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Mesdames et messieurs, merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Il y a 35 ans, je joignais les rangs des forces armées à titre d'officier de logistique avant de devenir officier d'infanterie lorsque le Tribunal des droits de la personne a supprimé tous les obstacles juridiques empêchant d'employer des femmes dans des rôles de combat. Je parle d'obstacles juridiques, car je pense qu'il relève du mythe d'affirmer qu'absolument tous les obstacles ont été éliminés.
Je ne vais pas vous donner tous les détails de ma carrière militaire, car vous pouvez les trouver dans mon livre, un succès de librairie. On va en tirer un film, et je ne veux pas en révéler le dénouement. C'est toutefois surtout parce que la solution la plus facile pour les responsables consiste à affirmer que les choses ont changé depuis. J'ai vécu ces expériences à l'époque, mais la situation n'est plus la même. On n'agit plus de cette manière.
[Français]
Je tiens à vous parler des réactions à mon livre, car c'est très révélateur. J'ai reçu quelques centaines de lettres, de notes, de messages, de textos et de courriels à la suite de la publication de mes mémoires Seule au front. Je peux mettre toute cette correspondance dans les quatre catégories, dont je vais maintenant vous faire part.
Dans la première catégorie, il y a des lettres de femmes qui se reconnaissent dans mon histoire. Chacune d'elles pourrait écrire son propre chapitre assez coloré sur son parcours difficile de haine, d'abus et de rejet. Ces lettres me rendent très triste, pas seulement parce que ces choses se passent encore de nos jours, mais aussi parce que, dans presque toute leur correspondance, elles commencent en me priant de garder cela secret et confidentiel. Elles ont toujours peur aujourd'hui de raconter leur histoire.
[Traduction]
En second lieu, je reçois aussi des lettres en provenance de femmes qui veulent m'assurer que je n'ai pas livré mes combats en vain. Ces femmes s'épanouissent pleinement au sein de leur unité; elles y sont bien acceptées et appréciées à leur juste valeur. Elles me disent que tout n'est pas encore parfait, mais qu'elles sont reconnaissantes pour la voie que d'autres militaires et moi-même avons tracée pour elles. C'est toujours pour moi une grande joie de recevoir des lettres semblables.
[Français]
La troisième catégorie regroupe des lettres d'hommes qui ont lu mon livre et qui reconnaissent qu'ils pourraient être de meilleurs défenseurs des femmes, non pas parce que nous sommes faibles ou que nous sommes des princesses ayant besoin d'être sauvées, mais parce qu'ils savent que, pour les femmes qui vivent aujourd'hui dans notre pays, lequel figure en tête des meilleurs endroits où vivre, les plaintes de harcèlement ou d'inégalité peuvent avoir des conséquences dévastatrices. Cette catégorie de lettres me réjouit, car je vois que les femmes de la prochaine auront des alliés pour relever leurs défis.
Enfin, la quatrième et dernière catégorie est celle qui me touche le plus. C'est une correspondance d'hommes qui s'excusent pour le mal qu'ils m'ont causé. Ils ont lu mon livre et s'y reconnaissent, même s'ils n'y sont pas nommés. Il n'y a qu'une poignée de ces lettres, mais leurs auteurs reconnaissent qu'ils m'ont fait du tort et le mal qu'ils ont causé. Ce qui est remarquable de ces lettres, c'est que beaucoup de ces hommes servent encore au sein des Forces canadiennes.
Dans le cadre de l'engagement du général Vance envers l'opération Honour et la tolérance zéro, ces lettres signées par des hommes qui reconnaissent leur culpabilité pourraient bien sonner la fin de leur carrière. Ces lettresme donnent un grand espoir et une tranquillité d'esprit, car je sais que ces hommes seront de meilleurs êtres humains, des dirigeants, des leaders et des champions pour les femmes.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute que les Forces armées canadiennes ont amorcé un virage vers une culture militaire plus inclusive et accueillante qui valorise davantage la diversité. Cela se fait toutefois trop lentement. Il ne suffit pas d'amorcer un virage. Une transformation radicale s'impose.
Il faut absolument faciliter les choses à ceux et celles qui ont été victimes d'abus, leur fournir une tribune pour signaler les inconduites sexuelles, et leur offrir des services de counselling et des soins médicaux. Les Forces armées canadiennes doivent maintenir le cap à ce chapitre.
Il est difficile et démoralisant d'entendre tous ces récits de sévices subis, mais cela démontre que nous avons créé un environnement où les victimes sentent qu'elles peuvent dénoncer leur agresseur en toute sécurité. C'est une démarche qui témoigne de leur force, plutôt que de leur ressentiment.
Il est impossible de rectifier le tir si l'on n'est pas au courant de la situation. Il faut désormais intervenir en amont pour empêcher que des incidents semblables puissent se produire, et la meilleure façon d'y parvenir, c'est de changer la perception des hommes à l'égard de femmes. Nous devons remettre en question nos paradigmes dans tous les aspects de la formation, du déploiement et de la gestion des ressources humaines.
Les conflits ont beaucoup évolué depuis la fin de la guerre froide. La guerre de nouvelle génération s'articule autour de missions complexes en rapide mutation exigeant le déploiement de groupes de combat possédant des compétences diversifiées dont certaines sont surtout maîtrisées par les femmes. La présence bien intégrée dans ces équipes de combat de femmes pouvant s'épanouir pleinement est non seulement le reflet des transformations que nous souhaitons voir se produire dans ces États fragilisés, mais peut aussi y contribuer. En effet, dans ces régions du monde ravagées par la violence, il est bon de redonner espoir aux femmes maltraitées, victimisées, dépossédées et violées en leur montrant qu'il est possible pour elles d'aspirer à un meilleur sort.
Comme je le disais tout à l'heure, rien de plus facile pour un soi-disant leader que de considérer les erreurs commises par le passé pour apporter les correctifs nécessaires pour l'avenir. Il faut toutefois être un véritable visionnaire en examinant les pratiques actuellement en usage pour se demander si elles ne nous feront pas rougir de honte dans 5, 10, 15 ou 20 ans d'ici.
Permettez-moi de vous donner deux exemples pour vous faire comprendre ce que j'entends par la remise en question de nos paradigmes actuels.
Il y a d'abord la Mère de la Croix d'argent. Chaque année, nous reconnaissons le sacrifice des mères qui ont perdu un enfant au service de notre pays en désignant la Mère de la Croix d'argent qui est choisie par la Légion royale canadienne. Cette importante tradition nous permet de commémorer avec toute la compassion nécessaire la peine de ces mères de partout dans le monde qui ont perdu un enfant au service de leur pays.
Le temps est venu de moderniser cette tradition afin de mieux tenir compte des différentes formes de parentalité. Il fut un temps où c'était surtout les mères qui devaient s'occuper des enfants, et il n'était pas rare qu'elles doivent le faire toutes seules lorsque leur époux partait pour la guerre. C'était la norme à ce moment-là, mais les temps ont changé. Bien que nous n'ayons pas encore atteint la pleine égalité, les pères jouent maintenant un rôle de plus en plus important dans la vie de leurs enfants, et on ne devrait pas les exclure lorsque l'on commémore les sacrifices consentis par les parents, tous les parents.
En désignant uniquement une Mère de la Croix d'argent, on dévalorise le rôle joué par les pères tout en contribuant à la stigmatisation de ceux qui choisissent de prendre un congé parental ou de demeurer à la maison pour s'occuper de leurs enfants. On perpétue par le fait même la perception suivant laquelle les femmes sont les seules qui ont à s'occuper des enfants ou voulant qu'elles aient une contribution plus importante à ce chapitre. C'est néfaste autant pour les hommes que pour les femmes, et ce n'est pas représentatif de la variété des modèles familiaux actuels. Certains militaires ont maintenant deux pères, un père célibataire ou deux mères. Comment choisir? Les sacrifices faits par ces différents parents ne méritent-ils pas la même reconnaissance de notre part? Il est temps que l'on désigne un parent de la Croix d'argent.
Mon second exemple est lié à la difficulté de recruter des femmes pour occuper des rôles non traditionnels au sein des forces de défense et de sécurité et dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Nous devons tous nous employer à bien faire comprendre aux filles que les possibilités qui s'offrent à elles sont illimitées.
Je fais du bénévolat pour le Projet Mémoire. Nous nous rendons dans les écoles pour parler des anciens combattants aux jeunes de troisième et quatrième années. Je suis là devant eux avec mes médailles, mon insigne de parachutiste et tout mon attirail militaire, et ils attendent encore l'arrivée du major Perron. Encore aujourd'hui, nos enfants ont une certaine perception de l'allure que devrait avoir un ancien combattant. Il semble toutefois que ce soit la même chose pour les adultes. Au cours des trois dernières années, la Monnaie royale canadienne a frappé de nouvelles pièces à l'effigie de héros canadiens: pompiers, policiers et soldats. Ce sont tous des hommes. La seule exception est une infirmière qui conduit une ambulance. Ce sont tous des personnes de race blanche. Nous continuons de perpétuer cette image. Les fillettes grandissent donc en considérant principalement les domaines traditionnels d'emploi, et nous nous étonnons ensuite de ne pas parvenir à atteindre nos cibles de recrutement.
[Français]
En conclusion, je vous laisse avec cette pensée.
Les Forces armées canadiennes ne font pas tout cequ'il faut faire en ce qui concerne la diversité et l'élimination de l'inconduite sexuelle. Parfois, ils sont maladroits; parfois, ils essaient tellement fort qu'ils trébuchent, mais je connais plus que quiconque les sacrifices que font nos militaires, et pas seulement sur le champ de bataille.
Tous les deux ou trois ans, ils déracinent leur famille. Ils doivent trouver une nouvelle école, un médecin et obtenir des plaques d'immatriculation. Ils perdent des amis et l'équité à long terme de leurs maisons. Ils sont éloignés de leur famille. Les hommes et les femmes de nos forces armées méritent non seulement notre loyauté, mais également notre plus grand respect et notre admiration. Je leur dis de garder le cap.
[Traduction]
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Perron.
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre aux questions en français.
[Traduction]
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Je m'appelle Kristine St-Pierre et je suis directrice du WPS Group, une organisation regroupant des spécialistes des questions liées à l'égalité entre les sexes et à l'avancement des femmes, de la paix et de la sécurité. Voilà plusieurs années déjà que nous offrons aux policiers canadiens déployés dans le cadre de missions internationales une formation concernant les femmes, la paix et la sécurité. Nous procédons également à des analyses comparatives entre les sexes en plus d'élaborer des stratégies organisationnelles pour la promotion de l'égalité des sexes.
Je comparais également devant vous en ma qualité de membre du comité directeur du Women, Peace and Security Network - Canada, un réseau de bénévoles regroupant plus de 70 particuliers et organisations non gouvernementales du Canada. Notre réseau a pris les deux engagements suivants: assurer la promotion et la surveillance des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour la mise en oeuvre et le soutien des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité; et offrir une tribune pour les échanges et les interventions de la société civile canadienne dans les dossiers touchant les femmes, la paix et la sécurité.
Au cours des dernières années, notre réseau a été l'un des interlocuteurs clés du gouvernement du Canada aux fins de la mise en oeuvre de son plan d'action national. J'ai également fourni au Comité notre rapport d'examen des politiques du ministère de la Défense nationale pour 2016.
Je vais vous exposer aujourd'hui mes points de vue personnels, lesquels s'inspirent toutefois de mes consultations auprès de collègues ainsi que des recherches et analyses menées par le Women, Peace and Security Network - Canada.
L'un des objectifs stratégiques des Forces armées canadiennes en matière de diversité consiste à « inculquer une culture de la diversité », ce qui exige de « développer une culture organisationnelle militaire plus inclusive et respectueuse démontrant ainsi à la société canadienne que les Forces armées canadiennes adhèrent aux valeurs de la diversité ». Mes observations d'aujourd'hui vont porter sur deux considérations relatives à cet objectif d'inculquer une culture de la diversité.
Je veux d'abord traiter de la nécessité d'adopter une politique d'ensemble englobant les enjeux liés à l'égalité entre les sexes et à la diversité. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont pris de nombreux engagements relativement à l'équité, l'égalité et la diversité. On peut penser notamment à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, un engagement législatif à adopter des pratiques d'emploi proactives pour accroître la représentation des membres des quatre groupes désignés, y compris les femmes. Il y a aussi les engagements pris dans le cadre de l'opération Honour qui vise à éliminer les comportements sexuels préjudiciables et inappropriés au sein de nos forces militaires. Notons aussi la stratégie pour la diversité qui préconise la reconnaissance, l'adoption et la promotion active de la diversité à titre de valeur institutionnelle fondamentale des Forces armées canadiennes. Ajoutons à cela les engagements pris dans le cadre du plan de la Défense 2018-2023 en faveur de l'intégration des considérations sexospécifiques aux plans, aux politiques et aux opérations de la défense. Il y a enfin les engagements découlant du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité dont les objectifs sont principalement liés à l'amélioration de la gouvernance, de la formation et de l'éducation, de la reddition de comptes, du recrutement et de l'intégration des considérations relatives au sexe dans les opérations des forces militaires.
Ces différents engagements visent des objectifs distincts mais se recoupent pour produire des résultats importants. L'efficacité des efforts déployés dans le cadre de l'opération Honour pour créer un environnement exempt de discrimination et de harcèlement sexuel contribuera grandement à faciliter le recrutement par les Forces armées canadiennes d'un plus grand nombre de femmes et de membres des différents groupes désignés. Il est en outre essentiel de pouvoir recruter davantage de femmes pour respecter nos engagements en vertu du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité. Ce plan d'action national peut quant à lui devenir un outil essentiel à l'intégration par le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes des considérations liées au sexe à leurs plans, leurs politiques et leurs opérations à l'étranger.
J'estime primordial de mettre en place un cadre stratégique global articulant toute la gamme des engagements liés à la diversité et à l'égalité entre les sexes dans le contexte de la mise en oeuvre des recommandations du rapport Deschamps; de l'opération Honour; du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité; de la quête d'une diversité accrue au sein des Forces armées canadiennes, notamment via une plus grande participation des femmes; du recours à l'analyse sexospécifique plus pour toutes les politiques et les opérations; et de l'élimination des comportements et des pratiques sexistes et homophobes
Un tel cadre stratégique global serait bénéfique à plusieurs égards. On s'assurerait ainsi d'une action plus cohérente quant aux suites à donner aux différents engagements ainsi qu'une meilleure coordination entre les différentes unités et divisions du ministère et des forces armées. On pourrait définir plus clairement l'importance accordée aux différents engagements et les liens qui les unissent. Cela faciliterait en outre les communications à tous les paliers relativement à ces questions en plus de montrer bien clairement à la population quelles sont les intentions du ministère et des forces armées en matière d'égalité et de diversité.
Plus important encore, on enverrait ainsi un message clair en faveur d'un changement transformationnel dans la façon dont les forces armées envisagent leur travail. On ferait comprendre aux gens qu'Il ne s'agit pas seulement d'intégrer de nouvelles personnes pour accomplir le même travail, mais aussi de profiter de l'occasion pour modifier les façons dont on a toujours fait les choses. Cette démarche témoignerait en outre d'une volonté de revoir les structures mêmes au sein desquelles on veut intégrer davantage de femmes et de membres de divers groupes.
Ma seconde considération est liée à la nécessité de tendre vers une plus grande diversité au sein des forces, non seulement parce que cela va les rendre plus efficaces, mais aussi parce que c'est une question d'équité.
Voici d'ailleurs ce qu'indiquent les forces armées dans leur stratégie pour la diversité: « ... nous reconnaissons et allons promouvoir activement dans nos pratiques, nos politiques et notre culture institutionnelle, une stratégie à l'égard de la diversité. » Une recherche rapide nous révèle toutefois qu'aussi bien les déclarations récentes des forces armées que les reportages médiatiques portant sur leur stratégie en matière de diversité font valoir que celle-ci va permettre d'améliorer l'efficacité. Précisons que les forces armées ne sont pas la première organisation à surtout faire valoir les avantages du point de vue opérationnel que peut lui procurer la diversité et la prise en compte des considérations relatives au sexe.
De nombreux travaux de recherche portant sur d'autres industries et le milieu des affaires démontrent les avantages d'une main-d'oeuvre diversifiée et de l'accession d'un plus grand nombre de femmes à des postes de direction. Les chercheurs ont par exemple démontré que les groupes diversifiés sont généralement plus intelligents et aptes à prendre de meilleures décisions que ceux qui sont homogènes. Les entreprises ayant nommé plus de femmes à des postes de direction se tirent généralement mieux d'affaire financièrement, et les unités fonctionnelles bénéficiant d'une plus grande diversité entre les sexes obtiennent de meilleurs résultats financiers. L'Agence américaine pour le développement international a noté pour sa part que l'élimination de la discrimination à l'endroit des femmes en milieu de travail peut accroître la productivité. Des résultats de recherche publiés dans le Harvard Business Review indiquent que la diversité organisationnelle mène à une meilleure capacité d'innovation, et ce, plus rapidement. En outre, un bassin plus diversifié d'employés donne accès à une meilleure capacité de réflexion et de prise de décisions.
Il ne fait aucun doute que la présence d'un soldat canadien parlant le pachto peut être bénéfique pour une mission en Afghanistan, ou que la participation de soldates peut faciliter l'accès aux femmes du pays ou permettre de les soumettre à une fouille. Il ne faut toutefois pas perdre de vue pour autant les impératifs liés aux droits de la personne et à l'égalité entre les sexes et veiller à inculquer ces valeurs à l'ensemble du personnel. Il faut absolument une action réfléchie et soutenue à cet égard si l'on veut changer la culture des Forces armées canadiennes.
Il est notamment primordial que la quête de diversité et l'intégration des considérations liées au sexe ne mènent pas à l'instrumentalisation des droits des femmes. Margaret Jenkins, membre du Women, Peace and Security Network - Canada, soutenait dans une publication récente que l'accent mis sur l'efficacité opérationnelle:
risque d'instrumentaliser la participation des femmes — c'est-à-dire qu'elles sont mobilisées pour les missions de paix et de sécurité en raison de leur contribution particulière, et que tout échec sera attribué à leur inefficacité... Les femmes devraient pouvoir participer de plein droit aux missions de paix et de sécurité parce qu'elles ont droit aux mêmes possibilités que les hommes, et non en raison des avantages pouvant être tirés de leur participation.
De nombreuses variables influent sur la réussite et l'impact de la participation et de l'intégration des femmes, y compris la persistance de comportements et de préjugés sexistes autant chez les hommes que chez les femmes. Il sera extrêmement difficile d'agir pour changer ces comportements et ces préjugés profondément ancrés à l'égard des femmes et des membres de différents autres groupes si nous n'inscrivons pas dès le départ l'égalité et la diversité dans nos valeurs institutionnelles fondamentales. C'est à la fois la chose intelligente à faire et la bonne chose à faire.
En conclusion, je veux d'abord reconnaître les efforts importants et soutenus du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes en faveur de l'égalité et de la diversité. Je veux en outre souligner que l'objectif d'inculquer une culture de la diversité doit être considéré dans une perspective à long terme exigeant des efforts de tous les instants de la part de tous les membres des forces armées, en commençant par les hauts gradés.
En terminant, je veux rappeler à quel point il est important que les militaires comblent leur manque d'expertise en matière d'équité entre les sexes en apprenant à tirer parti de celle acquise par la société civile — et notamment par des organisations comme le Women, Peace and Security Network - Canada — pour en arriver à bien comprendre tous les enjeux liés à cette problématique.
Je vous remercie.
Vos présentations sont excellentes. J'ai beaucoup de questions et seulement cinq minutes pour les poser.
Major Perron, je songe notamment à ce que vous avez dit pour faire embarquer les hommes. Vous n'avez pas posé la question, mais je vais... Comment mieux le faire? Moi-même, j'ai travaillé exclusivement dans des milieux essentiellement masculins, donc je connais très bien le besoin de changer la culture. Voilà la première partie de ma question.
La deuxième partie, à laquelle je viens de penser, c'est de savoir dans quelle mesure ceux, c'est-à-dire les hommes qui sont militaires depuis un certain temps et à qui on demande tout d'un coup de changer, ont peur d'avoir commis une bourde dans le passé. C'est presque comme s'ils doivent reconnaître qu'ils ont commis des actes répréhensibles. De plus, il y a une échelle graduée. On peut dire des choses et on peut les faire; il y a le niveau 1, le niveau 2, et ainsi de suite. Il y a des niveaux de gravité différents. Il se peut que la transgression remonte à 30 ou à 20 ans. La crainte s'installe, et il devient plus facile de dire: « non, nous ne changeons rien », plutôt que d'accepter que l'on n'a peut-être pas agi de façon exemplaire. Voilà ce qui contribue à la résistance au changement de culture.
Il se peut que ce soit juste moi, mais lorsque vous nous parlez dans le cadre de notre étude, une idée m'est venue qui est peut-être pertinente. Dans quelle mesure devons-nous tenir quelqu'un responsable d'un acte commis il y a 20 ou 30 ans? De plus, comment pouvons-nous établir les conditions nécessaires pour qu'il y ait une certaine reconnaissance tout en permettant d'avancer?
Qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
Major Perron, je vous remercie de votre service. Je vous remercie d'être pionnière, malgré toutes les difficultés que vous avez rencontrées au sein des Forces armées canadiennes. Vous servez de modèle à tant de jeunes hommes et femmes en raison de votre rôle, et je vous suis reconnaissant.
J'ai bien aimé ce que vous avez dit sur la nécessité de recueillir des données, car j'ai toujours pensé que si nous ne sommes pas en mesure de mesurer la chose, on ne peut la gérer. Si nous voulons bien gérer ce dossier, nous devons disposer de meilleurs ensembles de données que nous n'en avons maintenant.
Je sais que nous avons été saisis de nombreuses transgressions qui ont lieu, d'obstacles qui ont gêné la promotion des femmes dans les Forces armées. Regardons le revers de la médaille.
Vous parlez de progression professionnelle, mais quels sont les facteurs qui attirent les femmes vers les Forces armées au départ? Si nous apportons tous les changements, si l'opération Honour donne les résultats escomptés, si le mentorat est en place, si nous recueillons tous les renseignements et nous éliminons le harcèlement sexuel, les inconduites sexuelles et l'intimidation au sein des Forces armées, si la culture change véritablement et nous avons un meilleur milieu de travail pour tous, que faut-il faire du côté du recrutement pour attirer les jeunes femmes vers les Forces armées?
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J'allais vous souhaiter bonne chance, mais je conserverai mon sarcasme pour un autre jour.
Sachez que je me rends dans des écoles chaque année, et je constate que même les jeunes générations sont aux prises avec des stéréotypes et des rôles traditionnels. Je leur fais jouer un jeu. Je leur montre des photographies d'hommes et de femmes, et je leur demande de deviner qui fait quoi. Qui est le pompier? Je vois que les enfants souscrivent en grande majorité aux vieux stéréotypes. C'est parce qu'ils reçoivent 30 000 messages par jour sur Internet. Si vous allez chez vous et vous faites une recherche Google en utilisant les termes « soldat », « marin », « camionneur », « chauffeur de taxi » ou « professeur universitaire », vous allez obtenir des hommes comme résultat. Si vous faites une recherche Google avec les termes « aide-soignant », « professeur d'école », ou « agent de bord », vous obtiendrez des femmes comme résultat.
Il faut aller au niveau le plus bas, c'est-à-dire les plus jeunes, pour leur faire changer d'avis, car c'est à cet âge qu'ils se font des idées quant aux possibilités devant eux. Si l'on fait une recherche Google avec le terme « navire », par exemple, on trouvera 800 images d'hommes à la barre de navires. Les enfants se font programmer à un très bas âge. il faut donc commencer par les plus jeunes.
Deuxièmement, il faut viser la jeunesse, les jeunes adolescents dans nos activités: on devrait les inviter à venir aux bases militaires et demander aux femmes de leur parler. Il y a des pistes de ce côté-là.
Ne recrutons pas aux matchs de hockey masculins où tous les visages sont blancs, parce que, à ce moment-là, nous allons continuer à recruter ce que nous avons déjà. On pourrait le faire, parce qu'il faut en avoir dans un certaine proportion, mais le bassin ne sera pas diversifié, c'est certain.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci encore pour cette discussion. C'est vraiment une période propice pour parler de transition et de transformation.
Je veux revenir à ce que vous avez toutes les deux décrit — ou l'une d'entre vous — comme étant des conversations éclairantes, et parler de la façon dont vous avez obtenu que les hommes s'investissent dans cet enjeu. Madame St-Pierre, je crois que vous avez dit au début que c'est une question d'ordre moral, concernant le droit de servir dans les forces canadiennes.
Sur d'autres fronts, comme la conversation au sujet de l'égalité des sexes et de ses avantages économiques, il y a des recherches que nous aimons souligner. La Banque Royale du Canada a réalisé une recherche selon laquelle instaurer l'équité salariale dès demain se traduirait globalement par un apport de plus de 10 billions de dollars américains. Quand vous dîtes cela à des spécialistes de services de banque d'investissement, tout à coup, une lumière s'allume, mais ce n'est pas la bonne façon d'aborder la question. Comme vous l'avez souligné, c'est de l'instrumentalisation.
Est-ce que ces deux aspects peuvent être mis en valeur de façon parallèle jusqu'à ce que nous arrivions à faire une percée et obtenir l'engagement des hommes, après quoi nous pourrions les situer dans le bon paradigme? Devrions-nous absolument éviter l'instrumentalisation? Existe-t-il une autre option? Le véritable point de départ, c'est que nous sommes au Canada, et que nous sommes en 2019. C'est une question de droits de la personne, en quelque sorte, et il faut toujours que cela le demeure, mais pour vraiment réaliser des percées et faire que les lumières s'allument, devons-nous explorer d'autres avenues pour lancer la conversation ?
Je vous tiens toutes les deux responsables. Vos témoignages sont tellement formidables que cela me porte à soulever d'autres choses.
Quelqu'un a dit que les normes légitimes sont une bonne chose, mais que nous devons remettre plusieurs des normes actuelles en question. Cela m'a fait réfléchir à la façon dont, au fil du temps, l'organisation de nos forces armées a changé parce que nous voulons gagner et atteindre nos objectifs. Je me demande dans quelle mesure la structure même de nos forces en ce moment, la façon dont nous nous sommes organisés pour gagner, nous empêche, nous les femmes, de nous enrôler, de progresser et de faire changer la culture.
Honnêtement, quand je pense aux forces, je me dis que c'est tellement enrégimenté et que je ne voudrais absolument pas m'enrôler. Ce n'est pas une question de sécurité, et ce n'est pas parce que je pense ne pas être capable. C'est juste que la seule idée de…
Je me demande dans quelle mesure nous n'aurions pas besoin d'une nouvelle façon de nous organiser de sorte que nous ayons un nouveau moyen de gagner dans le monde. Le monde a changé. Nous devons presque changer complètement notre manière d'être, de sorte que nous pensions à l'armée d'une manière différente.
Je viens de penser à cela et comme je l'ai dit, je vous tiens toutes les deux responsables, car vous répondez si intelligemment. Je me demande si vous pouvez répondre à cela.