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Je vous remercie, au nom de Réserves 2000, de m'avoir invité à vous faire part de nos commentaires sur la diversité au sein des Forces armées canadiennes.
J'ai déjà témoigné devant le Comité. Certains d'entre vous ont donc probablement déjà entendu ce petit discours. Réserves 2000 est une alliance de Canadiens qui prônent le recours aux citoyens soldats à temps partiel pour accroître la capacité de défense du Canada. Nos membres, qui proviennent de toutes les régions du pays, sont des Canadiens de tous les horizons: nous comptons parmi nous des membres retraités des Forces armées canadiennes, tant de la Force régulière que de la Force de réserve, des universitaires, des éducateurs, des chefs de file du milieu communautaire, ainsi que des personnes qui s’intéressent à la défense et à la sécurité du Canada.
Sachant que je venais ici, j'ai consulté bon nombre de nos membres, et mon exposé d’aujourd’hui reflétera les points de vue de nos partisans de partout au pays.
Dans l’ensemble, on peut dire qu’au sein des Forces armées canadiennes, c'est la Force de réserve — et j'entends par là la Première réserve, qui est principalement constituée de la Réserve de l'Armée de terre — qui mène sur le plan de la diversité, surtout dans les grands centres plus cosmopolites. C’est d’ailleurs le cas depuis un bon moment déjà.
Actuellement, Réserves 2000 ne recueille aucune donnée sur la diversité dans la Réserve. Toutefois, le ministère de la Défense nationale publie de l’information accessible au public à cet égard, en particulier sur la diversité des genres. Selon des données datant de mars 2018, la proportion de femmes était légèrement plus élevée dans la Première réserve que dans la Force régulière, s’établissant respectivement à 16,3 % et à 14,9 %. Nous savons que l’énoncé de la politique de défense, intitulé Protection, Sécurité, Engagement, fixe l’objectif d’accroître la proportion de femmes dans les Forces armées canadiennes au cours des 10 prochaines années afin qu'elle atteigne 25 % de l’effectif.
À la suite de récents changements apportés à la politique, les unités de la Réserve de l’armée sont maintenant responsables d’attirer, de recruter et d’enrôler leurs nouveaux membres, alors que ces fonctions relevaient auparavant d’un processus très centralisé. Le passage à une administration plus locale a grandement amélioré le recrutement, et il n’y a aucune raison de croire que le nombre de recrues de sexe féminin ne continuera pas d’augmenter dans les mois et les années à venir. Si l’on arrive à maintenir ces recrues en poste, la masse critique de femmes s’accroîtra, ce qui en soi devrait contribuer à retenir davantage de femmes.
Un nouveau programme d’emploi estival garanti pendant les quatre premiers étés suivant l’enrôlement devrait aussi favoriser la rétention d’un plus grand nombre de nouveaux soldats, hommes ou femmes.
Ainsi, la Réserve de l’armée est maintenant plus à même d’aider les Forces armées canadiennes à atteindre l’objectif de diversité des genres fixé dans l’énoncé de la politique de défense.
Ces initiatives de recrutement et de maintien en poste au sein de la Réserve de l’armée devraient également attirer et retenir davantage de membres issus d’autres populations actuellement sous-représentées dans les Forces armées canadiennes. Après tout, on dénombre 123 unités de la Réserve de l’armée situées dans 117 collectivités d’un océan à l’autre.
Là où il existe une diversité ethnique, en particulier dans les grandes régions métropolitaines, les unités de la Réserve de l’armée reflètent déjà cette diversité de façon assez remarquable. Dans les petites collectivités, les unités ne sont pas aussi diversifiées, pour la simple raison que ces collectivités sont elles aussi moins diversifiées.
La décentralisation du recrutement dans la Réserve de l’armée a déjà entraîné une augmentation de l’enrôlement de nouveaux membres provenant de populations traditionnellement sous-représentées. Accorder plus d’autonomie aux unités en matière de publicité et d’autres méthodes de recrutement pourrait accroître la proportion de militaires issus de populations sous-représentées, car les unités seraient alors en mesure de cibler plus efficacement les recrues potentielles issues de ces populations.
Chaque région de notre vaste pays comporte des collectivités qui lui sont propres: les unités sont donc les mieux placées pour savoir ce qui fonctionne le mieux pour elles. À l’heure actuelle, les unités disposent de budgets publicitaires très limités, et les messages qu’elles diffusent sont étroitement contrôlés à partir d'un point central.
Cela dit, précisons que, si les statistiques liées à la diversité de genre sont connues et font l’objet d’un suivi, ce n’est pas le cas de la diversité ethnique. En fait, un article paru aujourd'hui dans le Globe and Mail souligne que nous ne recueillons pas ce genre d'information, que ce soit dans les forces armées ou ailleurs.
Une meilleure base de données permettrait d’élaborer de meilleurs programmes de recrutement et de maintien en poste, et de mieux renseigner la chaîne de commandement de l’armée quant aux compétences que possèdent les militaires. Par exemple, le fait de disposer de compétences linguistiques au-delà des deux langues officielles pourrait être extrêmement important pour assurer le succès de déploiements futurs.
En terminant, je voudrais aborder brièvement la question des quotas. Les sympathisants de Réserves 2000 se réjouissent qu'il soit question, dans l’énoncé de la politique de défense, d’objectifs et non de quotas. Nous estimons que l’établissement de quotas en vue d’accroître la diversité ne ferait qu’alimenter l’inefficacité du processus et l’insatisfaction, et pourrait même entraîner une diminution de l’enrôlement. La Réserve de l’armée a démontré qu’il est possible d’accroître la diversité sans imposer de quota, et de nouvelles politiques de recrutement et de maintien en poste ont ouvert la voie à un succès encore plus grand. Poursuivons sur cette belle lancée.
C’est sur cette dernière remarque que j’aimerais conclure ma déclaration préliminaire.
Je suis certain que vous avez des questions plus précises auxquelles je tenterai de répondre aujourd’hui; si je n’ai pas les réponses, je me ferai un plaisir de reconsulter les partisans de Réserves 2000 et de vous répondre par écrit ou par toute autre méthode que vous souhaiteriez que j'utilise.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire.
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Tout d'abord, la diversité aide les Forces armées canadiennes — je vais parler de la Réserve de l'Armée canadienne ici. La diversité est avantageuse parce qu'en puisant dans les communautés, au-delà des communautés traditionnelles française, anglaise et blanche, on peut avoir accès à un plus grand bassin, ce qui permet d'attirer plus de recrues. C'est une bonne chose. Les unités peuvent croître de cette façon. Elles le savent et y travaillent.
Par ailleurs, pour le pays, je pense que c'est fabuleux parce que — je pourrais en parler pendant 20 minutes — les nouveaux Canadiens ont l'occasion de participer à un programme national d'envergure. Je suis sûr qu'ils en sont fiers; il y en a tellement qui veulent y participer.
L'autre grand élément qui, à mon avis, est vraiment important pour les Forces armées canadiennes, c'est la possibilité, pour ces communautés, de contribuer à l'accomplissement des missions de l'Armée canadienne et du reste des forces.
Par exemple, dans les déploiements à l'étranger, il est important de pouvoir travailler avec la population locale. Or, la plupart d'entre nous ne parlent pas la langue utilisée dans bien des pays. Cependant, quelque part dans la mosaïque canadienne, il y a des gens originaires de ces pays, et nous devons les accueillir au sein des forces, si nous le pouvons. Nous devons également les repérer, et je ne pense pas que nous... Certes, dans le processus de recrutement, je pense qu'on demande aux gens d'indiquer les langues parlées, mais la question ne concerne que les deux langues officielles. Je pense que nous devons faire un meilleur travail à ce sujet.
J'ai des anecdotes sur le déploiement en Afghanistan. Nous avions des gens là-bas qui parlaient la langue locale, mais personne n'était au courant. C'est un terrible gaspillage de ressource si on ne remédie pas au problème.
Je pense que les unités représentent un énorme potentiel. Elles veulent s'attaquer au problème. Selon moi, c'est bon pour le Canada. Je pense aussi que, si nous étions au courant des ressources dont nous disposons ou si nous avions une meilleure idée de ce que... Je suis désolé, je ne devrais pas dire « nous ». Si l'Armée canadienne avait une meilleure idée de ce qu'elle a réellement dans son répertoire des effectifs, je pense que ce serait extrêmement utile.
Cela me fait plaisir de comparaître à nouveau devant votre comité. Je sais que le sujet de vos rencontres est la diversité, qui est un sujet très vaste. On m'a par ailleurs informée que l'objet de ma comparution est de faire le point sur l'opération Honour et l'inconduite sexuelle.
La diversité est souvent vue comme un moyen de changer la culture, et le changement de culture est un volet essentiel de la lutte contre l'inconduite sexuelle. Ma deuxième recommandation aux forces armées est d'établir une stratégie pour effectuer ce changement. Mon rapport contient une section sur la culture. Dans cette section, je parle de l'importance du leadership, avec un accent particulier sur le leadership féminin.
Je n'ai pas personnellement fait le suivi officiel de mes recommandations, mais je me suis efforcée de demeurer informée sur ce qui se faisait. Plus particulièrement, après la réception de votre demande de participation, j'ai tenté de faire une mise à jour à cet égard.
Comme vous le savez peut-être, beaucoup de recherche a été faite par les forces armées, tant par des experts externes que par des ressources internes. De très nombreux rapports ont été produits sur l'impact de la culture sur l'inconduite sexuelle, l'effet du langage sur cette culture, les médias sociaux, la formation, l'opération Honour, et j'en passe. Je ne les ai pas tous énumérés.
Je sais aussi qu'un quatrième rapport sera produit incessamment, qui sera un suivi de l'opération Honour, et qu'on a mis en place une stratégie sur la diversité — je ne sais pas si vous en avez reçu une copie. On travaille encore à l'élaboration d'une politique sur le changement de culture. On a aussi augmenté les responsabilités du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ou CIIS.
Il y a cependant un certain temps que je n'ai pas reçu de communications personnelles des victimes. Je peux difficilement vous dire ce qui se passe sur le terrain autrement que comme citoyenne qui, comme plusieurs et comme tout le monde dans la salle, s'est intéressée aux données publiées par Statistique Canada et au rapport du vérificateur général. Je sais que cela soulève beaucoup de questions à ce comité.
Je sais aussi que votre comité fait un suivi que j'estime indispensable, parce que cela met de la pression pour que les choses bougent. Vous avez entendu plusieurs témoins, dont certains ont eu des propos particulièrement éclairants. J'ai aussi pu constater que plusieurs membres de votre comité en connaissent beaucoup sur le sujet.
Compte tenu du fait que ma connaissance du milieu commence à dater et que je peux difficilement vous apporter des informations de pointe, je ne vous ferai pas perdre de votre temps précieux en faisant des commentaires généraux. Je vais plutôt répondre à vos questions. Alors, je vous cède la parole.
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Bonjour, tout le monde. C'est vraiment un honneur de voir ici des visages que j'ai déjà vus à la télévision. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner. Je vous en suis très reconnaissante.
Voici quelques détails à mon sujet. Ancienne athlète professionnelle, j'ai été membre d'Équipe Canada à trois reprises. Je suis aussi diplômée de l'Université de Victoria. Pendant mes études secondaires, j'étais l'une des meilleures lutteuses au pays: j'étais classée cinquième au Canada et deuxième en Ontario. Dans les forces armées, j'ai reçu deux prix d'excellence pendant la formation de base, et j'étais l'une des meilleures de ma classe pendant le programme d'instruction sur l'environnement naval.
J'étais mariée à un homme violent. Quand il m'a quittée pendant ma formation, j'avais un fils d'un an et je n'avais aucun soutien. Je n'avais pas les moyens d'embaucher une bonne d'enfants, et ma famille vivait à des milliers de kilomètres de l'île de Vancouver, où j'étais affectée.
À la base d'Esquimalt, il y avait seulement 20 places en garderie de jour pour 3 000 personnes. Mon fils a donc été ajouté à une liste d'attente de deux ans pour la garderie de jour, ce qui ne réglait pas la question des 12 heures de soins de nuit dont j'avais aussi besoin. Bref, il m'était pratiquement impossible de servir sur un navire.
J'ai informé l'école que mon mari violent m'avait laissée dans cette situation difficile. À partir de ce moment-là, j'ai pu voir que les officiers supérieurs commençaient à me traiter différemment.
Trois jours avant la fin de ma formation, j'étais déjà affectée au NCSM Winnipeg et je m'apprêtais à recevoir une promotion et une augmentation de salaire, qui m'aurait grandement aidée à payer les voyages en avion nécessaires pour aller reconduire mon enfant chez ma mère, en Ontario. C'était la seule option de garde d'enfants à laquelle j'avais accès. Ma mère prenait congé de son travail pour que je puisse aller travailler sur un navire. Tout mon argent y passait. Je n'avais ni épargnes, ni investissements, ni quoi que que ce soit, à l'époque.
Trois jours avant la fin du programme de formation et les changements prévus, un homme, James Brun, a menti au conseil de l'école: il leur a dit qu'il me restait 17 exigences à satisfaire, alors qu'il m'en restait quatre. Karen Bellehumeur, qui dirigeait alors ce département, m'a annoncé qu'ils mettaient immédiatement fin à ma formation parce que j'avais trop d'obligations familiales.
J'ai été expulsée du navire. Je n'ai même pas eu le droit d'aller chercher mes effets personnels. J'ai perdu mon augmentation de salaire et ma promotion, et j'ai été retirée de l'équipage du NCSM Winnipeg.
À la suite de ces événements, j'ai soumis une plainte pour harcèlement contre James Brun et j'ai présenté un grief. Des années plus tard — le traitement du grief a pris des années —, l'enquête a révélé que Brun avait effectivement menti. J'avais des documents qui montraient qu'il me restait seulement quatre exigences à satisfaire et que j'aurais pu facilement finir le programme. J'aurais dû recevoir ma promotion. J'aurais dû recevoir mon augmentation de salaire. J'aurais dû pouvoir continuer ma formation. Au lieu de tout cela, je me suis retrouvée devant le début de la fin de ma carrière militaire.
Après avoir soumis la plainte pour harcèlement, je suis allée voir l'officière de sélection du personnel de la base. Comme elle joue, en quelque sorte, le rôle d'un service des ressources humaines, je pensais qu'elle pourrait m'aider. Je lui ai expliqué qu'il m'était impossible de continuer à prendre l'avion à répétition pour faire garder mon fils, et je lui ai dit que j'étais prête à prendre n'importe quel autre poste dans les forces canadiennes.
Je ne voulais pas abandonner ma commission, car j'étais très fière de cette commission accordée par la Reine. Je tenais donc à demeurer officière, mais j'étais prête à faire n'importe quel travail. S'ils m'avaient demandé de travailler comme technicienne en approvisionnement et de passer les 25 prochaines années de ma vie à distribuer des vêtements, je l'aurais fait avec plaisir, même si j'avais le coeur brisé à l'idée de ne plus pouvoir naviguer, puisque c'est le désir de naviguer qui m'avait attirée dans les forces armées.
L'officière de sélection du personnel de la base m'a dit que, pour les Forces armées canadiennes, le fait d'avoir un jeune enfant ne justifiait pas un changement de métier. Elle m'a aussi dit qu'elle avait dû, elle aussi, s'occuper de toutes sortes de détails administratifs quand elle avait été déployée; elle avait dû, par exemple, modifier son forfait de téléphone cellulaire et trouver un endroit où entreposer sa voiture. Autrement dit, l'armée comparait mon fils à un tas de métal.
J'ai demandé de l'aide à Karen Bellehumeur, directrice du département, et à une autre femme, Kim Chu. Je voulais simplement changer de métier et faire n'importe quel travail pour lequel je serais qualifiée. Elles m'ont fait venir dans leur bureau et m'ont dit que, si je ne me débarrassais pas de mon enfant, je serais renvoyée. Je n'arrivais pas à croire que mon propre gouvernement, le gouvernement du Canada, m'obligerait à choisir entre abandonner mon enfant et perdre mon emploi, alors que je désirais vraiment servir mon pays et que je savais être en mesure de le faire. J'étais prête à faire n'importe quel travail qu'ils m'auraient offert. De plus, j'avais déjà placé mon fils de l'âge d'un an à l'âge de deux ans: je ne l'avais pas abandonné, mais je l'avais confié à mes parents pour pouvoir servir sur un navire.
J'avais une solution pour répondre à mes obligations familiales et je pouvais m'organiser en cas de déploiement, mais je souhaitais faire un autre genre de travail qui ne m'obligerait pas à abandonner mon fils.
Je me trouvais donc dans une impasse. Je ne voulais pas perdre mon fils. Je ne voulais pas perdre mon emploi non plus, puisque, sans salaire, je n'aurais pas les moyens de subvenir à ses besoins. J'ai alors commencé à envisager une troisième solution, le suicide.
Je me suis portée volontaire pour travailler aux services logistiques, et j'y ai travaillé pendant un an. Je me disais que ce métier me conviendrait bien, puisqu'il nécessiterait peu de déploiements. Mon fils avait deux ans. Je suis allée voir une autre femme officier, la commandante Roberts. Elle était commandante des services logistiques de la base, à l'époque. Elle m'a dit que j'aurais dû me faire avorter et que j'étais la seule responsable de tous mes problèmes, puisque j'avais eu un enfant trop tôt dans ma carrière. Elle a ajouté que la liste d'attente de deux ans pour la garderie militaire de jour était simplement une réalité qu'il fallait accepter.
J'ai consulté les services de santé mentale et je leur ai dit que les gens de ma chaîne de commandement tentaient de me forcer à abandonner mon enfant. Le médecin m'a mise dans une catégorie médicale temporaire, ce qui m'empêchait temporairement d'être déployée sur un navire. Je me suis dit, alors: « C'est le moment d'agir. Je vais profiter de cette période pour remplir toute la paperasse et changer de métier. »
Je semblais être une candidate idéale pour le poste de contrôleur aérien, puisque j'ai d'excellentes aptitudes spatiales. J'espérais travailler dans ce domaine et me rapprocher de ma famille, ce qui aurait réglé mes problèmes.
Alors que je m'apprêtais à changer de métier, la docteure Boylan m'a dit: « Je ne signerai pas votre transfert parce que vous avez consulté les services de santé mentale à trois reprises, pour trois raisons différentes. » Bref, j'étais coincée dans les forces armées, sans métier, sans unité et sans aucune chance de promotion ou d'avancement avant quatre ans. J'étais devenue, à toutes fins pratiques, une paria.
La seule possibilité, c'était de me porter volontaire pour aller travailler aux affaires publiques. J'y suis allée et j'ai fait du bon boulot, je crois. J'attendais l'expiration de ma note médicale. J'avais entendu, entre les branches, que si vous ne consultez pas les services de santé mentale, les gens en concluent que tout va bien. Je n'ai donc pas consulté ces services pendant six mois. Une fois ma note médicale expirée, je suis retournée voir le médecin pour lui demander de signer les formulaires pour que je puisse changer de métier. Sa réponse: non.
J'étais alors aux prises avec des idées suicidaires, j'étais dépressive, et je tentais d'élever mon enfant seule. J'ai présenté une demande d'aide au déplacement en congé pour prendre l'avion pour Noël — c'était en 2013. J'ai alors découvert que, parce que j'avais un enfant, je n'avais plus droit à cette prestation. En effet, l'aide au déplacement en congé paie le voyage des militaires célibataires qui se rendent chez eux, mais elle n'est pas offerte aux personnes qui sont mariées ou ont des enfants. Bref, mes amis célibataires avaient droit à deux vols gratuits par année, tandis que je devais payer les miens.
Autour de Noël 2013, j'ai aussi reçu un courriel m'informant que, comme j'avais un enfant, je faisais désormais partie d'une catégorie de voyageurs moins prioritaires pour les vols Airbus. Les militaires qui ont droit à l'aide au déplacement en congé pour aller voir leur plus proche parent font gratuitement, chaque année, le vol aller-retour, puisque les Airbus sillonnent le pays dans toutes les directions. Après avoir reçu le courriel, je devais attendre un mois. J'ai donc présenté une demande un mois plus tard, mais les vols étaient complets.
Je tiens aussi à signaler qu'une fois que mon fils a eu une place en garderie, les forces armées retenaient 700 $ sur mon salaire pour ces services, en plus de 915 $ de loyer. En comparaison, en raison de la politique « meubles et effets », l'officier assis à côté de moi pendant la formation était logé et nourri gratuitement, puisqu'il avait une épouse et une maison au Nouveau-Brunswick. À elles seules, ces différences créaient un écart de salaire de 3 000 $ entre nous deux.
De 2014 à 2017, je n'ai jamais subi d'évaluation médicale et j'ai reçu très peu de soins. Malgré cette absence d'évaluation médicale, j'ai tout de même été renvoyée pour des raisons médicales, simplement parce que j'avais défendu mes droits quand j'étais traitée différemment à cause de mon statut de mère. Avec l'aide d'une avocate spécialisée en droit du travail, Natalie MacDonald, j'ai présenté à la Commission canadienne des droits de la personne une plainte pour discrimination fondée sur le sexe. Les Forces armées canadiennes y font obstruction depuis un an et demi. Je l'ai appris dernièrement dans un courriel obtenu grâce à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Depuis mon renvoi des forces armées, j'ai aussi pu constater que les vétérans sont parfois traités de façon injuste. J'ai l'impression d'entrevoir toutes les difficultés auxquelles doivent se buter les vétérans qui auraient, par exemple, perdu des membres, et qui doivent se battre pour obtenir de l'aide.
Je suis ici aujourd'hui pour que ces situations ne se reproduisent pas. Je vais faire tout mon possible pour réparer les trous dans lesquels je suis tombée, parce que je suis convaincue que beaucoup de politiques ont eu pour effet qu'il m'était carrément impossible de continuer de servir dans les forces armées en tant que mère. Beaucoup d'options simples auraient pu me permettre de rester, mais personne ne voulait m'aider.
Voilà, c'est la fin de mon discours. Merci à vous tous de m'avoir écoutée.