:
Avant tout, je tiens à remercier les membres de cet éminent comité d'avoir une fois de plus sollicité ma participation. À force de collaborer, je finirai peut-être bien par comprendre.
Au lieu de lire le mémoire que j'ai soumis, je me contenterai de soulever trois points qui concernent les changements en cours, je crois, dans le contexte en matière de sécurité dans lequel le Canada et les États-Unis doivent évoluer.
Tout d'abord, il m'apparaît que le NORAD, quoiqu'il a toujours été important, prend de plus en plus d'importance en tant qu'institution assurant la sécurité de l'Amérique du Nord.
Il y a 12 ans, on s'interrogeait sur la pertinence de conserver le NORAD. Ceux d'entre nous qui nous sont portés à sa défense ont eu un peu de mal. Je pense que, aujourd'hui, il n'y a plus le moindre doute que le rôle initial de l'organisme a repris de l'importance, c'est-à-dire la défense contre des menaces aérobies. Par exemple, il y a quelques mois à peine, un bombardier russe de type Bear s'est approché à l'improviste à moins de 40 milles des côtes des États-Unis avant que les chasseurs étatsuniens puissent aller à sa rencontre.
Je pense qu'il s'agit aussi d'un problème pour le Canada. Il s'agit de tests, de coups de sonde, peu importe comment vous voulez décrire cela, mais c'est bel et bien une réalité concrète, et le rôle du NORAD est tout aussi concret.
Je dirais aussi que la dimension maritime créée en 2006 joue elle aussi un rôle de plus en plus inestimable pour la sécurité de l'Amérique du Nord.
Ensuite, je tiens à souligner ce qui est selon moi un point très sensible pour les Canadiens et les Américains, selon ce que je perçois, sur le plan des attitudes politiques et des angoisses relativement à leur propre sécurité, c'est-à-dire le terrorisme. Le terrorisme a bien sûr pris l'avant-plan depuis l'avènement de l'EIIL ou de l'EIIS, au Moyen-Orient. En vérité, si le terrorisme pose problème, c'est en partie à cause de ce qui se fait à l'étranger dans le but de créer des difficultés en Amérique du Nord.
Je vais essayer de vous faire comprendre à quel point cela influe sur la perception des Canadiens et des Américains. Imaginons que... C'est une impossibilité, mais imaginons simplement que les Canadiens croient que l'on pourrait dire des États-Unis qu'ils exportent le terrorisme au Canada. Imaginez quelle serait la réaction. Il en va hélas de même dans l'autre sens. C'est très facile de minimiser l'importance de cela.
Une cache d'information a été mise au jour dernièrement à propos de 4 000 recrues récentes de l'EIIS. C'est un débat concret et fascinant. Nous avons ainsi découvert qu'il n'y avait pas autant de candidats originaires du Canada et des États-Unis que d'autres pays occidentaux. Cela n'en demeure pas moins un problème potentiel, sans compter celui de l'imitation, comme nous le savons que trop bien. Je tiens simplement à souligner qu'il ne faut pas, à mon avis, le sous-estimer, même si, dans le contexte de la sécurité dans son ensemble, ce problème peut sembler ne pas être prioritaire.
Enfin, je veux insérer les choses dans le contexte stratégique et sécuritaire mondial. Je crois qu'il n'y a actuellement aucun doute que la Chine aimerait affirmer clairement que la mer de Chine méridionale et la mer de Chine orientale lui appartiennent et ne sont pas des eaux internationales. Or, la moitié du commerce et des matières premières dans le monde transitent par cette région. Le Canada et les États-Unis sont donc implicitement concernés. De plus, même si ces eaux font partie de la haute mer, on tente de limiter le mouvement des marines, ce qui compliquerait nettement les choses s'il fallait contribuer à assurer la sécurité de pays comme le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. C'est un problème.
Plus près de nous, il est tout aussi évident que la Russie a décidé d'ouvrir de nouvelles stations. Elle est en train de construire ou d'installer une dizaine de stations aux quatre coins de l'océan Arctique. Sur le plan stratégique, ses intentions sont plutôt évidentes. Ce n'est pas encore fait, mais elle entend refermer les goulots d'étranglement vers et depuis l'océan Arctique. Même s'il n'y a pas encore vraiment de circulation établie dans la région et que le trajet privilégié longera probablement les côtes russes plutôt que celles de l'Amérique du Nord en raison de divers facteurs, comme le mouvement de la glace, cela n'en reste pas moins un sujet d'inquiétude parce que, de plus en plus, l'accès à l'océan Arctique dans le but d'approvisionner quelque 400 installations prévues ou fonctionnelles dans toute l'Amérique du Nord... Cela deviendra un sujet d'inquiétude majeur. Étant donné que la proximité de villes comme Toronto ou Chicago, en particulier, est à l'avant-plan dans tout contexte stratégique, ni le Canada ni les États-Unis ne peuvent se permettre de prendre le sujet à la légère. Je pense même qu'il est au coeur de la sécurité du Canada et des États-Unis ainsi que de celle de leur population respective.
Merci beaucoup.
D'entrée de jeu, à l'instar de M. Doran, je remercie le Comité de nous accueillir de nouveau.
Je veux juste faire quelques mises au point. Dans certains cas, vous êtes déjà au courant, mais je pense qu'il importe de les rappeler. Il y a eu beaucoup de brouhaha parmi les alliés des États-Unis dans la foulée de l'entrevue de M. Obama que Jeffrey Goldberg a publiée dans Atlantic Monthly, dans laquelle le président s'est plaint d'alliés profiteurs qui ne faisaient pas leur juste part. Je pense qu'il faut absolument tirer les choses au clair.
À Washington, absolument personne ne considère le Canada comme un profiteur. Au contraire, le Canada contribue largement, dans le monde entier, aux combats qui tiennent très à coeur aux Américains, qu'il s'agisse de l'Afghanistan ou de la lutte contre le groupe État islamique. Néanmoins, tout comme l'a dit un autre des témoins de ce matin, Joel Sokolsky, le Canada arrive généralement à être un allié profitable en ce sens qu'il n'accapare pas indûment les ressources des États-Unis : sa participation apporte un bénéfice net. C'est une distinction cruciale. C'est selon moi l'élément le plus important qui puisse ressortir de votre étude actuelle de la défense : le Canada doit faire en sorte d'avoir les moyens de contribuer aux efforts. Cela ne signifie pas qu'il ne doit pas compter sur le soutien des États-Unis dans des domaines névralgiques, mais qu'il ne doit pas accaparer indûment les ressources les plus demandées dans le contexte en matière de sécurité dans lequel nous évoluons actuellement.
Il existe selon moi trois façons de concentrer ensemble nos efforts. Tout d'abord, il faut accroître notre vigilance aux États-Unis, au Canada, en Amérique du Nord en général, afin de rester bien au fait de ce qui se passe, des vulnérabilités. Il peut s'agir aussi bien de la surveillance par satellite ou au moyen de drones que de la collecte sur le terrain de renseignements de sécurité utiles, de concert avec les forces de l'ordre ainsi que les services de renseignement traditionnels, par exemple. Il y a beaucoup à faire pour déterminer d'où proviennent les menaces et se préparer à y répondre.
Le deuxième point qu'il faut selon moi prioriser, c'est de voir à ce que les ressources et les actifs dont nous disposons actuellement fonctionnent de concert. Le NORAD est un excellent exemple de collaboration entre les actifs de défense aérienne étatsuniens et canadiens, en coordination, afin d'assurer la meilleure protection possible. Sur le plan de la Marine et de la Garde côtière, il faut être aussi efficaces, voire davantage. Je crois que, de plus en plus, pour se préparer à réagir à l'éventualité à la fois de catastrophes naturelles et — croisons les doigts pour que cela n'arrive pas — d'incidents terroristes en Amérique du Nord même, il faut veiller à ce que la garde nationale, les milices et les forces militaires sur le terrain puissent mieux coordonner leurs activités. Les gouvernements se sont déjà efforcés de faire des progrès à ce chapitre, sur le plan des secours en cas de catastrophe, mais il faut garantir une bonne coordination.
Ce que je veux dire relativement à ce deuxième point, c'est que l'on fait la guerre avec les ressources que l'on a. Nous avons d'excellentes capacités militaires et policières, mais, dans une perspective d'avenir, mon troisième point, c'est qu'il faut améliorer le processus d'approvisionnement. Les États-Unis et le Canada peuvent apprendre l'un de l'autre à ce chapitre. Les États-Unis ont tellement d'argent à investir dans les capacités de défense qu'ils ne sont pas toujours aussi prudents qu'ils devraient l'être, ce qui leur nuit parfois. Nous achetons des systèmes très coûteux qui ne remplissent pas nécessairement leurs promesses. De même, le Canada a déjà éprouvé des difficultés, comme vous le savez, en matière d'approvisionnement, qu'il s'agisse du remplacement de la flotte d'hélicoptères maritimes Sea King ou, comme il en est actuellement question, de l'avenir du F-35. Je pense qu'il sera crucial de bien faire les choses sur le plan de l'approvisionnement.
Voilà qui m'amène à mon dernier point. Je pense qu'il vous sera très difficile, en tant que comité — et je ne voudrais pas être à votre place —de tenter de définir un plan d'action dès maintenant, sans avoir le bénéfice de connaître l'issue de la prochaine élection présidentielle aux États-Unis. La campagne électorale est fascinante, comme vous le savez, mais ni les démocrates ni les républicains ne réservent une place particulièrement prééminente dans leur programme à la sécurité nationale et à la politique étrangère. La candidate la plus prévisible est probablement la démocrate Hillary Clinton, mais nous savons également que les services du renseignement russe et chinois risquent d'avoir eu accès au contenu de ses courriels sur une quinzaine d'années, ce qui compliquerait nettement les choses pour elle si elle accédait à la présidence. Les positions des autres principaux candidats en lice en matière de politique étrangère sont aussi nombreuses qu'hétéroclites, voire, dans le cas de Donald Trump, imprévisibles. Pourtant, les États-Unis se lancent, comme c'est souvent le cas, dans un exercice majeur de recapitalisation de leurs forces militaires. En conséquence, le Canada aura beaucoup de mal à définir un plan d'action sans savoir où s'en vont les États-Unis. Je pense que cela signifie que, d'ici un an, votre réflexion doit prévoir toutes les éventualités. Je crois aussi que le Canada devrait éviter de finaliser tous ses plans de défense pour de bon tant qu'il ne saura pas ce qu'entendent faire les États-Unis. J'aimerais pouvoir mieux prédire comment les choses évolueront, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un facteur prépondérant. Il faut absolument éviter de précipiter l'étude de la défense du Canada, car vous aurez besoin que les États-Unis vous fassent part de leurs intentions avant de déterminer avec certitude ce que vous devez faire.
Merci beaucoup.
:
Je remercie le comité de m'avoir invité à témoigner. Mes observations porteront particulièrement sur le NORAD, la défense antimissiles balistiques et la défense aérienne.
D'abord, la défense de l'Amérique du Nord ne peut pas être traitée séparément de la politique étrangère et de la défense du Canada. Cette politique est de nature principalement expéditionnaire, c'est-à-dire que le Canada garantit sa sécurité, non pas par la défense directe du Canada ou de l'Amérique du Nord, mais plutôt au moyen de sa participation à un engagement mondial.
D'une certaine façon, c'est cet engagement mondial qui fait en sorte que le Canada et les États-Unis représentent des cibles possibles. C'était le cas pendant la guerre froide, et ce l'est toujours aujourd'hui. Comme l'a affirmé mon collègue Chris Sands, une attaque contre l'Amérique du Nord ne se produira pas sans qu'on la voie venir. Une telle attaque pourrait se produire à la suite de tensions dans des pays étrangers, notamment des tensions entre l'Europe et la Russie, ou entre le Moyen-Orient et des acteurs étatiques ou non étatiques.
C'est notre engagement mondial qui nous rend en quelque sorte vulnérables, et c'est pourquoi nous devons veiller à la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Je crois que cela s'applique également à la défense antimissiles balistiques. Si nous devons nous mobiliser à l'étranger contre des acteurs qui ont cette capacité, il nous faudra prévoir une certaine défense antimissiles balistiques en Amérique du Nord. Voilà pourquoi je crois que les États-Unis ont amélioré leurs systèmes au cours de la période suivant la guerre froide et les attaques du 11 septembre.
Le prochain point que je veux soulever, c'est que l'avenir du NORAD ne dépend pas du tout de notre participation à la défense antimissiles balistiques. Je crois que les Américains ont apporté des modifications. Après 2004, lorsque nous avons convenu que des renseignements du NORAD pouvaient être communiqués aux unités américaines de défense antimissiles balistiques et, même en 2005, lorsque nous avons refusé de participer directement, le NORAD a apporté des modifications. Il ne s'agit pas de la première modification apportée par le NORAD. Les États-Unis préféreraient ou seraient heureux que le Canada participe, mais ce n'est pas cela qui posera un problème en ce qui concerne le NORAD. Le principal enjeu pour le Canada, c'est la défense directe du Canada, et je crois que la participation à la défense antimissiles balistiques pourrait s'avérer utile à cet égard.
En ce qui concerne la défense de l'Amérique du Nord, bien que le NORAD s'occupe de défense aérospatiale et, dans une certaine mesure, des alertes maritimes, bien des activités liées à la défense et à la sécurité de l'Amérique du Nord se font à l'extérieur du contexte national du NORAD, qu'il s'agisse des relations entre le Northern Command américain et le Commandement et opérations interarmées du Canada, ainsi que des différentes relations entre les deux forces navales, entre la Garde côtière américaine et la marine du Canada et entre tous les organismes de sécurité.
La collaboration nord-américaine en matière de défense et de sécurité a une portée beaucoup plus grande que le NORAD. Dans un certain sens, le NORAD constitue une exception, c'est-à-dire que des mesures institutionnelles particulières sont prises par les autorités de commandement nationales. La plupart des mesures sont prises à l'extérieur du cadre officiel du NORAD, et les deux gouvernements ont par le passé été à l'aise avec cette façon de procéder.
Lorsque les États-Unis ont créé le Northern Command — un centre de commandement unifié, dans le cadre du plan de commandement unifié des États-Unis, qui avait pour principale responsabilité d'assurer la défense des États-Unis, mais qui avait aussi d'autres responsabilités dans sa zone d'opérations, notamment au Mexique, dans certaines parties des Caraïbes et au Canada — une entente conjointe dont la portée serait beaucoup plus vaste a fait l'objet de discussions. Le Canada a refusé une telle entente, et, une fois de plus, cela n'a pas posé de problème aux États-Unis.
En ce qui concerne la souveraineté aérienne, je crois que le comité devrait se pencher sur le point soulevé par le membre. Notre souveraineté aérienne, nos chasseurs, sont-ils trop loin des grands centres urbains? C'est un problème au Canada. Le NORAD ne peut imposer où le Canada déploiera ses chasseurs, mais c'est assurément une question que nous devrions examiner. Une fois de plus, je crois que le NORAD pourrait aider à cet égard, puisque la souveraineté et la protection aériennes constituaient sa première responsabilité.
Je crois qu'en ce qui concerne le Canada et les États-Unis — et j'abonde dans le sens de mes collègues — le NORAD et les relations nord-américaines plus vastes en matière de sécurité et de défense fonctionnent. Ils profitent aux deux pays. Dans ce cas-ci, ce n'est pas que les États-Unis demandent au Canada de participer, mais ils seraient heureux que le Canada participe et ils se montrent conciliants. En fait, les États-Unis et ceux qui participent directement aux activités de défense et de sécurité des États-Unis aiment collaborer avec les Canadiens, avec les Forces armées canadiennes et les services de sécurité canadiens, qui sont tous hautement professionnels. C'est cette relation qui fait en sorte que cela fonctionne.
Cette relation fonctionne également dans l'Arctique. Malgré le différend de longue date au sujet du statut international du passage du Nord-Ouest, le Northern Command américain et le Commandement des opérations interarmées du Canada ont collaboré dans le cadre de nombreuses activités de planification et de nombreux exercices en matière de sécurité dans l'Arctique. Une fois de plus, c'est ce genre d'approche qui fait en sorte que la sécurité américaine fonctionne.
Pour ce qui est de la priorité à y accorder dans le cadre de l'examen de la défense, outre les activités nationales dans le passé et l'aide apportée aux forces civiles pour lesquelles nous avons recours aux Forces armées canadiennes, la sécurité en Amérique du Nord est l'autre activité obligatoire pour le Canada. Nous ne pouvons pas l'éviter. Nous pouvons limiter notre participation à diverses opérations à l'étranger, à diverses opérations des Nations unies, ainsi qu'à diverses missions d'aide à l'étranger, mais les activités visant à assurer la sécurité en Amérique du Nord, ainsi que les fonctions à l'échelle nationale, sont des activités que les Forces armées canadiennes ne peuvent pas éviter et elles doivent pouvoir compter sur nos ressources.
Pendant la plus grande partie de la guerre froide, même au plus fort de celle-ci, une plus grande participation n'était pas nécessaire puisque la crainte de la bombe atomique constituait l'élément dissuasif sur lequel reposait la défense directe de l'Amérique du Nord. Au cours de la période suivant la guerre froide et les attaques du 11 septembre, de nouvelles menaces ont été soulevées pour la sécurité. Je crois que celles-ci augmentent le niveau de priorité des fonctions militaires et non militaires pour la sécurité en Amérique du Nord.
J'estime qu'il s'agit d'une activité obligatoire pour le Canada. Heureusement pour le Canada, toute mesure prise pour accroître la sécurité nord-américaine aura une incidence directe sur la sécurité nationale. Les ressources nécessaires ne sont pas excessives, et cela comprendrait la défense antimissiles balistiques. Nous n'avons pas nécessairement besoin de construire ou de développer nos propres systèmes. Nous pouvons contribuer aux systèmes américains et en faire des systèmes réellement nord-américains. Nous pouvons déployer des Canadiens sur place, comme c'est le cas actuellement pour la défense aérienne. Nous pourrons ainsi contribuer et faire en sorte que la défense antimissiles balistiques relève entièrement du NORAD, comme cela devrait l'être, puisqu'il s'agit d'une menace aérospatiale. Les autres menaces dont nous devrons probablement nous préoccuper, ce sont les nouvelles menaces posées par les missiles de croisière mis au point par les Russes.
Je crois que cela devrait constituer une priorité pour nous. Si le Canada doit continuer de participer à l'étranger à des activités contre des acteurs étatiques ou non étatiques pouvant constituer une menace pour l'Amérique du Nord, il lui faudra donc participer également aux activités de défense de l'Amérique du Nord.
J'ai terminé.
:
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
J'ai divisé mon exposé en deux parties principales, qui correspondent selon moi à ce qui fonctionne au NORAD et ce qui doit faire l'objet d'un examen, dont la structure du NORAD, les menaces émergentes et la région de l'Arctique.
Je vais commencer par ce qui fonctionne. L'entente binationale que constitue le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord est extrêmement importante pour les deux pays, mais tout particulièrement pour le Canada en raison de la zone d'opérations mondiale du NORAD, de son lien avec le Northern Command américain, des plus de 60 organismes de sécurité qui constituent des partenaires, ainsi que des possibilités de formation et des renseignements dont profite le Canada parce qu'il participe au NORAD.
Le commandant du NORAD est chargé de défendre l'Amérique du Nord et il a le pouvoir de recourir aux ordres de gouvernement les plus élevés, des deux côtés de la frontière, afin de remplir les trois fonctions du NORAD, c'est-à-dire d'assurer la surveillance et le contrôle aérospatiaux, ainsi que les alertes maritimes. Il peut ainsi décourager, détecter et contrer les menaces contre l'Amérique du Nord.
Depuis les attaques survenues le 11 septembre, le nombre de ressources de la défense antiaérienne en état d'alerte a augmenté, et le NORAD assure maintenant la surveillance de l'espace aérien en Amérique du Nord de concert avec la Federal Aviation Administration et Nav CANADA afin de lutter contre les menaces stratégiques et asymétriques.
La mission d'alerte maritime a évolué. On a pu le constater en raison de la connaissance accrue du domaine dont a fait preuve le NORAD pendant des événements comme la crise d'Ebola. Toutefois, le partage d'information et de renseignements par tous les organismes partenaires en matière de sécurité au Canada, par l'intermédiaire des centres des opérations de la sûreté maritime, ou les COSM, permettrait de dresser pour le NORAD un tableau plus complet de la situation maritime. Il faut également se pencher sur d'autres questions et d'autres domaines.
Il y a d'abord la structure du NORAD. Très peu de gens comprennent les suites de mission, la structure du commandement ou le délicat équilibre politique qui fait du NORAD une organisation de confiance ayant évolué sur une période de 59 ans. La structure est fondée sur trois commandements militaires qui assurent la défense de l'Amérique du Nord — le NORAD, le Northern Command américain et le Commandement des opérations interarmées du Canada — et ceux-ci ont tous des mandats et des objectifs différents.
Le NORAD est à dominante aérienne en ce qui concerne le personnel et l'objectif, comme en témoigne son nom actuel. Il est principalement chargé de défendre l'Amérique du Nord contre des menaces aérobies. Cela signifie que sa fonction d'alerte maritime peut être négligée. Le Northern Command américain, qui comprend plus de 60 organismes civils, ainsi que les sous-commandements des forces aériennes, des forces navales et des forces armées, est chargé de défendre le territoire américain. Il veille à assurer la coopération pour la sécurité du théâtre et offre un soutien en matière de défense aux autorités civiles, lorsqu'elles doivent lutter contre des armes de destruction massive et des attaques terroristes.
Le Commandement des opérations interarmées du Canada, qui réalise actuellement la transition entre un commandement composé principalement de militaires vers un commandement conjoint, est chargé des opérations au Canada et à l'étranger, à l'exception des opérations aériennes au Canada et celles à l'appui du NORAD. Ces dernières opérations relèvent du quartier général de la 1re Division aérienne du Canada, Région canadienne du NORAD, à Winnipeg.
Certains universitaires ont fait valoir que le NORAD est un intermédiaire et que le Northern Command américain et le Commandement des opérations interarmées du Canada, fournisseurs de la force interarmées et commandements de soutien, sont suffisants pour défendre les États-Unis et le Canada. D'autres personnes, tout particulièrement celles qui font partie du NORAD, estiment que le temps est venu pour le NORAD de prendre de l'expansion, d'ajouter de nouvelles missions, de nouveaux domaines et de nouveaux partenaires, comme les forces navales, les forces sous-marines et les forces terrestres, d'ajouter les environnements cybernétiques et de prévoir la participation future du Mexique, au-delà de son lien avec le Northern Command américain.
L'une des préoccupations importantes pour le NORAD à l'heure actuelle, cependant, c'est la modernisation du système d'alerte du Nord, un outil essentiel permettant au NORAD de détecter, d'évaluer et de surveiller les activités aériennes provenant du Nord. Une autre préoccupation, du point de vue du Canada, c'est le remplacement des CF-18, qui constituent le principal outil pour décourager et contrer les menaces aériennes. Pour ce qui est des éléments non matériels, le NORAD cherche à moderniser ses plans, ses politiques, ainsi que ses structures de commandement et de contrôle, de sorte qu'il puisse maintenir les rythmes opérationnels les plus élevés.
Examinons maintenant la question des menaces émergentes. Le commandant actuel du NORAD, l'amiral Gortney, a parlé à plusieurs reprises du nombre croissant de menaces et de la nature changeante des menaces auxquelles se heurte l'Amérique du Nord, notamment la prolifération des technologies des missiles de croisière et des systèmes d'aéronef sans pilote. Nombre de menaces découlent de conflits dans d'autres pays, ce qui témoigne de l'importance de la zone d'opérations mondiale du NORAD et du lien entre le Northern Command américain et les autres commandements de combat des États-Unis.
Pour les États-Unis et le Canada, la défense du territoire national demeure une activité qui se déroule à l'étranger, mais les menaces changent rapidement, ce qui signifie que la défense sur le territoire national même est maintenant de la plus grande importance. Les compressions budgétaires, des deux côtés de la frontière, touchent le plus souvent les opérations et les comptes de maintenance, ce qui, tout particulièrement au Canada, semble avoir une incidence tout d'abord sur les opérations au pays même.
On le ressent particulièrement lorsque les forces militaires canadiennes sont déployées à l'étranger. Qui plus est, bien que les coûts de remplacement d'équipement majeur comme des avions et des navires soient pris en considération, on ne discute que très rarement des coûts liés aux systèmes de communication par satellite, des systèmes de communications terrestres ou de tout autre système de communication.
Ces systèmes sont essentiels pour les activités de commandement et de contrôle, tout particulièrement lorsque divers acteurs militaires et civils un peu partout au Canada doivent collaborer. Les ruptures de communication, les technologies peu fiables et le matériel désuet représentent un talon d'Achille.
Prenons maintenant l'Arctique. Comme le Northern Command américain offre un soutien en matière de défense aux autorités civiles et comme son ministère de la Défense est tenu de promouvoir les capacités des forces armées dans l'Arctique, cette région a une importance de plus en plus grande pour les États-Unis, notamment pour ce qui est d'affronter les menaces.
Bien que les probabilités d'un conflit militaire soient très faibles, les États-Unis commencent à porter une plus grande attention à la région. Cela signifie que des pressions seront exercées sur le Canada afin qu'il démontre le même niveau d'intérêt, compte tenu des comparaisons relatives aux capacités des États-Unis et du Canada par rapport à celles ailleurs dans le monde.
Le Canada ne participe pas à la défense antimissiles balistiques, qui, soyons clairs, vise à défendre l'Amérique du Nord contre des attaques limitées par missile balistique venant de la Corée du Nord et de l'Iran. Cette activité est une responsabilité du Northern Command américain, et, de toute évidence, le Canada devrait y participer, tout particulièrement parce que les États-Unis sont sur le point de déployer 14 autres intercepteurs de missiles en Alaska.
Une architecture distincte est prévue pour les capacités de défense antimissiles de croisière, et cela a occasionné certains problèmes techniques. Lors d'un essai effectué en octobre 2015, on a relevé une défectuosité du système de détection interarmées à réseau maillé monté sur aérostat captif pour la défense antimissiles de croisière d'attaque au sol. Le système de conduite du tir ou le ballon s'est détaché de ses amarres. Le système de détection, toutefois, a été conçu en vue de la défense de Washington, D.C., la région de la capitale nationale. Je ne peux vous dire quel est l'état de l'architecture de défense antimissiles de croisière du Canada, puisque, selon ce que je comprends et selon des renseignements non classifiés, l'architecture est minime.
Depuis le 11 septembre, des menaces contre l'Amérique du Nord, qui sont du ressort du NORAD ou du domaine public, ont été détectées et découragées. Cela dit, les coûts relatifs à ce genre de défense sont énormes. Comme les intentions et les capacités des adversaires continuent d'évoluer, le NORAD et l'architecture de défense pour l'Amérique du Nord doivent également évoluer afin de remédier à ces nouvelles difficultés.
Nos militaires doivent être prêts pour toutes les éventualités, mais ce sont les Canadiens qui doivent fixer les limites et évaluer les coûts et les avantages de l'entente binationale. Ils doivent pour ce faire tenir compte des menaces les plus probables par rapport aux menaces les plus graves à l'égard du Canada et des États-Unis et ils doivent reconnaître que les deux pays pourraient arriver à des résultats très différents en ce qui concerne ces menaces.
Enfin, le NORAD a un objectif, c'est-à-dire décourager ou défaire les menaces. Que fait-on toutefois si une solution juridique est nécessaire ou si des renseignements doivent être recueillis? Comme les résultats peuvent être différents, il faut donc des réponses différentes et il faut avoir recours à des organismes différents. Le NORAD est un élément essentiel de la défense de l'Amérique du Nord, mais il ne doit pas être et il n'est pas le seul outil utilisé pour protéger le Canada.
Merci beaucoup.
:
Je pense qu'il faut s'adresser à des gens qui ont accès aux renseignements secrets et ultrasecrets, car ce n'est pas nécessairement du domaine public.
Il y a deux choses. D'abord, la défense antimissiles balistiques est différente de la défense contre les missiles de croisière. Les missiles balistiques suivent une trajectoire balistique, alors que les missiles de croisière volent à basse altitude. Le système JLENS, qui a connu des problèmes, vise à détecter les missiles de croisière, et nous attendons de voir si on va le modifier et prendre des mesures pour le lancer. Tout le monde se préoccupe des missiles de croisière, car l'architecture est complexe.
Il y a aussi eu un drone qui s'est posé près de la Maison-Blanche. Encore là, le problème est qu'il volait à basse altitude et à basse vitesse, alors que le système détecte les menaces aériennes des appareils volant à haute altitude et à haute vitesse. C'est un problème sur lequel tout le monde se penche.
Au sujet de la défense antimissiles balistiques, je dirai deux choses. D'abord, nous y participons au moyen de notre satellite Sapphire; ce n'est pas comme si nous restions les bras croisés.
Ensuite, même si le Canada disait vouloir participer à la défense antimissiles balistiques, rien ne garantit que ce serait dans le cadre d'une mission du NORAD. Actuellement, c'est une mission de l'USNORTHCOM. Cela fonctionne très bien. Si on veut rendre cette mission au NORAD, il faudra une réflexion approfondie sur la façon dont cela fonctionnerait. Je voulais simplement le mentionner.