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Monsieur le président, distingués membres du Comité, Beth, David, Bruce, chers collègues, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je prends la parole au nom d'un organisme national de la société civile datant de 73 ans, plus précisément de son conseil et de ses 35 000 membres de partout au pays. Je représente également la société civile à l'échelle mondiale à titre de présidente élue de la Fédération mondiale des associations pour les Nations unies.
Dans le difficile contexte géopolitique actuel, l'une des grandes idées en coopération internationale que les pays membres de l'ONU partagent toujours est la suivante: tous croient aux initiatives d'aide, de développement et de maintien de la paix. En 2015, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté à l'unanimité les objectifs de développement durable qui doivent servir de cadre pour les programmes jusqu'en 2030. Ils incluent notamment des engagements ambitieux visant l'éradication de la pauvreté extrême. Le consensus mondial veut que ce soit le chemin à suivre pour maintenir la cohésion en ce qui concerne les enjeux planétaires. Votre comité, dans le cadre de son rôle de gouvernance, a examiné l'évolution des réalités entourant les missions de maintien de la paix menées par l'ONU. Comme vous le savez, les citoyens canadiens ont depuis longtemps du respect pour ce rôle historique, depuis le moment où Lester B. Pearson a utilisé ses brillantes habiletés diplomatiques dans le cadre de l'important déploiement au Sinaï.
Je reconnais également les contributions novatrices dans les domaines disciplinaires, militaires et autres que le gouvernement du Canada apporte aux missions de maintien de la paix de l'ONU depuis de nombreuses années.
Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada et le qui font preuve de leadership et d'esprit d'innovation en améliorant la protection des enfants, en accroissant la participation des femmes dans les opérations de paix, en annonçant la création du poste d'ambassadrice des femmes, de la paix et de la sécurité et en renforçant les capacités de la société civile. Vous connaissez les documents qui appuient ces initiatives. Je crois que, lorsque nous unissons nos forces pour favoriser une sécurité inclusive, les opérations de maintien de la paix s'en trouvent renforcées.
Je suis aussi fière des contributions de l'Association canadienne pour les Nations unies, notamment la mobilisation des jeunes sur les questions de la consolidation et du maintien de la paix par l'entremise d'une série de consultations. De plus, nous avons organisé une conférence en marge de la Réunion des ministres de la Défense de l'ONU il y a près d'un an à Vancouver.
Évidemment, nous sommes fiers de faire partie des membres fondateurs du Réseau Femmes, paix et sécurité, mais je laisserai le soin à ma collègue d'en parler davantage.
Voici quelques-unes de nos recommandations.
Nous saluons l'initiative Elsie.
Nous mettons toutefois en garde contre les risques associés aux récompenses en argent pour le déploiement de femmes dans les opérations de paix par des pays qui n'en ont pas l'habitude. Il est possible que cette approche crée des pressions pour effectuer plus d'un déploiement par année. Il faut garder en tête ces questions, et je ne doute pas que nous le ferons.
J'encourage également l'investissement continu dans la participation des femmes aux opérations de paix au niveau local. Encore une fois, ma collègue en parlera davantage.
Je vais me pencher sur un point précis parce que je sais que vous vous rendrez à New York. Je demande au Canada de nommer 10 conseillers en matière d'égalité entre les sexes rattachés au Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Je ne parle pas de très haut gradés, mais plutôt de gens qui seront déployés sur le terrain avec les troupes. Je suis ravie que le chef d'état-major appuie l'idée. Nous comptons un conseiller en matière d'égalité entre les sexes au Mali, mais l'initiative est différente. La recommandation permettrait d'assurer une cohésion et une cohérence entre tous les pays contributeurs de troupes, et je crois qu'elle est réalisable. Je vous souligne que le Pentagone vient d'annoncer, à la fin de la semaine dernière, l'investissement de 1 million de dollars dans la formation des conseillers en matière d'égalité entre les sexes. C'est une bonne nouvelle compte tenu des circonstances.
En ce qui concerne le poste d'ambassadrice, nous saluons aussi cette initiative. Je vous exhorte à tenir compte du fait que ce doit être une femme qui est en mesure de parler aux forces armées avec assurance tout en étant à l'écoute des femmes ordinaires qui n'ont pas l'habitude d'être consultées sur ces questions.
Je passe à la mobilisation de la société civile. La protection des civils est une question de plus en plus épineuse et complexe dans les opérations modernes de maintien de la paix, particulièrement en raison des menaces asymétriques, comme vous le savez. Ces menaces ciblent souvent la population civile. Il me semble que les Forces canadiennes ont reçu une formation adéquate sur les fonctions de G9, mais je souhaiterais que la participation des femmes et de la société civile s'étende à l'ensemble de la structure de commandement et qu'on cherche de nouvelles façons de mobiliser la société civile pour protéger ses membres sur le terrain. Cette approche contribue à une sécurité globale et inclusive, et je pense que le Canada a été un chef de file en la matière en ce qui concerne le développement, la diplomatie et la défense ainsi que, bien sûr, la gouvernance et l'égalité des sexes.
Nous saluons l'initiative intitulée Action pour le maintien de la paix, qui a été lancée par le secrétaire général des Nations unies. Je suis heureuse que le Canada soit l'un des 148 pays signataires.
En ce qui concerne les jeunes, la paix et la sécurité, nous alimentons de plus en plus les conflits. Nous favorisons la radicalisation chez les jeunes. Il me semble que le Canada pourrait jouer un rôle dans ce domaine. Grâce aux études mondiales, à notre travail, ainsi qu'à l'examen du Secrétariat de l'ONU sur la résolution 2250 portant sur la jeunesse, la paix et la sécurité, nous savons que les jeunes sont à la recherche d'un emploi valorisant et d'une direction, et certains vivent dans des États fragiles ou en déroute. Le Canada pourrait apporter sa contribution, y compris en ce qui concerne la défense.
Enfin, à propos de l'avenir du maintien de la paix, compte tenu des opérations en cours, dont une grande partie a lieu sur le continent africain, il nous semble que nous devons favoriser les initiatives diplomatiques afin que le rôle de premier plan de l'Union africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest soit de plus en plus reconnu. Nous devons les appuyer et investir dans celles-ci afin qu'elles apportent aussi leur contribution.
Je tiens également à souligner le rôle historique de leader que le Canada a joué dans le déploiement des forces policières. De plus en plus, nous nous trouvons en milieu urbain. Les forces policières détiennent les compétences pour travailler dans ce contexte. Je vous incite donc à maintenir l'avantage stratégique du Canada dans ce domaine.
Au sujet de la formation pour les opérations de paix, vous ne serez pas surpris d'apprendre que je suis au courant de vos discussions sur la perte du Centre Pearson pour le maintien de la paix et sur la possibilité de rétablir une structure semblable. Je vous encourage à également tenir compte de l'aspect touchant la réflexion, c'est-à-dire l'établissement de politiques, la présentation d'idées novatrices et la communication de pratiques prometteuses.
Il est vrai que les forces militaires font un excellent travail de formation, y compris en ce qui concerne la reconnaissance de leur rôle dans la mobilisation de la société civile. C'est toutefois différent de ce que peut faire un organisme indépendant. Je vous exhorte donc à aussi étudier cette question.
Je vous ai distribué des documents qui sont importants. Il y a une copie de la Charte des Nations unies qui commence par les mots suivants: « Nous, peuples ». Voilà pourquoi nous avons uni nos efforts pour appuyer le maintien de la paix dans le monde. Nous consolidons ainsi la paix dans notre pays.
Je vous ai également remis une copie de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui fête son 70e anniversaire. La première ébauche du document a été écrite au crayon, et non au stylo, par John Humphrey. Cette version se trouve dans le sous-sol de l'Université McGill. Nous devrions tous en tirer une fierté. Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous aspirons à vivre dans un monde à l'image de cette déclaration.
Merci beaucoup.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et chers témoins. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je suis coordinatrice du Réseau Femmes, paix et sécurité — Canada. Nous sommes un réseau bénévole comptant plus de 20 organismes et plus de 60 particuliers. Notre objectif principal est de surveiller les mesures et les engagements pris par le gouvernement canadien sur les questions touchant les femmes, la paix et la sécurité. Nous nous voyons comme un allié essentiel du gouvernement. Nous applaudissons lorsqu'il y a des avancées, mais nous ne nous gênons pas pour demander des améliorations ou souligner des lacunes. Le gouvernement a reconnu le rôle important qui est joué par le réseau.
Mon point de départ concernant les opérations de maintien ou de soutien de la paix du Canada est quelque peu différent de celui de la majorité des témoins à comparaître dans le cadre de votre étude. Je tiens à remercier le Comité d'avoir fait une place à un point de vue différent, celui d'une civile et d'une militante des droits des femmes — un point de vue féministe, si j'ose dire. Ce type de voix n'est pas toujours entendu dans les discussions sur le maintien de la paix ou la sécurité. Les femmes activistes des pays où se déroulent des opérations de maintien de la paix nous répètent sans arrêt qu'elles ne sont pas invitées à la table des discussions. Je remercie donc le Comité de nous avoir invités aujourd'hui.
Souvent, on considère que le programme sur les femmes, la paix et la sécurité remonte à l'an 2000, moment où le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1325. La résolution a reconnu le rapport important entre la sécurité des femmes et la sécurité des États en plus d'ouvrir la porte aux analyses sur ces liens et synergies. Pourtant, les organismes de femmes travaillaient à faire connaître leur point de vue sur la paix et la sécurité bien avant.
De façon générale, on parle d'un programme à quatre piliers: premièrement, favoriser la participation des femmes aux initiatives de rétablissement de la paix et à toutes les formes de résolution des conflits, y compris les opérations de maintien de la paix; deuxièmement, protéger contre la violence sexuelle liée aux conflits ou s'y attaquer; troisièmement, prévenir les conflits armés à la source; quatrièmement, faire en sorte que le relèvement après les conflits profite aux hommes et aux femmes et, dans la mesure du possible, contribue à réduire les disparités entre les genres.
Je vous renvoie au rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, intitulé Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité: Une occasion pour le Canada de devenir un chef de file mondial. Présenté à la Chambre il y a près de deux ans, cet excellent rapport comprend des recommandations sur les opérations de soutien de la paix. J'encourage votre comité à étudier ces recommandations.
J'exhorte également le Comité à consulter le Plan national d'action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité afin de veiller à ce que toutes les recommandations renforcent les engagements qui y sont pris. La a lancé le plan il y a moins d'un an. Signé par sept ministres, il présente un ensemble complet de cibles ambitieuses qui, si elles sont atteintes, feront du Canada un chef de file mondial sur les questions des femmes, de la paix et de la sécurité. Le plan d'action national prend de nombreux engagements visant le maintien de la paix, les opérations de soutien de la paix et les déploiements du Canada à l'étranger. Nous exhortons le Comité à faire en sorte que ses recommandations reconnaissent ces engagements et y prennent appui.
Pendant le temps de parole qu'il me reste, j'aimerais me concentrer sur quatre points: l'Initiative Elsie, l'importance de prendre en compte le contexte général s'appliquant à l'objectif de déployer plus de Canadiennes dans les opérations de paix, l'introduction de la question des sexes dans les approches canadiennes du maintien de la paix et les cas d'exploitation et d'agressions sexuelles commis par des Casques bleus.
Ma collègue a parlé de l'Initiative Elsie. En novembre dernier, le Canada a annoncé cette initiative en l'honneur d'Elsie MacGill, une ingénieure en aéronautique avant-gardiste. Comme d'autres l'ont expliqué, il s'agit d'un projet pilote visant à accélérer l'accroissement de la participation significative des femmes aux opérations de soutien de la paix des Nations unies. Malgré des objectifs de longue date en la matière, les progrès ont été extrêmement lents. En ce moment, un peu moins de 11 % des forces policières de l'ONU et environ 5 % des militaires déployés sont des femmes.
L'Initiative Elsie comprend des travaux de recherche sur ce qui fonctionne, une assistance technique aux pays contributeurs de troupes et de forces policières pour s'attaquer aux obstacles et un fonds mondial pour encourager le déploiement de plus de femmes dans les opérations de paix, ce qui est loin de faire consensus, comme ma collègue l'a relevé.
Il est important de souligner que l'Initiative Elsie est novatrice et qu'elle recèle un énorme potentiel. C'est un exemple du leadership dont peut faire preuve le Canada aux Nations unies. Cependant, je soulèverai trois grandes préoccupations.
Premièrement, l'Initiative Elsie vise à encourager les autres pays à accroître la participation des femmes aux missions. Il semble plutôt contradictoire d'exhorter les autres à augmenter les pourcentages de femmes sans appliquer la même approche ici. Il est vrai que nous avons appris la semaine dernière que le Canada entreprendra le même type d'évaluation des obstacles pour les femmes que celui des pays partenaires de l'initiative. C'est une excellente nouvelle.
Deuxièmement, comme l'a souligné Mme Baruah devant le Comité, l'argument voulant que l'augmentation de la participation des femmes mène à une efficacité accrue des opérations de la paix soulève de grandes préoccupations. Tous les membres des opérations de soutien de la paix doivent contribuer à rendre les interventions plus efficaces en ce qui concerne la violence fondée sur le sexe, et non seulement les femmes.
Troisièmement, les efforts du Canada pour appuyer les opérations de paix de l'ONU doivent se fonder sur une vision d'ensemble. Il faut soutenir et financer toute la gamme des initiatives d'intégration des principes de l'égalité des hommes et des femmes aux opérations de maintien de la paix. Déployer plus de femmes sans viser la capacité globale des opérations de maintien de la paix à répondre à l'ensemble des questions relatives à l'égalité des sexes ne nous mènera pas très loin. Je décrirai bientôt ce que cela suppose.
Je passe maintenant au deuxième point que je voulais soulever: l'importance d'examiner l'ensemble des possibilités et des défis associés au déploiement de plus de Canadiennes dans le cadre des initiatives de maintien de la paix. Nous appuyons fermement la volonté du Canada d'augmenter le pourcentage de femmes dans les missions à l'étranger, mais on nous a prévenus que les conditions doivent être mises en place pour assurer leur réussite. Il ne suffit pas de s'attarder aux chiffres seulement. Il faut s'attaquer à des enjeux institutionnels, culturels, structurels, comportementaux et logistiques dans les opérations de soutien de la paix pour garantir leur efficacité. Il est essentiel que les femmes dans les opérations de paix aient accès à la formation, à l'aide médicale, à l'équipement et aux installations dont elles ont besoin.
De plus, les recherches montrent que les femmes dans les opérations de paix sont victimes de harcèlement et d'agressions de la part des autres Casques bleus. Il est crucial de comprendre et de cibler les problèmes de sexisme et d'homophobie dans le secteur de la sécurité. Les efforts du Canada pour y arriver, au moyen d'initiatives comme l'opération Honneur, doivent donner des résultats si nous voulons être un défenseur crédible sur la scène internationale. Les leçons tirées de ces initiatives peuvent également être communiquées aux pays contributeurs. C'est une question importante pour le maintien de la paix en général ainsi que pour l'apport canadien à toute mission.
Le troisième sujet touche l'intégration des perspectives sur l'égalité des sexes dans le domaine du maintien de la paix. Il est important de souligner qu'il y a des engagements canadiens et mondiaux qui ne se limitent pas à accroître le nombre de femmes dans les opérations de maintien de la paix. On vise également à intégrer les principes de l'égalité des hommes et des femmes. Ainsi, il faut notamment comprendre comment les conflits armés en général, et les opérations de maintien de la paix en particulier, ont des répercussions différentes pour les hommes et les femmes.
Le ministère canadien de la Défense nationale a reconnu l'importance de ces connaissances. J'ai entendu le discours éloquent que le chef d'état-major, le général Vance, a donné sur le sujet, et je n'ai aucun doute sur son engagement. Nous sommes heureux de constater que les choses avancent au sein du ministère et des Forces armées canadiennes, par l'entremise de la mise en oeuvre de la directive du chef d'état-major de la Défense pour l'intégration de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Cela dit, beaucoup de travail reste à faire pour développer des compétences, créer une formation vraiment efficace et établir des lignes directrices dans tous les secteurs, de l'approvisionnement aux relations avec les populations locales. Il faut notamment effectuer une analyse comparative entre les sexes — avec l'appui de conseillers en matière d'égalité entre les sexes, comme mes collègues en ont parlé — sur tous les sujets, y compris la primauté du droit, la protection des civils et la réforme du secteur de la sécurité. Il faut mener des consultations auprès des organismes de femmes sur le terrain. Il faut inclure les questions spécifiques aux sexes comme la violence sexuelle liée aux conflits dans les mandats des missions. Il faut améliorer les données sur les genres ainsi que les activités de renforcement des capacités et de formation au sujet des analyses et des perspectives sur l'égalité des sexes, ce qui inclut la participation des organismes de femmes. Il est important qu'une telle formation s'adresse aux dirigeants, et non seulement aux simples soldats. Il faut également prévoir des programmes visant l'accroissement de la participation des femmes à la reconstruction après les conflits, le déploiement de conseillers en matière de protection des femmes ainsi que l'amélioration des rapports sur ces enjeux.
Le Plan national d'action du Canada souligne l'importance de la société civile et des organismes de femmes. Les interactions entre les opérations de paix et la population locale sont cruciales. Selon les témoignages de femmes sur le terrain, leur principale interaction avec les Casques bleus est le passage des véhicules qui soulèvent la poussière en traversant leur village. Il y a beaucoup à faire afin que le personnel des opérations de soutien de la paix, les militaires comme les civils, ait les compétences et les capacités nécessaires pour interagir efficacement avec les populations locales. Pour y arriver, il devrait s'appuyer sur les compétences, les connaissances et l'expertise des militants et des organismes de défense des droits des femmes de la région.
Le dernier enjeu à souligner est celui de l'exploitation et des agressions sexuelles. L'une des principales bavures qui entachent la réputation des opérations de maintien de la paix de l'ONU est un problème de longue date: les Casques bleus qui commettent des actes de violence, y compris des agressions sexuelles, contre les gens qu'ils devraient protéger. Malgré l'indignation généralisée que le problème a soulevée, il s'est révélé particulièrement difficile à éradiquer.
De nombreuses recommandations ont toutefois été présentées. Par exemple, la campagne Code Blue de l'organisme AIDS-Free World milite en faveur d'un mécanisme judiciaire spécial en faisant valoir que les enquêtes et les poursuites doivent être séparées des processus internes de l'ONU.
Le Canada s'est exprimé sur l'importance de s'attaquer efficacement aux cas d'exploitation et d'agressions sexuelles dans les rangs de l'ONU. Nous appelons à une vigilance soutenue, tant à l'ONU que dans l'ensemble des opérations de soutien de la paix auxquelles le Canada participe.
En conclusion, je tiens à reconnaître le travail accompli jusqu'à ce jour par le ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes, la GRC et Affaires mondiales Canada. Cependant, les enjeux sont complexes, et il y a encore du travail à faire pour que le rendement du Canada soit digne des ambitions qu'il a présentées dans le contexte mondial.
Je terminerai en citant les mots de l'infatigable , Chrystia Freeland, qui a affirmé ceci la semaine dernière à New York: « Nous devons intégrer le féminisme au maintien de la paix. Il est temps de mettre fin au patriarcat dans les missions de maintien de la paix. »
Merci de l'invitation et de votre attention. J'ai hâte de participer aux discussions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et distingués témoins, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. C'est un plaisir de vous parler, même si je dois le faire à distance.
J'ai pensé qu'il serait pertinent que je revienne un peu en arrière pour parler des contributions actuelles du Canada dans le contexte plus large de l'évolution des conflits et du maintien de la paix. Je le ferai brièvement.
Selon moi, il est utile de comprendre que depuis la fin de la guerre froide, nous avons vu trois principales phases d'évolution des opérations de maintien de la paix des Nations unies.
La première a eu lieu de la fin des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990. De façon charitable, on pourrait la qualifier de phase d'expérimentation: les Nations unies essayaient de nouvelles formes de maintien de la paix après la guerre froide. Il y a eu quelques réussites au Mozambique, au Salvador et ailleurs, mais également une suite d'échecs cuisants sur le plan stratégique en Somalie, au Rwanda, en Bosnie, en Angola et ailleurs.
Ces expériences ont mené à la deuxième phase, que je décrirais comme la période de réforme. Elle a été principalement dirigée par Kofi Annan, à partir du moment où il est devenu secrétaire général. Pendant cette période, l'ONU a augmenté de façon marquée la taille de ses déploiements par rapport aux combattants auxquels elle faisait face. On a observé des améliorations substantielles des fonctions de commandement et de contrôle; une reconnaissance que le principe fondamental d'impartialité des Casques bleus n'empêchait pas l'ONU de lutter contre les saboteurs et autres individus tentant de miner les accords de paix; et l'adoption d'une approche multidimensionnelle, c'est-à-dire l'intégration des instruments relatifs à la sécurité, à l'économie et à l'aspect humanitaire dans un cadre politique général.
La forte croissance des opérations de maintien de la paix pendant cette phase, du milieu des années 1990 à 2010, est étroitement liée et a certainement contribué à un phénomène — on ne peut pas vraiment dire qu'elle l'a causé — dont on ne parle pas beaucoup: la baisse de 40 % des guerres dans le monde et la chute de 80 % des grandes guerres. Les missions de maintien de la paix des Nations unies, ainsi que celles d'autres acteurs comme l'OTAN et les organismes régionaux, ont joué un rôle crucial dans la chute marquée des guerres dans le monde pendant cette période.
La troisième phase, que nous vivons en ce moment, est celle qui suit le printemps arabe. Nous avons observé la fusion de deux programmes: celui de la lutte contre le terrorisme, d'un côté, et celui de la gestion des guerres civiles, de l'autre. De 2010 à aujourd'hui, plus de 90 % des décès découlant des combats ont eu lieu dans des guerres impliquant une organisation terroriste. Autrement dit, il n'est plus possible de séparer les enjeux de gestion des guerres civiles et ceux de la lutte contre le terrorisme. Les conflits présentent toute une gamme de niveaux de difficulté, d'extrêmement difficile, comme en Syrie, à moins difficile, comme au Mali. Nous faisons face à de nouveaux défis, peu importe où se trouvent les conflits sur le spectre.
Pour les pays comme le Canada, la situation crée trois options pour contribuer à la gestion des conflits.
D'abord, il y a le déploiement par l'entremise de l'OTAN, ce que nous avons fait en Afghanistan, comme vous le savez. L'OTAN offre des avantages considérables, notamment en ce qui concerne la force militaire et les capacités antiterroristes, ainsi que d'importants désavantages. L'OTAN s'est montrée plutôt maladroite sur l'aspect multidimensionnel de ses opérations. Dans de grandes parties de l'Afrique et du monde arabe, je crois qu'elle fait face à un important désavantage dès le départ par rapport à la perception de légitimité ou d'illégitimité d'une plateforme venant de l'Ouest.
Les coalitions de pays volontaires représentent la deuxième option. Elles sont déployées plus efficacement ces dernières années. Il y a la très connue Coalition mondiale contre Daech, mais également le G5 Sahel et la force multinationale contre Boko Haram. Ces coalitions sont très efficaces. Elles ont le désavantage d'opérer dans un cadre juridique discutable avec une légitimité contestable, en plus de ne pas avoir les outils multidimensionnels que les Nations unies, dans les meilleures conditions, ont pu offrir.
Je qualifierais la troisième option d'opérations renforcées de maintien de la paix des Nations unies. C'est ce qui se passe dans le Sud du Liban, au Mali et en République démocratique du Congo. Les Nations unies continuent d'y opérer dans un cadre relativement traditionnel de maintien de la paix, notamment en adoptant une approche impartiale, mais avec une force de frappe beaucoup plus grande et une capacité nettement supérieure à lutter contre les saboteurs et autres individus voulant faire dérailler les accords de paix ou menacer autrement la paix et la stabilité du pays en question.
Les Nations unies doivent alors obtenir — ce n'est pas facultatif, c'est nécessaire — la participation de fournisseurs de contingent perfectionné, comme les Néerlandais, les Chinois et les Canadiens, pour assurer la réussite des missions. De mon point de vue, le cadre juridique est appelé à évoluer pour reconnaître que les Nations unies seront dans certains cas une partie au conflit. Il n'y a rien de mal à occuper ce rôle; c'est une catégorie juridique pleinement reconnue. Les Nations unies devraient parfois se considérer comme une partie au conflit.
Pour cela, il faut vouloir utiliser la force contre les agents perturbateurs et les groupes décidés à amoindrir le sentiment de sécurité de la population civile, à fragiliser un accord de paix et à compromettre la stabilité du pays en question, et il faut que l'ONU soit à fond derrière cette solution.
Je pense que toutes ces conditions sont, au moins en grande partie, réunies au Mali, où les Forces canadiennes sont maintenant déployées, bien sûr. J'ai applaudi la décision du Canada de déployer son contingent au Mali, comme j'avais applaudi la contribution du Canada à la FIAS en Afghanistan. C'est très important que le Canada ait choisi de prendre part aux missions de maintien de la paix plus dur des Nations unies. C'est l'antiterrorisme dans sa version la plus douce, mais la facette la plus dure du maintien de la paix. C'est à ce niveau-là qu'il faut changer.
Nous vivons maintenant dans un monde où les Casques bleus sont, en gros, seulement déployés quand il y a des composantes antiterroristes. Nous devons évoluer et développer nos capacités en la matière si nous voulons avoir les outils nécessaires pour gérer les États fragiles et les guerres civiles en nous appuyant sur une composante antiterroriste.
En participant aux opérations au Mali, le Canada s'est affirmé bien plus qu'il ne l'avait fait dans les dernières années, ce qui lui a permis de mettre de l'avant le cadre stratégique aux Nations unies et de devenir un ardent défenseur de l'évolution de ces outils aux Nations unies.
Merci.
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Monsieur le président, merci beaucoup.
Je veux profiter de l'occasion pour vous demander des conseils politiques très concrets. Une des populations les plus vulnérables des récents conflits est la communauté LGBTI. Il y a eu des atrocités horribles, souvent commises de façon systémique, dans des pays comme l'Irak, la Syrie, la Libye et de nombreux autres pays dans cette région.
Le 14 octobre, quelques semaines avant que notre comité se rende à New York, la Chambre des communes enverra une délégation à l'Union interparlementaire, un forum où se réunissent les parlementaires de partout dans le monde. Cette organisation est même plus vieille que l'ONU. Elle compte 176 pays membres et on y discute beaucoup de paix et de sécurité.
La question des droits de la communauté LGBTI ne se trouve jamais à l'ordre du jour. Certains pays, bien connus, se mobilisent pour que cette question soit rejetée, démocratiquement, et qu'on n'en discute jamais.
D'après vos connaissances, vos contacts et votre expérience, quelles solutions devrions-nous mettre en oeuvre ou envisager pour que, dans les situations de conflit, ce segment de la population civile soit mieux protégé qu'il l'a été par le passé?
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C'est une explication très utile. Merci beaucoup.
Il ne me reste pas beaucoup de temps. Monsieur Jones, j'aimerais pouvoir revenir à vous sur quelques points. Cependant, je vais me tourner vers Mmes White et Woroniuk.
Je vous remercie de cette excellente conversation.
En tant que femme qui a uniquement travaillé dans des milieux de travail dominés par les hommes — le milieu des affaires et la politique —, j'ai appris que, pour que les femmes puissent laisser leur marque, il faut arriver rapidement au point de masse critique. Nous sommes présentement dans ce que j'appellerais la « phase d'inconfort ». Une des questions que je n'arrive pas à résoudre dans notre discussion, c'est que, si nous sommes à 5, 10 ou 15 %, comment pouvons-nous arriver à 30 % aussi rapidement que possible, afin d'en arriver à la masse critique qui nous permettra d'obtenir du changement? C'est ma première question.
Deuxièmement, c'est au sujet du parrainage comparativement au mentorat. Comment se fait-il qu'il faille que les femmes commandantes soient parrainées par un homme commandant dans les opérations internationales de maintien de la paix, dans les contextes de paix et de conflit, pour pouvoir occuper ces postes de commandement?
Troisièmement, il faut créer des groupes où les femmes pourront se soutenir entre elles, en contexte de paix et en contexte de guerre.
Je me demande si l'une de vous deux peut expliquer comment nous pourrions y arriver. D'abord, êtes-vous d'accord? Ensuite, comment pouvons-nous faire bouger les choses dans ces situations? Merci.
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Je vous remercie de l'avoir souligné. Je pense que l'une des forces et l'un des éléments intéressants du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, c'est d'essayer de mettre de l'avant cette approche holistique. L'un des principaux points soulevés est que, dans ce dossier, l'amélioration de la sécurité des femmes en période de guerre n'est pas le seul travail à accomplir. Ce n'est pas notre objectif.
Nous essayons plutôt de prévenir les conflits avant qu'ils n'éclatent. Cela exige divers types d'investissements, du développement, la détection précoce des conflits, un contre-discours à l'extrémisme violent. Il est aussi important que ce soit dans le programme, comme nous le savons, et d'autres témoins ont parlé des avantages de dépenser un dollar pour prévenir un conflit par rapport aux centaines de dollars qu'il en coûte une fois que le conflit armé a éclaté. D'après moi, il faut s'efforcer davantage de s'attaquer aux causes profondes des conflits.
De plus, il est important d'examiner ce qui se passe après les conflits. Nous nous apercevons que, lors des conflits, les normes sexuelles changent parfois. Les femmes assument des rôles différents en raison des bouleversements. Après les conflits, il faut qu'il y ait des possibilités pour les femmes et les hommes sur le plan de l'emploi et de la démobilisation.
Dans le cas d'anciens membres des forces armées, un des grands problèmes est ce qui se passe en Colombie, entre autres. Les femmes membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie qui sont démobilisées se voient souvent offrir une formation pour travailler dans un salon de coiffure ou un salon de beauté. Il s'agit de femmes très motivées ayant de nombreuses compétences techniques. En raison de ces compétences, elles sont de plus en plus recrutées comme narcotrafficantes. Pourtant, officiellement, tout ce qu'on leur offre, c'est un emploi dans un salon de coiffure.
Il faut analyser ces éléments et la manière dont nous rétablissons la paix.