J'espère que les autres arriveront bientôt.
Nous accueillons aujourd'hui la lieutenante-générale Christine Whitecross et la contre-amirale Jennifer Bennett qui vont nous faire le point sur la question de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes. Merci beaucoup de vous être déplacées à si court préavis pour témoigner devant notre comité.
Je crois savoir qu'il y a eu deux ou trois mises à jour depuis la publication du rapport Deschamps, en 2015, la plus récente remontant au mois d'août.
Avant de vous céder la parole, générale Whitecross, je tiens à indiquer au comité que nous réserverons 10 minutes à la fin de cette séance pour parler de nos travaux. Nous allons donc entendre le témoignage, nous passerons aux questions et ensuite aux travaux du comité.
Générale Whitecross, vous avez la parole.
:
Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité permanent de la défense nationale pour vous mettre à jour concernant la réponse des Forces armées canadiennes au problème des comportements sexuels nocifs et inappropriés.
[Traduction]
Je suis accompagnée du contre-amirale Jennifer Bennett, qui dirige l'équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle.
Je me suis adressée pour la première fois à votre comité sur le même sujet, le 25 mai 2015, moins d'un mois après la réception des recommandations et du rapport importants de la juge Deschamps. À ce moment-là, j'avais présenté les mesures initiales que prenaient les Forces armées canadiennes — ou qu'elles avaient l'intention de prendre rapidement — pour régler ce problème insidieux ainsi que notre intention de concentrer nos efforts sur quatre aspects précis en élaborant une solution : comprendre le problème, réagir au problème, appuyer les personnes touchées par le problème, et prévenir le problème.
Je suis ravie de signaler que nous avons fait des progrès importants depuis ce moment-là et que, à la fin août, nous avons publié notre deuxième état d'avancement qui décrit les efforts entrepris au cours des six mois précédents, ainsi que les défis à relever et les stratégies d'atténuation à venir.
Monsieur le président, comme vous le savez, le général Vance a fait de cette question l'une de ses priorités clés et a lancé l'opération Honour — l'initiative globale ayant pour objet d'éliminer les comportements sexuels nuisibles et inappropriés dans notre institution. Cette opération vise essentiellement à mettre en oeuvre les 10 recommandations du rapport Deschamps, mais nos efforts iront bien au-delà.
L'objectif est clair : éliminer les comportements sexuels nuisibles et inappropriés, afin de nous assurer que les hommes et les femmes dévoués des Forces armées canadiennes sont traités avec respect et dignité dans un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination. L'offre d'un meilleur service de soutien aux victimes demeure l'objectif premier de opération Honour.
En septembre dernier, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle a été mis sur pied — en dehors de la chaîne de commandement militaire — dans le but d'offrir aux membres des Forces armées canadiennes touchés par l'inconduite sexuelle une option de soutien confidentielle et unique supplémentaire. L'une des caractéristiques du Centre qui le rend différent est qu'il permet aux victimes de s'entretenir avec des conseillers pour les aider à déterminer s'il y a lieu de déposer une plainte officielle.
[Français]
Nous savons que la peur des effets indésirables et le manque de connaissance ou de confiance à l'égard du système sont des obstacles à la déclaration de la victime, et nous continuons à faire tomber ces obstacles. Au cours des six premiers mois de cette année, il y a eu une augmentation de 22 % des incidents signalés à la police militaire.
[Traduction]
Environ la moitié de ces incidents ont été signalés avant l’opération Honour. Cela démontre que certaines des victimes croient, peut-être pour la première fois, que nous allons les écouter et agir. Des améliorations importantes sont en cours au sein de la Branche de la police militaire et de l'organisation du Juge-avocat général afin d'améliorer l'appui aux victimes ainsi que les enquêtes et les poursuites.
Mardi, nous avons annoncé et inauguré nos nouvelles équipes d'intervention en cas d'infraction sexuelle, lesquelles sont formées d'enquêteurs ayant reçu une formation spéciale et étant répartis à travers le Canada. Chaque rapport d'infraction à caractère sexuel, qu'elle soit nouvelle ou ait eu lieu dans le passé, fera l'objet d'une enquête par ces équipes dédiées au sein du Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Indépendamment de l’opération Honour, nous sommes en train de réviser et d'évaluer les processus de la justice militaire, en nous concentrant sur l'appui aux victimes comme point central de cet effort.
La mesure des progrès est capitale pour évaluer les effets de l'opération Honour et des efforts déployés. Certes, le nombre d'incidents déclarés, d'enquêtes et de mises en accusation constituera un important critère de mesure, mais l'ampleur du succès de l'initiative et l'envergure du changement culturel qui s'opérera dans l'organisation dépendront en définitive des membres des Forces armées canadiennes.
Au printemps dernier, à notre demande, Statistique Canada a mené une enquête auprès de tous les membres de la Force régulière et de la Première réserve, enquête qui a porté expressément sur les comportements sexuels dommageables et inappropriés. Plus de 40 000 de nos militaires ont rempli le sondage, et les résultats seront diffusés à la fin novembre.
[Français]
Nous prévoyons que ces résultats seront très révélateurs, et qu'ils nous fourniront les précieuses informations qu'il nous faut pour mieux comprendre la portée et la nature de l'inconduite sexuelle dans le contexte militaire. Nous pensons aussi en apprendre davantage sur les zones à cibler pour réussir le changement de culture et comprendre les défis auxquels les membres des Forces font face.
[Traduction]
La responsabilité de chaque militaire — d'être à la hauteur des valeurs que sont le respect et l'honneur, valeurs défendues par les Forces armées canadiennes — constitue la pierre angulaire du changement de culture que doit produire l'opération Honour. II s'agit d'une initiative qui s'inscrit dans le long terme et qui constitue l'un des défis les plus difficiles en matière de leadership que peut relever une organisation.
Nous savons que nous ne sommes qu'au tout début d'un parcours long et complexe; toutefois, nous voyons des preuves de changement à tous les niveaux de l'institution. Nous avons pris notre élan; notre défi maintenant est de le poursuivre.
Les Forces armées canadiennes doivent protéger leurs membres et veiller à leur bien-être. Nous devons être un employeur de choix malgré la réalité que constitue le fait d'envoyer des gens dans des zones dangereuses. Nous devons être respectés non seulement pour ce que nous réalisons, mais aussi pour ce que sont et ce que représentent les Forces armées canadiennes. Cela n'est possible que si l'institution travaille avec diligence pour assurer un environnement professionnel où règnent la dignité, le respect et l'élimination de l'inconduite sexuelle.
Le chef d'état-major et les autres dirigeants de l'institution sont encouragés par les progrès réalisés à ce jour, mais pas complètement satisfaits. II reste encore beaucoup de travail, et malgré les progrès et les changements initiaux réalisés au sein de notre institution, des incidents de comportements sexuels nuisibles et des infractions sexuelles continuent de se produire. C'est la raison pour laquelle l'opération Honour demeure une priorité absolue à l'échelle des Forces armées canadiennes.
L'institution sera jugée non pas sur des promesses et des plans, mais sur sa capacité éprouvée d'opérer le changement de culture visé par l'opération Honour.
[Français]
Voilà pourquoi nous demeurons profondément engagés à assurer un environnement digne, respectueux et professionnel à tous les Canadiens et Canadiennes qui choisissent de servir leur pays. De plus, c'est pourquoi, aux yeux de tous les membres des Forces armées canadiennes, aucun échec de l'opération HONOUR n'est permis.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, générale Whitecross et amirale Bennett. Merci à vous deux pour vos états de service, pour votre leadership, pour votre présence parmi nous et, plus important encore, pour nous parler de ce sujet très important.
J'entends vous parler du fait que les enquêtes, la discipline et le soutien aux victimes sont des éléments très importants de tout ce projet, mais ce ne sont que ce que l'on pourrait appeler des éléments intervenant en aval, après que quelque chose de grave s'est produit.
Vous avez parlé de changement de culture. Il y a une heure environ, j'ai eu l'occasion de déposer mon projet de loi d'intérêt privé à la Chambre des communes. Il s'agit d'une loi qui vise à créer la semaine de l'égalité des sexes au Canada. J'espère obtenir les réactions et, à terme, l'appui des Forces armées canadiennes pour ce projet de loi.
Pourriez-vous, pour nous, adopter cette optique de l'égalité des sexes, qui est peut être relativement diffuse, mais qui intervient en amont de l'inconduite sexuelle et de la violence sexuelle. Je vous demanderai aussi d'éclairer le Comité et le Canada sur la culture qui existe actuellement au sein des Forces armées canadiennes et qu'il faut changer. Parlez-nous des éléments subtils qui laissent la place à l'inconduite et à la violence sexuelles, ainsi qu'à tout sur quoi nous voulons faire rapport et que nous voulons corriger.
:
Monsieur le président, je vais répondre en partie à ces questions, et je donnerai ensuite la parole à Jennifer Bennett qui travaille sur ces questions-là au quotidien.
Tout d'abord, le fait de désigner une semaine, comme vous l'avez indiqué, recevrait l'appui des Forces armées canadiennes. Le général Vance en a fait une de ses priorités, en marge de l'opération Honour, puisqu'il veut augmenter la diversité au sein des Forces et que c'est également un de mes objectifs.
Cela étant, il est question de changement de culture qui nécessitera une génération, voire plus, comme vous le comprenez fort bien. En plus de tout cela, nous essayons, comme vous l'avez mentionné, d'instiller un changement de comportement dans le court terme. Ce changement de comportement à court terme débouchera sur un changement culturel à long terme. Notre institution doit instituer un climat où le changement de culture ou encore le changement de comportement sera durable et solide.
Cela nous ramène aux questions de politique, de formation, de sensibilisation et de changement marqué dans la façon dont nous traitons le personnel dans la dimension hommes-femmes, et également les personnes d'orientations sexuelles différentes, de cultures différentes, si l'on peut aller jusque-là.
Notre institution, qui est très axée sur les processus et qui est résolue à instaurer ce genre de climat, travaille en permanence à cet égard. L'amirale Bennett pourra vous en dire davantage.
Je tiens également à vous parler des analyses de la relation hommes-femmes, ou sexospécifiques, qui feront partie intégrante de nos processus à partir de maintenant. Le général Vance a désigné la major-générale Tammy Harris comme championne des analyses sexospécifiques au sein des Forces armées. Nous avons pris les devants et avons commencé à examiner nos politiques pour nous assurer qu'elles ne défavoriseront aucun des sexes, et nous le faisons de façon très structurée et très pragmatique.
Compte tenu de tout cela, nous sommes convaincus que nous parviendrons à instaurer un changement culturel durable, et nous avons déjà commencé, en grande partie.
:
Je commencerai par répondre à votre dernière question. Il y a une différence entre l'égalité des sexes et l'équité des genres et, même si nous n'avons pas la même répartition hommes-femmes au sein des Forces armées canadiennes, tout le monde ne s'engage pas dans les Forces armées pour les mêmes raisons. Il y a une propension, chez ceux qui appartiennent à des métiers traditionnellement dominés par des hommes, à vouloir s'engager.
J'ajouterai que nous offrons la parité salariale. Nous administrons un certain nombre de programmes qui sont exactement les mêmes pour les hommes et les femmes, ce qui n'est pas le cas pour toutes les professions. Il est difficile de répondre à votre question sur l'égalité des sexes si vous abordez la chose uniquement sous l'angle statistique.
Il est certain que nos programmes et la façon dont nous traitons les personnes sont non sexistes. Nous avons modifié nos normes de conditionnement physique qui s'appliquent désormais à toutes et à tous, pour qu'il n'y ait aucun doute quant à l'aptitude de nos militaires à aller en opération. Il n'y a pas de normes différentes entre hommes et femmes.
Pour parler du changement culturel en tenant compte de ce que vous avez dit au sujet de la notion de genre, il faut savoir que l'opération Honour touche à un certain nombre d'autres grands projets dans l'ensemble du ministère. La générale Whitecross vous a parlé de la diversité. Nous continuons de travailler sur les questions d'éthique et d'éthos, sur nos programmes de leadership et sur les aspects sexospécifiques dans le cadre de nos opérations, qu'il s'agisse de celles découlant de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ou de celles liées au travail de l'OTAN.
Nous menons un certain nombre d'initiatives portant sur les différences hommes-femmes et je suis, moi aussi, ravie à l'idée de pouvoir célébrer la semaine de l'égalité des sexes et de jouer un rôle à cet égard.
:
Merci, monsieur le président.
Madame la lieutenante-générale Whitecross et madame la contre-amirale Bennett, on parle de comportement, d'environnement, mais qu'en est-il des causes premières des cas actuels de harcèlement ou d'agression?
J'ai fait partie des Forces canadiennes pendant plus de 20 ans et j'ai été commandant d'unité. Donc, j'ai eu à gérer des problèmes de ce genre à l'époque. J'ai commencé à servir à la fin des années 1980, au moment de la transition. La Charte canadienne des droits et libertés a été mise en place plus activement et il y a eu une intégration des femmes dans les zones de combat. À l'époque, c'était un monde d'hommes, et ceux-ci ont alors dû composer avec la présence de femmes dans l'infanterie, dans l'artillerie et dans les zones de combat. Cela a créé un changement de culture.
De nos jours, y a-t-il une augmentation des cas d'agression? Si oui, cette augmentation a-t-elle un lien avec le comportement et la culture des jeunes ou des gens d'aujourd'hui, qui vivent dans une société civile plus permissive qu'à l'époque?
J'aimerais savoir également si l'imposition de la discipline au sein des Forces canadiennes a changé. À une certaine époque, les militaires ne pouvaient poser aucun geste sans se voir imposer des mesures de disciplinaires très fortes. Est-ce que la discipline a changé? Les sous-officiers sont-ils aujourd'hui moins sévères envers les militaires, ce qui pourrait mener à des écarts de conduite?
:
Merci beaucoup, monsieur. Vous avez posé beaucoup de questions à la fois et je vais y répondre une par une.
Pour ce qui est du climat de sexualisation, en réalité les Forces armées canadiennes ne sont pas la seule organisation à souffrir de ce genre de comportement auquel nous essayons de nous attaquer. Dans la société civile, dans les universités et les collèges à l'échelle du pays, sans parler des autres ministères fédéraux et de nos alliés, on retrouve le même problème. C'est un problème grave auquel sont également confrontés nos alliés et nous examinons, autant que faire se peut, les pratiques exemplaires d'autres pays et d'organismes canadiens.
En réalité, nous attirons chez nous les jeunes qui font partie de la société et nous devons leur inculquer ce que signifie le fait d'être militaire, le plus tôt possible après leur arrivée. Cela commence dans les centres de recrutement. Là, la question est ouvertement abordée avec tout aspirant à la vie militaire. Chacun doit signer un formulaire dans lequel il déclare être d'accord avec le fait de ne jamais adopter de comportement répréhensible.
Ce climat de sexualisation existe donc et j'affirmerai, bien humblement, que notre travail vise à faire en sorte d'amener les membres des Forces armées canadiennes à se rendre compte qu'ils doivent appliquer les normes les plus élevées. Comme vous le savez, c'est une question de conviction dans la philosophie du métier des armes et nous devons veiller à la faire passer avant tout. Je passe maintenant à votre troisième question qui concernait notamment la discipline.
Je suis d'avis que de nombreuses chaînes de commandement cherchent à faire ce qu'il faut, et on le voit bien aujourd'hui. On le voit aujourd'hui plus que par le passé parce que ceux qui affichent ce genre de comportement répréhensible se retrouvent sous les feux d'un énorme projecteur. Je dois admettre que, dans les assemblées publiques que j'ai tenues un peu partout au pays, ça n'a pas toujours été le cas. Ça n'a pas été le cas dans certaines régions, mais pas partout... en fait, certains ont détourné le regard, ce à quoi il nous faut nous attaquer, bien sûr. À la faveur du changement de culture dans les Forces armées canadiennes, cela fait longtemps que nous parlons de ces choses. Nous disons qu'il va falloir longtemps. C'est l'un des plus importants défis pour nous débarrasser de ce comportement pernicieux. Il faut essentiellement changer la conception qu'ont les gens d'un comportement approprié.
Malheureusement, nous ne recueillons pas de statistiques depuis très longtemps. Nous recevons des données de diverses sources : du CIIS, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ainsi que de la police militaire et du groupe des services de santé. Nous en entendons parler, de façon anecdotique, par nos aumôniers. Même chose du côté de l'ombudsman. À la faveur d'un changement de commandement, nous en entendons aussi parler. Les sources sont donc très nombreuses. Nous nous efforçons, aujourd'hui, de regrouper toute cette information pour nous faire une meilleure idée de la situation.
L'enquête de Statistique Canada, que nous avions demandée pour plus tôt cette année, nous permettra de nous faire une idée de la situation actuelle et de ce qu'elle était il y a quelques mois, mais nous ne saurons pas véritablement ce qu'elle était il y a 5, 10, 15 ou 20 ans. Nous déployons actuellement de gros efforts à cet égard parce que nous devons apporter une preuve tangible de l'amélioration de la situation.
Jennifer, vous vouliez dire quelque chose à ce sujet?
:
Simplement, pour préciser que notre démarche a considérablement évolué depuis les années 1980. La générale Whitecross et moi-même appartenions déjà aux Forces armées canadiennes.
À l'époque, on s'attaquait à ce genre de problème d'une seule façon : la formation. On se disait que, si l'on parvenait à former les gens sur la différence entre les bonnes et les mauvaises attitudes, le problème se réglerait de soi. De nos jours, nous appliquons une démarche beaucoup plus exhaustive qui comporte notamment le recours à des mesures disciplinaires et à des mesures administratives, de même que la responsabilisation des chefs. Tandis qu'il a décidé de faire en sorte que ce comportement donne lieu à une opération, le général Vance a donné des ordres aux Forces armées canadiennes et il a bien précisé, à tous les échelons, ce à quoi il s'attendait.
Désormais, les chefs sont tenus pour responsables du manque d'action dans leurs unités et à leur échelon. Nous suivons cela et nous faisons rapport à ce sujet. Certains ont été retirés des postes de commandement ou de fonctions de superviseur. Des accusations ont été portées. Nous avons obtenu huit condamnations entre janvier et juin pour des infractions de nature sexuelle. Nous avons également appliqué des mesures administratives qui comprennent non seulement des mesures correctives, mais aussi le renvoi des Forces armées canadiennes ou des réorientations de carrière. La démarche est beaucoup plus exhaustive et sérieuse à tous les échelons. Les chefs sont tenus pour responsables.
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Tout d'abord, je tiens à souligner la gravité de ce problème. J'ai assisté cette semaine à une réception de l'Association des Parlementaires de l'OTAN où l'un des participants, venant d'un pays allié, a ouvert son discours par une « farce sur le viol ». Cela illustre bien la culture de sexualisation à laquelle vous faites face et les montagnes que vous aurez à franchir.
Les questions que je vais vous poser sont très sérieuses, mais je tiens avant cela à souligner qu'à mon avis, bien des choses se déroulent très bien et sont très louables. Je félicite le commandement d'aborder cette question avec un grand sérieux. Nous avons beaucoup progressé depuis le temps où les gens prétendaient suivre une politique de tolérance zéro, parce que la tolérance zéro est une aspiration, et non une politique. Il est certain que, comme la contre-amirale Bennett vient de le dire, on met l'accent maintenant sur des mesures plus vastes. Vous n'avez cependant pas mentionné le soutien aux victimes qui, je crois, n'existait pas auparavant. Je suis vraiment heureux de constater ce changement.
Il n'est pas facile du tout de changer une culture. Je comprends que vous concentriez vos efforts sur les militaires actifs, mais je voudrais que vous me parliez des préoccupations qui y sont liées. Je voudrais vous demander ce que vous ferez pour les cadets, pour les familles qui vivent sur les bases, pour les employés civils et, si nous avons assez de temps, pour les réservistes.
Commençons par les cadets. Nous avons plus de 50 000 cadets partout au pays. C'est excellent, et j'espère que nous pourrons étendre ce programme, mais il me préoccupe aussi un peu. Ayant entendu parler de ces incidents, plusieurs parents m'ont confié qu'ils hésitaient à envoyer leurs enfants aux cadets.
A-t-on intégré les problèmes de harcèlement et d'agression sexuelle dans l'orientation et dans l'entraînement des cadets? A-t-on établi des programmes pour les cadets qui pourraient avoir eux-mêmes subi du harcèlement ou de l'agression? Nous savons que ces choses ont lieu dans tous les secteurs de la société. Les cadets ne sont pas si différents des autres jeunes; ces choses risquent d'arriver parmi eux aussi.
:
Bien que je ne sois pas responsable de ce portefeuille, je connais bien les deux programmes pour les jeunes, les Rangers juniors canadiens et les cadets. Ces programmes sont très particuliers à cause du milieu et des collectivités d'où viennent les participants. Dans le cas des cadets et des Rangers juniors, même s'ils ne sont pas membres des Forces armées canadiennes, nous sommes responsables de leur bien-être; c'est une responsabilité qui nous tient à coeur et que nous prenons très au sérieux. Ces familles nous confient leurs enfants.
Dès le départ, nous sélectionnons très consciencieusement les bénévoles, les adultes qui travaillent pour le programme, qu'ils soient membres des Forces armées canadiennes ou qu'ils soient bénévoles civils. Nous avons aussi préparé un entraînement spécialisé. Au cours de ces deux dernières années, nous avons créé un programme de relations sociales que tous les cadets et leurs chefs adultes doivent suivre. Cette formation a été conçue de manière à renforcer la sensibilité et la compréhension, à encourager les participants à agir et à signaler les incidents et à faciliter la formation sur le harcèlement donnée dans les deux programmes.
Le programme des Rangers juniors canadiens dispose d'un réseau de soutien différent à cause des services fournis par la police et par les organismes communautaires. Ils ont des programmes communautaires spéciaux pour prévenir les incidents. Les cadets et les Rangers juniors canadiens suivent un entraînement de sensibilisation non seulement pendant l'année, mais avant et pendant les camps d'été.
Comme la majorité des cadets sont jeunes et mineurs, nos programmes et l'information qui s'y rapporte sont confidentiels. Les cadets sont protégés, et nous prenons toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les soins soient adéquats non seulement pour les cadets, mais pour les autres membres du corps et de l'escadron et pour leurs familles. Nous avons une grande variété de programmes de formation, de sensibilisation et de soutien.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie beaucoup la générale et l'amirale pour le travail qu'elles accomplissent sur cette question. Il est évident que ce sujet est difficile à aborder, mais j'admire le désir et la passion qui vous inspirent.
Je représente la circonscription de Kingston et les Îles où se trouve la base de Kingston. Je suis né et j'ai vécu à Kingston. J'ai eu beaucoup d'amis dont les parents étaient militaires; j'ai donc été très exposé à la culture des Forces armées.
Je connais l'esprit de subordination et de hiérarchie de cette culture. J'ai bien souvent entendu parler — de façon anecdotique, en observant ce qui se passait dans cette communauté — d'incidents survenus hors de la base dont la structure militaire s'occupait en infligeant les sanctions méritées, même si les individus s'étaient trouvés dans la collectivité civile au moment de l'incident. Je comprends et j'admire le profond sens de discipline qui est ancré dans la culture militaire.
Je reconnais comme vous le fait qu'il faudra beaucoup de temps pour modifier cette culture; il faudra des générations pour y parvenir. Comment réussir à encourager les gens à dénoncer ces incidents, à exprimer leurs préoccupations, à déposer une plainte tout en respectant la discipline entre les différents échelons de commandement?
Comment adapter cette culture de manière à respecter cette discipline tout en veillant à ce que les victimes soient traitées avec le respect et le sérieux que l'incident mérite, surtout au sein d'une culture où l'on a l'habitude de se faire répondre que les commandants se chargeront de tout régler?
Dans ma circonscription, j'ai dû m'occuper de problèmes causés par le système de rémunération Phénix. Ma circonscription comprend beaucoup de personnel des Forces armées et des Services correctionnels du Canada. Ceux qui viennent frapper à la porte de mon bureau sont les employés des Services correctionnels, parce qu'ils savent qu'en faisant cela, ils obtiendront des résultats. Les militaires respectent la discipline et s'adressent à leurs supérieurs. Pourriez-vous nous dire quel est votre point de vue à ce sujet?
:
Je vous dirais que l'on trouve plus d'une culture dans les Forces armées canadiennes. Il y a une culture différente dans chacune des professions. La culture est différente dans l'armée de l'air, dans l'armée de terre et dans la marine. Elle est encore différente dans les forces spéciales. La culture diffère aussi chez les officiers et chez les militaires du rang.
Des deux caractères que vous décrivez, un a trait à la culture de la hiérarchie, et c'est ce que nous sommes. Nous savons quelle est notre place dans le totem, et nos rôles et responsabilités dépendent de notre position et de notre rang.
Les responsabilités des superviseurs sont au centre du rapport de Mme Deschamps — je parlerai de la culture de sexualisation dans un instant. À la base de son rapport, elle souligne que les gens de la chaîne de commandement — pas dans tous les cas, mais dans ceux qu'elle a pu étudier — n'ont pas agi comme ils l'auraient dû.
En ce sens, la culture de la hiérarchie, qui constitue le fondement même de toutes les cultures militaires du monde, s'est brisée parce que les superviseurs n'ont pas tenu compte de ce que leurs subordonnés faisaient ou, après avoir entendu les dénonciations, n'ont pas agi comme ils l'auraient dû. Je le répète, cela ne se produit pas dans tous les cas. Je ne veux absolument pas impliquer des superviseurs qui ont agi correctement.
Lorsqu'il a décidé qu'il devait donner des ordres aux Forces armées canadiennes, soit l'opération Honour, le général Vance savait que les militaires — et je crois que plusieurs d'entre vous l'ont été — comprendraient ces ordres, qui exigeaient que la chaîne de commandement prenne soin de ses gens.
Maintenant, certains pourraient soutenir que cette situation ne devrait pas constituer un ordre parce qu'elle va de soi. Mais dans ce cas, au sein d'une culture de sexualisation, il faut que l'on donne un ordre, il faut que les gens sachent ce dont il s'agit et que l'on va prendre les mesures qui conviennent au sein de la chaîne de commandement.
:
J'en suis très heureux. Merci.
Je voudrais aborder un autre sujet avant que mon temps ne soit écoulé.
Dans le cadre de l'opération Honour, particulièrement dans le cas de l'inconduite sexuelle, on parle beaucoup des femmes et de la façon dont elles sont traitées, parfois de manière peu convenable. Je crois que c'est tout à fait juste.
Je représente aussi le Collège militaire royal, et pendant la première année, j'ai eu le grand plaisir de siéger au conseil municipal de Kingston avec l'une des premières cadettes. J'ai entendu les horreurs qui se passent entre les hommes et les femmes.
Je crois que nous devons aussi reconnaître que l'inconduite sexuelle se manifeste entre hommes parfois. Pourriez-vous nous dire ce que fera l'opération Honour pour protéger aussi les victimes masculines?
:
Vous avez tout à fait raison, et j'ajouterais que j'y ai réfléchi quand on m'a placée à la tête de cette initiative. Peut-être qu'aux yeux du grand public, j'étais la porte-parole de ce que j'appellerais un comportement insidieux.
En y repensant, je me suis rendu compte — et je parlerai d'abord de moi-même, puis de mes collègues —, que je désire passionnément changer cette situation. Alors je me dis que j'ai été bien choisie, et que Jennifer a été bien choisie pour lancer les phases initiales de cette initiative.
J'ai deux choses à ajouter. Le général Vance a décrit clairement sa priorité. Il est le porte-parole. Ce problème lui appartient, et il en dirige la résolution pour les Forces armées canadiennes. Par conséquent, tous ceux qui relèvent directement de lui... donc mes collègues du rang de lieutenant-général doivent aussi en porter la responsabilité, dans tous leurs rangs. Du point de vue hiérarchique, l'amirale Bennett et moi prenons soin de l'institution, de la formation, de l'éducation et des politiques. Quant aux questions de direction et de commandement et de contrôle, chacun de mes collègues et de mes pairs s'en charge, jusqu'aux hommes et aux femmes qui sont tout au bas de l'échelle de commandement.
:
Vous parlez de facteurs négatifs associés à un changement de culture? Tout ce que je peux dire, monsieur, c'est qu'en ce qui concerne ce comportement, un changement de culture ne peut aboutir qu'à des facteurs et à des résultats positifs.
Si des gens — hommes ou femmes — ne se respectent pas, ce que nous définissons comme étant le principe même de l'honnêteté, du respect et de la dignité à l'égard de tous, je dirai qu'ils ne sont pas dignes de porter l'uniforme qui représente notre pays. Ce n'était qu'un commentaire.
Avec la juge Deschamps, nous avons discuté de nombreux défis. Le changement de culture en est un. C'est un défi tellement grand que rien que le fait d'amener les gens à dénoncer crée, en soi, un second problème. Nous essayons de créer un environnement où règne un climat de confiance, je sais qu'en ce moment le mot « confiance » est un très grand mot, de sorte que chacun d'entre nous, militaires et civils — principalement les militaires hommes et femmes faisant partie de la chaîne de commandement des auteurs de ces comportements — sachent qu'en prenant la décision de dénoncer, ils font ce qui est juste de faire.
La dynamique fait aussi problème. Pour l'instant, nous sommes sur notre lancée et il va nous falloir la maintenir dans les années à venir.
:
C'est une bonne question, monsieur. En fait, la juge Deschamps a notamment recommandé que nous revoyions nos définitions, que nous les rendions plus faciles à comprendre et que nous les intégrions dans une politique ou du moins que nous les unifiions pour que les gens n'aient pas à chercher à différents endroits, dans différentes politiques, et qu'ils n'aient pas affaire à différentes définitions.
Comme je suis militaire, ma définition du harcèlement sexuel, par exemple, est différente de celle en usage à la fonction publique. Ma définition de harcèlement sexuel s'applique à toute forme de harcèlement, où qu'il se produise, que ce soit sur un terrain de sport, dans une épicerie, au travail, en déploiement, tandis que le harcèlement sexuel à la fonction publique se limite à ce qui se produit dans l'espace de travail. Nous devons veiller à ce que la nuance que nous apportons pour les militaires soit parlante et qu'elle soit bien comprise par toutes les femmes et par tous les hommes en uniforme.
La notion de compréhension est une dimension importante de notre plan d'action... Les gens comprennent ce qu'inconduite sexuelle veut dire. Ils comprennent la différence entre le bien et le mal, mais que pouvons-nous faire à ce sujet? Quelles sont les pratiques exemplaires en vigueur dans le monde ou au Canada? Quelles installations, ou, comme Jennifer Bennett l'a dit, quelles autres organisations ou centres d'intervention en cas de viol, par exemple, pourraient nous aider à déterminer ce qu'il convient de faire à l'avenir afin de combattre ce besoin insidieux? Nous devons regrouper tout ce qu'il y a de bien pour l'inscrire dans votre plan d'action afin de ne pas tout recommencer à zéro. Nous devons bien comprendre comment parvenir à faire table rase de ce genre de comportement, plutôt que de simplement nous attaquer à son élimination.
:
En fait, nous ne disposons pas de statistiques sur les années précédentes. L'enquête de Statistique Canada, qui sera disponible en novembre, va nous servir de point de départ.
Nous nous attendions à ce que, à la faveur d'un nouveau climat favorisant les signalements, nous constaterions une augmentation du nombre de déclarations, et nos alliés nous avaient d'ailleurs prévenus. Ils avaient dit: « attention, vous allez voir augmenter le nombre de signalements dans les premières années, parce que les gens vont tester le système. Ils voudront s'assurer que vous faites effectivement ce que vous avez annoncé. »
Nous en sommes là pour le moment, avec des gens qui portent plainte, et j'irais jusqu'à dire que nous n'avons pas encore tout vu. Nous avons encore beaucoup d'obstacles à surmonter pour convaincre les gens qu'ils doivent faire des déclarations. L'un des avantages du centre est qu'il exonère les plaignants d'ouvrir un dossier. Il n'est pas nécessaire de tenir une enquête. Les plaignants peuvent juste se prévaloir de l'aide dont ils ont besoin pour surmonter ce qu'il leur est arrivé ou, du moins, pour confronter ce qu'ils ont subi.
Dans certains cas, et Dieu merci, les personnes concernées ont suffisamment confiance en elles et envers le système pour faire ouvrir le dossier et lancer une enquête, ce qui nous permet de nous en prendre aux auteurs ou aux présumés coupables, ce qui est excellent. La réalité est que nous ne disposons pas de statistiques pour les années passées.
Certaines personnes qui portent plainte le font relativement à des affaires passées. Dès le début, lors de nos assemblées publiques, nous avons compris que les gens voulaient nous parler de ce qu'il leur était arrivé il y a 5, 10, 15, 20, 25, voire 30 ans, parce qu'ils ne s'étaient pas remis encore. Nous essayons, par ailleurs, de leur faciliter une aide.
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Encore une fois, nous n'avons pas de statistiques antérieures pour faire des comparaisons, mais il y a une augmentation. J'aurai deux ou trois choses à dire.
Les cadets et les officiers cadets sont deux groupes radicalement différents. Je veux m'assurer que nous nous comprenons bien. Le programme des cadets est un programme qui s'adresse aux jeunes de 18 ans et moins, tandis que les officiers cadets sont de jeunes officiers accueillis dans les collèges militaires. Nous sommes en train de créer un climat, je crois, qui... Maintenant, nous commençons dès les centres de recrutement. Nous parlons des problèmes et expliquons que ce genre de comportement ne saurait être toléré.
À l'ELRFC, l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes, de Saint-Jean, les instructeurs, y compris ceux du collège militaire du Canada, ont tout récemment reçu une formation spéciale. Nous en parlons donc et veillons à ce que toutes les recrues sachent que ce comportement ne peut être toléré. Cela a sans doute beaucoup à faire avec le fait qu'il y a des plaintes.
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Le système judiciaire et le système de police militaire ne font pas partie de la chaîne de commandement, pour des raisons évidentes, comme vous pouvez le comprendre. Ils sont en grande partie fondés sur les recommandations de la juge Deschamps ainsi que sur le mandat et les objectifs de l'Opération Honour. Nous essayons de voir comment ces organisations peuvent nous soutenir et travailler de concert avec nous. L'équipe d'intervention en cas d'infraction sexuelle, ou EIIS, est le fruit de cette collaboration. Ici, les membres de la police militaire, qui fait partie du service national d'enquête, ont reçu une formation plus poussée sur les infractions de nature sexuelle. Comme ils sont beaucoup mieux formés pour la conduite d'enquête et le traitement des victimes, ils sont donc les seuls intervenants dans ce genre de cas. Ils sont hautement compétents. Cela permet à l'enquêteur du service national d'enquête de se consacrer à d'autres dossiers.
Cela nous permettra de mener des enquêtes rapidement, et c'est justement là l'une des recommandations de Mme Deschamps. Nous aurons également la possibilité de former des spécialistes dans ce domaine, ce qui est indispensable si nous voulons aider les victimes.
C'est la même chose pour le directeur des poursuites militaires dans le cadre du système de justice militaire. Comme l'a dit l'amirale Bennet, nous essayons de trouver des moyens d'aider les victimes tout au long du processus afin que celles-ci ne soient pas obligées de répéter leur histoire devant plusieurs intervenants. En fait, le directeur des poursuites militaires doit déterminer, de concert avec l'enquêteur, s'il y a lieu de porter ou non des accusations. Dans le passé, tous deux avaient le pouvoir de dire oui ou non à la police militaire, l'enquêteur ou le directeur des poursuites criminelles. Maintenant, il n'y aura plus qu'un seul point de contact.
Nous avons lancé une foule d'initiatives, entre autres, l'examen de la cour martiale. Nous travaillons en collaboration.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Dans mon intervention précédente, je parlais des familles dans les bases. Je suis ravi d'apprendre qu'il existe une collaboration renforcée entre la police militaire et les autorités civiles. J'ai pu constater, dans une affaire antérieure retentissante, que cette collaboration avait fait défaut et qu'avant aujourd'hui, la victime n'avait aucun recours en justice. Je pense que c'est une initiative très importante de votre part. Il est très important que la police militaire reçoive une formation accrue en matière d'agressions sexuelles. Je vous félicite pour cette initiative. Je me demande ce que nous pouvons faire pour réparer les injustices commises dans le passé. Il faudra en discuter sur une tribune distincte.
Je comprends très bien, je le répète, que vous vous préoccupiez surtout des membres en service. J'ai trois petites questions à ce sujet.
La première concerne les employés civils. Dans ma circonscription, il y a autant de civils qui travaillent pour le MDN que de militaires. Les lieux de travail sont souvent mixtes. Comment abordez-vous la question des milieux de travail mixtes?
Ma deuxième question concerne les réservistes — ma circonscription en compte aussi un grand nombre. Le vérificateur général a exprimé des réserves au sujet de la formation des réservistes. Je me demande si cette formation porte également sur les comportements sexuels déplacés.
Ma troisième question concerne le déploiement de Casques bleus. L'armée canadienne a certainement réduit la formation qui leur est dispensée. Croyez-vous que les militaires déployés dans le cadre des nouvelles missions de maintien de la paix reçoivent la formation requise concernant l'inconduite sexuelle à l'endroit de la population civile à l'étranger?
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Monsieur, si vous le permettez, je répondrai d'abord à votre dernière question, parce que c'est la plus facile. Désolée, je ne voulais pas dire facile, c'est une question très difficile.
Tous ceux qui participent à ces déploiements, que ce soit dans le cadre des missions de maintien de la paix ou de l'OTAN, reçoivent une formation spéciale sur la culture, selon l'endroit où ils sont déployés. Ils reçoivent également une formation sur la problématique hommes-femmes conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies relative aux femmes, à la paix et à la sécurité. Ma réponse est donc oui, nous dispensons une formation et nous l'améliorerons avec le temps.
Concernant les civils et les réservistes, nous travaillons de concert avec M. Kin Choi, le SMA des employés civils, pour nous assurer que nos politiques sont bien alignées. Je sais que l'amirale Bennet et qu'un membre de son personnel travaillent très fort, en notre nom, non seulement sur les dossiers de harcèlement, mais aussi sur le bien-être général du personnel du ministère — militaires, civils que civils, réservistes, entrepreneurs, tout le monde. Nous traitons non seulement les problèmes sociaux les plus difficiles, comme ceux abordés ici aujourd'hui, mais nous essayons également de réduire la pression dans les milieux de travail, par exemple, de soulager le stress, de renforcer la résilience. Nous essayons d'avoir une approche plus globale à l'égard de tous les membres de l'équipe de la défense. Je sais que l'amirale Bennett est très engagée dans le travail que nous effectuons.
Concernant les réservistes, c'est en gros la même chose. Nous ne faisons pas de distinction entre les réservistes et les militaires réguliers. Que vous serviez dans la réserve, que vous soyez déployé en service actif ou que vous soyez membre de la force régulière, les attentes sont les mêmes.
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Le général Vance a clairement indiqué que le nombre de femmes augmentera annuellement de 1 % au cours des prochaines années, pour atteindre le quota de 25 % qui nous a été imposé par la Commission canadienne des droits de la personne. En toute franchise, c'est le taux que nous devons atteindre. Nous en sommes actuellement à 15 %, et cela s'applique autant aux officières qu'aux militaires du rang.
Comme vous pouvez le constater, les pourcentages sont beaucoup plus élevés au sein de certains groupes professionnels comparativement à d'autres. Les femmes sont moins nombreuses dans les emplois non traditionnels que dans les emplois traditionnels. Il faut supprimer de notre vocabulaire les termes « non traditionnel et traditionnel » et parler plutôt d'emplois militaires, puisque c'est de ça qu'il s'agit. Ce sont des emplois accessibles autant aux hommes qu'aux femmes ou des emplois paritaires, si vous voulez.
Une foule de mesures sont prises dans ce sens. Par exemple, les Forces armées canadiennes viennent de lancer leur stratégie de diversité dans le but de nous aider à adopter un processus plus rigoureux et plus durable. Nous collaborons étroitement avec centres de recrutement pour recruter davantage de femmes, et pour toutes sortes de bonnes raisons. Nous encourageons les hommes et les femmes des minorités visibles et les Autochtones à s'auto-identifier pour faire en sorte que leur représentation au sein des Forces armées canadiennes soit conforme à nos objectifs en matière de diversité.
Nous déployons beaucoup d'efforts sur les plans de la formation, de l'éducation et du recrutement, mais encore plus pour retenir nos militaires. Les femmes ont tendance à quitter les Forces à des moments charnières de leur vie, pour des raisons tout à fait justifiées, que ce soit pour s'occuper de leur famille ou trouver une stabilité géographique ou pour toute autre raison.
Nous devons créer un environnement dans lequel elles auront envie de rester dans les Forces armées canadiennes et nous répondrons à leurs besoins personnels.
L'amirale Bennett et moi-même en sommes des exemples. La recherche sur l'opinion publique démontre que les femmes de la société canadienne ne comprennent pas ce que cela signifie de faire partie de l'armée. Seul un petit nombre d'entre elles semble avoir une idée de la vie militaire. Cela s'explique par le fait qu'elles croient que les femmes militaires ne peuvent pas fonder une famille, ni réussir dans la vie, ni occuper un emploi. Ce n'est pas vrai, nous devons leur faire savoir.
Nous rédigeons une stratégie de marketing bien plus vaste, d'un type jusqu'ici inconnu.
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Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur les causes premières qui entraînent une augmentation des cas de harcèlement ou d'agression.
Les résultats de l'enquête faite au sein des Forces canadiennes seront présentés en novembre. On aura alors une meilleure idée de l'endroit où il y a le plus de problèmes, que ce soit l'armée, la marine ou l'aviation.
Madame Whitecross, est-il déjà prévu de changer les conditions de service? On sait que, pendant les déploiements en Afghanistan à l'époque ou dans le cadre des futurs déploiements avec l'ONU, il y a des obligations par rapport aux relations sexuelles. Par exemple, un couple formé de deux militaires n'a pas le droit d'avoir des relations lors de ces missions; c'est interdit.
Il y a des missions qui nécessitent des postes d'observation avec une section d'infanterie, par exemple. Il peut y avoir huit hommes et une femme qui sont ensemble 24 heures sur 24 dans des postes éloignés. Nous voulons que tout le monde soit égal, mais la nature étant ce qu'elle est, cela devient difficile.
Pensez-vous que l'armée, la marine et l'aviation, en fait, les forces en général, vont repenser les façons de mener les opérations et les ordonnances royales par rapport aux relations entre hommes et femmes?
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Premièrement, les résultats de l'enquête seront connus à la fin novembre. Ils nous indiqueront deux choses. Ils nous fourniront d'abord une base de référence, une idée de l'état des connaissances et de la situation, avant et après l'Opération Honour.
Concernant nos directives sur les relations personnelles dans le cadre d'un déploiement, nous allons examiner l'ensemble de nos politiques de RH à cet égard au cours des mois et des années à venir afin d'effectuer une analyse comparative entre les sexes, ou sexospécifique, et nous assurer que nous respectons les exigences de la RCSNU 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité.
La nature humaine étant ce qu'elle est, je ne pense pas que les hommes et les femmes seront déployés ensemble. En tant que militaires, on s'attend à ce qu'ils obéissent aux ordres. Si cela signifie qu'ils ne doivent pas entretenir de relations personnelles pendant qu'ils sont en déploiement, ils obéiront. Nous devons nous assurer que cette discipline est respectée, parce que c'est la politique et c'est ce qui est attendu d'eux.
Par ailleurs, je connais des couples mariés qui ont été déployés simultanément. Vous devez certainement savoir que le déploiement de couples mariés comporte toujours un risque, par exemple, quand il y a des enfants; il faut alors s'assurer que l'un des deux parents reste au Canada. Ces couples touchent leur indemnité pour voyager au même moment, si la situation opérationnelle le permet. Là encore, les règles sont claires.
Je répète que toutes les politiques seront passées au peigne fin au cours des mois et des années à venir.
Je vous remercie, monsieur.
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Pour commencer, j'aimerais mentionner que nous n'avons pas affaire à une population homogène, ce qui nous complique la tâche. De nouvelles recrues sont continuellement embauchées et elles nous arrivent avec leur bagage de valeurs et leur expérience acquis dans le civil. Donc, nous devons vraiment faire face à un important virage générationnel et à un roulement constant de diverses personnes qui ont connu une transition et à d'autres qui viennent d'arriver. Voilà l'un de nos défis à affronter : ne pas être en mesure d'y faire face rapidement, car nous devons opérer un changement auprès de diverses générations.
Ce qui donne des résultats, et qu'il faudrait faire plus souvent, est le fait de mieux conscientiser de façon générale la population canadienne à la gravité de cette question et de ses retombées. Parfois, je crois qu'il est difficile d'être en mesure d'en comprendre les répercussions, non seulement pour la victime, mais pour l'organisation. Nous nous en occupons en menant des discussions au sujet de son impact sur notre efficacité opérationnelle, notre esprit d'équipe et notre raison d'être.
Tandis que la société fait face à cette situation, que nous cessons de nous concentrer sur les procès très médiatisés ainsi que sur les conséquences — pour examiner plutôt ces enjeux, plus globalement, et voir ce qu'ils signifient pour notre société, pour les responsables, pour les victimes et pour nous en tant qu'institutions et particuliers — je crois que tout cela est très important et utile pour nous, parce que les membres des Forces armées sont des citoyens canadiens qui traduisent les valeurs canadiennes. Ce que nous faisons à l'extérieur de l'armée a de lourdes conséquences pour nous.
Et puis, il nous faut du temps. Nous accordons beaucoup d'attention à ce dossier et la pression est énorme, car nous avons beaucoup de comptes à rendre. Pour nous, les minces victoires que nous réalisons comptent pour beaucoup. Parfois, nous oublions de les souligner et, comme l'a mentionné la générale Whitecross, nous consacrons un temps énorme à envisager la façon de rectifier un mauvais comportement, plutôt que de valoriser un comportement salutaire et d'indiquer ce qui est bien. Il importe de le rappeler.