NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la défense nationale
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Bienvenue à notre étude sur la disponibilité opérationnelle maritime du Canada. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins. Nous accueillons M. Ken Hansen, d'Halifax. Je vous remercie de vous joindre à nous par téléconférence. En personne, nous accueillons Eric Lerhe, commodore à la retraite. Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui.
Chaque témoin aura 10 minutes pour livrer son exposé. J'aimerais d'abord donner la parole à Ken Hansen, à Halifax, au cas où nous aurions des problèmes avec la vidéo plus tard pendant la réunion.
Cela dit, monsieur, vous avez la parole. Vous avez 10 minutes.
Je vous remercie chaleureusement de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Nous parlons de disponibilité opérationnelle. La question importante à se poser, c'est « À quelle fin la disponibilité opérationnelle servira-t-elle? » Le pouvoir national en matière maritime porte sur trois grands volets : la sûreté, la sécurité et la souveraineté. Même si la MRC est officiellement une organisation militaire axée sur la souveraineté dans le domaine naval, elle effectue toutes sortes de missions et de tâches qui consistent aussi bien à assurer la sécurité des propriétaires de bateaux qu'à mener des opérations de combat en présence de menaces multiples. Ces sphères d'activité peuvent se chevaucher grandement et varier selon les circonstances. Faisant largement l'objet d'ententes officieuses, les activités navales sont souvent mal définies et mal comprises. La Marine royale canadienne donne au gouvernement du Canada une force militaire prête à mieux intervenir. La culture de l'organisation a toujours été axée sur l'intervention rapide, ce qui constitue l'inspiration de sa devise « Toujours là, toujours prêts. »
Les navires sont grands, bien équipés et relativement rapides. Les marins canadiens sont autonomes et, dans les usages marins, ils doivent être polyvalents. Grâce à ces compétences, ils sont très utiles dans de nombreux rôles militaires officiels et non officiels. L'histoire de la MRC était surtout concentrée sur les rapports des pays de l'Atlantique Nord et transatlantiques avec l'Europe. Deux guerres mondiales et la guerre froide ont façonné les valeurs institutionnelles de la Marine canadienne, sa structure organisationnelle et ses compétences pratiques. La marine, telle qu'elle est aujourd'hui, ne fait que perpétuer les forces acquises au cours des 100 premières années de son existence. La Marine royale canadienne est actuellement en période de transition. Sa modernisation est piètrement planifiée et mal exécutée. On constate des lacunes inhabituelles en ce qui a trait au nombre et aux types de navires, au potentiel opérationnel et au niveau d'expérience. La marine a été reléguée à un rôle de défense locale en raison des vieux hélicoptères provenant de la flotte de l'Aviation royale canadienne, du manque de navires ravitailleurs et de la mise au rancart des contre-torpilleurs. Malgré les nouvelles capacités des frégates et des sous-marins et l'arrivée très prochaine de nouveaux hélicoptères, la marine est bien loin d'être prête à prendre part à des opérations militaires, éloignées, de longue durée et complexes.
Je reviens donc à ma question de départ : « À quelle fin la disponibilité opérationnelle servira-t-elle? » S'il s'agit d'assurer une défense locale pour une courte période face à un niveau de menace peu élevé, la MRC est en mesure et a la capacité de mener à bien cette mission ou cette tâche. Les frégates canadiennes modernisées sont maintenant équipées des nouvelles technologies qu'on trouve sur les autres frégates, et il en va de même pour les sous-marins tant calomniés. Les équipages sont bien entraînés et bien commandés. La MRC est également en mesure de mener des opérations et d'effectuer des tâches à l'échelle locale qui sont commandées par d’autres ministères et agences gouvernementales visant à assurer la sécurité et la sûreté. La MRC contribue fortement au maintien des normes de sécurité et des lois canadiennes dans nos eaux. Elle accomplit aussi très bien cette tâche dans les eaux étrangères en collaboration avec des coalitions multinationales et avec des alliés sur le plan bilatéral.
En revanche, si la mission ou la tâche requiert des opérations de longue portée, de grande capacité ou d'intensité élevée, la MRC aura beaucoup de difficulté à l'accomplir et à donner des résultats probants. En effet, elle représente une force symbolique. Elle agite le drapeau, puis s'en va. La flotte est simplement trop petite et trop fortement axée sur la lutte anti-sous-marine pour qu’elle soit utile hors de son champ de compétences.
Les jours où la MRC s'autoproclamait une marine de type 3, puissance moyenne et projection de force sont révolus depuis la mise au rancart du dernier navire ravitailleur de la classe Protecteur. Ces navires offraient le soutien, le ravitaillement et la logistique nécessaires pour permettre les opérations navales à courte portée sur une longue période, ou à plus longue portée pour des opérations soutenues. La marine accorde une grande importance à la compétence tactique. La conformité aux normes en matière de pratiques exemplaires est considérée comme cruciale. Le reste importe peu.
Par conséquent, la Marine royale canadienne manque grandement de ressources intellectuelles et de compétences organisationnelles. En effet, ses membres sont trop entraînés et moins scolarisés. Trouver de nouveaux moyens d'action et avoir une vision à long terme ne fait pas partie des forces de la Marine canadienne. L'attitude est un aspect essentiel de la disponibilité opérationnelle qui est souvent passée sous silence.
À mon avis, on décèle trois importantes lacunes qui ont des répercussions sur la disponibilité opérationnelle de la Marine au Canada.
Sur le plan institutionnel, la Marine est tout simplement trop petite pour un pays de cette superficie. Dans une étude menée en 2010, Matthew Gillis, un étudiant à la maîtrise, a mené un sondage sur les forces navales et les gardes côtières à l'échelle mondiale et a comparé la MRC aux autres forces navales relativement à la population, à la sphère de responsabilités et au produit intérieur brut.
Quels que soient les critères, la Marine canadienne, surtout en terme d'effectifs, représente la moitié de ce qu'elle devrait être. Dans une structure de forces unifiées, cela place la Marine dans une position vulnérable à la création de doctrines unifiées qui ne représentent pas les notions et les pratiques marines. Autrement dit, la tyrannie de la majorité dicte une approche commune à tous les problèmes, dans toutes les conditions environnementales. Dans une large mesure, on ne tient pas vraiment compte du point de vue de la Marine.
Sur le plan organisationnel, la Marine doit diversifier sa structure et ses fonctions. Le premier signe est en vue, sous la forme d'un navire de patrouille extracôtier adapté à l'Arctique. Je prédis que ce navire utilitaire et polyvalent deviendra une « camionnette » navale. En effet, il a la capacité d'un cargo et des espaces utilitaires très pratiques qui serviront à accomplir de nombreuses tâches liées à la sûreté, à la sécurité et à la souveraineté.
Si la MRC avait déjà un tel navire en service, il serait actuellement près des côtes d'Haïti pour livrer du matériel de secours et pour utiliser ses péniches de débarquement dans les régions isolées par la tempête. Une étape importante en vue d'améliorer la disponibilité opérationnelle consisterait à faire de l'aide humanitaire et des secours en cas de catastrophe qu'ils deviennent des missions officielles de la Marine canadienne.
Sur le plan pratique, la Marine est limitée par un manque d'effectifs, de pièces de rechange et de fournitures. Les jeunes ne finissent plus d'attendre leur formation, les pièces de rechange sont transférées d'urgence d'un navire à l'autre et les opérations sont soigneusement planifiées pour éviter tout épuisement logistique. Les marges pour les opérations navales sont simplement trop minces. Dans une situation imprévue, il n'existe aucune réserve d'urgence qui permettrait de combler les lacunes dans ces secteurs ou dans plusieurs autres.
L'avenir sera complexe et imprévisible selon deux études sur l'horizon de sécurité des Forces canadiennes. Si vous ne les avez pas lues, je vous recommande vivement de le faire. À mon avis, le prochain conflit d'envergure risque d'avoir lieu dans l'océan Pacifique occidental ou dans l'Arctique. Dans les deux cas, le contexte stratégique du Canada et de la MRC sera soudainement inversé. Le Canada n'agira plus comme force de soutien pour l'Europe, car il sera sur la première ligne d'un environnement à la fois nouveau et vaste. Je ne crois pas que la MRC soit prête à gérer cette situation ou toute autre qui s'éloigne du dernier cadre stratégique qui l'a façonnée.
Le type de force que deviendra la MRC se dessine en ce moment. Plutôt que d'être une force combattante ayant peu d'endurance et une portée restreinte, je crois que la MRC doit diversifier et élargir grandement ses compétences logistiques, et intégrer son approvisionnement militaire dans la base industrielle nationale. C'est la seule façon de faire de la MRC une force réellement prête, polyvalente et fiable.
Je vous remercie de votre attention. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Hansen.
Je suis désolé d'avoir omis de préciser, au début de la réunion, que vous êtes un commandant à la retraite. Je vous remercie de votre service et je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Lerhe, vous avez la parole.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître. J'aimerais vous décrire ma vision de la disponibilité opérationnelle maritime à titre d'un des derniers commodores qui, en 2002, a commandé un groupe opérationnel complet en mer. Je vous donnerai également mon point de vue à titre de chercheur au doctorat en relations internationales.
Mon hypothèse est simple. La situation mondiale s'est détériorée, et l'un des outils sur lesquels le gouvernement canadien compte depuis des décennies, le groupe opérationnel complet, n'est plus disponible. Cela nous causera des problèmes à long terme et cela aura également des répercussions sur l'ordre international.
Permettez-moi de commencer par expliquer ce que j'ai été en mesure d'accomplir avec le groupe opérationnel complet dans le détroit d'Hormuz. Je disposais d'un contre-torpilleur lance-missile antiaérien, de deux frégates, de quatre hélicoptères, d'un navire de ravitaillement et de deux avions de patrouille maritime des ÉAU. Je contrôlais tout l'espace maritime du détroit d'Hormuz. J'étais en mesure de rester en mer plus longtemps que l'autre coalition et d'envoyer mes hélicoptères plus loin que les autres, car j'avais un pétrolier ravitailleur. Je n'étais assujetti à personne en raison d'une capacité que je n'avais pas.
Là-bas, les marines ne se contentaient pas de jouer un rôle traditionnel de contrôle de l'espace maritime en temps de guerre. Nous exercions une fonction constabulaire, c'est-à-dire que nous fournissions des services de recherche et sauvetage et de lutte contre le terrorisme. Nous avions la fonction diplomatique importante de faire comprendre aux États-Unis, qui fermaient leurs frontières, que le Canada les appuyait, et de faire comprendre aux puissances régionales que les États-Unis n'agissaient pas seuls et qu'il serait sage de coopérer. Enfin, nous communiquions également ces renseignements aux marchés économiques du monde. En effet, près de 30 % du pétrole mondial passe par le détroit d'Hormuz. Après une semaine, les prix du pétrole avaient augmenté de 60 %, mais lorsqu'on s'est rendu compte, sur le marché mondial, que la puissance maritime était en mesure d'assurer la circulation, les prix du pétrole sont revenus à la normale, soit 30 $ le baril.
De 2001 à 2004, 16 des 18 principaux navires de guerre canadiens ont assuré une rotation dans cinq groupes opérationnels présents dans le golfe. Aujourd'hui — et Ken l'a exprimé très clairement —, nous sommes en mesure d'envoyer seulement deux frégates pendant une période beaucoup moins longue, et elles partiront beaucoup plus lentement, car nous devrons organiser le ravitaillement et, dans certaines régions, un appui à la lutte antiaérienne. De plus, on n'a prévu aucun plan ou financement pour remplacer l'avion de patrouille maritime ou nos sous-marins. Il faut également préciser qu'il est improbable que la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale nous permette de remplacer, comme promis, les 15 frégates et contre-torpilleurs que nous avons actuellement.
Dix ans après ces rotations, la situation mondiale s'est encore détériorée. En effet, nous avons maintenant des conflits en Irak et en Syrie. L'Afrique crie à l'aide. Le réchauffement climatique provoquera des migrations importantes. Toutefois, j'aimerais mentionner l'Aperçu stratégique 2018 du Service canadien du renseignement de sécurité, selon lequel la menace principale provient de la Russie et de la Chine.
Le cas de la Russie est le plus extrême. En 1994, la Russie a signé l'accord de Budapest avec les autres membres du Conseil de sécurité, un accord qui garantissait les frontières de l'Ukraine si ce pays renonçait à ses 1 700 armes nucléaires. En 2014, la Russie a envahi l'Ukraine par la Crimée et presque certainement la région de Donbass.
D'autres pays où vivent de nombreux citoyens russes, par exemple les pays baltes, sont fréquemment survolés par des avions russes et subissent des cyberattaques de la même source. Même le Canada a été sondé et, au printemps dernier, l'OTAN a chargé l'un de nos sous-marins de surveiller les mouvements d'un gros sous-marin russe dans l'Atlantique.
La Chine présente des défis similaires sur le plan de la sécurité. Du bon côté, elle est essentielle pour garder le contrôle sur la Corée du Nord. C'est probablement le seul État qui exerce une certaine influence à cet égard. Toutefois, cet effet est annulé par la politique d'une seule Chine et par les menaces continuelles dirigées contre Taïwan. Selon un récent rapport de recherche sur la Défense canadienne par Ben Lombardi, l'ALP continue d'élaborer et de mettre en oeuvre des capacités militaires visant à exercer des pressions sur Taïwan ou à tenter une invasion.
Les réactions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale posent également des problèmes, mais la situation de la mer de Chine méridionale est plus inquiétante. Très récemment, la Cour Permanente d'Arbitrage de La Haye a rejeté en bloc les revendications de la Chine sur l'ensemble de la mer de Chine méridionale en vertu de la zone dite de la « ligne en neuf traits ».
La Chine a également saisi la plus grande partie du haut-fond Second Thomas, aux Philippines, même s'il se situe nettement dans la zone économique de 200 milles des Philippines définie par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. De plus, la Chine a élargi et fortifié un grand nombre de ces anciens rocs. Encore une fois, la Cour Permanente d'Arbitrage a demandé à la Chine de rendre des comptes, mais le pays a rejeté la décision de la Cour et a exercé des représailles sur tous les États qui appuyaient l'arbitrage.
La semaine dernière, le ministre de la Défense de la Nouvelle-Zélande a été « réprimandé » par le ministre des Affaires étrangères chinois pour avoir formulé l'opinion suivante :
À titre de petite nation faisant du commerce maritime, le droit international et surtout la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer sont importants pour la Nouvelle-Zélande. Nous appuyons donc le processus d'arbitrage et nous croyons que les pays ont le droit de demander une résolution internationale.
C'est la position que devrait adopter le Canada.
Enfin, la Chine a l'oeil sur l'Arctique, surtout en raison d'un récent rapport qui laisse croire que jusqu'à 20 % des réserves mondiales en hydrocarbures se situent dans l'Arctique. La Chine a affirmé — c'est la position de l'un de ses amiraux — que le pôle Nord et la région environnante font partie de la richesse collective des peuples du monde et n'appartiennent pas à un seul pays, sans tenir compte du fait que presque toutes ces réserves de pétrole se situent dans la zone économique exclusive des cinq puissances de l'Arctique, comme l'énonce l'UNCLOS, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Il existe un large éventail de possibilités pour l'avenir. À une extrémité, la Russie et la Chine tenteront tout simplement de ramasser les morceaux de leur ancienne puissance.
À l'autre extrémité, on craint de plus en plus que les actions de ces deux États mènent à une guerre interétatique. Selon la plus récente stratégie militaire américaine, il existe une probabilité peu élevée, mais croissante, que les États-Unis doivent prendre part à une guerre majeure contre une autre grande puissance. Le document du SCRS sur 2018 dont je viens de parler soutient que la Russie modernise sa capacité militaire traditionnelle à grande échelle, car elle se prépare pour la guerre. Le chef de la défense du commandement du Pacifique des États-Unis a récemment été congédié pour avoir déclaré publiquement que selon de récents exercices, la Chine se prépare pour une guerre rapide et incisive contre le Japon.
Personne ne sait si ces États ont vraiment l'intention de faire la guerre, mais nous savons que les risques de conflit augmenteront. Je soupçonne — comme beaucoup d'autres gens — que la stratégie immédiate des deux pays consistera à défendre agressivement leurs intérêts internationaux sans tenir compte des risques et du droit international. David Mulroney, un témoin potentiel qui vous serait d'une grande utilité, puisqu'il est notre ancien ambassadeur en Chine, affirme que la Chine a la fâcheuse habitude de ne pas tenir compte des normes internationales ou, au mieux, de les traiter comme un buffet, c'est-à-dire qu'elle choisit les éléments qu'elle trouve utiles et ne s'occupe pas des autres.
Lorsque ce pays décide de déclencher une crise, il évite de défier directement les États-Unis. Encore une fois, l'ambassadeur Mulroney a remarqué que la Chine avait l'habitude particulièrement désagréable de s'en prendre surtout aux petits États dotés d'une faible capacité de défense, par exemple les Philippines.
Comment le Canada réagit-il? À court terme, le Canada a bien répondu, même si sa réponse comporte des lacunes. Nous nous sommes récemment engagés à déployer de plus grands efforts multilatéraux afin de mobiliser ces États. C'est un élément essentiel. La Chine, plus que la Russie, en raison de sa participation aux activités de lutte contre le piratage et à des opérations de maintien de la paix en Afrique, offre au Canada un moyen direct d'établir des liens plus positifs avec les Chinois.
Nos réponses plus robustes tombent également à point, même si elles sont limitées : 850 militaires combattent l'État islamique au Moyen-Orient, 200 entraînent les forces ukrainiennes, 350 appuient les opérations de l'OTAN en Europe de l'Est et potentiellement 450 militaires sont déployés en Lettonie et 650 en Afrique. Il manque deux choses. Nous ne faisons rien dans le Pacifique pour réassurer les États-Unis, le Japon, la Corée et les autres démocraties. Nous planifions maintenant le déploiement de 2 500 militaires. Si vous vérifiez auprès du directeur parlementaire du budget, vous constaterez que cela générera des coûts supplémentaires de 1,8 milliard de dollars pour le MDN. Actuellement, le gouvernement a promis seulement 550 millions de dollars. Il y a donc un manque à gagner.
Si la réponse à court terme est raisonnablement adéquate, je pense que c'est la réponse à long terme qui pose problème.
J'aimerais formuler quelques brèves recommandations pour l'avenir.
Premièrement, la défense de l'Amérique du Nord et le maintien de la souveraineté canadienne reposent sur la surveillance des mers — sur ou sous l'eau. Cela nécessite des investissements dans l'espace, les avions de patrouille maritime et les brise-glaces. Je suis tout à fait d'accord avec Ken Hansen sur l'utilité future des navires de patrouille extracôtiers adaptés à l'Arctique.
Deuxièmement, les activités de surveillance maritime par l'entremise du NORAD doivent être élargies et accélérées, surtout dans l'Arctique.
Troisièmement, nos alliés de l'OTAN sont visés par la menace la plus directe. Ils méritent que le Canada, à titre d'allié, soit prêt à déployer rapidement des forces de combat adéquates sur terre, sur mer et dans les airs. Les grandes démocraties de l'Asie sont menacées. L'ANASE s'est révélée complètement inutile. Lorsque la crise éclatera, tout comme en Corée, on fera appel au Canada. Il serait sage de commencer à déployer des forces dès maintenant pour agir comme moyen de dissuasion et pour nous préparer au pire.
Tous les grands déploiements des Forces canadiennes devraient passer par le Parlement. De plus, et c'est encore plus important, les experts soutiennent depuis longtemps que lorsqu'un déploiement passe par le Parlement, on devrait préciser les coûts exacts et la source de financement. Je pourrais en parler pendant longtemps.
La Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale commence à donner des résultats, mais je remarque qu'elle a seulement recapitalisé la moitié des besoins de base de la Garde côtière — et j'ai déjà parlé des problèmes liés au nombre de navires de combat de surface canadiens. Toutefois, les perspectives d'avenir sont encore pires à l'extérieur de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale. Comme David Perry l'a expliqué, le plus grand problème de politique auquel fait face l'Armée canadienne, c'est le manque de financement pour recapitaliser. Le plan d'immobilisations du MDN contient plus de 55 milliards de dollars en demandes d'immobilisations non satisfaites et seulement 11 milliards de dollars pour les payer.
En septembre de l'année dernière, le gouvernement du Canada, avec le reste de ses alliés de l'OTAN, s'est engagé à effectuer des dépenses en matière de défense qui représentent 2 % du PIB. Nous avons atteint 1 %. Votre Comité doit maintenant comparer cet objectif à nos futurs besoins en immobilisations et à l'environnement de sécurité mondiale. Il doit régler les questions liées au personnel et aux bases excédentaires pour y arriver. The Economist nous a peut-être donné le meilleur avertissement en disant que si un État ne défend pas les normes internationales à la suite des actions de la Chine et de la Russie, il héritera d'un monde qu'il aimera beaucoup moins.
C'est ce qui termine mon exposé. Merci beaucoup.
Nous vous remercions de votre témoignage.
Nous entamons la série de questions de sept minutes.
Monsieur Gerretsen, vous avez la parole.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de prendre le temps de vous entretenir avec nous. Je crois que ce sujet vous passionne, et vous nous avez tous les deux très bien exposé la situation; vous avez fait un très bon travail à cet égard.
Monsieur Hansen, dans l'avant-dernier paragraphe de votre exposé, vous dites que « le prochain conflit d'envergure risque d'avoir lieu dans l'océan Pacifique occidental ou dans l'Arctique. »
Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet, et nous dire qui, selon vous, seraient les acteurs de ce conflit?
Comme M. Lerhe l'a souligné, il est évident que c'est la République populaire de Chine qui pose problème. Sa répudiation de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et de ses mécanismes de règlement des différends a mis en évidence ses ambitions très flagrantes par rapport à la mer de Chine méridionale et la façon dont elle entend gérer ses relations avec les États voisins. La difficulté qu'elle éprouve à respecter son engagement... Elle a signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, elle l'a ratifiée, et, ce faisant, elle a approuvé l'ensemble des processus, des définitions et des mécanismes de règlement des différends, et maintenant, elle la rejette tout simplement.
Les États souverains ont le droit de faire cela. Ils le font toujours dans leur propre intérêt, mais le problème dans ce cas-ci, c'est que cela crée de toute évidence un conflit avec plusieurs États dans la région et met en cause l'un des éléments fondamentaux sur lequel repose le fonctionnement de l'économie mondiale, à savoir le transport maritime de marchandises. Le transport maritime représente 90 % du commerce mondial. Une très grande partie de ce transport s'effectue sur cet océan en question, et il est utilisé par un bon nombre de nos partenaires commerciaux traditionnels.
Nous envisageons de conclure un partenariat transpacifique qui n'inclut pas la Chine. Ce pays a conclu son propre partenariat commercial, et certains de nos alliés traditionnels, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, que nous venons de mentionner, se trouvent dans une situation inconfortable parce qu'elles font partie des deux partenariats. Il y a beaucoup de confusion. Il y a donc un sérieux problème dans la région avec une grande puissance très belliqueuse et agressive, et il y a aussi un intérêt mondial pour la valeur élevée du transport maritime qui s'effectue dans la région.
Je n'ai pas exactement le même point de vue que M. Lerhe au sujet de l'Arctique. Ce sont les exploitants de navires irresponsables qui constituent un problème dans l'Arctique. On commence à y observer davantage d'activité, notamment du tourisme. Ce n'est qu'une question de temps avant que survienne un accident impliquant une compagnie de transport maritime qui transporte des marchandises dans l'Extrême-Arctique à bord d'un navire en mauvais état dirigé par un équipage international qui n'a pas l'habitude de naviguer dans l'Extrême-Arctique. Il y aura un accident. Nous n'avons pas les capacités logistiques nécessaires pour intervenir efficacement dans l'Arctique. Nous n'avons pas une base d'opérations digne de ce nom dans l'Extrême-Arctique. Cette partie de l'océan n'est même pas cartographiée selon les normes modernes à l'intention des marins et des entreprises.
Je vais y aller rapidement, car mon temps est restreint. Vous avez commencé à aborder le prochain sujet dont je veux discuter, c'est-à-dire l'Arctique.
En raison des changements qui s'opèrent dans l'Arctique, en particulier l'ouverture de nouveaux passages, l'intérêt est grandissant à l'échelle mondiale. Qu'est-ce que cela signifie pour la marine canadienne en ce qui concerne le maintien de ce que nous avons? Bien sûr, vous avez dit tous les deux qu'il faut investir dans l'infrastructure que nous possédons. J'aimerais entendre également ce que M. Lerhe a à dire. Que signifie la situation dans l'Arctique pour les activités que nous menons? Selon vous, devons-nous élargir le programme naval simplement en raison des changements qui ont lieu dans l'Arctique?
Oui, tout à fait.
Un des derniers projets auxquels j'ai participé lorsque je portais encore l'uniforme a été une étude sur l'avenir de la marine. Au terme de cette étude, il a été recommandé notamment que chaque navire qui serait construit dans l'avenir pour la Marine royale du Canada soit adapté à la navigation par temps froid. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Ce troisième océan constitue une responsabilité nationale. La marine ne peut pas en faire fi. Le navire de patrouille extracôtier de l'Arctique est l'équivalent d'une camionnette, sans plus. Il doit être intégré dans un plan plus vaste qui permet de coordonner plus étroitement les activités de la marine et de la Garde côtière dans l'Extrême-Arctique. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour pouvoir affronter cette situation avec une seule flotte. Il faut qu'il y ait une plus grande intégration et une collaboration plus étroite en ce qui concerne les activités dans l'Arctique canadien.
Oui, je suis du même avis. D'un autre côté, parmi les grandes puissances, c'est la Chine qui constitue la principale menace dans l'Arctique. Elle a déclaré que les ressources appartiennent à tout le monde et qu'elle ne reconnaît pas les zones économiques exclusives. La Russie, le meilleur ami de la Chine depuis peu, a quant à elle affirmé qu'elle allait accroître les patrouilles navales dans l'Arctique pour défendre ses intérêts face à des États comme la Chine, qui veut sa part des richesses minérales de l'Arctique. Si vous êtes un adepte de Napoléon, vous savez qu'il s'agit là du troisième principe : Ne jamais interrompre son ennemi lorsqu'il est en train de commettre une grave erreur.
Ce que Ken a mentionné au sujet des infrastructures est tout à fait fondamental. Lorsqu'il y a une crise potentielle, il vaut toujours mieux se demander ce qu'on en sait. Nous avons un rôle de surveillance et d'intervention à jouer. Le Canada a certes très bien exécuté son rôle d'intervention. Je viens tout juste d'entendre le sous-commissaire de la Garde côtière faire part de ses préoccupations. Le navire de croisière Crystal Serenity a navigué dans les eaux de l'Arctique. Il était entièrement prêt à naviguer durant la saison où l'océan est libre de glace. Toutefois, le sous-commissaire craint que maintenant tous les croisiéristes pensent qu'il est facile de facturer 60 000 $ pour une cabine sans procéder à des préparatifs. Cette préoccupation est liée au point qu'a fait valoir Ken au sujet de l'infrastructure en matière de sécurité.
Nous avons aussi besoin de l'architecture de surveillance. Nous devons utiliser à son maximum le satellite RADARSAT. Il faut investir dans les avions de patrouille maritime, qui sont au nombre de 10, car il n'existe tout simplement pas de plan pour leur remplacement. Nos sous-marins, qui devraient être dotés d'un système de propulsion anaérobie, ne seront probablement plus du tout utilisables en 2036.
Je vais devoir vous interrompre, monsieur Gerretsen. Peut-être que quelqu'un reviendra à cette question.
Je dois donner la parole à Mme Gallant.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
J'aimerais commencer par vous remercier tous les deux de la portée de vos observations. Vos propos diffèrent de tout ce que nous avions entendu avant et figureront certainement dans notre étude. Je crains cependant que la décision de mener notre étude soit fondée sur un faux semblant. Nous pensions initialement que notre étude de la défense aérienne, incluse dans notre étude de la défense de l'Amérique du Nord, ainsi que nos études de la marine et de l'armée seraient toutes utilisées pour l'examen de la politique de défense. Nous avons appris pendant l'été, quand l'annonce en a été faite, que nous allions envoyer 600 soldats chargés d'assurer le maintien de la paix avant même que nous ayons défini l'examen et que tout cela n'était qu'un exercice de relations publiques.
Commodore Lerhe, vous avez mentionné que nous devrions planifier maintenant d'aider nos alliés en Europe. Nous avons des gens en Iraq, en ce moment, et nous planifions un déploiement en Afrique. Nous avons des gens en Ukraine, dans les pays baltes et à d'autres endroits dont le Comité n'est pas au fait parce que nous n'avons jamais eu d'information du chef d'état-major de la Défense, même si nous lui demandons de venir nous informer depuis la création du Comité. Pour chaque déploiement, il n'y a pas que les femmes et les hommes sur le terrain, ou dans les airs, ou dans la mer; il faut que le groupe de maintien tout entier soit en place. On s'inquiète beaucoup de ne pas avoir toutes ces personnes en place, au besoin. En fait, la première phase de notre étude de la défense aérienne s'est faite discrètement, pour qu'il n'y ait pas de processus ouvert de remplacement de nos avions de chasse.
Quoi qu'il en soit, nous voulions aussi mettre au premier plan les mesures de réparation et de protection de nos forces après l'attaque d'un centre de recrutement, en mars dernier. Nous avions beaucoup de difficulté à recruter des militaires, et nos militaires sont très nombreux à quitter les forces. Cela joue sur notre capacité d'avoir des forces prêtes pour les circonstances que vous avez décrites.
En ce qui concerne votre exposé, il nous aide beaucoup. Mise à part l'information que nous obtenons de nos témoins, tout le reste nous vient des médias. Nous n'avons eu aucune séance d'information sur les déploiements...
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Mme Gallant a la parole, et elle peut faire des observations ou poser des questions. Elle peut utiliser son temps comme elle l'entend.
En ce qui concerne le CEMD qui viendrait nous parler de la façon dont nos forces sont dispersées, j'aimerais avoir des copies des communications entre le CEMD et le greffier du Comité afin de savoir s'il manque de respect au Comité en ne venant pas malgré tout le temps passé, ou s'il en a été empêché. Cependant, il faudrait pour cela une motion, et nous savons trop bien ce qu'il en est de la tyrannie de la majorité, comme on l'a mentionné précédemment.
Cela étant dit, dans un contexte où les menaces changent et évoluent sans cesse, quelles capacités la Marine royale canadienne devrait-elle chercher à acquérir à l'avenir?
Ken Hansen et moi sommes tous les deux d'accord pour dire qu'il faut simplement résoudre le problème du pétrolier ravitailleur d'escadre manquant.
Il y a de bonnes nouvelles concernant la suggestion de l'opération RESOLVE. Comme mesure provisoire, nous allons prendre un navire marchand et le convertir en ravitailleur temporaire. C'est une approche strictement provisoire, mais les plans actuels sont dans les livres. Il n'y a que des navires de soutien interarmées. À un moment donné, nous avons des risques de 30 % qu'il n'y ait pas de pétrolier ravitailleur sur l'Atlantique ou le Pacifique parce qu'un navire est en radoub. C'est donc au sommet des priorités.
Ensuite, si nous devons remplacer nos sous-marins, nous devons commencer à faire des plans, et ce qui entre en jeu à ce moment, c'est le manque de financement des projets d'immobilisation.
Je vais probablement laisser quelqu'un d'autre poser la question, car je pourrais parler très longtemps de ce qu'il faut faire en matière de structure avant, du point de vue de la base, d'un point de vue personnel, pour que notre capital soit suffisant — à moins que vous me demandiez de le faire maintenant.
J'ai une question pour M. Hansen. Nous pourrions revenir à cela après, ce qui vous permettra de mettre de l'ordre dans vos idées.
Monsieur Hansen, vous avez mentionné que nous avons besoin d'une flotte intégrée dans l'Arctique, alors que nous n'avons rien de cela. Il nous manque beaucoup d'éléments pour les autres côtes, alors nous sommes loin d'avoir ce qu'il faut dans l'Arctique.
Diriez-vous que nos alliés de l'OTAN pourraient nous aider à mettre sur pied cette flotte intégrée qu'il faut pour protéger nos eaux arctiques?
Oui. Certains ont des choses à offrir. Les cinq pays de l'Arctique qui sont dans le Grand Nord savent cela bien mieux que nous. Les Danois, par exemple, sont très avancés dans la façon de gérer leurs ressources et d'organiser la logistique à cette fin. Nous pouvons en apprendre beaucoup par des études comparatives.
Sous un autre angle, cependant, il y a la logistique, le renseignement et la capacité industrielle. Nous ne devrions pas tant nous concentrer sur le nombre de déplacements et le nombre d'avions. L'histoire du pays nous a montré, bien des fois, que les quelques navires, les quelques ressources que nous avions étaient souvent inutilisables à cause du manque de pièces de rechange, de personnes bien entraînées et d'installations de réparation.
Je suis personnellement d'avis que nous devrions consacrer beaucoup plus d'argent à améliorer les capacités logistiques et les capacités de réparation sur l'une ou l'autre des côtes. En ce moment, vous ne pourriez pas utiliser la flotte en entier à partir de la base de la côte Ouest. Je trouve que cela devrait constituer un facteur de planification de base — l'avantage inhérent de la puissance maritime, c'est d'être très mobile. En deux semaines, il faudrait que tous soient sur la côte Ouest, prêts à bouger. Cependant, si vous ne pouvez pas soutenir cela, les ressources vont rester là et ne servir à rien.
Donc, la clé, c'est la logistique, parce qu'elle vous donne ce qu'on appelle la multiplication de la force.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins pour leur service, et en particulier pour leurs témoignages.
J'aimerais commencer par parler un peu des sous-marins, encore. Je pense bien que je vais poser ma question à M. Hansen. J'aimerais m'assurer que nous n'avons pas mal compris son témoignage. Quand il dit que la flotte est trop fortement axée sur la lutte anti-sous-marine, j'espère que personne ne va en conclure que cela signifie que nous n'avons pas besoin d'une capacité sous-marine, et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
J'en suis ravi. C'est une question très importante.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous avons dû principalement contrer la menace des sous-marins. Nous n'avions pas nos propres sous-marins ou sous-mariniers pour nous entraîner et nous préparer à cela, et nous avons perdu 24 navires avant de réussir à faire couler notre premier sous-marin ennemi. C'est un ratio qui ne serait pas acceptable aujourd'hui, alors les sous-marins sont un aspect essentiel d'une flotte conçue principalement et avant tout pour soutenir avec compétence une guerre anti-sous-marine. Ils sont essentiels, si ce n'est pour l'entraînement.
Sur ce, la grande question est la suivante. Est-ce que les navires de surface peuvent efficacement lutter contre des sous-marins? Nos propres sous-marins ont participé à un important exercice sur la côte Ouest, où ils ont donné un rendement incroyablement bon, ainsi que sur la côte Est. Vous devriez demander au chef d'état-major de la défense de vous dire ce que ces exercices ont démontré, car les deux sous-marins ont fait un malheur.
Le nombre croissant de sous-marins dans le Pacifique devrait nous inquiéter beaucoup. Je suis toujours étonné, au Canada — et je suis les témoignages et les réponses —, et c'est très plaisant, car il y a plusieurs années, il n'y avait que des gens qui souhaitaient qu'on se débarrasse des sous-marins.
Je parle toujours du cas de Singapour. À Singapour, où la côte n'est pas plus longue que celle de la municipalité de Toronto, il y a quatre sous-marins, comme au Canada. Quelque chose ne va pas, dans cela.
Ce que Ken a dit est tout à fait juste. Une flotte de surface ne peut absolument pas remplacer un sous-marin, parce qu'elle va perdre, et je pense que le ratio de 24 contre 1 n'est probablement pas faux. Un navire de surface ne peut faire concurrence à un sous-marin, principalement parce que c'est un sonar qui est utilisé pour trouver la cible et pour lancer les armes, et qu'un navire de surface est 100 fois plus bruyant qu'un sous-marin.
Les gens demandent : « À quel point un sous-marin est-il bruyant? » La meilleure réponse que j'ai entendue, c'est: « À quel point votre lampe de poche est-elle bruyante? » En fait, le sous-marin va toujours vous trouver à trois fois la distance à laquelle le navire de surface va trouver le sous-marin. Quand vous lancez une torpille, il s'agit d'une charge de 120 livres; le sous-marin va lancer une torpille Mark 48 de 21 pouces avec une charge d'environ 800 livres.
Les missiles, comme les harpons, endommagent les navires. Les torpilles lourdes des sous-marins vont invariablement les couler.
Je pense que c'est tout.
Excellent. Merci beaucoup.
En tant que député représentant une circonscription qui a une capacité sous-marine et une capacité de réparation, je suis un solide partisan de cette capacité, et je pense qu'il est bon que nous ayons ces discussions en public pour que les gens comprennent l'importance de cela. Je pense que les Canadiens ne sont pas au courant de la forte croissance des forces sous-marines dans le Pacifique.
J'aimerais revenir à vous, monsieur Hansen. Vous avez dit que pour améliorer la disponibilité opérationnelle, une étape importante serait que l'aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe deviennent des missions officielles de la Marine canadienne. Je trouve que c'est très intéressant, parce que beaucoup de gens disent que le Canada a la réputation d'aider à l'étranger. L'aide humanitaire fait tout simplement partie de ce que nous faisons comme bon citoyen. Cependant, vous avez lié cela à la disponibilité opérationnelle, et je pense que c'est un aspect très important dont j'aimerais que vous nous parliez davantage.
Oui. Merci. Avec plaisir.
Les missions d'aide humanitaire et les missions axées sur la disponibilité opérationnelle auxquelles nous avons participé dans le passé sont perçues très positivement par le public canadien, mais aussi par les gens du Service naval du Canada. Quand ils étaient au large d'Haïti, bon nombre d'entre eux ont dit qu'ils ne voulaient pas revenir et que c'était le travail le plus satisfaisant qu'ils avaient fait dans toute leur carrière.
C'est très positif, c'est important, et cela correspond aux valeurs et aux idéaux sociaux des Canadiens.
Ce que cela fait pour les militaires, c'est les préparer à accomplir des missions complexes sur le plan logistique et comportant de forts volumes, à court préavis. C'est une tâche difficile. Faire les plans, concevoir les scénarios et faire le travail de conception de manière à cerner les compétences, les volumes, les restrictions du système actuel, puis planifier les améliorations — c'est une partie essentielle de la préparation aux types de problèmes que les études du contexte de sécurité futur ont fait ressortir.
Nous voyons déjà des problèmes liés aux migrations humaines de masse. Nous savons que les tempêtes cycloniques sont de plus en plus fréquentes et intenses, et qu'il y a des États fragiles qui vont nous demander de l'aide.
Cela ne signifie pas que la capacité logistique que vous établissez pour ce genre d'interventions entre en concurrence avec la capacité de combat. C'est l'argument qu'on oppose à cela le plus souvent. En fait, si vous faites la modélisation et l'essai des scénarios, les lacunes logistiques représentent le problème le plus important des forces canadiennes, et il est utile pour tous genres de scénarios imaginables d'entreprendre de se doter d'une telle capacité — que ce soit dans l'Arctique, dans le Pacifique, en Europe de l'Est, c'est toujours crucial.
Si vous me le permettez, j'aimerais simplement ajouter quelque chose. Comme je l'ai mentionné, David Perry a dit que le plus gros problème que nous ayons, c'est le capital, puisque la demande est de 50 milliards de dollars, mais que le montant disponible est de 11 milliards de dollars. Il incombe au Comité de pondérer les menaces. Est-ce une grande guerre entre États, ou est-ce le réchauffement de la planète? Qu'est-ce qui va attirer l'attention?
Oui, un navire servant à l'AHSS — l'aide humanitaire et le secours aux sinistrés — fournirait un soutien logistique supplémentaire incroyable, mais faut-il l'acheter neuf? C'est 5 milliards de dollars pour deux; à quoi bon acheter quelque chose pour une côte, mais pas pour l'autre?
Deux navires, ou deux de ce que vous achetez, peu importe ce que c'est, représentent une dépense de 5 milliards de dollars, et il faut deux fois plus de personnel, d'opérations et d'entretien sur les 20 années à venir. Vous venez de créer une demande de 15 milliards de dollars. Il y a des façons de le faire. Il y a des demandes de propositions à venir visant des navires loués, ou des navires dont les équipages sont composés de civils. Il faut envisager cela, c'est sûr, mais ce sont les recommandations que le Comité fait au gouvernement qui vont dire à la marine où mettre l'accent.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos témoins d'aujourd'hui, premièrement pour les services rendus au Canada et, bien entendu, pour leur présence aujourd'hui et leurs témoignages d'experts.
Comme vous le savez, on nous a demandé d'étudier la défense de l'Amérique du Nord, et nous adoptons une approche globale. Pendant la première phase, nous avons examiné la disponibilité opérationnelle des forces aériennes. La phase suivante porte bien sûr sur les forces navales, et la troisième phase portera sur nos forces terrestres. Nous avons visité le NORAD, en avril dernier, et nous y avons discuté de notre entente avec le NORAD qui englobe en ce moment la connaissance de la situation maritime, mais pas le volet du contrôle.
Étant donné que nous allons nous pencher sur nos relations, sur nos engagements et ainsi de suite, que pensez-vous d'étendre le mandat pour qu'il englobe le volet du contrôle, plutôt que seulement l'élément d'alerte ou de surveillance? Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela, je vous prie?
Vous avez souligné ce qui est malheureusement le problème depuis que la surveillance maritime a été confiée au NORAD. Je pense que certains membres de la marine canadienne et d'autres personnes ont souligné à grands traits, sans effet positif, que la surveillance, c'est bien, mais que le mouvement des navires canadiens pour des raisons de souveraineté, le mouvement des navires de la Garde côtière et l'application des règlements sur la pêche sont trop évidemment une responsabilité nationale pour que nous la partagions avec les Américains.
C'était une décision sans doute pertinente il y a 20 ans. Je crains de plus en plus, avec l'état courant de conflits possibles ici, et la nécessité de peut-être devoir réagir à un important déversement de pétrole, qu'il nous faille une bien meilleure coordination de cette fonction de contrôle avec les Américains. Ils nous ont certainement donné à entendre qu'il serait possible de diviser... de faire des régions du NORAD dans le Nord.
Les Américains qui sont basés en Alaska coordonneraient la région ouest du Nord, aussi bien pour la réponse et le contrôle; le Canada s'occuperait de la région est. C'est une excellente proposition qui mérite qu'on l'examine soigneusement.
Surintendant Hansen, aimeriez-vous dire quelque chose à ce sujet aussi? Sinon, je vais passer à ma prochaine question.
Non. Je vais juste appuyer M. Lerhe et dire que la question de contrôle est très définie dans le contexte militaire, mais qu'il ne faut pas trop s'y arrêter. La responsabilité des actions d'une unité, qu'il s'agisse d'un navire ou d'un avion, incombe toujours au commandant, et c'est le commandant qui va toujours avoir un contact direct avec son commandement national et l'autorité de contrôle.
En cas de question, c'est l'autorité nationale qui répond; le seul problème serait un scénario immédiat, exigeant une réaction immédiate, et encore là, ce serait le commandant des opérations sur place qui prendrait la décision. Il s'agit de concepts que nous mettons en place à des fins de planification. Cela aidera à déterminer ceux qui font quoi à qui et ceux qui prennent les décisions au quotidien; cependant, en cas de crise, le commandant a toujours le contrôle, en dernière analyse.
Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, Mark Gerretsen. En plus des problèmes de surveillance que nous avons, le Système d'alerte du Nord arrivera à expiration en 2025, ce qui aura des incidences sur les trois branches de l'armée. Étant donné que nous devons faire des investissements importants dans les immobilisations et dans les ressources humaines, que pensez-vous de RADARSAT et du Système d'alerte du Nord, de leur importance et des aspects sur lesquels nous devrions nous concentrer?
Nous avons beaucoup de dossiers prioritaires en ce moment, ainsi que de nombreuses demandes, et nous ne voulons pas prendre de décisions sur les investissements de capitaux au péril d'autres branches des forces. On nous a donné ce conseil quand nous étions au NORAD. J'aimerais avoir vos opinions sur l'endroit où nous devons commencer.
D'après moi, il vous faut l'opinion d'un expert, ce que je ne suis pas, mais je vais certainement y mettre mon grain de sel.
Pour RADARSAT, en ce moment, ce qu'il faut, c'est au moins trois satellites, mais je pense qu'on n'en a prévu qu'un, peut-être deux. RADARSAT fait un excellent suivi des navires. Je suis sûr à 99 % qu'il ne fait rien pour les missiles de croisière lancés à partir d'avions ou de sous-marins. Il vous faut donc pour le Système d'alerte du Nord une sorte de radars améliorés exigeant une visibilité directe. Au bout du compte, ce sera quelque chose qui se situe entre les deux. C'est là que s'arrêtent mes compétences.
Je suis d'accord avec M. Lerhe. Ce que vous faites dépend entièrement de votre vision de l'avenir. Pour la sécurité de la navigation, la gestion responsable des ressources et ce genre de choses, RADARSAT convient très bien. S'il est question d'un scénario de conflit très intense, ces ressources de surveillance sont vulnérables aux contre-mesures et peuvent être neutralisées et, même, détruites sans grande difficulté. Donc, il vous faudra tenir soigneusement compte de ce que vous voyez venir et du besoin auquel il faut répondre. Il s'agirait peut-être d'un plan graduel visant les questions courantes d'administration, de sécurité et d'application des lois pour commencer, puis les menaces et les questions de souveraineté ensuite, mais cela dépend entièrement de la façon dont vous voyez la menace.
En ce qui concerne nos engagements actuels vis-à-vis de NORAD et de l’OTAN — engagements qu’il faudra honorer sous peu — et les demandes de soutien qui nous ont été adressées, certains nous ont dit que nous étions prêts, mais en votre qualité d’expert, croyez-vous que nous le sommes?
Bien sûr, en ce a trait à l’OTAN, pour toutes ces raisons, nous avons effectivement promis des forces, et ils savent qu’en plus du 2 % du PIB, nous devons affecter 20 % de notre budget au capital, et ce, même si nous dépensons moins. Cette affectation est à 12 %. Ceci est censé donner suite à ce que nous avons promis à l’OTAN. Ils savent que nos aéronefs de patrouille maritime et nos sous-marins vont devenir désuets à un moment ou à un autre au cours des 10 prochaines années. Voilà un exemple de non-respect d’un engagement pris envers l’OTAN.
Merci, monsieur le président.
Commandant Hansen, commodore Lerhe, merci de votre service à la nation, mais aussi, ce qui compte tout autant, merci de votre service en ce qui a trait aux politiques, un aspect très important, surtout dans la situation actuelle.
Commandant Hansen, j’aimerais revenir sur certaines parties de votre témoignage. Relativement à l’étude de Matthew Gillis, vous dites que la marine est tout simplement trop petite pour un grand pays comme le nôtre. Il a fait des recherches qui lui ont permis de conclure que la taille de la marine est effectivement la moitié de ce qu’elle devrait être. Parle-t-on ici d’une marine dont la seule fonction serait de défendre le territoire ou faut-il comprendre que cela inclut les missions outre-mer comme celles qui ont mobilisé le commodore Lerhe en 2002-2003?
Non, cela concerne l’ensemble des fonctions de la marine. Nous avons fait une enquête globale afin de nous donner des références générales. Puis nous avons comparé la marine canadienne à d’autres marines au sein de l’OTAN et à l’extérieur de l’OTAN, qui se catégorisaient un peu de la même façon que nous nous percevions à l’époque, et nous avons mis au point ces indices qui montrent d’importantes lacunes en ce qui concerne la taille de l’effectif, le nombre de bâtiments, les installations d’entretien et d’ingénierie, etc.
Voilà qui est utile. Merci.
La deuxième chose que je veux souligner concerne ce que vous évoquez dans l’avant-dernier paragraphe de votre témoignage écrit. Vous y dites que « le prochain conflit d’envergure risque d’avoir lieu dans l’océan Pacifique occidental ou dans l’Arctique ». Pourriez-vous expliquer au Comité cette observation au sujet de l’Arctique?
Je ne crois pas que d’autres témoins nous aient parlé de la probabilité d’un conflit d’envergure dans l’Arctique. En fait, lors de notre dernière séance, un témoin nous a expliqué qu’il serait très difficile pour une force navale de se rendre dans cette région dans le but de faire monter la tension, pour la simple raison qu’il y a de la glace et qu’on ne peut pas s’y déplacer rapidement. Dans ces conditions, une force navale serait facile à repérer et à freiner, que ce soit par voie aérienne ou maritime. Pourriez-vous expliquer au Comité ce qui vous fait croire qu’un conflit d’envergure pourrait se produire dans l’Arctique?
Si quelque chose devait se passer dans l’Arctique, la réponse du Canada serait avant tout maritime. C’est ce que nous pourrions appeler un théâtre d’opérations maritime, à cause de la prédominance de l’eau ou de la glace, selon les conditions, et de l’absence d’installations logistiques pour soutenir et appuyer les opérations. Cela signifie que la marine et la garde côtière doivent appuyer ce qui aura été entrepris par les Rangers, les corps expéditionnaires de l’armée, etc. La marine jouera un rôle de soutien énorme dans la couronne nord de l’Arctique. Pour le présenter simplement, disons qu’à l’heure actuelle, la marine n’a aucune capacité, et qu’une fois que les navires de patrouille de l’Arctique et les navires de patrouille extracôtiers seront en fonction, ses capacités seront très limitées.
Si vous parlez à quelqu’un qui, comme moi, a fait du travail de modélisation et de mise à l’essai de scénarios au Collège des Forces canadiennes, un conflit majeur nécessite en premier lieu énormément de logistique, de matériel, de soutien humain et de déplacements. Puis il faut ramener tous ces gens et tout ce matériel à leur point de départ. Les distances qui séparent les points de soutien et le Haut-Arctique sont plus grandes que s’il s’agissait de traverser l’Atlantique. Elles sont comparables à celle qui sépare Victoria du Japon. Alors, la demande…
Commandant, permettez-moi de vous interrompre. Ce dont je parle concerne davantage les hypothèses de conflits. Quelle serait la nature d'un conflit d'envergure dans l'Arctique et quand un tel conflit pourrait-il se produire? Quelles sont les choses pour lesquelles les gens se battraient et qui seraient susceptibles de provoquer un conflit d'envergure dans l'Arctique?
Le droit de passage est l'une de ces choses, la liberté de navigation. Le gouvernement canadien soutient que ces voies de passage sont dans nos eaux intérieures, et d'autres affirment que ce sont des détroits internationaux et qu'ils ont le droit d'y croiser quand bon leur semble et selon l'itinéraire de leur choix, ce qui pourrait provoquer un conflit.
Il y a bien sûr la question des ressources, que vous n'êtes pas sans ignorer. Puis, il y a les questions de souveraineté territoriale : tel territoire nous appartient-il ou non? Des guerres ont été menées pour bien moins que ça.
Merci.
Commodore Lerhe, j'aimerais revenir à ce que vous décrivez dans votre témoignage comme étant une érosion très importante de notre capacité à mener des opérations à l'étranger semblables à celles que nous avons vues en 2002-2003.
Lors de notre dernière séance, nous avons entendu le témoignage du vice-amiral à la retraite Drew Robertson qui nous a dit qu'il y avait une multitude de lacunes en matière de capacités. Que devons-nous faire pour nous assurer de prendre notre sécurité nationale au sérieux, certes, mais aussi pour faire en sorte que nous puissions continuer à faire le genre de travail que vous décrivez? Pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur ce 20 % du capital par rapport à 12 %, et en ce qui concerne nos engagements envers l'OTAN?
Bien sûr. L'un des plus grands économistes et théoriciens canadiens en matière de défense est Bill Tredennick — et je suis d'avis que ce qui suit devrait être le sujet central des travaux du Comité. En 1994, ce Comité avait une influence incroyable sur les politiques en matière de défense parce qu'il traitait des questions financières. Ses recommandations étaient crédibles, car elles s'appuyaient sur un rigoureux travail sur le plan financier. Or, voici où nous en sommes.
Tredennick affirme que lorsque le pourcentage du budget accordé à la défense atteint 12 %, vous êtes « en crise ». Pour maintenir ce que vous avez, vous devez porter ce pourcentage à 20 %. Pour vous procurer de nouvelles choses comme des navires d’aide humanitaire et de secours aux sinistrés, il vous faut 25 % du capital. Comment en arrivez-vous là?
Il y a deux ans je crois, l'ancien chef d’état-major de la défense Hillier a proposé de faire passer l'effectif de 66 000 à 50 000 personnes. Eh bien, devinez quoi? En diminuant la taille de votre effectif de, disons, 10 %, vous doublez presque votre capacité à équiper vos gens de trousses de qualité. C'est aussi simple que cela. Je grince des dents quand des politiques en matière de défense fixent la taille de l'effectif avant d'avoir calculé l'incidence que cela aura sur le capital.
J'en reviens à Dave Perry. Le problème stratégique numéro un de la défense canadienne est la faible disponibilité du capital. Je crois que j'en ai assez dit.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins. Des choses intéressantes ont été dites.
J'aimerais commencer par vous, monsieur Lerhe, et revenir à quelque chose que vous avez évoqué pendant votre exposé. Vous avez laissé entendre que tout déploiement d'importance devrait être débattu au Parlement aux fins d'approbation, et que ces débats devraient aussi porter sur le coût de ce déploiement et sur les sources de financement. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi vous croyez qu'il est essentiel que les déploiements soient débattus et approuvés par le Parlement?
J'ai été très clair en disant « débat parlementaire ». Je n'ai pas insinué ou affirmé que le Parlement doit approuver.
Dans tout système parlementaire, la politique étrangère et le déploiement des forces armées relèvent exclusivement du pouvoir exécutif, mais comment pouvons-nous envoyer des Canadiens dans des zones potentiellement dangereuses sans leur donner au moins l'assurance que leur mission a été débattue et appuyée par le Parlement, et qu'elle jouit d'un vaste soutien public?
Les Britanniques sont allés encore plus loin. Ils ont adopté l'approbation. Je crois qu'il y a beaucoup de questions qui mériteraient d'être posées à cet égard.
La question définitive est... et les deux partis ici présents n'ont pas une très bonne réputation en ce qui concerne le financement des déploiements. En 2007, les coûts additionnels déclarés s'élevaient à 1 milliard de dollars, mais les conservateurs n'ont accordé que 270 millions de dollars au ministère, ce qui signifie que le manque à gagner a dû être absorbé par lui. Or, le chiffre de 1 milliard de dollars n'était même pas le bon. Le directeur parlementaire du budget a dit que c'était plutôt 1,9 milliard de dollars. Peu importe, ils n'ont reçu qu'environ 270 millions de dollars.
Avant cela, les libéraux de l'époque ont fait beaucoup mieux. Ce sont des choses qui fluctuent. En définitive, on revient toujours à David Perry. Lorsque votre demande en capital est de 50 milliards de dollars — et ce n'est pas pour du neuf, mais bien pour ce que vous avez déjà — et que vous ne recevez que 10 milliards, vous devez commencer à compenser ces manques à gagner en souscrivant à ces déploiements, mais sans payer pour eux.
J'aimerais bien en savoir un peu plus au sujet de cette convention qui est en train de prendre forme au Canada autour du concept du débat et de l'approbation parlementaires. Nous pourrons en reparler, mais pour l'instant, je souhaite aborder d'autres sujets.
J'aimerais que nous revenions sur l'observation que vous avez faite en vous servant de l'exemple de la force opérationnelle que vous avez dirigée au début des années 2000. Aujourd'hui, vous avez donné l'exemple de la possibilité d'envoyer deux frégates, en précisant que cela prendrait plus de temps et que nous aurions besoin de capacités additionnelles externes.
Pourriez-vous nous expliquer succinctement ce qu'il faut faire pour mobiliser les capacités additionnelles nécessaires pour l'envoi de deux frégates, c'est-à-dire le temps que cela prend, le processus qui doit être suivi et tous les coûts additionnels qui s'ensuivent?
Oui. Après les attentats du 11 septembre, une décision de naviguer a été prise. Huit jours plus tard, quatre navires sont partis accompagnés par cinq hélicoptères. Ils ont été suivis peu de temps après par l'aéronef de patrouille maritime.
Comme Ken l'a mentionné, il fallait faire vite. Il fallait les remettre en ordre pour qu'ils soient pleinement conformes aux normes, leur fournir des pièces de rechange, équiper chaque membre des équipages d'un nouveau masque à gaz, et malgré tout cela, ils ont été en mesure de prendre le large dans les huit jours prévus.
Or, nous n'avons pas de pétrolier-ravitailleur. Le processus devient alors extrêmement long et pénible. Nous demandons à nos alliés de l'OTAN de nous en prêter un, mais ils nous répondent qu'ils n'en ont pas assez pour eux-mêmes. Nous les implorons à genoux. Nous réussissons à nous en faire prêter un, mais par intermittence. Ils disent que nous allons nous retrouver dans une zone de guerre. Qu'en est-il de nos règles d’engagement? Les Affaires étrangères des deux pays doivent être appelées à la rescousse. Ils tiennent des réunions. Cela va demander encore au moins une autre semaine, peut-être deux ou trois, et nous n'avons toujours pas de pétrolier-ravitailleur sur place. Il doit venir d'Espagne ou du Chili et rencontrer notre force opérationnelle là où elle sera.
Pour finir, nous devons demander à une autre nation de nous prêter un destroyer pour la guerre aérienne. Et ils nous regardent comme si nous venions d'une autre planète, car quel pays confierait des missiles de longue portée au Canada que ses propres règles d'engagement ne lui permettent pas de contrôler en tant que nation?
Je suis convaincu qu'un allié ferait croiser un destroyer pour la guerre aérienne près de vous pour vous protéger si vous en aviez besoin, mais vous pouvez, en tant que nation, renoncer à toute forme de contrôle sur ces bâtiments.
J'aimerais maintenant aborder la question de l'interopérabilité et du concept de la défense conjointe de l’Amérique du Nord.
Quels types d'interopérabilité recommanderiez-vous pour, par exemple, la défense de l'Arctique ou la défense maritime?
Au Canada, presque tous les domaines sont en interopérabilité avec les États-Unis, qui, habituellement, dirigent les coalitions. Quoi qu'il en soit, ces rapports placent la barre très haut puisque les Américains ne vont pas s'encombrer de liaisons de données lentes juste parce que vous n'avez pas pu vous permettre la liaison rapide. Ils opteront pour la haute vitesse, et le Canada fait habituellement les bons choix en la matière en achetant ce qu'il y a de meilleur afin de maintenir son interopérabilité avec les États-Unis.
Parallèlement à cela, le Canada a aussi dépensé de l'argent pour maintenir un certain nombre de liens moins performants avec les pays de l'OTAN qui n'ont pas opté pour le haut de gamme. Notre interopérabilité fonctionne donc en amont et en aval. Nous sommes vraiment parmi les meilleurs à cet égard.
Cela doit se passer dans tous les domaines de la disponibilité opérationnelle — terrestre, maritime et aérienne —, car lorsqu'il n'y en a pas, les résultats sont consternants. L'exemple le plus célèbre de cela est probablement arrivé durant le débarquement en Sicile, en 1944, lorsque les navires militaires qui transportaient des troupes canadiennes, américaines et britanniques ont constaté la venue d'un raid aérien. L'opération avait été organisée par différents quartiers généraux, mais comme l'information n'avait pas circulé de façon adéquate, les navires ont ouvert le feu sur 20 avions américains qui transportaient des parachutistes et les ont abattus. Ces erreurs peuvent encore se produire, et c'est la raison pour laquelle nous ne lésinons pas lorsqu'il est question d'interopérabilité.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les personnes que nous avons invitées de leurs témoignages et des informations très pertinentes qu'elles nous ont transmises.
Je vais aller un peu dans le même sens que mon collègue M. Spengemann, qui a parlé de chiffres.
On sait que l'armée a besoin de réinvestissements. Je pense que tout le monde est d'accord avec cela. Présentement, son budget est de 18,6 milliards de dollars, ce qui représente environ 8 % du budget du pays et 1 % de notre PIB. On sait que l'OTAN souhaiterait que les pays membres de l'OTAN investissent 2 % de leur PIB. Même M. Obama nous l'a demandé l'été dernier.
On sait que ce qui est désirable et ce qui est faisable sont deux choses différentes. Je suis un ancien professeur d'économie. On dit souvent que les besoins sont illimités mais que les ressources sont quant à elles limitées. Qu'est-ce qui peut être pensable et réalisable dans le contexte canadien?
Les augmentations qu'on peut décréter sont pensables. Un peu plus tôt, vous avez parlé d'une proportion de 20 %. Ce pourcentage voudrait dire qu'au lieu de d'avoir un budget de 18,6 milliards de dollars, on passerait à environ 42 milliards de dollars. Je ne pense pas que le Canada en soit capable.
Dans ce qui est réalisable, quelles seraient les projections que vous pourriez nous donner?
[Traduction]
Selon moi, l'Australie est toujours un bon point de comparaison. Essentiellement, chaque contribuable canadien contribue à la défense à hauteur de 500 $ par année. En Australie, c'est environ 1 000 $. C'est à nous qu'il revient d'expliquer aux Canadiens pourquoi leur contribution devrait passer de 500 à 1 000 $.
On dit souvent que l'Australie doit dépenser ces sommes parce qu'elle est située beaucoup plus près des dangers du Pacifique. Ce sont des bêtises.
Une ville du sud de ce pays — ce n'est pas Darwin, mais le nom m'échappe — est à 4 050 kilomètres de Beijing. Vancouver, notre plus grosse ville de ce côté-là, est à 4 500 kilomètres de Beijing. La différence de distance correspond à peu près à la distance qui nous sépare de Sudbury. La vérité, c'est que nous sommes une nation du Pacifique et tout semble indiquer... notre immigration provient en très grande partie du Pacifique. Nous sommes en train de devenir une nation du Pacifique. Il reste que l'Australie est en mesure de consacrer 2 % de son PIB à la défense, et qu'elle aura bientôt une marine comprenant 12 sous-marins, deux navires de ravitaillement, deux navires pour l'aide humanitaire et le secours en cas de catastrophe, trois destroyers pour la guerre aérienne — qui sont à peu près l'équivalent moderne des destroyers dont nous venons de nous débarrasser — et des frégates. Ils achètent des F-35 et ils vont probablement acheter la version à décollage et atterrissage verticaux pour leurs transporteurs amphibies.
Ils ont vraiment bien réussi à expliquer à la population pourquoi il leur fallait ce 2 %, et leur argumentation n'était pas fondée sur la proximité de la menace.
Je crois que je vais m'arrêter là, mais si vous me demandez comment l'on peut convaincre la population de contribuer davantage à la défense, je pourrai probablement vous donner une réponse.
[Français]
[Traduction]
Vous avez environ 60 secondes, mais il nous reste du temps, alors vous pouvez en prendre un peu plus.
[Français]
D'accord.
Monsieur Hansen, vous avez parlé de l'Arctique et je vous ai trouvé très pessimiste. Pourtant, on a annoncé des investissements pour six bateaux patrouilleurs en Arctique et de nouvelles bases qui vont ouvrir en 2018. On a parlé plus tôt des radars et des satellites. On connaît aussi l'importance des missions de surveillance que font les CF-18.
Les Canadiens devraient-ils être inquiets malgré tous ces investissements qu'on a actuellement en Arctique?
[Traduction]
Je crois que la réponse à cela est oui sans équivoque.
Les grandes distances qui séparent nos principales bases et les bases de la Garde côtière du Haut-Arctique, ainsi que l'absence d'installations là-haut pour appuyer et soutenir les opérations sont des conditions matérielles qui pourraient très sérieusement paralyser toute forme de réponse canadienne à une situation d'urgence. Qu'il s'agisse d'un simple cas de sauvegarde de la vie humaine en mer, d'une opération pour faire respecter la loi ou d'un conflit ouvert avec une nation concurrente, je suis fermement convaincu qu'il faut accorder beaucoup plus d'importance à l'Arctique en raison de toutes ces composantes logistiques.
C'est aussi une question importante pour les États-Unis. En effet, les Américains sont eux aussi en train d'examiner comment ils vont mettre à niveau leurs capacités très désuètes et très limitées. En ce qui concerne l'interopérabilité, cette région présente un intérêt particulier pour les États-Unis, et ils se tournent vers le Canada pour obtenir de l'aide en ce qui a trait à l'avenir de l'Arctique.
Merci monsieur le président.
Je veux remercier nos deux témoins de leur présence, de leurs témoignages, des bons points de vue qu'ils nous donnent et de leur service au Canada.
La conversation que nous avons eue jusqu'ici au sujet du contexte de menace dans lequel nous vivons est très intéressante. Je crois qu'une telle discussion est essentielle pour déterminer le type de marine qu'il nous faut. Nous comprenons absolument les lacunes actuelles de la Marine royale du Canada. Que pensez-vous des marines de nos alliés de l'OTAN? Je sais qu'elles ont eu des difficultés semblables à celles que nous avons et qu'elles essaient maintenant de se repositionner face à la menace grandissante de la Russie et de la Chine. J'aimerais vous entendre tous les deux là-dessus.
De plus, vous avez émis cette idée intéressante selon laquelle nous avons besoin de la protection aérienne antimissile que procure le destroyer. Il était intéressant de voir les rebelles al Houthi tirer sur les navires de guerre américains et cette capacité qu'avaient les États-Unis de neutraliser ces missiles avant qu'ils n'atteignent leur cible. Je vous demanderais aussi de nous dire un mot sur le fait que nos ennemis potentiels ne sont plus seulement des acteurs étatiques, mais aussi des acteurs non étatiques.
J'aimerais entendre M. Lerhe d'abord, puis M. Hansen.
Le cas des Houthi est un excellent exemple. Je crois que la prudence est de mise, car les États-Unis essaient toujours d'assembler les pièces du casse-tête.
Pour assurer la défaite des Houthi, le Mason a dû recourir à des tirs. Des missiles à barils explosifs à moyenne portée, des missiles standard à longue portée et un brouilleur déceptif Nulka spectaculairement coûteux... C'est de l'artillerie lourde. On ne peut pas trouver une intervention plus recherchée que cela. Comme vous le dites, on parle ici d'une attaque contre une force rebelle au Yémen, contre une personne qui a pu lancer le missile à l'arrière d'un camion, et non pas une des élites de la capacité navale.
Allons voir ce que font certains de nos alliés de l'OTAN. La Grande-Bretagne atteindra probablement l'objectif de 2 %, mais la façon dont le pays en est arrivé là est absolument terrifiante. Il y a plusieurs années, après avoir examiné la menace, la Grande-Bretagne a décidé qu'elle n'avait plus besoin d'avions de patrouille maritime. Elle s'est donc débarrassée de ses appareils Nimrod. Du coup, les Russes ont commencé à s'approcher de sa base de sous-marins à Faslane, et devinez ce que fait le Royaume-Uni maintenant? Il s'empresse d'acheter des avions P-8 Poseidon, soit le modèle le plus dispendieux au monde à l'heure actuelle, et je suis sûr qu'il paie des prix de détresse pour le lot.
On observe ensuite une chute des pourcentages de dépenses militaires, plus on s'éloigne de la Russie, et c'est certainement le cas au chapitre des capacités navales, ce qui entraîne des capacités très limitées pour tous les pays, à l'exception de la France. D'autres navires restent plus près de leur pays d'attache. En somme, il faut vraiment rassurer des pays comme la Pologne ou les pays baltes en disant que les États-Unis seront là et que nous leur offrirons une aide à haute efficacité.
Je vais céder la parole à Ken Hansen.
Je suis d'accord avec M. Lerhe sur presque tout ce qu'il a dit, mais vous avez posé une question sur les marines de l'OTAN, et je crois qu'elles se ruinent en ce moment.
Une des philosophies de l'organisation et de la structure des forces navales modernes est la quête de l'uniformité des capacités dans tout le système. Nous le constatons au Canada avec les frégates et les navires de guerre qui seront construits à Irving. Nous recherchons un niveau de capacité uniformément élevé, en fonction de ce que nous pouvons nous permettre. Le problème tient aux coûts très élevés des nouvelles technologies. Les coûts à cet égard seront incroyablement élevés.
Nous parlons aujourd'hui de choses comme des armes laser à particules chargées, des essaims de drones robotiques et des systèmes de défense contre les missiles balistiques. Le coût de ces technologies est si prohibitif qu'elles ne peuvent pas être une norme commune de capacité. Il faut faire preuve de beaucoup plus de discernement quand vient le temps de déterminer ce qui est nécessaire et en quelles quantités.
Les Danois sont très astucieux dans le domaine de la modularité, car ils utilisent les meilleures pratiques et normes commerciales en matière d'ingénierie. Ils sont en mesure de réduire considérablement les coûts bien en deçà de ceux de tout autre pays de l'OTAN. Je vous recommande donc fortement d'examiner les pratiques de conception et de construction navale des Danois, surtout en ce qui concerne ces deux questions, à savoir les coûts et la flexibilité grâce à la modularité. Je crois que c'est l'avenir de la construction de navires de combat. En fait, la possibilité d'intégrer des capacités en fonction d'un cadre commun pourrait modifier la nature même des navires de guerre.
Eric a fait des observations très importantes sur la létalité des systèmes d'armement. Si les systèmes d'armement sont si dangereux, ce dont je suis convaincu, alors nous devons trouver une meilleure façon de gérer les risques et de produire, dans un court délai, des plateformes de remplacement où placer ces modules. Ce sont les modules qui coûtent cher et qui ont de la valeur. Ce n'est pas la coque du navire, à elle seule.
Merci beaucoup, messieurs, de votre présence. Les vastes connaissances spécialisées dont vous nous avez fait part aujourd'hui sont vraiment incroyables. Si seulement j'avais plus de temps.
Vous avez tous deux beaucoup parlé de l'insuffisance des fonds d'immobilisations. En fait, c'est peut-être le thème central de bon nombre de vos arguments.
Du point de vue de la structure des forces, de quel type d'équipements, d'infrastructures et d'autres capacités la Marine royale canadienne aurait-elle besoin aujourd'hui afin de parer aux menaces futures visant le Canada et le domaine maritime? Je simplifie peut-être les choses. Qu'auriez-vous actuellement sur votre liste d'épicerie? Si vous aviez les fonds d'immobilisations, par quoi commenceriez-vous à court, à moyen et à long terme? Je serais également curieux d'entendre le point de vue de M. Hansen pour voir à quel point vos réponses se rejoignent.
N'avez-vous pas une liste d'épicerie à nous présenter?
Voici ma liste d'épicerie. D'abord, nous avons besoin de deux navires de soutien interarmées, sous quelque forme que ce soit, dans la mesure du raisonnable. Nous avons aussi besoin de deux navires destinés à l'AHSS, pourvu qu'ils soient dotés d'une importante capacité de ravitaillement pour le navire de soutien interarmées, lorsque celui-ci est en réfection. Un tel navire devient beaucoup plus utile s'il est doté de ce genre de capacité de ravitaillement.
Il est vrai que la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale doit respecter ses limites financières, mais nous devons envisager d'acquérir une quinzaine de navires, peut-être d'ici deux ans, lorsque nous connaîtrons la facture totale pour le projet de navires de combat de surface canadiens. Il s'agit au fond de remplacer les navires que nous avons depuis une époque où, à mon avis, la menace était moins importante qu'aujourd'hui.
Par ailleurs, nous disposons actuellement de quatre sous-marins. L'un d'eux est en réfection et un autre est utilisé pour l'entraînement; par conséquent, il en reste peut-être un pour chaque côte. C'est tellement réduit au strict minimum qu'il faudrait ne serait-ce qu'un petit problème pour qu'une côte se retrouve sans surveillance sous-marine. Le strict minimum, c'est six sous-marins. On doit se demander comment l'Australie en vient à déterminer qu'elle en a besoin de 12.
Ensuite, si vous achetez un navire destiné à l'AHSS — et les gens oublient toujours que chaque navire pourrait coûter 2,5 milliards de dollars —, il vous faudra alors dépenser un autre milliard de dollars pour l'achat d'hélicoptères servant à transporter les troupes ou les cargaisons; il en faut probablement, au moins, 10 par navire. Vous aurez également besoin d'aéroglisseurs pour une valeur d'un demi-million de dollars. Donc, sur la liste d'épicerie, chaque navire vient avec un équipage de 500 membres et un budget annuel de fonctionnement et d'entretien d'environ 500 millions de dollars pour les deux, c'est-à-dire le fonctionnement et l'entretien, l'essence, les pièces de rechange, et tout le reste.
Enfin, dans le monde parfait que je m'imagine, nous déploierions de temps à autre des sous-marins dans le Pacifique. En fait, ce serait une excellente façon de rassurer certains alliés si jamais nous ne parvenions pas à envoyer des navires sur place ou que nous n'avions pas un nombre suffisant de navires. Dans ce cas, il serait logique d'utiliser un des navires destinés à l'AHSS comme un ravitailleur de sous-marins.
Oh, pardon, nous n'avons pas encore parlé des avions de patrouille maritime.
N'oubliez pas qu'on construit 16 navires pour la Garde côtière. La flotte comprend actuellement 46 gros navires. Ce sont de vieux navires. Nous répondons à moins de la moitié de la demande requise par la Garde côtière. Nous avons 10 avions de patrouille maritime. Nous en avions acheté initialement 18, et c'est ce qu'il nous faut comme quantité.
À vous, Ken.
Par court terme, j'entends un à deux ans. Durant cette période, nous devrions chercher à regarnir l'inventaire de pièces de rechange, de fournitures, de munitions et de systèmes d'information pour en assurer le fonctionnement fiable et durable.
À moyen terme, nous devrions songer aux installations logistiques dont nous avons besoin pour déplacer la flotte aux endroits requis et pour être en mesure de l'appuyer grâce aux installations de maintenance de la flotte au large de nos côtes.
À long terme, nous devrions examiner l'équilibre de la flotte. Je recommande une répartition à parts égales entre la capacité de combat et la capacité de soutien logistique parce qu'en cas de guerre ouverte, nous aurons à utiliser des armes à longue portée à partir des bases de ravitaillement dont on vient de parler. Pour les plateformes de combat, le sous-marin constitue le système d'arme de l'avenir. Je doute que les navires de surface que nous pouvons construire et dont nous avons les moyens de nous payer soient en mesure de survivre dans un milieu très menacé. À l'instar des Australiens, nous devons mettre davantage l'accent sur la flotte de sous-marins et limiter plus ou moins l'utilisation de la flotte de surface à un rôle de soutien.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous avons parlé jusqu'ici d'un niveau stratégique très élevé, mais j'aimerais passer à un sujet qui pourrait paraître assez modeste en comparaison.
Nous venons d'apprendre que le gouvernement a décidé de mettre hors service le navire auxiliaire des Forces canadiennes, le Quest, en vue de s'en départir probablement. La Marine canadienne n'aura donc plus son propre navire de recherche pour effectuer des travaux de recherche dans le domaine de l'acoustique et des sonars. Pour moi, cela annonce un déclin général des capacités de la Marine.
J'aimerais que chacun de vous me donne son opinion à ce sujet. Les capacités nécessaires pour réaliser ce genre de recherche sont-elles essentielles pour la Marine, et comment pouvons-nous survivre si nous n'avons pas notre propre navire de recherche?
Je vais commencer par M. Lerhe.
Ce n'est là que la pointe de l'iceberg. À voir les chiffres relatifs à nos immobilisations, que je vous ai déjà cités, les experts sont d'avis que nous faisons face à une crise. Il y a environ trois ans, notre financement de la recherche et du développement représentait 1,4 % de notre budget total, et ce taux n'a cessé de diminuer depuis. La Russie, pour sa part, consacre 26 % de son budget à la recherche et au développement.
Nous nous demandons comment il se fait que nous n'ayons pas un inventaire moderne. Bien franchement, avec un taux de 1,4 %, la moindre des choses serait d'essayer d'être un client intelligent. Le Canada ne développe rien. Il peut seulement adopter des stratégies d'achat plus intelligentes que son voisin, et même cela est remis en question au point où nous en sommes.
Le Quest n'est que le signe d'un problème beaucoup plus vaste dans le domaine de la recherche et du développement au Canada.
Les navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique ont des capacités secondaires moins connues, notamment celle d'abriter des laboratoires de recherche conteneurisés et toutes sortes d'autres installations à bord. Les chercheurs ici, à Halifax, sont très emballés par cette perspective. Bien entendu, le Quest ne pouvait pas circuler dans les eaux couvertes de glaces; ce sera donc une nouvelle capacité. Toutefois, ces navires ne sont pas aussi silencieux que le Quest. Ce dernier avait été conçu pour faire de la recherche en acoustique pendant la guerre froide, mais je pense que nous avons des besoins plus prioritaires en ce moment.
Je m'inquiète beaucoup de la recherche et du développement, moi aussi, mais n'oublions pas non plus l'éducation, la modélisation et la simulation. La Marine n'a pas son propre programme d'éducation. Elle ne dispose pas de compétences propres à l'élaboration de la doctrine et à l'analyse de la conduite des guerres. Le programme que je présidais au collège à Toronto n'existe plus. On a également mis fin à la bourse de recherche en matière de défense à l'Université Dalhousie. La Marine n'a vraiment plus la possibilité de transmettre à ses membres les connaissances professionnelles dont ils ont besoin à mi-chemin dans leur carrière. À mon avis, c'est là un problème tout aussi grave que les questions d'ordre technique liées à la recherche et au développement.
Je tiens toutefois à mentionner une exception — et j'espère que vous recevrez ou demanderez de l'information à ce sujet —, car le Canada élabore l'énoncé des besoins pour ses nouveaux navires en s'appuyant, pour l'essentiel, sur une superbe capacité de modélisation au Centre de guerre navale, à Halifax, où nous faisons un travail de haut calibre. On explique dans les moindres détails et avec une précision arithmétique pourquoi il faut lancer un missile de telle ou telle portée contre une menace. Nous avons là un atout incontestable.
Cela dit, j'abonde dans le sens de Ken.
J'espère que vous en entendrez davantage à ce sujet, mais il y a quatre ans, nous avons annulé le Forum sur la sécurité et la défense. Doté d'un budget annuel d'environ 2 millions de dollars, ce programme était dirigé par le ministère de la Défense nationale. Le financement était réparti entre 10 universités sélectionnées, qui devaient soumissionner dans le cadre du programme. Elles recevaient chacune environ 200 000 $, mais elles devaient s'engager à affecter au moins x nombre de professeurs au dossier de la défense, à former au moins 10 étudiants de cycles supérieurs, à organiser quatre conférences et à publier 20 ouvrages. Ce programme a fonctionné pendant environ 25 ans. Le vérificateur général l'a examiné sous toutes ses coutures, et ce, à deux reprises. On a découvert que c'était un des programmes offrant le meilleur rapport qualité-prix dans l'ensemble des ministères; pourtant, nous l'avons aboli. Aujourd'hui, si un petit événement se déroule encore et que vous levez la main, on ne vous lancera que quelques sous pour la prochaine conférence.
Le travail de David Perry avait été financé grâce à ce programme. Il est le critique le plus éminent et le plus compétent en matière de défense au Canada. Il y avait aussi David McDonough. La moitié des analystes stratégiques au ministère de la Défense nationale ont tous bénéficié de la formation offerte dans le cadre du Forum sur la sécurité et la défense.
Quel en sera le résultat? Très bientôt, on aura affaire à des gens qui parlent de questions liées à la défense et qui, très franchement, ne sont pas le moindrement qualifiés pour le faire parce qu'ils ne savent rien, faute de formation. Il faut rétablir le Forum sur la sécurité et la défense.
Merci.
Nous avons terminé la période officielle des questions. Monsieur Spengemann, vous aviez une question à poser. Mme Romanado a également signalé en avoir une. Je vous propose donc de partager votre temps de parole, après quoi nous passerons à M. Bezan, avant de revenir à M. Garrison.
Merci, monsieur le président.
Je voulais donner suite à l'invitation que vous avez lancée au commodore Lerhe pour parler un peu de la population canadienne. J'aimerais vous interroger sur la compréhension du public à l'égard de la Marine, de ses complexités et des lacunes en matière de capacités dont nous entendons parler — ce qui est, je présume, relativement modeste —, ainsi que sur l'importance d'amener les Canadiens à mieux comprendre pourquoi il faut en faire plus et à appuyer davantage une telle décision. Je m'en tiendrai à cette généralité.
Qu'en pensez-vous? Commandant Hansen, nous aimerions connaître votre avis également. À la dernière séance, nous avons reçu des témoins de la Ligue navale et de l'Association navale, qui ont toutes deux pour mandat de sensibiliser la population, mais je trouve que nous n'avons pas pu explorer cette question de manière aussi approfondie que nous l'aurions souhaité. Donc, si vous pouviez nous donner votre point de vue, cela nous serait très utile.
J'avais en tête une réponse à trois échelons, en ordre croissant. Au premier échelon se trouve votre Comité. Je vous ai remis un exemplaire de ma thèse de maîtrise sur le rôle joué par le Comité de la défense en 1994 dans le façonnement de la politique de défense. La plupart des analystes considèrent cet exercice comme le modèle d'excellence au chapitre des examens de la politique de défense. Pourquoi? Pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le ministre de la Défense nationale et le premier ministre Chrétien avaient déclaré qu'ils examineraient sérieusement le rapport du Comité. Ils ont pris bien soin de rester muets sur toute question liée à la défense pendant les sept mois consacrés à l'étude; ils n'ont donc pas orienté les travaux du Comité. Voilà pour le premier point.
Deuxième point : la réponse a été quasi unanime. Les libéraux et les réformistes ont signé le rapport. Si je ne me trompe pas, le NPD n'avait pas encore le statut de parti à l'époque, mais le Bloc était d'accord. Toutefois, du jour au lendemain, un ordre de dissidence a été lancé en provenance de Québec. Les gens savaient qu'ils étaient acculés au mur. Or, cette démarche a conféré un rôle très puissant au ministre, car celui-ci a pu justifier les réductions draconiennes entreprises en 1994 en invoquant l'argument que le gouvernement avait consulté les Canadiens et écouté le Parlement. Ces compressions étaient certes douloureuses, mais même le ministère de la Défense n'a pas hurlé, parce que le tout faisait partie d'un processus honnête.
Le point suivant, toujours en ce qui concerne le Comité, c'est qu'on n'a pas organisé un voyage d'études pour les achats ou les compressions. Le Comité s'est plutôt contenté d'effectuer une analyse. Il a tenu des discussions sérieuses et, chaque fois qu'il était question d'argent, les arguments étaient crédibles. Quand on parlait d'acheter tel ou tel équipement ou de se débarrasser de tel ou tel autre, le raisonnement s'appuyait sur une logique à toute épreuve.
Enfin, il y a eu un suivi concret, parce que cet exercice avait abouti à la création d'un groupe de parlementaires qui pouvaient retourner dans leur circonscription pour parler aux gens de façon crédible, en utilisant les leçons tirées de cette expérience, et leur expliquer pourquoi la défense est nécessaire et tout le reste. C'était un modèle superbe. J'ai d'ailleurs été ravi d'apprendre que votre Comité et son pendant sénatorial ont décidé de s'inspirer du travail du groupe spécial pour entreprendre l'examen de la politique de défense. Ne me demandez pas ce que je pense du groupe spécial.
Vient ensuite l'investissement de 2 millions de dollars par année dans le programme Énergiser les Forces, sur lequel je ne m'étendrai pas.
Troisièmement, il faut se demander comment l'Australie s'y prend pour expliquer à sa population qu'elle va dépenser 30 milliards de dollars pour 12 sous-marins, alors que le budget d'approvisionnement précédent s'élevait à 6 milliards de dollars, ce qui était un désastre, si je peux me permettre de m'exprimer ainsi. Le gouvernement australien a dépensé probablement 2 millions de dollars pour l'Australian Strategic Policy Institute, et la marine avait besoin du Sea Power Centre. Il s'agit d'organismes non partisans, dotés de six ou sept candidats au doctorat qui ne prônent pas les idées du gouvernement, mais qui font des analyses. Par exemple, si vous voulez obtenir une réponse détaillée à la question de savoir si votre pays devrait ou non construire des contre-torpilleurs, vous ne pouvez pas faire mieux que d'examiner l'étude de l'Australian Strategic Policy Institute. Certains experts diront que c'est une folie et d'autres, que c'est le meilleur programme de l'histoire. L'essentiel, c'est qu'il y a un débat.
Ce qui est plus important encore, c'est la réaction des médias australiens. En effet, si un journaliste fait une observation mal avisée sur la défense, il y a de fortes chances qu'il se fasse démolir par un des 12 universitaires les plus éminents en matière de défense. Résultat? Avant que les journalistes ouvrent la bouche pour parler d'un sujet complexe comme la construction navale, ils vérifient auprès de l'Australian Strategic Policy Institute pour voir s'ils sont sur une bonne piste ou non.
Bref, voilà ce que je propose pour mobiliser et sensibiliser les Canadiens.
Vous venez d'utiliser la totalité des cinq minutes allouées, mais c'était fort intéressant, alors je vous en remercie.
Je reviendrai à vous, madame Romanado, s'il nous reste du temps.
Monsieur Bezan, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Professeur Lerhe, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut rétablir la capacité de nos universités dans le domaine de la politique de défense et des opérations militaires. Je vous remercie donc de vos commentaires.
J'aimerais parler des sous-marins, et je constate que la capacité de construction navale a considérablement augmenté au Canada en raison de la Stratégie nationale de construction navale. Pour faire ce dont vous et le professeur Hansen avez parlé aujourd'hui et nous assurer de construire les 15 navires de combat de surface et d'avoir des sous-marins dans les années à venir — je suis tout à fait d'accord avec cela —, le secteur de la construction navale au Canada dispose-t-il actuellement des ressources pour y arriver? Devrons-nous l'externaliser?
Vous me posez là une question extrêmement complexe qui dépasse mon expertise.
Cependant, j'ai visité les installations de HDW, Howaldtswerke Deutsche Werft, qui construit des sous-marins et qui se trouve à deux pas de ThyssenKrupp, l'autre constructeur et exportateur. Ce constructeur est très fier de dire que sa chaîne de montage est efficiente, et il exporte des sous-marins ou il exportera sa chaîne de montage pour que d'autres puissent en construire eux-mêmes.
Si nous regardons du côté des Français, qui souvent... Avec l'Inde, c'est « nous en construisons un; vous en construisez un ». Je crois que c'est possible d'y arriver, mais j'ai également entendu des experts affirmés que nous ne devrions pas du tout nous engager sur cette voie en raison des coûts et de la technologie. Bref, nous devons vraiment réaliser de plus amples recherches pour répondre à cette question. D'après moi, nous le pouvons.
Cela touche des aspects de la politique industrielle et de ce que nous considérons comme la direction future de la base industrielle.
À mon avis, en ce qui concerne la construction de navires de combat de surface, il n'y a pas de problème. Nous sommes parfaitement capables d'exploiter les ressources que nous avons actuellement et celles que nous importons d'autres pays aux chantiers navals de la société Irving et Seaspan et d'aller encore plus loin, parce que la politique s'appuie sur une stratégie permanente de construction navale. Dès que cela aura disparu [difficultés techniques] s'effondrera comme nous en avons été témoins par le passé, et nous perdrons tous nos acquis. Nous devons l'éviter à tout prix.
La construction de sous-marins est complexe en raison du nombre de sous-marins que nous avons actuellement et que nous aimerions peut-être avoir. Même si nous passions à huit sous-marins et que nous doublions ainsi notre flotte de sous-marins, il est peu probable que nous serions en mesure de soutenir un programme permanent de construction de sous-marins dans un seul chantier naval.
Le point que j'ai fait valoir plus tôt au sujet du domaine où devrait être mis l'accent et de la composition future de notre flotte est assez complexe. Il faut mener des recherches. Le gouvernement a besoin de conseils stratégiques en la matière, mais cela concerne de multiples ministères, parce que cela touche l'éducation, l'emploi et l'industrie.
Comme vous le savez tous les deux, une demande de propositions pourrait être publiée dès aujourd'hui relativement aux navires de combat de surface. Avez-vous une idée de ce que vous souhaiteriez voir quant à leur apparence et au type de capacités de ces navires?
J'aimerais avoir un navire d'assez bonne taille avec un concept de faible densité. Plus ce que vous installez dans la coque est complexe, plus c'est complexe, ce qui rend plus dispendieuses la maintenance, les réparations et la modernisation. Je veux un navire d'assez bonne taille qui a encore de l'espace pour des ajouts futurs et qui tirent profit du concept de la technologie modulaire. Nous pourrons ainsi l'améliorer sans devoir le mettre hors service. Nous pourrions l'utiliser pour des tâches moins exigeantes; nous pourrions l'utiliser à des fins qui ne sont pas principalement des missions navales. Par exemple, le navire pourrait aider la Garde côtière ou fournir des services de soins de santé à des collectivités éloignées. Tout cela est possible. Je cherche une solution qui sort des sentiers battus en ce qui concerne les futurs navires de combat.
J'adore la Stratégie nationale de construction navale, et j'ai déjà écrit sur le sujet. Actuellement, nous avons sept soumissionnaires qui sont très fortement susceptibles de fournir un navire qui répond à environ 95 % des critères de Ken Hansen. Il s'agit de grands pays constructeurs de navires avec des marines efficaces qui ne construisent pas de citrons. Nous ne les laisserions même pas soumissionner si c'était le cas.
Je dois saluer la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement qui s'est bien défendue lorsque la question du coût a été soulevée. Nous savons tous que le budget prévu était de 26 milliards de dollars il y a 10 ans. Nous savons tous également que chaque jour l'inflation vient gruger 1 million de dollars au projet. Elle a répondu avec justesse que le gouvernement attendra que la phase de définition du projet soit terminée. Cela signifie que dans environ deux ans le gouvernement devra s'engager à cet égard. C'est très important, parce que nous aurons le choix entre trois possibilités à ce moment. Voulons-nous 15 navires? En voulons-nous 10 qui ont des capacités remarquables? En voulons-nous 10 dont les composantes sont en très grande partie canadiennes?
Je vous rappelle que nous avons dit vouloir des concepts militaires standards. Très peu d'entreprises construisent des navires dont les composantes sont en grande partie canadiennes, même s'il y a au moins quatre sociétés qui ont des capacités exceptionnelles et qui en vendent littéralement des centaines à l'étranger. Il faut déterminer ce qu'il en coûtera pour modifier le concept français, allemand, britannique, italien ou espagnol et inclure une énorme quantité de composantes canadiennes de qualité supérieure.
Il y aura des idées divergentes. Dans deux ans, il y aura un grand débat. Combien sommes-nous prêts à dépenser? Voulons-nous un plus grand nombre de navires, des navires avec des capacités accrues ou des navires dont la construction profitera le plus au secteur canadien de la haute technologie?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme j'ai déjà posé des questions au sujet de la recherche-développement, j'aimerais maintenant parler de la maintenance. Cela concerne la diminution de la capacité de la Marine canadienne de réaliser sa propre maintenance et la maintenance des nouveaux navires qui entrent en service. Nous commençons à constater une tendance; certaines entreprises qui construisent l'équipement affirment qu'elles doivent aussi effectuer la maintenance. Ce que j'ai beaucoup entendu, en particulier sur la côte Ouest, c'est que nous serons dépendants du secteur privé et même d'entreprises étrangères, dans certains cas, pour la maintenance de nos principales installations navales.
Partagez-vous les mêmes inquiétudes que j'entends sur la scène locale?
J'ai eu le privilège de lire une grande partie de la documentation sur les navires de combat de surface canadiens. Lorsque nous lisons entre les lignes, nous constatons que les concepteurs acceptent de faire une offre concernant le concept et d'inclure les éléments, mais qu'ils exigent que nous leur transférions une énorme quantité de propriété intellectuelle en vue de faire la maintenance. Cette question a apparemment déjà suscité de grands débats; il en est question dans les médias.
Selon mes lectures, il est prévu que les entreprises canadiennes s'occupent de la maintenance, et je suis persuadé qu'il y aura de petits aspects pour lesquels ce ne sera peut-être pas le cas. C'est certainement l'élément central des documents, et je m'en réjouis.
L'externalisation des capacités de défense à des entreprises privées se produit partout dans le monde. Je félicite la Marine canadienne. Je crois que c'est probablement, parmi les trois services, l'un des derniers qui insistent pour que la maintenance des navires soit directement effectuée par un important effectif gouvernemental, mais il faut tenir compte au final du facteur coût. Par exemple, un navire aura maintenant six radars différents. Déciderons-nous de former six techniciens différents pour être en mesure d'assurer la maintenance de chaque radar, parce qu'ils sont probablement fondamentalement différents les uns des autres, ou choisirons-nous plutôt de laisser une entreprise privée s'occuper de la maintenance de trois des six radars? C'est tout simplement une question d'argent. Si la Marine canadienne avait le choix, je suis persuadé qu'elle souhaiterait que tout se fasse à l'interne.
Je crois que Ken a probablement également des opinions bien tranchées à cet égard.
C'est le cas.
Le passé de la marine montre que les installations de maintenance de la flotte sont essentielles pour réaliser la maintenance de la flotte, s'assurer de son état de préparation, corriger des anomalies dans un court délai et s'occuper des choses qui doivent être réparées si l'équipage veut partir à temps pour s'acquitter de sa tâche.
C'est irréfutable. Ces installations sont essentielles. Il suffit de faire les calculs. Nous avons une flotte de 12 frégates. Si l'une des frégates devient tout d'un coup inutilisable, quel est le pourcentage de vos capacités que vous perdez pendant que vous attendez que l'entrepreneur privé se pointe, évalue la situation — durant les heures de bureau, soit dit en passant — et envoie son rapport ou ses conclusions au siège de l'entreprise, qui peut être européenne?
J'ai un fils dans la Réserve navale qui est affecté à l'un des navires de la Réserve. Ces navires ont maintenant une bonne vingtaine d'années, et leur maintenance est un cauchemar. L'entreprise qui s'occupe des services de soutien est de moins en moins encline à respecter ses obligations contractuelles, qui consistent à réparer et à maintenir en bon état de fonctionnement ces navires, tout simplement parce que la maintenance de vieux navires devient très rapidement de plus en plus exigeante.
Je vous recommande fortement de lire l'étude réalisée par SPAR — une société d'Annapolis, au Maryland — qui montre qu'au cours des trois ou quatre dernières décennies de vie les coûts de maintenance des vieux navires grimpent d'environ 400 % par année. Il est facile de comprendre pourquoi les entrepreneurs fuient ces navires comme la peste et ne souhaitent pas faire le travail, mais la Marine doit absolument maintenir la capacité de s'en occuper dans un court délai.
À mon époque, c'était un entrepreneur qui s'occupait du soutien pour six de ces navires de défense côtière. Je n'étais pas au courant que c'est rendu l'enfer, mais le soutien était excellent, lorsque j'étais là. L'entreprise que nous avions engagée dépêchait des techniciens partout dans le monde pour les réparer.
Je suis d'accord avec ce que fait valoir Ken. Si je me fie au Athabaskan, qui est un destroyer de 47 ans, lorsque le navire atteint la trentaine, les coûts de maintenance grimpent en flèche. Vous êtes tous à même de vous imaginer à quel point c'est un défi d'assurer le bon fonctionnement d'une voiture d'une trentaine d'années.
Merci beaucoup. C'était en fait une excellente transition par rapport à ce dont parle mon collègue Randall. J'aimerais parler un peu d'éducation en ce qui est trait à la maintenance, par exemple.
Peu importe qu'il soit question d'équipement naval, des forces aériennes ou des forces armées, les approvisionnements militaires sont le secteur où nous dépensons le plus. En ce qui concerne la propriété intellectuelle et les questions de souveraineté, notre capacité de maintenir les emplois au Canada est essentielle notamment à notre croissance économique.
J'ai une question à ce sujet. Nous avons actuellement la capacité de maintenir notamment nos frégates, et nous avons plusieurs entreprises qui font des offres concernant ces projets. D'après vous, devrions-nous nous appliquer de plus en plus à maintenir cette capacité au Canada pour soutenir notre stratégie de croissance à long terme, créer des emplois, renforcer notre souveraineté et stimuler notre capacité de faire croître cette industrie? Je vais vous donner l'exemple de l'industrie aéronautique canadienne. Nous devrions nous appliquer à conserver cette propriété intellectuelle.
J'ai examiné le document d'information que nous avons reçu de la Marine royale canadienne, et il est même maintenant question de la formation et de sa possible externalisation. Que devrions-nous faire pour maintenir cette capacité au Canada? Je suis évidemment consciente de l'importance de l'interopérabilité avec nos alliés de l'OTAN, par exemple. Cependant, si nous pouvions investir au Canada, je crois que ce serait évidemment l'idéal. J'aimerais vous entendre au sujet de l'éducation, de la formation, de l'approvisionnement et bien entendu de l'offre.
L'approvisionnement est une chose, mais nous avons ensuite la capacité d'assurer le bon fonctionnement de l'équipement durant de nombreuses années. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, nous avons malheureusement tendance à conserver notre équipement plus longtemps que sa durée de vie. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard?
Je suis persuadée que vous avez des commentaires à ce sujet, monsieur Lerhe, et vous aussi, monsieur Hansen.
Je peux y aller en premier. Absolument.
À la lecture de la documentation sur les navires de combat de surface canadiens, parce que c'est dans les médias, les autorités déploient des efforts soutenus pour obliger toute personne qui fait une offre à s'engager à transférer une grande partie du travail au Canada en ce qui concerne l'équipement du navire, par exemple, à investir dans des entreprises canadiennes ou à établir des entreprises manufacturières au Canada. C'est le plan.
Cependant, il ne faut pas passer sous silence que certaines entreprises canadiennes ont développé, principalement en raison du grand élan que leur ont insufflé les frégates canadiennes de patrouille, un important marché mondial relativement aux capacités les plus perfectionnées au monde. Je pense au système intégré de contrôle de plateforme de L-3 MAPPS; c'est ce qui contrôle le navire. L'entreprise n'en vend ni des dizaines ni des centaines; elle en vend des milliers aux consommateurs les plus exigeants au monde : la marine américaine, la marine israélienne et la marine britannique. C'est la même situation pour OSI et ses systèmes de passerelle intégrés. Elle en vend des centaines. Il en va de même pour DRS Technologies et ses systèmes de communications qui sont le joyau de la flotte américaine, des porte-avions, des porte-avions nucléaires... Nous en avons donc la capacité, et des entreprises peuvent tirer profit, par exemple, de la Stratégie nationale de construction navale pour — disons-le franchement — se propulser et occuper une position dominante sur le marché mondial dans ces domaines. Personne ne connaît autant de succès que nous dans ces domaines.
Toutefois, je rappelle que le gouvernement a décidé d'arrêter de construire des frégates canadiennes de patrouille en 1996 et de commencer à construire des navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique en 2015, ce qui représente un vide de 19 ans. Combien d'entreprises ont les moyens de survivre uniquement grâce aux commandes d'exportation, et ce, durant 19 ans de vache maigre? C'est tout un défi; voilà pourquoi l'objectif de la Stratégie nationale de construction navale est de mettre en place un programme permanent de construction navale.
Je suis tout à fait d'accord avec le commodore Lerhe. L'objectif de la stratégie est de renforcer la base industrielle nationale. J'écris au sujet de la stratégie de construction navale depuis un bout, et le problème est qu'il y a des opinions divergentes sur la priorité stratégique parmi les objectifs : renforcer la base industrielle, fournir des emplois de grande qualité ou fournir l'équipement dont ont besoin la Marine et la Garde côtière. Selon l'interlocuteur, vous avez une évaluation différente quant à la priorité entre ces trois éléments. C'est un problème, parce que nous nous posons des questions au sujet des avantages pour le Canada et son économie.
Je dois honnêtement dire que j'étais passablement déçu de la décision d'acheter un concept standard, parce que cela limite la canadianisation possible du concept. Si nous partons du concept d'un autre qui a une forte densité, soit un élément dont j'ai parlé plus tôt, le coût de la canadianisation sera incroyablement élevé. C'est la situation que nous avons connue relativement aux sous-marins de la classe Victoria. Nous ne détenions pas les droits de propriété intellectuelle. Le concept était très dense, et le sous-marin était extrêmement dispendieux à moderniser et à canadianiser. Les coûts ont explosé. Je ne suis pas sûr à 100 %, mais c'est probablement une fausse économie d'opter pour un concept standard si votre objectif est d'aller chercher la meilleure valeur pour la base industrielle canadienne. Je crois que ces deux aspects ne sont pas compatibles.
J'aimerais ajouter quelque chose. Vous rappelez-vous que j'ai mentionné que nos investissements dans la recherche dans le domaine de la défense ont chuté à 1,2 %? En ce qui concerne les frégates canadiennes de patrouille, c'était probablement environ de 5 à 7 %. Je suis persuadé à 99 % que toutes ces entreprises florissantes ont également tiré profit des grandes recherches canadiennes dans le domaine de la défense pour arriver aux systèmes SHINCOM de DRS — un modèle très prisé dans le monde —, aux systèmes de contrôle intégré de plateforme, aux systèmes SHINMACS, qui découlent aussi d'un autre programme de recherche dans le domaine de la défense, et aux systèmes de commandement. À l'époque, le groupe du sous-ministre adjoint (Matériels) se composait de 13 000 personnes; c'est le groupe qui gère les projets. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 3 000, et c'est sans grande surprise que je vous apprends qu'il y a des problèmes. Lorsque vous réduisez de cinq fois votre budget de recherche dans le domaine de la défense, cela a des conséquences dévastatrices sur la capacité de l'industrie canadienne de concevoir un produit. Par conséquent, je n'étais pas dans la pièce à ce moment, mais je dirais que la décision d'opter pour un concept militaire standard était peut-être inévitable.
Je peux vous garantir que nous ne participons malheureusement pas au processus décisionnel.
Je prends bonne note de vos commentaires. Vous avez mentionné que c'est important que les députés comprennent l'importance des investissements dans le domaine de la défense. Soyez assurés...
Monsieur Hansen, vous avez mentionné que votre fils est dans la Réserve navale. J'ai deux fils dans les Forces armées canadiennes. À la blague, les gens me surnomment sur la Colline la « mère des Forces ».
Soyez assurés que les membres du Comité vous ont clairement entendu. Pour être bien honnête avec vous, j'ai de la difficulté à dormir le soir quand je pense à la situation de notre souveraineté et de notre protection, mais soyez assurés que nous vous avons entendu.
Merci beaucoup.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication