NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la défense nationale
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 16 mai 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité de la défense, convoquée à la demande des partis de l'opposition en vertu du paragraphe 106(4) du Règlement.
Avant de céder la parole au député Bezan, je reviens sur quelques questions qu'il a posées à la Chambre ces derniers jours.
Elles méritent qu'on y réponde, monsieur Bezan, alors je vais vous donner la réponse que vous connaissez déjà, je crois, quant au déroulement de cette réunion, parce qu'elle se rapporte à notre présence ici aujourd'hui.
Vous êtes venu me voir et m'avez demandé si la séance pouvait être télévisée. J'ai dit que je vérifierais, ce que j'ai fait. On m'a dit que même si ces salles, les salles modernes — nous en avons beaucoup dans cet édifice et dans l'autre, le nouveau — ont tout ce qu'il faut pour la télévision, nous ne pouvons pas le faire parce que nous manquons d'équipes techniques, vu que d'autres comités voulaient être télévisés. C'est la réponse qu'on m'a donnée.
Je vous ai ensuite demandé s'il y avait autre chose que je pouvais faire pour vous, et vous avez demandé si nous pouvions passer de notre salle habituelle à une plus grande afin de pouvoir accueillir plus de gens et la presse. J'ai dit que je vérifierais, puis j'ai déplacé la réunion ici. Comme vous le voyez, ce n'est pas notre salle habituelle. J'ai fait à peu près tout ce que je pouvais pour accéder à vos demandes.
En fouillant un peu, j'ai découvert qu'il y a eu trois réunions convoquées en vertu du paragraphe 106(4) dans l'histoire de notre comité, deux pendant la 42e législature, sous ma présidence, et une tenue en public. Il y en a une qui était télévisée, une autre qui était publique, où les gens pouvaient venir, et il y avait tout un tas de journalistes ici. La troisième, durant une autre législature et sous un gouvernement conservateur, s'est déroulée à huis clos.
Je pense avoir fait ma part. Nous avons fait notre part pour être aussi transparents que possible. Cette réunion est ouverte aux gens qui veulent regarder, écouter ou faire ce qu'ils ont à faire. Tout se passe dans la transparence. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu exactement ce que vous vouliez, mais j'ai fait de mon mieux pour vous accommoder.
Sur ce, je vous invite à présenter votre motion et à faire valoir votre point de vue.
Merci, monsieur le président.
Vous avez eu l'occasion hier et aujourd'hui de répondre à cette question à la Chambre, et malheureusement, vous n'en avez pas profité. Je dirai simplement ceci: même si nous avons une caméra dans la salle, ce n'est toujours pas la même chose que la télédiffusion en direct. Je ne crois pas que les autres réunions de comité suscitent beaucoup d'intérêt. Je sais que les partis de l'opposition ont demandé que celle du comité du patrimoine ne soit pas télévisée afin de libérer les ressources nécessaires pour téléviser la nôtre.
Cela dit, je vous renvoie à la lettre du 12 mai signée par quatre membres du Comité. Elle dit ceci:
À de nombreuses occasions, le premier ministre a porté préjudice à la conduite de l'affaire [du vice-amiral Mark Norman] en prévoyant à tort que l'enquête de la GRC donnerait lieu à des poursuites. Cela suggère que lui et son cabinet ont eu un accès inapproprié à des renseignements concernant une procédure pénale indépendante.
Il est également clair que le gouvernement a tenté de s'ingérer politiquement dans un contrat de construction navale. Quand cela a été révélé, il a réagi en dénigrant la réputation d'un officier de marine hautement respecté. Cela a eu un effet néfaste sur le moral des Forces armées canadiennes.
Si le Comité accepte d'étudier ces développements inquiétants lors d'une réunion d'urgence la semaine prochaine, nous serions prêts à proposer la motion suivante:
Que le Comité invite les témoins suivants à comparaître:
le vice-amiral Mark Norman;
le premier ministre Justin Trudeau;
le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan;
le ministre de la Justice, David Lametti;
le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale;
la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Carla Qualtrough;
l'ancien président du Conseil du Trésor Scott Brison;
l'ancienne ministre des Services publics et de l'Approvisionnement Judy Foote;
le chef d'état-major de la Défense, Jonathan Vance;
l'ancien greffier du Conseil privé Michael Wernick;
le chef de cabinet du premier ministre, Katie Telford;
l'ancien secrétaire principal du premier ministre, Gerald Butts;
le député d'Orléans, Andrew Leslie;
le directeur des politiques de la ministre des Institutions démocratiques, James Cudmore;
qu'en vertu du paragraphe 10(3) de la Loi sur le Parlement du Canada, les témoins soient assermentés;
que chaque témoin comparaisse individuellement pendant au moins une heure;
que tous les témoins comparaissent au plus tard le 24 mai 2019;
que la réunion du Comité soit télévisée.
Voilà pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui. Je vais maintenant parler de cette motion.
Comme nous le savons, la semaine dernière, la Couronne a suspendu toutes les accusations d'abus de confiance qui pesaient contre le vice-amiral Norman, en disant qu'il n'y avait aucune perspective raisonnable de condamnation. Tout de suite après, le ministre Sajjan annonçait qu'il assumerait tous les frais juridiques du vice-amiral Norman. Le vice-amiral Norman était vice-chef d'état-major de la Défense jusqu'à sa suspension en janvier 2017, mais il n'a pas été accusé par la GRC avant mars 2018. Il n'occupait donc pas son poste de vice-chef d'état-major depuis plus de 13 mois.
L'équipe qui assurait sa défense a allégué durant le procès que le Cabinet du premier ministre essayait de diriger la poursuite. Cela vient directement de l'équipe de défense du vice-amiral. En février, la GRC accusait un deuxième fonctionnaire d'abus de confiance à la suite de la fuite présumée de documents du Cabinet concernant la construction d'un ravitailleur, un contrat naval de 700 millions de dollars.
Il apparaît de plus en plus que le premier ministre Trudeau et le gouvernement libéral ont fait de l'ingérence politique dans cette affaire et ont tenté de détruire le vice-amiral Mark Norman. Ils ont terni sa réputation et son intégrité. Comme la poursuite l'a bien dit lors de la conférence de presse de la semaine dernière, les documents que le premier ministre avait en sa possession et que les libéraux tenaient absolument à ne pas divulguer à la poursuite, ni au vice-amiral Norman, sont les documents mêmes qui ont mené à l'abandon des accusations contre lui.
C'est une charge très accablante qui pèse sur le gouvernement du Canada. Il y a tout lieu de penser que le gouvernement libéral cachait délibérément des éléments de preuve afin de maintenir, pour des raisons politiques, une poursuite bidon contre le vice-amiral Mark Norman. Il y a tout lieu de croire à de l'ingérence politique, et les Canadiens méritent des réponses, tout comme nous, les parlementaires.
Cacher des documents clés qui auraient pu exonérer le vice-amiral Norman, utiliser des noms de code dans les échanges de courriels pour déjouer les demandes d'accès à l'information, faire préparer les témoins par des avocats du gouvernement... toute cette affaire obéit depuis le début à des mobiles politiques.
En tant que députés de l'opposition, nous allons nous employer à démontrer à quel point la conduite du premier ministre est consternante. Il est de notre devoir de parlementaires de demander des comptes au gouvernement.
Qu'on soit du parti ministériel ou qu'on occupe les banquettes de l'opposition, il est de notre devoir de demander des comptes au gouvernement. Lorsqu'il semble y avoir atteinte au système de justice, comme nous l'avons vu avec SNC-Lavalin et Jody Wilson-Raybould et comme nous le voyons avec le vice-amiral Norman, on dirait que nous avons un système de justice à deux paliers, un pour le premier ministre et ses amis et un pour tous les autres, dont le vice-amiral Norman.
Il y a beaucoup de questions qui exigent des réponses. Dans sa déclaration de la semaine dernière, le vice-amiral Norman a dit qu'il avait encore des choses à raconter que les Canadiens aimeraient entendre. Une partie de l'information a été rendue publique, et je tiens à ce qu'elle figure au compte rendu du Parlement. Pourquoi est-ce le vice-amiral Norman qui a été accusé? Est-ce pour des raisons politiques? Est-ce que cela venait directement du premier ministre ou de son cabinet?
Comme on peut lire dans le hansard du 14 mai, le premier ministre déclarait cette semaine:
Des mesures ont été prises contre le vice-amiral sur les instructions du chef d'état-major de la Défense. Tout le monde sait cela.
C'est une des raisons pour lesquelles nous voulons que le chef d'état-major de la Défense, le général Vance, vienne ici pour répondre aux accusations du premier ministre.
David Pugliese écrivait ce qui suit le 4 décembre:
Grâce aux dossiers déposés récemment par l'avocate de M. Norman, le public sait maintenant que le Bureau du Conseil privé a mené sa propre enquête interne sur la présumée fuite de renseignements. Cette enquête a permis de déterminer que 73 personnes étaient au courant du résultat de la réunion des ministres au sujet du navire de ravitaillement après qu'elle eut pris fin.
Nous fournirons le document qui énumère tous les noms.
Nous avons une question: pourquoi le gouvernement libéral ne divulguerait-il pas les documents que la cour a exigés par voie de subpoena? À la période des questions, le ministre Lametti affirmait pourtant:
[...] comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, le gouvernement et mon ministère en particulier ont rempli toutes leurs obligations en ce qui concerne les documents exigés dans cette affaire.
Nous l'avons entendu encore et encore pendant la période des questions. Le ministre ajoutait ceci:
Le système a bien fonctionné aujourd'hui. Les députés n'ont pas à me croire. Ils n'ont qu'à croire l'avocate du vice-amiral Norman, qui a dit que le droit avait primé.
Or, ce que Marie Henein a dit en fait, c'est plutôt ceci:
Il y a de quoi s'inquiéter lorsque quelqu'un tente d'ébranler la solidité du système de justice ou démontre qu'il ne comprend pas pourquoi elle est si essentielle aux valeurs démocratiques qui nous sont si chères. Tantôt on est d'accord avec ce qui se passe dans un tribunal, tantôt on ne l'est pas. Et c'est très bien. Mais ce qui ne se fait pas, c'est de peser du doigt sur la balance de la justice pour essayer de la faire pencher. Cela ne devrait pas se produire. Vous avez tous vu depuis six mois comme nous avons essayé, jour après jour, d'obtenir ce matériel. Il aurait dû nous être remis. Il aurait dû être remis à la GRC. Il aurait dû être remis à la poursuite. Il ne l'a pas été. Pourquoi? Je ne sais pas. Je vous laisse répondre à cette question.
C'est tiré directement de la conférence de presse donnée la semaine dernière par Marie Henein.
De même, pourquoi le gouvernement libéral s'est-il entêté à garder secrets ces documents qui auraient pu exonérer le vice-amiral Mark Norman il y a des mois, voire dès le début de cette terrible épreuve, il y a trois ans? Voici ce que disait à ce propos le correspondant Murray Brewster, de CBC:
Il n'est pas clair si la GRC ou la Couronne savaient avant de porter l'accusation d'abus de confiance que M. Norman avait reçu des consignes du gouvernement Harper.
Cette information aurait pu se trouver dans une pile de documents du Cabinet de l'époque conservatrice que le gouvernement libéral actuel a tenu à garder secrets.
« La GRC n'avait pas l'information et elle ne l'a pas examinée », a déclaré l'avocate de M. Norman, Marie Henein, la semaine dernière lors d'une conférence de presse tenue après que la Couronne eut suspendu l'accusation contre son client.
C'était la semaine dernière, le 13 mai, à CBC.
Maintenant, il paraît que certains de nos anciens ministres et le premier ministre Harper auraient pu refuser de lever le secret du Cabinet. Eh bien, Stephen Harper a réagi ainsi sur Twitter le 1er décembre 2018 à un article paru dans le Ottawa Citizen:
Cet article fait erreur et devrait être corrigé. Je n'ai fait part d'aucune objection à la publication de tout document relatif à l'affaire Norman. Il est évident qu'on cherche à détourner l'attention du gouvernement actuel.
Le premier ministre Harper avait donc donné au premier ministre Trudeau tout pouvoir d'accéder aux documents du Cabinet concernant l'affaire du vice-amiral Norman.
Il faut se demander aussi ce que le gouvernement libéral essayait de camoufler en utilisant des noms de code pour déjouer les demandes d'accès à l'information concernant le vice-amiral Norman. Voici ce qu'écrivait encore David Pugliese le 20 décembre:
Les Forces canadiennes enquêtent pour savoir si un général qui se serait vanté d'avoir caché par exprès des documents nécessaires à la défense du vice-amiral Mark Norman a agi de mauvaise foi [...] Un témoin appelé par les avocates de M. Norman a révélé que son supérieur, un brigadier-général, lui avait dit que le nom de Norman était délibérément omis dans les dossiers internes. Ainsi, toute recherche effectuée avec ce mot ne mènerait à rien.
Le témoin, un officier, a dit qu'il traitait une demande d'accès à l'information datant de 2017 qui ne donnait aucun résultat. Lorsqu'il a demandé des explications, le général lui aurait dit en souriant: « Ne vous en faites pas, ce n'est pas notre premier rodéo. Nous avons pris soin de ne jamais utiliser son nom. Répondez que la recherche n'a rien donné. »
C'est terrible de penser qu'au ministère de la Défense nationale, on ait reçu l'ordre de contourner nos lois sur l'accès à l'information et de cacher délibérément des documents qui auraient pu exonérer le vice-amiral Mark Norman et qui auraient pu servir à l'enquête de la GRC dès 2017.
On s'est posé des questions aussi sur la préparation de témoins par des conseillers juridiques au Cabinet du premier ministre. Nous voulons également savoir qui, au ministère de la Défense et au gouvernement du Canada, a pu conseiller à l'ancienne chef d'état-major du ministre de la Défense, Zita Astravas, de ne pas fouiller dans son téléphone personnel pour trouver des mentions du vice-amiral Norman, et pourquoi. Voici ce qu'écrivait Lee Berthiaume le 31 janvier:
Mme Astravas a témoigné qu'après avoir été assignée à comparaître, elle a cherché seulement dans son compte de téléphone et de courriel professionnel des archives se rapportant à Norman, et non dans son compte personnel, suivant les conseils, a-t-elle dit, d'avocats du ministère de la Défense.
Je pense que beaucoup de gens se demandent... quelques jours seulement après que le général à la retraite et député d'Orléans, Andrew Leslie, a offert de témoigner en faveur de son ami le vice-amiral Mark Norman. Voici ce que rapportait Evan Solomon le 3 mai:
CTV vient d'apprendre que l'ancien candidat vedette et maintenant député libéral sortant Andrew Leslie figure sur la liste des personnes qui pourraient être appelées à témoigner contre le gouvernement en faveur du vice-amiral suspendu Mark Norman dans l'affaire très médiatisée des fuites présumées de documents du Cabinet.
Quels renseignements Andrew Leslie avait-il qui ajouteraient du poids à notre enquête?
Nous voulons aussi savoir quels éléments de preuve l'équipe de défense du vice-amiral Norman a présentés à la Couronne pour qu'aussitôt le Service des poursuites pénales suspende les accusations parce qu'il n'y avait plus aucune perspective de condamnation. Jim Bronskill, de la Presse canadienne écrivait ceci:
Les enquêteurs de la GRC disent ne pas savoir pourquoi l'affaire Mark Norman s'est écroulée parce qu'ils n'ont pas vu les nouveaux éléments de preuve qui ont mené à la suspension d'une accusation d'abus de confiance contre l'officier de marine.
Si la GRC ne pouvait pas obtenir ces renseignements, nous devons savoir en quoi ils consistent. Nous savons maintenant par les médias que la GRC les cherche. Le gouvernement les a en sa possession. Pourquoi ne les transmet-il pas à la GRC? Le Service des poursuites pénales les a parce l'équipe de la défense les lui a donnés. C'est notre comité qui est le mieux placé pour obtenir toutes les réponses que nous cherchons.
La question est la suivante: le gouvernement libéral s'est-il servi du vice-amiral Norman pour montrer ce qui arrive à quiconque s'oppose au programme politique du premier ministre? Tout récemment, dans un reportage sur le fiasco des avions de chasse, l'Institut Macdonald-Laurier faisait allusion à l'affaire Norman en ces termes:
L'affaire Norman a montré de façon patente jusqu'où le gouvernement est prêt à aller pour étouffer les fuites.
On pouvait aussi lire ceci:
[...] le gouvernement libéral a utilisé avec succès un certain nombre de techniques pour dissimuler ses sommets d'incurie en matière d'approvisionnement. Il y a par exemple l'imposition sans précédent d'une consigne du silence à du personnel militaire et civil, dont les effets ont été amplifiés par le procès à venir du vice-amiral Mark Norman, accusé d'abus de confiance après la fuite de documents du Cabinet concernant le contrat du pétrolier ravitailleur d'escadre.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'entendre la ministre Qualtrough, Scott Brison et Judy Foote.
Si on se pose sérieusement la question: y a-t-il eu ingérence politique dans un procès de la part de l'appareil bureaucratique du Cabinet du premier ministre...? Janice Dickson écrivait ce qui suit le 11 février, à propos de la juge Perkins-McVey, qui a d'ailleurs fait des commentaires à ce sujet au procès le 11 février:
L'allégation d'intervention du Bureau du Conseil privé a incité la juge de la Cour de l'Ontario qui présidait l'affaire lundi à remettre en question l'indépendance du Service des poursuites pénales du Canada. « Et voilà pour l'indépendance du SPPC », a lancé la juge Heather Perkins-McVey.
Des notes partiellement caviardées et un échange de courriels entre l'avocate de la défense Christine Mainville et une des procureurs principales, Barbara Mercier, ont été déposés en cour. Mme Mercier a écrit dans un courriel que les notes des réunions avec les fonctionnaires du Conseil privé étaient caviardées parce qu'elles portaient sur la stratégie à adopter au procès.
Les procureurs de la Couronne rencontraient donc les avocats du Conseil privé et les conseillers juridiques du premier ministre au sujet de la stratégie à adopter au procès. Voilà qui remet sérieusement en question l'indépendance de notre appareil judiciaire, surtout de la directrice des poursuites pénales, qui est censé être complètement indépendant du gouvernement.
Janice Dickson écrivait encore:
Selon Mme Mainville, la position de la Couronne est « plus préoccupante » que les allégations concernant SNC-Lavalin parce que la Couronne traitait directement avec le Bureau du Conseil privé.
C'est beaucoup plus accablant que ce qu'on a entendu dans l'affaire SNC-Lavalin. C'est pourquoi nous devons aller au fond des choses, pour assurer l'indépendance de notre appareil judiciaire.
Murray Brewster ajoutait ce qui suit le 15 février:
L'avocat principal du Bureau du Conseil privé aurait demandé aux procureurs fédéraux s'il était possible d'arranger les choses, « engineer the issues at stake », dans le procès intenté contre le vice-amiral Mark Norman.
Ces propos — tenus le 14 septembre 2018 et attribués à l'avocat du BCP Paul Shuttle — figuraient dans des notes de la poursuite déposées en preuve lors d'une audience préparatoire impliquant l'ancien vice-chef d'état-major de la Défense, qui fait face à une accusation d'abus de confiance.
Arranger les choses: là encore, il s'agit d'ingérence, de pressions et de contacts inappropriés entre le CPM, le BCP et la directrice des poursuites pénales.
Je demande aux membres du Comité permanent de la défense de profiter de l'occasion de lever le voile et de faire la lumière afin que nous puissions avoir une discussion et une enquête en profondeur, avec l'immunité parlementaire pour nos témoins, et prendre le temps d'aller au fond des choses. Nous savons que des membres des Forces armées canadiennes et des anciens combattants sont extrêmement préoccupés par la façon dont le vice-amiral Norman a été traité. Ils craignent que les consignes du silence, l'intimidation et le précédent établi par l'inculpation et la poursuite du vice-amiral Norman aient jeté un froid dans l'ensemble de l'armée et instauré une culture d'intimidation et de peur en raison des actes du gouvernement.
Pour ceux d'entre nous qui comptent d'importants regroupements de militaires dans leur circonscription, nous savons qu'il y a tout lieu de s'inquiéter du sort réservé au vice-amiral Mark Norman. Je demanderais à chaque député ayant ce genre de liens avec les militaires et avec nos anciens combattants... d'aller au fond des choses; qu'on débusque la vérité et qu'on laisse les Canadiens et nous, les parlementaires, nous assurer que nous avons bien un système juridique indépendant, qu'il y a une séparation entre l'État et notre ministère de la Justice, et qu'en matière de poursuites pénales, la politique ne joue pas avec l'indépendance de notre appareil judiciaire.
Merci.
Je vous explique comment nous allons procéder. Je vais céder la parole à M. Garrison, après quoi j'ai un certain nombre de députés qui voudraient s'exprimer. Je vais commencer par le parti qui est l'autre signataire de la lettre invoquant le paragraphe 106(4) du Règlement. Je céderai ensuite la parole aux libéraux. J'ai un certain nombre de personnes après cela.
Si vous voulez prendre la parole, faites-le moi savoir. Nous savons tous qu'il n'y a pas de limite de temps, mais je vous prie de respecter le fait qu'il y a des gens qui veulent s'exprimer.
Je cède la parole à M. Garrison.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai signé la lettre demandant qu'on se réunisse aujourd'hui pour envisager des audiences concernant ce qu'on appellera désormais l'affaire du vice-amiral Norman, qui s'est soldée par l'abandon de la poursuite pour abus de confiance.
Je l'ai fait d'abord parce que je m'inquiétais, et que je m'inquiète toujours, du tort causé au vice-amiral Norman, qui a servi notre pays avec honneur et distinction. Je m'inquiète du tort causé à sa carrière, du préjudice financier qu'il a peut-être subi. Je m'inquiète des répercussions que cette interminable affaire peut avoir sur sa famille. Par-dessus tout, je m'inquiète du tort causé à sa réputation d'officier de marine.
Je crois que nous avons suffisamment de preuves au grand jour pour suspecter une ingérence politique dans cette poursuite manquée, surtout après l'affaire SNC-Lavalin, qui a suscité elle aussi de très graves soupçons d'ingérence dans une poursuite judiciaire.
Il y a trois raisons précises pour lesquelles j'estime que le Comité doit tenir des audiences. La plus importante pour moi est de donner la chance au vice-amiral Norman de raconter sa version en public. Le gouvernement a des occasions presque illimitées de raconter la sienne et de braquer l'attention sur elle. Même les partis de l'opposition ont beaucoup d'espace public pour parler de cette affaire. Le vice-amiral Norman n'a pas cette chance. Je pense qu'il est très important qu'il puisse venir ici — comme il l'a dit, il a encore des choses à raconter — pour exposer sa version en public.
La deuxième raison est d'examiner le rôle du eministre de la Défens. Il y a de nombreux aspects dans cette affaire qui touchent un ministre assujetti à la surveillance du Parlement. Il y a des questions à se poser sur la communication, ou la non-communication, de la preuve dont la défense avait besoin dans cette affaire. Il y a des questions à se poser sur le traitement réservé au vice-amiral Norman pendant toute la procédure. Enfin, il y a la question de la réparation, qui relèverait en grande partie du ministre.
Je désire encore plus entendre le ministre depuis qu'il a dit qu'il regrettait ce qui s'était passé. Pour moi, le mot « regret » suppose une quelconque participation. Qu'est-ce qu'il regrette au juste? Est-ce qu'il regrette quelque chose qu'il a fait ou quelque chose qu'il n'a pas fait? J'aimerais qu'on donne au ministre une chance de s'expliquer devant le Comité.
La troisième raison tient à la longue liste des personnes que nous avons ici, et je crois qu'il y en a d'autres qui ont peut-être de l'information pertinente à offrir et qui devraient aussi avoir la possibilité de venir exposer leurs actes, leur inaction ou toute preuve qu'ils pourraient avoir.
S'il y a, à la suite de ces audiences, une preuve directe de contact entre le BCP ou le CPM et la directrice des poursuites pénales, cela soulève de très graves préoccupations quant à l'indépendance de notre système de justice de toute ingérence politique. Je pense qu'il est important que nous répondions à cette question du mieux que nous le pouvons.
La dernière chose que je veux dire, c'est que sans ces audiences, je doute que le vice-amiral Norman puisse jamais retrouver son intégrité, que nous puissions jamais le réhabiliter, même si nous l'indemnisons partiellement, financièrement. Peut-il vraiment rétablir sa réputation si on ne lui donne pas la chance de venir ici et de raconter sa version des faits au Comité? Pour toutes ces raisons, j'espère que nous tiendrons les audiences demandées dans cette lettre.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à l’opposition d’avoir pris le temps d’expliquer ses arguments et d’avoir présenté cette motion en vertu du paragraphe 106(4) du Règlement.
J'aimerais souligner qu'à mon avis, le Comité a fait un excellent travail depuis trois ans et demi. Nous avons très bien travaillé ensemble. Nous avons voyagé et fait des études ensemble. Nous avons présenté des politiques et des études auxquelles le Parlement et le gouvernement ont pu réfléchir.
Je dirais également que la grande majorité de ces rapports ont été présentés à l’unanimité, et que nous avons tous recherché un consensus pour pouvoir aller de l’avant afin d’avoir des rapports unanimes et de montrer la force de la collaboration de l’ensemble du Comité.
Maintenant que nous approchons de la fin de la présente session parlementaire, je considère comme un honneur d’avoir eu l’occasion de siéger à ce comité, en particulier avec les députés de l’opposition.
Lorsque j’ai été informé de cette réunion — et j’ai dit jusqu’ici que j'aimerais beaucoup comprendre pourquoi les partis de l’opposition ont jugé nécessaire de présenter cette motion. Je me suis fait un devoir d’essayer de rester objectif et d’obtenir autant d’information que possible quant aux raisons pour lesquelles l’opposition a senti le besoin de le faire.
Monsieur Bezan, je n’ai pas préparé de notes écrites. Je voulais vraiment entendre ce que vous aviez à dire, pour essayer de me faire une opinion. J’ai entendu un certain nombre de commentaires de M. Bezan et de M Garrison. Je voudrais simplement en relever quelques-uns.
M. Bezan a commencé par soulever des questions quant aux raisons pour lesquelles les accusations avaient été portées et quant à savoir si elles étaient motivées ou non par des considérations politiques. La seule chose que nous savons et qui est extrêmement claire, c’est que le Service des poursuites pénales et la défense du vice-amiral Norman ont tous deux indiqué qu’il n’y avait pas eu d’ingérence politique. C'est ce qu'a dit la défense du vice-amiral.
L’autre question est la suivante. Je sais que le lien a été fait, et lors de conversations antérieures que nous avons eues, M. Bezan et M. Garrison ont lié le BCP à cette affaire. Où se situe le Bureau du Conseil privé dans tout cela? Je trouve malheureux que les députés traitent le BCP comme s’il s’agissait d’une sorte d’organisation politique. C’est un ministère du gouvernement, et il a la responsabilité, comme tous les ministères, d’examiner les questions qui lui sont soumises. Si le BCP pense qu’il s’est passé quelque chose d’illégal, il peut en informer la GRC pour que celle-ci puisse intervenir.
Une autre question soulevée par M. Bezan concernait la divulgation de documents et la raison pour laquelle des documents étaient gardés secrets. Quelque 8 000 documents ont été déposés par le gouvernement, peut-être pas dans les délais que l’opposition aurait souhaité, mais il y a un processus à suivre pour la divulgation de documents. En ce qui concerne ces documents, le gouvernement les a tous déposés et cela dans leur forme intégrale. Le caviardage et la confirmation du caviardage ont été traités par la Cour en fonction de ce que les tribunaux jugeaient pertinent et de ce qui devait être partagé avec les deux parties dans cette affaire.
L’autre question que M. Bezan a soulevée est l'autorisation que l’ancien premier ministre Harper a donnée de divulguer des documents confidentiels. Malheureusement, l’ancien premier ministre n’a pas le pouvoir de divulguer ces documents. C’est bien beau de dire qu’il accepte qu'ils soient communiqués, mais à ma connaissance, ce n'est pas en son pouvoir.
Nous avons aussi entendu parler de l’utilisation de noms secrets et d'un langage codé. M. Bezan en a parlé à plusieurs reprises pendant la période des questions. Je sais qu’une personne a fait une déclaration en ce sens, mais le chef d’état-major de la Défense, lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, a dit catégoriquement que cela ne s’était jamais produit. C’est le chef d’état-major de la Défense qui le dit.
M. Bezan a également remis en question la décision soudaine de M. Leslie de ne pas se présenter de nouveau aux prochaines élections. M. Leslie a expliqué très clairement pourquoi il a pris cette décision, et qu’il appuie pleinement le gouvernement et l’orientation qu’il a prise.
Ensuite, bien sûr, M. Bezan a soulevé la question des éléments de preuve qui ont mené à la suspension de la poursuite, parce que, par conséquent, les accusations ne sont plus portées contre le vice-amiral. Je pense que c’est une très bonne question. Il y a beaucoup de très bonnes questions. Je ne suis pas certain que ce soit ici qu’il faut y répondre.
Je vais vous donner un exemple d’une de ces questions à laquelle j’aimerais beaucoup avoir une réponse. Il semble que, après avoir interrogé trois anciens ministres conservateurs — dont l’un est assis à cette table —, le Service des poursuites pénales a décidé de ne pas porter d’accusations. Je ne suis pas tellement désireux de savoir ce qui a été dit. Ce qui m’intéresse davantage, c’est de savoir pourquoi les anciens ministres conservateurs ont attendu aussi longtemps pour nous communiquer ces renseignements. Pourquoi cette information n’a-t-elle pas été présentée le plus tôt possible pour exonérer le vice-amiral Norman? Je pense que c’est la question à se poser.
Je suis conscient du fait que je suis un politique et que je ne représente pas ou ne travaille pas pour un organisme indépendant comme le Service des poursuites pénales ou la GRC. Je sais également qu’il incombe à quelqu’un d’autre de déterminer si des activités illégales ont eu lieu et, le cas échéant, de déterminer qui est responsable.
J’apprécie vraiment les propos de M. Garrison et ce qu’il avait à dire à ce sujet. Ma seule réserve, c’est que M. Garrison a surtout parlé de donner au vice-amiral Norman l’occasion de raconter sa version des faits. Je pense qu’il lui est tout à fait possible de le faire, et il a d'ailleurs laissé entendre qu’il le ferait. Je ne crois pas nécessaire que soit devant un comité parlementaire.
M. Garrison a également fait allusion aux regrets que le ministre a exprimés. Je ne sais pas exactement pourquoi le ministre a prononcé ces paroles, mais lorsqu'un quelqu’un dit: « Je regrette que cette personne ait eu à subir tout cela », je pense qu'aux yeux de la moyenne des gens, c'est ce que n'importe qui dirait. Je peux dire, moi aussi, que je le regrette. Je pense que tout le monde dans cette salle regrette que quelqu’un ait dû subir tout cela, d'autant plus qu’il semble maintenant que ce n'était pas justifié.
Pour répondre aux arguments de M. Garrison au sujet de la nécessité d'entendre l'intéressé, cette motion est loin de se limiter à demander au vice-amiral Norman de venir ici donner sa version des faits. C’est une motion qui, à mon avis... et peut-être que la seule chose sur laquelle je suis d’accord avec M. Bezan, c’est que cela semble être motivé par des considérations politiques, comme il l'a dit plus tôt. En fait, cela semble être effectivement motivé par des considérations politiques.
Ce qui incite à le croire, c’est que les conservateurs refusent d’accepter le fait qu’il n’y a pas eu d’ingérence politique dans cette affaire parce que cela ne correspond pas à ce qu’ils essaient de faire valoir. Je ne sais pas pourquoi. Je peux émettre des hypothèses et j’imagine que c’est parce que l’économie est en plein essor. Nous assistons à l'activité économique la plus forte que le pays ait connue depuis des générations. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis des générations. Il y a 300 000 enfants de moins qui vivent dans la pauvreté qu’en 2015. Je comprends la motivation derrière cela, parce qu’il n’y a vraiment rien d’autre à critiquer.
Je suis venu ici pour m'informer et trouver une bonne raison pour laquelle cette motion devrait être adoptée et cette étude devrait être faite. Je suis disposé à continuer d’écouter ce que les autres membres du Comité ont à dire. Malheureusement, tout ce que je vois pour le moment, c’est qu’on fait cela dans un certain but étant donné qu'aucune des raisons invoquées ne le justifie.
Sur ce, monsieur le président, je vous cède la parole.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie des efforts que vous avez déployés pour nous ayons la salle qui convient et pour ce que vous avez fait.
Je crois très important que le Comité fasse enquête sur ce qui est arrivé au vice-amiral Norman au cours des quatre dernières années.
Mardi, les députés de la Chambre des communes qui n’ont pas quitté la Chambre ont approuvé à l’unanimité ce qui suit:
Que la Chambre reconnaisse le vice-amiral Mark Norman pour ses décennies de loyaux services au Canada, exprime ses regrets pour les difficultés personnelles et professionnelles qu'il a vécues en raison de la poursuite qui a échoué, et présente des excuses à lui et à sa famille pour ce qu'ils ont vécu pendant leur conflit juridique avec le gouvernement.
Normalement, vous ne vous excusez pas auprès de quelqu’un à moins de penser ou de savoir que vous avez fait quelque chose de mal. Lorsque le gouvernement du Canada fait quelque chose de mal, il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de demander des comptes au gouvernement sur ses actes répréhensibles.
Ce que j’aimerais souligner, ce sont certaines des mesures prises par le gouvernement pendant le congédiement et la poursuite du vice-amiral Mark Norman, et je pense qu'une enquête menée par le Comité permettrait de tirer les choses au clair et de répondre aux questions de M. Gerretsen.
Toute cette saga a commencé en 2014 lorsque les deux navires de ravitaillement de la Marine royale canadienne ont dû être mis hors service de façon inattendue et immédiate. Les navires de ravitaillement sont des stations-service flottantes et des super-stations essentielles au ravitaillement et à l’approvisionnement de nos frégates de la classe Halifax en service.
Le vice-amiral Norman, chef de la Marine royale canadienne à l’époque, a dirigé le projet de transformation d’un navire marchand en ravitailleur temporaire en attendant que les nouveaux navires soient achevés. Une entente préliminaire a été conclue en juillet 2015 et finalisée juste avant l’élection de 2015, en octobre. Encore une fois, pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour qu’une décision prise en juillet n’ait pas été approuvée et finalisée avant octobre? C’est une question en soi.
Des fuites ont révélé, en novembre 2015, que le nouveau Cabinet libéral envisageait de rouvrir ou même d’annuler ce contrat. Bien que le Cabinet n’ait pas finalement décidé de l’annuler, on a demandé peu après à la GRC d’enquêter sur la source de ces fuites.
Nous savons tous que le premier ministre lui-même a été l’un des plus grands partisans d’une enquête de la GRC. C’est la première question sur laquelle le Comité doit se pencher. Pourquoi était-il si urgent d’enquêter sur ces fuites? Il est bien connu qu’il y a des fuites à Ottawa, que des histoires et des détails fuient de tous les ministères du gouvernement à longueur de journée. Pourquoi ce cas particulier a-t-il fait l’objet d’une enquête?
Au cours de l’enquête, nous avons appris que 74 personnes avaient pris connaissance de l’information concernant la réunion du Cabinet de novembre 2015 qui a fait l’objet de fuites. Cela nous amène à la question suivante. Parmi toutes les personnes qui avaient accès à l’information, pourquoi le vice-amiral Norman a-t-il été pointé du doigt?
Le 9 janvie 2017, le chef d’état-major de la Défense, le général Vance, a informé le vice-amiral Norman qu’il était suspendu, et le 13 janvier 2017, cette suspension a été officialisée.
Le 9 mars 2018, 14 mois plus tard, le vice-amiral Norman a été officiellement accusé d’un chef d’abus de confiance par la GRC. Cela m’amène à une troisième grande question pour les membres du Comité. Pourquoi s’est-il écoulé autant de temps entre le moment où il a été suspendu et celui où il a été accusé? Pourquoi a-t-il fallu 14 mois après sa suspension pour que des accusations officielles soient portées?
Si la GRC n’était prête à porter des accusations qu’en mars 2018, qu’est-ce que le général Vance savait que la GRC ne savait pas pour suspendre le vice-amiral Norman 14 mois plus tôt? Qu’ont dit Katie Telford et Gerald Butts au général Vance lors de leur réunion du 9 janvier pour lui donner 14 mois d’avance sur la GRC?
Nous savons déjà que le premier ministre était au courant des accusations à venir, puisqu'il a déclaré, lors d’une assemblée publique le 1er février 2018, que l’affaire Norman aboutirait sûrement devant les tribunaux. C’est une autre question. Que savait le premier ministre pour faire cette déclaration cinq semaines avant le dépôt officiel des accusations?
À mesure que l’année 2018 avançait, le vice-amiral Norman s'est préparé, avec l'équipe chargée de sa défense, pour le procès à venir. Au cours de la phase préparatoire au procès, ses avocats et lui-même ont demandé des documents au gouvernement pour aider à prouver son innocence, ce que mon collègue, M. Bezan, a mentionné, mais les retards qui ont suivi et l'avalanche de documents que le gouvernement a fini par déverser soulèvent deux questions.
Premièrement, si le gouvernement était si sûr de sa cause contre le vice-amiral Norman, pourquoi s’est-il tant battu pour que les documents ne soient pas présentés au tribunal? S’il s'est tant battu pour empêcher ces documents de se retrouver devant le tribunal, alors qu’il était si sûr de sa cause, pourquoi se battre pour ne pas remettre les documents?
Deuxièmement, une fois qu’il a finalement déposé tous les documents, pourquoi un si grand nombre d’entre eux ont-ils été caviardés?
Nous avons aussi appris que le ministère de la Défense nationale utilisait des mots ou des expressions codés dans des courriels et des documents afin d’éviter de participer aux divulgations du gouvernement. Il s’est vraiment efforcé d’éviter de rendre des comptes et de cacher la vérité. Nous devons savoir qui a autorisé l’utilisation de mots et de phrases codés.
Cela m’amène à une autre question plus grave. A-t-on utilisé également des mots et des expressions codés dans d’autres dossiers, et est-ce la première fois que nous en entendons parler?
Le ministre n’a pas pu répondre à cette question lorsqu’elle lui a été posée à la Chambre hier, en comité plénier, mais c’est une question à laquelle nous devons obtenir des réponses au cours de nos enquêtes. L’utilisation de mots et d'expressions codés pour des dossiers importants ou délicats pourrait avoir des conséquences sur les demandes d’accès à l’information, les questions inscrites au Feuilleton, les divulgations de documents exigées par les tribunaux et les demandes de renseignements des médias depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement. S’il s’agit d’une procédure habituelle, c’est une grave violation de l’éthique et de la responsabilité, et les Canadiens doivent en être informés.
En mai 2019, les accusations portées contre le vice-amiral Norman sont suspendues. Dans sa déclaration concernant cet étonnant revirement de situation, le SPPC a dit aux Canadiens qu'en raison de l’information divulguée par la défense, la cause serait impossible à gagner, ce qui nous amène à quelques dernières questions clés.
Si la défense avait pleinement accès à ces documents, comment l’enquête sur la fuite a-t-elle pu les omettre? Pourquoi le SPPC semble-t-il avoir laissé tomber l’affaire tout de suite après que notre collègue parlementaire, le général Andrew Leslie, ait accepté de témoigner au nom du vice-amiral Norman? Oui, il a annoncé qu’il allait quitter la politique, mais on n’a pas dit qu’il allait annoncer publiquement son intention de témoigner en faveur du vice-amiral Norman au procès. Peut-être plus important encore, quels éléments de preuve la défense a-t-elle trouvés qui ont complètement détruit la preuve contre le vice-amiral Norman? Nous ne savons toujours pas de quoi il s’agissait.
Une enquête du Comité nous permettra d’obtenir des réponses à ces questions et plus encore. Le vice-amiral Norman a dit qu’il voulait donner sa version des faits et, comme dans le cas de SNC-Lavalin, un comité parlementaire est l’endroit approprié pour cela.
Une chose qui ressort de la chronologie des événements dans l’affaire du vice-amiral Norman, c’est la prévalence de l’ingérence politique du Cabinet du premier ministre. En ce qui concerne l’ingérence politique de ce gouvernement, nous voyons clairement une tendance à s’ingérer constamment dans des organismes décisionnels indépendants dans le seul but de réaliser des gains politiques partisans. C’est comme le vieil adage: une fois, c’est un hasard; deux fois, c’est une coïncidence; trois fois, c’est une tendance.
La première fois, c'était l'ingérence politique dans l’orientation du procès de SNC-Lavalin, pour tenter de faire pression sur la procureure générale du Canada afin qu’elle annule la décision de la directrice des poursuites pénales à des fins partisanes.
La deuxième fois, c'était l'ingérence politique dans le processus d’acquisition de nouveaux avions de chasse, en manipulant la demande de propositions pour exclure la meilleure option possible afin de respecter les promesses électorales du premier ministre.
La troisième fois, c'était l'ingérence politique dans le procès du vice-amiral Mark Norman en retardant la divulgation de documents ou en les caviardant massivement ou complètement. À cela s'ajoutent les accusations d'orientation des témoignages, et l’annonce que le premier ministre a faite de la tenue d'un procès bien avant que le Service des poursuites pénales n’en arrive à cette décision.
En octobre, la défense a envoyé une demande de documents au gouvernement. Il s'est écoulé près de six mois avant qu'elle ne les obtienne ou plutôt, qu'elle en obtienne certaines parties. Un document de 60 pages que l’ancien greffier du Conseil privé a adressé au premier ministre Trudeau concernant le vice-amiral Norman a été remis à la défense en mars 2019. Il avait été demandé en octobre, mais n’a pas été livré avant mars. Le problème, c’est qu’il a été presque entièrement caviardé en vertu du secret professionnel de l’avocat. Ce n’était pas non plus le seul document divulgué avec des caviardages massifs pour la même raison. Ni le greffier ni le premier ministre ne sont des avocats, pas plus qu’ils ne sont des clients. Comment cela s’applique-t-il dans ce cas?
La juge Heather Perkins-McVey et l’avocate principale de la défense, Marie Henein, ont toutes deux soulevé précisément cette question en mars. Le Comité doit entendre tous les intéressés pour savoir comment le secret professionnel de l’avocat peut s’appliquer ici, sinon pour servir d’excuse pour ne pas divulguer des renseignements préjudiciables sur le plan politique.
Tout au long du procès, on a allégué que les avocats du ministère de la Justice préparaient les témoins de façon à orienter leur témoignage. Bien que la préparation des témoins soit une pratique acceptée, il est illégal d’orienter leur témoignage dans une voie potentiellement fausse pour faciliter la poursuite. Il s’agit d’une allégation grave, surtout lorsqu’elle est portée contre des employés du gouvernement du Canada.
Le Comité doit s’assurer que la primauté du droit est respectée. Le gouvernement a déjà contesté la primauté du droit par le passé, et nous, les membres du Comité, devons nous assurer qu’il ne s'agit pas là d'une tendance très inquiétante.
Les médias et les déclarations publiques ont clairement indiqué que le premier ministre a été l’instigateur de l’enquête de la GRC et du procès contre le vice-amiral Mark Norman. Selon le Globe and Mail, c’est le premier ministre qui a poussé la GRC à faire enquête sur le vice-amiral Norman. En 2017, bien avant la fin de l’enquête de la GRC, le premier ministre a déclaré publiquement, comme l’a dit mon collègue, que cette affaire aboutirait probablement devant les tribunaux. En février 2018, bien avant que des accusations ne soient portées contre le vice-amiral Norman, le premier ministre a déclaré publiquement que l’affaire Norman mènerait inévitablement à des procédures judiciaires.
S’il n’y a pas eu d’ingérence politique dans cette affaire, pourquoi suffisamment de gens savent-ils que le premier ministre a poussé la GRC à enquêter sur les fuites au Globe and Mail? S’il n’y a pas eu d’ingérence politique, pourquoi les événements dont le premier ministre a parlé se sont-ils avérés publiquement quelques mois plus tard?
Dans ce cas-ci, il s’agit de trois occasions distinctes qui témoignent de l’ingérence politique ou de l’orientation du processus par le cabinet du premier ministre. Une fois, c’est un hasard; deux fois, c’est une coïncidence; trois fois, c’est une tendance.
Les Canadiens méritent que leur gouvernement fasse preuve d'ouverture et de transparence. Si le gouvernement refuse de le faire, il est de notre devoir, en tant que parlementaires, d’enquêter sur ce qu’il essaie si fort de cacher. Si le gouvernement n’a rien fait de mal, pourquoi ne donne-t-il pas franchement de l’information, des détails ou des explications sur cette affaire? Les innocents n’essaient pas de camoufler les actes répréhensibles qu’ils n’ont pas commis.
C’est aussi une question de reddition de comptes. Si le gouvernement du Canada ne rend pas de comptes au Parlement, il ne rend de comptes à personne. Ce n’est pas le genre de pays dans lequel nous voulons vivre. C’est pourquoi le Comité doit faire enquête sur l’affaire du vice-amiral Mark Norman et aller au fond des choses. Il est dans l’intérêt de tous les Canadiens que nous le fassions.
Enfin, pour répondre à la question de M. Gerretsen, le vice-amiral Norman dit qu’il a une histoire à raconter que les Canadiens veulent entendre. Grâce à la protection qu’il lui accorderait par l’entremise du privilège parlementaire, le Comité offrirait au vice-amiral Norman un endroit sûr pour faire connaître sa version des faits.
Merci, monsieur le président.
Merci. Je vois qu’il est 16 h 35. La réunion a été convoquée jusqu’à 16 h 30. Je n’ai pas interrompu son cours, mais je vois qu’il y a encore des gens qui veulent poursuivre le débat. Nous allons donc simplement poursuivre la séance.
Je vais donner la parole, dans l’ordre, à M. Spengemann, M. O’Toole et Mme Dzerowicz. S’il y a encore d’autres personnes qui veulent prendre la parole, nous la leur donnerons. Si vous voulez parler, faites-le moi savoir et je vous donnerai la parole. Vous êtes sur la liste, messieurs Martel et Bezan, mais je vais donner la parole à d'autres membres du Comité pour que le débat se poursuive d'un côté à l'autre. Vous êtes sur la liste. Vous aurez l’occasion de prendre la parole.
Monsieur Spengemann.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais être assez bref, mais je vais aborder quatre points principaux.
Le premier se situe vraiment dans le contexte actuel. Nous sommes dans une année électorale. L'augmentation des attaques partisanes est symptomatique du fait que nous sommes dans une année électorale, et c’est parce que l'opposition officielle n’a rien à offrir sur le plan politique. Le parti d’Andrew Scheer n’offre aux Canadiens aucun leadership dans des dossiers importants comme les changements climatiques, la croissance de notre économie ou la justice sociale. Je vais être assez précis. Son caucus a reçu l’ordre de voter systématiquement contre d’importants investissements dans les familles canadiennes, l’innovation et l’entrepreneuriat, nos aînés et les travailleurs canadiens.
Deuxièmement, et c’est inquiétant parce que c’est une tendance, le parti d’Andrew Scheer se méfie profondément de nos institutions publiques. Ce sont ces mêmes institutions qui créent des solutions, qui règlent des problèmes et qui servent l’intérêt public.
Permettez-moi d’en souligner certains symptômes. Ces attaques visent non seulement les autorités ou les institutions judiciaires canadiennes, mais aussi les Forces canadiennes, et même le Parlement. Comme mon collègue, M. Gerretsen, l’a souligné, l’incapacité de distinguer la bureaucratie, le BCP, du niveau politique est également symptomatique. Tout d’abord, il y a l’attaque très tristement célèbre et publique de Stephen Harper contre l’ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin. Elle est la première femme à occuper ce poste et elle est la plus haute conseillère juridique de notre pays, ou elle l’était à l’époque. Aujourd’hui, le caucus d’Andrew Scheer refuse catégoriquement d’accepter que le processus judiciaire dans l’affaire Mark Norman était, de l’avis de tous, entièrement indépendant.
Un symptôme plus surprenant est ressorti de la séance d’hier soir du comité plénier, où Leona Alleslev, la députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill et une ancienne combattante des Forces canadiennes, a insinué que nos militaires pourraient, d’une façon ou d’une autre, devenir des « voyous », car c'est le mot qu'elle a utilisé, s'ils n’étaient pas soumis à un contrôle ministériel fort. Il s’agit d’une déclaration bizarre qui témoigne du même degré de méfiance de la part du parti d’Andrew Scheer à l’égard de nos institutions publiques et qui, malheureusement, reflète le culte du secret hérité de l’ancien régime Harper.
Les femmes et les hommes qui servent dans les Forces armées canadiennes sont reconnus, ici et partout dans le monde, pour leur professionnalisme, leur engagement et leur excellence. Je me demande ce qu’ils ressentent aujourd’hui après s’être fait dire qu’ils risquent de devenir des voyous.
La méfiance des conservateurs à l’égard du Parlement est également profonde. Contrairement à la réunion d’aujourd’hui, lorsque le comité de la défense de Stephen Harper a tenu une séance en vertu du paragraphe 106(4) du Règlement, elle a eu lieu à huis clos et en secret. Stephen Harper a également caché au public un nombre sans précédent de décisions du Cabinet, le Parlement et la population canadienne ignorant l’existence de deux douzaines de décrets.
Cependant, les conséquences de cette méfiance endémique à l’égard des institutions publiques ont tendance à revenir au parti d’Andrew Scheer, et c’est certainement vrai dans ce cas-ci. Permettez-moi d’expliquer pourquoi c’est le cas dans mon troisième point.
Les conservateurs n’ont vraiment aucune preuve d’ingérence politique. En fait, c’est le contraire. Il y a des preuves évidentes qu’il n’y a eu aucune ingérence. Murray Brewster, de CBC News, a écrit le 13 mai que le vice-amiral Norman avait reçu l’ordre du Cabinet de Stephen Harper de parler à Davie, le chantier naval, au sujet du contrat de location. La majorité des 12 fuites alléguées en question ont eu lieu sous l’ancien gouvernement conservateur. Les députés conservateurs d’en face et les anciens ministres de ce gouvernement le savent. Comme on l’a dit plus tôt, ils le savent depuis un certain temps, depuis un certain nombre d’années, et ils ont décidé de ne pas agir jusqu’à maintenant.
John Ibbitson a écrit, la semaine dernière, qu’il n’y a aucune preuve que les libéraux se sont ingérés dans la poursuite contre Mark Norman. Autrement dit, rien ne prouve que le gouvernement ait poussé le bureau du directeur des poursuites pénales à porter des accusations. C’est fondamental. Le caucus conservateur ne l'a pas encore compris ou il en a donné une interprétation délibérément fausse.
Enfin, pour lancer ses attaques partisanes, le parti d’Andrew Scheer est tout à fait disposé à utiliser à mauvais escient les ressources parlementaires, y compris la séance d’aujourd’hui du Comité. Monsieur le président, permettez-moi de prendre quelques instants pour passer en revue certains des travaux que vous avez dirigés et que le Comité a menés au cours des trois dernières années.
En septembre 2016, nous avons étudié le Canada et la défense de l’Amérique du Nord, le NORAD et la disponibilité opérationnelle aérienne. En avril 2017, nous avons étudié la protection de notre personnel militaire. Nous avons étudié les relations canado-américaines et les perspectives en matière de défense, de sécurité et de commerce. En juin 2017, nous avons étudié l’état de préparation des forces navales du Canada.
Nous avons ensuite examiné en février 2017 la question extrêmement importante de la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes. En décembre 2017, nous avons étudié le soutien du Canada à l’Ukraine en situation de crise et de conflit armé. L’an dernier, le Comité s’est penché sur le Canada et l’OTAN. En décembre, nous avons examiné le projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Puis, cette année, monsieur le président, nous venons de terminer un important rapport sur le groupe de travail du Canada au Mali, notre appui à la MINUSMA, la mission intégrée de stabilisation des Nations unies au Mali.
Voilà, monsieur le président, ce qui compte pour les Canadiens.
Je suis d’accord avec mon collègue d’en face, M. Garrison, pour dire que les excuses présentées mardi à la Chambre au vice-amiral Norman étaient importantes. Je demande à mes collègues d’en face de reconnaître qu’il n’y a tout simplement aucune preuve, à part leur propre interprétation, d’ingérence politique sur laquelle le Comité pourrait se pencher. Nous devrions donc revenir aux travaux du Comité qui servent vraiment les intérêts des Canadiens. Cela comprend notre étude en cours de la diversité et de l’inclusion dans les Forces armées canadiennes.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le président.
Mes remarques vont porter sur quelques éléments de l’affaire du vice-amiral Mark Norman, mais je vais commencer par vous donner un peu de contexte, et je suis reconnaissant de pouvoir poursuivre nos travaux au-delà de la séance. Nous savons qu’il s’agit vraiment d’une tentative de la part des députés conservateurs et néo-démocrates de ce comité d’inviter au moins quelques députés libéraux à examiner l’affaire Mark Norman. Comme je l’ai dit avant le début des travaux du Comité, M. Norman a servi le Canada pendant 38 ans. Je pense que nous pouvons bien lui accorder quelques heures d’examen dans cette épreuve.
Aujourd’hui, à Kingston, le ministre de la Défense nationale, l’honorable Harjit Sajjan, participe à l’attribution des diplômes et, demain, de la commission d'officier d’environ 300 jeunes hommes et femmes au Collège militaire royal du Canada.
Je sais que M. Gerretsen connaît tout cela; il est fier de cette école.
Que disons-nous aux futurs dirigeants des Forces armées canadiennes si le Parlement est prêt à voter contre une simple enquête sur l’incident le plus controversé de ma vie concernant un haut gradé des Forces armées canadiennes? Je dis cela à titre d’ancien combattant. Quel message envoyons-nous aux 300 jeunes hommes et femmes qui, demain, recevront leur commission pour servir notre pays, si nous ne nous donnons même pas la peine d'examiner l’épreuve vécue par le vice-amiral Norman?
Monsieur le président, vous et moi avons participé à une activité caritative hier soir. Un couple de la Colombie-Britannique est venu me voir et m’a dit avoir pris l’avion, de la Colombie-Britannique à Ottawa, avec une personne de la Marine. Ils m’ont dit qu’en moins de cinq minutes, la femme avec qui ils étaient assis parlait de l’affaire Mark Norman et de la façon dont elle et ses camarades de la Marine royale canadienne en avaient été profondément bouleversés. C’est pourquoi ce comité parlementaire doit être saisi de la question.
Je n’entrerai pas dans les détails, mais M. Spengemann ne rend pas service à l’examen de l’affaire Mark Norman, parce qu’il y a tellement d'éléments à prendre en compte.
Malheureusement, le Bureau du Conseil privé, sous la direction du greffier Wernick, a pris une forte tangente politique, et les Canadiens l’ont constaté avec l'affaire SNC-Lavalin et l'affaire Norman. C’est le Bureau du Conseil privé qui est responsable de l'épreuve vécue par M. Norman. Il semble que sur les 73 personnes qui étaient au courant des fuites du Cabinet par suite de la réunion de novembre 2015, la GRC n'a retenu que le nom de M. Norman. Cela a donné lieu à une accusation d’abus de confiance — non pas liée à un contrat à fournisseur unique avec Davie, mais liée à une tentative visant à entraver ou à retarder ce contrat par suite de la réunion du Cabinet.
Je veux que mes amis d’en face le comprennent bien. L’ex-premier ministre Harper, le premier ministre provincial Kenney et moi-même avons tous dit que nous serions heureux de rendre publics tous les procès-verbaux du Cabinet. Je serais heureux de vous expliquer en détail pourquoi un contrat à fournisseur unique pour un pétrolier ravitailleur d’escadre a été conclu avec le seul chantier naval disponible à l’époque pour exécuter ce contrat.
De toutes façons, l’accusation d’abus de confiance ne découle pas de l'octroi de ce contrat. De toute évidence, à un moment donné, la DPP et la GRC ont déterminé qu’il y avait des motifs suffisants de porter une seule accusation d’abus de confiance contre le vice-amiral Norman par suite de fuites survenues lors de la réunion du Cabinet de novembre 2015, à laquelle je tiens à préciser que je n’ai pas assisté. J’étais alors un ex-ministre.
Le fait de laisser entendre que moi-même ou d’autres personnes détenions des renseignements susceptibles d’exonérer M. Norman dessert ce dernier. Cela dénote également une approche entêtée à l’égard de cette question, et une tentative d'éviter l'examen qui s'impose.
C’est le Conseil privé qui décide, et mon collègue, M. Bezan, l’a souligné. Lorsqu’un avocat du Conseil privé, qui conseille le premier ministre... C’est leur fonction. Normalement, ce n’est pas une fonction politique, mais elle l'est devenue sous le premier ministre actuel. Lorsque Paul Shuttle, un avocat du BCP, essaie de convaincre la poursuite de « manipuler les enjeux », c’est très préoccupant et cela révèle, dès le départ, une orientation politique. Les exigences codées révèlent des possibilités de tromperie politique et de retard.
Ne me croyez pas sur parole pour ce qui est du retard. Citons l'avocate du vice-amiral Norman, Marie Henein, que de nombreux députés libéraux ont aimé citer de temps à autre au cours de la dernière semaine. Elle a dit: « Nous sommes ici, comme vous tous, depuis six mois, et nous essayons jour après jour d’obtenir ce matériel. Nous aurions dû l'obtenir. Il aurait dû être remis à la GRC. Il aurait dû être remis à la poursuite. Ce n’est pas le cas. Je ne sais pas pourquoi. Je vous laisse répondre à cette question. »
Nous sommes le « vous tous » en question. Nous sommes saisis de ces questions. Elle s’adressait aux médias, mais en réalité, l’avocate du vice-amiral Norman nous parlait. Elle s’adressait à MM. Gerretsen et Fisher.
Pourquoi est-ce que je parle de ces messieurs? Je sais qu’ils se soucient beaucoup des collectivités de militaires qu’ils représentent, puisqu’ils ont servi dans ces deux collectivités. La BFC Shearwater, ou 12e Escadre Shearwater, est adjacente à la circonscription de M. Fisher, mais comme il le sait, de nombreuses familles vivent à Dartmouth—Cole Harbour. Le CMR a une fin de semaine très spéciale, et je sais que la base de Kingston est très importante pour M. Gerretsen. Ils représentent ces collectivités, et c’est ce que je veux voir aujourd’hui.
Je sais que la secrétaire parlementaire, qui est ici, a assisté à une belle cérémonie de remise des diplômes et qu’elle est très fière du service militaire dans sa famille. J’aimerais qu’elle le montre aujourd’hui, parce que notre modeste proposition n’est pas une commission royale d’enquête. Nous devons bien quelques heures d'examen au vice-amiral Norman et aux familles des militaires qui suivent ce dossier. Et je suis désolé si c’est une année électorale.
Comme je l’ai dit, je serais heureux que l’on renonce au secret des documents confidentiels du Cabinet concernant le contrat avec Davie, qui, soit dit en passant, respectait les délais et le budget. Asterix est maintenant au service de nos forces armées, ce qui nous permet d'avoir une marine hauturière comme tout bon pays du G7 qui se respecte.
Je sais, monsieur le président, qu’en votre qualité d’ancien combattant, vous appréciez notre capacité de projeter nos forces, de projeter nos capacités, de nous-mêmes, sans dépendre de personne, de ne pas quémander, ni emprunter ni voler. Tous les partis sont responsables d’avoir laissé la Marine compter sur un seul pétrolier. Lorsqu’un incendie s'est déclaré à bord du Protecteur, notre plan de transition vers nos nouveaux navires s’est effondré, et c’est pourquoi il y a eu un marché à fournisseur unique qui a été fait selon les règles de l'art. Nous devrions tous applaudir le vice-amiral Norman, au lieu de devoir lui présenter des excuses à la Chambre des communes.
Je vais faire un petit retour en arrière. J’en appelle ici à M. Gerretsen, député de Kingston et les Île; à M. Fisher, de Dartmouth—Cole Harbour; et à Mme Romanado. Je ne sais pas si elle vote ici ou non. C’est plus important que ce que nous faisons normalement, parce que c’est l’occasion pour le Comité de s’assurer que ce genre de chose ne se reproduise plus jamais, de sorte que les 300 jeunes hommes et femmes qui obtiennent leur commission, qui serviront là où nous le leur demanderons, sachent que leur gouvernement a leur six...
Nous n’allons pas laisser se reproduire une autre épreuve comme celle-là. Je sais qu’ils ont probablement autant de préoccupations et de questions que moi. Peut-être n’y a-t-il pas eu d’ingérence dans les délais de l’enquête du BCP, concernant l'utilisation de langage codé. Je vais corriger M. Gerretsen. Le chef d’état-major de la Défense n’a pas nié l’utilisation de langage codé. Il a mis en contexte le fait qu’on utilise des acronymes et des messages de ce genre. D’après mon expérience, je ne me souviens pas que le mot « Kraken » ait été utilisé dans les forces armées — sauf peut-être pour des signaux d’appel. Vous avez peut-être eu un camarade portant un nom inhabituel comme celui-là, monsieur le président, mais c’est le contexte même. Il y a des questions auxquelles le chef d’état-major de la Défense doit répondre. Il y a aussi des questions à poser aux dirigeants des Forces armées canadiennes.
C’est pourquoi la liste de mon collègue est, à mon avis, raisonnable. Même si nous la raccourcissons, ce que nous serions prêts à faire, nous devons à nos hommes et à nos femmes en uniforme d’examiner la question dans la mesure du possible et d’offrir, comme l'a dit ma collègue Mme Gallant, de l'aide à M. Norman, à qui des restrictions sont imposées en ce qui concerne les discours politiques tant qu’il est dans l’armée et pendant qu’il est réintégré à l'effectif.
Comme vous pouvez le constater, je me soucie beaucoup de cette affaire. Je le répète, il a servi 38 ans. Je vais mettre les choses en contexte: vous savez peut-être que son père, le général Norman, a également servi. Chaque jour de sa vie, Mark Norman a été membre d’une famille de militaires au service de notre pays ou en uniforme au service de notre pays. Trente-huit ans, ce n'est pas rien, et nous devrions pouvoir lui accorder quelques heures.
Merci, monsieur O’Toole.
Dans l'ordre, nous entendrons Mme Dzerowicz, et messieurs Martel et Bezan. Si quelqu’un d’autre veut prendre la parole, veuillez me le faire savoir.
Je cède la parole à Mme Dzerowicz.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie vraiment de tous vos efforts aujourd’hui.
J’ai beaucoup apprécié les excellents exposés que mes collègues ont présentés avant moi.
Mes commentaires vont probablement donner un peu plus de couleur aux commentaires de mes collègues jusqu'ici.
Je vais commencer par dire qu’une des choses que j’ai entendues avant le début de la séance du Comité, c’est que ce comité subit une très forte influence de la part du Cabinet du premier ministre. Je veux simplement dire que je n’ai reçu aucun appel, eu aucune discussion, ni aucune instruction de la part de qui que ce soit du CPM. Tout ce que je vais dire n'engage que moi, exprime mes convictions personnelles, et reflète le fruit de mes recherches et des preuves que j’ai pu recueillir.
J’ai écouté attentivement mes collègues d’en face et je les remercie d’avoir présenté leurs arguments. Je n’ai encore rien entendu qui m’incite à appuyer cette motion.
J’aimerais aborder quelques points. Je réitère un certain nombre de points qui ont déjà été mentionnés, mais j’ajoute quelques éléments.
Je crois qu’il n’y a absolument aucune preuve d’ingérence politique. Cette conclusion a été validée non seulement par le Service des poursuites pénales, mais aussi par la GRC.
Le 8 mai, le Service des poursuites pénales a publié un communiqué dans lequel on peut lire ce qui suit:
En mars 2018, M. Norman a été accusé d'un chef d'accusation d'abus de confiance en contravention de l'article 122 du Code criminel pour avoir prétendument divulgué des documents confidentiels concernant un contrat pour un pétrolier ravitailleur d’escadre provisoire avec l'entreprise canadienne Chantier Davie.
Dans cette affaire, comme dans toutes les autres poursuites intentées par le SPPC, seuls deux facteurs ont été pris en compte: l'existence d'une possibilité raisonnable de condamnation et, le cas échéant, l'intérêt public de donner suite à l'accusation. Le SPPC estimait que ces critères étaient tous deux réunis au moment de porter l'accusation. Cependant, après avoir examiné des éléments de preuve fournis ultérieurement, certains provenant de demandes de documents qui ne faisaient pas partie du dossier d'enquête (documents de tiers) et d'autres offerts par la défense, le SPPC est d’avis qu’il n’existe plus de perspective raisonnable de condamnation. En particulier, la Couronne considère qu'elle ne pourra pas prouver hors de tout doute raisonnable que la conduite de M. Norman dans cette affaire constituait un écart grave et marqué par rapport aux normes attendues d'une personne en situation de confiance.
Cette décision est fondée sur la preuve, le droit et les principes relatifs à la probabilité raisonnable d'une condamnation énoncés dans le Guide du SPPC...
« Aucun autre facteur n'a été pris en compte dans cette décision », a déclaré Kathleen Roussel, directrice des poursuites pénales, « et il n'y a eu aucun contact ou influence de l'extérieur du SPPC, y compris d'influence politique dans la décision initiale de poursuivre M. Norman ou dans celle de suspendre aujourd'hui les accusations ».
Le principe de l'indépendance de la poursuite est au cœur du mandat du SPPC. On s'attend à ce que les procureurs du SPPC soient objectifs, indépendants et impartiaux dans l'exercice de leurs fonctions et qu'ils les exercent d'une manière exempte de toute influence indue, y compris de toute influence politique.
Selon un article publié le 14 mai par la Presse canadienne, qui avait pour l'occasion interviewé la GRC:
Dans une entrevue accordée mardi à la Presse canadienne, deux agents de la GRC qui ont participé à l’enquête Norman ont souligné l’importance de l’indépendance dans leur travail [...]
Les agents de la GRC insistent sur le fait qu'ils avaient mené dans le cadre de l'affaire Norman une enquête approfondie, indépendante et très professionnelle.
Selon ces deux groupes, il a été établi hors de tout doute qu’il n’y a pas eu d’ingérence politique.
Comme mon collègue à la Chambre, le ministre Blair, l’a dit hier, notre responsabilité consiste à veiller au maintien de l’intégrité du processus judiciaire, et c'est ce que nous avons fait.
Le deuxième point qui a été soulevé concerne la raison pour laquelle le vice-amiral Norman a été désigné, parmi 73 personnes, je crois, et l'on dit que cette décision a été prise pour des motifs politiques.
Mon collègue, M. Virani, a souligné hier à la Chambre trois facteurs qu’il est vraiment important de rappeler. Premièrement, la décision de mener des enquêtes est prise par la GRC, qui est indépendante; deuxièmement, la décision de porter des accusations et de poursuivre quelqu’un devant les tribunaux est prise par la directrice des poursuites pénales, qui est indépendante; et troisièmement, la décision de retirer une accusation est aussi prise par la directrice des poursuites pénales, qui est indépendante.
Pour moi, il est clair qu'aucune de ces décisions n’a fait l’objet d’ingérence politique.
On a aussi parlé de documents et du retard dans l’envoi ou d'une tentative de camoufler certaines choses. Encore une fois, mon collègue a été très éloquent à la Chambre hier, et ce qu'il a dit mérite d’être répété.
Il a parlé du processus d’identification de ces documents et la façon dont ils sont transmis au système judiciaire. Il a dit que, dans le cas d’une demande O’Connor concernant des dossiers de tiers, les documents sont identifiés et ensuite, s’il y a des revendications de privilège, la question est portée devant les tribunaux. Ensuite, le tribunal examine les revendications de privilège, détermine si elles sont valides ou non et rend une décision. C’est ainsi que sont respectées la primauté du droit et l’indépendance de la magistrature.
D’après ce que je comprends, au départ, lorsqu’il y a eu une demande pour des dossiers de tiers, 144 000 dossiers ont été identifiés, puis on les a triés pour s’assurer qu’ils étaient pertinents pour l'affaire en cause, et c’est à ce moment qu'on en est arrivé au chiffre de 8 000 documents. Ensuite, ce ne sont pas des membres du personnel politique qui revendiquent le privilège de protection des documents confidentiels du Cabinet, mais bien des fonctionnaires. Lorsque ces revendications de privilège sont invoquées, un juge vérifie si elles sont valides ou non. Je crois savoir que cela se produit tous les jours dans les litiges qui ont cours partout au pays, et rien n’a été fait différemment dans ce cas particulier.
Je crois moi aussi qu’il s’agit d’un exercice partisan inventé de toutes pièces qui nous empêche de parler de certains des principaux enjeux de l’heure. Chaque semaine, j’ai une réunion avec mon équipe, et le jeudi matin, mes collègues me parlent des priorités. Ce qui importe dans ma circonscription, Davenport, c’est l’urgence de prendre plus rapidement d'autres mesures pour lutter contre les changements climatiques. On veut aussi s’assurer d’avoir les compétences nécessaires pour continuer à réussir sur une base continue. On veut s’assurer que notre communauté artistique continue de connaître du succès au centre-ville de Toronto, et on est très préoccupés par les compressions du gouvernement Ford dans l’éducation, la santé publique, les transports en commun et les bibliothèques. Je tenais à mentionner tous ces facteurs qui préoccupent le plus les gens de ma circonscription, Davenport.
Ensuite, j’ai été très impressionnée par les commentaires de M. Gerretsen au début de la séance parce que, moi aussi, j’avais beaucoup de ces questions en tête. Je crois que nous comptons un certain nombre de groupes indépendants et de professionnels très respectés. Nous comptons sur eux pour faire leur travail du mieux qu’ils le peuvent, et c’est ce qui s’est produit dans ce cas-ci. Je pense que c’est aussi à eux d’examiner, dans chaque cas, s’il y a quelque chose qui doit être amélioré ou qui doit être fait différemment à mesure qu’ils avancent.
Je n’ai encore rien entendu qui me porte à croire que je devrais appuyer la motion dont nous sommes saisis. Je suis heureuse d'avoir pu m'exprimer à ce sujet aujourd’hui.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, je voudrais revenir sur les propos de M. Spengemann. Je ne pense pas que les membres du Comité permanent de la défense nationale fassent de la politique partisane. Nous voulons simplement connaître la vérité. Nous sommes très préoccupés, comme bon nombre de Canadiens, par ce qui s'est passé dans l'affaire Norman. Ma circonscription compte une importante communauté de militaires. Quand je me rendais dans la région dans le cadre de mes activités, il n'était pas rare que l'on me fasse part de commentaires sur cette affaire. On me disait que c'était vraiment de valeur de voir ce qui se passait à ce sujet.
Le vice-amiral Norman a une histoire à raconter aux Canadiens. Nous pensons que le Comité permanent de la défense nationale est l'un des véhicules qui permettraient à tous les Canadiens d'entendre cette histoire. Le vice-amiral pourrait la raconter tout en se prévalant du privilège parlementaire.
Cette situation a été très coûteuse pour les contribuables. Nous avons assumé des coûts immenses en frais d'avocats. De plus, nous nous sommes privés des précieux services du vice-amiral Norman pendant plus de deux ans.
Il est important de faire toute la lumière sur cette affaire afin qu'une telle situation ne se reproduise plus. Nous allons utiliser tous les outils parlementaires à notre disposition pour ce faire. Nous allons commencer par exiger que ce comité se penche sur la conduite du gouvernement dans les enquêtes et les poursuites visant le vice-amiral Norman. Si le Comité refuse de le faire, cela représentera, à mon avis, un manque de respect envers tous les Canadiens et, plus particulièrement, envers nos braves militaires, ces hommes et ces femmes qui portent l'uniforme. Cette situation me préoccupe et elle ne doit pas se répéter.
Pendant ma carrière d'entraîneur de hockey, j'ai été témoin à maintes reprises de l'immense respect que les Canadiens éprouvent envers les militaires et les vétérans. Ce sont eux qui assurent notre sécurité dans le monde, qui protègent nos valeurs et qui nous viennent en aide lorsque nous en avons besoin. Pendant ma carrière d'entraîneur, j'ai aussi dû faire preuve de leadership et mettre en place un milieu permettant au groupe de briller et de côtoyer de grands leaders. Le leadership, c'est prendre soin de ceux qui sont sous notre responsabilité. Une question me préoccupe: où était le leadership en ce qui touche la gestion du dossier du vice-amiral Norman?
Le vice-amiral Norman et sa famille n'auraient jamais dû endurer ce qu'ils ont enduré. Le Comité veut pouvoir étudier pourquoi tout cela est arrivé. Au début de cette affaire, le gouvernement a refusé d'assumer les frais liés à la défense du vice-amiral Norman, ce qui a presque provoqué la faillite du vice-amiral Norman et des membres de sa famille. Ces derniers ont eu la chance de pouvoir compter sur l'appui de milliers de Canadiens, des médias et de l'opposition.
Nous avons plusieurs questions en suspens et sur lesquelles le Comité doit se pencher. Pourquoi les libéraux n'ont-ils pas fourni les fameux documents à l'équipe assurant la défense du vice-amiral Norman? Qu'est-ce que le premier ministre tente de cacher? Pour quelle raison, seulement quelques jours après que M. Andrew Leslie a proposé d'aller témoigner, les accusations ont-elles été abandonnées? S'agit-il d'une simple coïncidence? Pourquoi la Gendarmerie royale du Canada a-t-elle déposé des accusations contre le vice-amiral Norman? Quelles preuves l'équipe assurant la défense du vice-amiral Norman a-t-elle présentées à la Couronne pour que celle-ci abandonne ces accusations? Quelles sont les preuves de la divulgation par des tiers qui ont aussi mené à cette décision? Ce sont là des questions qu'il faut clarifier.
Si le Comité ne veut pas étudier ces questions, nous sommes en droit de penser que les libéraux, qui prétendent former un parti transparent, veulent cacher quelque chose. À mon avis, si les libéraux refusent d'inviter le vice-amiral Norman à témoigner, c'est qu'ils ont peur de la vérité.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci de me donner l'occasion d'intervenir. Je ne fais pas partie d'ordinaire du Comité, dont j'ai toutefois été membre par le passé.
Tout d'abord, je tiens à saluer les états de service du vice-amiral Norman. Comme mon collègue d'en face l'a dit, je suis issue moi aussi d'une famille de militaires et je comprends très bien ce que cela exige, être au service de son pays. Je tiens à souligner ses états de service exceptionnels et à remercier sa famille d'avoir servi avec lui.
Cela dit, je n'ai pas droit de vote au Comité, mais je voulais entendre ce que les participants avaient à dire aujourd'hui au sujet de cette demande d'étude.
Mes collègues nous ont dit que le ministère public, l'avocat de la défense et la GRC ont tous précisé qu'il n'y avait pas eu d'ingérence politique. C'est ce qu'ils ont déclaré. Les médias sont également d'accord. Il est étrange que, alors que l'avocat du vice-amiral Norman lui-même nie toute ingérence politique, on soit encore en train d'essayer de faire croire qu'il y en a eu.
Par respect pour le vice-amiral Norman et sa famille, il vaut mieux éviter de politiser cette affaire. Je remercie mes collègues d'en face de leurs interventions. Je conviens que l'épreuve à laquelle le vice-amiral Norman a été soumis est extrêmement regrettable. C'est avec plaisir que j'ai appuyé la motion adoptée à l'unanimité à la Chambre cette semaine, mais je n'ai pas l'impression, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, qu'il y ait eu quelque ingérence politique que ce soit
C'est ma dernière intervention. Je vais essayer d'être concis.
Je sais gré à mes collègues d'en face de certains de leurs propos sur l'excellent travail que le Comité a été en mesure d'accomplir. C'est tout à votre honneur, monsieur le président, si nous avons réussi à rassembler les membres du Comité pour faire des études et rédiger des rapports sérieux. Nous avons réussi à transcender l'esprit de parti.
Nous avons ici une occasion de le faire de nouveau. Si nous voulons écarter la politique de l'affaire du vice-amiral Norman, le Comité est l'un des meilleurs où cela peut se faire. C'est ici même que nous pouvons travailler ensemble pour découvrir la vérité. Le Comité a une chance d'examiner ce qui s'est passé et de s'interroger sur la suite des choses.
Il faut regarder en arrière. Il y a des accusations d'ingérence politique. Elles subsistent. Le premier ministre Trudeau a dit à deux reprises, soit le 6 avril 2017 et le 1er février 2018, qu'il y aurait des accusations, même si elles n'avaient pas encore été portées. C'est vraiment louche, et nous devons faire toute la lumière. Pour l'avenir, nous devons trouver comment indemniser le vice-amiral Norman.
Mme Romanado a parlé de la famille du vice-amiral, des épreuves qu'elle a vécues, des difficultés auxquelles elle a dû faire face, des risques de faillite auxquels elle a été exposée, du grand nombre de familles de militaires, d'anciens combattants et de Canadiens des quatre coins de notre pays qui ont participé à des efforts de sociofinancement pour payer les frais juridiques du vice-amiral. Ils veulent des réponses. C'est une question de famille. C'est une question de service. Il s'agit des brillants états de service du vice-amiral Norman. Il mérite d'être adéquatement indemnisé. Qu'a-t-il fait? Il a simplement fait son travail. Il a veillé à ce que la marine obtienne un navire dont elle avait désespérément besoin si nous voulons avoir une flotte de haute mer. Au lieu de cela, on l'a traîné dans la boue et on l'a piétiné.
Nous avons encore des questions à poser au sujet de sa réintégration. En vertu des Ordonnances et règlements royaux, une fois la suspension levée, il peut reprendre son ancien poste. Ce n'est pas ce qui se passe. Il faut savoir pourquoi.
Nous avons l'occasion d'examiner les contradictions au sujet de l'ingérence politique, d'écarter la politique et de collaborer, entre parlementaires, afin de faire toute la lumière. Le vice-amiral Norman aura la possibilité de donner sa version des faits. Les Canadiens veulent l'entendre et ils ont besoin de l'entendre. Si la proposition est rejetée, j'espère que nos collègues d'en face savent qu'ils seront accusés de s'être pliés aux volontés du premier ministre. On va les accuser de camouflage, et la grande question sera sur toutes les lèvres: « Qu'essayez-vous de cacher? »
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai un amendement à proposer à la motion que M. Bezan a présentée et dont le Comité est saisi. Il s'agirait de supprimer les noms de tous les témoins qui pourraient être convoqués, sauf celui du vice-amiral Norman.
Permettez-moi quelques mots d'explication.
Les députés ministériels nous ont dit que la proposition allait peut-être un peu trop loin à leur convenance. Je tiens toujours beaucoup à ce que le vice-amiral Norman puisse comparaître devant le Comité pour donner sa version des faits sous la protection du privilège parlementaire.
D'après ce que nous avons entendu, la motion, telle quelle, n'est pas acceptable. Je propose donc de l'amender pour qu'il y ait un seul témoin, le vice-amiral Norman. Puisqu'il a d'autres choses à dire, je tiens toujours à ce qu'il ait l'occasion de s'exprimer sans s'exposer à des poursuites.
J'apprécie les efforts de pacification de M. Garrison. C'est toujours lui qui s'efforce de nous rassembler et de nous aider à trouver un terrain d'entente.
Si la motion était adoptée, après que le vice-amiral Norman aura eu l'occasion de donner sa version à l'abri des poursuites grâce au privilège parlementaire qui protège les témoins, le député serait-il disposé à accepter que nous invitions, si nous le souhaitons, d'autres témoins à venir répondre à d'autres questions? Souhaite-t-il reformuler son amendement de façon qu'il soit possible d'entendre d'autres témoins au besoin?
Je dirais que non, je ne suis pas prêt à modifier l'amendement. Le Comité est toujours maître de son destin. S'il estimait qu'il y a encore du travail à faire le moment venu, nous aborderions alors la question, qui reste hypothétique pour l'instant.
Mon amendement vise à donner au vice-amiral Norman la possibilité de comparaître.
Monsieur le président, j'allais simplement demander si nous pouvions suspendre la séance pendant cinq minutes pour nous permettre de nous réunir en caucus, comme nous l'avons déjà fait par le passé.
Lorsque nous avons suspendu la séance, vous veniez de refuser de modifier votre amendement. La motion modifiée de M. Garrison est à l'étude et il est toujours possible d'en débattre.
Monsieur Spengemann.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier M. Garrison d'avoir présenté l'amendement, car je crois qu'il reflète le sentiment du Comité: les Canadiens devraient entendre le vice-amiral Norman.
Toutefois, je ne crois pas que le Comité soit la tribune qui convient. Pas nécessairement à cause de questions de compétence. C'est plutôt une question d'optique et de politique. Le vice-amiral Norman est l'un des officiers militaires les plus haut gradés, et le problème qui se pose est celui de l'ingérence politique. Question d'optique, nous ne devrions pas placer le témoin sur une tribune politiquement lestée si nous voulons qu'il puisse présenter sa thèse. Il y a d'autres moyens de se faire entendre.
Cela dit, je suis d'accord pour dire que nous devons reconnaître les services que, avec sa famille, il a rendus, comme on l'a souligné, et tout ce qu'il a fait pour notre pays. Encore une fois, les excuses que nous avons présentées à la Chambre mardi étaient importantes.
Je n'ai que deux questions. Premièrement, quel serait le cadre le mieux adapté? Deuxièmement, si vous croyez qu'il serait préjudiciable pour lui de comparaître, que diriez-vous si nous l'invitions, quitte à ce qu'il décline l'invitation?
Le vice-amiral Norman peut choisir parmi une foule de possibilités. Je ne pense pas que nous devions faire ce choix pour lui.
Il se trouve que je ne suis pas du tout d'accord avec M. Spengemann.
Le privilège parlementaire dont nous jouissons autorise collectivement la Chambre et les comités, qui en sont l'émanation, à entendre des témoins, à faire des études, à lancer des enquêtes et à faire prêter serment aux témoins. Nous pouvons régir nos propres affaires, et le Comité a toujours montré qu'il pouvait s'élever au-dessus de l'esprit de parti pour étudier les questions qui lui sont confiées.
Si nous voulons vraiment connaître la vérité, nous devons entendre le vice-amiral Norman. Il a dit très clairement qu'il a sa propre version des faits que les Canadiens voudront entendre. Donnons-lui cette possibilité. Le privilège parlementaire lui permettra de s'exprimer sans craindre des répercussions, et cela nous permettra de mener une enquête correcte.
Pour répondre à la question de Mme Gallant au sujet du cadre de la comparution, je dirai ce n'est pas tout le monde qui suit ce qui se passe au Comité. Il y a beaucoup de possibilités. Tout ce qui se dirait au Comité serait rendu public par les médias. Ce serait l'endroit le plus raisonnable pour que le vice-amiral livre sa version, ce qu'il va faire, a-t-il déjà laissé entendre.
Ce qui me préoccupe au sujet de l'amendement... Je suis vraiment reconnaissant à M. Garrison de l'avoir proposé. Ce que je dirais au sujet de M. Garrison, c'est que, depuis qu'il siège au Comité, il essaie vraiment de collaborer et de trouver des solutions et des moyens d'aller de l'avant, et je lui en sais gré. Ce qui me préoccupe, c'est ce qu'a dit M. Martel, mais aussi ce que disent tous les membres du Comité. M. Martel a dit, si je me fie à l'interprétation, que s'ils refusent, les libéraux doivent avoir quelque chose à cacher.
Vous vous enfermez dans un scénario qui exclut toute autre possibilité: faites ceci, ou bien vous avez quelque chose à cacher. Il y a une autre possibilité: se demander si le Comité est le bon endroit, la bonne tribune.
Lorsque vous dites que « si les libéraux refusent, c'est qu'ils ont quelque chose à cacher », vous politisez la question à outrance et vous tombez dans l'esprit de parti. Il y a lieu de se demander si cette attitude est fondée, puisque l'affaire a été examinée sous toutes les coutures par la GRC et le Service des poursuites pénales, qui ont dit clairement que rien ne prouve qu'il y ait eu ingérence politique.
Je suis vraiment préoccupé par l'approche hyperpartisane des conservateurs, et, à mon avis, faire comparaître une certaine personne ne ferait que les encourager dans leur attitude.
Merci, monsieur le président.
Qu'il soit bien clair que je n'ai pas accusé les libéraux d'avoir quelque chose à cacher. Celui qui me préoccupe, c'est le vice-amiral Norman, qui devrait pouvoir comparaître devant le Comité.
Ce que le Comité a de particulier, c'est son caractère officiel. Ce n'est pas comme dans les médias, où quelqu'un d'autre peut interpréter les propos de la personne, décider de rendre compte de telle partie et de laisser tomber telle autre. Le Comité a un compte rendu officiel. Il est à la disposition de la postérité. Et le témoin serait protégé par le privilège parlementaire. Il n'aurait pas à s'inquiéter des répercussions de ses propos, lui qui a été placé dans une situation fort pénible.
Si je présente cette motion, encore une fois, c'est pour offrir une tribune qui n'existe sous aucune autre forme dans notre pays. C'est le seul endroit où le témoin peut livrer ses observations avec la pleine protection de son droit de le faire.
Au risque de mettre mon collègue M. O'Toole sur la sellette, il est clair que les députés d'en face ne sont pas au courant des restrictions auxquelles le vice-amiral Normal serait soumis et ni du risque de préjudice auquel il s'exposerait s'il s'adressait directement aux médias. Cela s'ajoute à la justification que M. Garrison vient de nous donner.
M. O'Toole, qui a été membre des Forces armées canadiennes, pourrait peut-être dire au Comité ce qui risque d'arriver au vice-amiral Norman s'il dit des choses en public plutôt que sous la protection du privilège parlementaire.
Bien que cela puisse arriver, les membres du Comité ne peuvent pas se poser des questions les uns aux autres.
Je vais devoir passer à M. Spengemann, puis à M. Bezan. Ensuite, si M. O'Toole veut intervenir, il pourra le faire.
Monsieur Spengemann, la parole est à vous.
Monsieur le président, seulement un mot. Je répète qu'il devrait appartenir au vice-amiral Norman de décider comment il veut s'exprimer. Si le Comité lui adressait une invitation, ce serait déjà en soi une affirmation politique assortie de pressions politiques subtiles pour qu'il vienne témoigner. S'il nous écrivait et nous demandait à témoigner, la situation serait tout autre, mais nous n'en sommes pas là.
Nous devrions donner au vice-amiral le maximum d'espace pour se distancer de la politique, dans la mesure où il le juge bon, au lieu de le traîner sur une tribune où il ne serait pas forcément à l'aise pour témoigner.
Tout d'abord, qu'on me permette de revenir sur ce que M. Spengemann vient de dire. Si nous recevions une demande du vice-amiral Norman, qui voudrait comparaître devant le Comité pour donner sa version des faits, voudriez-vous faire en sorte qu'il ait cette possibilité?
Je reviens sur les propos de Mme Gallant selon lesquels, en vertu des Ordonnances et règlements royaux, le vice-amiral Norman, en tant que deuxième officier supérieur des Forces armées canadiennes, doit respecter ses responsabilités aux termes de la Loi sur la défense nationale. Ces ordonnances et règlements se sont appliqués pendant toute la période de suspension. Le vice-amiral n'a pas été congédié; il était toujours en service. Il a toujours dû respecter ces ordonnances et règlements. Dans tout ce qu'il a dit publiquement, il est resté fidèle à ses responsabilités de vice-amiral des Forces armées canadiennes aux termes de la Loi sur la défense nationale. Cela me semble important.
Pour revenir au commentaire de M. Gerretsen, ce n'est pas nous qui disons que vous faites du camouflage ou que vous essayez de cacher quelque chose, mais c'est l'impression qu'on aura dans l'opinion publique. Je dirais simplement que vous avez l'occasion de faire la lumière et, à tout le moins, de donner au vice-amiral Mark Norman l'occasion de comparaître dans un endroit sûr, comme la Colline du Parlement, et de dire ce qui s'est passé.
Merci, monsieur le président.
J'ai deux ou trois choses à dire, puis je répondrai à la question de Mme Gallant.
Que mes collègues libéraux prétendent qu'une invitation aurait un caractère politique me laisse perplexe. Cette affaire est politique. Il s'agit d'une fuite, attribuable à Scott Brison, provenant d'une réunion du Cabinet. Il s'agissait d'une accusation d'abus de confiance portée contre le vice-amiral Norman. En fait, il a été relevé de son poste de vice-chef d'état-major de la Défense bien avant l'accusation. L'affaire est essentiellement politique. C'est pourquoi elle a été abordée à la période des questions. Et c'est pourquoi nous devrions nous en saisir.
M. Brison ne siège plus. Son nom était mentionné sur Twitter en lien avec un remaniement ministériel qui aurait eu lieu s'il n'était pas parti. En fait, c'était Scott Brison qui était déjà en cause. C'est politique, chers collègues, que cela vous plaise ou non, et si mes collègues sont convaincus que cela ne va pas jusqu'à l'ingérence politique, ils devraient permettre sans hésiter qu'on interroge certains des acteurs principaux.
M. Garrison a au moins soutenu que nous pourrions donner au vice-amiral Norman une tribune convenable où il serait invité à s'exprimer sans risque, et il pourrait décliner l'invitation. À mon avis, c'est la meilleure façon de procéder. C'est un énorme compromis par rapport à notre longue liste de témoins; nous le reconnaissons, mais ce serait la seule tribune où il pourrait prendre la parole. Pourquoi? Je me reporte aux propos de Mme Gallant: les Ordonnances et les règlements royaux imposent des restrictions au discours politique du vice-amiral Norman, et il n'est pas autorisé à faire des déclarations politiques au sujet du gouvernement en place. Aucun membre des Forces armées canadiennes ne peut critiquer publiquement son gouvernement. Le vice-amiral est donc pris dans un dilemme; jusqu'à son départ à la retraite, le Comité est le seul endroit où il peut s'exprimer. Après les deux années qu'il vient de passer, il devrait pouvoir être réintégré et décider lui-même quand il partira à la retraite et pendant combien de temps il restera dans l'armée.
J'ai lancé un appel, et je n'avais pas l'intention de reprendre la parole. J'ai lancé un appel à des députés bien précis en raison de ces circonstances particulières et parce que plus de 80 000 personnes, militaires et civils, et leurs familles suivent nos délibérations. Alors que les libéraux se livrent à toutes sortes de contorsions pour éviter cette comparution, le compromis que M. Garrison a proposé est une solution parfaite. Si les députés veulent profiter de leur majorité pour la rejeter, qu'ils le disent. Ce serait plus simple, comme l'a dit M. Bezan. On permettrait au vice-amiral Mark Norman d'exprimer ses préoccupations après cette épreuve terrible. S'ils ne veulent pas lui fournir cette tribune, je préférerais qu'ils le disent franchement au lieu de prêter des intentions aux autres.
Cela a commencé avec M. Brison, une fuite et une enquête ordonnée par le premier ministre. Nous ne sommes donc pas à l'origine de cette affaire. Notre responsabilité est toujours de faire toute la lumière. Le mot d'ordre a été donné, et nous allons perdre le vote; faites donc votre numéro.
Je sais, monsieur O'Toole, que vous êtes nouveau au Comité, dont vous n'êtes pas un membre régulier, et que vous êtes ici comme quatrième membre de votre groupe, qui n'en a que trois. Bien sûr, n'importe quel député est le bienvenu, et nous sommes heureux de vous compter parmi nous.
Jusqu'ici, le Comité n'a jamais fonctionné de cette façon. En cas de désaccord, nous avons toujours cherché un compromis. Désolé que ce débat traîne en longueur, car d'autres occupations vous appellent peut-être, mais je ne suis pas là en train de lire des notes. Je ne suis pas venu ici avec un discours tout prêt. Je n'ai rien lu. J'écoute vraiment, j'essaie de répondre et de poser des questions pour faire valoir ma position.
Je vous prie de m'excuser si les choses ne vont pas assez vite à votre convenance, mais personne ne fait la comédie, il n'y aura pas soudain un ordre nous obligeant à voter d'une certaine façon. Du moins, ce n'est pas mon point de vue.
M. O'Toole a dit quelque chose d'extrêmement pertinent dans cette discussion: c'est de la politique. C'est ce qui s'est produit. C'est pourquoi l'affaire a été abordée à la période des questions. Le BCP a fait ceci et cela. Le BCP n'est pas une organisation politique; c'est un ministère du gouvernement du Canada. Son travail, lorsque ce genre de chose se produit, consiste à être en mesure de réagir, et il a réagi en communiquant avec la GRC. Je m'inscris en faux contre votre affirmation voulant que tout cela relève de la politique.
Nous faisons de la politique. Nous sommes censés élaborer des politiques. Nous sommes en train d'élaborer une politique pour que les forces armées soient ouvertes à tous. Voilà ce que nous faisons. C'est la politique à laquelle nous travaillons. Notre travail ne consiste pas à faire de la politique et à essayer d'influencer des organismes indépendants comme la GRC et le SPP. D'ailleurs, le Conseil privé est un ministère du gouvernement.
Désolé que vous ne perceviez pas les choses de la même façon, mais c'est certainement ainsi que j'ai toujours vu les choses.
Merci.
Merci.
Je vais donner la parole à M. Bezan.
Il est 17 h 30. Nous allons poursuivre le débat et continuer de siéger aussi longtemps qu'il le faudra.
J'espère que c'est ma dernière intervention. Je dois réagir aux propos de M. Gerretsen. Selon lui, le Bureau du Conseil privé n'est pas une organisation politique. Pourtant, ce que nous ont appris le scandale de SNC-Lavalin et les déclarations que Michael Wernick a faites, assis au bout de cette table, au Comité de la justice, c'est qu'il s'agissait d'activités politiques, de motifs et de discours politiques. Cela nous amène également à nous interroger sur ses activités pendant l'affaire Mark Norman. M. Wernick était toujours greffier du Conseil privé pendant tout ce processus. Qui s'est adressé à la GRC pour qu'elle porte des accusations? Lui? Le premier ministre a dit que c'était le chef d'état-major de la Défense.
Il y a une foule de questions à élucider. J'espère que, lorsque vous examinerez l'ensemble de l'affaire Mark Norman et le lien qui peut exister avec ce qui est arrivé à Jody Wilson-Raybould dans le scandale SNC-Lavalin, vous constaterez qu'il est nécessaire de mener cette enquête et, à tout le moins, d'appuyer l'amendement de M. Garrison visant à permettre au vice-amiral Mark Norman de se présenter sur une tribune sûre, où il pourra... Comme M. O'Toole vient de le dire, le vice-amiral ne peut pas se mêler de politique et de partisannerie parce qu'il est membre des Forces armées canadiennes, mais nous pouvons lui donner l'occasion de donner sa version et permettre aux Canadiens de se faire une idée.
Monsieur le président, il se pourrait que le vice-amiral Mark Norman n'ait rien à dire qui ait une dimension politique. Il se peut que les obstacles qui empêchaient le projet d'aller de l'avant aient été purement administratifs. À l'heure actuelle, une ombre plane sur le gouvernement, et elle continuera de peser sur l'ensemble du Parlement au cours des mois et des années à venir, à moins que nous ne nous attaquions enfin au problème d'acquisition de matériel. Il se pourrait que, en acceptant une invitation, le vice-amiral puisse faire la lumière sur ce qui se passe en coulisse et sur la raison pour laquelle il faut tant de temps, par exemple, pour acquérir l'hélicoptère EH101, pour acheter des avions de chasse. On dirait qu'une décision a été prise, et voici que les retards se multiplient.
Voilà ce que le Comité peut gagner en se renseignant sur les raisons pour lesquelles il faut tant de temps pour fournir aux forces armées les outils dont ils ont besoin pour accomplir les tâches que nous leur confions.
[Français]
Nous sommes tous assis ici bien confortablement, mais aucun d'entre nous n'a vécu ce que M. Norman a vécu au cours des deux dernières années. Nous pourrions au moins permettre à cet homme, qui a énormément donné au pays et au gouvernement, de se faire entendre, de dire ce qu'il a à dire. Mettons-nous dans la peau de cet homme. Pendant deux ans, il a été coincé. Songeons à tout le malaise que cela a pu lui causer. Or, nous apprenons aujourd'hui que le procès est suspendu. Au-delà de toute considération, cela lui ferait simplement du bien d'être entendu.
[Traduction]
D'accord, le débat sur l'amendement me semble terminé.
Voulez-vous un vote par appel nominal, monsieur Bezan?
M. James Bezan: Bien sûr, je voudrais un vote par appel nominal.
(L'amendement est rejeté par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Lorsque le débat sur la motion s'est arrêté, deux députés étaient inscrits sur la liste, MM. Gerretsen et Spengemann. Le débat sur l'amendement a peut-être changé les choses, mais telle était la situation à ce moment-là.
Je donne la parole à M. Gerretsen.
Je vais essayer d'être bref, car la séance dure depuis un certain temps. Je voudrais néanmoins revenir sur des choses que j'ai entendues depuis ma dernière intervention.
D'autres collègues en ont parlé et ont réagi, mais Mme Gallant s'est interrogée sur les motifs qui ont incité les députés à appuyer une motion à l'unanimité. Si le gouvernement n'a rien fait de mal, pourquoi appuyer cette motion? Nous l'avons tous appuyée parce que nous avons tous jugé que sa teneur était acceptable et qu'elle constituait une réaction correcte du Parlement.
Des questions ont surgi au sujet de l'absence de certains députés au moment du vote, mais lorsqu'une motion est adoptée avec le consentement unanime, les présences ne sont pas consignées et il est entendu que la motion a été adoptée par tous les députés, qu'ils soient présents à la Chambre ou non. C'est exactement ce qui s'est passé dans le cas de cette motion.
Mme Gallant a aussi demandé pourquoi Norman a été pointé du doigt, parmi tous ceux qui avaient eu accès à l'information. Elle s'est aussi demandé pourquoi il s'était écoulé tant de temps entre la suspension et l'accusation. Ce sont aussi d'excellentes questions, mais elles ont trait à l'activité criminelle et c'est la GRC qui est la mieux placée pour y répondre. Et le Service des poursuites pénales est le mieux placé pour recevoir les preuves de la GRC et voir s'il convient ou non d'intenter des poursuites.
Mme Gallant a aussi parlé de documents judiciaires lourdement caviardés dont la production a pris six mois. Savons-nous quelle est la norme pour une demande d'accès à l'information d'une telle importance? Six mois, c'est trop long ou c'est trop court? Certains diront que c'est trop long et d'autres trop court. Plus important encore, comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas le gouvernement qui a caviardé les documents. Affirmer qu'il l'a fait, cela fait bel effet dans un discours politique, mais la vérité, c'est que les documents ont été caviardés par la cour, que c'est elle qui a autorisé le caviardage et la communication.
Quant à la question des mots-code, j'ai trouvé cela très intéressant, J'ai déjà dit que, d'après le chef d'état-major de la Défense, aucun mot-code n'avait été utilisé. M. O'Toole a prétendu ensuite que le chef d'état-major n'avait jamais dit cela. Or, voici un article qui dit:
Dans une entrevue accordée à CBC News en décembre 2018, le général Vance a nié l'utilisation de mots-code, ajoutant qu'il était choqué qu'on prétende que les militaires s'en servaient pour dissimuler délibérément des documents, et qu'il serait « dégoûté » si c'était vrai. Cet article du 21 décembre 2018 a été produit comme pièce au tribunal.
Mme Gallant a également soulevé la question des nouveaux éléments de preuve, s'interrogeant sur la nature de ces éléments. Encore une fois, ce sont d'excellentes questions, mais l'enquête devrait être menée par la GRC — l'organisme compétent pour enquêter sur ces questions — et les résultats devraient être ensuite communiqués au SPP.
M. O'Toole a parlé du Bureau du Conseil privé dans son intervention, disant même que le BCP avait fait part de ses préoccupations à la GRC, puis que la GRC avait fait enquête. C'est ainsi que les choses sont censées se passer. Vous présentez cette démarche comme répréhensible. Si le BCP ou un autre ministère estime qu'il s'est produit quelque chose d'illégal, il doit transmettre cette information à la GRC afin qu'elle puisse mener l'enquête.
Je suis très heureux que M. O'Toole ait parlé de ma circonscription et de la BFC Kingston. Je ne rate jamais l'occasion de parler de ma circonscription lorsqu'il en est question. Je suis donc très heureux qu'un autre député en dise un mot. Je suis très attaché à la BFC Kingston et à ses membres. J'ai grandi dans ma circonscription,où j'habite depuis près de 43 ans. Je l'ai vu évoluer: d'abord une petite ville, une localité qui avait une base militaire d'abord située en périphérie, puis englobée dans la collectivité.
Lorsque j'étais maire de Kingston, j'ai eu l'occasion de me rendre à Fort Drum avec le maire de Watertown. Il venait ensuite à Kingston pour visiter la BFC Kingston. Il a toujours été jaloux des liens étroits qui unissent la base et la collectivité. Mes enfants peuvent être entraînés par un membre de la BFC Kingston et personne n'en saurait rien, car les membres de la base sont tellement intégrés qu'ils font partie de la collectivité. Nous avons beaucoup de chance.
Mon rôle ici est de décider si ce qui est proposé aujourd'hui est vraiment dans l'intérêt du Comité et s'il y a lieu d'affecter des ressources parlementaires à cette fin, ou bien si l'opposition présente cette proposition pour des raisons politiques.
Malheureusement, même si je continue à écouter et à réagir à ce que j'entends, je n'ai pas entendu la moindre preuve que la démarche proposée soit dans l'intérêt du Comité. Tout ce que j'entends, ce sont des ouï-dire et des insinuations d'ingérence, sans aucune preuve concrète. Ce ne sont que des ouï-dire, des opinions sur ce qu'on suppose avoir eu lieu. Cela me porte à croire que, dernièrement, il n'y a pas eu grand-chose d'autre que de la politique dans le récit que les conservateurs proposent.
Merci, monsieur le président.
Trois autres députés veulent prendre la parole: M. Spengemann, M. Garrison et M. O'Toole. Je vais peut-être modifier l'ordre pour que nous continuions à alterner.
Je donne la parole à M. Garrison pour commencer.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous en sommes revenus à la motion principale. Je tiens à répéter que si j'ai signé la demande de séance pour étudier la motion, c'est principalement pour donner au vice-amiral Norman la possibilité de s'exprimer. La motion à l'étude invite des témoins à comparaître. La liste est longue, et il me semble probable que la plupart d'entre eux refuseront de comparaître. Même si l'issue du vote est probablement scellée, je voudrais que les députés ministériels appuient la motion.
D'autres personnes pourraient vouloir saisir l'occasion de comparaître, comme le ministre de la Défense. Encore une fois, je sais que les conservateurs ont posé beaucoup de questions à propos de Mark Norman pendant l'étude du budget. Comme j'ai choisi de m'en tenir à des sujets à mon avis plus étroitement liés au budget, je n'ai pas eu l'occasion de parler de cette question au ministre. Il voudra peut-être revenir nous expliquer ses regrets.
Je le répète, qui dit excuses dit responsabilité à l'égard de quelque chose. Si on présente des excuses, on assume une responsabilité. Lorsqu'on se dit désolé, c'est qu'on a fait quelque chose, et le ministre voudrait peut-être s'expliquer.
La troisième personne sur la liste qui voudrait peut-être se prévaloir de l'occasion de comparaître est, bien sûr, Andrew Leslie, qui avait l'intention de témoigner pendant la procédure judiciaire. Comme elle a été abandonnée, il n'aura pas l'occasion de s'exprimer.
Pour ma part, je souhaite que ceux qui voudraient s'exprimer à ce sujet puissent le faire avec la protection du privilège parlementaire. J'espère que les députés ministériels appuieront la motion, mais je doute qu'ils le fassent.
Monsieur le président, j'admire la passion de mon collègue M. Gerretsen, et il est très direct, mais malheureusement, il se trompe sur presque toute la ligne. Il est important que cela se sache pour qu'il se renseigne un peu mieux sur certaines de ces choses-là.
Il a raison de dire que le BCP fait partie du gouvernement. C'est le ministère qui conseille le premier ministre. Le BCP prend des mesures et il conseille le premier ministre, mais, s'il s'agit de choisir un nom parmi 73 pour le communiquer à la GRC, le premier ministre doit participer à la décision. Ce n'est pas le ministère des Pêches et des Océans, isolé dans une île quelconque. Ce n'est pas sans raison que le BCP se trouve à l'édifice Langevin. En tant que membre du Conseil privé, je sais comment le BCP fonctionne et conseille le Cabinet et le premier ministre. À bien des égards, le greffier est le sous-ministre du premier ministre, si on compare sa situation à celle d'autres ministères. J'invite donc M. Gerretsen à se renseigner un peu mieux.
En ce qui concerne la motion adoptée avec le consentement unanime, plusieurs membres du caucus libéral ont interprété le consentement unanime comme l'expression de la volonté de toute la Chambre. Non, il reflète la volonté de la Chambre à un moment précis. Il s'agit d'un consentement unanime, et les députés absents n'y ont pas part. C'est la volonté de la Chambre et des députés présents à ce moment-là. Voilà ce que dit le Règlement.
Quant au caviardage, j'ai participé à des litiges à titre d'avocat et il me semble important de souligner que les passages à caviarder ne sont pas choisis par le tribunal. Le gouvernement fournit des documents et revendique un privilège à l'égard de certains. Après des mois d'insistance, il les remet enfin à la cour pour qu'elle rende une décision. Elle ne fait que respecter ou rejeter une revendication de privilège ou une demande de caviardage.
Je crois pour ma part que la note de service caviardée du greffier du Conseil privé, si elle était restée intacte, aurait donné beaucoup de réponses dans cette histoire, mais M. Gerretsen a laissé entendre que le tribunal avait tout simplement examiné les documents et décidé de les caviarder. Non. Le gouvernement fait valoir son point de vue lorsqu'il présente les documents à la cour, et il est important de le dire.
Pour ce qui est de la question des mots-code, le CEMD a été choqué parce que, selon lui, l'utilisation de ces mots n'a pas été prévue à cette fin. Il n'a pas contesté leur utilisation. En fait, il a lui-même fait l'objet d'une contestation devant les tribunaux, et ses commentaires portaient sur l'intention qui justifie l'utilisation de mots-code et sur le fait que l'armée utilise des acronymes. Par conséquent, nous devons éviter de tirer des conclusions d'éléments qui ne sont pas étayés par les faits.
Dans mes observations, j'ai lancé un appel à des membres libéraux du Comité libéral parce que je sais qu'ils se soucient des militaires installés chez eux. Je l'ai dit pendant mon intervention. Je sais que c'est le cas de M. Gerretsen et j'aime la façon dont il a décrit la collectivité et la base comme un tout intégré.
Et la famille Norman? J'ai rencontré le père de Mark Norman pour la première fois avant de rencontrer le fils, parce que le général Norman était commandant du Collège militaire royal du Canada. Mark Norman, ayant probablement l'impression que son père avait des liens très étroits avec le Collège, a préféré fréquenter l'Université Queen's pour tracer lui-même son chemin, ce que j'admire, même si l'Université Queen's est, à proprement parler, au deuxième rang des meilleures universités de Kingston.
Je sais néanmoins qu'il se soucie de toutes ces institutions et c'est pourquoi je pense qu'il y a beaucoup de questions qui se posent.
Je sais que la motion la plus édulcorée vient d'être rejetée, mais je dois vraiment lancer de nouveau un appel. C'est un moment où les députés doivent se dire que les collectivités ont parfois des questions uniques à poser. Au moment de la fermeture de la pêche, John Crosbie y a répondu; la réunion a été difficile. Dans ce cas-ci, beaucoup de communautés militaires posent des questions, et le Comité pourrait y répondre.
Merci.
Le débat sur la motion principale est clos. Je vais demander au greffier de mettre la question aux voix.
(La motion est rejetée par 5 voix contre 4.)
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication