NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 23 octobre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour à tous et bienvenue au comité de la défense et à son premier examen du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale, et la commodore Bernatchez, juge-avocate générale des Forces armées canadiennes. Merci beaucoup d’être venus.
Comme le ministre n’est avec nous que jusqu’à la fin de l’heure, je commencerai sans tarder.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
J’invoque le Règlement, monsieur le président. Le ministre devait comparaître pendant une heure. Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que la motion présentée à la Chambre pour forcer la tenue d’un vote nous a fait perdre une demi-heure. Je pense que le ministère l’a fait exprès...
Oui, c'en est un, parce que cela réduit le temps dont nous disposons avec le ministre. Les libéraux auraient dû prendre cela en considération avant de proposer cette motion, me semble-t-il, pour que l'on ait la possibilité de recevoir le ministre pendant toute l’heure, comme on nous l’avait promis.
On ne fait que rendre plus pressant le problème du temps dont on dispose.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
Merci.
Monsieur le président, je peux vous assurer qu’il n’y a pas de conspiration.
Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la défense nationale, distingués collègues, je suis heureux d’être ici avec la juge-avocate générale pour discuter du projet de loi C-77 et des changements importants que nous proposons d’apporter à la Loi sur la défense nationale. Je serai heureux de répondre à vos questions à la fin de mon exposé, comme toujours.
Comme vous le savez, le projet de loi C-77 proposait un certain nombre de modifications à la Loi sur la défense nationale et, au coeur de ces modifications, il est question de nos gens, des femmes et des hommes des Forces armées canadiennes qui font de grands sacrifices chaque jour au service de notre grand pays. Cela comprend le système de justice militaire qui veille à ce que les victimes reçoivent le soutien dont elles ont besoin et qu’elles méritent, et un système qui favorise une culture de leadership, de respect et d’honneur.
Les membres des Forces armées canadiennes sont tenus de respecter des normes de conduite élevées et on s’attend à ce qu’ils respectent et reflètent les valeurs canadiennes dans tout ce qu’ils font. Que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, nous demandons beaucoup d'eux chaque jour, aussi nous incombe-t-il de veiller à ce que les règles qui guident leur conduite soient transparentes, équitables et justes. Ces règles doivent refléter l’époque actuelle et être harmonisées avec les valeurs canadiennes et celles du système de justice pénale civile du Canada.
Le projet de loi C-77 est en grande partie le prolongement du travail que fait déjà le gouvernement pour assurer une approche plus axée sur les victimes en matière de justice; s’appuyer sur le projet de loi C-65, le projet de loi de notre gouvernement contre le harcèlement en milieu de travail; renforcer la vérité et la réconciliation avec les peuples autochtones; et changer la culture militaire grâce à l’opération Honour afin que les Forces armées canadiennes soient un milieu de travail de choix où règne le respect pour tous les Canadiens.
J’aimerais prendre un moment pour expliquer l’importance de l’opération Honour. Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’opération Honour vise à éliminer l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Le chef d’état-major de la Défense et moi-même avons été clairs sur le fait que nous adoptons une politique de tolérance zéro pour toute forme d’inconduite sexuelle dans nos Forces armées canadiennes.
Par le biais de l’opération Honour, nous avons créé un nouveau centre d’intervention pour les victimes, offert une formation améliorée au personnel des Forces armées canadiennes et simplifié le processus de dénonciation. J’aimerais aussi mentionner que le grand prévôt des Forces armées canadiennes a récemment publié les résultats d’un examen exhaustif de cas d’agressions sexuelles non fondés antérieurs. Des 179 cas examinés, 23 cas ont été rouverts et feront l’objet d’une enquête approfondie, et nous félicitons le Service national des enquêtes des Forces canadiennes, et le grand prévôt pour leur travail permettant que les voix des victimes soient entendues.
J’aimerais également souligner le travail important du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle (CIIS), qui a récemment publié son rapport annuel. Nous le remercions de son appui envers les membres des Forces armées canadiennes qui ont été victimes d’inconduite sexuelle. Je suis également fier de mentionner que le CIIS cherche à associer des travailleurs sociaux aux victimes d’inconduite sexuelle afin qu’elles bénéficient d’un soutien continu dès le signalement d'un incident, et ce, jusqu’à la conclusion du cas.
Le CIIS a effectué un travail exceptionnel, et je sais que, grâce à ses efforts, les victimes reçoivent tout le soutien nécessaire.
J’aimerais maintenant parler du projet de loi C-77, afin de souligner la façon dont il donnera une voix aux victimes et apportera quatre modifications importantes à notre Loi sur la défense nationale.
Premièrement, comme dans le système civil de justice criminelle, des droits importants y seront consacrés pour les victimes.
Deuxièmement, des peines plus sévères seront réclamées pour les crimes motivés par des biais, des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre.
Troisièmement, il fera en sorte que les circonstances particulières des délinquants autochtones soient prises en compte dans le processus de détermination de la peine.
Et quatrièmement, il réformera la façon dont la chaîne de commandement administre les procès sommaires.
Le projet de loi C-77 propose d’inclure la Déclaration des droits des victimes dans la Loi sur la défense nationale. Cette déclaration reflète la Charte canadienne des droits des victimes, qui renforce et oriente la façon dont nous soutenons les victimes dans le système civil de la justice criminelle.
Plus précisément, le projet de loi prévoit l'intégration de quatre nouveaux droits des victimes dans le système de justice militaire, à savoir, le droit à l’information, le droit à la protection, le droit à la participation et le droit au dédommagement.
Afin de faire en sorte que les victimes puissent exercer ces droits, elles auront droit à l’assistance d’un agent de liaison avec les victimes, si elles le demandent. Ces agents de liaison seront en mesure d'expliquer comment les infractions militaires font l'objet d'accusation et sont traitées et jugées en vertu du Code de discipline militaire.
Ils aideront les victimes à accéder aux renseignements auxquels elles ont droit et ils resteront disponibles pour les aider tout au long de leur interaction avec le système de justice militaire. Cela fera en sorte que les victimes comprennent chaque étape du processus et la façon dont elles peuvent y participer en tout temps de manière significative. Le soutien qu’ils offriront sera complet et équitable et sera toujours offert dans le but de préserver la dignité des victimes.
Le projet de loi C-77 porte également en particulier sur les questions de préjugé ou de haine liée au genre dans les cas d'infraction militaire. Le projet de loi propose des peines et des sanctions plus sévères pour les infractions militaires et les infractions motivées par des biais, des préjugés ou de la haine fondés sur l’expression ou l’identité de genre. Nos femmes et nos hommes en uniforme, et ceux qui travaillent et vivent à leurs côtés, doivent se sentir bienvenus et respectés en tout temps. Les Forces armées canadiennes ont une tolérance zéro envers toute forme de discrimination. Cette modification permettra de mieux harmoniser le système de justice militaire avec ce principe.
À ce propos, l’équipe de la Défense travaille sans relâche sur des programmes comme l’initiative Espaces positifs, afin de créer des environnements de travail inclusifs pour chacun, quelle que soit leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur expression de genre. Je la félicite pour le travail qu'elle a accompli dans le cadre de cette initiative, offrant des formations aux ambassadeurs à l'appui des membres lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer et bispirituels de notre collectivité, qui travaillent avec nous chaque jour.
Le prochain changement sur lequel j’aimerais me concentrer est la façon dont nous proposons de mettre à jour le système de justice militaire afin de mieux refléter les réalités des injustices passées infligées aux peuples autochtones. Dans le système civil de la justice criminelle, le Code criminel exige que les juges tiennent bien compte des circonstances lors de la détermination de la peine. Plus précisément, pour tous les délinquants, ils doivent tenir compte de toutes les peines autres que l’emprisonnement, qui sont disponibles et raisonnables dans les circonstances et compatibles avec le préjudice causé aux victimes ou à la communauté. Ce principe doit être appliqué en accordant une attention particulière aux circonstances des délinquants autochtones. Il est de notre responsabilité commune de rétablir et de renouveler nos relations avec les peuples autochtones. Comme l’a affirmé notre premier ministre en de multiples occasions, pour le gouvernement et le Canada, il n'y a pas de relations plus importantes que celles que nous avons avec les peuples autochtones.
En intégrant ces considérations dans la détermination de la peine, le projet de loi fera en sorte que les Forces armées canadiennes et le gouvernement continuent sur la bonne voie. C’est l’un des éléments qui distinguent le projet de loi C-77 des autres lois semblables présentées par le gouvernement précédent à la fin de la 41e législature. Je crois que cet ajout renforce ce projet de loi, et je suis fier qu'il figure ici. À cette fin, j’espère pouvoir compter sur l’appui de tous pour que ce projet de loi soit adopté rapidement.
Le dernier changement important apporté par ce projet de loi concerne le processus des procès sommaires. La juge-avocate générale peut vous expliquer ces changements plus en détail, mais je veux traiter rapidement de ces changements et de leurs effets. À ce jour, les infractions mineures à la discipline militaire ont été traitées dans le cadre de procès sommaires. Notre projet de loi prévoit la mise en oeuvre d'un processus d’audience sommaire non pénal et non criminel pour remplacer le système des procès sommaires. Ce changement ferait en sorte que les petites infractions à la discipline militaire soient traitées efficacement, tout en maintenant l’équité du système dans son ensemble.
Par exemple, l'une des infractions à la discipline militaire qui pourrait être touchée par ces changements serait quelque chose de semblable à l’absence sans permission, ou l'ASP en abrégé, de notre système actuel. C'est à ce genre d’infractions que nous souhaitons remédier avec le projet de loi actuel. Il montre également la confiance que nous avons envers les dirigeants militaires qui peuvent s'occuper des petites infractions à la discipline à leur niveau.
Ensemble, les changements proposés dans le cadre de notre projet de loi sont importants pour moderniser le système de justice militaire et lui permettre de continuer à réagir aux manquements à la discipline militaire.
Notre premier ministre m’a donné le mandat d’établir et de maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination. Notre politique de défense — Protection, Sécurité, Engagement — souligne l’importance de prendre soin de nos femmes et de nos hommes en uniforme et de veiller à ce que le système de justice militaire épaule les victimes. Voilà pourquoi je suis extrêmement fier de vous parler du projet de loi C-77 aujourd’hui. Non seulement ce projet de loi veillera à la protection des membres de nos Forces armées canadiennes grâce à un système de justice militaire qui s'adapte aux notions de justice canadiennes, mais il s'assurera que les victimes sont soutenues et entendues.
J’ai hâte que le Comité procède à une analyse complète de ce projet de loi et je serai heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci, monsieur le ministre.
Je rappelle à tous que si vous avez un téléphone cellulaire ou un iPad, nous vous serions reconnaissants d’éteindre la sonnerie.
Aux membres du Comité, si vous voyez ceci, terminez en 30 secondes ou moins. Je serai très strict sur le passage de la parole au prochain intervenant, car le temps nous est compté.
Allez-y, monsieur Gerretsen.
Merci, monsieur le président, et merci, monsieur le ministre, d’être venu comparaître devant le Comité pour parler de cette mesure législative très importante.
Nous savons que l’ancien gouvernement conservateur a présenté un projet de loi semblable quelques jours à peine avant l’ajournement de la Chambre avant les élections, ce qui, au mieux, était au mauvais moment, car il aurait été presque impossible de le faire adopter à la Chambre et au Sénat en cinq ou six jours.
Cependant, je note qu’il y a deux grandes différences entre ce texte et celui qui a été présenté à la Chambre et qui est maintenant devant le Comité. En fait, ils diffèrent sur deux points. L’un est le principe Gladue et l’autre est l’identité des défenseurs et les éléments de l’expression du genre.
Pouvez-vous nous dire ce qui a mené à leur introduction? Est-ce que cela s’est fait dans le cadre du processus de consultation que vous menez depuis quelques années? Quelle importance leur attribuez-vous dans le projet de loi?
C’est une excellente question.
Nous sommes tous d’accord sur l’importance de ce projet de loi et sur l’importance de l’adopter le plus rapidement possible dans le cadre de notre processus parlementaire. À l'occasion de notre examen de la politique de défense, tout en tenant ces discussions plus approfondies, la direction du JAG a également effectué un examen approfondi des changements qui s'imposaient.
On devait s'assurer qu’au moment de présenter ce projet de loi, il serait conforme non seulement à notre politique gouvernementale et à l’orientation suivie dans le système de justice pénale, mais aussi à notre politique de défense. C’est exactement ce que font ces changements.
Pouvez-vous nous parler des consultations qui ont eu lieu au cours des dernières années pour en arriver là? Quelles consultations ont été menées dans le cadre du processus? Pouvez-vous nous parler des résultats ou d’autres dispositions du projet de loi qui découlent de ces consultations?
Je demanderai à la juge-avocate générale de vous parler des consultations détaillées, mais pour ce qui est de l’examen de la politique de défense et de l’aspect plus général, qui va nous amener à nous pencher sur les Forces armées canadiennes, c'est ce qui détermine notre façon de gérer presque toutes nos activités. Comme vous le savez, le processus a été extrêmement rigoureux d’un bout à l’autre du pays, et l'on a pris soin de consulter les experts, les dirigeants communautaires et les militaires, en veillant tout particulièrement à ce que les députés puissent se faire entendre.
Commodore Bernatchez, voulez-vous intervenir?
Dans le cadre de l’analyse du projet de loi et des facteurs de politique juridique à prendre en considération, on consulte tous les intervenants du système de justice militaire, afin de s'assurer que les changements proposés répondent également à leurs exigences.
On consulte nos collègues du ministère de la Justice, parce que l’un de nos objectifs est de faire en sorte que le système de justice reste en phase avec l'évolution du droit canadien et des valeurs canadiennes. Cela ne peut pas se faire en vase clos. Cela doit se faire en consultation avec tous les intervenants juridiques au Canada. Ce sont les consultations qui ont eu lieu.
L’autre élément très important est la consultation avec la chaîne de commandement elle-même — ceux qui utilisent le système de justice militaire au quotidien — pour s’assurer que le système de justice militaire continue de répondre aux besoins des Forces armées canadiennes jour après jour.
Pouvez-vous nous dire en quoi le projet de loi aide à décourager les comportements motivés par les préjugés ou la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre dans le système de justice militaire?
Le passage du système à un processus d’audience sommaire permet une réponse beaucoup plus rapide. Dans le cas d'infractions ou d'autres manquements mineurs à la discipline, la chaîne de commandement peut réagir beaucoup plus vite. C’est très important. La chaîne de commandement est en mesure de régler les problèmes disciplinaires très rapidement, ce qui, essentiellement, permet aussi aux échelons inférieurs de régler les problèmes sitôt qu'ils apparaissent plutôt que de les laisser s’aggraver avec le temps.
Pouvez-vous nous dire combien de ces infractions mineures ou moins graves ont été portées devant les tribunaux ou leur pourcentage par rapport à l'ensemble des cas?
Je ne sais pas si la juge-avocate générale a les chiffres à ce sujet.
Ayant moi-même suivi le système en tant qu’ancien commandant, j’ai constaté que le mécanisme du procès sommaire, juridiquement très complexe, constituait un lourd fardeau. Les commandants ont les compétences, mais personne d'autre ne pourrait... à moins d’être avocat.
Ce que fait le projet de loi, c’est renvoyer les questions juridiques complexes à qui de droit dans le système, autrement dit aux experts, et permettre de gérer en quelque sorte la question disciplinaire.
Je n’ai pas les chiffres exacts, mais le fait est que cela accélérera le processus et permettra un traitement plus rapide même des cas les plus importants .
Madame la juge-avocate générale, avez-vous quelque chose à ajouter?
Oui, merci.
Je vous renvoie ici au rapport annuel que la Loi sur la défense nationale m’oblige à présenter au ministre chaque année et qui a été déposé au Parlement au début du mois. Il fait état de statistiques montrant qu'actuellement 90 % des affaires traitées dans le système de justice militaire le sont par voie de procès sommaire. C’est la grande, très grande majorité des cas.
Le projet de loi C-77 va au coeur du problème en permettant à la chaîne de commandement de régler les problèmes disciplinaires au niveau de l’unité.
Pensez-vous qu’il sera plus efficace de s’adresser à la chaîne de commandement pour régler ces infractions moins graves?
Absolument. La chaîne de commandement s'est montrée très réceptive, parce que ce changement donnera plus de latitude aux commandants.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le ministre et Mme la juge-avocate générale d’être venus aujourd’hui.
Monsieur le ministre, on vient de me signaler qu’il y a eu un forum sur la sécurité à Victoria auquel vous n’avez pas pu assister. Je ne vous ai pas entendu dire si vous alliez assister au forum sur la sécurité de Halifax. Allez-vous pouvoir le faire cette année?
La première fois, c'était en 2015.
Entre le 20 et le 22 novembre 2015, lors de votre rencontre avec Irving, avez-vous eu le ministre Brison au téléphone, ou était-il en fait...
C’est pertinent.
Il vient de répondre à la question sur le forum sur la sécurité et cela fait partie de son témoignage que je veux maintenant...
Merci, monsieur le président.
Je pense que le Comité a invité le ministre à témoigner au sujet du projet de loi C-77. Je ne vois pas du tout le rapport avec ce qui nous occupe aujourd’hui.
Comme le rappel au Règlement porte sur la pertinence eu égard au projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, j’ai tendance à être d’accord.
Le rappel au Règlement est recevable.
Dans son témoignage, le ministre a parlé du Forum sur la sécurité de Halifax. J’aimerais poser une question au sujet du Forum sur la sécurité de Halifax. C’est consigné au compte rendu.
Je ne pense pas que le ministre ait besoin de la protection du président. C’est un ancien combattant, un policier. Il est tout à fait capable, je pense, de répondre à ma question.
J’aimerais savoir ce qui s’est passé lors de la rencontre avec Irving et qui n’a pas été rendu public.
Voyons un peu. Dans son dernier rapport sur l’administration de la justice dans les Forces canadiennes, la vérificatrice générale signale que l’un des principaux problèmes du système de justice militaire est que les accusés n'ont pas le temps nécessaire pour répondre adéquatement aux accusations portées contre eux, du fait de la divulgation tardive de la preuve.
Êtes-vous d’accord pour dire que cela peut nuire à la défense de la personne, oui ou non?
Je vais céder la parole à la juge-avocate générale.
En ce qui concerne le projet de loi C-77 et son importance pour la protection des Canadiens, n’oublions pas que votre gouvernement l'a présenté dans les derniers jours de la dernière législature. Je pense que c’est là-dessus que nous devons nous concentrer, comme tous les députés, et ne pas laisser d’autres questions nous détourner de ce travail très important. Il s’agit des hommes et des femmes des Forces canadiennes.
En fait, c’était directement lié, monsieur le président.
Monsieur le ministre, cela est directement lié au rapport de la vérificatrice générale du printemps. Dans le prolongement de la réunion du Comité avec la commodore Bernatchez. Réunion marquée par la controverse sur les lenteurs de la justice et l’incapacité de faire respecter les principes de la décision Jordan au sein des Forces armées canadiennes. Tout le monde a besoin d’une justice agile.
Pourquoi les membres ne reçoivent-ils pas l' information à temps pour pouvoir se défendre adéquatement devant la juge-avocate générale?
Ce projet de loi, comme l’a dit la juge-avocate générale, supprimera 90 % des goulots d'étranglements, d'où un énorme gain d'efficacité et de rapidité dans le traitement des affaires qui facilitera d'autant la gestion de la procédure des audiences par la hiérarchie.
Il serait donc logique que les membres reçoivent toute l’information dont ils ont besoin pour se défendre devant les tribunaux.
Le gouvernement libéral actuel a choisi de ne pas divulguer des renseignements essentiels pour l’équipe de défense du vice-amiral Norman. Ce refus de divulguer des renseignements essentiels... C’est la justice militaire.
Non, on la laisse tourner. Vous vous obstinez à poser des questions qui n’ont rien à voir avec l’ordre de renvoi.
Libre à vous.
Je n’arrête pas l'horloge et je vous demande pour la deuxième fois de bien vouloir vous en tenir à l’ordre de renvoi, s’il vous plaît, monsieur Bezan.
En 2007, Sylvia Reid et Janet Sinclair, deux Maîtres de 2e classe en poste au MDN à Ottawa, détentrices d'une cote de sécurité très secrète, ont été accusées de sabotage d'une base de données militaire classifiée, de conspiration et de méfait, alors qu'on était en guerre contre l’Afghanistan. Il s’agissait d’accusations très inhabituelles et très graves. Ces deux personnes ont bénéficié d'un accomodement. On ne les a pas renvoyées chez elles. On les a réaffectées à d’autres tâches ne faisant pas intervenir de documents classifiés en attendant que les tribunaux se prononcent.
Pourquoi leur traitement est-il différent en droit militaire de ce qui se passe actuellement au tribunal civil avec le vice-amiral Norman?
Ce qui est très important ici, c’est qu’avec le projet de loi C-77, on s'efforce de renforcer l'efficacité du système de justice militaire afin que les victimes puissent bénéficier d'un traitement plus juste et de plus de soutien. On s'efforce d'agiliser les procédures dans le respect des orientations générales de notre législation. C’est extrêmement important pour nous.
Je rappelle à tous les parlementaires qu’il s’agit d’un projet de loi très important qu'il nous faut adopter. On veillera à recueillir la contribution de chacun pour voir comment l'améliorer.
Un membre des Forces armées canadiennes ne peut être reconnu coupable en vertu du droit militaire, sans qu'au préalable un membre de l’unité militaire ait mené une enquête, ce qui, selon le vérificateur général, prend beaucoup trop de temps. Il faut un enquêteur venant de la police militaire des Forces canadiennes ou du service national d’enquête. A-t-on mené une enquête de ce genre dans le cas du vice-amiral Norman?
L'affaire étant devant les tribunaux, je ne peux évidemment pas en parler. Mais quel que soit le type de procédure, notre police militaire et notre service national d’enquête font un travail phénoménal au nom des Forces armées canadiennes.
Le projet de loi C-77 modifie-t-il les modalités d'enquête prévues par le droit militaire pour les commandants?
Comme vous le savez sans doute, les changements que l'on apporte au système de procès sommaires visent à renvoyer les infractions graves devant la cour martiale et à permettre aux commandants de ne plus traiter que les infractions mineures faisant la part belle à la cohésion et à la discipline de l’unité.
Madame la juge-avocate générale, avez-vous quelque chose à ajouter?
Permettez-moi de citer l’article 71 du Règlement militaire de la preuve, plus précisément l’article « Privilège officiel en matière de divulgation ». « Sauf dispositions de la présente section ou d'une loi du Parlement du Canada, il n’existe aucun privilège officiel ou gouvernemental de supprimer une preuve pertinente devant une cour martiale. »
Si c’est une bonne chose que cette preuve soit remise à une cour martiale, ne faudrait-il pas que le vice-amiral Norman, qui était...
J’invoque le Règlement.
Monsieur le président, l’affaire Norman est actuellement devant un tribunal civil. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-77, qui porte sur le système de justice militaire. Je dirais que cela n’a absolument rien à voir.
Il est recevable. M. Bezan a été mis en garde deux fois sur cette même question. Il lui reste sept secondes, et je vais donner la parole à M. Gerretsen.
Vous invoquez le Règlement...
M. Gerretsen a dit que parce qu’il ne s’agit pas d’une cour martiale... Quoi qu’il en soit, ce que j’aimerais savoir concerne le projet de loi C-77, à propos de ce rappel au Règlement, est-ce que...
Je parle de son rappel au Règlement. Il a dit que c’était différent d’une cour martiale. Pourquoi le vice-amiral Norman ne se présenterait-il pas devant une cour martiale, qui est censée traiter d'affaires plus graves et...
Oui. J’aimerais proposer que, compte tenu du fait que le projet de loi C-77 précise que les membres des Forces armées canadiennes sont assujettis au code de discipline militaire même lorsqu’ils ne sont pas en service et que le vice-amiral Norman est un militaire en service et qu’on croit qu’il a commis une infraction militaire, le Comité demande au gouvernement de déposer immédiatement tous les documents pertinents à la procédure judiciaire visant le vice-amiral Norman, y compris tous les documents pertinents du Cabinet, et que le gouvernement renonce à la confidentialité des documents du Cabinet afin de fournir au vice-amiral Norman la divulgation complète qu'il demande pour assurer sa défense.
C’est l’avis de motion.
Si M. Bezan propose cette motion, je pense qu’il est ironique qu’au début de la séance, il ait commencé par réprimander le Parti libéral d’avoir présenté une motion à la Chambre pour interrompre le temps de parole du ministre. Par conséquent, je propose que nous ajournions le débat sur sa motion.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de voir le ministre ici aujourd’hui. Moi aussi, j’ai été déçu qu’il ne participe pas à la conférence sur les défis de la sécurité maritime à Victoria la semaine dernière.
Permettez-moi de dire qu’il y a deux améliorations évidentes par rapport à la loi précédente, et je tiens à les souligner toutes les deux. Premièrement, il faut reconnaître la situation particulière des membres autochtones qui ont servi dans les forces armées et qui pourraient entrer en conflit avec le code de conduite. La deuxième consiste à ajouter à la section sur les crimes motivés par la haine, l’identité et l’expression de genre. Je remercie le ministre de ces deux améliorations.
Il est un peu ironique que le ministre vienne nous voir pour nous demander d’adopter rapidement le projet de loi alors qu’il a fallu trois ans pour en arriver là, mais je ne veux pas être impoli, alors je préfère m'abstenir.
La réforme du système de justice militaire a duré très longtemps. Elle a pris près de 20 ans. Il a fallu un projet de loi au cours de la dernière législature, que le présent projet de loi complète sur beaucoup de points, notamment concernant l’amélioration de la protection des victimes. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un aspect très important du projet de loi.
Il y a un élément qui, à mon avis, a échappé aux deux projets de loi dans la refonte du système de justice militaire et l’ajustement des infractions et des peines. Cela me paraît particulièrement évident à la lumière de la nouvelle stratégie de prévention du suicide qui a été présentée il y a un an. Les suicides font encore un peu plus d’un mort par mois parmi les membres des Forces canadiennes. Je sais bien que le chef d’état-major de la Défense et le ministre disent tous deux que l’objectif est de zéro. Je le reconnais.
Les militaires canadiens ont essayé d’éliminer les obstacles à l’obtention d’aide pour ceux qui envisagent de s’automutiler. L’ombudsman militaire a constaté que nombre d’obstacles empêchent de se prévaloir des aides existantes. Selon les familles des personnes qui se sont suicidées l'un de ces obstacles est que l’automutilation demeure une infraction disciplinaire en vertu du code de conduite militaire.
Comme je l’ai dit au ministre, je proposerai un amendement visant à supprimer l’alinéa 98 c), qui fait de l’automutilation une infraction disciplinaire. J’ai parlé à des membres de l’armée canadienne à tous les niveaux, et l'idée a passé le test du hochement de tête, surtout parce que la sanction disciplinaire n’est pas vraiment utilisée. On ne la considère pas comme une mesure efficace aujourd'hui. Les familles font remarquer que l'on continue de former les gens sur ce code de conduite en vertu duquel l’automutilation est passible de sanctions disciplinaires. Ce que je propose ne supprime pas l’article sur la simulation ou l’exagération de la maladie pour éviter délibérément le service; simplement l’automutilation cesserait d'être une infraction disciplinaire.
J’ai posé la question au ministre à la Chambre et il m’a répondu qu’il y réfléchirait. Je lui demanderai de nouveau aujourd’hui s’il appuiera l’amendement visant à supprimer l'infraction disciplinaire de l’automutilation du code de conduite militaire.
Je vous suis reconnaissant de la rigueur avec laquelle vous avez présenté cette question. Il est très important, je pense, de veiller à ce que l'on examine tous les obstacles pouvant empêcher un membre de demander de l’aide, surtout lorsqu’il en a besoin. On va se pencher là-dessus.
Mais, en même temps, je me dois d’examiner à fond les raisons d'être de ces infractions, sans négliger aucun aspect.
Je rappelle aux députés et aux Canadiens que les Forces armées canadiennes sont extraordinaires et qu’elles sont également appelées à servir en période de conflit. Réalité dont il est tenu compte dans la conception de notre système de justice militaire.
Je prends bonne note de ce que vous dites au sujet de l’élimination des obstacles, même des obstacles perçus. Il nous faudra en discuter plus à fond.
Je dois intervenir un instant.
Il vous reste environ trois minutes. On avait convenu de ne vous garder qu'une heure. Monsieur le ministre, si vous devez partir maintenant, c’est très bien, sinon vous pourriez terminer avec ce député pendant trois minutes. Je m’en remets à vous, monsieur.
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
C'est précisément pour les raisons qui vous préoccupent que je propose de supprimer l’alinéa 98(c), qui porte sur l’automutilation, sans toucher aux deux autres articles, qui portent sur les choses auxquelles vous faites allusion, je pense, dans le feu de l’action, quelqu’un qui ne fait pas son devoir, qui simule ou exagère la maladie, met d’autres personnes en danger. Je le reconnais.
Les experts vous diraient, je crois, que les commandants militaires continueraient d'avoir tous les pouvoirs pour sanctionner ceux qui évitent délibérément de servir. Simplement, l’automutilation ne serait plus automatiquement considérée comme une infraction disciplinaire.
Si j’avais reçu tous les conseils des militaires et que cela nous semblait être la voie à suivre, on le ferait tout de suite, mais à ce stade-ci, je ressens le besoin d'une consultation beaucoup plus approfondie avec la hiérarchie militaire pour m’assurer que l'on va dans la bonne direction tout en tenant compte de votre examen attentif de cette question.
Sauf votre respect, monsieur le ministre, si on ne le fait pas dans le cadre de ce projet de loi, on risque.. Cette législature prendra fin. Cela ne sera pas supprimé par voie législative dans un avenir prévisible. On parle d’un délai de trois ou quatre ans si cela ne fait pas partie du projet de loi.
Je vous demanderais, monsieur le ministre, d’obtenir ces conseils sans tarder et de nous revenir au plus tôt pour que l'on puisse examiner cette question dans le cadre du projet de loi.
Cela nous amène au-delà du temps alloué. Merci d’être restés quelques minutes de plus.
Je vais lever la séance pour permettre au ministre de quitter la salle et à de nouveaux témoins de prendre place pour que l'on puisse poursuivre.
Je tiens à dire quelque chose aux fins du compte rendu. Chacun sait que cet important projet de loi vise à prendre soin de nos membres. J’essaie d’éliminer la politique partisane de ce que nous faisons. Je demande simplement aux députés, à mes collègues ici présents, d’en tenir compte, de ne pas profiter de l’occasion pour retarder quelque chose de très important qui, comme vous le savez, a été placé à la fin de la 41e législature. Il est dans notre intérêt à tous de prendre soin de nos gens.
Merci.
La séance est suspendue.
Le président: Heureux de vous voir de retour.
J’aimerais saluer le colonel Strickey, juge-avocat général adjoint; et le lieutenant-colonel Lortie, directrice juridique, Justice militaire, politiques. Merci de vous joindre à nous.
Nous reprenons les questions. Je cède la parole à M. Spengemann pour une question de sept minutes.
Merci beaucoup.
Je vous remercie tous les trois de servir le pays et de votre présence parmi nous. C'est bon de vous revoir, commodore.
Tout d’abord, je tiens à dire que ce projet de loi m’enthousiasme. Je pense qu'il règle certains problèmes et comble certaines lacunes, notamment en ce qui concerne la prémisse de base selon laquelle les Forces canadiennes doivent être un employeur de choix pour tous les Canadiens.
Je me demande ce que vous pensez de l’utilité de ce projet de loi à l’étape du recrutement, pour intéresser les jeunes Canadiens qui songent à entrer dans l'armée, surtout que le droit militaire est quelque chose de plutôt discret ou méconnu. Avec des appuis et des clauses essentiels, à l'égard surtout des droits des victimes, trouvez-vous qu'il ouvre la porte, si vous voulez, à l’étape du recrutement, pour que les Canadiens voient l'armée comme un lieu de travail sûr, au sens que tout le monde est inclus et traité de la même façon par la justice militaire?
Je pense qu’on a dit, il importe de le souligner, que tout comportement sexuel déplacé est inacceptable dans les Forces canadiennes ou dans toute autre armée.
Nous avons différents outils que nous utilisons actuellement pour éliminer ce genre de comportement. L’opération Honour en est un et elle a derrière elle tout le poids de la chaîne de commandement, du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle et de l’équipe d’intervention stratégique en cas d’inconduite sexuelle.
Un autre des outils mis à la disposition de la chaîne de commandement est le système de justice militaire et le juste traitement qu'il réserve à ce genre de comportement.
Avec ce projet de loi, on est maintenant en phase avec le reste de la société. Il nous permettrait d'offrir aux victimes d'inconduite sexuelle le genre de soutien qu’elles veulent et qu’elles méritent de la part du système de justice militaire.
Je pense que c'est le message à communiquer, non seulement à l’interne dans les Forces armées canadiennes, mais aussi à toute la population. Ce que nous faisons aujourd’hui fait partie intégrante de ce processus; nous parlons publiquement du système et de ce qu’il fait, non seulement pour les Forces armées canadiennes, mais aussi pour répondre aux attentes de la société tout entière.
Merci beaucoup.
Dans son exposé préliminaire, le ministre a déclaré que le projet de loi prévoit des peines plus sévères pour les crimes motivés par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre. Dans la mesure où vous pouvez en juger et peut-être même fournir des chiffres à ce sujet, avant que ce projet de loi ne soit présenté, jusqu'à quel point ces types de crimes — les préjugés ou la haine — étaient-ils traités comme des infractions à plein titre ou même en deçà du seuil, comme de simples affaires d’inconduite?
Je vais céder la parole à l’un de mes deux collègues experts. Je ne crois pas que nous ayons des données précises sur le nombre de ces infractions qui ont été traitées par le système de justice militaire.
Toutefois, cet article du projet de loi harmoniserait le système de justice militaire avec les autres systèmes de justice civile et pénale. Il est conforme à l’article 718.2 du Code criminel du Canada.
Pour reprendre les propos de la juge-avocate générale, les facteurs aggravants sont effectivement conformes à ceux de l’article 718.2 du Code criminel.
J’ajouterais également que nous avons l'habitude de dépouiller les rapports annuels du JAG pour connaître la ventilation des différentes infractions, alors comme l'a laissé entendre la juge-avocate générale, nous ne savons pas exactement si cela a pu jouer de manière importante. Nous allons certainement y regarder de plus près, maintenant que la disposition existe.
Pour faire un bref rappel historique, je peux vous dire que l’ajout de l’expression sexuelle comme facteur aggravant à l’article 718.2 faisait partie du projet de loi C-16 qui, à ce moment-là, ne tenait pas compte du projet de loi C-77. Ce que cela fait en réalité, comme l'a dit la juge-avocate générale, c'est de se conformer à l’article 718.2 pour suivre le libellé actuel du projet de loi C-16.
Si vous me permettez, je pense que c’est tout à fait conforme, du point de vue de la politique juridique, aux efforts que nous déployons pour avoir une armée exempte de ce genre de comportement, une armée fondée sur l’honneur, l’honnêteté et l’intégrité, comme le veut d'ailleurs l’éthique militaire.
Êtes-vous en mesure de nous dire où le projet de loi C-77 nous situe par rapport à nos partenaires de confiance lorsque nous allons à l’étranger mener des opérations de paix, par exemple — le Royaume-Uni, la France, les États-Unis? Comment leurs cadres juridiques se comparent-ils aux nôtres? Qu’est-ce que le projet de loi C-77 apporte sur le plan de la solidarité avec nos alliés sur ces questions?
Je vous remercie de cette question.
Si je faisais le spectre de nos alliés occidentaux, avec les États-Unis à une extrémité et la France à l’autre extrémité, nous sommes à peu près au milieu, avec l’Australie. Les États-Unis ont maintenu l'autorité du commandant d'unité, de sorte qu’il peut convoquer des cours martiales et ce genre de choses. Les commandants n'hésitent pas à envoyer les infractions plus graves en cour martiale.
Cela dit, avec les changements apportés en 1999 par le projet de loi C-25, qui ont essentiellement retiré le commandant du système de la cour martiale, nous avons préservé ce type d’indépendance. Quant au Royaume-Uni, par une série de jugements de la Cour européenne des droits de l’homme dans les années 1990, il a voulu faire passer davantage son système dans la sphère civile.
Pour répondre à votre question, le système d’audience sommaire prévu dans le projet de loi C-77 se rapproche de ce qu’on appelle les peines non judiciaires aux États-Unis, où le commandant peut appliquer des sanctions mineures à des manquements mineurs. Le Royaume-Uni a un système semblable, tout comme l’Australie.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup d’être ici pour ce projet de loi très important.
Dans son rapport du printemps, la vérificatrice générale recommandait que le gouvernement du Canada veille au traitement rapide des causes dans le système de justice militaire. Comment le projet de loi C-77 fera-t-il en sorte que cela se produise?
Merci.
Premièrement, je voudrais informer le Comité que le ministère de la Défense nationale a accepté intégralement les conclusions et les recommandations du Bureau de la vérificatrice générale, et qu’il a élaboré un solide plan d’action de la direction qui est en cours d'application. Ce n'est pas quelque chose que nous regardons de loin, une pièce à la fois. Non, nous faisons déjà beaucoup à ce sujet.
Comme vous l’avez souligné, un des points soulevés par la vérificatrice générale était que les affaires avancent promptement dans le système de justice militaire.
En prévoyant des audiences sommaires et en laissant les manquements mineurs assujettis à la discipline de l'unité militaire, le projet de loi C-77 veille à ce que seules les affaires plus graves soient traduites en cour martiale. Garder les affaires disciplinaires mineures au niveau de l’unité et réserver les cas graves à la cour martiale, voilà qui devrait désencombrer et simplifier le système, en réduisant considérablement les retards.
Merci.
Le projet de loi C-77 contient une disposition voulant qu'on tienne compte des circonstances atténuantes au moment de la détermination de la peine applicable aux Autochtones et, plus précisément, de leur incarcération. Cette disposition veut-elle contrer le racisme et la discrimination qu’on retrouve souvent ancrés dans les systèmes de justice pénale? Pouvez-vous nous expliquer en quoi elle garantira un traitement juste aux membres autochtones des Forces armées canadiennes?
Les considérations relatives à la détermination de la peine applicable aux Autochtones sont tout à fait conformes à la pratique actuelle, adoptée depuis des années par les cours martiales. Avec ces considérations inscrites dans la loi, la pratique actuelle de la cour martiale s’inspire beaucoup de la décision rendue en 1999 dans l’affaire Gladue par la Cour suprême du Canada. On reconnaît officiellement l’importance de tenir compte des circonstances particulières des Autochtones à l'étape de la détermination de la peine.
Comme pour tout délinquant, les juges devront considérer les facteurs atténuants et aggravants qui jouent dans la détermination de la peine. Dans le cas des délinquants autochtones, ils devront tenir compte de leur situation particulière.
Pour ceux d’entre nous qui n’ont pas servi dans l’armée, pouvez-vous nous expliquer en quoi les infractions d'ordre militaire diffèrent des infractions commises à l’extérieur du service? Quelle est l’incidence la plus marquée?
Pour dire les choses carrément, les Canadiens s’attendent à avoir une armée très disciplinée. C’est au coeur de la démocratie. C’est une armée qu'on peut maîtriser, parce qu'elle peut être appelée à utiliser jusqu'à une force mortelle pour atteindre les objectifs de l'État. Le système de justice militaire veille à discipliner l'armée et à concrétiser ces attentes élevées à l'endroit des soldats. Cela garantit la discipline et l’efficacité opérationnelle de l'armée, ainsi que le moral, parce qu’une armée fonctionnelle doit avoir de la cohésion et un moral élevé.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
Dans les Forces armées canadiennes et dans la plupart des forces armées occidentales, il existe ce concept de simulation de maladie ou de blessure pour fuir, en quelque sorte, son devoir.
Pouvez-vous indiquer au Comité combien de militaires ont été inculpés en vertu de l'article 98 de la Loi sur la défense nationale depuis la Seconde Guerre mondiale?
L'information que j'ai remonte non pas à la Seconde Guerre mondiale, mais à janvier 2000. Nous avons noté que quatre accusations ont été renvoyées en cour martiale en vertu de l'article 98 de la Loi sur la défense nationale. Cependant, ces quatre accusations ont été retirées au moment où la cour martiale a procédé.
En ce qui concerne les procès par voie sommaire, 13 accusations ont été portées en vertu de l'article 98. Dans neuf cas, les personnes ont été reconnues coupables. Dans trois autres cas, les procédures ont tout simplement été arrêtées. Quant au dernier cas, il n'est pas allé plus loin. C'est quand même un nombre assez limité depuis 2000.
Pour ce qui est des autres statistiques, il faudrait voir ce qu'il est possible d'obtenir.
Seriez-vous en mesure de me dire combien de ces personnes accusées avaient des problèmes de santé mentale?
Si un militaire a un problème de santé mentale avéré avant de commettre une infraction prévue à l'article 98, les Forces armées canadiennes ont-elles le pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d'accusations et de plutôt l'orienter vers le service approprié pour qu'il reçoive un traitement? Savez-vous combien de fois cela se produit?
Je veux réitérer au Comité, comme l'a dit l'honorable ministre Sajjan, que la question de la santé mentale revêt une grande importance pour les Forces armées canadiennes. Nous sommes fortement sensibilisés à cela depuis plusieurs années.
À l'article 98 de la Loi sur la défense nationale, surtout à l'alinéa c), il est question de l'intention précise de s'infliger ou de simuler une blessure afin de fuir le service, comme vous l'avez indiqué. Dans notre esprit, il est bien évident qu'un individu qui souffre de problèmes de santé mentale n'a pas l'intention de fuir le service; c'est une maladie. C'est comme avoir mal à une jambe ou à un bras. C'est une maladie reconnue et diagnostiquée par les médecins militaires ou par les médecins appelés à poser un diagnostic.
Pour répondre à votre question, je dirais que le procureur aura un pouvoir discrétionnaire au moment de décider si les accusations iront plus loin. La chaîne de commandement a également un pouvoir discrétionnaire. Une analyse intelligente doit être faite afin de déterminer les circonstances particulières dans le cas de l'individu. Il faut s'assurer que tous les éléments requis pour cette infraction sont réunis.
Le juge-avocat général des Forces armées canadiennes en général accepterait-il des modifications à l'article 98 qui protégeraient la capacité des Forces armées canadiennes à gérer les comportements de simulation tout en protégeant les membres souffrant de problèmes de santé mentale réels?
À titre de conseillère juridique du ministre et du ministère de la Défense nationale ainsi que des Forces armées canadiennes, j'ai entendu les échanges qui ont eu lieu au cours de la dernière heure. Il est certain que nous appuierons le Comité lorsqu'il procédera à l'analyse requise avant la prise de décisions.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup d’être ici. Je suis contente que nous nous penchions enfin sur le projet de loi C-77.
J’ai été très touchée — et je suis sûre que beaucoup de gens au pays l’ont été aussi — par le rapport Deschamps, qui parlait des abus sexuels endémiques au sein des Forces armées canadiennes. Je sais que l’opération Honour est en cours. Je sais que nous avons le projet de loi C-65. Je sais que le projet de loi que nous étudions contribuera aussi à donner suite à certaines des conclusions de ce rapport.
Pourriez-vous m’expliquer comment le projet de loi C-77 aidera les femmes victimes d’agression sexuelle? Quelles améliorations avons-nous ici pour aider les femmes victimes d’agression sexuelle?
De toute évidence, le projet de loi vise à intégrer les droits des victimes dans le système de justice militaire, le mot « victimes » s'appliquant aux hommes, aux femmes ou aux personnes d'identité sexuelle différente. Il accorderait aux victimes le droit à l’information, pour qu'elles soient tenues au courant à chaque étape du processus, qu'elles reçoivent l’information d'ordre général, qu'on les renseigne sur l’état de l’enquête, et sur le délinquant aussi pendant sa détention dans une prison militaire ou à sa libération. Il y aurait un droit à la protection, de sorte que les autorités militaires veilleraient à la sécurité et au respect de la vie privée des victimes.
On prendrait les mesures raisonnables nécessaires pour protéger les victimes contre l’intimidation et les représailles. On protégerait leur identité et on leur offrirait, sur demande, des dispositifs facilitant leur témoignage en cour martiale. Les victimes auraient un droit de participation, parce qu'il serait expressément stipulé dans la loi qu’elles peuvent donner leur opinion au sujet des décisions qui sont prises. Elles auraient le droit de présenter une déclaration des répercussions du crime devant la cour martiale. Enfin, il y aurait un droit au dédommagement.
Nous avons parlé de consultation et des gens qui ont été consultés pour élaborer ce projet de loi. Avons-nous consulté d'anciennes victimes d’agression sexuelle?
Certainement. Rappelez-vous le projet de loi C-71, la version précédente de celui-ci.
Avons-nous consulté des femmes anciennes victimes d’agression sexuelle au sein des Forces armées canadiennes? Avons-nous consulté cette fois-ci? Est-ce qu’elles ont examiné le projet de loi et acquiescé? Ou bien à l'étape des ébauches, ont-elles dit si elles étaient à l'aise avec le contenu, ou s'il fallait le renforcer, ce qu'elles aimaient ou n’aimaient pas?
Avons-nous consulté ces victimes?
Je ne suis pas en mesure de vous dire si nous avons mené des consultations au sujet précis de cette disposition du projet de loi. Cependant, je peux dire que le directeur des poursuites militaires a déjà mis en place bon nombre des pratiques que nous examinons actuellement et qui auront force de loi si elles sont adoptées. Il a été très présent auprès des groupes de victimes pour leur expliquer les différents processus et leur demander comment les améliorer et lesquels avaient leur accord ou non, alors oui, il y a eu des consultations. Cependant, en ce qui concerne ce projet de loi en particulier, nous avons profité de la consultation générale qui a pu éclairer le système de justice pénale lorsqu’il a été question d'inscrire une charte des droits des victimes dans la loi canadienne.
Y a-t-il une limite de temps pour présenter une cause? Par exemple, si une agression sexuelle s'est produite il y a 10, 20 ou 30 ans, pourrait-on en faire une cause en vertu du projet de loi dans sa forme actuelle? Y a-t-il un délai prescrit?
Il n’y a pas de prescription, si vous voulez, prévue actuellement dans la loi, dans la Loi sur la défense nationale en tout cas, sauf pour certaines affaires qui sont traitées avant procès par voie sommaire. Votre question, madame, portait en particulier sur les infractions d’agression sexuelle; or, dans l’état actuel des choses, après 1999, il n’y a pas de délai de prescription pour les infractions graves d’ordre militaire.
On a signalé que le jugement rendu dans l'affaire Beaudry se répercutait sur 42 causes portées en cour martiale. Combien de ces 42 causes concernent une agression sexuelle?
Je sais qu’il y a des causes d’agression sexuelle qui sont touchées. Le directeur des poursuites militaires prend très au sérieux les intérêts des victimes. Il a gardé une ligne de communication ouverte avec les victimes.
Les accusations ne sont pas abandonnées. Je tiens à ce que ce soit inscrit au compte rendu et que ce soit bien compris. Ce qui se passe en ce moment, c'est que nous ne poursuivons pas. Le directeur des poursuites militaires ne donne pas suite aux accusations pour l'instant. Les affaires qui étaient devant la cour martiale sont ajournées jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada nous dise si elle accédera à la demande de suspension du jugement rendu dans l'affaire Beaudry.
Si les accusations ont été abandonnées même si le prévenu a admis avoir commis l'agression sexuelle — en fait, le viol — et qu'on a dit ensuite à la victime que les accusations allaient être abandonnées, cela n’a rien à voir avec le jugement Beaudry?
Je ne suis pas certaine de comprendre la question et je m’en excuse, mais je tiens à préciser que, à la suite du jugement rendu par la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans l’affaire Beaudry, les accusations n’ont pas été abandonnées. Pour l'instant, les causes sont toujours devant la cour martiale, mais elles sont suspendues jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada nous éclaire sur sa décision.
Les victimes seront-elles pénalisées de quelque façon si les accusations sont abandonnées et portées devant des tribunaux civils? Leur carrière sera-t-elle compromise si elles portent devant un tribunal civil les accusations abandonnées par l'armée, même si l’auteur du crime a avoué? La victime sera-t-elle pénalisée d’une façon ou d’une autre sur le plan professionnel si elle décide d’aller devant un tribunal civil?
Est-il possible que les retards causés en faisant appel du jugement Beaudry placent l'une ou l'autre de ces 42 causes en contravention de l’arrêt Jordan sur la tenue des procès dans un délai raisonnable?
Le directeur des poursuites militaires y pense sûrement. Il y a un maximum de 18 mois qui peuvent s'écouler avant la tenue d'un procès. Pendant que nous surveillons la situation, le directeur des poursuites militaires a déjà engagé un dialogue avec ses collègues aux poursuites civiles pour voir quelles seraient les solutions de rechange et les options à l'avenir.
Si les accusations sont abandonnées devant un tribunal militaire, avec le projet de loi C-77, la victime a-t-elle la possibilité de les porter devant un tribunal civil, ou si une fois que sa cause a été jugée par un tribunal militaire ou non, elle n'a plus de recours au civil?
Pour répondre à la question, une fois qu’une accusation est portée devant le système de justice militaire, elle doit être traitée à l'intérieur de ce système. Le choix entre la justice militaire ou la justice civile est une question qui se discute avec les victimes et avec le procureur au dossier, parce que nous avons à coeur l’intérêt supérieur de la victime. Bien sûr, nous plaçons cet intérêt dans la balance avec les droits de l’accusé.
C’est tellement hypothétique en ce moment que je me sens très mal à l’aise de répondre à cette question, parce que nous ne savons toujours pas ce que dira la Cour suprême du Canada.
Le projet de loi C-77 englobe-t-il les répercussions de l’arrêt Jordan?
Le projet de loi C-77 ne traite pas expressément de l’arrêt Jordan parce que c’est une question de droit au Canada d'accorder un délai maximal de 18 mois pour tenir un procès.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue aux témoins.
Comment la juge-avocate générale travaille-t-elle avec le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle pour assurer le soutien aux victimes?
Merci beaucoup de la question.
La Dre Preston et moi collaborons de façon très étroite, depuis ma nomination, afin d'harmoniser les services offerts par son centre et ceux assurés par le système de justice militaire.
Pour ce qui est de l'appui donné aux victimes dans le cadre des Forces armées canadiennes, le système de justice militaire est...
[Traduction]
Excusez-moi. Veuillez attendre un instant. Nous avons un problème d’interprétation.
Veuillez poursuivre, commodore.
[Français]
En résumé, il y a une très grande collaboration entre le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et le cabinet du juge-avocat général.
Lorsqu'il est question de services offerts aux victimes, il faut aussi penser à la nature de ces services et à toute la panoplie de services qui peuvent être offerts aux victimes. Il faut s'interroger sur le bien-fondé d'accorder aux victimes une représentation juridique lors des procédures auxquelles elles font face, lesquelles sont difficiles tant dans le système de justice militaire qu'au civil. Il faut aussi se demander quels processus ou mécanismes issus de la justice réparatrice ou d'ailleurs pourraient être incorporés au système de justice militaire.
L'équipe de la Dre Preston et la mienne sont constamment en lien pour améliorer la situation et s'assurer que les services offerts aux victimes forment un tout cohérent.
Nous savons que le système de justice militaire peut être difficile à comprendre. De quelle façon la désignation d'un agent de liaison prévue dans le projet de loi C-77 pour aider les victimes à s'orienter dans le système de justice militaire aidera-t-elle à garantir le respect des droits de ces victimes?
Je pense que tout système de justice pénale peut être fortement intimidant pour une victime, non seulement à cause du formalisme qui y est rattaché, mais aussi à cause des procédures elles-mêmes. Les gens qui ne s'y connaissent pas ne s'y sentiront probablement pas à l'aise. L'agent de liaison va donc s'assurer que la victime comprend les tenants et les aboutissants du système de justice militaire ainsi que les différentes étapes à suivre, et qu'elle reçoit le soutien nécessaire tout au long de ce processus.
J'aimerais mentionner que le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle a aussi énoncé, dans son rapport annuel, qu'il mettrait bientôt en place des gestionnaires de cas pour épauler chaque victime, pas seulement dans le cadre des procédures de justice militaire, mais pour toute la durée de son dossier, du moment où la victime subit une inconduite sexuelle qui doit être dénoncée jusqu'au moment de la résolution.
Les agents de liaison et les gestionnaires de cas vont donc collaborer et se compléter.
Comment le projet de loi C-77 permettra-t-il d'améliorer la rapidité et l'équité du système de procès sommaires dans le cas de manquements mineurs à la discipline militaire? Cela aura-t-il une incidence sur les retards signalés par le vérificateur général dans son rapport ce printemps?
Ce que le projet de loi C-77 tente de mettre en place, c'est un système de procédure sommaire où les unités garderaient la responsabilité de régler les infractions les plus mineures au Code de discipline militaire. On parle ici d'arriver en retard au travail ou de ne pas porter un uniforme approprié, par exemple; la liste de ces infractions reste à dresser. Comme ces infractions seraient traitées par les commandants des unités ou leurs officiers délégués, la procédure serait simplifiée. Seuls les cas les plus sérieux seraient renvoyés en cour martiale, ce qui simplifierait le processus et réduirait les retards. Ainsi, cela répondrait directement à l'une des préoccupations du vérificateur général.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Étant donné que notre temps est compté, j’aurais une observation à faire à propos de votre témoignage, au sujet de l’article portant sur la situation des Autochtones. C’est que j’avais des questions et des préoccupations, mais votre témoignage m’a déjà rassuré à cet égard.
Je veux revenir à l’article 98 et poser deux questions différentes.
Étant donné que le projet de loi C-77 vise à réformer le système de justice, il modifie des infractions et il ajoute des sanctions. Pensez-vous que la suppression de l’alinéa 98c) proposé serait conforme à l'intention générale du projet de loi? Autrement dit, est-ce que cela s'accorderait avec l'objectif de réformer la justice militaire, ou non?
Vous entendrez beaucoup de témoins experts tout au long de l’étude de ce projet de loi. Je pense que c’est au Comité de déterminer les politiques juridiques à prendre en considération.
Chose certaine, l'étude d'un projet de loi comme le C-77 offre l’occasion au Parlement de s’assurer que le système de justice militaire demeure conforme aux lois et aux valeurs canadiennes.
Merci beaucoup.
Il y a trois alinéas à l’article 98. Il y a l’alinéa 98a), qui dit simplement « quiconque simule, feint ou provoque une maladie ou une infirmité », puis l’alinéa b), qui fait une infraction du fait d'aggraver une maladie ou une infirmité ou d'en retarder la guérison. Seul l’alinéa 98c) parle de mutilation volontaire.
Vous ne pourrez peut-être pas répondre aujourd’hui, mais vous nous donnerez peut-être des conseils. Ce que je vois et ce que les familles voient, c’est que le fait de consacrer un alinéa distinct à la mutilation volontaire devient un obstacle au traitement. Ce projet de loi vise à prévenir l’évitement du service militaire, ce que fait déjà l’alinéa 98a): « quiconque simule, feint ou provoque une maladie ou une infirmité ». Autrement dit, c'est une clause suffisante à invoquer pour un commandant si quelqu’un cherche délibérément à éviter le service. En supprimant l'alinéa sur la mutilation, on élimine simplement ce qui est perçu comme un obstacle au traitement. Cela ne créerait pas de vide juridique.
Je me demande si vous avez une opinion à ce sujet.
Mon juge-avocat général adjoint à la justice militaire voudrait peut-être ajouter quelques mots.
À l’heure actuelle, nous savons peu de choses sur l’utilisation qu'on a faite dans le passé de l’article 98, quant à savoir s'il a pu toucher des personnes qui souffraient clairement de maladies mentales et les empêcher de chercher à obtenir un traitement approprié. Il faudrait se pencher là-dessus, c'est certain.
Pour ajouter très brièvement aux propos de la juge-avocate générale, comme vous savez, monsieur, cette disposition vise un objet bien précis. Sur le plan juridique, l’alinéa 98c) place la barre un peu plus haut que les alinéas a) et b).
Voilà pour le point de vue juridique.
Cependant, comme elle l'a mentionné et le ministre aussi, si la juge-avocate générale demande à ses experts de se pencher sur cet article — et je suis sûr qu’elle le fera —, nous le ferons certainement en consultation avec nos autres experts en la matière pour revenir devant le Comité le plus tôt possible.
Merci beaucoup.
Au sujet de la preuve, ce que j’ai entendu de la part de familles de soldats qui se sont suicidés, c’est qu’elles voyaient clairement cet article comme un obstacle. En particulier, une famille de ma circonscription dont le fils a tenté à deux reprises de se suicider pensait bien qu’il n'avait pas cherché à obtenir de l’aide justement à cause de cet article, croyant qu’il se disqualifierait automatiquement s’il admettait s'être mutilé ou en avoir eu l’intention.
Mis à part l’intention juridique — et je comprends ce que vous dites en parlant de la barre haute —, cette disposition a peut-être été ajoutée pour de bonnes raisons. Mais d’après les témoignages que j’ai entendus, l’effet semble être exactement le contraire. Aux yeux des soldats, la barre est placée plus bas: s’ils avouent avoir des pensées de ce genre, ils seront automatiquement sanctionnés. C’est cela que les familles me disent voir comme un obstacle. Les gens ne veulent pas demander d’aide à cause de cet article.
Je vais devoir laisser cela au député et mettre fin à ses questions, suivant les règles de temps dont nous sommes convenus.
Il reste du temps à l'horaire, toutefois. Au moins deux députés ont fait savoir qu’ils voulaient poser des questions.
Je donne la parole à M. Bezan pour cinq minutes, ensuite à M. Spengemann. Il restera encore un peu de temps après, alors si quelqu’un veut étirer le sien, qu'il me fasse signe, je vous prie.
Allez-y, monsieur Bezan.
Merci, monsieur le président.
Commodore Bernatchez, dans vos échanges avec M. Martel, vous avez dit que vous alliez nous renseigner sur le nombre de personnes qui ont été accusées en vertu de l’article 98. Pour notre gouverrne, pourriez-vous aller jusqu'à préciser, si c’est possible, combien l'ont été en vertu des alinéas 98a), 98b) et 98c) — la simulation, la feinte et ainsi de suite? Aussi, vous nous rendriez service si vous pouviez nous renseigner sur l’alinéa 98c), à savoir si, ou ou non, ces personnes se sont fait offrir un traitement pour des problèmes de santé mentale qu’elles auraient pu avoir.
Il a été question un peu des répercussions de l'affaire Beaudry, et je vous ai posé cette question hier au sujet du rapport de la vérificatrice générale, qui jugeait sévèrement l'administration de la justice militaire. Selon l'arrêt Jordan, justice différée est justice refusée. Maintenant que, comme l’a dit Mme Gallant, nous sommes dans les limbes tant que nous ne connaîtrons pas le sort de l'affaire Beaudry, je me demande comment faire pour savoir si l'esprit de l'arrêt Jordan est bien respecté par la justice militaire.
Je pense que vous avez bien expliqué hier comment le projet de loi C-77 aidera à simplifier le cours des choses et à réduire l’arriéré qui a causé tant de problèmes pendant la période examinée par la vérificatrice générale.
Ce que je veux répéter ici, comme je l’ai dit hier, c’est que je me suis personnellement engagée à ce que soit mis en oeuvre le plan d’action de la direction, parce qu’il m'importe au plus haut point que le système de justice militaire demeure non seulement légitime, en ce sens qu'il répond aux besoins des Forces armées canadiennes, mais qu'il soit aussi considéré comme extrêmement important.
Quant à savoir comment le projet de loi C-77 réglerait la question des délais et des retards, ce que je veux dire encore une fois, c’est qu'en gardant au niveau de l’unité militaire les manquements mineurs au code de discipline, on supprime les conséquences pénales et criminelles associées actuellement à la procédure par voie sommaire, dont le fondement légal est solide dans la mesure où interviennent toute une série de droits de l’accusé conformément au droit canadien et à la Charte canadienne. Pour simplifier le processus, nous éliminons les conséquences pénales et criminelles de ces types d’infractions. Nous veillons à ce qu’elles n’entraînent pas de casier judiciaire. Il s’agit de simples questions de discipline de base qui sont traitées au niveau de l’unité.
Qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'on n'est pas tenu d'offrir le choix à l’accusé. Cela veut dire qu’on simplifie les choses et qu'on décide au départ que ce sera une tribune ou l’autre. C'est autant de temps de gagné. Nous répondons ainsi directement à la préoccupation de la vérificatrice générale au sujet du cours normal de la justice militaire.
Si on décide en partant qu'on procède par audience sommaire ou qu'on s'en va en cour martiale, on élimine tous les retards qu'entraînent le choix de la procédure, le renvoi des accusations d’un palier à l’autre, l’examen des accusations par les avocats militaires et les conseils juridiques à obtenir en cours de route. On élimine tout le temps que cela prend, on simplifie le processus et on réduit les retards.
Y a-t-il des critiques possibles au sujet de l’audience sommaire qui pourraient amener à se demander si elle est équitable pour l’accusé?
C’est un système qui a été analysé de façon réfléchie et minutieuse afin d’assurer le respect de tous les droits de l’accusé. On éliminerait les conséquences pénales et criminelles et on veillerait à ce que les présidents de séance soient toujours formés pour savoir qu’il y a des limites à l’équité de la procédure et qu’il faut procéder suivant le principe que la personne jugée est innocente jusqu’à preuve du contraire, selon la prépondérance des probabilités. Toutes ces garanties de procédure s'appliquent à l'audience sommaire.
Merci, monsieur le président.
Toutes mes questions ont été abordées. En fait, pour ce qui est de la première, M. Bezan vient d'en discuter avec vous. Je voulais y revenir pour la bonne compréhension du Comité et des Canadiens.
En confiant à l'unité militaire le soin de juger les écarts disciplinaires, on risque de voir apparaître différentes cultures de discipline dans les unités et les branches des forces armées. Dans votre dernière réponse, vous dites qu’il y a des garanties de procédure pour empêcher cela.
Puis-je vous demander plus précisément s'il y a place à une certaine discrétion dans le traitement des infractions qui, aux yeux du système, peuvent avoir l'air mineures, mais qui aux yeux de la personne en cause n'ont pas l'air si mineures — surtout s’il s’agit de récidives —, afin de prévenir les disparités de culture au sein des forces armées?
Le projet de loi est certainement conçu pour... Comme certains députés s’en souviendront peut-être, le juge en chef Dickson, lorsqu’il a examiné le système de justice militaire, a déclaré que le commandant était « au coeur de la discipline ». Il est certain que l’esprit, si on peut dire, du régime d'audience sommaire veut qu'il continue d'en être ainsi.
Bien entendu, comme dans tout nouveau système, on donnera de la formation et on rédigera dans les Ordonnances et règlements royaux des règles qui décriront en détail le régime d’audience sommaire. Dans le régime actuel de procès par voie sommaire, il y a un va-et-vient entre les avocats qui conseillent les commandants. Ce pourrait bien être la même chose dans le régime d’audience sommaire.
Dans son témoignage d'hier devant le Comité des comptes publics, la juge-avocate générale faisait l'analogie avec le régime disciplinaire de la GRC ou un régime semblable au sein de la fonction publique. Je pense que c’est une très bonne analogie à reprendre ici, parce qu'effectivement, l’audience sommaire ressemblera beaucoup à cela, avec les exigences particulières de maintenir l’ordre, la discipline et le moral dans les Forces armées canadiennes.
C’est très utile au Comité. Je vous en remercie.
Commodore, vous avez parlé du Centre d'intervention sur l’inconduite sexuelle lors d’un échange avec, je crois, mon collègue, M. Robillard. Pour notre gouverne, pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste ce centre, comment il est organisé et comment il fonctionne?
Je me sentirais beaucoup plus à l’aise si vous invitiez Mme Preston à témoigner. Elle l’explique tellement mieux que moi.
Nous en prenons note. Nous aurons peut-être l’occasion de revenir à elle. Merci.
Enfin, monsieur le président, j'aurais une question sur l’importance du dédommagement dans le système actuel de justice militaire, tel que modifié par le projet de loi C-77. Quand le dédommagement entre-t-il en jeu, dans quelle mesure est-il important pour la victime de pouvoir en demander un, et dans quelles circonstances le dédommagement serait-il même un facteur?
Avec le projet de loi C-77, comme la juge-avocate générale l'a évoqué plus tôt, un des droits reconnus dans la Déclaration des droits des victimes est le droit au dédommagement: le tribunal devra envisager une ordonnance de dédommagement qui pourra faire l'objet d'un jugement exécutoire d'un tribunal civil en cas de défaut de paiement. C’est l’un des quatre droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration des droits des victimes, qui correspond, bien sûr, à la Charte canadienne des droits des victimes dans le système civil. On insiste clairement sur l'importance de ces droits quasi constitutionnels pour les victimes.
Avons-nous des chiffres sur les incidents passés? Avons-nous raison, pour commencer, de supposer que sous le régime précédent, il n’était pas possible de demander un dédommagement?
Je tiens à signaler que ce droit est déjà reconnu dans la Loi sur la défense nationale. Il est entré en vigueur le 1er septembre 2018, dans le cadre de la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, auparavant le projet de loi C-15. Le projet de loi C-77 y ajoute des dispositions. Il lui donne plus d’étoffe, mais le droit existe déjà dans la loi et il peut être invoqué par les cours martiales.
Pourriez-vous fournir au Comité le nombre d’ordonnances de dédommagement produites par le système de justice militaire au cours des trois dernières années, par exemple, pour nous donner une idée de l’importance de ce mécanisme?
Je tiens à vous remercier tous les trois d'avoir bien voulu comparaître aujourd’hui au sujet de cette question très importante qu'est le projet de loi C-77.
Pour résumer, je crois que vous vous êtes engagés à fournir au Comité des renseignements concernant l’article 98, puis le nombre d’ordonnances de dédommagement, que vient de demander mon collègue. Nous vous serions reconnaissants de le faire sans tarder, car c'est pour nous de la plus haute importance et nous voulons nous y remettre au plus tard le 30 novembre. Évidemment, nous aurons besoin de temps pour examiner cette information, alors le temps presse.
Je vous remercie tous les trois de servir le Canada.
Je crois que lors d’une autre réunion, il a été question que le Comité puisse finir de délibérer sur les témoignages d’ici le 22 novembre. Il vaudrait peut-être mieux informer les témoins de notre calendrier pour nous donner le temps d’examiner le projet de loi.
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