:
Merci, monsieur le président.
J’ai le plaisir de présenter au Comité des commentaires sur l’important sujet de la diversité au sein des Forces armées canadiennes.
[Français]
Je ferai mes commentaires seront en anglais.
[Traduction]
À titre de contexte, pendant que je servais au sein des FAC, j’ai commencé à faire de la recherche et à contribuer aux politiques liées à la diversité au début des années 1980, et j’ai continué à faire de la recherche sur la diversité ainsi qu’à enseigner le leadership et la diversité au Collège des Forces canadiennes.
Au cours de cette période, j’ai pu constater que les FAC sont passées d'une mise en oeuvre réticente des changements commandés de l'extérieur, à une prise en main proactive pour répondre aux besoins de l'armée et être en phase avec la société. Je distingue trois phases au plan philosophique et politique dans ce passage.
Il y a eu tout d'abord la phase de tolérance et d’accommodements. On s'employait à éliminer les obstacles manifestes et à fournir aux personnes concernées des accommodements qui étaient basés sur des besoins justifiés et qui étaient habituellement exigés par la loi. Il fallait toutefois que cela entrave le moins possible l’efficacité opérationnelle. Les mesures prises dans la foulée de la décision du Tribunal canadien des droits de la personne en 1989 concernant la présence des femmes dans les postes de combat, à laquelle j'ai contribué, en sont le meilleur exemple.
On est passé ensuite à la phase de l’acceptation et de l’intégration. Les FAC reconnaissaient alors que ceux ne faisant pas partie de la norme dominante — plus précisément les femmes et les gens ayant une culture, une croyance religieuse, une orientation sexuelle ou une identité de genre différentes — avaient aussi le droit de servir et de gravir les échelons. L’évolution dans les plans d'équité en emploi, les mises à jour des politiques concernant le personnel militaire et la publication de la doctrine des FAC sur la profession des armes et le leadership, auxquels j’ai également contribué, en témoignent concrètement.
Au cours de cette phase, les efforts d’intégration déployés par les FAC équivalaient souvent, pour les personnes visées, à de l’assimilation. Pour pouvoir s’intégrer et avancer, ils devaient adopter les normes du groupe dominant, soit celles du mâle, hétérosexuel, judéo-chrétien, culturellement « blanc » et habituellement anglophone. En d'autres termes, les « autres » devaient s’adapter, tandis que la majorité n’avait à peu près rien à changer dans sa façon d'être ou d'accomplir ses fonctions militaires.
La phase actuelle m'apparaît maintenant comme celle où l'on souhaite passer à l'étape de la compréhension et de l’inclusion. On veut améliorer l’efficacité opérationnelle en s'inspirant des diverses perspectives, visions du monde, connaissances culturelles et points de vue personnels de la riche mosaïque sociale canadienne. Je dirais que l'intention est admirable, très positive et mérite d'être appuyée. J'ajouterais que je ne connais pas d'organisme du secteur privé au Canada ou d'organisation militaire dans le monde, qui s'est fixé des objectifs comparables. Au sein des pays de l’OTAN, le Canada fait office de modèle.
Atteindre ces objectifs ne sera toutefois ni simple, ni facile, ni rapide. La pensée et la pratique militaires devront prendre quatre virages importants pour y arriver. je vais vous décrire chacun d'eux, et vous expliquer les défis que devront relever les FAC dans chaque cas.
Il faudra premièrement passer d'une conception étroite de l'équité en emploi pour les groupes désignés à une reconnaissance de tous les aspects de la diversité. Même s'il est facile d'en parler et si Condition féminine Canada a publié beaucoup d'information sur l’ACS+ (analyse comparative entre les sexes plus les facettes de la diversité) passer de la théorie à la pratique n'est pas simple. Comment un homme d'un certain âge, privilégié, de race blanche comme moi, peut-il arriver à bien comprendre les vues d’une jeune femme de couleur marginalisée? Fort heureusement, nous avons une foule de chercheurs, d’organismes communautaires et de dirigeants autochtones qui sont prêts à aider les FAC à comprendre le sens profond de la diversité et comment elle se vit. Les efforts visant à faciliter le dialogue méritent d'être encouragés.
Il faudra, deuxièmement, valoriser les différences au lieu de mettre l'accent sur la conformité. Les FAC doivent toutefois avoir des processus officiels pour transformer un civil en soldat, en marin ou en aviateur. La socialisation au niveau d'entrée vise à instiller aux nouveaux venus les valeurs, les croyances et l’identité militaires que les FAC ont choisi d'inculquer à tous ceux qui joignent leurs rangs. La question qui se pose est donc la suivante: comment faire pour que les Canadiens issus de la diversité gardent en tête les idées que les FAC disent maintenant valoriser, tout en étant soumis à l'énorme pression d'adopter une nouvelle identité et le point de vue particulier du monde militaire?
Il faudra ensuite, troisièmement, un virage dans la façon de recruter des FAC jusqu'à sa façon de mener des opérations. Un principe commun chez les militaires est celui de l’importance de l’unité de pensée, de but et d’action. La stratégie des FAC sur la diversité préconise de maintenir l’unité de but: un but commun que tous sont résolus à atteindre, mais en permettant l'expression de divers points de vue sur les problèmes et la façon de les régler. Il importe alors de se demander ce qui se passe lorsqu’un membre de l’équipe dit: « Patron, ma boussole morale pointe dans une autre direction. »
Il faudra, quatrièmement, et c'est à mon sens le plus important, non plus tenter de comprendre « ces autres issus de la diversité », mais bien le « nous », c'est-à-dire l'idée qu'on se fait du membre idéal; l’image du modèle de soldat, de marin, d'aviateur, souhaité et valorisé. Cela a une incidence sur les dirigeants et les critères de promotion, mais exige également des membres de réfléchir à qui ils sont et qui ils sont devenus.
Sur ce, je voudrais maintenant vous parler de certains enjeux particuliers soulevés par le Comité, en commençant par l’opération Honour.
Comme les membres du Comité le savent, le général Vance a énoncé très clairement ses intentions, et il a notamment offert d'aider ceux qui ne satisfont pas aux normes des FAC à se réorienter. Son leadership est un élément essentiel pour relever es défis que les FAC, et je dirais, de nombreuses autres organisations au Canada, doivent relever.
Sur ce point, je ferai deux commentaires. Premièrement, et comme j'en ai discuté avec la juge Deschamps lors de son examen, le fait que ceux qui sont victimes d'un comportement inapproprié ne le rapportent pas officiellement ne veut pas dire qu’ils ne font rien à ce sujet. Les femmes en particulier ont appris à se servir des réseaux sociaux informels des FAC pour envoyer des signaux clairs à propos de ce qui est et n’est pas acceptable ou bienvenu.
Deuxièmement, je remplacerais le terme sexualisée qu'elle utilise par culture masculiniste. Tant les hommes que les femmes peuvent s’acquitter de leurs fonctions militaires d'une façon masculine, mais, pour revenir à la stratégie des FAC sur la diversité, les FAC doivent prendre conscience qu'il existe d’autres façons de s'acquitter des fonctions militaires et de mener des activités militaires. En clair, j'invite les hommes, en particulier, à élargir leur conception du monde militaire et des méthodes de leadership, pour y inclure ce qui est communément considéré comme des approches féminines. Cela touche à la question du succès de la mission. Pour concrétiser le programme sur les femmes, la paix et la sécurité de l'ONU, les objectifs de la politique d’aide internationale du , les objectifs de la politique « Protection, Sécurité, Engagement » et les directives connexes de l’OTAN et du chef d'état-major de la Défense, il faut que les militaires assurent la sécurité humaine des individus, de leur famille et de la communauté. Il faut pour cela tout d'abord de l’empathie et de la compréhension — des éléments qui sont habituellement perçus comme les points forts des perspectives féministes.
Il faut donc aller au-delà des dynamiques internes, et c'est pourquoi une analyse critique des pratiques et des perspectives masculinistes aidera tous les intervenants à mieux reconnaître et prévenir certains comportements inappropriés au sein des FAC, tout en contribuant au succès des missions lorsqu’elles sont déployées.
Je vais vous soumettre trois observations sur les pratiques exemplaires en matière de recrutement et de maintien en poste.
La première est que l'on devrait parler d’appartenance et d’avancement. Ceux qui ont été marginalisés ne veulent pas simplement être admis au sein de l’armée. Ils veulent être reconnus comme des membres importants de l’équipe et avoir l'occasion de contribuer pleinement aux succès militaires. Ils veulent être reconnus pour qui ils sont, et qu'on leur confie des responsabilités grandissantes afin de pouvoir monter en grade. Pour y arriver, il faut qu'on procède à une analyse ACS+ approfondie.
Ma deuxième observation est que les FAC, tout comme la fonction publique, doivent s'efforcer de remplacer leur approche paternaliste qui consiste à décider d'offrir à un membre de la génération du millénaire un emploi, par une approche visant plutôt à convaincre ce jeune Canadien enthousiaste de mettre ses compétences au service de l'organisation.
Troisièmement, en m'inspirant des commentaires d’un major talentueux qui s’est penché sur la question, je dirais que les dirigeants des FAC doivent parler aux femmes dans l’armée, au lieu de parler des femmes dans l’armée.
Ces trois observations suggèrent que les FAC sont susceptibles de devoir examiner quatre éléments importants.
Premièrement, les évaluations pendant le recrutement. La pondération des différents facteurs retenus par les FAC pour la sélection est-elle la bonne?
Deuxièmement, la socialisation au niveau d'entrée. L'armée utilise-t-elle les bonnes méthodes pour faire passer les bons messages auprès des jeunes Canadiens issus de la diversité sur la façon dont la profession sert le Canada et sur leur façon de servir dans la profession?
Troisièmement, le leadership. Faut-il actualiser le modèle de leadership des FAC pour favoriser des approches inclusives?
Quatrièmement, l’éducation. Les programmes de formation professionnelle militaire offrent-ils aujourd'hui les contenus nécessaires pour promouvoir la compréhension et à l’inclusion?
J’espère que cette importante étude aidera les FAC à atteindre les objectifs souhaités.
Merci
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Merci de m’avoir invitée.
Je suis Grace Scoppio, professeure au Collège militaire royal du Canada, doyenne des études continues, et j’enseigne au Département des études de la défense. Parmi les cours offerts, il y en a un sur la diversité, qui est très couru en fait.
Au cours des dernières années, j’ai mené des recherches au Canada et ailleurs sur la diversité dans l’armée, y compris dans les Forces armées canadiennes. J’ai donc été invitée ici en raison de mes recherches et de mon expertise. Je parlerai en mon nom personnel et non au nom du CMR ou du ministère de la Défense nationale.
Les recherches menées au fil des ans montrent que les Forces armées canadiennes ont déployé des efforts pour se conformer à la législation sur l’équité en matière d’emploi et accroître la diversité au sein de l’organisation, moyennant différentes stratégies de recrutement, politiques d’adaptation et divers programmes de formation. Bien que de nombreuses mesures aient été prises, il reste des lacunes et des défis à relever.
Bien que les politiques d’équité en matière d’emploi soient des outils importants pour uniformiser les règles du jeu, le respect de la loi n’est que le premier pas sur la voie menant à une plus grande diversité dans la force militaire et ses effectifs. La prochaine étape consistera à voir dans la diversité une force et une valeur ajoutée pour l’organisation et, en fin de compte, à changer la culture organisationnelle.
Au Canada, toutes les professions militaires sont ouvertes aux femmes. C’est le cas depuis les années 1980, y compris pour les emplois liés au combat, alors à cet égard, nous étions des chefs de file, et nous le sommes toujours. Cela dit, le Canada ne s’en sort pas mieux que les États-Unis, où les emplois de combat n’ont été ouverts que récemment aux femmes. Par exemple, en 2016, les femmes représentaient 14,4 % de la Force régulière des Forces armées canadiennes. En 2017, ce pourcentage est passé à 15,5 % dans la Force régulière. Aux États-Unis, les femmes représentent 17 % de la population. Donc, même si nous avons ouvert des postes bien avant les Américains, nous n'affichons pas de meilleurs résultats en ce qui concerne la représentation des femmes dans la Force régulière.
Ces constatations donnent à penser que les femmes se heurtent à d’autres obstacles outre les obstacles juridiques, comme les exigences en matière de mobilité imposées aux militaires — le fait que de nombreux métiers sont non traditionnels pour les femmes — et une culture organisationnelle qui, en fait, n’est pas suffisamment ouverte aux femmes et aux autres groupes minoritaires.
Cela m’amène aux minorités visibles. J’en ai parlé au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, à la Chambre des communes, au sujet du projet de loi C-425, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. C’était en mars 2013.
L'un des obstacles à l’augmentation de la population des minorités visibles au sein des forces armées est la citoyenneté. Encore une fois, aux États-Unis, de nombreuses professions sont ouvertes aux non-citoyens et, en fait, la procédure de naturalisation des enrôlés est accélérée. Les Forces armées canadiennes en ont parlé, mais jusqu'ici, le site Web pour le recrutement montre que la priorité est accordée aux citoyens canadiens.
Les FAC ont établi des objectifs ambitieux d’équité en matière d’emploi sur 10 ans. Encore une fois, des progrès ont été réalisés, mais les objectifs sont encore loin d’être atteints. Plus récemment, le chef d’état-major de la Défense a ordonné une augmentation de 1 % par an de la représentation des femmes au cours des 10 prochaines années, pour atteindre 25 %.
Quelques mots sur mes recherches. Ma plus importante étude remonte à 2007. J’ai comparé les Forces armées canadiennes à celles des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie. Cette étude contenait plusieurs recommandations. Je suis heureuse de dire qu’en 2016, la principale recommandation soulignait que les FAC n’avaient pas de vision stratégique pour la diversité, de document stratégique pour la diversité, et mon collègue, M. Okros, a mentionné que l'on dispose maintenant d'un tel document. Je suis heureuse d’y avoir contribué.
Essentiellement, le document va au-delà de l’équité en matière d’emploi et consiste en une stratégie de diversité fondée sur les valeurs. Je suis heureuse de voir cela se concrétiser, presque 10 ans après mon étude.
J’ai également examiné l’intégration des membres autochtones au sein des forces armées. Une pratique exemplaire bien connue nous vient de la Nouvelle-Zélande. J’ai eu la chance de la voir de mes propres yeux lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande, où l’on a réussi à intégrer les Maoris, et pas seulement en nombre symbolique. En fait, ils ont une représentation importante, en particulier dans l’armée de la Nouvelle-Zélande, et ils ont intégré des pratiques culturelles dans leurs forces armées. Encore une fois, j’ai écrit à ce sujet.
Il y a clairement des différences. On a une population autochtone d'une diversité beaucoup plus grande. La population maorie est beaucoup plus soudée, tout comme sa langue, mais c’est néanmoins une pratique exemplaire qu’il serait important que le Canada examine.
Mes recherches récentes portent sur la diversité dans les collèges militaires canadiens. À l’heure actuelle, je dirige un projet de trois ans avec une équipe de recherche composée de quatre membres qui étudie les préjugés sexistes possibles dans le recrutement pour les collèges militaires, ainsi que l’expérience globale des élèves-officiers dans les collèges.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Je m’en tiendrai à ça. Merci.
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J’ai trop de questions, mais pas assez de temps.
J’ai embauché beaucoup de gens au cours de ma vie. J'ai remarqué que les femmes ont tendance à se sous-estimer et les hommes ont la tendance contraire. Il faut interpréter ce fait et le comprendre lorsqu'on recrute.
Beaucoup plus de gens pourraient automatiquement faire partie du bassin des candidats admissibles. Il faut simplement s'assurer de comprendre... et être en mesure de poser ces questions.
Je me suis jointe à la Marine pendant cinq jours au cours de l’été. J’ai rencontré sur le bateau quelques femmes qui se sont enrôlées à plus de 45 ans. Elles avaient fini d'élever leurs enfants. Elles adoraient le travail. Elles n'avaient jamais su qu'il y avait là un débouché pour elles. Elles voulaient une vie aventureuse. Elles ont trouvé cela excitant. Elles ont obtenu exactement les rôles qu’elles voulaient, et elles n’auraient pas pu être plus heureuses.
N’oubliez pas que je vais poser la question dans une minute.
Par ailleurs, je représente la plus grande communauté portugaise du Canada. La plupart des Portugais de ma circonscription sont originaires des îles. Tous leurs ancêtres sont des gens de la mer. Honnêtement, je ne pense pas que quiconque soit venu recruter dans les écoles secondaires de mon milieu. Je peux vous assurer qu’ils réussiraient très bien, parce que c’est dans leur sang.
À votre connaissance, a-t-on essayé de...? Lorsqu'il s'agit de diversité, il faut en quelque sorte comprendre les gens qu’on essaie de rejoindre. On veut s'adresser à des gens de la mer. Dans la Marine, qu'y a-t-il à bord des bateaux? Généralement, des gens qui viennent des deux zones côtières.
Quel est votre avis? Que pensez-vous de notre recrutement actif auprès de ceux qui sont à mi-carrière? Ciblons-nous certains groupes culturels parce que nous croyons avoir plus de chances qu'ils s'intéressent à ce domaine?