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Monsieur le président, membres du Comité, Bonjour. Je suis le lieutenant-général Stephen Bowes, et je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour discuter des activités et des opérations des Forces armées canadiennes dans l'Arctique.
Je suis accompagné par le brigadier-général Mike Nixon, commandant de la Force opérationnelle interarmées Nord, qui est chargée de planifier et de mener les opérations dans le Nord, y compris dans l'Arctique.
Comme vous le savez, la région arctique du Canada est immense. Elle constitue environ 40 % de la masse terrestre totale du Canada, et 75 % de nos côtes. Sa taille, son climat et ses conditions difficiles présentent un environnement complexe dans lequel les Forces armées canadiennes doivent être prêtes à opérer à tout moment.
Pour vous donner une idée du défi que cela implique, la zone d'opérations du brigadier-général général Nixon couvre quatre fuseaux horaires et comprend du terrain inhospitalier, des heures de clarté réduites et de piètres conditions météorologiques la majorité de l'année. Le temps et l'espace rendent donc toute intervention fort difficile.
[Français]
On prévoit que l'activité dans l'Arctique canadien augmentera au cours des prochaines années en raison des progrès réalisés dans des domaines comme l'exploitation des ressources naturelles, les activités d'aventure et la circulation maritime. Cela créera de nouveaux besoins et suscitera le soutien des Forces armées canadiennes, notamment pour ce qui est des activités de recherche et de sauvetage ainsi que du soutien des autorités civiles en matière de gestion des conséquences.
[Traduction]
Les Forces armées canadiennes présentent une contribution vitale à la réalisation des priorités du gouvernement du Canada dans l'Arctique. Nos tâches comprennent la démonstration d'une présence visible pour faire valoir notre souveraineté, la réalisation d'activités de surveillance et de contrôle du territoire canadien et de nos approches, la conduite d'opérations de recherche et de sauvetage et la prestation d'aide à nos partenaires gouvernementaux au besoin.
[Français]
Comme l'a confirmé le dans sa lettre de mandat destinée au , l'Arctique demeure une priorité du gouvernement du Canada. Les rôles et les activités des Forces armées canadiennes dans l'Arctique font toutefois l'objet d'une étude dans le cadre de l'Examen de la politique de défense qui est en cours.
[Traduction]
À titre de commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, je suis chargé de l'exercice du commandement et du contrôle pour toutes les opérations des Forces armées canadiennes, y compris celles se déroulant dans l'Arctique. Le NORAD et le Commandement des forces d'opération spéciales du Canada sont deux catégories très importantes.
Les Forces armées canadiennes maintiennent une présence et peuvent mettre à profit des capacités précises afin d'opérer dans le Nord. Comme je l'ai déjà mentionné, la Force opérationnelle interarmées Nord, sous le commandement du brigadier-général Nixon, est basée à Yellowknife et comporte des détachements à Whitehorse et à Iqaluit. Elle est l'une des six forces opérationnelles régionales relevant du Commandement des opérations interarmées du Canada.
La Force opérationnelle interarmées Nord est chargée de mener des opérations de routine et de contingence dans le Nord et de mettre en oeuvre les programmes des Rangers canadiens et des Rangers juniors dans cette région du pays. Elle assure également la liaison avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones afin de préparer des interventions rapides et efficaces en cas d'urgence.
Les Rangers canadiens sont une sous-composante de la Réserve des Forces armées canadiennes. Ils jouent un rôle central dans la tâche des Forces armées canadiennes de démontrer une présence visible et d'assurer la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Les Rangers canadiens comptent actuellement environ 5 000 membres dans des endroits reculés à l'échelle du Canada. De ce nombre, environ 1 700 font partie du 1er Groupe de patrouille, qui est responsable du Nord canadien. Les Rangers possèdent des compétences uniques, des connaissances locales et de l'expertise qui leur permettent de réaliser une vaste gamme de tâches dans le cadre de leurs devoirs normaux, notamment les activités de recherche et de sauvetage, les patrouilles des installations du Système d'alerte du Nord, les évacuations de collectivités et la surveillance d'inondations et d'incendies. Les Rangers canadiens sont vraiment les yeux, les oreilles et la voix des Forces armées canadiennes dans le Nord. À ce titre, ils rendent compte d'événements routiniers et extraordinaires, comme la présence de navires suspects.
Le centre d'entraînement dans l'Arctique des Forces armées canadiennes, situé à Resolute Bay et exploité en partenariat avec Ressources naturelles Canada, offre une installation en mesure de soutenir l'instruction individuelle et collective dans l'Arctique et par temps froid. Le centre d'entraînement, qui peut accueillir jusqu'à 140 personnes, peut également servir de base d'opérations avancée au besoin.
La station des Forces canadiennes Alert, sous le commandement de l'ARC, est une installation de renseignement électromagnétique conçue principalement pour assurer la connaissance de la situation en soutien aux opérations militaires. Elle possède également une capacité de géolocalisation pouvant aider à mener des missions de recherche et de sauvetage en plus de soutenir les recherches menées par d'autres ministères dans l'Arctique. Vous avez déjà entendu parler des autres capacités sur lesquelles le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes peuvent compter en soutien à leurs activités dans l'Arctique, comme le Système d'alerte du Nord et les emplacements d'opérations avancés du NORAD dans le Nord.
Les Forces armées canadiennes mènent trois grandes opérations chaque année, et celles-ci se déroulent généralement dans le Grand Nord, l'Arctique de l'Ouest et l'Arctique de l'Est. Il s'agit des opérations Nanook, Nunalivut et Nunakput. L'opération Nanook est le plus important exercice annuel des Forces armées canadiennes et intègre la participation de l'Armée canadienne, de la Marine royale canadienne et de l'Aviation royale canadienne, en plus de nos partenaires pangouvernementaux. L'opération Nanook 2016 simulera une intervention en cas de séisme dans le Yukon et un scénario de défense mené dans les environs de Rankin Inlet, au Nunavut.
[Français]
Notamment, l'Op NANOOK 2015 comprenait un scénario de lutte contre les incendies, dans lequel les Forces armées canadiennes ont oeuvré en collaboration avec des organismes fédéraux, territoriaux et municipaux en réponse à un feu non réprimé simulé dans la ville de Fort Smith.
Cela a mis en lumière comment ces scénarios d'entraînement aident à préparer nos forces à intervenir lors d'événements dans le monde réel, comme lorsque les Forces armées canadiennes ont été déployées pour offrir leur aide pour lutter contre le feu non réprimé dans la région de Fort McMurray à l'heure actuelle.
[Traduction]
L'opération Nunalivut est un exercice axé sur la souveraineté qui emploie des éléments des Forces armées canadiennes basés plus au sud et les Rangers canadiens lors d'opérations dans le Grand Nord dans la période difficile de la fin de l'hiver.
Enfin, l'opération Nunakput, qui se déroule chaque été dans l'Arctique de l'Ouest, vise à assurer notre souveraineté et notre interopérabilité avec nos partenaires de la GRC, du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière.
En plus de ces exercices-phares, les Forces armées canadiennes continuent de participer chaque année à des exercices de réapprovisionnement, d'entretien et de surveillance par temps froid pour vérifier qu'elles sont prêtes et qu'elles disposent de la connaissance nécessaire de la situation pour opérer dans l'environnement arctique.
[Français]
Afin de soutenir la conduite de ces opérations et pour assurer la coordination et la synchronisation des activités des Forces armées canadiennes dans la région en général, le Commandement des opérations interarmées du Canada a dressé un plan pour le Nord. II s'agit d'un plan quinquennal qui incorpore nos activités opérationnelles aux besoins connexes en matière d'infrastructure et de capacités, ainsi qu'à l'engagement avec nos partenaires pangouvernementaux et internationaux. Le plan actuel va jusqu'à l'année 2020.
[Traduction]
En outre, comme je l'ai déjà dit, les Forces armées canadiennes collaborent étroitement avec nos partenaires au sein des gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux, ainsi que des administrations municipales et de nos alliés régionaux, pour concrétiser les engagements et les priorités du gouvernement dans l'Arctique. Pour les Forces armées canadiennes, cela peut aller du soutien de la gestion des conséquences dans le Nord à la prestation de soutien en réponse à une grande catastrophe.
[Français]
La collaboration dépasse également les frontières canadiennes. En effet, nous avons conclu divers accords bilatéraux visant la collaboration dans l'Arctique, comme le Cadre de coopération dans l'Arctique des trois commandements, qui présente un plan visant l'amélioration de la collaboration militaire avec les États-Unis pour les opérations de défense, de sécurité et de sûreté dans l'Arctique. Le Canada collabore également avec les États arctiques en matière d'activités de recherche et de sauvetage dans cette région.
[Traduction]
En conclusion, les Forces armées canadiennes continuent de collaborer étroitement avec une vaste gamme de partenaires pour répondre aux besoins et aux objectifs du Canada dans l'Arctique.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui et je serai heureux de répondre à vos questions.
J'aimerais juste terminer en mentionnant qu'aujourd'hui, nous avons des équipes qui sont déployées dans l'Ouest à Fort McMurray. Je les suis à distance et je peux vous dire que je suis très impressionné par l'intervention non seulement de notre équipe, mais également du gouvernement de l'Alberta, du personnel d'intervention d'urgence, des pompiers de toute la région qui combattent les incendies de bâtiments et de forêts, de la Division K de la GRC, des organisations bénévoles, et même de la Croix-Rouge canadienne, sur laquelle on peut compter dans les situations les plus désespérées. Je souligne également la contribution de la population, qui s'est ralliée autour de cette catastrophe dans un bel esprit d'entraide — une véritable source d'inspiration.
Merci. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Je vous rappelle que je suis accompagné par le général Nixon. Notre structure régionale comprend six forces opérationnelles interarmées, et le général Nixon commande celle qui est responsable du Nord.
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C'est une excellente question, merci.
Le NORAD est responsable de la défense aérienne, de la défense aérospatiale et des alertes maritimes. Il y a quelques années, la Force opérationnelle interarmées Nord a été mise sur pied et ajoutée à la structure de commandement du NORAD. Dans une perspective canadienne, avec le lieutenant-général St-Amand aux fonctions de commandant adjoint et les plus de 50 années de relations binationales fructueuses pour assurer collectivement la défense de l'Amérique du Nord, nous considérons le NORAD comme étant une grande réussite.
NORTHCOM est encore un nouvel organisme, à l'instar du COIC, créé à la suite des attentats du 11 septembre, si l'on peut dire, tout comme le COMFEC, Commandement Canada et le COMSOCAN qui ont été mis sur pied en 2005-2006, puis le COIC, qui a été instauré il y a quelques années.
Pour ce qui est des règles de l'organisme, si on les examine aujourd'hui, on n'aura qu'un aperçu ponctuel. Dans le contexte actuel, je ne suis aucunement préoccupé par nos relations, et je dirais que nous répondons aux attentes de nos gouvernements et de nos supérieurs respectifs. Cependant, je signalerais que la chaîne de commandement est différente et que dans le contexte américain, il est parfois très difficile pour les dirigeants américains de comprendre la façon dont le Canada fonctionne. Compte tenu de la taille, de l'ampleur et de l'étendue des États-Unis, ce n'est pas facile pour eux, que ce soit dans leurs relations avec le Canada ou d'autres pays, de comprendre comment d'autres organisations fonctionnent.
Le fait est que nous cherchons toujours à faire évoluer nos relations pour dire que nous avons une responsabilité en tant qu'organisations d'apprentissage. Pour chaque activité que nous menons — chaque opération et chaque exercice —, nous lançons un processus d'analyse après action. Nous dressons des listes de leçons tirées. Nous essayons d'élaborer des processus et de trouver des personnes responsables de s'assurer que nous avons appris des leçons tirées et que nous essayons de nous améliorer.
Nous examinons également les circonstances et la façon dont la situation pourrait changer, et pas seulement ce qui se passe en ce moment. Dans le cadre de l'opération Nanook, nous aurons un scénario de tremblement de terre au Yukon que nous utiliserons à titre d'essai. C'est la même chose que lorsqu'on a utilisé les feux de forêt à Fort Smith l'année dernière comme exemple pour évaluer nos besoins à l'échelle nationale.
Lorsque nous examinons le contexte mondial actuel et les menaces contre l'Amérique du Nord et le Canada — ou les défis auxquels nous sommes confrontés —, nous nous demandons toujours où nous en serons dans 5 ou 10 ans d'ici. Je pense que ce sont d'excellentes questions. Bon nombre d'entre elles portent sur l'intention politique stratégique. À l'interne, nous aurons un excellent processus que nous mettrons en oeuvre après un exercice. Par exemple, avec Vigilant Shield à l'automne, conjointement avec le NORAD et NORTHCOM, nous lancerons un processus et nous demanderons comment nous pouvons nous améliorer, dans le cadre de nos interventions pour gérer la crise décrite dans le scénario aujourd'hui, mais aussi ce qui se passera demain si les choses suivantes étaient différentes...
C'est ce qui va donner lieu à un dialogue fructueux, sain et professionnel. J'ai l'impression que vous avez vu ce type de dialogue. Nous devons garder à l'esprit que nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons être dynamiques dans notre façon de penser et nous devons chercher des moyens d'améliorer la situation.
C'est la réponse que je vous donne. Je sais que votre question n'est qu'un préambule. Vous en avez sûrement d'autres à poser.
Des voix: Oh, oh!
Lgén Stephen Bowes: Vous n'avez qu'à les poser. Nous sommes prêts à y répondre.
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Nos techniciens en recherche et en sauvetage sont encore préparés pour ce type d'intervention, au besoin. Ils feront tout ce qu'ils doivent faire pour s'acquitter de leur tâche. C'est un groupe de Canadiens incroyables, et je les ai vus dans une vidéo où ils sautent en parachute dans des endroits où le personnel des services moyen dirait qu'il faut être doté d'un type spécial de courage.
Pour ce qui est de notre disponibilité opérationnelle pour les opérations SAR, nous compilons et analysons les statistiques. Nous utilisons la recherche opérationnelle de façon continue pour nous assurer d'avoir une disponibilité opérationnelle optimale à l'avenir. Mais c'est un environnement complexe. Seulement 4 % des incidents de recherche et de sauvetage surviennent au nord du 55e parallèle. Donc, si vous tracez une ligne parmi les provinces du Nord à l'ouest vers Fort McMurray et juste un peu plus au nord, et la tracez pour couvrir le nord du Québec et une petite partie du nord de l'Ontario, seulement 4 % des incidents surviennent dans ces territoires. Toutefois, chacun des incidents est complexe en raison de l'environnement.
Nous avons une disponibilité opérationnelle pour les opérations SAR partout au pays qui sont déployées là où la majorité des incidents surviendront, mais avec une capacité d'avoir plus de ressources, selon le scénario et les circonstances, pour intervenir en cas de crise dans le Nord.
La réalité de notre géographie au Canada, c'est que la majorité des gens vivent dans le sud, ce qui veut dire que même les opérations militaires courantes sont pratiquement expéditionnaires dans notre propre pays. Nous les déployons sur de longues distances. Le trajet en avion à partir de Winnipeg jusqu'au Grand Nord est comme traverser l'Atlantique en avion à partir de St. John's, Terre-Neuve.
Nous sommes conscients de cette réalité dans tout ce que nous faisons en ce qui a trait à la disponibilité opérationnelle, mais nous avons un vaste éventail de ressources. Notre façon de fonctionner, même au-delà de la disponibilité des ressources immédiates en matière de recherche et de sauvetage, et je sais que vous avez reçu des renseignements à ce sujet... À tout le moins, je crois que l'amiral Ellis était là. Non, pardonnez-moi, il était au Sénat. Je m'excuse.
C'est un sujet qu'il vaut la peine d'approfondir. Nous pouvons nous rendre sur place à partir de Winnipeg dans un Hercules en l'espace de quatre ou huit heures, et dans un Cormorant, en l'espace de 12 à 16 heures, selon le lieu de l'incident dans l'Arctique. Nous pouvons faire appel à certaines de nos installations dans le Nord pour accroître les ressources. Pour se rendre à l'île de Baffin, de nombreux avions atterrissent à Iqaluit, font le plein là-bas, puis repartent pour se rendre à destination.
C'est une situation complexe qui dépend beaucoup des circonstances, de la nature de l'incident et des ressources nécessaires.
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Oui, c'est un excellent point que vous avez raison de soulever.
Je suis très préoccupé par la souveraineté, tout comme l'ensemble des Canadiens.
Lorsqu'il est question des menaces militaires, il faut les répartir entre les capacités et l'intention. Il y a des pays qui renforcent leurs capacités pour pouvoir mener des opérations dans l'Arctique, et l'intention de ces pays peut changer très rapidement. Nous devons être préparés.
Y a-t-il à l'heure actuelle ou y a-t-il déjà eu une menace militaire directe pour l'Arctique? La réponse est non. Nous n'en voyons pas à l'heure actuelle.
Pourrait-il y en avoir dans le futur? La situation peut changer, car l'intention des autres pays peut changer, et pas seulement l'intention du pays auquel on penserait spontanément, soit la Russie. Il peut y avoir d'autres scénarios dans le futur, si l'on pense à plus long terme. Mais il peut y avoir bien des dénouements différents.
Il ne fait aucun doute que les activités militaires dans le Nord ont aidé le Canada à développer le Nord. Dans mes voyages dans le Nord, j'ai vu la présence de l'ARC là-bas d'un oeil très positif, compte tenu de ce qu'elle a offert au pays pour le développement du Nord. L'été dernier, je suis allé à Inuvik et on m'a rappelé qu'il y avait autrefois un centre de transmission, qui faisait partie des installations initiales de la ville. Lorsque l'on sillonne l'Arctique pour surveiller le territoire, on doit pouvoir dominer, ce qui veut dire qu'il faut être en mesure de parcourir l'ensemble du territoire à sa guise.
C'est pourquoi nous choisissons des exercices, pas seulement l'été, ce que bon nombre de Canadiens voient habituellement. Pour moi, l'une des meilleures opérations que nous effectuons est celle de Nunalivut au milieu de février et de mars, lorsque le temps est mauvais. Je me suis rendu là-bas avec les participants à l'opération, et j'étais debout sur les glaces d'un lac d'eau douce, à une température de -58. Le climat vous tuera plus rapidement que celui dans un désert.
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Toute opération menée dans un tel scénario serait pangouvernementale.
Tout d'abord, nous surveillons les navires de croisière. Ceux-ci ne pénètrent pas dans l'Arctique sans que nous le sachions. Nous savons quand ils y vont. Des navires de croisière voguent dans les eaux arctiques et dans le voisinage pendant l'été. Il y en a depuis des années et nous les surveillons. Nous y consacrons d'ailleurs beaucoup d'efforts.
Je vais vous donner un exemple de réussite qui est en train de se concrétiser à propos de ce que nous appelons la connaissance du domaine maritime. Il y a trois Centres des opérations de la sûreté maritime, ou COSM, soit un sur les Grands Lacs et un sur chaque côte. Ces centres recueillent des données de diverses sources pour brosser un tableau de la situation à l'intention des amiraux de chaque côte, qui sont des commandants de la Force opérationnelle interarmées intégrés au COIC. Je vois ce qu'ils voient et nous dressons donc ce portrait.
La connaissance du domaine maritime ne se limite pas à repérer l'emplacement des navires. Elle vise à savoir qui est à bord. C'est une approche beaucoup plus globale qui tient compte de la provenance et de la destination du bateau. Selon le type de navire, je peux décréter qu'il s'agit d'un navire d'intérêt et nous pouvons le surveiller.
Ce qui rend cette initiative particulièrement intéressante, c'est le concept des cinq partenaires. Tous les renseignements recueillis par le MDN sont transmis à la GRC, à la Garde côtière, au ministère des Pêches et des Océans et à Transports Canada. Nous travaillons ensemble à partir des divers centres des opérations afin de surveiller les navires et de comprendre la nature de leurs activités.
Pour en venir aux détails de la question, cela dépend du scénario. Certains navires de croisière qui pénètrent dans le secteur hâlent un navire de remplacement qui leur permet de procéder à leur propre sauvetage au besoin. Ce n'est pas le cas de tous les navires, mais il s'agit de questions de réglementation qui ne relèvent pas du ministère de la Défense nationale.
Si un navire s'échouait et que nous devions intervenir... Nous avons mené ce genre d'exercice dans le passé. Tout dépend du moment, du lieu, de la distance à parcourir et des conditions. Nous sommes chanceux que les navires de croisière voyagent pendant la période estivale, ce qui nous donne un léger avantage, mais au bout du compte, en raison de l'éparpillement de la force aérienne, le seul moyen de sortir des passagers d'un navire de croisière consiste à envoyer un autre bateau pour les y faire monter et les ramener; à moins de mettre en place un pont aérien au moyen d'un hélicoptère ou d'utiliser les Hercules C-130 conçus pour des terrains d'aviation difficiles si cela est possible, tout dépendant du scénario et de la configuration géographique.
Ce sont des cas très complexes, mais nous avons des plans d'urgence. Nous sommes prêts à réagir selon les circonstances.
Le 1er Groupe de patrouille des Rangers canadiens réside dans le Nord — au nord du 60e parallèle —, à une exception près : il y a une patrouille à Atlin, dans le nord de la Colombie-Britannique; elle est seulement accessible à partir du Yukon. Il s'agit d'une unité militaire. Le 1er Groupe de patrouille des Rangers canadiens est sous le commandement de l'Armée canadienne, d'OPCON et de la FOIN. Au fait, c'est l'unité des Forces armées canadiennes qui a le plus grand nombre de membres : elle compte environ 1 750 Rangers répartis dans les 60 collectivités dont j'ai parlé.
L'ombudsman des Forces armées canadiennes s'est rendu à Yellowknife récemment pour examiner le programme des Rangers, précisément dans l'Arctique, dans le but de cerner ses difficultés. C'est vrai que le programme connaît des difficultés, comme n'importe quel organisme. Je crois que le a été chargé, dans sa lettre de mandat, d'étudier la possibilité de développer considérablement le programme des Rangers, pour tous les cinq Groupes de patrouilles.
Pour y arriver, il faudrait d'abord élargir le bassin d'instructeurs des Rangers, le personnel qui leur donne leur formation militaire. Lorsque les instructeurs se trouvent sur le terrain avec les patrouilles, on peut se demander qui forme qui, car les Rangers sont les experts. J'ai passé le week-end dernier avec une patrouille dans la région de Baker Lake, et voir leur compétence sur le terrain m'a ouvert les yeux. Ce sont des experts dans le domaine, et c'est ce que nous devons promouvoir et faire fructifier.
Le programme des Rangers existe depuis presque 70 ans. Il va se poursuivre et il ne peut que s'améliorer. Comme le général Bowes l'a mentionné brièvement, à ce programme s'ajoute celui des Rangers juniors, qui ressemble un peu à celui des cadets, mais qui est basé notamment sur les habiletés de survie. C'est un autre exemple de réussite, surtout dans le Nord.
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Je ne parlerai pas tout de suite de la force terrestre. Je vais répondre à l'envers et y revenir.
Nous ne faisons que commencer, mais voici où nous en sommes. Le commandant du NORAD, le NORTHCOM, comprend très bien la mission d'accroissement de la capacité entreprise par la Russie au cours des 15 dernières années et la dynamique connexe. En même temps, nous suivons de très près la situation mondiale, par exemple, l'évolution des organisations extrémistes.
La question du personnel — que j'envoie tout le temps là-bas et qui vient aussi ici, qui participe aux discussions entre les trois commandements et qui travaille de manière coopérative —, c'est que nous sommes une organisation axée sur l'apprentissage, pour revenir sur ce que j'ai dit au tout début de la séance. C'est ce que nous essayons sincèrement de faire. En menant des exercices de défense continentale — tant pour ce qu'on considérerait traditionnellement comme des menaces militaires que pour d'autres types de menaces —, nous tentons de nous améliorer, et nous nous posons des questions et des défis.
L'amiral Gortney défendait un concept pour l'évolution du NORAD. Je crois que nous en sommes encore au début, et c'est le chef d'état-major de la Défense qui devra prendre la décision finale. Je ne lui ai pas encore présenté ma recommandation, mais au bout du compte, c'est à lui que revient la responsabilité de conseiller le gouvernement du Canada. J'ignore quel sera le résultat final, mais je crois qu'il est très avantageux de poursuivre l'exploration, même si tout ce que cela finit par donner, c'est de nous rendre meilleurs dans ce que nous faisons aujourd'hui. Comment les Canadiens pourraient-ils perdre dans cette situation? Il y a beaucoup de réponses à trouver et de détails à régler.
Pour revenir sur la force terrestre, ce n'est pas aussi clair que le côté aérien. Il y a le NORAD et des pouvoirs bien définis, et nous comprenons cela. Même du côté maritime, il reste peut-être du travail à faire pour que les dirigeants comprennent les mesures que nous avons mises en place et leur valeur pour les citoyens des deux côtés de la frontière.
Les dirigeants américains ont souvent beaucoup de difficulté à comprendre le système différent que nous employons pour la force terrestre. Nous avons des forces opérationnelles interarmées régionales. Nous sommes un pays peu peuplé qui partage une frontière avec les États-Unis, et les voies de communication sur notre continent suivent l'axe nord-sud. Quand j'étais commandant de la division du Canada atlantique, je connaissais très bien tous les adjudants généraux de chacune des sections de la Garde nationale des États de la Nouvelle-Angleterre. Il y avait beaucoup de compréhension mutuelle, car les Maritimes et les États centraux de la Nouvelle-Angleterre ont des modes de vie très similaires. Je comprends ce concept. Il touche l'ensemble du pays.
Il y a donc une force opérationnelle régionale, et en cas d'incident, le commandant de la force terrestre que nous désignons est aussi le commandant d'une force opérationnelle interarmées régionale. Nous réussissons très bien à assumer les responsabilités de deux ou trois postes, pourvu que nous comprenions nous-mêmes ce que nous avons à faire.
Le général Eyre est le commandant de la division de l'Ouest de l'armée. Il est également le commandant d'une force opérationnelle interarmées régionale. Il peut aussi jouer le rôle de commandant de la force terrestre en cas de crise, et nous avons d'autres façons de nous attaquer au problème. Je crois donc que nous en avons encore beaucoup à faire pour comprendre. Si le but est de créer un modèle simplement pour permettre aux Américains de saisir plus facilement notre système, je ne vois pas vraiment quelle en est la valeur. Nous allons donc éclaircir quelles sont les propositions de valeur et montrer comment elles contribuent à la protection des Canadiens et à notre réaction aux crises. Nous avons beaucoup de travail à faire dans ce dossier, mais nous sommes déterminés à améliorer nos procédés.
Mon exposé sera axé sur la question de la participation du Canada au programme américain de défense antimissile balistique, plus précisément sur le système de défense antimissile à mi-parcours basé au sol actuellement établi en Alaska et en Californie, étant donné que c'est un des dossiers décrits dans le document d'orientation de l'étude de la défense.
Je vais commencer par souligner trois points essentiels.
Premièrement, dans les circonstances actuelles, que le Canada participe ou non n'aura pas d'incidence importante sur les relations avec le NORAD, les relations de défense canado-américaines en général, ainsi que l'ensemble des relations entre le Canada et les États-Unis.
Deuxièmement, si les circonstances changent et si les États-Unis décident que la participation du Canada ou, plus exactement, le territoire du Canada devient un élément essentiel de la défense antimissile des États-Unis, le refus du Canada de participer aura une incidence majeure sur les relations avec le NORAD et l'avenir du NORAD. Cela pourrait arriver si les Américains vont de l'avant avec la construction d'un troisième site d'interception dans le nord-est des États-Unis.
À l'heure actuelle, les États-Unis effectuent des évaluations environnementales en vue d'établir un troisième site potentiel dans le nord-ouest de l'État de New York, au Michigan ou en Ohio. Si ce plan se concrétise, les États-Unis pourraient aussi conclure que pour rendre le système efficace et, ainsi, assurer la défense de la côte Est et de la région des Grands Lacs, il faudrait absolument installer au Canada un radar de poursuite en bande X déployé à l'avant en raison de la brèche entre le radar en bande X actuel situé à Thulé, au Groenland, et le territoire américain. Évidemment, cette conclusion aurait une incidence considérable sur la dynamique des négociations quant à la signification de la participation. J'en dirai plus à ce sujet sous peu.
Troisièmement, tant dans les circonstances actuelles que si la situation change, la véritable question est la suivante: le gouvernement et la population du Canada croient-ils qu'il est essentiel que le Canada se protège contre une attaque limitée par missile balistique à charge nucléaire menée par un État comme la Corée du Nord? Le Canada ne peut pas et ne devrait pas s'attendre à ce que les États-Unis le défendent, pour diverses raisons stratégiques et politiques. Du point de vue juridique, le U.S. Northern Command, qui est responsable du système basé au sol, est seulement chargé de défendre les États-Unis. On ne peut pas s'attendre à ce qu'il consacre un ou plusieurs intercepteurs à la défense d'une ville canadienne, à moins que la cible possible ait un impact direct, en raison de l'explosion ou de l'effet de rayonnement, sur une ville américaine, comme Détroit. En négligeant de se défendre, le Canada pose un dilemme moral terrible aux décideurs américains, qui pourraient avoir à choisir d'utiliser un intercepteur pour sauver la vie de Canadiens, en minant potentiellement du même coup la capacité des États-Unis de se défendre.
Avant que le Canada décide de se doter ou non de sa propre capacité de défense antimissile, le gouvernement doit obtenir le plus de renseignements possible au sujet du système américain. Ce faisant, le gouvernement canadien appuiera publiquement et sans réserve l'initiative américaine de défense antimissile afin d'entamer les discussions et, peut-être, les négociations avec les États-Unis. On l'a fait en partie dans le contexte du système de l'OTAN. Malgré ce fait, cela signifie, en gros, que le gouvernement doit infirmer la décision de 2005, sans s'engager officiellement à participer, car personne ne sait ce que la participation représenterait vraiment.
Cependant, l'échec des négociations en 2003 et 2004 a montré clairement que, dans les circonstances actuelles, les États-Unis ne fourniront pas une garantie officielle de protéger les villes canadiennes, qu'ils ne confieront pas le commandement au NORAD et qu'ils ne donneront pas au Canada les détails relatifs à la planification opérationnelle. Il n'y a pas eu de changements sur ce plan, et il n'y en aura pas jusqu'à ce que le Canada décide d'investir du capital et qu'il tente d'acquérir et de mettre en place un composant utile d'un système de défense antimissile en territoire canadien. Ce composant renforcera la défense des États-Unis comme du Canada, que ce soit un radar de poursuite ou un véritable site d'interception. Autrement dit, le Canada doit contribuer une capacité de valeur considérable afin de vraiment participer, avec les États-Unis, à la défense antimissile de l'Amérique du Nord. Une telle contribution modifierait les conditions de négociation et elle inverserait les trois nons que je viens de mentionner. De plus, la défense des villes et de la population du Canada serait assurée.
Bien sûr, pour apporter une contribution importante, le Canada doit d'abord obtenir des renseignements détaillés auprès des États-Unis au sujet du système, des besoins impératifs additionnels et des coûts. De plus, il doit savoir si les États-Unis accepteront de se contenter des capacités du Canada; j'ajouterais que M. Robert McNamara, secrétaire à la Défense en 1967, avait offert de le faire avec le système ABM. Les États-Unis décideront peut-être que le Canada ne peut rien fournir pour l'instant. Si c'est le cas, le gouvernement aura tout de même ouvert la voie et il aura obtenu des informations et des connaissances précieuses pour un avenir imprévisible.
Quoi qu'il en soit, il est temps que le gouvernement, Affaires mondiales, la Défense nationale et la population se rendent compte que nous ne pouvons pas profiter du système de défense antimissile des États-Unis sans y contribuer. Nous ne pouvons pas non plus nous attendre à ce qu'une contribution asymétrique, comme l'offre de payer la modernisation du Système d'alerte du Nord, mène à une garantie de défense antimissile de la part des États-Unis.
En réalité, le gouvernement doit faire un investissement important pour assurer la défense du Canada.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions là-dessus ou sur n'importe quel autre aspect de la défense de l'Amérique du Nord ou des politiques en matière de sécurité mondiale.
C'est un grand honneur pour moi d'être ici. Mon exposé s'adresse à tous les députés, mais particulièrement à ceux du nouveau gouvernement, car vous avez des décisions très difficiles à prendre.
Pour commencer, je vais vous fournir un bref contexte. Avant, j'aimerais dire qu'à mon avis, vous allez devoir recommander d'augmenter considérablement le budget de la défense du Canada, qui a baissé à moins de 1 % du PIB. Je pense que vous devrez faire passer ce montant à au moins 1,5 % et peut-être même à 2 % du PIB. Cela a une incidence sur les questions qui occupent le Comité.
Permettez-moi de contextualiser mes remarques. La Marine canadienne connaît de graves difficultés. Elle n'a pas de navires de ravitaillement et pas de destroyers de défense aérienne. Ses bâtiments de patrouille côtière ont été jugés indignes d'un carénage de demi-vie. Ses sous-marins ont près de 30 ans et ils ont passé presque toute leur vie dans les bassins de carénage et d'entretien. Je pourrais parler ainsi longuement de la Marine.
L'Armée de terre a aussi de graves difficultés. La plupart de ses camions blindés ne peuvent pas être utilisés et ils doivent vraiment être remplacés. Par exemple, si vous pensez jouer le moindre rôle dans une mission de maintien de la paix des Nations unies, vous allez devoir commencer par remplacer les camions.
La Force aérienne éprouve également des difficultés. Les aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe du Canada ont presque 50 ans. La flotte de chasseurs a près de 30 ans. La fatigue du métal est une préoccupation importante. Nous avons seulement 14 hélicoptères de recherche et de sauvetage à long rayon d'action. Les Forces canadiennes et l'Aviation royale canadienne ont déclaré publiquement qu'il en fallait au moins 18 pour bien accomplir ce travail au Canada, le deuxième pays au monde en superficie.
Ici aussi, je pourrais continuer longuement. Il faut moderniser le Système d'alerte du Nord.
Tous ces détails brossent le portrait de la situation : vous allez devoir dépenser des dizaines de milliards de dollars.
Parlons de la situation relative à la défense et aux alertes aériennes dans le Nord. J'aimerais traiter d'abord la question dont le Comité a été saisi durant la dernière année environ, celle de l'emploi de drones aux fins de la surveillance dans l'Arctique.
La bonne nouvelle, c'est qu'en réalité, les Forces canadiennes et le gouvernement canadien dans son ensemble sont assez bien équipés actuellement pour faire la surveillance dans l'Arctique. Nous avons RADARSAT-2, le meilleur satellite radar à synthèse d'ouverture au monde conçu pour l'Arctique. Des fonds ont été affectés aux trois premiers satellites de la Constellation RADARSAT. Vous devriez songer sérieusement à augmenter ces fonds pour financer les six satellites proposés.
Nous avons le système de surveillance dans le Nord, qui fonctionne très bien, mais qui devra être actualisé dans les 5 à 10 prochaines années. Nous avons les avions de patrouille maritime Aurora, dont 14 subissent un processus majeur de modernisation. Les pièces nécessaires à la rénovation des quatre autres ont été acquises. Je vous recommande de moderniser les 18 avions. Ils fournissent une excellente capacité de surveillance. De son côté, Transports Canada a deux Dash-8 et un Dash-7. Ils survolent tous les bâtiments étrangers qui visitent l'Arctique canadien.
Il y a aussi d'autres capacités. Il y a des agents de la GRC dans chacune des collectivités du Nord. C'est de la surveillance.
Avons-nous vraiment besoin de drones dans l'Arctique? Personnellement, je ne les inclurais pas dans ma liste de dépenses prioritaires. À mon humble avis, la raison pour laquelle ils ont été proposés dans le contexte de l'Arctique, c'est que le gouvernement précédent a refusé deux demandes des Forces canadiennes d'acquérir des drones aux fins des conflits armés à l'étranger. Elles ne les ont pas obtenus dans ce cadre-là, et c'est peut-être pour cela qu'elles ont présenté l'argument additionnel de l'Arctique. Faites attention.
Par rapport aux chasseurs, j'ai déjà mentionné que les CF-18 se font très vieux. Il faut absolument les remplacer, à un prix raisonnable. Aussi, les avions qui les remplaceront ne devront pas seulement pouvoir mener des opérations dans l'Arctique, ils devront être faits pour cela. Méfiez-vous des coûts. Certains chasseurs ont fait leurs preuves et leurs coûts sont fixes. Un des chasseurs qui pourrait être pris en considération n'a pas fait ses preuves, il n'est pas encore achevé et ses coûts sont incertains. De plus, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, par exemple, les variations du taux de change entre le Canada et les États-Unis.
Le budget d'acquisition des F-35 de 9 milliards de dollars pour 65 avions a été établi lorsque le dollar canadien valait 92 ¢ relativement au dollar américain. Au taux de change actuel, qui est de 77 ¢ pour un dollar américain, on peut seulement acheter 56 F-35. Demandez-vous donc si votre gouvernement aura les moyens d'acquérir un nombre minimum des chasseurs envisagés, avec un budget fixe. De fait, l'énoncé des besoins devrait prévoir un nombre minimum d'avions pour le montant préétabli.
Une autre observation que je tiens à faire au sujet du F-35 concerne le moteur unique. Je sais que vous avez entendu des témoignages là-dessus. On vous a dit que les moteurs des chasseurs à réaction deviennent de plus en plus fiables. C'est vrai, mais les avions bimoteurs sont quand même toujours plus fiables que les avions monomoteurs. Vous n'avez qu'à consulter le site Web de l'Air Force Security Center, aux États-Unis, pour le constater : il contient des diagrammes qui montrent la fiabilité de différents moteurs et avions. Les monomoteurs comme le F-16 deviennent de plus en plus fiables, mais ils sont encore loin d'être aussi fiables que les bimoteurs comparables.
J'ai entendu un commentaire très étrange d'un de vos témoins précédents. Il a dit que les compagnies aériennes civiles transocéaniques remplacent leurs avions à quatre moteurs par des avions à deux moteurs; selon lui, pour une raison ou pour une autre, cela signifie que le F-35 convient à l'Arctique. Je pense qu'aucun d'entre nous ne voudrait se rendre d'Ottawa à Londres à bord d'un avion civil monomoteur.
J'ai jeté un coup d'oeil au dossier de sécurité du Boeing 777, l'avion civil bimoteur le plus sécuritaire au monde. Quelque part dans le monde, au moins une fois par mois — une fois par mois —, un Boeing 777 perd un moteur. Nous n'en entendons jamais parler parce que l'avion est doté d'un second moteur qui peut être utilisé pour voler et atterrir en toute sécurité. Songez-y bien.
Enfin, à propos de la défense antimissile, j'ai entendu le Comité demander à des témoins précédents combien la participation du Canada à la défense antimissile pourrait coûter. Il existe de vraies données à ce sujet. Nous savons combien d'argent les États-Unis ont versé dans leur système d'interception à mi-parcours ici en Amérique du Nord : 40 milliards de dollars américains. Nous savons aussi combien ils dépensent chaque année pour entretenir et développer ce système : 1 milliard de dollars américains.
Vous pouvez imaginer que les États-Unis laisseront le Canada se joindre à eux gratuitement, et vous pouvez leur poser la question. Je doute que la réponse soit oui. Ils pourraient vouloir que nous payions rétroactivement notre part du coût de construction du système; comme la population canadienne correspond à un dixième de celle des États-Unis, le montant serait de 4 milliards de dollars. S'ils veulent que nous payions un dixième du coût annuel permanent, c'est 100 millions de dollars. Vous pouvez leur poser la question, mais les coûts doivent être pris en considération, tout comme l'ensemble des priorités et aussi des risques. Dites-vous que la Corée du Nord a un certain bon sens, puis demandez-vous ce qu'elle fera si elle a le choix entre, un, lancer un missile balistique intercontinental vers le Canada ou les États-Unis, une attaque dont il sera extrêmement facile de trouver l'auteur et qui provoquera presque certainement des représailles; et deux, placer son ogive nucléaire à bord d'un petit yacht privé et voguer jusqu'à Seattle, à Los Angeles ou au port de Vancouver.
Encore une fois, je ne dis pas que vous ne devriez pas prendre les risques au sérieux; je dis simplement que vous devez réfléchir aux coûts et au degré de risque, et que vous devez vous demander si les fonds que certains experts vous demandent de dépenser ont fait l'objet d'une analyse approfondie des risques.
D'après mon analyse, nous avons tout ce qu'il faut pour assurer une surveillance adéquate dans l'Arctique aujourd'hui et pour les 20 prochaines années. Nous n'avons pas besoin de drones. Nous avons besoin de chasseurs à long rayon d'action pour l'Arctique, mais ce doit être des avions bimoteurs et on doit pouvoir se les procurer à un prix raisonnable. Nous n'avons pas besoin de nous joindre au programme de défense antimissile des États-Unis parce que la menace ne se trouve pas au haut de notre liste de priorités. De plus, le coût risque d'être prohibitif, et vous allez déjà devoir augmenter considérablement les dépenses du Canada en matière de défense, ce qui grèvera le budget.
Merci beaucoup.
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Je tiens à remercier les membres du Comité de nous avoir invités à venir leur parler d'un des éléments essentiels de la sécurité du Canada.
Pour commencer, j'aimerais souligner qu'on a tendance à considérer l'Arctique comme un composant distinct et paisible qui n'a pas d'incidence sur l'ensemble de la sécurité du Canada. C'est complètement faux. L'Arctique occupe une place tout aussi importante que tous les autres éléments de la sécurité du Canada; les enjeux géopolitiques de l'Arctique ont toujours été présents. Je rappelle aux membres du Comité qu'il est fort probable que la raison pour laquelle les Américains ont pu acheter l'Alaska à la Russie est liée directement à la première guerre de Crimée. Nous l'oublions souvent, à nos risques.
Qu'est-ce que le Comité doit savoir par rapport à l'évolution des enjeux géopolitiques du Nord? D'abord, il y a le discours de la coopération. Depuis la fin de la guerre froide jusqu'à aujourd'hui, les États arctiques ont énormément collaboré entre eux. Le Canada, les États-Unis et la Norvège ont dépensé des milliards de dollars pour aider les Russes à mettre hors service la flotte de sous-marins à propulsion nucléaire de l'époque soviétique, d'abord dans le cadre du programme de l'AMEC, puis de celui du G8. Durant cette période, il y a eu beaucoup de coopération; on en gardera le souvenir d'un âge d'or.
Il y a maintenant au moins trois tendances géopolitiques majeures qui intègrent les intérêts de l'Arctique en matière de sécurité aux intérêts généraux. Quelles sont ces trois tendances?
La première, et celle qui intéresse le plus la majorité des gens, ce sont les possibilités liées à l'exploitation de nouvelles ressources dans l'Arctique. En reconnaissant l'incidence des changements climatiques, les gens se rendent compte que la région offre des possibilités comme des routes pour les très grands navires de croisière. C'est là seulement un des débouchés que les gens mettent au premier rang.
La deuxième composante importante qui a changé, c'est l'intérêt des autres États envers l'Arctique. En 1998, toute personne qui aurait laissé entendre que la Chine s'intéresserait à l'Arctique aurait été un objet de risée. L'idée de l'Arctique et de la Chine n'aurait tout simplement pas été corrigée. En 1999, un premier bâtiment chinois est entré dans les eaux canadiennes : le Xue Long s'est rendu à Tuktoyaktuk. Cela a continué progressivement. Les Saoudiens s'intéressent aussi beaucoup à l'Arctique. Ils ont affirmé ouvertement qu'une des raisons pour lesquelles ils ont permis la chute des prix du pétrole, c'était pour chasser à la fois les producteurs de gaz de schiste et les producteurs de l'Arctique. Autrement dit, ce sont les intérêts étrangers.
Or, le facteur le plus important que je tiens à souligner et que le Comité doit examiner, c'est le conflit grandissant lié à l'accroissement de l'impératif stratégique de la Russie et des États-Unis. Cette situation finira par toucher l'Arctique. Permettez-moi d'être clair. Il n'est pas question ici de conflits concernant le plateau continental étendu, les mines de diamants ou les ressources pétrolières et gazières; il est question du besoin de la Russie et des États-Unis de satisfaire des exigences stratégiques essentielles. Nous devrons suivre la situation de très près.
Quels sont certains des facteurs majeurs?
Pour la Russie, le plus important, c'est le maintien de la stabilité nucléaire, ou ce que les Occidentaux appellent la dissuasion nucléaire. Nous avons tendance à nous concentrer sur les réalités de la lutte contre les insurrections et d'autres aspects des conflits en Afghanistan, en Syrie et ailleurs. De leur côté, depuis Yeltsin, les Russes sont convaincus que leur principale exigence stratégique, c'est la stabilité nucléaire. Pour maintenir la stabilité nucléaire, ils ont investi la majorité de leurs fonds dans la remise à neuf de la flotte du Nord. Ils ont essuyé des échecs majeurs, mais ils continuent très activement à reconstruire leurs missiles nucléaires, leurs sous-marins à propulsion nucléaire et leurs sous-marins d'attaque. C'est aussi pour cette raison que les Russes réarment beaucoup de leurs bases dans le Nord. Publiquement, ils affirment qu'ils le font à cause de l'ouverture de la route maritime du Nord, et c'est une partie de la réponse. Or, l'autre partie, c'est qu'ils veulent protéger leur flotte nordique pour assurer leur stabilité nucléaire.
Le deuxième élément de ce que les Russes nous ont toujours dit qu'ils considéraient comme une grande menace — on le trouve dans tous leurs documents —, c'est l'expansion de l'OTAN.
Quel est le rapport avec l'Arctique?
Hier, on a annoncé que, pour la première fois depuis que des sondages sont effectués, la majorité des Suédois appuie l'adhésion à l'OTAN. Un des enjeux principaux auxquels le Canada sera confronté, c'est que si les deux pays neutres de l'Arctique, la Suède et la Finlande, décident de se joindre à l'OTAN — de plus en plus d'indications, du moins dans les documents publics, montrent qu'ils font des démarches en ce sens —, il pourrait y avoir des changements géopolitiques majeurs dans l'Arctique.
Le troisième composant dans le contexte américain, c'est évidemment l'interaction avec le système de défense antimissile balistique américain. Tournons-nous brièvement vers les Américains et voyons le rapport avec l'Arctique.
Deux des composants principaux ont des conséquences directes, comme M. Fergusson l'a déjà expliqué clairement. Premièrement, une partie importante du système ABM est la base américaine située à Fort Greely, en Alaska. Actuellement, elle est dotée de 26 intercepteurs, et ils en installent 14 autres. C'est là qu'ils en ont le plus grand nombre. Bien sûr, les Américains voudraient en placer ailleurs. Le but ici n'est pas de défendre l'Arctique, mais bien de protéger contre un tir de la Corée du Nord, mais les Russes, selon la documentation, commencent à voir les choses autrement.
Le deuxième facteur pour les Américains est leur appui de l'expansion de l'OTAN. Ce sont eux qui ont soutenu l'adhésion de la Géorgie, qui a contribué, évidemment, à la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie. Nous croyons que les Américains veulent probablement que la Finlande et la Suède se joignent à l'OTAN. Tous ces facteurs se conjuguent.
Et le Canada dans tout cela?
Au sujet de nos deux grandes alliances en matière de défense, M. Fergusson a déjà très bien expliqué la question concernant le système ABM et ce que cela signifie pour le NORAD.
Le Canada devra agir très bientôt dans le dossier important de la sécurité et de l'OTAN. Si la Suède ou la Finlande demande de se joindre à l'OTAN, en tant que membre, le Canada participera à la décision, ce qui aura des conséquences. D'un côté, une réponse négative risque d'encourager le comportement agressif des Russes. De l'autre côté, une réponse positive aura des conséquences sur le type de collaboration que nous avons réussi à nouer avec d'autres groupes, comme le Conseil de l'Arctique. De vraies décisions doivent être prises; nous ne pouvons pas nous contenter d'observer.
Qu'arrivera-t-il dans le futur quant à nos préoccupations en matière de sécurité dans l'Arctique?
Tout d'abord, il ne s'agit pas de savoir à qui appartient le pôle Nord ou qui décide où va le plateau continental. Ce sont des questions importantes du point de vue de la politique étrangère, mais ce ne sont pas les questions fondamentales en ce qui touche la sécurité.
De fait, l'Arctique occupera une place de plus en plus importante au sein des réalités géopolitiques centrales du système international. La Russie et les États-Unis ont des préoccupations capitales en matière de sécurité. Nous pouvons nous attendre à ce que la Chine ait de plus en plus d'intérêts stratégiques majeurs. En septembre dernier, nous avons vu pour la première fois une force opérationnelle navale chinoise s'approcher des îles Aléoutiennes.
La question pour le Canada, et celle à laquelle vous devez répondre, en songeant à la fois à court et à moyen terme, est la suivante : comment le Canada affecte-t-il les ressources nécessaires pour veiller à la protection adéquate de notre sécurité dans le Nord — je dis bien sécurité et non souveraineté —, compte tenu de la façon dont les Américains, les Russes et les Chinois verront véritablement la région, peu importe la belle image que nous voulons nous faire de la situation?
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup. Puisque vous avez déjà une copie de mes notes d’allocution, je ferai un effort pour être bref.
D’abord, l’évidence : les tensions géopolitiques ont considérablement augmenté dans l’Arctique au cours des dernières années. Cette tension a été principalement ravivée par les vols stratégiques des bombardiers russes datant de la guerre froide qui viennent frôler l’ADIZ nord-américaine — tant du côté canadien que du côté américain. Toutefois, à ma connaissance, aucune de ces incursions ne s’est produite dans l’espace aérien du Canada. Je suis convaincu que vous avez obtenu des informations détaillées à ce sujet lors de votre visite à Colorado Springs.
Je tiens à souligner que ces activités de l’aviation russe remplissent un rôle principalement politique, ou, à tout le moins, tout aussi politique que militaire. C’est la Russie qui joue la comédie. Elle tente d’utiliser l’Arctique de manière très visible pour envoyer un message très visible au Canada et à nos alliés américains.
Cela dit, il ne faut pas exagérer la menace militaire de ces activités. Ces bombardiers russes ne constituent pas une menace militaire immédiate. Ce sont de gros appareils lents et vieillissants que l’on peut facilement repérer. D’ailleurs, la Russie les fait voler à très haute altitude de façon à ce que nos radars n’aient aucune difficulté à les suivre.
Les Russes ont répandu leurs bases un peu partout dans le nord, une manoeuvre qui a beaucoup attiré l’attention, surtout celle des médias populaires, et que certains ont perçu comme une menace contre l’Arctique de l’Amérique de Nord. À mon avis, on surestime probablement cette menace. Les soldats russes stationnés dans l’Arctique russe ne constituent pas une grande menace à l’Arctique de l’Amérique du Nord.
Par ailleurs, la Russie a également amorcé une reconstitution de sa marine dont la plupart des navires sont déployés, bien entendu, dans l’Arctique. Encore une fois, on a souvent mal interprété cette manoeuvre comme étant une remilitarisation de l’Arctique russe et de l’ensemble de l’Arctique.
Il ne faut pas oublier que depuis au moins le début de la guerre froide, la Russie a toujours maintenu la plupart de ses plus importantes ressources navales dans l’Arctique, non pas pour les utiliser dans cette région, mais bien pour des raisons géographiques. Ironiquement, l’Arctique est la meilleure zone portuaire de la Russie, la seule qui soit libre de glaces et la seule donnant au pays un accès facile aux océans du monde. Les ressources navales de la Russie en Arctique ne sont pas nécessairement destinées à être utilisées dans la région.
La Russie travaille également à la reconstitution de sa capacité sous-marine. Certes, ces sous-marins seront surtout utilisés dans l’Arctique. La Russie a toujours assuré une présence sous-marine importante dans la région au cours de la majeure partie des dernières décennies de la guerre froide.
Encore une fois, il est important de souligner que la Russie n’élargit pas ses activités dans un vide arctique. Les Américains, et peut-être les Britanniques — ces informations sont toujours classifiées — mais à tout le moins les Américains, maintiennent une capacité sous-marine dans la région depuis la fin de la guerre froide. D’ailleurs, depuis 1990, ils déploient en moyenne deux sous-marins nucléaires par année dans le bassin polaire. Il n’y a pas de vide de pouvoir en Arctique; nos alliés sont encore très présents pour défendre l’Océan arctique.
La Russie a aussi davantage intérêt à limiter ses activités militaires en Arctique. Elle a un intérêt stratégique à maintenir un climat de coopération, et non un climat de tension et de concurrence. Les raisons sont principalement économiques. La Russie tire environ 20 % de son PIB de la région de l’Arctique. En fait, l’exploitation de l’Arctique — principalement l’exploitation de pétrole et gaz, mais aussi de ressources minérales — sera de plus en plus importante pour la Russie au cours des années à venir. D’ailleurs, Vladimir Poutine a qualifié la région de « base de ressources stratégiques », et avec raison.
Les gisements russes de pétrole et de gaz des vieux champs de gaz et de pétrole situés plus au sud, principalement en Sibérie occidentale, s’épuisent rapidement. Les coûts d’exploitation dans ces régions ont énormément augmenté, ce qui signifie que la Russie devra exploiter les ressources de l’Arctique si elle veut maintenir son statut international. Mais, pour cela, elle aura besoin de capitaux étrangers et de technologie, et la Russie aura beaucoup de difficulté à attirer ces capitaux et cette technologie, que ce soit des pays occidentaux, de la Chine ou même de l’Inde, s’il existe un climat de concurrence dans la région.
Cela dit, il est important de comprendre que, souvent, les politiques intérieures de la Russie ne cadrent pas avec ses besoins stratégiques et ses intérêts nationaux généraux. La mentalité d’assiégé affichée par Vladimir Poutine, et qui lui permet de demeurer aussi populaire, exige le genre de cirque que nous voyons dans l’Arctique. La Russie doit envoyer un message aux pays occidentaux et faire état de sa force dans la région. C’est très important pour elle. De tels gestes suscitent beaucoup d’émotion. Tout comme le Canada, la Russie est bordée par l’Arctique. Donc, les mesures prises dans l’Arctique ont une importance énorme pour elle et lui apportent une grande de visibilité.
Il faut noter les nouvelles capacités de la Russie en ce qui concerne les missiles de croisière, capacité dont elle a fait la démonstration tout récemment en Syrie. En novembre dernier, à l’aide d’un missile de croisière Kh-101, la Russie a attaqué une position de l’EIIL, en Syrie. L’utilisation d’un de ces missiles n’était absolument pas nécessaire, puisque l’EIIL ne dispose d’aucune capacité de détection ou de défense aérienne. Donc, il faut nécessairement comprendre que l’utilisation de ce missile de croisière très avancé était un message pour l’Occident, soit que l’armée russe dispose de nouvelles capacités et, surtout, qu’elle a élargi sa portée.
Cette frappe a des conséquences sur le dossier de l’Arctique, puisque la Russie a démontré qu’elle est capable d’atteindre la plupart des cibles militaires les plus importantes en Amérique du Nord à partir du Nord-Ouest de l’archipel de l’Arctique, et ce, avec ses bombardiers ou ses sous-marins. Donc, comme l’a souligné l’amiral Gortney, le NORAD doit accroître ses connaissances dans tous les domaines, ou à tout le moins dans plusieurs domaines. L’Amérique du Nord pourrait être victime d’une attaque aérienne ou maritime. Bien entendu, la Russie constitue une menace dans ces deux domaines. Bien qu’elle ne soit pas probable, cette menace est possible, et il revient à nos militaires d’analyser cette possibilité, tout en gardant à l’esprit la probabilité d’une telle attaque.
À ce titre, le Canada et les États-Unis devront accroître leur coopération maritime, mieux comprendre le rôle de chacun dans la région et faire comprendre aux militaires des deux pays qu’une des missions du NORAD est la reconnaissance maritime; ni l’une ni l’autre des forces militaires ne semble savoir que cette mission existe.
Que doit faire le Canada? Pour le moment, il n’est probablement pas nécessaire d’accroître le nombre de ressources maritimes pour la surveillance. Comme l’a souligné M. Byers, les ressources que nous avons déjà suffisent. Nous devons accroître notre coopération avec les États-Unis et la communication. Il serait souhaitable de renforcer l’intégration et la coopération avec les Américains par l’entremise du NORAD, notamment.
Le Canada devra élargir sa capacité de défense aérienne, puisqu’il devra continuer d’intercepter les bombardiers russes qui frôlent la zone d’identification de la défense aérienne nord-américaine. Il ne s’agira pas toutefois d’une mission de combat; enfin, il est peu probable que la mission d’interception se transforme en mission de combat. Donc, contrairement à ce que propose M. Byers, ma recommandation serait de ne pas accorder une trop grande priorité à nos capacités dans l’Arctique. Cela demeure une priorité, certes, mais il n’est pas nécessaire d’y consacrer de nombreuses ressources.
Il est très peu probable que l’Arctique devienne le théâtre d’affrontements. Nous devrions plutôt voir l’Arctique comme une région à surveiller et qu’il faut protéger contre le cirque russe. Nous devons surveiller la présence accrue de la Russie, dans les airs et, potentiellement, sur la mer et sous la glace.
Merci.
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Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Gerretsen.
Merci à vous tous d’avoir accepté notre invitation. Merci aussi pour votre travail exceptionnel et de nous partager vos idées et conseils.
J’aurais une question à poser à M. Byers au sujet des chasseurs et de leur remplacement, mais j’aimerais d’abord vous raconter une anecdote.
J’ai eu le privilège de suivre une partie de mon cours de pilotage civil avec Ottawa Aviation Services dans un petit avion monomoteur. À l’époque, lorsque la température baissait sous les 20 °C, Ottawa Aviation Services avait pour politique d’annuler tous les vols, non pas en raison du manque de capacité des appareils, mais parce que si un élève devait s’écraser dans les collines de la Gatineau à cause d’une panne de moteur, il se retrouverait en sérieuse difficulté. La région n’est pas très loin d’Ottawa. J’ai bien aimé ce que vous avez dit au sujet des avions monomoteurs par rapport aux avions bimoteurs, surtout compte tenu de la nature unique du travail de ces appareils dans le Grand Nord, comparativement à la région d’Ottawa.
J’aimerais que vous terminiez votre analyse sur le remplacement des chasseurs, notamment l’interopérabilité des appareils, leur ravitaillement, la longueur des pistes d’atterrissage et, surtout, l’évolution des menaces auxquelles nous sommes confrontés, tant les menaces nationales que les menaces étrangères. Selon vous, quels critères nos prochains chasseurs devraient-ils remplir?
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De mon point de vue, tout d'abord en ce qui concerne notre collaboration avec les Suédois et les Finlandais, cela nous amène évidemment à nous demander ce que nous réserve l'approche adaptative progressive américaine propre à l'OTAN à l'égard de la défense antimissile et si nous devons ajouter un site pour défendre l'Amérique du Nord plutôt que l'Europe. Par conséquent, je ne crois pas qu'il y aura une grande différence d'une façon ou d'une autre.
Pour ce qui est des technologies et des possibilités en matière de défense antimissile, nous avons manqué le bateau il y a deux décennies. Le Canada a décidé de ne pas adhérer au programme. Le programme de recherche et de développement des États-Unis va bon train sur le plan de la défense antimissile. Il est très peu probable qu'il y ait des possibilités pour les entreprises canadiennes ou la technologie canadienne. Il y a peut-être quelques entreprises qui participent en marge de la nature intégrée de la technologie de défense et de la base industrielle Canada-États-Unis.
Comme l'amiral Gortney vous l'a sans doute dit, la défense contre les missiles de croisière est problématique, en ce qui concerne les alertes et l'identification des missiles. Le Canada pourrait certainement jouer un rôle au chapitre de l'alerte lointaine. Il s'agit en fait de surveillance, de reconnaissance, de repérage, d'identification de cibles et de défense contre les missiles de croisière, ce qui est d'une importance cruciale. La capacité d'intercepter les missiles de croisière est déjà en place, avec les F-18, et continuera de l'être, grâce au remplacement des F-18.
Quant à la défense antimissile, il est difficile de le savoir. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, si le Canada proposait un site d'interception pour avoir accès au commandement et au contrôle de la défense de l'ensemble de l'Amérique du Nord — la probabilité d'une attaque est très faible, mais elle est tout de même supérieure à zéro —, les États-Unis seraient intéressés à fournir cette capacité dans le cadre d'une entente négociée.
Comme je l'ai indiqué, les radars de poursuite seront également importants si les États-Unis s'engagent dans cette voie. Évidemment, il existe des solutions de rechange. On pourrait utiliser des radars en mer, comme c'est le cas en ce moment dans le Pacifique et au large de l'Alaska.
Il y a donc des possibilités, mais elles ne sont pas excellentes. J'espère avoir répondu à votre question.