les grands parcs régionaux.
Dans n'importe quelle ville du monde, tout le monde veut vivre près d'un milieu naturel. Si les promoteurs saisissaient l'occasion d'intégrer les milieux naturels dans leurs projets de développement et de tenir compte de tous leurs bienfaits, tout le monde serait gagnant. La nature serait gagnante, les promoteurs feraient de l'argent, les gens seraient heureux, on serait en meilleure santé, etc. De plus, cela nous coûterait beaucoup moins cher en traitement d'eau.
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Je suis tout à fait d'accord avec vous.
L'une de nos faiblesses, à nous, les militants pour la protection de la nature, c'est que nous sommes très émotifs lorsque nous parlons de ces terres précieuses, et il nous serait très utile d'utiliser le vocabulaire de l'industrie et du développement. Quand nous pouvons prouver qu'un milieu humide construit, par exemple, comporte des avantages importants pour la qualité de l'eau, qu'il peut avoir des effets comparables à ceux d'une usine de traitement de l'eau, mais à un coût bien inférieur, c'est vraiment constructif.
Je vois que Mme Bellemare semble d'accord avec moi, donc je vais vous demander de réagir à cela, madame Bellemare.
Vous avez parlé d'infrastructures écologiques. Je crois que cette expression va devenir de plus en plus importante quand il sera question de développement.
Vous me demandiez mon avis si j'avais le choix entre une usine d'épuration d'eau en béton qui canalise mes cours d'eau et un marais filtrant de plus en plus utilisé, notamment en aménagement du paysage. On crée alors un habitat et un parc. Les gens peuvent venir le visiter et sont sensibilisés. De plus, à long terme, cela va nécessiter moins de suivi et de contrôle parce que c'est naturel. Il y a donc un autocontrôle. L'écosystème se contrôle lui-même. Forcément, c'est une solution à considérer.
Toutefois, il ne faut pas croire qu'on peut détruire un milieu humide et le restaurer par la suite. En ce moment, on fait beaucoup cela. On paye donc pour le remblaiement et pour la restauration. Selon moi, ce n'est pas très rentable. Il ne faut pas non plus se concentrer seulement sur ce problème, mais également continuer de sensibiliser les gens à conserver ce qui est déjà là et qui est gratuit.
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Je représente une circonscription très vaste, dans les Prairies, dans l'ouest du Manitoba, où il y a littéralement des milliers de milieux humides. En fait, je suis moi-même propriétaire de milieux humides sur mes terres agricoles.
J'ai l'impression que les milieux humides agricoles, à tout le moins, et particulièrement dans les Prairies, sont parmi les habitats les plus faciles à restaurer. Je sais que vous êtes allée là-bas. C'est très difficile de restaurer une forêt riveraine, par exemple, ou une forêt carolinienne, une fois qu'elle est détruite.
J'ai souvent vu des terres mal drainées achetées par les gouvernements. Je me rappelle d'un cas en particulier, dans le nord de Winnipeg. Tous les drains ont été connectés, et un milieu humide magnifique s'est créé.
Seriez-vous d'accord pour dire que la restauration des milieux humides est... Je ne dis pas que c'est chose facile, mais c'est l'un des types d'habitat qu'on peut restaurer le plus efficacement, par comparaison avec la restauration d'autres habitats plus complexes.
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Avant de penser à restaurer, il faudrait conserver ce qui nous reste. La restauration est un besoin et une nécessité aujourd'hui. Dans toutes les municipalités du Canada qui se développent, on a tendance à mettre des tuyaux sous la terre, à paver des routes, à construire des stationnements, à canaliser et envoyer tout cela dans les ruisseaux ou les rivières. Je pense qu'il serait intéressant d'utiliser ces milieux humides pour faire de la rétention d'eau et la filtrer avant qu'elle ne se transfère naturellement dans les ruisseaux ou dans nos rivières.
Avec les changements climatiques, on a parfois de grandes périodes de sécheresse, mais quand il se met à pleuvoir, il tombe plusieurs millimètres. On peut recevoir 10, 15, 20 ou 25 millimètres de pluie en l'espace d'une demie-heure. Beaucoup de municipalités, dont la ville de Montréal, ont des problèmes de gestion des eaux de pluie. C'est peut-être le cas pour d'autres grande villes, comme Toronto et Vancouver. Je ne connais pas tous les problèmes de gestion de l'eau, mais tout cela est attribuable à la canalisation et on a rendu le sol artificiel.
Si on gardait plus de milieux naturels et de végétaux et si on construisait des rues beaucoup plus étroites et moins pavées tout en maintenant la sécurité des personnes en se fiant aux pompiers et aux ambulanciers, en somme, aux services offerts aux citoyens, je pense que tout le monde serait gagnant. On économiserait sur les infrastructures de béton et sur l'entretien des routes. Nos milieux naturels travailleraient pour nous et on économiserait aussi sur ce plan et la qualité de l'eau de nos rivières serait meilleure. Quand on pompe l'eau pour la filtrer et pour s'approvisionner, la traiter nous coûterait peut-être moins cher parce qu'elle serait traitée naturellement.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
En guise de présentation, je m'appelle Laurin Liu et je suis la députée fédérale de la circonscription de Rivière-des-Mille-Îles.
Nous avons eu droit à une belle représentation. Il y a ici une députée de Laval et aussi une députée de l'autre côté de la rivière. Je vous remercie beaucoup de parler de la rivière. La qualité de l'eau potable est une grande préoccupation pour mes concitoyens. Comme vous le savez, on a aussi déjà eu des problèmes avec la rivière.
Parlons un peu aussi de la recherche fondamentale. Madame Blais et madame Bellemare, vous en avez un peu parlé lors de vos présentations. On sait qu'il est essentiel de faire de la recherche pour protéger les milieux humides, mais pouvez-vous, s'il vous plaît, nous parler plus précisément de l'importance des études à long terme? On peut peut-être commencer par Mme Blais et passer par la suite à Mme Bellemare.
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Effectivement, comme on l'a mentionné plus tôt, la recherche fondamentale est nécessaire, notamment au niveau de la création d'un inventaire national des milieux humides. Si on veut savoir ce qui se passe avec nos milieux humides, il faut avoir un point de départ. Je crois qu'au niveau de la recherche fondamentale, il y a aussi le suivi à faire de nos milieux humides et de leur évolution ainsi que le suivi des installations.
On parle de restauration depuis tout à l'heure, mais il faut déterminer si elle est efficace. De plus en plus, les municipalités créent des milieux humides dans des quartiers, mais sont-il vraiment efficaces? Il faut faire le suivi à ce niveau. Il faut aussi se donner la volonté de nos ambitions, surtout au niveau de la recherche fondamentale. Les ministères provinciaux réalisent de la recherche fondamentale relativement aux eaux souterraines.
Ouranos est un bel organisme pour ce qui est de la recherche fondamentale. Ses représentants ont justement déposé une étude sur les milieux humides en lien avec les changements climatiques pour ce qui est du Centre-du-Québec, mais quand nos budgets provinciaux au sein des ministères ne représentent que 0,8 % des budgets totaux, on n'a pas les ressources financières nécessaires. C'est la même chose pour les municipalités. Le Canada va, par exemple, déléguer des pouvoirs aux provinces, mais il faut donner ces ambitions au niveau de la réalisation de ces constats. Donc, la recherche fondamentale est essentielle, mais il faut aussi se donner la volonté de nos ambitions.
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J'aimerais continuer dans la même veine que Mme Bellemare.
Chez nous, les milieux humides, on les a tous visités. Depuis 2000, et ce, chaque deux ans, on met les informations à jour. On les remet au gouvernement du Québec et à la ville de Laval et on constate ce que vous avez vu sur les tableaux.
Cette année, on vient de signer des ententes avec le GRIL. Au gouvernement du Québec et au ministère des Ressources naturelles, on commence une nouvelle phase au même titre que pour les milieux humides. On va commencer à caractériser les ruisseaux. Vous parlez des milieux humides. Mme Bellemare l'a dit, ils sont reliés aux ruisseaux et ces derniers sont reliés aux rivières. Cela part du plus petit pour aller vers le plus gros. L'information qui nous manque présentement dans le Sud du Québec ou, fort probablement, partout dans les provinces canadiennes, c'est la caractérisation et la connaissance de nos petits cours d'eau, à savoir les ruisseaux.
On connaît quand même assez bien nos rivières et on connaît les fleuves, mais pour ce qui est des ruisseaux, c'est une donnée qui nous manque dans toute la grande région métropolitaine et dans les cinq régions administratives. C'est un mandat qu'on s'est donné au CRE. On a trouvé des partenaires, mais on aimerait parfois que le gouvernement du Canada devienne un partenaire au même titre que le gouvernement du Québec et les universités pour qu'on puisse pousser plus rapidement la recherche à cet égard.
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Il existe un organisme national appelé Canards Illimités Canada. Il y a beaucoup de petits organismes locaux et régionaux. C'est avec eux qu'on pourrait faire un inventaire et une caractérisation des milieux humides. Si j'avais à établir une priorité pour le Canada, je choisirais de couvrir tout le Sud du pays où se trouvent les plus grands bassins de population. Nous sommes plus de 30 millions d'habitants, et la majorité d'entre nous vivons dans le Sud du pays. C'est donc là que nous avons le plus d'impact.
Or, il serait peut-être temps de nous arrêter et de faire un inventaire, c'est-à-dire d'évaluer le nombre de milieux humides que nous avons et quels types de végétaux et de batraciens ils contiennent. Il y a aussi toute la sauvagine, les canards, etc. Il serait intéressant de savoir ce que tous ces endroits contiennent. Sinon, si ça disparaît, nous allons peut-être regretter d'avoir perdu des espèces et des plantes.
Il ne faut pas oublier non plus qu'un bon nombre de médicaments proviennent des plantes médicinales. Les laboratoires, qui sont des multinationales, en ont besoin. On a découvert, il y a une quinzaine d'années, un médicament qui sert à traiter le cancer. L'if du Canada est nécessaire à sa fabrication, mais il faut en trouver. Il y en a en Gaspésie et dans d'autres régions. Il reste que nous allons perdre des ressources qui nous sont utiles en ce moment. Il s'agit ici d'appliquer un principe de précaution.
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C'est une excellente question.
Je crois que le premier choix demeure le pouvoir municipal, mais il faut que les milieux humides soient considérés dans la planification territoriale. Présentement, les municipalités utilisent des plans d'urbanisme. Pour leur part, les MRC, les municipalités régionales de comté, utilisent ce qu'on appelle des schémas d'aménagement et de développement. Malheureusement, les milieux humides ne constituent pas une donnée obligatoire quand on utilise ces outils de planification.
Il faut absolument que les lois provinciales ou fédérales — dépendant des provinces — imposent l'obligation aux municipalités d'intégrer la prise en considération des milieux humides dans leurs outils de développement. Cela amènerait les municipalités à repenser l'aménagement du territoire. Toutefois, il faut aussi associer cela à un appui financier et soutenir les municipalités parce que, présentement, elles ne sont financées que par les taxes municipales et ce n'est pas suffisant. Cela mène un peu à des voeux pieux parce que les taxes municipales entraînent l'augmentation du développement et de l'étalement urbain. En effet, les taxes municipales constituent les revenus des municipalités. Il faut donc revoir leur financement et revoir l'intégration des milieux humides dans la planification territoriale.
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Je voudrais d'abord remercier mes collègues conservateurs de m'avoir accordé ce temps.
D'ailleurs, je voudrais souligner qu'on est tous d'accord sur le fait qu'il est important, comme Mme Rempel l'a mentionné précédemment, de travailler pour avoir un inventaire national des milieux humides. Je suis vraiment heureux que cela figurera dans le rapport final. On a donc une entente globale à cet égard. J'aurais aimé que Mme Rempel dise quelques mots en français. Elle parle très bien le français, mais ce sera pour une autre fois parce qu'elle est très malade aujourd'hui. Je vais le lui pardonner.
J'aimerais poser deux questions qui m'apparaissent importantes et que vous avez tous les deux soulignées, à savoir les deux conseils régionaux responsables de l'environnement. D'ailleurs, ce que vous avez dit a été très intéressant et je vous remercie de votre présence.
On a un problème en ce qui concerne la valeur des milieux humides. On l'a rappelé plusieurs fois. D'après vous, quelles seraient les solutions à envisager pour prendre en considération la juste valeur des milieux humides?
Nous pourrions commencer par Mme Blais et poursuivre par la suite avec M. Garand ou Mme Bellemare.