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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 071 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 avril 2013

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance numéro 71 du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
    Nous avons aujourd'hui quatre témoins qui comparaissent tous par vidéoconférence. Je tiens à remercier tous nos témoins d'être à l'heure à leur poste pour que nous puissions commencer la séance à temps. Nous tâcherons de préciser à qui nos questions s'adressent afin de ne pas perdre de temps.
    D'autre part, je demande à ceux d'entre vous qui n'ont pas fourni le texte de leur exposé de ne pas parler trop vite afin que nos interprètes puissent les suivre.
    Nous avons le plaisir d'accueillir Arne Mooers, professeur de biologie à l'Université Simon Fraser; Kim Barrett, de Conservation Halton; Doug Chorney, président de Keystone Agricultural Producers et M. Darrell Crabbe, de la Saskatchewan Wildlife Federation.
    Nous allons commencer par Arne Mooers. Monsieur Mooers, merci de vous être levé tôt ce matin.
    Monsieur le président et membres du comité, je m'appelle Arne Mooers et je suis professeur de biodiversité à l'Université Simon Fraser. Je suis également le président du Comité de la biodiversité et de la conservation de la Société canadienne d'écologie et d'évolution, une société savante qui compte environ 1 000 membres.
    J'ai l'honneur de comparaître devant vous à titre personnel parce que j'ai un solide intérêt professionnel pour la bonne gestion de la biodiversité du Canada. J'ai déjà eu cet honneur en 2009, je crois, dans le contexte d'un rapport que nous avons rédigé à l'occasion de l'examen qui a eu lieu six ans après l'adoption de la LEP, la loi pertinente que je connais le mieux.
    La plupart des questions qui encadrent votre étude de la conservation des habitats au Canada n'ayant pas un caractère vraiment scientifique, je ne pourrais pas beaucoup vous aider à cet égard. Par exemple, je n'ai absolument rien à dire à propos des questions a), c) ou d) et je vous demanderais donc de bien vouloir ne pas m'interroger à leur sujet.
    Étant donné que M. Doug Chorney, de Keystone Agricultural Producers, est avec moi, je voudrais vous donner un exemple récent des raisons pour lesquelles nous sommes ici ce matin. Je veux parler d'une étude qui a été publiée, il y a moins d'un mois, dans un des deux plus grands journaux scientifiques au monde, Science, par un groupe de 50 chercheurs internationaux, dont certains du Canada. Cette étude présente la preuve très étonnante, du moins à mes yeux, que la pollinisation des cultures dans le monde est la meilleure là où il y a le plus d'espèces de pollinisateurs sauvages et où ces derniers sont les seuls pollinisateurs. Elle est encore meilleure lorsqu'on fait venir des abeilles mellifères pour compléter la pollinisation.
    Cela laisse clairement entendre que les habitats qui entourent les terres agricoles et les divers pollinisateurs qui y vivent apportent des avantages économiques directs à la population humaine et qu'il n'est pas facile de les remplacer.
    J'ajouterais que dans le même numéro de ce journal, il est question de la mauvaise utilisation qui est faite de la science pour prendre des décisions en matière de conservation, ce dont nous pourrons peut-être discuter davantage, et de la trajectoire générale de l'exploitation sélective des forêts. Les données sur ces enjeux importants s'accumulent de jour en jour.
     Pour ce qui est des questions soulevées ici, ma thèse est la suivante: la protection des habitats est une condition sine qua non et est absolument essentielle pour assurer une gestion efficace de la biodiversité. Néanmoins, l'efficacité de cette gestion ne peut pas se mesurer uniquement en fonction de l'importance de la protection des habitats. On ne peut pas mesurer le succès en fonction du nombre d'acres de forêt réservés pour l'exploitation sélective ou le nombre d'acres réservés pour des parcs nationaux.
    Idéalement, la gestion de la biodiversité pourrait être surveillée grâce à des intégrateurs à haut niveau des effets de la biodiversité sur l'environnement, c'est-à-dire sur la productivité, l'instabilité du sol, la séquestration du carbone et la production nette et stable de choses qui nous plaisent ou dont nous avons besoin telles que la faune et la flore, les animaux que nous pouvons chasser et pêcher, etc. Nous pourrions voir ensuite comment différents régimes de gestion se répercutent sur ces valeurs, y compris ceux qui portent sur les habitats.
    Il y a des théories au sujet de la quantité d'habitats qu'il faut préserver pour garder intacts les éléments requis de la biodiversité et ce qui se passe lorsqu'une trop grande partie de l'habitat disparaît, mais ces théories sont précisément le genre de choses dont les décideurs politiques pourraient faire un mauvais usage. Même si un grand nombre de mes collègues et moi-même voyons les avantages théoriques d'une gestion de la biodiversité basée sur l'écosystème, nous ne pouvons pas préconiser cette approche pour le moment.
    Un rapport important qu'Environnement Canada a préparé récemment pour répondre à nos obligations en vertu de la Convention sur la diversité biologique, qui s'intitulait Biodiversité canadienne: état et tendances des écosystèmes en 2010 souligne la médiocrité de notre base de données au niveau des tendances des écosystèmes. Une des 22 principales conclusions était qu'il n'y avait pas suffisamment de recherche sur les écosystèmes pour pouvoir faire des évaluations au niveau politique et que ce manque de données avait nui à l'élaboration du rapport. Les auteurs en disent un peu plus à ce sujet. Ils ont manqué de données sur des choses aussi simples et aussi importantes pour le Canada que les changements dans l'étendue des habitats côtiers et les changements dans les zones humides. Ce rapport important n'a même pas pu proposer quoi que ce soit au sujet d'aspects importants de la fonction de l'écosystème comme la pollinisation. C'était tout simplement à cause d'un manque de données. Nous ne pouvons donc pas — et je veux parler des Canadiens, du Canada — mesurer l'état et les perspectives d'avenir des écosystèmes.
    Ma première recommandation est que le gouvernement actuel du Canada et ses successeurs accordent une grande importance politique à la surveillance de tous les écosystèmes. Comme l'énonçait le rapport de 2012 de votre comité, « la nature fait partie de l'image de marque du Canada ». Nous ferions donc mieux de savoir ce qui se passe.
    Néanmoins, nous pouvons déjà mesurer les indicateurs évidents d'une bonne gestion de la biodiversité. Ces indicateurs sont notamment la situation actuelle et la tendance des espèces qui la constituent. Dans la majorité des cas, sur terre, la dégradation de l'habitat est la principale cause des menaces qui pèsent contre les espèces. On considère qu'environ 80 p. 100 des espèces sont en péril au Canada. Je m'attends à ce que d'autres témoins, peut-être Mme Barrett, de Halton, en fassent la démonstration.
    Si nous constatons qu'il y a des espèces menacées dans le paysage, cela signifie, la plupart du temps, que leur habitat est menacé. Si nous pouvons gérer les habitats afin que les espèces ne risquent pas de disparaître, nous allons probablement le faire de façon judicieuse. Le lien entre l'intégrité d'un écosystème, les services qu'il rend et le sort des espèces qui produisent cet écosystème est la principale raison pour laquelle un grand nombre de mes collègues et moi-même appuyons la mise en oeuvre complète de la LEP et de la législation complémentaire sur les espèces en péril au niveau des provinces et des territoires.
    La plupart de mes collègues et moi-même ne voyons pas d'autre solution pour le moment.
    Même si ce n'est peut-être pas ce que vous souhaitez entendre, nous sommes nombreux à croire, dans le milieu universitaire de la conservation, que la mise en oeuvre d'une législation énergique à l'égard des espèces en péril est peut-être la meilleure chose que le gouvernement fédéral puisse faire, à moyen terme, pour améliorer les efforts de conservation des habitats au Canada, dans le contexte actuel.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.

  (0855)  

    Merci beaucoup. J'apprécie que vous respectiez si bien le temps de parole alloué. Nous accordons à chacun de vous 10 minutes pour une déclaration préliminaire. J'ai omis de le mentionner tout à l'heure et j'apprécie donc que vous nous laissiez quelques minutes supplémentaires.
    Nous passons maintenant à Mme Barrett.
    Je m'appelle Kim Barrett et je suis l'écologiste terrestre principale de Conservation Halton depuis 10 ans. Avant cela, j'étais biologiste des espèces à risque au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario.
    Conservation Halton est l'une des 36 sociétés d'aménagement de l'Ontario. Les sociétés d'aménagement sont des organismes communautaires locaux qui offrent des services et des programmes visant la protection et la gestion des ressources naturelles en partenariat avec le gouvernement, les propriétaires fonciers et d'autres organismes.
    Les sociétés d'aménagement sont propres à l'Ontario. Elles se divisent le territoire en fonction des bassins hydrographiques et favorisent l'adoption d'une approche intégrée et adaptée à ceux-ci afin d'établir un équilibre entre les besoins des habitants, les besoins environnementaux et les besoins économiques.
    Pour répondre à vos questions précises, la première portait sur les types d'intervenants qui contribuent à la conservation des habitats. En définitive, les intervenants qui contribuent à la conservation des habitats sont les propriétaires fonciers, c'est-à-dire les personnes, les organismes et les sociétés à qui appartient la terre. Bien que les actions des propriétaires puissent être guidées et appuyées par différents intermédiaires, il est très difficile de les forcer à améliorer la qualité ou la quantité des habitats contre leur gré.
     Heureusement, les intermédiaires sont composés d'une multitude d'organismes diversifiés allant d'organismes nationaux comme Conservation de la nature Canada et Canard Illimités Canada à des clubs naturalistes locaux et des associations de quartier.
    Les sociétés d'aménagement de l'Ontario contribuent considérablement à l'effort de conservation des habitats de nombreuses façons. Premièrement, nous possédons, surveillons et gérons collectivement près de 146 000 hectares de terre qui fournissent un habitat à de nombreuses espèces. Deuxièmement, nous offrons des programmes de gestion pour informer et aider les propriétaires fonciers et les guider tout au long des activités de restauration effectuées sur leur propriété. Troisièmement, nous offrons des programmes de plein air éducatifs à près d'un demi-million d'enfants chaque année.
    J'ajouterais à cela que de nombreuses sociétés d'aménagement ont conclu des ententes avec les municipalités de leur territoire afin d'évaluer les répercussions des projets d'aménagement sur les caractéristiques et les fonctions du patrimoine naturel. Nos représentants participent à des équipes de rétablissement des espèces et à diverses recherches. Puisque notre mandat concerne les écosystèmes terrestres et aquatiques, nous avons adopté une approche de conservation des habitats globaliste et axée sur les écosystèmes, que peu d'organismes choisissent.
    Bien que le territoire géré par les sociétés d'aménagement ne représente que 10 p. 100 de l'Ontario, cette superficie contient plus de 90 p. 100 de la population de la province. Par conséquent, notre contribution à la conservation des habitats dans ce territoire problématique est beaucoup plus importante que notre portée géographique.
    Votre question suivante portait sur la disponibilité, les sources et la diffusion de savoirs et de compétences du domaine public en matière de conservation des habitats. De nombreux groupes spécialisés dans la conservation des habitats offrent des ressources, surtout en ligne. Par exemple, l'Ontario Invasive Plant Council a publié des lignes directrices sur le contrôle d'un certain nombre d'espèces de plantes envahissantes.
    Les stratégies et plans d'action de rétablissement des espèces en péril en place suggèrent des mesures adoptées pour améliorer l'état des habitats pour une espèce donnée.
     De nombreux organismes environnementaux régionaux, comme les sociétés d'aménagement et la Carolinian Canada Coalition, offrent des ateliers d'orientation aux propriétaires fonciers locaux sur les différents aspects de la conservation des habitats.
    La grande partie de l'information sur laquelle sont fondées les mesures de conservation sur le terrain se transmet de bouche à oreille et provient de l'expérience directe des autres intervenants. Les naturalistes de longue date sont de fins observateurs et possèdent de grandes connaissances dont la pertinence et l'application pratique surpassent souvent celles des études publiées.
    Il existe un écart entre la littérature spécialisée et les pratiques de conservation des habitats, et l'information met souvent du temps à se transmettre. La plupart des organismes de conservation n'ont pas les ressources nécessaires pour accéder à la littérature et, en réalité, celle-ci ne contient peut-être pas les réponses aux questions que se posent les intervenants. Il est très difficile et coûteux d'effectuer des recherches sur la conservation des habitats à l'échelle du territoire et sur une période appropriée du point de vue de l'écologie, plus particulièrement dans le cas d'espèces ayant une grande espérance de vie, comme les tortues et certaines espèces d'oiseau.
    Il y aurait lieu que les scientifiques du gouvernement fédéral comblent l'absence d'études à long terme axées sur les écosystèmes, qui étaient auparavant menées dans la Région des lacs expérimentaux.
    Dans mon mémoire, je parle d'un rapport d'Environnement Canada intitulé Quand l'habitat est-il suffisant? Une autre initiative que je voudrais mentionner brièvement est le Réseau d'évaluation et de surveillance écologiques ou RESE qu'Environnement Canada a coordonné de 1994 à 2010. Ce programme a joué un rôle de premier plan pour coordonner les efforts de surveillance environnementale dans l'ensemble du pays et a facilité l'échange de données grâce à des protocoles normalisés et une surveillance scientifique exercée par les citoyens. Il est regrettable que ce programme ait perdu son financement, car il est difficile de prendre des décisions au sujet de l'efficacité de la conservation des habitats sans surveiller les résultats de nos efforts.
    Vous avez demandé quels étaient les groupes de conservation des habitats les plus efficaces et les mesures qu'ils prenaient. Les groupes de conservation des habitats les plus efficaces sont ceux qui jouissent d'un grand soutien de la communauté et ceux qui mènent de vastes consultations auprès des personnes et organismes concernés pour obtenir le soutien de nombreuses sources.
    Pour citer un exemple local, le Cootes to Escarpment Ecopark System, situé à Hamilton et à Burlington, est le fruit d'une collaboration entre dix organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui se sont donné pour objectif de protéger, de rétablir et de relier plus de 2 000 hectares de terres naturelles situées à l'ouest du lac Ontario. L'initiative a été créée de manière à coordonner les activités de gestion déployées dans un certain nombre de secteurs protégés appartenant à différents organismes, notamment le Conservation Halton, la société d'aménagement de Hamilton, les Royal Botanical Gardens et le Bruce Trail Conservancy. Ce secteur est un point névralgique au chapitre de la biodiversité et on y trouve près du quart de la flore indigène du Canada et 50 espèces en péril. L'Ecopark System est un réseau coordonné d'habitats qui tient compte tant de l'activité humaine que de la faune.

  (0900)  

    Le club de naturalistes de Hamilton, l'un des partenaires de l'Ecopark System est, depuis sa création en 1919, un modèle en ce qui concerne les efforts de conservation des habitats. En 1962, le club est devenu le premier organisme bénévole à acquérir de grands espaces pour en faire des sanctuaires naturels. Il possède aujourd'hui cinq sanctuaires sur plus de 300 acres et jouit du soutien de plus de 500 membres dévoués.
    Votre quatrième question porte sur la définition des terres protégées. Habituellement, une terre protégée est une terre appartenant à un organisme public ou à un organisme non gouvernemental qui a pour mandat d'en assurer la conservation, par opposition aux terres privées, qui peuvent être altérées au gré de leur propriétaire. L'utilisation de servitudes de conservation peut être très efficace, mais il faut pour cela avoir le bon type de propriétaire selon le type de terre. Les servitudes n'offrent pas autant de flexibilité que la propriété, et cette réalité peut avoir des conséquences puisque l'état des espèces change avec le temps.
     Il n'y a pas si longtemps, les prés et les prairies étaient considérés comme des secteurs où il fallait planter des arbres afin d'améliorer leurs avantages écologiques. Toutefois, en raison du déclin des espèces vivant dans ces milieux, comme le goglu des prés et la sturnelle des prés, et de la plus grande appréciation de l'importance des taxons inférieurs comme les papillons et les libellules, l'utilisation optimale des terres protégées ne se décline plus de la même façon.
    En Ontario, le concept de création d'habitat de réserve semble percer comme solution pratique pour appuyer la conservation des habitats des espèces en péril. Il s'agit d'un système fondé sur le marché dans lequel un promoteur dont le projet entraînera l'élimination d'un habitat achète des crédits d'une banque, qui utilise ces fonds pour rétablir l'habitat dans un autre endroit. L'avantage de ce système est qu'il offre une certitude aux promoteurs tout en créant des occasions de renforcer et d'appuyer les habitats essentiels les plus susceptibles d'avoir une valeur de conservation à long terme.
    Vous avez demandé comment les pratiques exemplaires de gestion et d'intendance se comparent avec les mesures normatives ou prescrites par le gouvernement. À mon avis, elles vont de pair. La majorité du travail sur le terrain s'accomplit par des efforts de gestion à l'échelle locale, mais ceux-ci sont appuyés par des mesures et des programmes gouvernementaux, plus particulièrement lorsque ces programmes comprennent des incitatifs financiers.
    Par exemple, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement de l'Ontario ont mis sur pied des programmes de financement pour les espèces en péril, une mesure qui assure un soutien indispensable aux efforts de conservation des habitats. Les pratiques de gestion exemplaires sont bonnes, mais elles ne sont généralement pas suffisantes pour mettre un frein au déclin des espèces en péril touchées par les perturbations de leur habitat. Il faut adopter des mesures gouvernementales normatives qui visent au-delà même du statu quo, en rétablissant les espèces. Par exemple, selon le paragraphe 17(2) de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l'Ontario, il faut démontrer qu'il existe un avantage plus que compensatoire pour l'espèce visée afin d'obtenir un permis.
    Avec un bon avocat et beaucoup d'argent, il est possible de contourner les failles et les lacunes des lois environnementales, mais si le propriétaire foncier a à coeur la conservation, il prendra les bonnes décisions, peu importe ce que lui impose la loi.
    Pour terminer, vous avez demandé comment le gouvernement fédéral pourrait accroître les efforts déployés en matière de conservation des habitats au Canada. Ma première suggestion est qu'il faut acquérir davantage de terres et les réserver aux fins de conservation. Il ne se créera pas de nouveaux espaces et il faut affronter l'évidence dont personne ne parle, soit la croissance démographique, plus particulièrement dans la région du Grand Toronto. La perte et la dégradation des habitats sont de loin les principales menaces qui planent sur les espèces en péril. Si l'on observe une carte, on remarque que les endroits où se trouve la plus forte concentration d'espèces en péril correspondent aux régions les plus habitées du pays et où se trouvent probablement le moins de parcs nationaux. La conservation de certaines espèces et de certains habitats pourrait ne pas être compatible avec d'autres utilisations de la terre, c'est pourquoi il est essentiel de prendre des mesures de zonage éclairées et d'effectuer des évaluations constantes des secteurs protégés pour s'assurer d'atteindre les objectifs de gestion.
    Ma deuxième recommandation est d'examiner l'utilisation stratégique du concept d'habitat de réserve pour financer les projets de rétablissement et appuyer financièrement les intervenants locaux qui participent déjà activement à la protection et au rétablissement des habitats. Le fait est que les efforts de conservation des habitats, à plus forte raison dans une région où les propriétés foncières sont privées, individuelles et de taille relativement petite, doivent être déployés à l'échelle locale, un propriétaire à la fois. Nous nous butons parfois à une fatigue des propriétaires en raison du grand nombre de groupes qui les aborde pour faire valoir des intérêts quelque peu divergents. Pour obtenir la confiance de ces propriétaires, il est impératif que les intervenants de la conservation de tous les secteurs collaborent afin de livrer un message coordonné.
    Ma dernière recommandation est d'améliorer la communication des renseignements scientifiques au public pour en assurer la compréhension et la transparence et promouvoir la conservation des habitats dans les principaux médias. Il est absolument essentiel d'établir des liens entre l'environnement et l'économie: l'un dépend de l'autre. En Ontario, on a déployé des efforts considérables pour faire connaître, au sein de l'économie et de la société en général, la valeur réelle des biens et services écologiques. Un virage culturel important est nécessaire pour que l'on en vienne à comprendre et à accepter le lien entre notre bien-être et celui de la nature qui nous entoure.
     Je terminerais en citant le poète et naturaliste sénégalais Baba Dioum qui a dit: « En définitive, nous ne conservons que ce que nous aimons. Nous n'aimons que ce que nous comprenons. Nous ne comprenons que ce qui nous est enseigné ».
    Merci.

  (0905)  

    Merci, madame Barrett.
    Vous avez pris exactement 10 minutes. Je l'apprécie. Je vous remercie également d'avoir remis au comité un mémoire écrit. Cela nous est très utile pour nous reporter à vos propos.
    Nous passons maintenant à M. Doug Chorney, de Keystone Agricultural Producers.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour aux autres témoins et aux membres du comité. C'est un plaisir d'être ici.
    Je suis le président de Keystone Agricultural Producers, la plus importante organisation agricole du Manitoba. Nous représentons 7 000 familles agricoles et 19 groupes de produits de base de la province. Le Manitoba doit 5 p. 100 de son PIB à l'agriculture. Les secteurs reliés à l'agriculture sont ceux de la transformation des aliments et des boissons, de la fabrication agroalimentaire, de la transformation à valeur ajoutée et du transport.
    Le Manitoba a une superficie agricole totale de 18 millions d'acres dont 12 millions sont des terres de culture. La politique de KAP est très claire en ce qui concerne les espèces en péril. KAP estime que les agriculteurs et les propriétaires fonciers devraient être entièrement dédommagés pour toutes les mesures qu'ils prennent et les pertes qu'ils subissent pour protéger les espèces en péril sur leur propriété comme l'exige la loi.
    Par conséquent, qui sont les intervenants? Bien entendu, ce sont les agriculteurs, les détaillants agricoles, les marchands et fabricants de matériel agricole, les résidents des régions rurales, les districts de conservation, les écologistes et les environnementalistes, les chasseurs, les pêcheurs et les premières nations.
    Qui sont les groupes d'intervenants concernés au Manitoba? Ce sont la Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba, l'Institut international du développement durable, Conservation de la nature Canada, Canards Illimités, Delta Waterfowl et l'Association des districts de conservation Manitoba. On doit à ces groupes la majorité des connaissances diffusées publiquement au sujet de la conservation des habitats.
    Quelle est donc la situation actuelle, ici, au Manitoba? Depuis 2005, 6 462 agriculteurs du Manitoba ont établi des plans agroenvironnementaux qui couvrent plus de 8,8 millions d'acres. Le programme de plans agroenvironnementaux améliore l'utilisation des terres et prévoit aussi des incitatifs financiers et des pratiques de gestion bénéfiques visant à atteindre les objectifs environnementaux.
    De plus, au cours de l'année écoulée, nous avons commencé à mettre sur pied le programme 4R Manitoba. Keystone Agricultural Producers, l'Institut canadien des engrais et le gouvernement du Manitoba sont signataires d'un protocole d'entente pour la mise en oeuvre du programme 4R de gérance des nutriments non seulement pour les producteurs de bétail, mais également pour les producteurs de grandes cultures qui utilisent des engrais synthétiques. Le but visé est de protéger les cours d'eau et les écosystèmes du Manitoba contre les ruissellements de nutriments.
    En 2006, KAP a conclu un partenariat avec Delta Waterfowl pour offrir le programme ALUS aux producteurs de la province. Dans le cadre de ce programme, les agriculteurs ont obtenu des paiements pour protéger les terres de conservation. Cela leur a permis de fournir divers services environnementaux notamment à l'égard de l'habitat de la faune et des pollinisateurs, de l'amélioration de la qualité de l'eau, de l'amélioration de la qualité de l'air et de la séquestration du carbone. Le succès du programme peut se constater en Alberta, en Ontario, dans l'Île-du-Prince-Édouard et, plus récemment, en Saskatchewan.
    Pour l'agriculture et la conservation de l'habitat, les agriculteurs sont les intendants de la terre parce que leur entreprise l'exige. Ils sont également les mieux placés pour gérer les habitats dans lesquels ils vivent. Les habitats ont perdu du terrain dans les zones agricoles. Les terres les plus variées sur le plan écologique sont souvent les plus productives sur le plan agricole. Dans bien des cas, les pratiques des producteurs sont examinées à la loupe tandis que les résidences urbaines peuvent polluer en toute impunité.
    Le gouvernement a pour rôle d'offrir des solutions complètes et réalistes au paradoxe auquel sont confrontés les agriculteurs. Ils sont chargés de créer des débouchés économiques et de nourrir les populations en cultivant la terre, tout en ayant la responsabilité de limiter toute perte causée par la perturbation du paysage naturel. La réglementation excessive imposée aux agriculteurs ne donne pas toujours les meilleurs résultats sur le plan des efforts de conservation. Souvent, la réglementation n'est pas assez souple pour tenir compte des différences importantes d'une exploitation agricole à l'autre. D'autre part, il arrive fréquemment qu'elle ne soit pas vraiment applicable
    J'ajouterais que ma famille cultive les mêmes terres, au Canada, depuis 110 ans. Au cours de cette période 110 ans, nous n'avons pas bougé et nous continuons de produire nos récoltes de façon durable dans les terres sur lesquelles nous nous sommes établis au départ.
    En ce qui concerne nos recommandations, nous avons constaté que les programmes d'éducation et d'incitatifs donnent des résultats plus positifs, car ils permettent aux producteurs de voir quelles sont les possibilités d'action les plus rentables. Les programmes incitatifs comme ALUS et le programme de plans agroenvironnementaux récompensent les pratiques exemplaires et génèrent une culture de coopération entre les agriculteurs, le gouvernement et les habitats.

  (0910)  

    Nous devons accorder des valeurs réalistes aux biens et services écologiques et fournir les outils voulus pour la promotion des services. Les efforts ne doivent pas porter obligatoirement sur la perte de terres, mais plutôt sur le paysage, l'écosystème et les incitatifs axés sur les habitats. Nous devons favoriser le dialogue entre les groupes d'intervenants, les propriétaires fonciers, les producteurs et les gouvernements. Le Canada a besoin d'un paysage agricole. La richesse et la beauté de notre pays constituent un trésor national dont nous pouvons tous bénéficier. Grâce à une bonne gestion, nous pouvons réussir à atteindre nos objectifs de conservation tout en assurant des avantages économiques aux générations à venir. Je suis fier du rôle que l'agriculture peut jouer pour contribuer à l'avenir de l'environnement.
    Je voudrais parler un peu du programme ALUS, même si c'est peut-être un peu répétitif pour le comité étant donné que nous en avons déjà parlé. ALUS paie les agriculteurs pour reconstruire les écosystèmes naturels. Il réhabilite les processus de survie pour la filtration et la purification de l'eau ainsi que le cycle des nutriments et la séquestration du carbone. Les avantages naturels sont notamment de l'air et de l'eau propres, des habitats pour le poisson, la flore et la faune et les espèces en péril ainsi qu'une production alimentaire viable dans le paysage agricole.
    Dans le cadre du programme ALUS, les agriculteurs conservent et restaurent des caractéristiques essentielles telles que les terres humides, les ruisseaux, les rives, les graminées indigènes des hautes terres, les arbres et les habitats très particuliers comme la prairie d'herbes hautes. Ils aident à restaurer la biodiversité des amphibiens et des espèces pollinisées indigènes.
    Chaque projet ALUS a ses caractéristiques particulières, mais le programme repose sur les principes opérationnels suivants:
    Premièrement, il est facultatif. Les agriculteurs choisissent d'y participer. On leur rembourse une partie de leurs coûts de démarrage, généralement de 50 à 100 p. 100. Dans la plupart des cas, ils reçoivent également un paiement annuel pour leurs résultats à l'achèvement du programme.
    Deuxièmement, il y a un plafonnement. Souvent, les agriculteurs participent au programme pour leurs terres cultivées, mais les terres boisées sont exclues, car elles ne seraient pas directement touchées.
    Troisièmement, c'est intégré dans le système. Aucun effort n'est épargné pour intégrer les projets dans les programmes existants tels que l'assurance-récolte, les services de développement agricoles, le plan officiel du comté, la protection des sources d'eau, les programmes d'incitatifs pour les pratiques de gestion bénéfiques et les programmes de conservation publics et privés.
    Quatrièmement, c'est ciblé. La gérance porte en priorité sur les zones écosensibles. Les terres fragiles ou marginales peuvent être retirées de la culture ou cultivées de façon différente pour améliorer l'environnement comme le propriétaire foncier propose de le faire dans le cadre de son plan agroenvironnemental. Les caractéristiques naturelles telles que les terres humides et les hautes terres associées ou d'autres combinaisons de services écologiques particuliers ont la préférence.
    Cinquièmement, c'est souple. Les agriculteurs signent une entente de trois ans; néanmoins, ils gardent la possibilité de se désister tous les trois ans pour tenir compte de l'évolution de leur situation économique. En pareil cas, les paiements versés pour les coûts de démarrage et les services écologiques doivent être remboursés.
    Pour terminer, en ce qui concerne le commerce extérieur, le projet ALUS doit être neutre sur le plan de la production et se conforme donc aux règles commerciales.
    Voilà qui termine mon exposé.
    Merci beaucoup, monsieur Chorney et je vous remercie de revenir sur la stratégie de diversification des modes d'occupation des sols pour un bon nombre des membres du comité. Étant donné le roulement au sein du comité, il est toujours utile qu'on nous rappelle les différents programmes existants que tout le monde ne connaît peut-être pas.
    Nous passons maintenant à M. Darrell Crabbe, le directeur général de la Saskatchewan Wildlife Federation.

  (0915)  

    Je voudrais d'abord vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité permanent. Je pourrais peut-être vous présenter de façon assez concrète les programmes de préservation des habitats et autres programmes concernant les habitats.
    La Saskatchewan Wildlife Federation représente 32 000 membres et 121 sections répartis dans l'ensemble de la Saskatchewan. Nous sommes une organisation surtout rurale étant donné que 93 p. 100 de nos membres vivent à l'extérieur des deux grandes villes de la Saskatchewan soit Regina et Saskatoon.
    Notre programme de fiducie pour les habitats a commencé il y a 32 ans. Nous sommes actuellement propriétaires de 62 000 acres d'habitats d'une importance cruciale pour la faune dans notre province. Nous avons des accords de conservation touchant 300 000 acres supplémentaires avec des propriétaires fonciers. Nous détenons des servitudes de conservation sur environ 9 000 acres dans la province. Nous gérons aussi un grand nombre d'autres parcelles pour le compte d'autres ONG et du gouvernement provincial. D'autre part, nous sommes des participants très actifs et des partenaires du programme ALUS en Saskatchewan.
    Pour répondre à vos questions, nous laisserons à d'autres le soin de répondre à trois d'entre elles, soit les questions a), d) et e), mais nous voudrions répondre à la question b) : « Le Canada dispose-t-il de savoirs et de compétences de domaine public en matière de conservation des habitats? Quelles sont les sources de cette information et comment est-elle communiquée? »
    Il y a beaucoup de savoirs et de compétences de domaine public en matière de conservation des habitats. Je préciserais toutefois que, de l'avis général, le gouvernement fédéral reconnaît seulement les organismes nationaux actifs dans ce domaine et non pas ceux qui opèrent au niveau provincial.
    Pour répondre à la question c): « Quels groupes ou organismes s'occupant de conservation des habitats sont les plus efficaces et quelles mesures prennent-ils à cet effet? » Je dirais, bien sûr, que ce sont surtout les organismes provinciaux. D'après notre expérience, les efforts de conservation sont beaucoup mieux appuyés lorsqu'ils sont faits au niveau communautaire, car cela favorise l'engagement, qu'un programme national auquel les collectivités ou leurs membres n'adhèrent pas.
    La question f) demande: « Comment le gouvernement fédéral pourrait-il accroître les efforts déployés en matière de conservation des habitats au Canada? » Premièrement, nous estimons qu'il faudrait faire en sorte que les futurs programmes de conservation soient élaborés de façon à être accessibles au niveau communautaire et pas seulement réservés aux organismes nationaux ou internationaux dont les efforts de conservation ne sont généralement pas partagés par tous les résidents… et qu'ils fournissent des protocoles réalistes à l'égard des possibilités ou des modèles de financement ainsi que des délais réalistes pour l'approbation et l'octroi du financement.
    J'ajouterais que la portée de l'étude du comité est, dit-on, de « trouver par quels moyens le Plan de conservation national pourrait compléter et améliorer les efforts déployés pour la conservation des habitats ». Je ferais remarquer que la Saskatchewan Wildlife Federation a cessé d'essayer d'obtenir un financement fédéral pour ses efforts de conservation des habitats terrestres ou aquatiques.
    Ayant été confrontée à des tracasseries administratives que nous jugeons déraisonnables, des mécanismes d'approbation à niveaux multiples et des délais décisionnels se chiffrant en mois et non pas en semaines, notre organisation a estimé qu'il ne serait pas réaliste d'envisager de se prévaloir des possibilités de financement pour nos programmes de conservation.
    Nous dirions qu'il n'est pas nécessaire de redécouvrir la roue étant donné qu'il y a déjà en Saskatchewan, et cela depuis 30 ans, des programmes et des protocoles permettant de s'assurer que les programmes sont suivis et donnent des résultats. Il s'agit du Fish and Wildlife Development Fund.
    Ce système prévoit les délais d'approbation et les directives nécessaires pour en faire un programme très efficace. De plus, comme ce programme est dispensé au niveau des collectivités locales, nous avons pu préserver les habitats pour beaucoup moins cher que les organismes nationaux, et les membres de la collectivité adhèrent au programme, l'apprécient et renforcent la protection des habitats en question.
    Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de parler au comité de cette question fondamentale pour la qualité de vie des résidents de la Saskatchewan et du Canada.
    La dernière chose que j'ajouterais est que nous participons aussi actuellement à une vaste étude du modèle de connectivité qui a été entreprise ici, en Saskatchewan et qui est financée par un programme Go Green du gouvernement provincial. Comme on l'a dit, le programme ALUS semble donner d'excellents résultats dans notre province.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Crabbe.
    Je voudrais maintenant remercier notre personnel technique, nos spécialistes de la TI, pour la qualité de la connexion vidéo d'aujourd'hui. Je ne sais pas exactement à qui nous devons cela, mais je crois important que le comité reconnaisse la contribution du personnel à la réussite de notre séance d'aujourd'hui.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité qui ont droit à des tours de sept minutes.
    Je rappelle aux membres du comité de bien vouloir adresser chaque question à un témoin précis afin que nous ne perdions pas de temps à établir qui répondra. Bien entendu, si vous voulez passer d'un témoin à un autre au cours de vos sept minutes, vous pouvez le faire.
    Nous allons commencer par M. Sopuck.
    Je remercie infiniment nos témoins.
    Monsieur Crabbe, vous avez parlé du Fish and Wildlife Development Fund. D'où vient cet argent?

  (0920)  

    Trente pour cent de la totalité des droits de permis pour la chasse, la pêche récréative ou le piégeage sont versés dans ce fonds. Le fonds est géré par un comité directeur composé de sept organismes représentatifs de la Saskatchewan.
    Ce fonds repose sur trois piliers différents, si vous voulez: la préservation des habitats, l'amélioration des pêcheries et l'éducation du public au sujet des habitats, des pêcheries et du plein air.
    Je comprends bien et je crois important que le comité et les Canadiens sachent que ce sont les chasseurs et les pêcheurs qui fournissent l'argent nécessaire pour la préservation des habitats dans l'intérêt de toute la société. Je suis convaincu que l'on oublie souvent le rôle que les chasseurs et les pêcheurs jouent dans la conservation en tant que ses principaux acteurs. Vous serez certainement de cet avis, monsieur Crabbe.
    Madame Barrett, vous avez dit que l'achat de terres pour préserver les habitats essentiels représente un élément important d'un programme de conservation. Comme vous le savez, notre gouvernement verse de 20 à 25 millions de dollars par année à Conservation de la nature Canada et Canards Illimités justement pour cela.
    Appuyez-vous ce programme, madame Barrett?
    J'appuie certainement tout programme qui finance l'achat de terres importantes sur le plan écologique, surtout dans le sud de l'Ontario où le prix des terres est astronomique. Toute aide que nous pouvons recevoir sur le plan financier pour acquérir ces terres nous sera utile.
    Je sais que M. Chorney a certaines inquiétudes au sujet de ce programme, comme ceux d'entre nous qui possèdent des terres. Néanmoins, c'est un exemple de programme dans lequel le gouvernement fédéral investit de l'argent et qui donne d'importants résultats.
    Madame Barrett, vous avez parlé du rôle que le gouvernement joue sous la forme de mesures normatives. Néanmoins, les programmes gouvernementaux peuvent être basés soit sur des incitatifs soit sur une réglementation. Étant donné que vous travaillez surtout dans le paysage privé avec des organismes de conservation que vous représentez, que préférez-vous, l'approche réglementaire ou l'approche incitative?
    Je dirais que les deux ont leur place et que cela dépend du genre de propriétaire foncier dont vous parlez. En général, dans le milieu agricole, les incitatifs sont une bien meilleure solution. Les agriculteurs savent déjà ce qui se passent dans leurs terres. Un grand nombre d'entre eux gèrent ces terres depuis des années. Ils savent ce qu'ils devraient faire. Ils veulent agir pour le mieux, mais souvent, tout ce qui leur manque, ce sont les ressources financières leur permettant de mettre en oeuvre des projets de conservation des habitats sur leurs terrains.
    La réglementation constitue néanmoins un élément important. L'inscription sur la liste des espèces en péril est la première chose. Cela déclenche l'ouverture des sources de financement pour permettre aux propriétaires fonciers d'avoir accès à des fonds qui ne seraient pas à leur disposition s'ils n'avaient pas d'espèces en péril sur leurs terres — du moins pour certaines sources de financement.
    Merci.
    Monsieur Chorney, je voudrais poursuivre sur la comparaison entre la réglementation et les incitatifs. Si la réglementation que prévoit la LEP était entièrement mise en oeuvre dès maintenant, menacerait-elle le droit de propriété et ferait-elle de la possession d'un habitat pour une espèce indigène qui se trouverait dans votre exploitation, par exemple, un inconvénient plutôt qu'un avantage?
    Pourriez-vous répondre à cela, monsieur Chorney?
    Oui, je suis d'accord avec cette conclusion. Si ces mesures sont entièrement mises en oeuvre, ce sera une source d'inquiétude et un inconvénient. Nous avons besoin, en pratique, d'une approche de conservation des habitats qui soit réaliste pour les personnes qui exploitent ces terres et qui en sont responsables.
    Pour continuer dans la même veine, comment pourrions-nous faire des habitats des espèces en péril situés dans les terres privées un avantage plutôt qu'un inconvénient pour le propriétaire foncier? Comment le faire?
    Il faudrait accorder une certaine valeur à ce service. Une approche du genre ALUS accordant au propriétaire un incitatif financier pour fournir un habitat serait la meilleure solution. L'habitat deviendrait alors un avantage plutôt qu'un inconvénient. Nous savons que les habitats auxquels les gens peuvent accéder en venant dans votre ferme représentent des débouchés touristiques. C'est un important débouché économique.

  (0925)  

    Étant donné le rôle que le gouvernement fédéral joue dans la politique agricole au Canada, monsieur Chorney, préconiseriez-vous de modifier la politique agricole afin que des programmes de conservation sur les terres privées reposant sur des incitatifs fassent partie de la politique agricole du Canada?
    Oui. Cela me semble tout à fait logique. Nous pouvons faire la comparaison avec les plans agroenvironnementaux et la politique qui guidait ce programme. Quand les producteurs se sont lancés dans les plans agroenvironnementaux, il y a 12 ans, c'était relativement nouveau, mais cela montre qu'en appliquant les bonnes politiques et des systèmes fondés sur des incitatifs, vous pouvez changer la façon dont les gens exploitent leurs fermes et gèrent leur environnement.
    Étant donné que vous parlez régulièrement à d'autres dirigeants agricoles des quatre coins du pays, pensez-vous que le milieu agricole et les regroupements d'agriculteurs peuvent accepter un programme de conservation fondé sur des incitatifs?
    Certainement. Je sais que c'est le cas. Le programme ALUS a été lancé dans une certaine mesure au Manitoba, et a eu du succès un peu partout dans le pays. Je rencontre souvent non seulement les autres agriculteurs, mais aussi les bureaucrates et la fonction publique. Je sais que le sous-ministre de l'Île-du-Prince-Édouard m'a dit que sa province avait conçu son programme à partir de la leçon tirée de l'expérience manitobaine. C'est sans aucun doute une idée très répandue et qui plaît, je pense.
    Merci.
    Merci, monsieur Sopuck, monsieur Chorney et les autres témoins qui ont répondu aux questions.
    C'est maintenant au tour de M. Pilon.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Permettez-moi de préciser une chose à tous les témoins. Il se peut que vous ayez besoin de l'interprétation ou que vous soyez entièrement bilingue. Si c'est le cas, très bien, mais M. Pilon va probablement poser sa question en français.

[Français]

    Je remercie tous les témoins.
    Je voudrais d'abord poser une question à Mme Barrett.
     Sur votre site Web, on dit que les bassins versants de Conservation Halton sont notamment composés de riches milieux humides. Lors de la dernière séance du comité, un des témoins nous a mentionné que les milieux humides détruits mettaient des années à se régénérer naturellement. Nous savons que ces milieux humides sont également très riches en raison de la biodiversité qui s'y trouve.
     Croyez-vous, lorsqu'on parle de conservation d'habitats, que la conservation des milieux humides devrait être une priorité dans le plan de conservation?

[Traduction]

    Oui, je crois que la conservation des terres humides devrait être une priorité. Un certain nombre d'espèces dépendent des terres humides pendant la totalité ou une partie de leur cycle de vie. Ce sont les amphibiens, les canards, les insectes, et la liste est longue. Dans le sud de l'Ontario, nous avons perdu des terres humides à un rythme absolument effarant. Il est donc important, je crois, de centrer les efforts sur la conservation des habitats des terres humides, d'autant plus que ces terres fournissent aussi un grand nombre de biens et services écologiques importants en filtrant l'eau, en atténuant les inondations, etc. L'investissement dans la conservation des terres humides est très rentable.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Crabbe, vous avez reçu 10 000 acres de terre et en avez acquis 50 000 autres pour consacrer des efforts à la conservation des habitats.
     Quels sont les résultats? Avez-vous obtenu des résultats concrets?

[Traduction]

    Voulez-vous savoir si nous mesurons les résultats de notre préservation des habitats?
    Oui.
    Oui, nous le faisons. Tous les deux ans, nous procédons à un examen de nos terres pour voir quelle est l'efficacité des mesures prises. Étant donné les cycles météorologiques que nous avons en Saskatchewan, cela peut… Par exemple, l'année dernière, nous avons connu une grande sécheresse et vous avez probablement entendu dire que cette année serait une bonne année pour aménager des arches dans notre province. Par conséquent, nous faisons cela tous les deux ans pour essayer de comprendre quelle est la contribution de ces terres à la biodiversité et aux espèces en péril.

[Français]

    Ces résultats sont-ils positifs ou négatifs, pour le moment?

  (0930)  

[Traduction]

    Ils sont excellents. Nous sommes très satisfaits du modèle « Building into our landscape » que nous avons lancé ici avec Go Green et nous allons surveiller nos terres chaque année au cours des prochaines années. Néanmoins, nous sommes tout à fait enthousiasmés par les possibilités ou les fonctions que créent ces biens fonciers.

[Français]

    Merci.
    Je vais revenir à Mme Barrett.
     Sur votre site Web, on dit ceci: « Les terres protégées du bassin versant représentent un patrimoine naturel important qui doit être protégé afin que les générations futures puissent en jouir. »
     Lors des deux dernières séances du comité, au moins deux groupes des Premières Nations ont sensiblement tenu le même discours, non seulement sur la protection des terres, mais également sur la façon d'exploiter les ressources naturelles qui s'y trouvent, le but étant que le processus d'exploitation se fasse dans un contexte assurant la pérennité des milieux forestiers, des ressources naturelles ainsi que de la faune terrestre et aquatique qui s'y trouvent.
     Croyez-vous qu'un plan de conservation des habitats doit effectivement chercher à atteindre les buts mentionnés afin d'être réellement efficace?

[Traduction]

    Je répondrais à cette question en parlant de la façon dont nous procédons à l'aménagement du territoire dans le sud de l'Ontario.
    En général, les municipalités doivent préparer une étude du sous-bassin hydrographique. Cela tient compte d'une multitude d'aspects du paysage — soit l'écologie terrestre, l'écologie aquatique, la topographie et la géologie — et c'est une étude multidisciplinaire qui associe toutes les disciplines de l'écologie avec l'ingénierie, examine la viabilisation et tient compte de l'écosystème pour planifier la meilleure utilisation possible des terres.
    Dans le meilleur des cas, le processus fonctionne en réservant un système de patrimoine naturel, en établissant quelles sont les principales zones qui constituent l'habitat essentiel des espèces et en veillant à ce que le système soit relié de façon à ce que lorsqu'une région s'urbanise, les liens naturels continuent d'exister. Une fois que le système de patrimoine naturel est délimité, nous pouvons envisager des options pour l'aménagement des terres.
    Au niveau local, nous avons déjà commencé à tenir compte de l'écosystème pour l'aménagement du territoire.

[Français]

     Ma prochaine question s'adresse à M. Mooers.
     En tant que spécialiste de la biologie, pourriez-vous me dire quels sont, à votre avis, les moyens les plus efficaces de conserver les habitats?

[Traduction]

    Bonjour.
    Vous avez entendu parler, je pense, des moyens les plus efficaces de conserver les terres. Il faut une réglementation, il faut l'adhésion du public, il faut de la souplesse. Tous ces éléments doivent être réunis.
    En tant que biologiste, je crois que vous devez mesurer les résultats et qu'il faut une protection réglementaire. Je dirais que ce sont les deux principales exigences.

[Français]

    Vous venez de parler de réglementation, et j'aimerais justement savoir comment, à votre avis, le gouvernement fédéral pourrait améliorer les mesures de conservation des habitats au Canada.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit clairement, je pense, dans ma déclaration préliminaire, si la Loi sur les espèces en péril, la LEP, n'est pas vraiment mise en oeuvre, nous n'atteindrons pas l'objectif que votre comité a fixé, les objectifs de la CDB, les objectifs d'Aichi démontrant une bonne gérance de la biodiversité.
    Merci, monsieur Pilon.
    Nous passons maintenant à M. Woodworth qui dispose de sept minutes.
    Monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Le sujet d'aujourd'hui est très complexe et extrêmement fascinant.
    Je voudrais poser certaines questions à Mme Barrett. Vu la région dont je viens, je tiens à vous dire que j'apprécie vivement ce que la Grand River Conservation Authority fait là-bas. C'est vraiment un chef de file de la conservation des habitats et cela au beau milieu d'une région extrêmement métropolitaine. Je suis certain que votre organisme fait un travail comparable et je tiens à vous en remercier.
    Je voudrais vous questionner au sujet de la publication d'Environnement Canada dont vous faites mention dans votre mémoire Quand l'habitat est-il suffisant? car elle répond à notre question b) au sujet des savoirs et compétences du domaine public en matière de conservation des habitats. Comme j'ai déjà pris trop de temps, je vous demanderais, si possible, de me décrire de façon concise ce qu'Environnement Canada prévoit dans cette publication.

  (0935)  

    La publication initiale date de 1998. Au départ, elle portait sur les secteurs préoccupants des Grands Lacs. Elle établissait des objectifs précis pour des choses comme la couverture forestière, le pourcentage de berges végétalisées naturellement, le pourcentage de terres humides, ce genre d'objectifs. Le principe était que si ces cibles étaient atteintes pour les différents types d'habitats, l'ensemble de la biodiversité serait préservé dans ces secteurs.
    Les lignes directrices ont été mises à jour au début des années 2000. Leur version la plus récente vient d'être publiée il y a quelques semaines; il y a eu trois mises à jour.
    Quand nous procédons à l'aménagement du bassin versant, nous nous reportons à ces directives pour voir quels genres d'objectifs nous devons viser pour le travail de rétablissement. Ces lignes directrices ont été vraiment bien accueillies.
    Donnent-elles également des conseils techniques ou scientifiques quant aux mesures qui pourraient être prises pour atteindre les objectifs?
    Il s'agit avant tout d'une recension de la littérature sur les pratiques exemplaires qui décrit différentes études de cas: ceux où les pourcentages visés ont été atteints, le genre de biodiversité auquel vous pouvez vous attendre.
    J'émettrais quelques réserves. Les lignes directrices sont centrées sur les populations qui intéressent le gouvernement fédéral — soit les oiseaux migrateurs et ce genre de choses. Néanmoins, elles contiennent des choses intéressantes pour la faune qui relève des provinces, par exemple les reptiles et les amphibiens, ce genre d'espèces.
    Excellent. Vous en parlez comme d'une ressource extrêmement utile et je suis toujours content lorsqu'on reconnaît les mérites du gouvernement et surtout d'Environnement Canada.
    Je voudrais maintenant parler avec vous des accords de conservation qui, d'après ce que je peux voir, sont appelés des « accords d'intendance » dans la loi de l'Ontario. Ai-je raison de croire que c'est la même chose?
    Je pense qu'on leur donne des noms différents selon l'organisme à qui vous avez affaire.
    Je remarque en particulier que, dans la loi ontarienne, au paragraphe 16(3), il est dit que l'accord « peut autoriser une partie à l'accord à exercer une activité… qu'interdirait par ailleurs… »
    Quand vous avez dit que les mesures prescrites, la gestion et les pratiques exemplaires se renforcent mutuellement, j'ai voulu vous poser la question suivante: Pensez-vous que la possibilité d'être exempté d'une interdiction inciterait les intervenants privés à conclure des accords de conservation?
    Peut-être, s'ils avaient la possibilité de faire les choses différemment. La souplesse peut être une arme à double tranchant, car d'une part vous ne voulez pas être obligé de gérer vos terres de la façon prescrite. J'ai cité l'exemple des espèces qui vivent dans les prairies. Par le passé, la prairie était considérée comme une zone dans laquelle il fallait planter des forêts, mais maintenant, ce genre d'habitat est apprécié pour sa valeur de conservation.
    C'est donc un peu une arme à double tranchant. Je dirais qu'il est certainement plus intéressant pour le propriétaire foncier de garder une certaine marge de manoeuvre. D'un autre côté, si la valeur initiale de l'habitat reste la même, il ne faudrait pas que cette valeur soit modifiée. Il y a du pour et du contre.
    Cela dépend de chaque situation particulière, mais je voulais en venir au fait que la Loi sur les espèces en péril fédérale ne contient pas de disposition équivalente permettant à une personne d'être exemptée si elle a conclu un accord de conservation; cet incitatif ne figure pas dans la loi fédérale. Je me demande si vous seriez d'accord avec moi pour dire que nous pourrions améliorer la Loi sur les espèces en péril fédérale en incitant à conclure un accord de conservation grâce à certaines exemptions lorsque c'est acceptable.

  (0940)  

    Cela aiderait probablement à rallier le public. J'établirais un parallèle entre la LEP et la loi sur les espèces en péril de la province, car la loi provinciale initiale a été adoptée en 1971 ou 1973 et il s'agissait d'un document d'une page et demie disant qu'il ne fallait pas s'attaquer à l'habitat d'une espèce en voie de disparition. La nouvelle loi adoptée en 2007 reconnaissait qu'un tel manque de souplesse manquait totalement de réalisme. La nouvelle loi ontarienne de 2007 contient des dispositions qui accordent des autorisations et une certaine souplesse aux différents organismes et elle a été largement considérée comme une grande amélioration par rapport à la loi initiale qui était trop rigide.
    Monsieur Mooers, êtes-vous d'accord pour dire qu'on améliorerait la loi fédérale en y incluant la même souplesse que dans la loi ontarienne?
    Je répondrais qu'il est trop tôt pour dire si la LEP a besoin de nouvelles dispositions. Il faut d'abord la mettre en oeuvre pleinement sur le terrain, probablement pendant une dizaine d'années, après quoi nous pourrons voir quelles sont les mesures à prendre.
    Merci, monsieur Woodworth.
    Nous passons maintenant à M. McKay, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Comme vous le savez, je remplace Kirsty Duncan, qui a dû laisser de côté les initiatives environnementales pour des raisons que je ne pourrais imaginer.
    En fait, je pose ses questions et je vais adresser la première à M. Mooers. C'est au sujet de l'évaluation des résultats. Pourriez-vous me dire quel serait le meilleur modèle d'étude nous permettant d'évaluer l'efficacité comparative des initiatives de gérance prescrites par le gouvernement?
    Non, monsieur le président, mais je pourrais suggérer des noms pour la constitution d'un petit comité capable de proposer un modèle utile.
    Je vous en remercie.
    Savez-vous si une étude a été faite et, dans la négative, à quel point les études qui ont été menées s'éloignent du modèle idéal?
    J'aurais seulement besoin de savoir sur quoi porterait cette étude.
    J'aurais moi-même un certain mal à le dire, car ces questions sont celles que Kirsty a préparées pour aujourd'hui. Je suppose qu'il s'agit d'études environnementales concernant la conservation.
    La question précédente portait sur l'efficacité comparative des différents modèles de gérance de la conservation, n'est-ce pas?
    C'est exact. Qu'est-ce qui nous permettrait d'évaluer l'efficacité comparative des initiatives de gérance prescrites par le gouvernement?
    Je pourrais demander à mon assistant de recherche de chercher dans la littérature, ce matin, si cela peut être utile. Je ne connais aucune étude.
    Malheureusement, je suis dans la situation où je pose les questions de quelqu'un d'autre et je ne connais donc pas toutes les nuances et les subtilités de la question. Mais si vous pouviez répondre au comité, par l'entremise du président, en fournissant des renseignements utiles, je suis certain que Kirsty Duncan l'apprécierait.
    La troisième question est dans quelle mesure, selon vous, les dispositions de la LEP concernant les habitats ont donné des résultats, disons sur une échelle de zéro à un échec total? Sur quelles preuves se fondent vos conclusions?
    Le comité sait parfaitement, je pense, que la désignation des habitats essentiels en vertu de la LEP est très en retard. Je crois que seulement sept plans d'action ont été mis en place alors qu'il y a plus de 300 espèces sur la liste fédérale. Je pense que nous devons attribuer la note D ou F à la mise en oeuvre des dispositions concernant les habitats et qu'il s'agit donc d'un échec pitoyable. Encore une fois, c'est pourquoi nous demandons la mise en oeuvre complète de la loi afin que nous puissions évaluer son efficacité. Quand la LEP sera entièrement mise en oeuvre et que nous pourrons voir quelles sont les désignations des habitats et ce qu'elles donnent sur le terrain, nous pourrons parler des autres préoccupations des membres du comité quant à la possibilité d'améliorer ou non la LEP.

  (0945)  

    Vous avez parlé de sept plans d'action. Donnez-moi une idée de ce que cela signifie vraiment. Il y a sept plans d'action alors qu'à votre avis, il devrait y en avoir combien?
    Il est assez difficile de répondre à cette question, car il faut faire un compte à rebours, mais il devrait y en avoir des centaines.
    Vraiment des centaines?
    Des centaines, en effet.
    Vraiment? Très bien. Merci.
    Ma question suivante s'adresse à Kim Barrett. C'est au sujet de la recommandation concernant les recherches sur la conservation des habitats, à l'échelle du territoire, sur une période appropriée du point de vue de l'écologie. Avez-vous une recommandation précise à faire au sujet de la conservation?
    Je voudrais simplement souligner que le gouvernement fédéral est bien placé pour faire ce genre d'études à l'échelle du territoire, sur une longue période. Dans le monde universitaire, vous avez des étudiants qui peuvent faire deux à quatre années de recherche et qui passent ensuite au projet suivant.
    Le gouvernement fédéral a vraiment les moyens de faire des études à plus long terme portant sur les changements qui surviennent avec le temps. Les exemples que j'ai mentionnés, je crois, étaient les tortues et les oiseaux. Pour les tortues, il y a une espèce en péril qui s'appelle la tortue des bois et qui n'atteint pas sa maturité sexuelle avant l'âge de 20 ans. Elle peut vivre jusqu'à 50 ans. Par conséquent, si vous apportez des changements à son habitat, il faudra peut-être attendre plusieurs générations de cette tortue avant de découvrir si les mesures prises ont été efficaces ou non. C'est le genre de données à long terme dont on ne dispose presque jamais dans la communauté scientifique.
    À part les données à long terme qui exigent un engagement sur une longue période, avez-vous des recommandations à faire au sujet du financement?
    Je suppose que ces études pourraient se faire au sein du gouvernement et également en accordant un financement à plus long terme à d'autres organismes. Pour la plupart des programmes de financement qui existent, vous pouvez faire une demande sur une base pluriannuelle. Ce n'est généralement pas pour une période de 40 ans. Une étude de trois à cinq ans est considérée comme une étude à long terme. Je dirais donc que des engagements à plus long terme sont essentiels.
    Il faudrait donc des engagements à plus long terme. La question de l'enveloppe de financement et de la forme de la demande se pose-t-elle également? Peut-être pas dans ce contexte, mais dans d'autres, on entend dire parfois que la difficulté de demander des subventions est tellement frustrante pour les chercheurs qu'ils finissent par y renoncer. Un certain nombre de sources de financement m'ont donné l'impression que c'est précisément ce qu'elles veulent que vous fassiez: que vous renonciez et que vous trouviez une autre solution.
    Répondez brièvement.
    Une meilleure solution serait peut-être de conclure des accords avec des partenaires qui feraient ces recherches au lieu qu'ils aient à demander une subvention chaque année. Ils pourraient peut-être collaborer à ce genre d'étude et signer des ententes pour faire ces recherches à long terme au lieu d'avoir à demander une subvention chaque année.
    Merci, monsieur McKay.
    Nous passons maintenant à M. Choquette.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur participation à ce comité et de leur intérêt à l'égard de la conservation de l'habitat, voire de la conservation en général.
    Comme vous le savez peut-être, cette étude fait partie d'un plan plus global, à savoir notre plan national de conservation.
    Aujourd'hui est une journée intéressante, étant donné que nous allons débattre à la Chambre d'une motion du NPD concernant justement la lutte contre les changements climatiques. Certains conservateurs ne croient plus que les changements climatiques représentent une menace pour la planète et la conservation des habitats, entre autres.
    À cet égard, j'aimerais savoir si, à votre avis, les changements climatiques représentent une menace pour la conservation des habitats et s'ils devraient être l'une des priorités de notre rapport qui suivra notre étude.
     Si vous avez des recommandations à faire sur la lutte contre les changements climatiques, je suis bien prêt à les entendre.
    Nous pourrions commencer par M. Mooers.

  (0950)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Mooers.

[Français]

    Bonjour.

[Traduction]

    Les changements climatiques représentent la principale menace pour le bien-être du Canada à moyen terme et je tiens à le dire sans la moindre équivoque. Cela complique également beaucoup le débat et l'élaboration d'un plan national de conservation, car nous devons prévoir l'avenir. C'est un problème très complexe dont il faut tenir compte lorsqu'on planifie. Pour ce qui est de formuler des recommandations précises, je pense qu'il serait souhaitable de faire une étude distincte sur les changements climatiques et ses effets sur la gérance de la biodiversité au Canada.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Barrett, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Les changements climatiques sont particulièrement inquiétants pour ceux d'entre nous qui font de la conservation dans des paysages très fragmentés, car il faut une connectivité nord-sud suffisante pour permettre aux espèces de migrer vers le nord. Lorsque vous êtes confrontés à un paysage fragmenté, si les connexions sont rompues, les espèces risquent fort de ne pas pouvoir se déplacer suffisamment rapidement pour survivre.
    Il y a quelques années, à une conférence, j'ai vu une présentation portant sur la modélisation de différentes communautés végétales. Cette modélisation montrait que des nouvelles communautés jusque-là inexistantes seraient créées. Nous n'avons aucune idée des espèces qui les peupleront et nous ignorons quel genre de faune et de flore ces habitats abriteront.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Chorney, quel est votre avis?

[Traduction]

    Merci.
    Oui, on peut dire, je crois, que la réalité des changements climatiques n'est pas contestée. Ce sont les causes des changements climatiques qui peuvent susciter un grand débat et la controverse. En tant qu'agriculteurs, devons-nous être conscients des répercussions que cela a sur notre environnement? Absolument. Nous y pensons constamment. J'ai vu des changements dans les récoltes, dans les plaines du nord et du centre de l'Amérique du Nord, qui résultent directement des changements climatiques.
    Faut-il tenir compte des changements climatiques lorsque nous décidons comment planifier l'environnement et la conservation? Je crois que nous le faisons. Toutes les répercussions que nos activités au Canada auront sur les changements climatiques à l'échelle mondiale suscitent également un débat important. Nous devrions donner l'exemple, mais il est assez évident que les pays en développement contribuent beaucoup plus que le Canada aux émissions de gaz à effet de serre.

[Français]

    Monsieur Crabbe, il ne reste qu'une trentaine de secondes, mais j'aimerais entendre vos commentaires également.

[Traduction]

    Compte tenu des changements climatiques, je dirais que nos efforts et notre modèle de recherche axé sur la connectivité — le programme Go Green que nous menons ici, en Saskatchewan — visent à accélérer les choses pour protéger l'habitat, fournir des possibilités de connectivité comme d'autres personnes l'ont déjà mentionné ici. À l'heure actuelle, il est extrêmement important pour nous, en Saskatchewan, de pouvoir protéger les terres humides.
    Merci, monsieur Choquette.
    Nous passons maintenant à M. Lunney, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur ce qu'a dit M. Mooers. Vous avez parlé de la mise en oeuvre complète de la LEP. À propos des plans agroenvironnementaux, nous avons parlé de souplesse. Je voudrais voir un peu avec vous si une stratégie de conservation des habitats devrait pouvoir se baser sur une seule espèce ou s'il faut que l'ensemble de l'écosystème soit visé.

  (0955)  

    C'est une question très intéressante. Si une seule espèce est en péril, la plupart du temps, c'est parce qu'un problème se pose au niveau de son habitat. À mon avis, si la politique centre les efforts sur les zones où vivent de nombreuses espèces en péril, ce n'est pas forcément une mauvaise idée, car cela sous-entend que les habitats en question sont eux-mêmes en péril. Néanmoins, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous ne voyons pas pour le moment de moyen pratique de faire de la conservation à l'échelle de l'écosystème, sur le plan de la réglementation. On vous a donné des exemples très importants et excellents de la planification qui peut être faite au niveau du bassin versant, mais cela doit s'appuyer sur une loi s'appliquant à chaque espèce en péril.
    Dans la même veine, comment éviter de causer du tort à un habitat ou à d'autres espèces lorsque vous travaillez au rétablissement d'une certaine espèce?
    Vous savez qu'il peut y avoir des conflits et qu'il faut les résoudre. Toutefois, nous ne devons pas oublier que les espèces en question, ces deux espèces concurrentes, ne seraient pas en péril si nous avions bien géré le paysage au départ. Ce qu'on oublie parfois, je pense, c'est que nous sommes confrontés à des espèces en péril à cause, la plupart du temps, de ce que nous avons fait au paysage. Par conséquent, si nous pouvons bien gérer le paysage — comme je l'ai dit, les autres témoins vous ont donné d'excellents exemples de la façon de le gérer — nous n'aurons pas de conflits entre les protocoles de gestion des différentes espèces.
    Merci.
    Nous sommes tous les deux de la côte ouest. Ma circonscription de Nanaimo—Alberni s'étend du détroit de Géorgie jusqu'à Tofino, Ucluelet et Bamfield.
    Pour citer un simple exemple de conflit, vous savez que nous avons réintroduit la loutre de mer, il n'y a pas si longtemps, et qu'elle prospère bien sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Néanmoins, des Autochtones sont venus ici l'autre jour et l'un d'eux a parlé des bancs de palourdes qu'ils ont là-bas depuis des milliers d'années. Ce sont des bancs de palourdes surélevés qui constituent une forme primitive d'aquaculture, mais comme les loutres de mer sont très prolifiques — j'en ai vu sur la côte ouest, à Barkley Sound et au nord comme au sud de l'île, même du côté est, dans le détroit de Géorgie — un grand nombre d'entre elles sont de retour et réussissent très bien à se reproduire. Le mot qui les désigne dans la langue Nuu-chah-nulth de la première nation signifie littéralement: « celui qui ne mange que le meilleur ». Les loutres mangent les coquillages les plus matures et causent des dégâts importants dans les bancs de palourdes traditionnels et les projets d'aquaculture des premières nations. Il y a aussi le crabe dormeur sur la côte ouest. À Clayoquot Sound, on m'a dit que le plancher marin est jonché de carapaces de gros crabes dormeurs mâles. Êtes-vous au courant de cette situation?
    Oui, nous sommes au courant de ces conflits entre certaines espèces et nous-mêmes. Nous les avons constaté pour le bison, le grizzly ainsi que le couguar, sur la côte est. Nous savons ce qu'il en est.
    Pour revenir au mot qui désigne la loutre: « celui qui ne mange que le meilleur », les premières nations estiment qu'il faudra peut-être abattre des loutres de mer, dans certains cas, parce qu'elles causent des dégâts très importants.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant d'une autre situation sur la côte ouest, le projet de la communauté Bamfield Huu-Ay-Aht concernant l'ormeau, une espèce en péril, dans lequel le gouvernement fédéral a investi, par l'entremise de Pêches et Océans, avec le Bamfield Marine Sciences Centre et cinq universités de la côte ouest.
    Sauf erreur, l'Université Simon Fraser y participait aussi. Au prix de gros efforts scientifiques, on a trouvé un moyen d'élever ces animaux en péril de grande valeur dans un milieu d'aquaculture. Il est possible de colorer leur coquille en les nourrissant avec une algue de couleur différente afin de pouvoir les distinguer des animaux sauvages lorsqu'on les vend.
    Nous avons perdu ce programme parce que le COSEPAC n'a pas pu se résoudre à autoriser qu'une espèce inscrite sur la liste des espèces en péril soit vendue sur le marché pour assurer la viabilité du programme. Les animaux excédentaires pouvaient être relachés dans la nature. En mangeant des algues naturelles, ils reprennent leur couleur naturelle, et ils auraient pu renforcer une espèce en péril. Nous avons perdu ce programme à cause d'un programme réglementaire rigide. Êtes-vous au courant?

  (1000)  

    Je suis au courant, oui.
    Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît, car il semble que ce soit le programme que vous nous invitez à mettre entièrement en oeuvre.
    C'est le programme que je vous invite à mettre entièrement en oeuvre, et comme je l'ai dit, une fois qu'il sera bien appliqué et que nous pourrons voir plus qu'un ou deux exemples, nous pourrons commencer à discuter des changements à lui apporter.
    Me reste-t-il du temps pour une question de plus?
    Une minute de plus.
    Désolé, monsieur Lunney, votre temps est écoulé. Je pensais que vous aviez sept minutes, excusez-moi. Vous avez légèrement dépassé votre temps.
    Nous passons maintenant à M. Jacob.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins de comparaître ce matin.
    Mes premières questions s'adressent à M. Mooers.
    En décembre 2012, vous et vos collègues avez adressé une lettre ouverte au premier ministre. Dans l'intérêt des personnes qui ne l'auraient pas lue, pourriez-vous nous en expliquer le contenu, nous dire combien de scientifiques l'ont signée et nous faire part de la réponse du premier ministre?

[Traduction]

    Je dois préciser que la lettre a été signée, mais qu'elle n'a pas encore été envoyée au premier ministre . Je l'ai sous les yeux. Elle a été signée par un millier de scientifiques du pays. Cette lettre est publique, mais elle n'a pas encore été envoyée.
    Très brièvement, la lettre énonce à peu près la position dont je vous ai parlé. Nous nous inquiétons des rumeurs selon lesquelles le gouvernement fédéral songerait à rouvrir la loi et nous demandons qu'elle soit d'abord entièrement mise en oeuvre et qu'on fasse ensuite une évaluation de son efficacité. Telle est la teneur de la lettre.

[Français]

    D'accord.
    À votre avis, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour accroître les efforts de conservation de l'habitat?
     Je m'adresse toujours à vous, monsieur Mooers.

[Traduction]

    Je ne pense pas que je sois le mieux placé, parmi les personnes qui sont ici aujourd'hui, pour répondre à cette question. Vous avez entendu, je pense, une excellente discussion et de bons exemples du genre de choses que les différents niveaux de gouvernement peuvent faire. Je crois très important que le gouvernement fédéral crée une culture de la conservation. Dans le milieu de la conservation, nous sommes nombreux à craindre que cette culture ne soit pas créée au niveau fédéral.
    Par conséquent, sur le plan de l'éducation, de la visibilité, du débat, du discours ou simplement des mentalités, nous sommes nombreux à croire que le gouvernement n'est pas au même diapason que les citoyens du Canada à ce sujet.

[Français]

     Merci, monsieur Mooers.
    Je sais que vous avez vécu et travaillé dans plusieurs pays. Vous avez sans doute remarqué des différences importantes entre la politique environnementale canadienne et celle d'autres pays. À votre avis, quelle approche est préférable, et pourquoi?

[Traduction]

    C'est une question très intéressante. Je vous en remercie.
    Quand j'ai travaillé dans d'autres pays, le Canada était considéré comme un chef de file de la conservation. Brian Mulroney a signé la Convention sur la diversité biologique avant tout le monde, avant tout autre pays de l'OCDE. Nous étions vraiment à l'avant-garde. Je pense que la perception de la communauté internationale a changé énormément, comme vous le savez.
    Vous avez demandé, je crois, quelle est la meilleure approche et si nous pouvons faire certaines comparaisons. Je ne veux pas parler à tort et à travers. J'ai l'impression que certains pays prennent la question plus au sérieux. L'Australie a, je crois, une excellente loi sur les espèces en péril, bien qu'elle soit très récente et que nous ne sachions pas quelle est son efficacité sur le terrain. Les Australiens ont beaucoup d'avance sur nous sur le plan de la surveillance et de leur compréhension de la biodiversité.
    Je crois que certains des autres pays industrialisés… Les États-Unis, par exemple, ont une culture de la conservation beaucoup plus solide que la nôtre, tant au niveau privé qu'au niveau gouvernemental. Les pays européens sont dans une situation différente étant donné qu'ils ont réglé la question de leur biodiversité il y a longtemps en s'en débarrassant; il ne leur en reste pas beaucoup à gérer. Ils regardent vers les pays comme le Canada avec envie et consternation, car ils savent que nous gérons une bonne partie de la biodiversité pour le reste du monde. Nous sommes donc dans une situation tout à fait particulière.

  (1005)  

[Français]

    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

     Nous passons maintenant à M. Storseth.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
    Monsieur Mooers, j'ai une ou deux brèves questions à vous poser, tout d'abord au sujet de vos antécédents. Pouvez-vous me dire quels sont vos antécédents? Êtes-vous un expert en affaires internationales?
    Non, et c'est pourquoi j'ai dit que c'était une question très intéressante.
    Je suis professeur de biodiversité et biologiste évolutionniste. J'ai simplement travaillé dans d'autres pays.
    Très bien. Par conséquent, exprimez-vous seulement votre opinion à l'égard de la réputation du Canada dans le monde ou disposez-vous d'une base de données ou de données à l'appui de vos dires?
    Je pense que les renseignements que je possède sont aussi bons que les vôtres et c'est ce que j'ai lu dans les journaux.
    Très bien. Ce n'est pas moi qui parle au nom des autres pays.
    J'ai une question à vous poser au sujet de la Loi sur les espèces en péril. Vous avez parlé de sa mise en oeuvre. Cette loi est-elle parfaite telle qu'elle est formulée actuellement?
    Existe-t-il une loi dont le texte soit parfait?
    Je vous pose la question, car vous laissez entendre que nous ne devrions apporter aucun changement à la loi avant qu'elle ne soit entièrement mise en oeuvre pendant 10 ans. Je vous demande donc si, à votre avis, cette loi est parfaite?
    Je pense que la réponse se trouve dans votre question. Tant qu'elle ne sera pas entièrement mise en oeuvre, je ne pourrais pas juger si la loi est parfaite ou non. Nous devons voir comment elle s'applique sur le terrain à moyen terme.
    Par conséquent, vous ne nous dites pas aujourd'hui que la loi est parfaite.
    Madame Barrett, j'ai deux questions concernant certaines de vos remarques au sujet des propriétaires fonciers. Vous avez dit que les propriétaires fonciers qui font de la conservation ont tendance à bien agir.
    Comment les amenons-nous à le faire? Comment rallions-nous les propriétaires fonciers à cette cause? Est-ce grâce à l'éducation? Est-ce grâce à la réglementation? Avez-vous une opinion quant à la meilleure façon de les rallier? Je vous le demande parce que je suis d'accord avec vous. Le propriétaire foncier qui pratique la conservation parce qu'il y croit va le faire constamment, que le gouvernement le surveille ou non.
    Oui, je pense qu'il faut vraiment cibler les « non-convertis », si je puis dire.
    Je voudrais qu'on fasse vraiment comprendre le lien que nous avons avec la terre. En général, on entend dire qu'il faut choisir entre l'économie et l'environnement, mais ce n'est pas le cas. Plus nous ferons d'efforts pour informer les gens des biens et services écologiques qu'apportent les aires naturelles en permettant d'économiser sur le plan des besoins en infrastructures…
    Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle important en lançant une campagne de marketing. Le Plan d'action économique du Canada me vient à l'esprit, car j'ai vu les annonces un peu partout. Si nous pouvions diffuser ce genre d'annonces dans les principaux médias pour vanter les avantages de la conservation des habitats et des biens et services écologiques, qui sait? Cela suffirait peut-être à convaincre une masse critique de gens que nous sommes reliés à l'environnement.

  (1010)  

    Je suis d'accord avec vous. Ce sont d'excellentes annonces.
    Mais ma question est la suivante. Quel est le niveau de gouvernement le mieux placé pour centrer les efforts sur l'éducation? Cela relève-t-il des pouvoirs publics? Est-ce une chose que nous devrions tous faire?
    Oui, je pense que nous devrions tous y participer. Les différents niveaux de gouvernement ont des mandats précis. Néanmoins, la conservation des habitats relève aussi bien des municipalités que de la politique fédérale.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 40 secondes.
    Très bien.
    Je voudrais seulement poser une question à M. Chorney. C'est un plaisir de vous revoir. J'ai rencontré davantage de gens de l'agriculture ici, au Comité de l'environnement, qu'au Comité de l'agriculture, ces derniers temps.
    La question que je vous adresse concerne la réglementation de nos producteurs et agriculteurs. Vous avez dit que les agriculteurs cultivent environ 12 millions d'acres de terre, rien qu'au Manitoba. Ce sont eux qui doivent veiller, dans une large mesure, sur notre biodiversité et nos habitats. Quelle est la meilleure façon d'aborder les agriculteurs? Faut-il gagner leur coeur et leur esprit grâce à des incitatifs et une éducation ou est-ce avec une réglementation rigoureuse?
    Nous savons avec certitude, je pense, que les incitatifs sont la méthode la plus efficace. Nous avons également la responsabilité de faire preuve de leadership sur ce front. Par exemple, nous nous associons à des gouvernements et dirigeants municipaux pour nettoyer le lac Winnipeg dans le cadre de la Lake Friendly Initiative.
    J'ai rencontré, pas plus tard qu'hier, le ministre de la conservation et de la gérance de l'eau de la province. Nous voulons démontrer que les producteurs feront ce qu'ils doivent faire et qu'ils le font déjà dans bien des cas, pour veiller sur la santé de notre environnement.
    Nous devons travailler ensemble. Les incitatifs aident à rallier les gens, mais nous avons nous-mêmes la responsabilité de diriger ce processus et de veiller à ce que le public comprenne ce que nous faisons et comment nous voulons contribuer à la solution.
    Merci, monsieur Storseth.
    C'est maintenant au tour de M. Pilon.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Chorney et va dans la même veine que celles de mon collègue M. Choquette.
     Les changements climatiques sont connus comme un facteur qui accentue la propagation des espèces envahissantes. Or celles-ci occasionnent des pertes importantes chez les agriculteurs.
    Comment comptez-vous faire face à ce problème? Quelle aide le gouvernement pourrait-il fournir?

[Traduction]

    Les espèces envahissantes peuvent être animales aussi bien que végétales. Il est certain qu'en raison des changements climatiques, nous voyons dans les cultures des nouvelles sortes de mauvaises herbes qui ne posaient pas un sérieux problème par le passé. Nous constatons également des infestations d'insectes attribuables aux changements climatiques, car les vents chauds d'été en provenance du sud des États-Unis ont tendance à nous apporter toutes sortes de nouveaux problèmes, que ce soit des maladies des cultures ou des insectes. Cela a entraîné un changement dans la façon dont nous procédons à la rotation des cultures de cucurbitacées et le genre de plantes que nous pouvons faire pousser.
    Statistique Canada vient de publier hier un rapport montrant que les agriculteurs de la province vont ensemencer 1,1 million d'acres de soja cette année. Il y a 10 ans, il n'y avait pratiquement aucune culture de soja au Manitoba — aucune dans mon exploitation. Cette année, le tiers de ma ferme sera consacré au soja. C'est ainsi que les agriculteurs ont tendance à s'adapter pour faire face aux changements environnementaux et aux différentes espèces qui peuvent envahir notre environnement. Nous essayons de travailler avec ce que nous avons. Nous ne pouvons pas empêcher ce qui se passe et nous devons donc prendre des mesures pour tirer le meilleur parti de ce que mère nature nous a donné.
    Le soja connaît énormément de succès, et cela pour de nombreuses raisons. Une des raisons pour lesquelles je m'y suis vraiment intéressé dans ma ferme est que je n'ai pas besoin d'utiliser des engrais azotés. Le prix de ces engrais est très élevé et les engrais azotés contribuent également à la charge de nutriments qui se retrouvent dans nos lacs d'eau douce. Je mouds donc le soja. J'ai réduit de plus de 33 p. 100 mes achats d'engrais azotés.

[Français]

     Ma deuxième question s'adresse à M. Mooers.
     Sur votre site Web, Scientists for Species, vous citez Edward O. Wilson lorsque vous classez en deux groupes les problèmes environnementaux contemporains, soit les problèmes liés à la détérioration de l'environnement physique et les problèmes liés à la perte de la biodiversité.
     Pouvez-vous clarifier la nuance, la distinction que vous faites, et en expliquer le motif?

  (1015)  

[Traduction]

    Peut-être pas aussi bien que vous le souhaiteriez.
    Les problèmes associés à la perte de biodiversité sont directs. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, plus vous avez d'espèces de pollinisateurs, plus le rendement de vos récoltes augmente. Vous avez entendu parler de nombreux autres exemples. Il y a des liens très solides entre la biodiversité et le genre de services que nous aimons obtenir.
    Certains changements environnementaux tels que les changements climatiques causent des problèmes directs à l'humanité en ce qui concerne notre capacité d'adaptation en raison de l'endroit où nous vivons et de la façon dont le climat change. Néanmoins, ces facteurs sont reliés, bien entendu, comme vous l'avez souligné dans votre question précédente à M. Chorney.

[Français]

    Je vais maintenant revenir à M. Chorney.
    À votre avis, quel genre de programmes incitatifs devraient être offerts aux propriétaires fonciers privés afin qu'ils conservent les habitats et mettent en application des mesures de protection des espèces migratrices?

[Traduction]

    Le programme ALUS a fourni un excellent modèle d'incitatif qui tient compte des avantages et de la valeur qu'obtient le public et des coûts que le propriétaire foncier doit assumer pour contribuer aux résultats environnementaux qu'on essaie d'obtenir.
    Il faut que ce soit logique pour le propriétaire foncier et chaque cas est unique. Si vous comparez le prix de la terre dans le sud de l'Ontario avec ce qu'elle coûte en Saskatchewan et au Manitoba, la valeur monétaire des différents comportements que vous souhaitez voir adopter par les propriétaires fonciers n'est pas la même.
    Néanmoins, il faut que ce soit une réussite économique. Je pense que nous pouvons agir petit à petit. Nous savons tous que le Trésor public n'a pas beaucoup d'argent pour régler ces questions, mais une simple mesure comme l'élimination des impôts fonciers sur les terres qui ne sont pas cultivées parce qu'elles vont faire partie d'un programme de gérance environnementale serait un bon point de départ.
    Je sais qu'une municipalité du Manitoba a lancé un programme dans le cadre duquel elle verse aux agriculteurs 40 $ l'acre pour retenir l'eau et rétablir les terres humides. Elle avait constitué un fonds municipal pour couvrir entièrement les coûts. Le fonds a vite eu trop de succès et n'a pas pu répondre à la demande étant donné qu'en raison de ce petit incitatif, les agriculteurs se sont empressés de se porter volontaires.
    La situation varie d'une province à l'autre, mais nous savons, je pense, que si les bonnes conditions sont réunies, les propriétaires fonciers feront ce qu'ils doivent faire, à la condition qu'ils soient éduqués et incités à aller dans cette direction.

[Français]

    Merci, monsieur Pilon.

[Traduction]

    Nous allons maintenant accorder cinq minutes à M. Toet.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos invités d'aujourd'hui.
    Monsieur Chorney, vous avez abordé brièvement le sujet des terres humides. M. Crabbe a parlé de l'aménagement d'arches en Saskatchewan au cours des deux dernières années et de toute évidence, vous connaissez bien les problèmes qui sont les mêmes que les nôtres au Manitoba.
    Vous avez parlé un peu du rôle que le milieu agricole joue au Manitoba. Je me demande si ce rôle pourrait être élargi pour rétablir les terres humides, ce qui serait bien sûr un grand projet de conservation des habitats, mais qui jouerait aussi un rôle important dans l'atténuation des inondations et l'atténuation de la sécheresse. Nous avons perdu une bonne partie des habitats des terres humides au Manitoba.
    Vous en avez seulement parlé brièvement, mais est-ce une chose que le monde agricole est prêt à faire et envisage-t-il de contribuer à la solution?
    Le rétablissement des terres humides est un enjeu important et les producteurs des districts de conservation de la province parlent beaucoup de ce qu'ils peuvent faire à cet égard.
    Néanmoins, nous devons adopter une approche visant l'ensemble du bassin versant. Si le Manitoba faisait tout à la perfection, cela ne suffirait pas à résoudre vraiment nos problèmes d'inondation. Des rapports viennent d'être publiés au Manitoba au sujet des inondations de 2011 et nous savons que ce qui se passe à l'extérieur de la province se répercute sur ce qui se passe chez nous.
    Il faudrait entreprendre des projets à long terme de retenue d'eau pour résoudre les problèmes dans l'ensemble du bassin. Le rapport suggérait le barrage Holland, qui faisait partie, au départ, du plan de prévention des inondations Duff Roblin formulé à la fin des années 1950 ou au début des années 1960 lorsqu'on a construit le canal de dérivation autour de Winnipeg; cet élément du plan n'a jamais été achevé.
    Nous avons des éléments comme le lac des Prairies — le réservoir Shellmouth, à Russell, au Manitoba — qui aide les producteurs de la vallée de la rivière Assiniboine. Néanmoins, compte tenu de toute l'eau supplémentaire que nous avons reçue de la Saskatchewan ces deux dernières années, nous avons constaté que ce système est insuffisant et qu'il faut donc le revoir.
    Certaines personnes ont préféré attribuer aux gestionnaires du réservoir Shellmouth la responsabilité des problèmes survenus dans la vallée de la rivière Assiniboine, mais un examen plus approfondi et les conversations avec les ingénieurs qui étudient ces questions ont révélé que la capacité de ce système n'était pas suffisante pour absorber toute l'eau supplémentaire. Les activités de drainage ont été extrêmement efficaces en Saskatchewan. Par le passé, les agriculteurs pensaient qu'il suffisait de prendre une racleuse pour creuser un peu dans leurs champs afin de drainer les parties basses. Mais je crois qu'en Saskatchewan, ils utilisent maintenant des excavatrices et des tracteurs pour creuser des grands canaux afin de détourner l'eau vers le Manitoba le plus rapidement possible.
    Toute cette eau qui arrive chez nous préoccupe sérieusement les agriculteurs du Manitoba. Je ne pense pas qu'on puisse s'attendre à ce que les propriétaires fonciers de la Saskatchewan retiennent l'eau gratuitement et nous ne devrions pas nous attendre non plus à ce que les propriétaires fonciers du Manitoba le fassent. C'est un domaine dans lequel il faut tenir compte, dans le cadre des programmes Agri-relance et d'aide financière en cas de catastrophe, de ce que nous coûtent vraiment ces arrivées d'eau excédentaire. Si nous dépensions cet argent à l'avance pour entreprendre des projets de retenue de l'eau, nous pourrions peut-être éviter ces frais récurrents et traiter le problème plutôt que les symptômes. Cela nous coûte cher au Manitoba, car le coût des inondations de 2012 est estimé maintenant à 1,2 milliard de dollars.

  (1020)  

    Dans ce cas, vous serez certainement très content d'apprendre que le gouvernement conservateur envisage d'accorder un financement important pour des mesures d'atténuation permanentes. Cela entrerait dans cette catégorie et je crois donc que c'est un grand pas en avant.
    Monsieur Crabbe, c'est un peu sur le même sujet. Dans votre exposé, vous avez parlé du programme de connectivité en Saskatchewan; vous en avez fait mention, mais sans approfondir. Je considère que la connectivité est importante, mais peut-être pourriez-vous parler un peu du rôle que joue la Saskatchewan en tant qu'élément du bassin versant qui se déverse dans les lacs du Manitoba, pour le rétablissement des terres humides dans le contexte de la connectivité.
    Pourriez-vous nous parler un peu de la position de la Saskatchewan à cet égard?
    Voulez-vous parler du programme de connectivité?
    Vous avez mentionné un programme de connectivité, mais je veux également parler de votre capacité à participer au rétablissement des terres humides qui s'impose. Comme l'a dit M. Chorney, le Manitoba ne peut pas tout faire et tout le monde a un rôle à jouer.
    Je peux certainement vous dire que c'est un énorme enjeu en Saskatchewan. Le drainage illégal est la principale cause à laquelle nous essayons de remédier. Personne n'a jamais été accusé de drainage illégal en Saskatchewan; néanmoins, nous avons des règles et des lois à cet égard.
    Au moment où je vous parle, près de 50 p. 100 des terres humides de la Saskatchewan ont été éliminées au cours des 40 dernières années. En fait, ce pourcentage est peut-être un peu plus élevé. Nous avons essayé de créer des incitatifs en Saskatchewan par l'entremise du programme ALUS. Pour le moment, c'est le principal projet pilote que nous utilisons pour créer des terres humides là où elles ont été drainées et préserver celles qui fonctionnent encore. C'est certainement un énorme problème. Le milieu de la conservation reconnaît les effets que cela entraîne au Manitoba.
    Monsieur Chorney a cité l'exemple du lac des Prairies. Pour essayer d'atténuer certains de ces agissements, on a drainé le lac des Prairies à un point tel que cela a provoqué la mort d'une énorme quantité de poissons et cela parce qu'on voulait capter une partie du ruissellement.
    Ce sont des problèmes fréquents en Saskatchewan pour cette raison.
    Merci, monsieur Toet. Votre temps est écoulé. Nous devons passer au suivant, qui est M. Sopuck.
    Merci beaucoup. Je voudrais poser une question à M. Mooers au sujet de la mise en oeuvre complète de la LEP. Je suppose que vous connaissez le problème de l'autour en Colombie-Britannique?
    Pouvez-vous me rappeler ce dont il s'agit?
    Certainement. L'autour est une espèce omniprésente un peu partout au Canada; j'en ai même eu quelques-uns dans ma ferme. Le COSEPAC a estimé qu'une sous-espèce d'autour ou une population d'autours devait figurer sur la liste de la LEP. J'ai eu des réunions avec des sociétés forestières de la région, car j'ai travaillé moi-même dans le secteur forestier par le passé et j'ai vu les cartes des zones où le plan de rétablissement propose d'interdire les activités forestières. Si la LEP était entièrement mise en oeuvre dans cette région, 3 000 emplois disparaîtraient immédiatement.
    Pensez-vous que ces 3 000 emplois et 3 000 familles sont importants?

  (1025)  

    Bien entendu, je pense que ces 3 000 emplois sont importants. À mon avis, sous sa forme actuelle, la LEP permet de faire une évaluation de l'impact de la réglementation. Je ne crois pas que la population d'autours ait été officiellement inscrite sur la liste. Si je me trompe, dites-le moi.
    Cela souligne, une fois de plus, les défauts de la LEP. Quand je travaillais dans le secteur forestier, je faisais partie de l'équipe de l'Association canadienne des pâtes et papiers qui a évalué les premières ébauches de la loi. Nous avons supplié le gouvernement libéral de l'époque de ne pas faire ce qu'il a fait dans cette loi. Nous avons prédit que tout cela allait se passer.
    Néanmoins, il s'agit d'un exemple concret et non pas d'un exercice théorique au sujet d'une sous-espèce d'oiseau. Il s'agit de gens réels, de vies réelles et de communautés réelles. C'est une des raisons pour lesquelles la mise en oeuvre complète de la LEP que vous recommandez est très problématique et difficile à nos yeux. Pouvez-vous comprendre ce que signifierait vraiment la mise en oeuvre complète de la LEP?
    Je ne crois pas que je serais ici aujourd'hui si je ne pensais pas pouvoir comprendre ce que je dis.
    Il faut d'abord préciser, je pense, que la population d'autours dont vous parlez n'a pas été inscrite sur la liste. Les dispositions de la LEP permettent de ne pas l'inscrire. Le gouvernement fédéral dispose d'une cause dérogatoire. Cela n'a rien à voir avec les travaux que le COSEPAC a réalisés au sujet de sa désignation éventuelle comme espèce en péril et je ne vois donc pas très bien pourquoi vous en parlez comme d'un problème.
    Cela pose un problème dans l'ensemble du pays, car un grand nombre de scientifiques universitaires prennent position au sujet de diverses lois environnementales, dans leur tour d'ivoire, sans tenir compte des répercussions sur la collectivité.
    Encore une fois, je m'étonne que mes amis d'en face, qui prétendent tellement se soucier des travailleurs et des emplois, ne parlent pas de ce genre de problèmes. Pouvez-vous comprendre que les répercussions d'une bonne partie de cette loi sur la communauté doivent être examinées? Si les effets sur la collectivité sont inacceptables, ne pensez-vous pas que c'est une bonne raison de modifier certaines lois?
    Je pense que nous devrions parler un peu des détails. Le gouvernement fédéral n'a rien à faire une fois qu'une espèce a été inscrite sur la liste. Il lui suffit de préparer une stratégie de rétablissement et un plan d'action. Ce plan d'action n'a même pas à être mis en oeuvre dans le cadre de l'application actuelle de la LEP.
    Je ne suis pas sûr que si l'on révisait maintenant la LEP, cela réglerait le problème que vous voyez. J'ajouterais seulement qu'il n'est pas juste, selon moi, de dire que les scientifiques universitaires ne se soucient pas des travailleurs et des emplois.
    Je représente une circonscription rurale et je peux dire que je défendrai de toutes mes forces les industries primaires rurales de ma circonscription et de tout le pays.
    Pour tout vous dire, je vous informe que 320 acres de mes terres constituent une servitude de conservation gérée par Conservation de la nature et je sais donc de quoi je parle. Je vis dans un paysage agricole géré qui produit du bétail, des céréales ainsi que de la faune, à côté d'un parc national.
    À propos de la mise en oeuvre complète de la loi, préconisez-vous de mettre entièrement en oeuvre la Loi sur les oiseaux migrateurs?
    Est-ce que je suggère de mettre entièrement en oeuvre la Loi sur les oiseaux migrateurs?
    Oui.
    Voulez-vous dire que la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs n'est pas entièrement mise en oeuvre?
    J'ai des raisons de poser cette question.
    Répondez brièvement.
    En vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, vous ne pouvez pas détruire le nid d'un oiseau migrateur. Néanmoins, comme un grand nombre d'oiseaux migrateurs font leurs nids dans les prairies du Canada, les pratiques agricoles habituelles peuvent détruire des nids, et si la convention concernant les oiseaux migrateurs était entièrement appliquée, elle arrêterait pratiquement toute l'agriculture dans la région des Prairies. Ce genre d'exemples souligne que la loi ne tient pas compte de ce qui se passe vraiment dans le paysage.
    Merci beaucoup.

  (1030)  

    Monsieur Sopuck, je vais devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé.
    C'est au tour de M. McKay pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Comme je ne suis pas membre du comité, je trouve intéressant que la conversation soit passée de la mise en oeuvre de la LEP au problème des inondations en Saskatchewan et au Manitoba. Ce problème est dû en partie par le fait que les terres n'ont pas été gérées de façon à permettre l'absorption de la plus grande quantité de pluie possible.
    Pour prendre un exemple urbain — je viens de Scarborough — une des raisons pour lesquelles nous avons des difficultés dans nos plaines inondables, c'est parce qu'on a cru qu'il serait souhaitable de tout asphalter et de tout déverser dans les ruisseaux. Maintenant, chaque fois qu'il y a une inondation, nous avons des gros problèmes, car nous ne laissons pas la nature absorber l'eau.
    Je voudrais revenir sur une chose qu'a dite M. Chorney et demander à M. Mooers ce qu'il en pense. Je vous ai vu réagir lorsque M. Chorney a suggéré des allégements fiscaux à l'égard de certaines terres humides ou de terres que les agriculteurs ne peuvent pas utiliser, si vous voulez. Vous sembliez croire que c'était une bonne idée et je voudrais seulement savoir ce que vous en pensez.
    Je ne suis pas un expert des affaires internationales. Je ne suis pas un expert de la fiscalité ou de l'économie, mais à première vue, ce genre de solution me paraît logique, car les tracasseries administratives et les coûts de démarrage seraient sans doute minimes. Si vous parlez aux gens, il semble que ce soit le genre de choses qu'ils aimeraient. N'étant pas un expert, je pense que c'est exactement le genre de choses que les différents niveaux de gouvernement peuvent faire rapidement et efficacement pour accroître la gérance de la biodiversité au Canada.
    Intuitivement, je pense que vous avez raison.
    Je voudrais donc simplement poser une question à M. Chorney. Si c'est une bonne idée, si les agriculteurs cessent de cultiver des terres pour laisser la nature faire son oeuvre, le premier problème dont vous avez parlé est que la participation au programme a été trop importante. Par conséquent, c'est une question de financement et est-il possible que l'allégement fiscal, peut-être même la cession de certaines de ces terres au gouvernement ou à quelqu'un d'autre aiderait à résoudre une partie des difficultés que la Saskatchewan et le Manitoba connaissent à cause des inondations?
    Nous en avons un bon exemple, je pense, au Dakota du Nord et au Minnesota où la Red River Basin Commission a appliqué ce genre d'idées. Elle a obtenu une bonne coopération de la part des propriétaires fonciers. Dans certains cas, comme vous l'avez suggéré, la commission a acquis les terres et en a fait des zones permanentes de retenue des eaux. Dans certains cas, ce sont des secteurs qui n'étaient pas très productifs sur le plan agricole et c'est seulement en raison de la hausse du prix des denrées et des pressions économiques sur le budget des exploitations que les producteurs ont drainé les terres humides pour essayer de les cultiver.
    Par conséquent, lorsqu'on leur en donne l'occasion, les propriétaires fonciers coopèrent souvent — dans ces États, ils ont toujours coopéré afin que ces terres soient retirées de la culture de façon permanente. Cela permet non seulement d'éviter les inondations au printemps, mais aussi d'atténuer les précipitations excessives pendant la saison. On a constaté qu'il était possible de protéger une bonne partie des terres agricoles situées à côté de ces projets contre les précipitations importantes. Comme l'eau est retenue pendant plus longtemps, cela permet non seulement d'éviter une inondation, mais aussi d'intercepter les nutriments de façon très efficace.
    Lorsque l'eau est retenue temporairement, cela ne contribue pas beaucoup à protéger les lacs contre le ruissellement des nutriments, mais lorsqu'on la retient longtemps et qu'on fait pousser de la biomasse et même des quenouilles — au Manitoba, nous cherchons des moyens de les récolter pour créer une certaine bioéconomie  — cela contribue largement à empêcher que ces éléments nutritifs ne se retrouvent dans nos lacs d'eau douce.

  (1035)  

    Merci, monsieur McKay, votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Woodworth qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'adresse à M. Mooers au sujet de certaines choses qui m'inquiètent quand il dit qu'il ne faudrait pas modifier la LEP avant au moins 10 ans. Monsieur Mooers, je me demande si vous connaissez la Loi sur le contrôle d'application des lois environnementales. Elle a été adoptée, il y a deux ou trois ans, pour mettre à jour l'application des règlements et des lois environnementales et accroître les sanctions afin de les rendre plus efficaces et pour donner aux juges plus de latitude, par exemple à l'égard du Fonds pour dommages à l'environnement et d'autres choses de ce genre. Connaissez-vous cette loi?
    Non.
    Je tiens à vous dire que le comité l'a adoptée avec plaisir, même si l'opposition y était alors majoritaire et qu'elle a mieux permis d'appliquer les lois environnementales. Malheureusement, elle ne s'applique pas à la Loi sur les espèces en péril parce que le Comité de l'environnement étudiait alors cette loi et que personne ne voulait lui forcer la main.
    Je me demande si je pourrais au moins vous convaincre qu'il faudrait modifier la Loi sur les espèces en péril afin de mettre à jour ses dispositions d'application et les aligner avec la Loi sur le contrôle d'application des lois environnementales qui s'applique à pratiquement toutes les autres lois environnementales du pays, à l'exception de la Loi sur les espèces en péril. Pourrais-je vous convaincre que nous devrions immédiatement modifier la Loi sur les espèces en péril à cet égard?
    Ne vous étonnez pas si je vous dis que je ne peux pas en parler sans avoir examiné la Loi sur le contrôle d'application des lois environnementales et les amendements qui y ont été apportés.
    Très bien.
    Je commence à comprendre que vos propos se basent sur les limites de vos connaissances, que vous reconnaissez, ce que j'apprécie. Mais je voudrais passer à la question suivante qui m'inquiète au sujet de votre suggestion de ne pas modifier la Loi sur les espèces en péril avant au moins 10 ans. C'est à propos de l'alinéa 41(1)c) qui exige que toute stratégie de rétablissement comprenne la désignation de l'habitat essentiel d'une espèce.
    D'après les témoignages que j'ai entendus lorsque le comité a étudié la Loi sur les espèces en péril, cela a nui à l'élaboration d'une stratégie de rétablissement, simplement parce que la désignation de l'habitat essentiel est très difficile pour de nombreuses espèces et cela exige de longues études et des enquêtes scientifiques.
    Voyez-vous le problème que pose la nécessité de désigner l'habitat essentiel? Comprenez-vous ce dont je parle?
    À mon avis, il est impossible de créer une stratégie de rétablissement sans établir quel est l'habitat essentiel de l'espèce en question.
    La loi dit aussi, à l'alinéa 41(1)c) « en se fondant sur la meilleure information accessible » et c'est, je pense, ce que les équipes de rétablissement se sont efforcées de faire.
    Êtes-vous au courant des plaintes selon lesquelles on met trop de temps à essayer de résoudre la question de l'habitat essentiel, ce qui prolonge le risque pour les espèces?
    Des plaintes émanant de qui?
    De gens qui participent à l'élaboration des stratégies de rétablissement et de groupes environnementaux. Je vous demanderais de vous reporter aux témoignages que le comité a entendus, il y a environ deux ans, à ce sujet. Il semble que vous n'en ayez pas eu connaissance.
    Je connais des membres des équipes de rétablissement et je sais que c'est un problème complexe, mais comme je l'ai dit, il est illogique d'établir une stratégie de rétablissement sans désigner l'habitat essentiel de l'espèce.

  (1040)  

    Je voudrais poser quelques questions à M. Crabbe.
    Vous avez le temps d'en poser une.
    Monsieur Crabbe, pourriez-vous nous parler un peu du programme Wildlife Tomorrow que votre organisme dirige, je crois? Si j'ai bien compris, c'est une initiative de gérance portant sur environ 400 000 acres. Avez-vous quelques exemples des résultats de ce programme?
    Ce programme de sensibilisation du public reconnaît les mérites du propriétaire foncier qui prend des mesures positives, comme on en a déjà parlé. Nous avons, en Saskatchewan, des milliers de propriétaires fonciers qui mettent de côté un bourbier, une terre humide, une rangée d'arbres ou un autre lieu et renoncent à y toucher. Les méthodes agricoles modernes incitent, bien souvent, à abattre ces rangées d'arbres et ce genre de choses. Nous avons commencé ce programme il y a une vingtaine d'années.
    Monsieur Crabbe, nous allons devoir passer au suivant. Votre temps est écoulé.
    C'est au tour de M. Choquette.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Avant de commencer à poser mes questions, je voudrais encore une fois vous remercier tous les quatre de votre engagement en matière de protection des habitats. Ce que vous faites pour la conservation de la nature, chacun à votre manière, est vraiment important.
    Monsieur Mooers, les membres conservateurs du comité vous ont posé beaucoup de questions très précises. Ça commençait à être vraiment amusant de les entendre. Je pense que nous serions tous d'accord, dans l'éventualité où vous voudriez le faire, pour que vous nous envoyiez des informations supplémentaires concernant votre position sur les préoccupations des conservateurs relativement à une loi en particulier ou peut-être même à toutes les lois. Vous seriez le bienvenu. Vous pourrez faire parvenir ces informations au greffier du comité, qui sera heureux de les recevoir. N'hésitez pas à le faire si vous ne disposez pas présentement de tous les détails.
    J'aimerais revenir sur votre recommandation au comité, à savoir l'adoption de lois fermes, qui seraient appliquées. Ça répond au fait que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ainsi que les dispositions portant sur l'habitat du poisson et les eaux navigables ont été affaiblies. Ce qui me dérange, c'est la rhétorique conservatrice voulant que l'économie et l'environnement s'opposent. Selon cette dernière, si on s'occupe de l'environnement, 3 000 emplois vont disparaître. Ça me dérange. Je crois que cette rhétorique est mauvaise. Il faut apprendre à réunir, à réconcilier l'économie et l'environnement. C'est ce qui va nous permettre d'en arriver à une situation constructive pour tous.
    Monsieur Mooers, j'aimerais que vous nous fassiez une recommandation en ce qui concerne les lois fédérales. Vous en avez parlé, mais j'aimerais que ce soit dit clairement pour que les analystes puissent le prendre en note.

[Traduction]

    Je recommande que le comité recommande au gouvernement que la mise en oeuvre d'une loi énergique sur les espèces en péril constitue, pour le gouvernement fédéral, la meilleure solution à moyen terme pour améliorer les efforts de conservation des habitats au Canada à l'heure actuelle.

[Français]

    Merci de cette précision, monsieur Mooers. Je crois qu'il est très important de disposer de recommandations bien claires à ce sujet.
    Comme vous êtes scientifique, j'aimerais que vous nous parliez de l'importance de prendre des décisions basées précisément sur des faits scientifiques. On oublie parfois de le faire. Les références obtenues sur le terrain sont importantes, bien sûr, mais il doit s'agir de faits scientifiques. Malheureusement, le domaine de la science a subi beaucoup de réductions récemment.
     Voulez-vous faire une recommandation relativement à la science et à notre projet de conservation?

[Traduction]

    Sur le plan scientifique?

[Français]

    Oui. Auriez-vous une recommandation à faire au sujet de la science?

[Traduction]

    Je ferais une recommandation en deux parties concernant la législation environnementale et notamment les questions que nous examinons ici: premièrement, que les renseignements scientifiques qui sont utilisés soient clairement séparés de la politique qui en découle afin que les citoyens puissent voir comment la science est utilisée. Il ne faudrait pas mélanger la science et la politique. À mon avis, les recommandations du COSEPAC et une inscription dans le registre sont un bon exemple de cette ligne de démarcation.
    La deuxième partie de ma recommandation est que le gouvernement reconnaisse que les décisions doivent se fonder sur des preuves.

  (1045)  

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Mooers.
    Je pense qu'il me reste à peine 30 secondes. Je n'aurai donc pas le temps de vous poser d'autres questions. Je voudrais cependant vous remercier encore une fois de votre engagement. Tout ce que vous faites pour la protection de l'habitat, chacun à votre manière, est important.

[Traduction]

    Merci, monsieur Choquette.
    Comme l'ont fait les membres du comité, je tiens à remercier nos témoins de s'être joint à nous, surtout ceux qui sont dans un fuseau horaire différent et qui ont dû se lever tôt pour participer aux audiences d'aujourd'hui.
    La séance est maintenant levée.
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