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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 092 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 avril 2018

[Énregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

     Bonjour tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent de la défense nationale où nous allons parler de la contribution du Canada au maintien de la paix dans le monde. Nous accueillons ce matin le major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie, le major-général (à la retraite) Denis Thompson et le brigadier-général (à la retraite) Gregory Mitchell.
    Merci, messieurs, d’être venus ce matin. Il y a beaucoup à dire sur ce sujet. Nous avons récemment annoncé une mission, nous avons une nouvelle façon de faire les choses, et vous êtes tous des trésors d’expériences aux opinions arrêtées, et j’ai hâte de vous entendre. Je vais céder la parole au major-général à la retraite Lewis Mackenzie.
    Général, vous avez la parole pour votre déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité. C’est un plaisir d’être ici par une belle journée ensoleillée. Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai établi un record Guinness. Je n’ai servi que 13 mois environ dans ce que nous appelons la « peine capitale militaire », soit le QGDN à Ottawa.
    On me présente souvent comme le gardien de la paix le plus expérimenté au monde. Le problème, c’est que les gens qui ont la gentillesse de dire cela ne savent pas pourquoi. Ce n’est pas à cause du nombre de missions que j’ai effectuées — beaucoup... neuf en tout —, mais pour deux ou trois autres raisons. J’ai servi à tous les grades dans des opérations de maintien de la paix, de celui de lieutenant à celui de major-général, en sautant celui de colonel. Cela étant, j’ai connu le théâtre des opérations et le théâtre politique. Je suis le seul Canadien à avoir commandé une mission de l’ONU. Vous devez tous vous demander ce qu'il en est de E.L.M. Burns, du général Clive Milner à Chypre — le père et non le fils — et de Roméo Dallaire. Eh bien, ils ont tous eu un représentant spécial du Secrétaire général, un RSSG, qui était responsable de la mission. Ils commandaient la composante militaire.
    Dans mon commandement en Amérique centrale, juste avant que le mur de Berlin ne tombe, je n’avais ni RSSG ni conseiller politique. J’ai traité directement et régulièrement avec les cinq présidents d’Amérique centrale pour mettre en oeuvre l’accord d'Esquipulas II. Cela me fut très facile au Nicaragua. Violeta Chamorro et quatre membres de son cabinet étaient diplômés de l’Université McGill. Mme Chamorro a dit que si l'on examinait l'étiquette des chemises de ses ministres — formant le plus jeune cabinet au monde — on verrait « Fait au Canada ».
    Si j’avais un problème, je pouvais m’adresser aux présidents, et s’ils n’arrivaient pas à s’entendre sur un cessez-le-feu, alors nous pouvions aller à New York parce que chacun de ces pays y avait une délégation et que son drapeau flottait devant les Nations unies. Nous pouvions traiter directement avec eux de cette façon et régler le problème, ce qui est arrivé souvent.
    En fait, j’ai commandé deux missions de l’ONU sans RSSG, et si je vous parle du « secteur de Sarajevo », vous ne comprendrez pas vraiment parce qu'il se trouve que nous étions intégrés à la FORPRONU. Quoi qu'il en soit, quelques semaines après la mise sur pied du secteur de Sarajevo, à l’été 1992, en plein merdier tandis que tout était calme à la frontière croate, l’ONU m’a ordonné de traiter directement avec... l’ONU! J’informais mon commandant de la FORPRONU, Satish Nambiar — l’un des meilleurs officiers avec qui j’ai jamais travaillé — un Indien trois étoiles classé premier sur 96 lieutenants-généraux de l’armée indienne. Je le tenais informé de tout ce que je faisais dans le cas de l’ONU.
    Je dois ajouter, parce que j’ai oublié de le mentionner, que le RSSG de Roméo Dallaire, un diplomate colombien incompétent, a été pour lui plus un obstacle qu’une aide.
    J’ai donc vécu les événements des deux côtés. Ce qui était facile avant la guerre froide était devenu pratiquement impossible à cause de la situation à Sarajevo. Soudainement, je devais composer avec deux factions dont un tout nouveau pays et son gouvernement musulman bosniaque qui pensait que l’ONU devrait forcément être de son côté.
     J'ai trouvé difficile de composer avec les factions dissidentes croates et serbes, mais c’était loin d’être aussi difficile que certaines missions contemporaines, où des factions non seulement combattent l’ONU, mais se battent parfois entre elles ou s'unissent, au gré de leurs intérêts.
    Donc, le « maintien de la paix après la guerre froide » est de la foutaise. Il ne s’agit pas de maintien de la paix. Quand va-t-on cesser d’utiliser ce terme? Il est grammaticalement et factuellement faux. Il n’y a pas de paix à maintenir.
    Quand on doit se rendre dans une zone de mission, la première chose qu'on demande à connaître, à l'étape de la planification, c’est l’objectif visé. Si je posais cette question à chacun d’entre vous autour de la table, je sais combien de réponses différentes j’obtiendrais. La mission mérite-t-elle qu'on enregistre des pertes? Telle est la question, parce que s'il vaut la peine que nos soldats meurent, alors il faut y aller et accomplir la mission avec des soldats bien entraînés, équipés, qui comprennent pourquoi ils sont là et qui — soit dit en passant parce que je vais y revenir — sont payés adéquatement par leur gouvernement.
(0850)
    Permettez-moi de vous citer les pays au côté desquels j’ai servi dans des missions de maintien de la paix pendant la guerre froide: l’Irlande, la Norvège, la Suède, le Danemark, l’Argentine, l’Inde, le Brésil, la Pologne, la Hongrie, la Colombie, l’Espagne, Fidji et la Finlande. Ce sont de très bons pays, dont les armées sont assez bien équipées et bien dirigées. Tout de suite après les événements catastrophiques de Srebrenica, de Somalie et du Rwanda, ces pays se sont retirés du terrain, dont le Canada. Nous avons maintenant l’Éthiopie, le Rwanda et le Bangladesh. Comprenez-moi bien. Certains de ces pays ont travaillé avec moi et pour moi. Leurs soldats sont excellents, mais ils sont payés à coup de lance-pierres et sont mal équipés. Ils manquent de formation, et vous et moi savons pourquoi ils sont là, c’est parce que leurs pays reçoivent 1 100 $US par mois et par tête de pipe.
    La seule mutinerie à laquelle j’ai eu à faire face au cours de ma carrière de militaire a été celle de Russes, à Sarajevo et dans les Balkans. Pourquoi? Parce qu’ils pensaient que les 1 100 $US leur seraient versés à eux. Quand ils ont appris que tout l’argent allait à leur gouvernement et que leurs familles en Russie ne recevaient rien d'autre que des semences de pommes de terre ou autres pour avoir de quoi manger, ils ont vu rouge, et on les comprend. Ils ont donc été déverser le diesel de leurs véhicules devant les portes du palais présidentiel du centre-ville de Sarajevo. L’ONU m’a directement ordonné de les arrêter, mais j’ai refusé. J’ai rétorqué que je les arrêterais quand ils auraient reçu leur indemnité quotidienne de 1,50 $ que l’ONU était censée leur verser. Ils n’avaient pas été payés depuis trois mois.
    Les soldats sous-payés sont un problème dans les régions où il y a un potentiel de traite de personnes, de réseaux de prostitution et de marché noir. Je ne dis pas que tous trempent dans ce genre de trafics, mais la tentation est grande pour des gens mal équipés et souvent mal formés. Autant pour les soi-disant contributions aux missions de maintien de la paix de l’ONU.
    N'oubliez pas l’objectif de la mission. Je sais qu'on va parler de combat, ce qui m’irrite au plus haut point, car c'est un débat idiot. Je sais que c’est très important pour certains d’entre vous, parce que tout à coup, le combat déclenche un débat parlementaire ou que sais-je. Mais ce n’est pas mon domaine. Je dis simplement qu’il faut parler du risque, pas du combat. Si la mission vaut la peine qu'on enregistre des pertes, très bien, qu'on y aille. Mais n'allons pas sillonner le monde comme nous l’avons fait, et n'allons pas dire qu’au Mali, par exemple, nos hommes et nos femmes seront en sécurité, parce qu’ils seront dans des hélicoptères. Ne dites pas qu’ils ne seront pas sur la route, qu’ils ne seront pas pris dans une embuscade, qu’ils ne tomberont pas sur des EEI.
    Il suffit de songer au taux de mortalité au Mali. Plus de 50 % des pertes ont eu lieu dans les bases, sous l'effet de tirs indirects. Même les Allemands — bénis soient-ils! — ont des mortiers de contre-bombardement, des radars de contrebatterie. Je ne sais pas à quoi cela va servir, parce qu’ils n’ont pas la capacité de répondre aux tirs de mortier venant de l’extérieur de la base.
    Je dirais simplement qu’il faut étudier le facteur de risque. Soit dit en passant, si vous dites qu’il ne s’agit pas de combat, je vous suggère, si vous visitez nos soldats sur le terrain dans le cadre de n’importe quelle mission, de vous tenir loin d'eux si vous leur affirmez qu’ils ne sont pas au combat, surtout s'ils ont reçu des obus de mortier la veille. Tenez-vous loin de leur portée de frappe.
    S’il vous plaît, ne parlons pas combat. Parlons risque. Dans une mission n’ayant aucune chance de succès, il peut y avoir un risque acceptable, et le Mali en est un bon exemple. Quand on me dit, comme on me l'a dit à plusieurs reprises, que l’objectif est d’appuyer le processus de paix, c’est de la foutaise. Le processus de paix, quelle que soit la définition qu'on en donne, a fait échouer l’accord de Bamako. Il n’y a pas de processus de paix qui fonctionne et, en plus, il y a tout un tas de gens qui sont les principaux acteurs de ce qui se passe au Mali et qui ne font pas partie du processus de paix. Ce sont les intégristes, dans le Nord en particulier, les affiliés à l’EIIS et à Al-Qaïda.
(0855)
    Étudiez donc le facteur de risque. C’est ce que je recommanderais à quiconque planifie des opérations de soutien de la paix à l’avenir.
     Soit dit en passant, vous pourriez vous lancer dans une mission de paix vouée à l’échec et choisir un rôle précis. Par exemple, si un village est menacé et régulièrement envahi et que des gens sont tués, défendez-le. Vous ne contribuez pas au processus de paix, mais vous sauvez des vies, si c’est ce que vous voulez faire.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Général Thompson.

[Français]

    Je suis Denis Thompson, major-général à la retraite. Je suis ravi d'être ici pour vous donner mes impressions sur le maintien de la paix.
    Comme je n'ai que 10 minutes pour vous parler, je vais m'exprimer en anglais.

[Traduction]

     Cela vous évitera probablement mon horrible accent.
    J’ai eu la chance de servir 39 ans au sein des Forces armées canadiennes, de 1978 à 2017, ce qui fait que je suis un peu plus jeune que vous, général.
    Mgén (à la retraite) Lewis MacKenzie: Beaucoup plus jeune.
    Mgén (à la retraite) Denis Thompson: Pendant toute cette période, j’ai eu le privilège de servir dans l’infanterie au sein du Royal Canadian Regiment, au pays et à l’étranger, régiment que nous avons en commun le général Mitchell et moi. J’ai été commandant de peloton à Chypre et en Allemagne; commandant de compagnie en Bosnie; commandant de bataillon ou de groupement tactique en Bosnie, sous le commandement de l’OTAN, et non de l’ONU; commandant de la brigade ou de la force opérationnelle à Kandahar, en Afghanistan; et commandant du Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada. Enfin, je suis revenu après avoir passé trois ans dans le Sinaï en qualité de commandant de la Force multinationale et observateurs, la FMO, qui, bien qu’elle soit une mission de maintien de la paix, n’est pas une mission de maintien de la paix de l’ONU.
     Bref, je suis un homme de terrain, même si mes propos seront vaguement théoriques.
    Le maintien de la paix est imparfait. Il n’y a pas d’arcs-en-ciel, de papillons ni de licornes dans le monde habité par les Casques bleus. C’est plutôt un monde affreux, violent, arbitraire et parfois carrément injuste. Âmes sensibles s'abstenir. Malheureusement, lorsque les ressources sont insuffisantes, les conséquences peuvent être désastreuses et souvent contre-productives. C’est pourtant le monde dans lequel les Casques bleus doivent fonctionner.
    Ce n’est qu’une forme d’opération militaire dans le spectre des conflits, qui va de la prévention des conflits à la guerre totale. Les Forces armées canadiennes sont en mesure de participer à toute la gamme des conflits. Les coûts de gestion d'un conflit augmentent de façon exponentielle, en fonction du niveau d’activité nécessaire. Donc, si une mission de prévention des conflits coûte un dollar, une mission de maintien de la paix coûtera 10 $, et une mission d'imposition de la paix 100 $. Chaque nouvelle étape coûte beaucoup plus que la précédente.
    Il serait bien sûr préférable d’étouffer ou de résoudre un conflit avant qu’il ne commence. Cependant, pour citer la scène que j’aime à la fin de mon film préféré, La Mission, « Nous devons travailler dans le monde; le monde est ainsi ». Ce monde est un monde où l’absence de consensus politique permet rarement d'éviter les conflits, obligeant les membres de la communauté internationale à déployer des forces militaires comme un bandage pour stabiliser les situations conflictuelles. Cela ne vise qu’à laisser le temps de trouver une solution politique.
     Le plus souvent, ces missions de maintien de la paix sont déployées dans des conditions apparemment inoffensives. Toutefois, comme l’a expliqué le général, bon nombre de ces milieux inoffensifs sont envahis par des acteurs non étatiques qui ne se plient sûrement pas à la norme internationale. J’ai vécu cela au sein de la FMO en Égypte, car la province du Sinaï abritant le groupe État islamique se trouvait dans ma zone d’opérations.
    Par conséquent, pour réussir — et c’est ce que j’essaie de faire valoir aujourd’hui — une mission doit présenter une certaine densité qualitative de haut en bas. Autrement dit, au sommet, il doit y avoir des commandants de forces actives sous la houlette de dirigeants civils tout aussi dévoués. Le général MacKenzie en a parlé. Dans le contexte des Nations unies, comme vous l’avez entendu, il s’agit de représentants spéciaux du Secrétaire général. Dans la FMO, c’est le directeur général qui est à Rome. Ces gens-là doivent être appuyés par un quartier général doté d'un personnel idoine ayant accès à divers outils habilitants — y compris à des sources de renseignement, à un soutien logistique adéquat, à des hélicoptères et à des avions — et surtout, surtout ils doivent pouvoir compter sur des soldats dûment formés et disciplinés, déployés sur le terrain. C’est tout cet ensemble, du haut commandement aux soldats bien entraînés sur le terrain, en passant par le personnel, qui crée un climat de dissuasion et de réconfort dans leur secteur des opérations. C'est, à mon avis, ce que signifie la densité qualitative dans tout le spectre des conflits.
(0900)
    Dans le domaine militaire, la densité qualitative est importante parce qu’elle contribue directement à la crédibilité d’une mission. Les Forces armées canadiennes présentent tous ces éléments de qualité qualitative et je dirais que c'est aussi le cas des organismes civils également. J'ai constaté d'expérience, que pour être crédible, il faut avoir des troupes sur le terrain. Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas de n’importe quoi. Il ne sert pas à grand-chose de déployer des moyens coûteux pour fournir du renseignement aux troupes de première ligne qui ne peuvent pas ou ne veulent pas agir.
    Comme je l’ai dit, pour diriger de telles forces, il faut pouvoir compter sur des têtes dirigeantes engagées envers la mission. Le Canada possède cette capacité tant côté militaire que côté civil. Nous avons fait la preuve de notre courage à Kandahar en adoptant une approche globale concertée qui a permis de résoudre les difficultés rencontrées dans cette province. Cette mission, qui n’est certainement pas une mission de maintien de la paix, a beaucoup bénéficié de la présence — une fois de plus — de troupes canadiennes sur le terrain qui, à terme, ont permis au Canada d'obtenir un siège à la table et d'avoir son mot à dire sur ce qui se passait dans ce pays.
    Y a-t-il un risque? Le général vous en a parlé plus tôt. Nos soldats peuvent-ils être blessés ou perdre la vie? Ô que oui! Ce n'est pas nouveau. C’est la réalité. Depuis l’aube de la civilisation, la vigueur des nations se mesure par le sang des siens. J’abhorre le fait qu'on parle de nos soldats comme étant « les fils et les filles du Canada ». Cette métaphore donne l’impression qu’ils sont trop précieux pour qu'on les mette en danger. Quelle absurdité! Ce sont certes des fils ou des filles — et j’ai un fils qui sert dans l’armée —, mais il y a aussi des soldats professionnels qui se sont engagés dans les Forces armées canadiennes précisément parce qu’ils veulent relever ce défi et être en danger.
    Si vous voulez jouer un rôle de chef de file dans le monde, vous devez accepter le risque, accepter que notre sang soit versé, en envoyant des troupes sur le terrain pour compléter la qualité d’une mission de maintien de la paix pleinement facilitée de haut en bas. Ce faisant, le Canada gagnerait en crédibilité, obtiendrait des postes de commandement qu’il n’a pas occupés depuis nombre d'années et, au fil du temps, il redeviendrait un chef de file sur la scène mondiale.
    Maintenant que je me suis libéré le coeur, je vais parler de trois aspects tangentiels.
    Premièrement, l’initiative Elsie du gouvernement est importante, puisque l’augmentation des effectifs féminins dans les missions de maintien de la paix a un effet amplificateur, étant donné qu'elle accroît la densité qualitative des missions. Cela ne constitue un plus que dans la mesure où l'on déploie effectivement des éléments féminins sur le terrain, pour qu'on puisse parler de déploiement de troupes. Ce n'est qu'un petit élément à valeur ajoutée dans toute une stratégie d'ensemble qui doit inclure: le leadership militaire et civil; les outils et la connaissance du terrain — l’engagement récent de nos hélicoptères au Mali est un des instruments employés — et des unités combattantes de qualité.
    Deuxièmement, je suis membre de l’Institut canadien des affaires mondiales et de l’Institut des associations de défense du Canada. Ces deux instituts, parmi les rares au Canada, ont pour membres un impressionnant éventail de diplomates, de représentants du gouvernement, de policiers et de membres des forces armées qui, à mon avis, possèdent une grande expertise apolitique sur laquelle les comités de cette nature devraient se fonder.
    Enfin, j’aimerais terminer mon exposé en ajoutant une note biographique personnelle. J’ai grandi dans le petit village de New Lowell, en Ontario, qui se trouve dans le comté de Simcoe, juste au nord de Toronto. C’est à ce petit village qu'on doit les croustilles Miss Vickie. Je sais que vous aimez tous secrètement les croustilles de pomme de terre de Miss Vickie, et cela devrait être une raison suffisante pour que vous preniez sérieusement en compte mes remarques.
    Des députés: Oh, oh!
    Mgén (à la retraite) Denis Thompson: Merci.
(0905)
    Au sel et vinaigre.
    Un député: C’est ce que j’allais dire.
    Le président: Général Mitchell.
     C’est un plaisir et un privilège pour moi de témoigner devant vous aujourd’hui. Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter quelques propositions et observations au nom de l’organisme que je représente, l’Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix.

[Français]

    C'est aussi un privilège pour moi d'être ici aujourd'hui avec des témoins qui sont tous des praticiens expérimentés et des experts du maintien de la paix. Je les admire et je les respecte tous. Je les considère comme des amis et comme de chers collègues.
    Aujourd'hui, je me concentrerai sur ce que j'estime être une question clé: le leadership canadien au sein des opérations de paix des Nations unies. J'offrirai deux propositions concrètes au niveau national pour améliorer nos capacités de leadership.

[Traduction]

    Même dans le creux de la vague, le Canada a continué de fournir des civils, des soldats et des policiers aux opérations de paix des Nations unies ou OSP. Cependant, les ambitions du gouvernement impliquent des contributions et un rôle plus importants dans les OSP, de préférence de façon plus intelligente et plus ciblée, afin de maximiser les effets sur le terrain. On peut présumer que des contributions plus intelligentes et plus efficaces aideront le Canada à regagner sa position de chef de file mondial respecté des OSP.

[Français]

    Le Canada a tout récemment annoncé qu'il apporterait certaines de ses nouvelles contributions plus intelligentes à la mission des Nations unies au Mali. Les représentants d'Affaires mondiales Canada et du ministère de la Défense nationale vous ont sans doute expliqué, la semaine dernière, comment ils envisageaient de répondre à l'intérêt national du Canada pour cette mission, qui devrait se traduire par des objectifs nationaux très simples: apporter une contribution importante au succès de la mission, puis ramener les Canadiens et l'équipement à la maison en toute sécurité.

[Traduction]

    Bien que les objectifs soient simples, la mise en œuvre ne l'est pas. En plus d'être actuellement la plus dangereuse au monde pour les soldats du maintien de la paix, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali est un bon exemple de la façon dont les OSP modernes ont évolué pour devenir de plus en plus complexes, multidimensionnelles et intégrées. Menées dans des environnements austères et hostiles, dans des pays où l'infrastructure ou le soutien de la nation hôte est minime et où les voisins s'immiscent, les OSP modernes ressemblent davantage à des opérations de contre-insurrection comprenant des responsabilités supplémentaires en matière d'édification de la nation et au chapitre des efforts humanitaires et de secours en cas de catastrophe.
    Par conséquent, les OSP modernes nécessitent une expertise dans des domaines intersectoriels aussi importants que la réforme du secteur de la sécurité, la réforme du secteur de la défense, la justice et l'état de droit, le désarmement, la démobilisation et la réintégration, la violence sexuelle et sexiste, la protection des civils et les tâches de consolidation de la paix.
    Pour réussir, les missions ont aussi besoin d'équipement et de soutien de pointe, ce que le Canada offre actuellement, mais elles exigent aussi, de la part des pays qui fournissent des soldats et des policiers, une direction experte assurée par des militaires, des policiers et des civils qualifiés, non seulement sur le terrain ou au niveau tactique, mais aussi au niveau de la mission ou des opérations et, je dirais, tant aux quartiers généraux de la force des Nations unies qu'aux niveaux stratégiques.
    Les OSP ont aussi besoin de commandants et d'états-majors multinationaux, qui sont non seulement des experts dans ces domaines complexes et en évolution, mais qui peuvent aussi être disponibles à très court préavis et qui ont la capacité et la formation pour travailler efficacement en tant qu'équipes d'état-major cohérentes au sein des systèmes byzantins de l'ONU. Ils doivent être en mesure de fournir de façon efficace et efficiente des capacités policières, militaires et civiles intégrées dans des domaines comme le renseignement, la mobilité, la logistique, le génie et le soutien médical. Étant donné que la plupart des missions de l'ONU sont maintenant menées en vertu de résolutions du Conseil de sécurité qui comprennent des éléments du chapitre 7 ou le recours à la force, ces mêmes chefs de mission et leurs états-majors doivent également être des guerriers ayant une compréhension, une capacité et une détermination claires pour entreprendre des opérations robustes au besoin, mais dans des environnements politiques et diplomatiques sensibles.
    Une façon d'aider l'ONU à relever ces défis complexes et changeants consiste à fournir de meilleurs leaders aux trois niveaux — stratégique, opérationnel et tactique — et pour les trois éléments — militaire, policier et civil. De toute évidence, le Canada dispose d'excellents leaders à ces trois niveaux, mais au cours de la dernière décennie, il a perdu une bonne partie de ses vastes capacités en matière d'opérations de paix. Du fait de cette perte, il a renoncé à sa prétention d'être un chef de file international dans ce domaine.
(0910)

[Français]

    Pour redresser la situation, le Canada devra consacrer suffisamment de temps et de ressources au développement de l'expertise requise. Ses contributions doivent être facilement accessibles et rapidement déployables, ce qui lui permettra d'établir en temps opportun de nouvelles et plus grandes opérations de soutien de la paix. Pour être franc, le Canada doit réapprendre tous les aspects des opérations de soutien de la paix, y compris comment former, préparer, déployer et appuyer ses troupes, les membres de la police et les civils fournis par le gouvernement dans le cadre des Nations unies.

[Traduction]

    S'il le désire, le Canada peut être pleinement en mesure de relever ces nouveaux défis et de fournir l'expertise et le leadership militaires et civils nécessaires dans le cadre de ces missions changeantes, multidimensionnelles, complexes et intégrées. Toutefois, cela ne se fera pas sans une orientation et un soutien solides de la part du Parlement avant, pendant et après les déploiements.
    Ma conclusion personnelle, qui est appuyée par l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, est axée sur deux domaines que je connais assez bien. Je prévois qu'ils offriront tous les deux les moyens de retrouver notre position de leadership au sein des missions et sur la scène internationale.
    Plus précisément, je proposerais d'abord de créer un centre canadien de formation aux opérations de maintien de la paix à l'échelle internationale, afin de permettre le développement de la recherche, l'éducation, la formation et le renforcement des capacités pour les OSP et, en deuxième lieu, de fournir un quartier général composé d'officiers de divers pays, entraînés et pouvant être rapidement déployés à l'appui du commandement de la mission de l'ONU, ce dont elle a désespérément besoin, mais qu'elle ne peut pas fournir elle-même.
    Tout d'abord, pour ce qui est d'un centre canadien de formation aux opérations de maintien de la paix à l'échelle internationale, nous avions quelque chose de très semblable dans le passé, le Centre Pearson pour le maintien de la paix. Avant sa dissolution en raison du retrait du soutien financier et du personnel du MDN, de la GRC et des Affaires étrangères, il s'agissait du premier centre au monde de formation aux opérations de maintien de la paix géré par des civils, l'un des seuls centres de formation, de renforcement des capacités, d'éducation publique et de recherche qui reflétaient les réalités multidisciplinaires des opérations modernes de maintien de la paix. Le Centre a toujours été un instrument efficace de la politique étrangère et de défense du Canada. Il jouissait d'une solide réputation au sein de la communauté internationale en tant qu'autorité de premier plan en matière d'opérations de paix, et il a servi de modèle à d'autres pays. Malheureusement, l'absence de sécurité financière et le retrait à long terme du personnel ont sonné le glas du Centre.
     Je propose donc la création d'une nouvelle institution, d'un centre canadien de formation aux opérations de maintien de la paix à l'échelle internationale, avec des capacités similaires à celles de l'ancien Centre Pearson, mais sans la vulnérabilité financière dont il a souffert. L'engagement à long terme du gouvernement serait nécessaire pour que la nouvelle institution puisse se concentrer sur son travail, plutôt que de consacrer des efforts à assurer sa rentabilité financière.
    Ma deuxième proposition prévoit que le Canada contribue à l'établissement d'un quartier général composé d'officiers de divers pays, entraînés et pouvant être rapidement déployés à l'appui du commandement des missions. Comme ma première proposition, celle-ci n'est pas nouvelle pour le Canada. Pendant 12 ans, nous nous sommes associés à 15 pays aux vues similaires pour créer une Brigade multinationale d'intervention rapide des forces en attente des Nations unies, ou BIRFA. Il s'agissait d'une brigade multinationale mise à la disposition de l'ONU en tant que force de maintien de la paix pouvant être rapidement déployée. Elle ne relevait pas de l'ONU, mais était plutôt mise à sa disposition au besoin et à la discrétion de ses membres individuels.

[Français]

    Tout d'abord, cette brigade a été déclarée déployable en 2000 et a été déployée cette même année dans le cadre de la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée. La réussite de cette mission a été suivie de déploiements et de soutien à la planification au Liberia, en Côte d'Ivoire, au Soudan — y compris le travail au sein de l'équipe de planification du Darfour —, au Tchad et en Somalie.
(0915)

[Traduction]

    Le Canada était un chef de file reconnu au sein de la BIRFA. Même si une brigade multinationale complète ne reverra peut-être jamais le jour pour des raisons politiques et économiques, le Canada pourrait tout de même jouer un rôle de chef de file en se concentrant sur la mise en place du cadre de l'une des contributions essentielles de la BIRFA — le joyau de la couronne, si vous voulez — c'est-à-dire un quartier général militaire multinational de l'ONU. Un tel quartier général pourrait être bien formé et équipé de véhicules, d'équipement et de moyens de communication compatibles avec ceux des Nations unies, et capable de s'intégrer pleinement au quartier général d'une mission de l'ONU et d'être déployé dans un très court laps de temps, afin d'établir rapidement une nouvelle capacité de commandement et de contrôle militaires au sein d'un quartier général intégré d'une mission de l'ONU. Il ne s'agirait pas d'un quartier général à plein temps doté d'un effectif complet, mais plutôt d'un personnel permanent limité chargé de la planification et de la formation, qui viendrait de partout au pays pour participer aux activités de formation et aux opérations. En recréant cela, le Canada offrirait à l'ONU une capacité unique, mais vitale, qu'elle ne peut pas fournir elle-même ou qu'elle ne peut pas obtenir facilement ailleurs, sauf peut-être à l'OTAN et auprès de l'Union européenne.
    Pour contribuer au caractère multinational du quartier général, le Canada pourrait fournir les éléments de base, puis s'entendre avec des pays aux vues similaires en vue d'offrir des éléments supplémentaires de personnel, d'équipement et de ressources. Une fois constitué et formé, il pourrait être offert en tant que quartier général formé en attente, pouvant facilement être déployé dans le cadre du système de préparation des capacités de maintien de la paix des Nations unies.
    Mesdames et messieurs, les deux propositions que je vous soumets aujourd'hui portent sur le commandement des OSP, soit d'une part son développement, et d'autre part, l'application pratique de ces compétences en commandement des OSP. Ces deux concepts ont fait leurs preuves, et le Canada les a reconnus dans un passé pas trop lointain. Les connaissances et l'expertise nécessaires pour planifier et mettre en œuvre les deux propositions sont toujours disponibles au Canada aujourd'hui. Avec une infusion relativement modeste de ressources, les deux pourraient être réalisées de façon globale et pangouvernementale. L'incidence canadienne sur les OSP pourrait être grandement améliorée, ce qui placerait le Canada dans un rôle de chef de file encore plus important sur la scène internationale des Nations unies.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre série de questions de sept minutes.
     Monsieur Robillard, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs qui êtes venus nous visiter, merci de votre coopération aujourd'hui.
    Les opérations de maintien de la paix de première et de deuxième génération ont connu de nombreuses différences. Selon vous, en quoi les opérations de maintien de la paix menées en Afrique et en ex-Yougoslavie durant les années 1990 diffèrent-elles de celles qui ont eu lieu durant la guerre froide?

[Traduction]

    Oui, elles sont très, très différentes. Je reviens au fait qu'on a affaire à des gens qui sont en plein conflit et qui n'ont pas de délégation au Siège de l'ONU à New York. Il n'y a pas de drapeau flottant devant un édifice. Il y a des factions. Dans bien des cas, leur quartier général est mobile. Vous rencontrez ces gens, comme je l'ai fait 14 fois, et vous négociez un cessez-le-feu.
    Puis quelqu'un rompt le cessez-le-feu. Selon mon expérience, dans bien des cas, il s'agissait du représentant du gouvernement du côté bosniaque musulman, et pour cause. Ils étaient attaqués.
    Lorsqu'il faut rencontrer les gens avec qui l'entente a été signée, ils sont impossibles à trouver. Ils ne sont pas présents. Lorsque je suis arrivé à Sarajevo, par exemple, dans toute ma naïveté de vieux soldat du maintien de la paix, j'ai donné des téléphones et des récepteurs radio à chacune des deux factions et au gouvernement sur la même fréquence. Je pensais que, comme c'était normalement le cas dans les opérations de paix précédentes, ils allaient régler les choses entre eux. Cela n'a pas fonctionné du tout. Il a donc été difficile de donner suite à toute violation du cessez-le-feu, que ce soit par mon entremise, ou par celle de lord Carrington, qui était le chef des négociations en vue d'un cessez-le-feu dans les Balkans.
    Elles sont tellement différentes qu'on ne devrait même pas les comparer. Elles sont entièrement et absolument différentes. Avant la guerre froide, l'ONU a toujours envoyé le minimum d'effectif pour tenter de faire le travail, sans jamais prévoir le pire scénario, mais toujours le meilleur, ce qui donnait normalement de bons résultats.
    Permettez-moi de vous donner un exemple cocasse. En 1965, à Chypre, le Parlement irlandais a retiré ses forces avec un préavis de 30 jours. Elles étaient aux côtés du contingent canadien dans le nord de Chypre. En tant que commandant de peloton de reconnaissance à la tête de 35 soldats, j'ai reçu l'ordre de mon commandant, le général Kirby, qui était lieutenant-colonel à l'époque, d'aller remplacer le contingent irlandais par une trentaine de soldats. Je l'ai fait un mercredi.
     Un vendredi — la journée est importante — les dirigeants des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs sont venus me demander pourquoi je ne les avais pas convoqués à une réunion. Je leur ai dit: « Quoi, vous vous réunissez? » Ils m'ont répondu: « Oui, mais c'est aussi pour le 5 à 7. Nous nous réunissons toujours ici pendant quelques heures pour boire un verre. Puis, nous revenons à nos positions. Nous ne nous sommes pas battus au cours des trois derniers mois. » Ce n'est plus le cas. Il est impossible de s'imaginer appeler le groupe État islamique et Al-Qaïda pour s'asseoir avec eux et faire la fête.
    La situation est donc incroyablement différente. C'est pourquoi il faut des soldats bien entraînés, bien dirigés et bien équipés, qui ont le temps de travailler ensemble pour former une équipe.
(0920)

[Français]

    Quels types de réformes — administratives, institutionnelles, politiques, financières ou autres — seraient nécessaires afin d'assurer l'efficacité et la réussite des missions de maintien de la paix des Nations unies?

[Traduction]

    Si j'ai bien compris votre question, encore une fois, je n'étais pas commandant de la force dans une mission de l'ONU. Je sais que la façon dont les missions de l'ONU sont conçues ne leur permet pas d'être efficaces.
    Autrement dit, le représentant spécial du Secrétaire général, le chef de la logistique dans une mission de l'ONU, relève du chef civil de la mission et non du commandant militaire. Toutefois, au sein de la Force multinationale et observateurs, ou FMO, qui est, encore une fois, une entité complètement différente, j'ai vécu une situation où le chef du soutien relevait de moi, alors qu'il s'agissait d'un civil. Cela a fait toute une différence pour ce qui est de pouvoir nous organiser et concentrer nos efforts sur ce qui était important à mon avis.
    Le général a parlé plus tôt des gens qui disposent de défenses anti-roquettes et d'un radar de contrebatterie. C'est quelque chose qui n'était pas disponible au sein de la FMO jusqu'à ce que nous commencions à subir des tirs de roquettes et de mortier. Ensuite, les États-Unis nous en ont fournis. Ils nous ont fourni des caméras à rayons X. Ils ont mis un C-17 à notre disposition. Toutes sortes de ressources ont commencé à nous arriver, mais ce n'est pas ainsi que fonctionne l'ONU, à ma connaissance.
    Il y a des leçons à tirer de la façon dont fonctionne la FMO — qui agit presque comme une entité commerciale plutôt que la façon dont l'ONU s'acquitte de ses fonctions — mais je ne sais pas si cela fait vraiment avancer le débat.

[Français]

    Comment la valeur ajoutée du Canada est-elle perçue?
    Quelle est notre expertise dans l'offre de formation visant à rehausser l'efficacité globale des opérations des Nations unies?
    À cet égard, comment le soutien qu'offre le Canada aux opérations de maintien de la paix internationale sert-il nos valeurs et nos intérêts nationaux?

[Traduction]

    C'est une question intéressante. Merci.

[Français]

    Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Pour ce qui est de la transmission des valeurs canadiennes, tout d'abord, je crois qu'elle va bien au-delà de nos attributions. Nous ne sommes pas des politiciens ni des diplomates, loin de là. Nous ne faisons que des observations à un certain niveau dans le cadre de certaines missions.
    Simplement par notre participation, notre présence dans les zones d'influence, etc., les valeurs canadiennes vont être transmises grâce à la transformation que nous opérons ou à l'influence que nous exerçons sur ceux qui nous entourent. Ce n'est pas nous qui prêchons en disant que nous nous démarquons des États-Unis. Nous sommes là parce que nous voulons créer un environnement pacifique, ou pour une autre bonne raison. Nous n'y sommes pas parce que nous nous intéressons au pétrole. Nous ne sommes pas intéressés par les ressources, nous ne sommes pas intéressés par ceci, et nous ne le sommes pas par cela non plus. Nous sommes là pour aider à créer la paix. La façon dont nous agissons, discrètement et professionnellement, influence les représentants d'autres pays, que ce soit d'autres pays en développement ou même d'autres pays de l'alliance. Il faut voir la situation sous un autre angle, à mon avis, et aider à changer les choses.
    Par exemple, lorsque je coprésidais un comité militaire mixte entre le nord et le sud du Soudan, et que nous traitions de choses comme les échanges de prisonniers, l'interception des enfants soldats, la réouverture de routes et tout le reste, vous pouviez voir la différence de valeurs par les différentes réponses aux questions que nous posions. Nous disions après 20 ans de guerre: « Des centaines de milliers de personnes ont été tuées et il faut maintenant parler d'échanges de prisonniers. Combien de prisonniers avez-vous? ». D'un côté, on nous répondait: « Nous en avons 14. » Nous demandions ensuite aux autres: « Combien en avez-vous? » Ils nous répondaient: « Nous n'en avons pas. » Cela signifiait que tous les prisonniers avaient été tués. Ce sont des valeurs différentes. Nous devons diffuser nos valeurs dans le monde entier.
(0925)

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les généraux de leur présence, de leur service et de leur franchise dans leur description des missions que nous entreprenons pour l'ONU.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, général MacKenzie, pour dire que le maintien de la paix est une mauvaise appellation, et que nous formons d'abord et avant tout des soldats pour le combat, qui doivent parfois participer à des missions de paix. C'est une tout autre histoire, et nous devons nous assurer que les Canadiens le comprennent, au lieu de toujours avoir cette vision nostalgique que les soldats du maintien de la paix sont des Casques bleus qui se tiennent entre deux factions qui sont parvenues à un accord quelconque. Cela n'existe évidemment pas dans le monde d'aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur la question que vous avez posée, général MacKenzie, à savoir s'il vaut la peine de mourir pour une mission. Le risque et les objectifs sont-ils dans l'intérêt national du Canada? En ce qui concerne cette mission au Mali, vaut-elle la peine que des gens meurent, selon vous, général?
    Si c'est fondé, comme je pense que cela devrait l'être, sur les chances de succès et que l'on considère qu'il n'y a aucune chance de succès, et le succès n'est pas nécessairement l'établissement d'un gouvernement démocratique dans un style très occidental, alors non. Cela ne fonctionne pas. Toutefois, si cela met fin à la tuerie, alors c'est certainement justifié.
    Le problème, c'est que toute tentative de processus de paix n'inclut pas les factions les plus dangereuses des divers insurgés qui opèrent avec sept voisins, dont au moins trois ou quatre leur offrent un refuge, l'ONU en particulier n'étant pas autorisée à traverser les frontières.
    Ce qui est intéressant, c'est la présence du Commandement des États-Unis pour l'Afrique — et ne vous faites pas d'illusions, ils sont là — et des Français, qui tuent des insurgés, ainsi que de la nouvelle force de cinq pays africains qui essaient de comprendre ce qu'ils sont censés faire maintenant. Aucun d'entre eux n'acceptera les directives de l'ONU. Ils ne seront jamais sous le contrôle de l'ONU.
    Mais l'ONU a sanctionné leurs activités et a même dit que tous les hélicoptères d'évacuation sanitaire de l'ONU, ainsi que le soutien logistique que le Canada fournira, peuvent être affectés aux opérations, particulièrement au G5 Sahel.
    C'est exact. Pour ce qui est de la valeur ajoutée, mon interprétation est la deuxième, c'est-à-dire, des hélicoptères par opposition à de simples soldats, comme nous tous ici. Lorsque vous envoyez des ressources à valeur ajoutée, vous devez garantir que vous assurerez leur sécurité, parce que je n'accepterais pas que la sécurité des nôtres repose sur des tiers.
    Vous avez parlé des Allemands sur la base. Nous remplaçons les Allemands à Gao. Bien entendu, il y a eu des attaques contre cette base. Plus de 560 soldats s'y trouvent. Le Canada parle de n'en fournir que 250. Nous avons appris ce matin de la CBC que le Salvador pourrait assurer une protection aérienne au moyen d'hélicoptères d'attaque pour notre flotte d'hélicoptères, et que les Nations unies disent aussi que nous n'envoyons pas suffisamment d'hélicoptères pour le transport, et qu'ils veulent adapter les Griffons pour qu'ils servent au transport, plutôt que comme hélicoptères de combat.
    Lorsque vous envisagez de travailler avec le Salvador — vous avez de l'expérience en Amérique centrale — pensez-vous qu'il s'agit d'un partenaire fiable? Vous dites que certaines personnes sont sous-équipées et sous-entraînées, mais que les Salvadoriens leur fourniront les compétences et la capacité nécessaires pour protéger les troupes canadiennes lorsqu'elles se déplaceront.
    Je ne suis pas inquiet. Je n'ai pas une connaissance intime du sujet, mais d'après mon expérience, je n'aurais pas d'inquiétude. En même temps, je veux qu'il y ait suffisamment de gens présents lorsque nous faisons ces choses.
    J'ai encore une grande confiance dans le leadership des Forces canadiennes. Elles comprennent exactement ce dont nous parlons ici, et elles ne se laisseront pas entraîner dans le déploiement de forces qui ne seront pas adéquatement protégées. Je serais très déçu si c'était le cas, et je ne m'attends pas à cela.
    Puis-je ajouter quelque chose, pendant que j'en ai l'occasion, sur la question de la valeur ajoutée? J'ai été directeur au Centre Pearson pour le maintien de la paix. Le financement était minime, entre 200 000 $ et 300 000 $, et il a été retiré. Savez-vous ce que nous faisions? Nous amenions des policières africaines à Ottawa et à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, et nous les formions pour qu'elles retournent dans leur pays et forment à leur tour des policières. Ce programme a été complètement annulé. Je ne fais pas de politique. Je pense toujours que le Centre Pearson pour le maintien de la paix n'était pas un nom approprié à l'époque. Pearson n'était pas très populaire dans les rangs du parti au pouvoir à ce moment-là.
(0930)
    Général Thompson, vous avez une expérience très spéciale. Vous avez servi pour l'OTAN et pour l'ONU. On parle beaucoup de la Bosnie, dont le succès est dû à la mission de l'OTAN et non à celle de l'ONU.
    À la lumière de votre expérience, pourriez-vous nous dire quels atouts de l'OTAN se sont avérés plus efficaces que ceux de la mission de l'ONU?
    Je n'ai pas eu l'occasion de servir dans la FORPRONU avec le général MacKenzie bien qu'étant dans le troisième bataillon. J'ai quitté le troisième bataillon au moment où Peter Devlin s'est joint à nous à Sarajevo. Il pourra vous souligner l'excellence des soldats avec lesquels j'ai servi.
    Je suis arrivé en Bosnie à la veille du Nouvel An de 1995-1996, tout au début de la mission IFOR, la Force de mise en oeuvre de l'OTAN. L'OTAN a littéralement inondé ce pays en y envoyant 60 000 soldats. Combien d'entre eux sont morts de l'action directe de la belligérance des insurgés pendant cette mission? Je peux tout de suite vous donner un chiffre: zéro, parce que nous avons littéralement envahi la région. Quelques soldats sont morts en courant sur des mines ou dans des accidents de la route et autres. En fait, nous avons perdu un gars qui s'appelait Sapper Holopina pendant cette mission; il est mort d'un accident de la route.
    Je faisais partie d'un groupement tactique britannique. Nous avions des chars d'assaut Challenger. Je dirigeais une compagnie de 185 hommes et nous avions des mortiers, des pionniers, des tireurs d'élite, tout ce qu'il fallait. Nous disposions d'un soutien aérien immédiat. C'était une mission bien dotée de ressources de qualité. Voilà la clé de notre succès.
    En déployant des missions pour l'ONU, devrions-nous envoyer des groupements tactiques complets? Des témoins à d'autres études que nous avons menées nous ont dit que quand nous déployons des troupes, il faut leur donner toutes les ressources possibles afin de bien soutenir notre engagement.
    Vous devrez veiller à ce que l'ONU vous fournisse toutes ces ressources. On peut faire partie d'un groupement tactique multinational, comme je l'ai fait, ou d'une compagnie au sein d'un groupement tactique, ou l'on peut déployer son propre groupement tactique, ou encore amener une brigade ou se joindre à une brigade. Quoi qu'il en soit, il faut veiller à ce que les forces auxquelles vous vous joignez soient de la même qualité que les vôtres.
    Merci.
    Monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie profondément les services de maintien de la paix auxquels nos témoins d'aujourd'hui ont participé. Notre comité se penche depuis longtemps sur la complexité et sur les difficultés des missions de maintien de la paix de l'ONU. J'ai une question un peu différente sur les facteurs de succès à vous poser.
    La seule mission sur laquelle je sois vraiment bien renseigné est celle de l'Administration transitoire des Nations unies au Timor-Oriental, qui a très bien réussi. Nous avons aussi mené avec l'ONU une mission en Côte d'Ivoire qui a beaucoup contribué à stabiliser le pays.
    Est-ce que l'un de vous pourrait nous parler de missions de maintien de la paix menées par l'ONU qui ont réussi et des facteurs de ces réussites?
    Je me ferai un plaisir d'y répondre, parce que je donne toujours les exemples du Timor-Oriental et de la Somalie. Ces deux missions ont été sous-traitées. L'ONU était submergée au Timor-Oriental. Elle a alors demandé aux Australiens de diriger, de commander et de surveiller cette mission, et hop! La mission a réussi.
    On a tendance à oublier que l'intervention américaine en Somalie s'est soldée par un des plus grands succès de l'histoire de l'ONU. Quand les soldats américains ont atterri sur la côte de Mogadishu, les médias les attendaient déjà, parce que les Américains arrivaient avec une force si impressionnante que les seigneurs de guerre Aidid et Mahdi s'étaient enfuis.
    Ensuite, cette intervention s'est retrouvée dans la plateforme de la campagne électorale, et Bill Clinton a retiré les forces armées en ne laissant que quelques soldats sous le commandement d'un de mes anciens camarades de classe de l'U.S. Army War College. Alors le commandant des forces sur le terrain, un général turc trois étoiles, sachant que je travaillais pour CTV, m'a convoqué pour me demander ce qui diable était arrivé. Il ne pouvait pas déployer ses réservistes américains sans autorisation du commandant adjoint, qui était sous ses ordres! Mais pendant ses premières phases, l'intervention du chapitre VII dirigée par les Américains a été extraordinaire.
    On ferait donc mieux de sous-traiter au lieu d'essayer de diriger la mission depuis un immeuble de Manhattan en plein centre-ville de New York.
(0935)
    Je pourrais vous citer aussi l'exemple de Sierra Leone, le pays adjacent à la Côte d'Ivoire, qui s'est retrouvé dans les mêmes circonstances. Cette mission de l'ONU échouait. Elle avait le soutien de l'armée britannique, qui a stabilisé la région avec, malheureusement, quelques mercenaires, mais c'est une toute autre histoire. Une fois la région stabilisée, l'ONU y a envoyé 19 000 soldats. Le pays a très bien surmonté la transition, et il a déjà tenu deux ou trois élections.
    Voilà donc quelques exemples de missions de l'ONU réussies, principalement parce que l'on avait envoyé des ressources complètes du début à la fin.
    Monsieur le général Mitchell.
    À l'époque, on considérait la mission menée entre l'Éthiopie et l'Érythrée comme étant très réussie. Cela était probablement dû au fait qu'il s'agissait d'une mission classique de maintien de la paix, de séparation de deux régions dans un État. Cela provenait aussi du fait que l'on y avait établi un commandement solide et investi des ressources impressionnantes.
    Je voudrais faire une observation reliée à ce que M. Bezan a dit et citer l'une des exclamations favorites du général MacKenzie: si vous vous préparez à un combat au couteau, amenez un fusil. À mon avis, c'est là le secret de ces réussites. Si vous devez envoyer des soldats sur le terrain, n'ergotez pas en prétendant que l'on ne vous permet pas d'en envoyer plus de 300 ou 500. Envoyez un groupement tactique. Assurez-vous que les transports de troupes blindés se rendent à Sarajevo. Même si l'on vous ordonne de ne pas les envoyer, envoyez-les. Faites tout le nécessaire. Même si l'ONU refuse de les payer, envoyez-les.
    Quand nous discutons de maintien de la paix, on nous dit que l'ONU a demandé maintes fois au Canada de prendre part aux missions. Je vais vous poser à tous trois la même question: quelle valeur ajoutée le Canada apporte-t-il? Pourquoi l'ONU demande-t-elle si souvent au Canada de prendre part à ses missions?
    Cela est certainement dû à la réputation que nous nous sommes forgée dans le passé. En fait, nous avons participé de façon admirable à toutes les missions lancées jusqu'à la fin de la guerre froide.
    Nous amenons plus de ressources que ce qu'on nous demande de le faire. Comme nous venons de l'entendre, on nous avait ordonné d'envoyer 13 transports de personnel blindés à Sarajevo. Le groupement tactique RCR a eu le génie d'en envoyer 83. Je me préparais à payer tout le carburant des véhicules supplémentaires quand Sarajevo s'est effondrée, et nous en avons eu besoin. L'ONU nous a alors suppliés de les y laisser.
    De mon temps, le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU se composait de trois personnes, et elles ne répondaient pas au téléphone après 17 heures les jours de semaine.
    Nos forces armées sont fiables, et nous envoyons des commandants extrêmement bien entraînés, comme nous le disait monsieur le général tout à l'heure.
    Les soldats canadiens ont la réputation d'être très bien entraînés. Ils sont donc parfaits pour les missions de maintien de la paix.
    Notre deuxième atout est le fait que nous n'avons pas de colonies, ce qui semble important pour les belligérants. Quand nous arrivons dans une région, ils nous demandent souvent, comme il m'est arrivé en Bosnie et parfois aussi en Égypte, ce que nous faisons dans leur région et pourquoi le Canada s'y intéresse. Le fait de ne pas être mêlés à des enjeux politiques nous avantage.
     Je vais laisser tomber les deux ou trois autres exemples que j'allais vous citer [Inaudible]. Nous n'avons pas de motifs cachés. Les Canadiens apportent de bonnes valeurs et d'excellentes compétences militaires. Si vous me permettez de citer mon alma mater et celle de Mme Alleslev, le slogan de notre collège militaire était vérité, devoir, bravoure. Ces qualités sont à la base des valeurs militaires que nous apportons au maintien de la paix. Ce sont des valeurs que tout le monde respecte.
    Voilà pourquoi Mali est si dangereux. Les groupes État islamique et Al-Qaïda nous considèrent tous, pas uniquement les chrétiens blancs, comme des croisés. Voilà ce qu'ils disent des forces de l'ONU, quelle que soit la couleur de la peau des soldats: ils disent que nous menons des croisades dans leur pays.
    Merci beaucoup. Il ne me reste qu'une minute, alors je voudrais revenir sur la suggestion du général Mitchell de créer une nouvelle entité comme le Centre Pearson pour le maintien de la paix sans laisser pour autant le nom de Pearson dans son titre. Général, vous avez mentionné l'importance d'assurer la longévité de ce centre et vous avez ajouté que vous ne pensez pas que cela exigerait d'énormes ressources.
    Pourriez-vous nous en parler plus en détail?
(0940)
    Ce centre ne nécessiterait pas de grosses sommes d'argent, mais il faudrait le financer pendant plusieurs années. Il faudrait que tous les ministères concernés collaborent à sa recréation. À mon avis, il devrait s'agir d'une certaine forme d'agence gouvernementale et non une entité civile. Ce n'est qu'une suggestion. Il faudrait la collaboration et le soutien de la Défense nationale, d'Affaires mondiales Canada et de la GRC. En effet, cette agence serait gouvernementale et elle répondrait aux besoins du gouvernement. Par conséquent, il faudrait que ces ministères y soient représentés. Elle ne nécessiterait pas une énorme dotation et un gros financement. Il faudrait aussi la situer à un endroit qui permettrait de la relier avec d'autres organismes connexes.
    Si vous me permettez une autre suggestion, monsieur Garrison, je pencherais pour Kingston, où se trouve déjà un centre de formation sur le maintien de la paix. Ce centre aurait plusieurs aspects militaires et remplirait différentes fonctions, dont le maintien de la paix.
    Il est évident que dès que nous commencerions à recruter pour un centre comme celui-ci, une multitude d'anciens combattants ainsi que des policiers, des diplomates et des fonctionnaires à la retraite feraient la queue au bureau de recrutement.
    Nous allons entamer deux rondes de cinq minutes.
    Le député Rioux aura la parole en premier.

[Français]

    Je vous remercie.
    C'est très...

[Traduction]

    Pardonnez-moi. J'avais mal consulté ma liste. M. Gerretsen sera le premier.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse au général Mitchell. Je vais reprendre ce que nous disions au sujet du centre de formation Pearson.
    Quand l'a-t-on fermé?
    Il y a cinq ans.
    Vers 2012?
    Savez-vous pour quelle raison on l'a fermé?
    Manque d'argent. Dès sa création, il a reçu des fonds gouvernementaux pendant des années, mais le gouvernement a fait des compressions graduelles au cours des années en disant que le centre devrait s'autofinancer, présenter une sorte d'analyse de rentabilisation. Malheureusement, la plupart des clients venaient de nations qui n'avaient pas les fonds nécessaires pour payer les services. Si le centre cherchait à renforcer les capacités d'un pays africain pour qu'il entraîne ses policières lui-même, mais que ce pays n'avait pas de fonds pour ce genre de choses, le centre devait essayer de trouver de l'argent ici et là. Il n'y est pas parvenu et a dû fermer ses portes.
    J'ai eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur l'article que vous avez écrit sur les opérations de maintien de la paix et sur l'éducation et la formation données dans tout le gouvernement. J'y ai lu vos quatre recommandations sur l'établissement de ce centre. Vous soulignez qu'il doit être bien financé, qu'il doit s'unir en partenariat à d'autres organismes canadiens et qu'il doit offrir une excellente éducation et des capacités de formation de qualité.
    En quoi ce centre serait-il différent du centre de formation de Kingston?
    Le Centre de formation pour le soutien de la paix entraîne surtout des observateurs et des particuliers qui iront participer individuellement à diverses missions. On n'y fait pas énormément de recherche. Il n'offre pas de renforcement des capacités à des pays étrangers, même si les particuliers que l'on y forme viennent de différents pays. Ce centre est beaucoup plus petit et donne de la formation et non de l'éducation.
    Monsieur Thompson, vous avez dit dans votre allocution que le Canada sera en mesure de retrouver sa place en tête de file sur la scène mondiale.
    Quand avons-nous perdu cette place? D'où revenons-nous?
    Nous revenons d'une époque où nous avions... Je crois qu'aujourd'hui nous n'affectons que 30 personnes aux opérations de l'ONU. C'est ridicule! Même en comptant les gens de la Force multinationale et les observateurs, que l'on ne compte normalement pas avec les gens qui travaillent pour l'ONU, nous n'aurions que 68 personnes. Nous sommes bien loin du nombre de gens que nous affections aux opérations de sécurité internationale.
    Quand vous parlez de participation aux opérations de sécurité internationale, parlez-vous des forces armées en soi?
    Bien sûr. Si nous n'envoyons pas de soldats, personne ne nous remarquera. Nous perdrons toute crédibilité. C'est là le problème.
    Je comprends. Je vous pose ces questions pour comparer vos réponses à celles que nous avons reçues lors de notre dernière réunion où nous avons posé des questions similaires sur l'état dans lequel nous étions dans le passé et sur notre état actuel pour voir s'il y a eu des changements depuis. J'ai demandé aux témoins exactement ce que vous venez de dire; je voulais savoir pourquoi nous n'affectons plus les ressources que nous affections dans le passé au maintien de la paix. On m'a plus ou moins répondu que le maintien de la paix... excusez-moi, je devrais dire le soutien de la paix, a énormément changé depuis quelques décennies. Il a tendance à abandonner les opérations militaires pour se concentrer sur les négociations diplomatiques. Je voudrais bien savoir ce que vous pensez de cela.
(0945)
    C'est ridicule. Je vous répondrai exactement ce qu'a dit le général Mitchell. Le maintien de la paix, si vous tenez à utiliser ce terme, s'est transformé en lutte contre l'insurrection. Si l'on n'envoie pas suffisamment de ressources sur le terrain, on ne peut pas stabiliser la situation. On traite souvent avec les belligérants qui ont signé l'accord, mais comme l'a souligné le général MacKenzie, il faut aussi traiter avec des acteurs non étatiques.
    Quand j'étais dans le Sinaï, j'avais le groupe État islamique de la province du Sinaï à côté de ma base. En trois ans, ce groupe a blessé sept de mes soldats. Heureusement, aucun d'eux n'en est mort, principalement grâce à toutes les mesures de protection des forces armées que nous avions prises. Ces circonstances ne doivent pas nous empêcher de produire les résultats attendus . Si l'on n'envoie pas assez de gens sur le terrain, les soldats se feront blesser, comme je l'ai clairement souligné quand l'OTAN est intervenue en Bosnie.
    Cela ne s'applique pas uniquement au Canada. La communauté internationale doit affecter toutes les ressources nécessaires pour résoudre ces situations.
    Une dernière petite observation, si vous me permettez. Carolyn McAskie était représentante spéciale du secrétaire général au Burundi. Je l'ai souvent entendue dire très justement que si l'on ne paie pas tout de suite, il faudra payer plus tard. Nous avons tendance à payer plus cher plus tard.
    Je comprends.
    Pour en revenir à ce que vous disiez sur la réémergence du Canada, vous définissez cette réémergence par le nombre de personnes qu'il enverra sur le terrain.
    Oui. Cette approche globale n'est pas seulement militaire. Il faut aussi envoyer des policiers et des civils. Pour vraiment réussir, il faut envoyer un nombre suffisant de personnes sur le terrain, des ressources de qualité du début à la fin venant de toute la communauté internationale. Si le Canada tient à y participer, il devra apporter sa contribution à la communauté internationale.
    Monsieur Mitchell.
    Pour répondre à votre question initiale, la raison pour laquelle nous avons perdu notre place en tête de file est le fait que nous avons passé de nombreuses années en Afghanistan, où nous luttions contre des insurgés. Les forces armées et le gouvernement de l'époque ont dû se concentrer sur une mission extrêmement difficile pendant très longtemps, et tout s'est écroulé. À l'époque, de nombreux dirigeants trouvaient que le maintien de la paix était un concept ridicule.
    J'ai un peu de peine à comprendre cela, parce que quand on regarde les statistiques... Je suis sûr que vous êtes d'accord, parce que vous nous dites qu'avec les années, nous envoyons de moins en moins de personnel sur le terrain. Cependant, ce n'est pas une initiative politique. Cela dure depuis trois... si vous voulez bien nous dire ce que vous en pensez... On dirait que cela dure depuis plus de 30 ou 40 ans, sous des gouvernements de différentes allégeances politiques. On dirait que nous nous retirons de ces initiatives.
    Monsieur MacKenzie, qu'en pensez-vous?
    Cela a commencé bien avant l'Afghanistan. Cela date du milieu des années 1990 et c'est dû à l'incompétence flagrante des Nations unies et de toutes les nations que je nomme dans ma liste, qui ont abandonné le maintien de la paix parce qu'elles ne faisaient plus confiance à l'ONU.
    Le Canada figure aussi dans cette liste?
    En 1992, au Cambodge, nous avions affecté 8 000 personnes aux opérations de maintien de la paix.
    Alors en concluriez-vous que le Canada ne fait plus confiance à l'ONU?
    Oui, certainement, avec toutes les nations que j'ai mentionnées, surtout les pays scandinaves.
    Je vous dirai très brièvement que cela s'explique par le fait que les élus de l'époque comprenaient mal la situation. Nous avons dit tout à l'heure que l'OTAN avait dû reprendre en main les initiatives des Nations unies. Un soir, en entendant deux députés de deux partis différents se lever pour intervenir tout à l'envers, j'aurais jeté quelque chose contre ma télé en les écoutant. Ils soutenaient que les Nations unies avaient pris en main les initiatives de l'OTAN. Je n'en croyais pas mes oreilles. Ils avaient compris tout à l'envers. Au milieu des années 1990, les élus ne comprenaient rien à rien. Voilà pourquoi les forces armées ne savaient pas trop comment agir. Les élus qui leur attribuaient des tâches ne connaissaient même pas la différence entre l'OTAN et l'ONU.
     Je n’ai plus de temps, mais j’aimerais beaucoup savoir comment vous feriez pour changer cela et accroître la confiance chez les élus.
    Nous allons devoir y revenir. Nous passons maintenant aux tours de questions de cinq minutes.
    Monsieur Rioux.

[Français]

    Merci.
    Tout d'abord, votre feuille de route m'impressionne grandement. Je vous remercie de participer au Comité et de nous faire part de votre expertise.
    Mes questions feront suite un peu à celles de mon collègue de Kingston et les Îles.
    Qu'est-ce qui a amené le Canada, depuis les années 1990, à se retirer des missions de paix? Vous avez parlé de la crédibilité de l'ONU, mais comment analysez-vous cela, en tant que militaires professionnels?
(0950)

[Traduction]

    Je vais me répéter un peu, mais ce n'est pas grave, je veux dire — sans trop tomber dans le drame —comme 26 membres du Royal Canadian Regiment allaient brûler à mort à l’arrière de leurs véhicules à Sarajevo, j’ai téléphoné aux Nations unies. Il était 11 heures à New York. J’avais besoin d’aide. J’avais besoin de quelqu’un pour m'aider à parler au président Izetbegovic, et j’ai obtenu la troisième personne responsable dans la hiérarchie du Département des opérations de maintien de la paix à l’ONU. À ce moment-là, Martin Bell m’avait dit que j’avais été interviewé plus souvent à la télévision que quiconque dans l’histoire de ce média. C’était avant le procès d’O.J. Simpson.
    Des voix: Oh, oh!
    Mgén (à la retraite) Lewis MacKenzie: J’ai donc obtenu mon contact à l'ONU et la conversation s'est déroulée à peu près comme suit: « Bonjour. Ici le général MacKenzie. » On m'a répondu: « Oui, et où êtes-vous? » J’ai dit: « Je travaille pour la FORPRONU. » Il a dit: « Dans quel pays? » J’ai dit que c’était l’ex-Yougoslavie, et il m’a demandé où j’étais. J’ai dit: « Je suis à Sarajevo. » Il a dit: « Que faites-vous là? » C’est à ce moment que j’ai raccroché. Cela illustre bien le niveau d’incompétence qui régnait à l’ONU à New York à l’époque.
     La mission n'était aucunement prioritaire au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale ou ailleurs. C’est ce qui est arrivé. Nous avons reculé. L’Afghanistan est arrivé plus tard, et maintenant, nous faisons ce que nous savons faire, et nous obtenons un leadership approprié même si, avec la foutaise qu'il y a eu à l’OTAN, c’était très frustrant. Ce n’était pas aussi homogène que nous avions pensé au niveau du commandement et du contrôle, mais au moins les troupes, l’équipement, l'entraînement et les chefs étaient là pour compenser.
    C’est au milieu des années 1990 que nous avons tous reculé. Le Rwanda, Srebrenica, la Somalie: c’est ce qui nous a fait reculer. Est-ce que ça valait la peine de mourir? C’était la question. La mission n’en valait plus la peine.

[Français]

    Monsieur Mitchell, vous avez beaucoup parlé de leadership. Il y a eu, à Vancouver, la Réunion de 2017 des ministres de la Défense sur le maintien de la paix des Nations unies. Le Canada a annoncé qu'il soutenait les principes de l'Initiative Elsie et il a amené les autres pays à les accepter, ainsi que les principes liés aux enfants soldats. Il s'agit tout d'abord de bien entraîner nos troupes, mais surtout d'aller plus loin pour essayer de ne plus devoir faire face à des enfants soldats.
    Nous avons aussi beaucoup parlé des smart pledges, c'est-à-dire des engagements conjoints, qui consistent à offrir nos services à l'ONU. Nous l'avons fait indirectement dans le cas de l'opération Frequence, lors de laquelle nous avons aidé la France. Ensuite, dans le cadre de l'opération à Entebbe, nous avons offert du service de transport. Je peux vous dire que, selon les responsables de l'ONU, la réception a été exceptionnelle au sommet de Vancouver. Dans un troisième temps, nous venons d'offrir deux Chinook et quatre Griffon pour la mission des Nations unies au Mali.
    Vous parlez de leadership, de procéder davantage par effet d'influence, d'être là et d'offrir des ressources que les autres pays n'ont pas. À cet égard, est-ce que le Canada est engagé dans la bonne voie?

[Traduction]

    Sans vouloir parler de l'arène politique ou du sommet, sauf sous un angle militaire, les annonces visaient essentiellement des moyens d'habilitation, comme on l’a mentionné. Les hélicoptères, les communications et le renseignement sont des moyens d'habilitation que l’ONU supplie toujours les pays industrialisés de lui fournir. Ils sont très louables, très importants, et nous en avons besoin.
     Est-ce qu’ils assurent le leadership? Je dirais que le leadership vient de la focalisation et du soutien à l’initiative Enfants soldats, et de l’argent qui a été promis à l’initiative Enfants soldats de Roméo Dallaire à Dalhousie. C’est excellent. C’est un travail remarquable qui doit se faire. Cela vient aussi de la concentration sur les questions de genre et ainsi de suite, ce que faisait encore une fois le Centre Pearson. Je les trouve très louables.
     Cela nous a-t-il placé en position de chef de file sur la scène internationale? Un peu, oui, pour les bonnes choses. S’agit-il de contributions « intelligentes »? Personnellement, je pense que c’est un exercice de relations publiques. Ce sont toutes de bonnes contributions et elles sont les bienvenues. Je pense toutefois qu'elles ne sont ni assez importantes, ni assez vastes. Elles sont trop éparpillées, si vous comprenez ce que je veux dire.
(0955)

[Français]

    Que manque-t-il, finalement?

[Traduction]

     Je dois malheureusement vous interrompre ici, Jean.
    Madame Gallant, vous avez la parole.
    Merci monsieur le président, et merci aux généraux MacKenzie et Thompson.
    Sur le plan militaire, voyez-vous le conflit au Mali comme une menace pour le Canada?
    Non. Ce n’est pas une menace pour le Canada. C’est une menace constante à la paix et à l’ordre internationaux, parce qu’elle ne concerne pas seulement le conflit civil en cours, mais aussi l’insurrection, l’intégrisme et la franchise d’Al-Qaïda et de l’EIIS, etc. C’est comme le jeu perpétuel du chat et de la souris. Nous les pourchassons partout dans le monde, et il se trouve qu’ils font un assez bon travail au Mali en ce moment.
    Il y a là une contribution, mais une menace pour le Canada? Non.
    Comme vous le savez sans doute, ma femme, Mme Isabelle Roy, a été ambassadrice au Mali de 2005 à 2008. Je connais très bien le Mali. J’y suis probablement allé plus d’une demi-douzaine de fois. En fait, j'ai voyagé de Tombouctou jusqu'à Gao par le fleuve. Il m’a fallu trois jours. C’était très amusant, mais on ne peut plus faire cela de nos jours.
    Le Mali est-il une menace pour le Canada? Absolument pas. Le conflit menace-t-il les intérêts du Canada? Assurément. Nous avons des intérêts miniers commerciaux là-bas. Si nous étions une puissance coloniale, nous y aurions vraiment d'importants intérêts, mais cela n'est pas le cas. Nous sommes préoccupés par la présence d'Al-Qaïda au Maghreb. Ils ont kidnappé Bob Fowler là-bas pendant une centaine de jours.
    À mon humble avis, nous devons participer pleinement à la stratégie antiterroriste en cours au Mali. Le Comité sait que lorsque j'étais commandant des forces spéciales du Canada, nous avons entraîné le 33e Régiment des commandos parachutistes au Mali, avant le coup d’État. Ce régiment a été démantelé et bon nombre de ses membres ont été tués parce qu’ils appuyaient le président Amadou Toumani Touré.
    Nous entretenons de nombreux liens avec le Mali. Lorsque mon épouse était ambassadrice là-bas, nous étions le troisième donateur en importance dans ce pays, et nos dons étaient assurément en croissance. Il vaut la peine d'investir dans un pays où nous pouvons contribuer dans une telle mesure à la reconstruction. C’est pourquoi c’est dans l’intérêt du Canada. Ce n’est pas une menace, mais il est dans notre intérêt d'y participer.
    Merci.
    Je sais que vous n'étiez ni l’un ni l’autre au Rwanda, mais vous avez comparé la mission au Mali à la mission des Nations unies en Amérique centrale, ainsi que dans l'ex-Yougoslavie.
    Pourriez-vous comparer l'expérience de commandant que vous vivriez au Mali à celle du Rwanda?
    Le terrain est complètement différent. La densité de population est entièrement différente. Toute la géographie physique est complètement différente, de sorte que les problèmes militaires sont aussi différents.
    De plus, il s’agissait d’un massacre organisé au Rwanda. Il y avait là de nombreux groupes d’insurgés qui travaillaient à des fins contraires aux Nations unies là-bas.
    La grande différence, c’est que toute la mission au Rwanda et dans les environs n’était constituée que d’une modeste force d’observation de la frontière. Les Nations unies ont été prises au dépourvu, car tout à coup, l’avion du président a été abattu et le chaos a suivi. C’est à ce moment-là que le génocide a commencé. Auparavant, il s’agissait d’une très modeste mission d’observation à la frontière est.
    Ayant été surprise, l’ONU ne voulait pas accroître la force déployée sur le terrain. Elle a fini par le faire, mais modestement. Un imbécile avait envoyé un ancien contingent colonial, les Belges, sur le terrain, dans une région où les Belges n’étaient déjà pas très populaires dans le contexte du conflit. C’était une décision ridicule de l’ONU d’y envoyer les Belges, et cela les a placés dans une situation très difficile. Par la suite, après le massacre, ils sont rentrés chez eux.
    Ce fut la surprise au Rwanda, tant pour le général Dallaire que pour ses forces. Ce n’est pas ce dont ils étaient censés s’occuper. Ils étaient censés avoir une simple mission de surveillance des frontières, un peu comme une mission de maintien de la paix conventionnelle. Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées.
    Pour ce qui est de la communication avec le commandement et l’ONU, avez-vous constaté une facilité de communication, comparativement à votre expérience en Amérique centrale?
    Écoutez, Roméo Dallaire est un ami, et nous entretenons un débat public dans quelques dossiers. Le problème pour le général Dallaire, que Dieu le bénisse, c’est qu’il n’avait jamais travaillé avec l’ONU auparavant et qu’il demandait sans cesse des autorisations. Il ne faut jamais demander d'autorisation à l’ONU. Il faut agir, et annoncer le lendemain matin « Oh, soit dit en passant, j’ai fait telle ou telle chose. » Ils diront: « Vous n’auriez pas dû faire cela! », et vous répondrez « Désolé, mais il est trop tard. »
    À l’époque, l’ONU était incompétente pour ce qui est de fournir au général Dallaire les ressources, le renseignement, le soutien, la logistique et tout le reste. Ils l’ont complètement laissé tomber.
(1000)
    Général Thompson, vous avez dit que des soldats canadiens...
     Les cinq minutes prennent fin à l'instant. Malheureusement, nous n’aurons même pas le temps d’obtenir une réponse. Mais nous aurons du temps à la fin, et si vous voulez poser une autre question, dites-le nous.
    Je cède maintenant la parole à M. Fisher.
    Merci monsieur le président.
    Merci messieurs d’être ici. Votre connaissance du dossier est renversante.
    Ces questions sembleront probablement assez élémentaires, mais j'aimerais savoir en quoi les opérations de maintien de la paix ont changé. Nous avons tous déjà utilisé l'expression « maintien de la paix », mais nous avons tous souligné qu'elle n'était pas tout à fait exacte. Nous avons entendu des expressions comme « contre-insurrection » et « pas de paix à maintenir ». Ma question est la suivante: en quoi le maintien de la paix a-t-il changé? Est-ce que le changement n’est attribuable qu’à des réussites ou à des échecs, ou y a-t-il simplement eu de meilleures idées sur la façon de procéder? Sommes-nous dans une meilleure position qu’auparavant? J’ai demandé la semaine dernière si notre nouvelle stratégie canadienne renforce notre crédibilité, et on m’a répondu par l'affirmative. Vos réponses très franches m’intriguent également, et je vous en sais gré. Cela ajoute-t-il à notre crédibilité? Ce changement est peut-être en réponse à certaines des choses qui ont changé le visage de ce que nous pourrions ou appeler aujourd’hui le « maintien de la paix »?
    Je vais commencer par le général Mitchell, mais si l’un ou l’autre d’entre vous veut intervenir, n’hésitez pas à le faire.
    D’abord et avant tout, ce qui a changé, c’est que nous ne sommes pas au milieu des années 1990, en ce qui concerne la situation aux Nations unies. Le QG des Nations unies est beaucoup plus avancé qu’il ne l’était à l’époque. Même depuis la dernière fois que j’ai travaillé pour eux, en 2006, alors que je participais à l’élaboration d’un nouveau guide de démarrage de mission, la situation a changé de façon spectaculaire depuis. Le Département des opérations de maintien de la paix est passé d'un service de trois personnes à d'énormes capacités. Ce n’est pas parfait — c’est loin d’être parfait. C’est encore un système très byzantin, et il y a beaucoup d'aspects à améliorer, mais le système s’améliore et il est à l’essai. N’oublions pas, s’il vous plaît, que les Nations unies sont constituées de leurs États membres. Si nous ne sommes pas prêts à faire preuve de leadership et à aider, pourquoi quelqu’un d’autre devrait-il le faire? N'oublions pas que nous sommes l'un des États membres.
    Les opérations de maintien de la paix ont changé parce qu’elles sont plus complexes, plus dangereuse, tout est accentué. Il ne s'agit pas de deux entités distinctes. Les opérations ont changé. Nous avons été très déçus. Nous avons pris beaucoup moins de recul dans certains pays. Les opérations sont maintenant dirigées par des pays en développement en ce qui concerne les troupes sur le terrain. Un général indien m’a dit: « Pourquoi aurais-je besoin des gens de la BIRFA? Je peux lancer une division de troupes indiennes sur le terrain ici demain avec le quartier général de la division, et ainsi de suite. » Les Nations unies ne veulent pas de mesures unilatérales; elles veulent des opérations multinationales. Encore une fois, ma suggestion précédente concernant un QG multinational est importante.
    Il ne faut pas oublier non plus qu'en matière de crédibilité, les troupes sur le terrain constituent un élément important — les Indiens et les Bangladais, et tous les autres. Si le Canada envoyait aussi des troupes sur le terrain, en plus des autres éléments dont nous avons parlé, nous jouerions de nouveau ce rôle de chef de file mondial.
    Général Thompson.
    Très brièvement, je pense que le grand changement a été le passage d’un grand nombre de missions relevant du chapitre VI à des missions relevant du chapitre VII, et l’inclusion dans le mandat de ces missions d'aspects comme la protection des civils. Lorsque vous confiez à une force de l’ONU le mandat de « protéger les civils », vous alourdissez sensiblement la mission. C'est à ce moment qu'il faut beaucoup de ressources. Pour revenir à ce que j’ai dit plus tôt, c’est une question de qualité et de densité de haut en bas.
    Lester Pearson n’a pas inventé le maintien de la paix. Il y avait des tonnes d’idées qui circulaient à New York à l’époque au sujet de la mise en place d’une force neutre entre les pays et leurs armées qui se combattaient. Il méritait amplement le prix Nobel de la paix parce qu’il a réussi à obtenir l’approbation de l’Assemblée générale — et non du Conseil de sécurité —pour déployer la force entre l’Égypte et Israël. Ce ne sont plus des pays, fort heureusement, qui s’attaquent les uns aux autres; ce sont plutôt ces factions. Du point de vue de notre participation et de notre rôle de chef de file, rappelons-nous un instant qu'à l’époque où nous avions un rôle de leadership, en 1992, nous représentions 1 % de la population mondiale et nous comptions pour 10 % des opérations de maintien de la paix dans le monde.
    On nous demande maintenant de nous joindre à des forces de 12 000, 16 000, voire de plus de 100 000 soldats déployés dans le monde entier. La seule fois où l’ONU, jusqu’à la fin de la guerre froide, a vraiment fait fausse route et n’a pas exercé d'opérations conventionnelles de maintien de la paix, c’est lorsqu’elle est allée au Congo en 1960, et que 250 Casques bleus ont été tués. Il ne s’agit plus de maintien de la paix conventionnel parce que, heureusement, les pays ne s’envahissent plus guère ces jours-ci et ne demandent pas à l’ONU de venir leur prêter main forte.
(1005)
    Votre temps est écoulé. Il passe vite.
    Monsieur Yurdiga.
     Merci monsieur le président, et merci aux généraux d’être venus et de nous avoir fait profiter de leur expertise. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
    J’ai entendu dire que l’ONU était « incompétente » ou qu’il y avait eu « incompétence ». L’ONU a-t-elle changé au fil des ans? Est-elle désormais plus compétente? De toute évidence, beaucoup de gens craignent que l’ONU ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités.
    J'aimerais simplement ajouter une pointe d’humour à cette discussion très sérieuse. J'ai déjà déclaré en public, à l'ICAD, que lorsque vous êtes un commandant de l’ONU sur le terrain, il est inutile de téléphoner à l’ONU après 17 heures ou la fin de semaine, parce qu’il n’y a personne pour répondre. Quand je suis revenu au Canada, j’ai été invité à New York. On m’a emmené dans un édifice à l’autre bout, face à l’édifice de l’ONU. Nous sommes montés dans un ascenseur jusqu’au troisième étage, et il y avait là une porte qui portait une affiche en carton. On pouvait y lire: « The General Lewis MacKenzie Memorial Situation Room. Nous travaillons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. » Ce service était commandé par un diplomate canadien qui dirigeait les opérations.
    Ils ont un QG intégré, comme l'a souligné le général Mitchell. Le problème, c’est qu’à un moment donné, pendant deux ou trois ans, un certain nombre d’officiers hautement qualifiés du Canada ont été prêtés à l’ONU pour établir et diriger le QG de l'organisation. Bon nombre de représentants de pays du tiers monde, etc., qui tenaient à leur indemnité quotidienne de 150 $US à New York, ont protesté parce qu’ils perdaient ces postes. On leur demandait de céder la place à des officiers majoritairement formés en Occident pour diriger le QG de l'organisation, et l’ONU a ensuite annulé tout cela après moins d’un an.
    Ils sont encore aux prises avec cette qualité inégale de personnel qualifié pour mettre sur pied et mener des missions à l’étranger, au point où le sous-secrétaire général du maintien de la paix à l’ONU a déclaré il y a moins de trois ans que l’ONU n’était pas en mesure de mener une mission à l’étranger à l’échelle où elle les mène aujourd’hui. Ils n’ont toutefois pas réglé le problème. Ils essaient toujours. Ils ont le coeur à la bonne place, mais c’est assez difficile à faire quand il y a des batailles à livrer au beau milieu de la République centrafricaine, par exemple.
    Je ne suis pas un expert des Nations unies, mais j’ajouterai rapidement que le siège civil de la FMO à Rome compte 12 professionnels. Je les connaissais tous par leur prénom. Si j’avais besoin de quelque chose, je prenais le téléphone et je les appelais. C’est tout le contraire de ce que ces deux messieurs ont dû endurer.
    Le principal problème que pose le fait d’être sur le terrain dans une mission est le fait que tout — du point de vue militaire et civil —est contrôlé par le côté civil, par l'intermédiaire du QG de l’ONU, et relève des Nations unies.
     Dans l’une de mes histoires préférées — et je ne peux même pas vous dire de quelle mission il s’agissait —, un commandant militaire voulait mener une opération en hélicoptère et attendait l'ordre de passer à l'action, mais au moment de lancer l'opération, on lui a dit que le ravitaillement en carburant n’avait pas été autorisé par le principal dirigeant administratif de la mission, de sorte que l’opération en hélicoptère n’a jamais eu lieu.
    Le plus gros problème, c’est le commandement et le contrôle, et c’est là que Denis, de la FMO, avait une merveilleuse entente qui lui permettait de contrôler les deux et de faire le nécessaire.
    Merci.
    Pour ce qui est du Mali, quel type d’opération militaire devrait-on mettre en place? Je sais qu’il ne s’agit pas d’une mission de maintien de la paix, car tout le monde est d’accord pour dire que ce n’en est pas une. Est-ce que quelqu’un d’autre devrait prendre l’initiative, plutôt que l’ONU, comme l’OTAN ou une autre organisation? Nous ne voulons pas rester là pendant 50 ans, parce qu’il n’y a pas de paix à maintenir. Que recommanderiez-vous? Qui devrait prendre l’initiative et mettre fin à ce conflit de façon efficace et rapide?
    Je dirais simplement que l’initiative a déjà été prise et que ce sont les Français qui tuent les méchants. Ils se concentrent sur les intégristes et ils opèrent avec une force mortelle. Ce ne peut certainement pas être l’ONU, parce que les trois autres participants qui sont là-bas en ce moment — et les quelques autres qui accompagnent les forces spéciales à titre officieux — ne sont pas prêts à accepter le leadership de l’ONU. Donc, si vous me demandez qui doit diriger — et je ne sais pas s’ils aimeraient cela —, je dirais que ce sont les Français.
    Encore une fois, je me souviens qu’immédiatement après l’intervention des Français et avant le conflit, on parlait de diviser le Nord en six zones différentes avec des équipes provinciales de reconstruction et de reproduire la structure qu'il y avait en Afghanistan. Il fallait mener une opération de contre-insurrection. Il ne faudrait pas beaucoup de ressources, pas autant qu'en Afghanistan, parce qu'il y a moins de population. De plus, même si la région est vaste, je pense qu'il serait probablement possible de résoudre ce problème d’un point de vue militaire et de laisser ensuite place au dialogue politique si des efforts suffisants sont déployés.
(1010)
     Votre temps est écoulé.
    Madame Alleslev.
    Merci d’être ici.
    Avant de poser ma question, j’aimerais confirmer quelque chose que vous avez dit dans votre témoignage, général Thompson. Vous avez dit quelque chose de très important, et j'aimerais m’assurer d’avoir bien compris.
    En votre qualité d’homme de la ligne de front, vous avez dit que la logistique est importante pour un commandant opérationnel, ou vous ai-je mal compris?
    Vous m’avez bien compris.
    Je dirai très rapidement qu'au sein de la FMO, il n’y a pas d’aliments transformés comme dans toutes les autres missions militaires auxquelles j’ai participé. J’avais droit à des fruits et légumes frais d’Israël et d’Égypte, et je l'appréciais beaucoup.
    À titre d'ex-logisticienne, je peux très bien comprendre, monsieur.
    Nous avons beaucoup parlé de la dégradation et de la diminution de notre rôle de leadership dans les opérations de maintien de la paix. Il n’y a pas beaucoup de militaires dans ma circonscription, si bien que lorsque je discute avec eux de nos alliances — l’OTAN, le NORAD et notre rôle dans les opérations de paix — on me répond souvent: « Pourquoi? Pourquoi est-ce important? »
    Les Canadiens apprécient ce qu’ils comprennent. Pour répondre à votre commentaire, général MacKenzie, les députés ont tendance à refléter les priorités des Canadiens et à défendre ce que les Canadiens jugent important.
    Comme Canadiens, messieurs, et comme leaders d’opinion et ex-spécialistes, que pouvons-nous répondre à cela? Quelle est la réponse à la question de savoir pourquoi le maintien de la paix ou les opérations de maintien de la paix sont importants pour le Canada, et pourquoi un rôle de leadership dans ce domaine est important pour le Canada et les Canadiens?
    Très brièvement, nous ne sommes pas en mesure d’assumer le rôle de leadership. Vous avez devant vous trois fantassins. La plupart des soldats sur le terrain, la plupart des victimes, et ainsi de suite...
    Je suis chef honoraire du service de police de Toronto. Nous avons 2 000 policiers de plus à Toronto que nous avons de fantassins dans l’Armée canadienne. Si nous rejoignons des forces d’environ 12 000 ou 16 000 soldats, nous n’avons pas la capacité... avec un certain nombre d’autres déploiements plus importants au sein de l’OTAN, même si vous n’êtes pas d’accord avec certains d’entre eux. Je ne le suis peut-être pas, mais peu importe. Ce sont des enjeux importants, qui exigent la bonne chaîne de commandement.
    À mon avis, nous n’avons pas la capacité d’assumer un rôle de leadership. Un rôle de leadership ne consiste pas seulement à fournir le commandant d’une des forces. Il est malheureux que nous n’en ayons pas un au Mali, par exemple, même si j’aurais plaint cette pauvre personne.
    Nous sommes minuscules. Nous ne sommes une menace pour personne, et notre armée est très petite.
    Mais devrions-nous y aller? Si nous décidons, et si les Canadiens décident que nous devrions jouer un rôle de chef de file, dans la même mesure que la valeur que nous accordons aux services de police à Toronto et que nous y affectons les ressources nécessaires, nous, les Canadiens, y consacrerons les ressources.
    Comment justifier notre participation? En invoquant l’époque à laquelle nous vivons et l’incroyable instabilité observée dans beaucoup d’autres régions du monde, non seulement en raison d'acteurs étatiques, mais aussi d'acteurs non étatiques?
    Je dirai simplement que nous sommes nostalgiques d'un passé maintenant révolu.
    Il suffit d’examiner la politique de défense, c’est-à-dire la défense nationale, la défense du continent et la défense des intérêts du Canada à l’étranger. Le maintien de la paix, si nous voulons utiliser cette expression — le maintien de la paix ou les opérations de maintien de la paix — relève de la défense des intérêts du Canada à l’étranger.
     Sommes-nous oui ou non un pays du G7? Voulons-nous avoir de l’influence dans le monde entier? Voulons-nous renverser toutes ces tendances négatives? C’est ainsi qu'il faut voir les choses. Nous sommes un acteur à part entière au sein de la communauté internationale, ou nous ne le sommes pas. Nous pouvons fermer les portes et nous asseoir ici, au Canada, les yeux fermés et heureux, et ces conflits ne nous concerneront probablement pas de notre vivant. Je pense que nous avons l’obligation d'intervenir, comme citoyens du monde, comme indiqué dans notre politique de défense.
    Nous vivons dans le monde. Nos échanges commerciaux internationaux, notre stabilité, sont tous dans notre intérêt. Ils sont impossibles sans la paix.
    Comme Canadiens, nous avons un intérêt particulier. Si vous prenez votre circonscription, le nombre d’immigrants de partout dans le monde qui s'établissent chez nous — après avoir fui d'un bon nombre de ces endroits — ont un intérêt et ils reflètent le Canada. Ils font partie du visage du Canada.
(1015)
    Comment allons-nous procéder? Quelles sont les trois choses essentielles que nous devons faire pour nous aider dans cette voie?
     Je vais devoir mettre fin à ce tour, puisque les cinq minutes sont écoulées.
    Nous allons passer à la deuxième série de questions, et c’est donc au tour de M. Garrison de poser les dernières questions. Comme nous avons toutefois plus de temps, nous pourrons revenir sur des questions restées en suspens.
    Merci monsieur le président.
    Général Mitchell, vous avez parlé au début de la création d’un centre canadien d'entraînement au maintien de la paix. C’est évidemment une suggestion qui me tient à coeur, et j’espère que le Comité la prendra très au sérieux.
    L’autre aspect dont vous avez parlé est moins connu comme contribution canadienne, et il s'agit du quartier général de mission à déploiement rapide. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu’il faudra pour relancer cette tradition?
    Le premier était une brigade. Il était composé de troupes en disponibilité, et non de troupes en disponibilité à temps plein. Par exemple, si le Canada disait qu’il allait fournir un escadron d’hélicoptères, il s’acquittait de ses fonctions normales et de tout le reste. Une ou deux fois par année, ses dirigeants suivaient une formation organisée par le quartier général de la brigade, le personnel de la planification. Ils donnaient une formation sur les procédures les politiques de l’ONU, et ainsi de suite.
    Nous pouvions accepter une mission particulière. Nous pouvions la visiter, et ce genre de choses. Nous renvoyions les gens et ils faisaient ensuite leur travail en hélicoptère pendant le reste de l’année. S’il était déployé et que le Canada acceptait de le déployer, cet escadron d’hélicoptères se déployait.
    Ce que je propose, c’est d’oublier la brigade. Je ne pense pas que cela se reproduira dans ces pays. Ils ne sont pas intéressés.
    Le joyau de la Couronne de cette brigade était son quartier général multinational. Ce quartier général a été déployé à de nombreuses occasions dans un délai de sept jours pour mettre sur pied une nouvelle mission ou élargir une mission en cours. Il était composé de tous les éléments d’un quartier général de mission militaire. Il comprenait même des policiers. Ils se rendaient sur place et organisaient le tout, y compris les communications, le jour même, peu importe l’endroit.
    Ils connaissaient les politiques et les procédures de l’ONU. Ils savaient comment faire tous les rapports et toutes les déclarations. Ils savaient qu’après trois mois, lorsqu’un pays fournissait l’officier principal des opérations — cette personne venait de l’Inde, du Bangladesh ou d’ailleurs —, notre officier des opérations prenait ses distances et devenait le numéro deux à appeler à l'aide en cas de besoin, et ce genre de choses.
    Ce que je dis, c’est que ce noyau d’un quartier général de brigade pourrait être composé de 10 ou d’une douzaine de personnes, à temps plein au Canada, qui feraient de la planification, prépareraient de la formation, tendraient la main aux autres pays, visiteraient les missions, resteraient en contact avec New York et établiraient la structure. Ce serait notre participation, à très peu de frais. Il s’agit davantage d’un potentiel de planification et de capacité. C’est ce que je propose.
    La raison pour laquelle l’idée du général Mitchell pourrait être pratique, c’est qu'elle serait appliquée à l’extérieur de l’ONU. L'expression « déploiement rapide de l’ONU » est contradictoire, c'est un énorme oxymore. Chaque fois que vous essayez d’établir une force d’intervention rapide, comme cela a été fait — et la responsabilité de protéger entre dans la même catégorie —, la Russie et la Chine s’y opposent. Puisque quiconque a des problèmes internes dans son propre pays ne veut pas que l’ONU ait une capacité de déploiement rapide, cela ne se produira jamais de notre vivant.
    Puisque j’étais au Timor-Oriental lorsque nous attendions l’arrivée de l’ONU, une attente qui a pris plus près de huit semaines que de huit jours, je suis grandement en faveur d'un quartier général pouvant être déployé rapidement.
    Les Australiens sont arrivés assez rapidement.
    Une fois que l’invitation leur a été lancée, ils étaient pratiquement déjà prêts.
    C’est là où je voulais en venir avec ma question. Y a-t-il d’autres pays qui ont la même expertise, ou est-ce que nous, Canadiens, avons un rôle particulier à jouer dans le quartier général à déploiement rapide?
    Je dois vous interrompre ici...
    Il ne faut jamais vous regarder dans les yeux.
    Des députés: Oh, oh!
    La bonne nouvelle, c’est que vous aurez plus de temps par la suite.
    Cela met fin aux deux séries de questions. Il nous reste encore du temps. J’ai sur ma liste les députés Gerretsen, Gallant, Garrison et Alleslev. Il restera une autre place si quelqu’un veut simplement poser une question.
    Cela dit, je vous cède la parole pour cinq minutes.
    Nous aimerions simplement intervertir les tours, si vous pouviez commencer par...
    Alors, je vais commencer de ce côté-ci.
    Madame Gallant, vous avez la parole.
    Merci monsieur le président.
    Les commandants militaires nous ont dit que les Canadiens iront dans le campement où se trouvent actuellement les Allemands. Il sera isolé, un peu comme un aérodrome. Il ne sera pas nécessaire d'assurer l’interopérabilité avec les forces du Burkina Faso, du Bangladesh, du Tchad ou avec les Chinois, qui auraient rendu leurs armes et fui.
    Comment décririez-vous les capacités et le niveau de menace des groupes terroristes qui livrent le combat aux effectifs des opérations de maintien de la paix au Mali?
(1020)
    Brièvement, lorsque nous avons établi des lieux de refuge en Bosnie, j’ai fait valoir que si vous voulez établir un lieu sûr, vous devez être au moins hors de portée de l’artillerie à longue portée et nettoyer ce secteur. Autrement, c'est comme si vous n'attendiez que d’être attaqué.
    À une moins grande échelle, la même chose se produira au Mali. Ce n’est pas parce que les systèmes d’armement qui peuvent menacer à partir d’un endroit lointain ne sont pas encore arrivés qu'il n'y en aura pas. Ces gens ont des commanditaires, que ce soit l’Iran, la Chine, la Russie ou qui que ce soit d’autre dans le monde, et ceux-ci leur fourniront les armes nécessaires pour épingler les croisés et les menacer.
    Le mieux que vous puissiez faire est de défendre votre complexe militaire et patrouiller à partir de ces endroits. J’espère que les Forces canadiennes auront la capacité de le faire et de nettoyer le secteur pour échapper à la portée de l’artillerie — ou à la portée du mortier dans ce cas-ci, qui est heureusement beaucoup plus courte.
     D’accord, et...
    Donc, si je peux me permettre de poursuivre, je me suis rendu jusqu'à Gao, et l'endroit ressemble beaucoup au Sinaï. C’est un endroit désertique. Je n’ai pas visité cet aérodrome en particulier, mais j’imagine que c’est un grand espace ouvert. Le général a parlé de C-RAM, la lutte contre la menace roquettes-artillerie-mortiers. C’est important. Cela vous indique quand des tirs arrivent vers votre position et, même si vous n'êtes évidemment pas toujours en mesure de les intercepter, vous avez au moins le temps de vous mettre à couvert, et d'éviter les pertes.
    Il y a toute une série d’autres mesures de protection à prendre, y compris l’installation de caméras infrarouges à longue portée, et ainsi de suite, mais quelqu’un...
    Une voix: Des drones.
    Mgén (à la retraite) Denis Thompson: Des drones, bien sûr, et ils en ont. Mais quelqu’un doit aller sur le terrain et affronter ces gens-là s’ils s'attaquent à vous. Pour ce qui est des États commanditaires, quand l’un des obus de mortier qui a frappé mon campement en Égypte n’a pas explosé, nous avons pu constater que les ailettes arrière étaient triangulaires, ce qui signifiait que l'obus avait été fabriqué en Iran. Nous savons donc que ces gens sont appuyés par des organismes externes. La preuve en a été faite, pour ainsi dire.
    Pouvez-vous nous dire en quoi notre protection aérienne sera différente de celle des Allemands? Qu’aurons-nous par rapport à ce que les Allemands ont actuellement? Est-ce que cela va changer? Vous avez dit qu’ils ont la capacité de détecter les obus de mortier qui arrivent, mais qu’ils n’ont pas la capacité de les intercepter avant qu'ils atteignent le campement.
    Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas ce qu'ont les Allemands.
    Je n'aime pas quand il est question de nos hélicoptères de combat. Il en a été question ici. Nous avons des hélicoptères utilitaires de transport des troupes dotés d'une mitrailleuse dans la porte. Ses balles peuvent atteindre le sol, mais la mitrailleuse n'est pas précise, et ce n’est pas du tout une critique. Ces hélicoptères n’ont jamais été conçus pour escorter deux Chinook, contrairement aux hélicoptères Apache dont dispose actuellement la force, mais on me dit qu’ils s'en vont. Il s’agit de bons hélicoptères de combat, qui permettent de localiser une cible au sol.
    Ils n’auront donc pas la même capacité puisqu’ils les remplacent, d’un seul coup.
    Étant donné que nos soldats seront probablement ciblés, tout comme les troupes actuelles sur le terrain, recommandez-vous ou suggérez-vous que ces groupes de lutte contre le terrorisme entourent ou protègent notre campement lorsque nous serons sur place?
    J’ose espérer que c'est ce que feront les Forces canadiennes. Je sais que l'on y travaille — c’est sûr —, mais l’information est diffusée au compte-gouttes. J’ai bon espoir qu’ils en sont conscients et qu’ils prendront les mesures qui s'imposent.
    Oui, je ne peux pas imaginer que nous déploierions une force sans tenir compte de cette éventualité.
    Il est très difficile pour le Comité d’avoir une idée de ce qui se passe — ce qui est prévu et ce qui se passe dans les faits —parce que nous n’avons pas eu de séances d’information comme nous en avions eu, par exemple, pour l’Afghanistan et pour d’autres missions antérieures. Nous nous en remettons aux informations qui ressortent au compte-gouttes des actualités pour comprendre ce qui se passe dans le cadre de cette mission et des missions à l’étranger.
    En ce qui concerne la notion initiale de maintien de la paix, avons-nous le consentement de toutes les parties au Mali, à votre connaissance, pour intervenir comme nous le faisons?
    Je vais devoir vous arrêter là. Je suis désolé, mais nous n’avons plus de temps pour cette question.
    Je cède maintenant la parole à M. Gerretsen.
(1025)
    Merci monsieur le président.
    Général MacKenzie, pour reprendre là où nous nous étions arrêtés, vous avez dit que les politiciens ne comprenaient pas ou qu’il y avait un manque de compréhension chez les élus quant à notre rôle dans le maintien de la paix.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Oui, et je remonte loin dans le temps, mais au milieu des années 1990, lorsque les gens qui lisaient les déclarations préparées au Parlement en soirée ne connaissaient pas la différence entre l’OTAN et l’ONU, ce n’était pas très encourageant.
    Comprenons-nous mieux maintenant?
    J’attendrais avant de répondre à cela. Je ne peux pas porter de jugement parce que je n’ai pas vu de débats à ce sujet.
    Pour revenir au commentaire de M. Mitchell au sujet de la diminution du financement en 2012, qui a mené à la fermeture du Centre Pearson pour le maintien de la paix, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, cela a un peu à voir avec notre compréhension insuffisante?
     Je crois que c’est parce que les militaires canadiens n'étaient pas satisfaits non plus du Centre Pearson pour le maintien de la paix. Ils estimaient qu’ils pouvaient mieux préparer leur personnel que le Centre, parce que ce dernier n’allait pas plus loin que la formation des observateurs et des dirigeants qui participent aux opérations de maintien de la paix. On y négligeait de tenir compte de la formation des civils, comme dans le cas des policières africaines qui étaient amenées au Canada, ou d'un certain nombre d’autres organisations civiles. Nous avons organisé des jeux de rôles au Musée de la guerre qui, d’un point de vue militaire... Flora MacDonald, Dieu ait son âme, qui était assise à mes côtés comme représentante politique...
     La dernière grande progressiste-conservatrice.
    Oui, et c’était un exercice très efficace, et cela nous a coûté... Je ne sais pas ce que cela nous a coûté, peut-être 50 000 $ environ. Nous ne dépensions pas beaucoup d’argent.
     C’était honteux. Nous avions aussi un conseil assez impressionnant. Beaucoup de gens compétents siégeaient au conseil d’administration et faisaient de bonnes recommandations.
    Monsieur Mitchell, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J’allais simplement dire que si ce centre international de formation au maintien de la paix était mis sur pied et financé à titre d’organisme gouvernemental ou d'institution gouvernementale, l’une de ses tâches pourrait consister à informer les députés et à leur donner des cours, des séminaires ou autres.
     Il y a d’autres façons de procéder. Vous pouvez demander à l’ICAD et à d’autres groupes de procéder de la sorte, mais vous pouvez aussi préférer exercer un contrôle direct qui vous permet de vous tenir au courant comme vous le souhaitez.
    J’ai du mal à comprendre. Je vais terminer là où j’ai commencé, avec vous, général Mitchell.
    Nous parlons de la belle réputation qu’a toujours eue le Canada dans le domaine du maintien ou du soutien de la paix. Pourquoi avons-nous choisi de nous en retirer en y affectant moins de ressources? Pourquoi avons-nous fermé le Centre Pearson pour le maintien de la paix? Pourquoi avons-nous jugé qu’il fallait cesser de financer?
    Il a dû y avoir une raison légitime, autre que ce que M. MacKenzie a dit au sujet de l’incompréhension.
    Personnellement, je crois qu’il y avait un manque d’intérêt à l’époque, que le gouvernement d’alors ne voulait pas investir dans des organismes sans but lucratif, des ONG ou quoi que ce soit d’autre. Cela s’appliquait à tous. C’en était simplement un parmi d’autres. Il figurait dans la liste des cibles.
    Oui, comme notre retrait du SADC et les autres choses que nous avons faites.
    Le SADC n’est pas une ONG. C’est un outil offrant des capacités.
    Je comprends cela. Je dis simplement qu’il y a un thème commun.
    J’essaie de répondre sans tomber dans la politique, mais je suis…
    Je ne suis pas du même...
    Des voix: Oh, oh!
    Je comprends cela. Tout ce que je dis, c’est que si une chose ne vous est pas utile ou si vous n’en voyez pas la valeur, vous cesserez de la soutenir. Dans ce cas particulier, je ne pense pas que sa vraie valeur ait été reconnue. L’apport des ressources et les résultats sur les scènes internationale et nationale étaient énormes.
    Dans les quelques secondes qu’il me reste, je voudrais vous demander si vous maintenez toujours la recommandation formulée dans votre article, comme nous en avons discuté ici, à savoir que c’était la voie à suivre pour le Canada?
    Bgén (à la retraite) Gregory Mitchell: Oui.
    M. Mark Gerretsen: Oui?
    Oui, tout à fait.
    M. Mark Gerretsen: D’accord. Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Garrison, c’est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Général Thompson, vous avez parlé de la complexité accrue des missions lorsqu’elles comportent également un rôle de protection des civils. J’aimerais en savoir un peu plus sur ce que vous pensez de la réussite des missions. Encore une fois, en tant qu’observateur des droits de la personne sur le terrain, je peux vous dire que les missions ont bien souvent été couronnées de succès pour les civils parce qu’elles ont apporté une certaine sécurité et permis un certain retour à une vie plus normale, mais elles n’ont pas été des réussites sur le plan politique.
(1030)
    Il faut dire tout d’abord que toute force, qu’il s’agisse d’une force de maintien de la paix, de soutien de la paix ou de contre-insurrection, peu importe comment vous l’appelez, doit créer les conditions dans lesquelles les belligérants sont dissuadés et la population civile est rassurée. Pour cela, il faut le nombre et il faut la densité qualitative, comme je l’ai déjà mentionné.
    Je vais vous donner quelques chiffres. Dans une situation de contre-insurrection, pour réussir, il faut 20 membres des forces de sécurité — il peut s’agir de forces internationales ou locales — pour une population de 1 000 personnes. Pour assurer la sécurité en Afghanistan, il faut 500 000 membres des forces de sécurité si l’on veut avoir une action efficace. Ce sont des chiffres solides. Si vous avez un mandat de protection des civils et que vous êtes dans une situation de contre-insurrection, c’est l’ordre de grandeur auquel vous devez songer.
    Si vous ne pouvez pas le faire — et c’est souvent le cas —, vous devez créer ce que le général MacKenzie a mentionné, c’est à dire des zones protégées de l’ONU. Mais la protection des gens qui s’y trouvent exige des ressources suffisantes. Si vous n’êtes pas capables de les fournir, il faut alors en venir à la mesure minimale, qui est malheureusement d’amener ces civils en tant que réfugiés ou personnes déplacées à l’intérieur de votre camp pour assurer leur protection.
    Ces deux dernières options sont en fait les moins souhaitables. En fin de compte, il faut faire ce que nous avons fait dans le cas de l’OTAN: inonder le pays de troupes. Le Kosovo en est un autre exemple. Il y avait 40 000 soldats de l’OTAN dans ce tout petit pays. Leur présence a complètement stabilisé la situation, presque du jour au lendemain. De fait, je me souviens que, lors de mon séjour là-bas, on ne pouvait pas faire un kilomètre sans rencontrer un autre poste de contrôle de l’OTAN. Cela a créé ce que j’ai appelé à l’époque un « embouteillage des belligérants ». Vous ne pouviez vous rendre nulle part sans rencontrer un soldat de l’OTAN.
    La FORPRONU, la Force de protection des Nations unies — avec un effectif de 12 000 à 14 000 membres dans les zones protégées des Nations unies — a fonctionné. Malheureusement, pour la première fois dans l’histoire militaire, les gens en première ligne plaignaient ceux de l’arrière, terrés au quartier général — sous les obus — à Sarajevo. Les gens du coin disaient: « Quel idiot vous a donné le titre de force de protection? » Nous avons répondu: « Oui, mais nous sommes le quartier général de la force de protection qui est à 300 kilomètres. » Cette réponse ne leur plaisait guère, car nous n’étions pas, avec 30 conscrits suédois ou leur unité d’infanterie, en mesure de protéger qui que ce soit, sauf par des moyens diplomatiques.
    Mais des zones protégées ont été créées.
    Tout à fait. Elles l’ont été, à la frontière croate-bosniaque, et cela a fonctionné. Ces zones étaient, au début, relativement paisibles, jusqu’à ce que tous les diables se déchaînent.
    Un élément de la nouvelle situation qui semble caractériser les missions de maintien de la paix est la présence de groupes tout à fait disposés à créer de la misère humaine pour recruter ou discréditer d’autres personnes sur le terrain. Nous avons vu des attaques contre ce qu’on pourrait appeler l’infrastructure qui soutient les civils. Nous avons vu des attaques contre les organismes d’aide humanitaire.
    Diriez-vous que c’est un élément important du nouveau contexte du maintien de la paix, général Mitchell?
    Certainement. Il y a des éléments criminels qui ont un intérêt direct dans l’insécurité d’un État. Plus il y a de bouleversements, plus il y a de violence, mieux ils peuvent travailler. Il y a des pays voisins portés à s’immiscer, comme au Congo et ailleurs, à cause des ressources naturelles. Il y a l’EIIS, Al-Qaïda et tous les autres qui profitent des bouleversements. Il est dans leur intérêt direct, et dans leur meilleur intérêt, de se débarrasser de quiconque représente la stabilité, de l’attaquer, de la discréditer ou de faire tout ce qu’ils peuvent pour lui nuire. La raison d’être d’une force de l’ONU ou d’une force de maintien de la paix est d’apporter la stabilité ou d’y contribuer.
    Merci.
    Madame Alleslev, la parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Pour poursuivre sur le thème de la conversation avec les Canadiens, nous avons parlé plus tôt de ce qui est aujourd’hui un spectre de conflits, qui n’a pas nécessairement le caractère de clarté de la situation de guerre ou de paix qui existait il y a peut-être une génération ou avant 1990 et la guerre froide.
    Comment pourrions-nous expliquer que la terminologie importe? Quels termes devrions-nous employer, même pour donner un titre à notre étude? Notre étude s’intitule « La contribution du Canada aux efforts internationaux de maintien de la paix » et, pourtant, dans tous les témoignages, nous passons à côté. Sommes-nous dans une nouvelle ère où nous devons expliquer autrement la guerre, la paix et les conflits? Comment devrions-nous la caractériser et quelle terminologie faudrait-il employer pour mieux communiquer ces idées entre nous, avec ceux qui sont sous la tente et avec les Canadiens en général?
(1035)
    Je ne sais pas. Nous n’avons pas eu beaucoup de succès avec les éditoriaux, les entrevues télévisées et tout le reste. La génération moderne ne reçoit pas les nouvelles de cette façon. Ce n’est pas le genre de choses qu’on voit dans les médias sociaux, les blogues et le reste. Honnêtement, je ne sais pas.
    Nous essayons de nous débarrasser de ce mythe du maintien de la paix depuis des décennies, mais sans succès. Les gens en ont assez des conflits militaires depuis l’Afghanistan, et naturellement les forces ont un problème d’attrition, paradoxalement parce qu’il n’y a pas assez d’opérations. Ce n’est pas pour cela que les soldats se sont enrôlés. Nous sommes tous des combattants de la guerre froide — du moins moi je le suis, moi qui me suis entraîné en criant « pan, pan, pan » lorsque, dans les exercices, je simulais des coups de feu, parce que nous n’avions pas de munitions à blanc, et ainsi de suite.
    Je suis moi aussi de l’époque de la guerre froide.
    Je ne connais pas la réponse à votre question. Je ne le sais vraiment pas.
    Je pense qu’il faut simplement continuer à sensibiliser les gens et à parler du spectre.
    Pendant que nous parlons du spectre, j’utilise ce mot délibérément. La prévention des conflits coûte 1 $ et à l’autre extrémité, la non-prévention coûte 100 $. Ce sont des ordres de grandeur, plus lourds que le prix du sang versé. Je vais vous donner très rapidement un exemple de prévention des conflits parce que, contrairement au général MacKenzie, j’ai passé cinq ans et demi dans le temple du casse-tête là-bas, dans le groupe des politiques, y compris un détachement aux Affaires étrangères, alors je crois comprendre comment fonctionne le gouvernement.
    S’agissant de la prévention des conflits, a-t-on entendu parler du conflit entre le Cameroun et le Nigeria? Probablement pas, n’est-ce pas? Il y a beaucoup de pétrole dans la péninsule de Bakassi et il existe un risque réel de conflit entre ces deux pays. Cependant, en 2005, il y avait un RSSG pour l’Afrique de l’Ouest. Le Département des affaires politiques a demandé au Canada de lui fournir un officier militaire pour l’aider à délimiter la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. Cette mission a été couronnée de succès. À ce que je sache, la guerre entre le Nigeria et le Cameroun n’a pas eu lieu. Le problème existe toujours, mais il a été réglé dans une large mesure. Voilà un exemple classique de la prévention des conflits. Mais personne ne le sait et personne ne s’en soucie. Cela ne fait pas les manchettes.
    J’abonderai dans le même sens avec un autre exemple: Abia au Soudan du Sud, entre le nord et le sud du Soudan, est une région riche en pétrole. S’ils avaient simplement accepté la Commission Abia et décidé où passait la frontière, qu’il y ait sécession ou non, il n’y aurait pas de problème, mais ils ont dit « Ahh » et ils se sont retirés. Les combats, la guerre, se poursuivent.
    Cela débute donc avec nous. Aidez-nous à nommer l’étude.
    Appelez-la « opérations internationales ». Je pestais contre mon titre quand j’étais là-bas. J’étais directeur de la politique de maintien de la paix et je faisais tout sauf du maintien de la paix. Je faisais toutes sortes d’opérations. Il suffit de les appeler « opérations internationales », pas même « opérations militaires » parce que, encore une fois, il s’agit d’une approche globale qui doit être appliquée — et je n’aime pas l’expression « approche pangouvernementale » — à toutes ces situations de sécurité internationale.
    Donc, la politique étrangère par d’autres moyens, avec insistance sur les relations internationales.
    C’est un peu un virelangue.
    Un député: C’est trop long.
    Mme Leona Alleslev: Oui, évidemment.
    Bgén (à la retraite) Gregory Mitchell: J’espère, et je crois, que c’est ce que vous allez faire, mais vous n’en êtes qu’à vos débuts, et cela doit inclure Affaires mondiales, les services de police et les services correctionnels, et vous devriez avoir des juges. Si vous partez, vous ne faites pas que de la sécurité militaire et policière sur le terrain, mais vous contribuez à l’édification de la nation. Il y a toutes sortes d’autres choses qui doivent se faire dans le cadre d’opérations de soutien de la paix.
    Je pense que vous avez très bien résumé la situation. L’effort doit être stratégique, opérationnel et tactique, et il doit être militaire, policier et civil. Nous devons l’examiner, non pas peut-être comme une opération pangouvernementale, mais comme une infrastructure globale, ou peu importe, et c’est plus que cela.
    Nous devons donc définir le spectre des conflits et aider les gens à comprendre qu’en passant du chapitre VI au chapitre VII on se rapproche certainement du conflit, et que tout ce que nous faisons, qu’il s’agisse de l’OTAN, de l’ONU ou de quoi que ce soit d’autre, comporte diverses missions précises dans ce spectre du conflit.
    Est-ce exact?
    Je hisse le drapeau blanc. Il faut passer au suivant. Désolé.
    Puis-je avoir un oui ou un non?
    M. Robillard sera notre dernier intervenant.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Quelles leçons les Nations unies ont-elles retenues des échecs et des succès passés en matière de maintien de la paix?
    Par ailleurs, comment convaincre les Canadiens que les leçons découlant des opérations de maintien de la paix en Somalie, au Rwanda et en ex-Yougoslavie ont été apprises et que ces erreurs ne se reproduiront plus?
(1040)

[Traduction]

    C’est une question suggestive, et je n’essaie pas d’éviter de répondre, mais je dirais que cela dépend de qui dirige le programme. C’est là le problème, ce qu’il faut déterminer.
    S’il s’agit des Nations unies, nous allons devoir accepter le handicap de la représentation multinationale au commandement et au contrôle à New York, avec l’intervention directe du Conseil de sécurité qui est informé par le secrétaire général. Il obtient rarement, voire jamais, la réponse qu’il recherche, parce que ses commentaires exigent des ressources qu’il n’obtiendra pas.
    Quand les refuges ont été établis en Bosnie, j’étais à la retraite à l’époque et j’ai dit qu’il fallait 110 000 soldats pour défendre les refuges. Mon successeur m’a dit qu’il m’avait entendu interviewé et qu’il essaierait avec un effectif de 80 000. Le secrétaire général est allé au Conseil de sécurité et a en demandé 27 000 et, six mois plus tard, 2 000 personnes se sont présentées. Tel est le processus décisionnel. Aux Nations unies, il n’a pas changé.
    Les Nations unies, c’est nous. Nous fournissons les ressources, et elles ne sont fournies  — et je sais qu’il est malséant de le dire — que par des pays qui veulent se faire rémunérer pour leur contingent de soldats mis à la disposition de l’ONU.
    Il convient de signaler que le Canada verse, je crois, près de 2 % des contributions fixées pour les opérations de maintien de la paix. Non seulement devrions-nous envoyer des troupes sur le terrain, mais nous aurions aussi intérêt à protéger nos investissements dans les opérations de maintien de la paix.
    D’une part, je ne pense pas que les Canadiens, pour la plupart, savent ou se soucient vraiment, pour être bien franc, lorsqu’on demande: « Avons-nous appris les leçons, etc.? » Je pense que les gens ont la mémoire très courte. À l’exception des événements qui se sont passés plus récemment, pendant plus d’une décennie, en Afghanistan, ils ne sont pas vraiment au courant de ces autres choses, à moins d’avoir lu, par exemple, le livre de Roméo Dallaire sur le Rwanda.
    Dans une optique prospective, il ne devrait pas y avoir de duperie, pas de dorure de pilule. Il faut dire carrément: « Nous allons au Mali pour mener une opération de contre-insurrection sous l’égide de l’ONU », ou peu importe. Il ne faut pas dire: « Oh, nos gens sont en sécurité, et voici ce qu’ils vont faire. » Soyons francs avec les Canadiens. Inspirez-vous du général Hillier, qui a parlé ouvertement de ce à quoi il fallait s’attendre, des pertes et ainsi de suite.
    Je pense que ce qui est important, du point de vue parlementaire, c’est ceci: qu’est-ce que nous cherchons à réaliser? Pourquoi allons-nous faire cela? Pourquoi le Mali? Je n’ai jamais entendu d’explication sur la raison pour laquelle le Mali l’emporte sur quoi que ce soit d’autre. Il était sur la liste, mais pourquoi? Quels sont nos intérêts là-bas? Pourquoi celui-là et pas un autre? Qu’espérons-nous accomplir? Comment allons-nous procéder, avec quoi et quand? Si vous pouvez expliquer ces choses, les Canadiens diront: « D’accord, cela semble logique », ou ils ne le diront pas. Ils en débattront.
    Une voix: Pas de la façon qu’on l’explique.
    Je crois que notre temps est écoulé.
    Je tiens à vous remercier tous les trois de votre contribution franche et précieuse à cette discussion et de votre service au Canada.
    Sur ce, la séance est levée.
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