FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 septembre 2001
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Comme vous le savez, nous menons actuellement des consultations prébudgétaires conformément à l'article 83.1 du Règlement.
Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Il s'agit du président et chef de la direction, M. Thomas d'Aquino, du vice-président principal, politique et communications, M. David Stewart-Patterson, et de M. Sam Boutziouvis, vice-président, commerce international et économie mondiale.
Je crois que vous savez maintenant comment fonctionne ce comité. La parole est à vous, monsieur d'Aquino.
[Français]
M. Thomas P. d'Aquino (président et chef de la direction, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Bonjour, monsieur le président.
[Traduction]
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs. Il nous fait toujours plaisir de comparaître devant le comité. Nous tenons à comparaître devant le comité parce que nous attachons beaucoup d'importance à vos travaux. Nous connaissons aussi la grande influence qu'exerce le comité. Pour ces deux raisons, nous sommes donc heureux d'être ici ce matin à un moment aussi extraordinaire.
Le travail du Comité permanent des finances a toujours été plus qu'une simple affaire de sous. Les débats que vous tenez au sujet des recettes et des dépenses ne sont pas de simples exercices de comptabilité. Les décisions que vous prenez ici ont une incidence réelle et durable sur la vie des Canadiens. Nous ne sommes peut-être pas toujours d'accord sur les meilleurs moyens d'atteindre les buts que nous nous fixons comme société. Mais malgré tous les différends qui en résultent, il n'en demeure pas moins que nous sommes une nation privilégiée et que nous ne devons jamais perdre de vue les principes fondamentaux qui nous permettent de jouir de notre prospérité.
Il y a deux semaines, monsieur le président, nous avons tous été horrifiés quand des milliers de personnes engagées dans la lutte quotidienne à bâtir un monde meilleur ont été écrasées et incinérées par des gens dont le seul but était de détruire. Cet attentat ne visait pas seulement les puissants symboles de l'entreprise privée et de la force militaire, mais aussi les valeurs fondamentales de notre société dont nous sommes tous garants en tant que Canadiens: la liberté, l'ouverture d'esprit et l'optimisme, le civisme, la tolérance et la confiance.
À première vue, les terroristes semblent avoir réussi. Des milliers de personnes ont été ensevelies sous les décombres à New York et à Washington. Des millions d'autres craignent maintenant pour leur sécurité dans toutes leurs activités quotidiennes. Les réponses instinctives et nécessaires à une agression minent nos énergies en inhibant les voyages et le commerce. Les marchés financiers ébranlés reflètent les prévisions d'une baisse des profits et d'une hausse des mises à pied. La possibilité d'une profonde récession mondiale se dessine à l'horizon.
• 0910
Même si nous réussissons à vaincre ce fléau mondial qu'est le
terrorisme, nous ne sommes pas au bout de nos souffrances et de nos
sacrifices. Comme le déclarait en Chambre la semaine dernière le
premier ministre Jean Chrétien, le Canada est maintenant engagé
dans une guerre contre un ennemi insaisissable qui se déplace d'un
endroit à l'autre, exploitant de façon diabolique la liberté et
l'hospitalité que les Canadiens chérissent et se doivent de
protéger.
Si l'entreprise de faire la guerre contre un tel ennemi est pleine d'incertitude et d'ambiguïté, notre devoir de Canadiens demeure très clair. Comme le déclarait en Chambre le leader de l'opposition, Stockwell Day:
-
«Les demi-mesures n'ont pas leur place face à des actes de
barbarie. Il faut poser des actes clairs. L'heure n'est pas à
l'ambiguïté morale, mais à la clarté morale».
Et comme le mentionnait le ministre des Affaires étrangères John Manley, il s'agit d'un moment déterminant pour le Canada et pour le monde dans lequel nous vivons. La réaction à cette tragédie sans précédent, comme il l'a si bien exprimé, exigera «un jugement sûr, une conviction inébranlable et un courage extraordinaire.»
J'ai confiance, monsieur le président, que nos valeurs triompheront, et ce, non pas par la seule force des armes. Nous gagnerons plutôt en faisant tout en notre pouvoir pour que l'espoir vainque la peur et que l'optimisme triomphe du désespoir. Il est toujours plus facile de détruire que de bâtir, mais il n'en reste pas moins que l'immense majorité des êtres humains sont des bâtisseurs infatigables. La marche vers le progrès peut être temporairement interrompue par les desseins de quelques sinistres individus, mais l'ingénuité et la détermination de l'humanité ne peuvent jamais être écrasées. Notre économie sera peut-être atteinte pendant un certain temps, mais les principes de base à long terme demeurent les mêmes. Les Canadiens ont été secoués, mais ils n'ont pas perdu leurs qualités inhérentes de tolérance et de diversité, d'ouverture d'esprit et de partage de la prospérité, et ils n'y renonceront jamais.
Notre détermination de ne pas renoncer à nos valeurs essentielles a des répercussions sur le plan pratique. À court terme, tout au moins, nous devrons accepter de nouvelles contraintes à notre liberté de mouvement et de nouvelles intrusions dans les affaires commerciales et personnelles. D'autres vies seront perdues. D'autres emplois seront perdus. Nous devrons évidemment faire tout en notre pouvoir pour minimiser ces pertes, ce qui exigera une attention concertée sur nos valeurs essentielles. Nous avons des choix difficiles à faire entre ce que nous désirons et ce dont nous avons besoin. Dans le secteur public, tout comme dans le secteur privé, il n'y a plus de place pour la dentelle
Ce point m'amène à parler plus spécifiquement du rôle de la Chambre des communes et du présent comité. Les partis ont des divergences de vues en matière de politique. Or, une saine démocratie représentative exige de tels différends même au sein des partis. Mais nous sommes entrés dans une période où l'unité quant au but du pays est essentielle. Ça ne signifie pas que tout le monde doit être d'accord sur tous les détails. Les gouvernements élus, ici et dans les capitales provinciales, doivent faire des choix et assumer leurs responsabilités de ces choix. Ce que nous devons tous faire, cependant, c'est mettre de côté le sectarisme politique et la rhétorique idéologique. Nous devons travailler ensemble comme nation et comme société à défendre les principes et les valeurs qui nous sont chers.
Dans les grandes crises et défis nationaux du passé, les chefs d'entreprise ont collaboré étroitement avec les gouvernements à faire en sorte que notre pays tire le meilleur parti possible de nos ressources collectives. Nous sommes prêts à le faire encore une fois. Nous sommes aussi déterminés à soutenir la force de notre économie parce que c'est le moteur qui devra supporter notre pays dans la lutte prolongée qui l'attend. Plusieurs sociétés privées auront des défis de taille à surmonter dans les mois à venir. Certaines devront se retrancher et se restructurer; certaines pourraient échouer. Mais je tiens à rappeler à tout le monde que les marchés libres sont extrêmement adaptables.
Nous entrons peut-être à la fois dans une récession mondiale et dans un conflit mondial. Mais il faut éviter de se laisser aveugler par la brume de l'incertitude économique d'aujourd'hui. Peu importe le poids des défis que nous aurons à relever, il faudra garder notre sens de la perspective. Les marchés trouveront une façon d'en arriver à leur niveau le plus bas, pour ensuite atteindre des sommets inégalés. Une récession mondiale ne fait que ralentir le progrès humain; elle ne peut l'arrêter.
C'est dans cet esprit que j'aimerais vous entretenir brièvement de nos opinions au moment où le ministre des Finances prépare le prochain budget fédéral.
• 0915
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise n'a jamais hésité
à appuyer les politiques qui stimulent l'innovation, la
compétitivité et la croissance de l'économie et des revenus. Pour
leur part, les membres de ce comité ont été une puissante force
dans la conception et la mise en place de politiques qui ont
contribué à la spectaculaire remontée de la prospérité canadienne
au cours de la dernière décennie.
Le CCCE a tourné son attention sur deux thèmes au cours des dernières années. Premièrement, nous avons réclamé l'adoption de mesures vigoureuses pour éliminer le déficit fédéral et pour ensuite commencer à rembourser la montagne de dettes accumulées. En révélant que la dette avait été réduite d'un chiffre record de 17,1 milliards de dollars l'an dernier, le ministre des Finances, Paul Martin, a souligné qu'en seulement quatre ans, le gouvernement avait libéré quelque 2,5 milliards de dollars par année auparavant nécessaires pour payer les intérêts. Ceci représente un pas important pour réduire la vulnérabilité du Canada par rapport aux perturbations externes et pour assurer la viabilité des programmes sociaux essentiels.
En second lieu, le CCCE a été un ardent promoteur de politiques visant à améliorer la compétitivité du milieu des affaires de manière à attirer les investissements, stimuler l'innovation et la productivité, créer de nouveaux emplois et hausser les revenus des Canadiens. Le véhicule le plus efficace pour favoriser ces progrès demeure la réduction du fardeau fiscal. Le Canada a fait des progrès importants à cet égard.
Comme le mentionnait le conseil d'administration du CCCE dans un mémoire qu'il a présenté au premier ministre le 7 septembre—lequel se trouve dans les trousses qui vous ont été remises, mesdames et messieurs—la décision d'octobre dernier d'accélérer la réduction des impôts, s'est avérée, non seulement une politique saine, mais aussi une mesure dont l'entrée en vigueur n'aurait pu être mieux choisie au point de vue cyclique. La réduction des impôts des particuliers a eu pour effet de raffermir la confiance des consommateurs en mettant plus d'argent dans les poches des Canadiens alors même que les marchés boursiers dégringolaient et que les investissements commerciaux s'affaissaient.
Pour aller de l'avant, le CCCE a donc suggéré une approche sur trois fronts: beaucoup de prudence dans la planification financière assortie d'efforts vigoureux et soutenus pour réduire la dette publique; la reprise du mécanisme d'examen des programmes comme caractéristiques soutenues et rigoureuses de la gestion financière, y compris des examens de chaque programme et dépense fiscale au moins une fois tous les cinq ans; et des réductions d'impôt fortement sélectives, dans la mesure où les revenus le permettent, assorties de réaménagements créatifs de l'assiette fiscale visant à améliorer la compétitivité sans réduire l'ensemble des recettes.
Ces priorités demeurent encore aujourd'hui, monsieur le président. La perspective financière a changé depuis le 11 septembre, de même que les besoins immédiats du pays. Mais les principes d'une saine gestion des finances publiques n'ont pas changé.
Les attentats terroristes ont eu un impact sur les perspectives économiques à court terme dans le monde entier. On le constate notamment dans la poussée soudaine des appels, tant au Canada qu'aux États-Unis, réclamant des interventions massives pour stimuler l'économie, réduire les impôts et consentir de nouvelles dépenses pour chasser le pessimisme des consommateurs et des milieux d'affaires, même au risque de se replonger dans un déficit. Nous croyons que ces suggestions sont imprudentes. Il est certainement beaucoup trop tôt pour prendre une telle décision. Comme le signalait le président du système fédéral de réserve des États-Unis, Alan Greenspan, les perspectives à long terme de l'économie n'ont pas été affaiblies par les soubresauts à court terme résultant des attaques terroristes.
Les réductions des taux d'intérêt déjà annoncées par les banques centrales partout dans le monde auront un effet marqué. si d'autres stimulants monétaires et financiers deviennent nécessaires à un moment donné, nous partageons l'opinion de M. Greenspan, à savoir que «il est beaucoup plus important d'avoir la bonne réponse que d'avoir la première réponse.»
La prudence en matière de planification financière est plus importante que jamais. Dans le passé, le ministre des Finances a intégré des hypothèses prudentes et des fonds de prévoyance dans chacun de ses budgets. Dans la mesure où ces fonds de prévoyance s'avéraient superflus, le gouvernement était alors en position de boucler plus rapidement son budget et de s'attaquer énergiquement à la montagne de dettes accumulées. Mais une chose demeure certaine. Même en planifiant prudemment, les surplus n'ont jamais été assurés. La possibilité a toujours existé qu'un ralentissement marqué ait pu placer le gouvernement en position déficitaire au cours d'une année donnée.
Aujourd'hui ces risques sont plus grands que jamais. Il est donc crucial que le gouvernement continue à mettre de côté plus de ressources que ce que le gouvernement prévoit devoir utiliser. Une année déficitaire demeure une possibilité, mais ce n'est pas quelque chose que nous devrions planifier délibérément. Si nous faisons de notre mieux pour travailler à l'intérieur des ressources dont nous disposons, un léger déficit n'aurait pas de répercussions durables. Par contre, si nous budgétons intentionnellement en fonction d'un déficit même modeste, nous pourrions très facilement nous retrouver devant un déficit majeur qui se répercuterait sur les années suivantes.
• 0920
Nous partageons l'avis du gouverneur de la Banque du Canada,
David Dodge, qui a affirmé vendredi que la politique monétaire,
soutenue par les stabilisateurs automatiques que comporte déjà
notre filet de sécurité sociale, demeure le meilleur outil pour
faire face aux répercussions à court terme des événements survenus
le 11 septembre. Comme le gouverneur l'a dit, il serait «tout à
fait téméraire» de retomber dans la spirale désastreuse que produit
une augmentation des déficits et des impôts alors que les Canadiens
viennent de consacrer 10 ans de travail à renverser cette spirale.
Si nous voulons vraiment maintenir les programmes publics et l'infrastructure qui soutiennent le mode de vie des Canadiens, nous ne devons pas laisser la panique à court terme servir d'excuse pour nous replonger dans le cycle du désespoir financier. Paraphraser un ancien premier ministre et leader en temps de guerre: «un déficit si nécessaire, mais pas nécessairement un déficit».
Il n'y a aucun doute que la guerre contre le terrorisme entraînera des dépenses supplémentaires. Toutefois, on ne devrait pas se contenter d'ajouter toutes ces dépenses à un budget prévoyant le maintien intégral de toutes les autres activités du gouvernement. Pour trouver l'argent nécessaire pour assurer la sécurité des Canadiens, il faudra faire des efforts concertés pour resserrer les dépenses dans les domaines moins essentiels et pour remettre à plus tard certaines nouvelles initiatives proposées. Malgré cela, il est possible que les dépenses dépasseront les prévisions actuelles alors même que le ralentissement de l'économie réduira les recettes fédérales.
Monsieur le président, au cours des semaines qui suivent, alors qu'il faudra choisir nos priorités, nous devons nous rappeler qu'une augmentation dans la consommation courante poussée par le besoin de sécurité pressant des Canadiens se fera aux dépens des investissements publics dans la croissance économique future. Ces dépenses inattendues pourraient prendre le dessus sur des initiatives vitales à long terme, dont l'investissement dans la recherche et les infrastructures. Elles pourraient prendre le dessus sur les politiques qui visent à rendre notre régime fiscal plus compétitif. Le CCCE est d'avis que d'autres allégements fiscaux, tout comme les nouvelles propositions de dépenses non essentielles, doivent céder leur place aux impératifs de la sécurité nationale dans le prochain budget fédéral.
Le conseil ne suggère pas au gouvernement de renverser ou de retarder les mesures de réduction des impôts déjà annoncées par le ministre des Finances, M. Martin, car elles sont essentielles. Cela n'est pas nécessaire et pourrait même s'avérer contre-productif. Malgré les réductions importantes des impôts au cours des dernières années, la compétitivité de notre régime fiscal demeure un problème inquiétant. Nous l'avons déjà fait valoir de nombreuses fois devant le comité.
Lorsque les allégements fiscaux prévus aux États-Unis dans les années à venir entreront en vigueur, le Canada devra reprendre sa démarche visant à abaisser les taux d'imposition des particuliers et des sociétés. Le report d'allégements fiscaux supplémentaires aura des conséquences. Tout retard dans l'élimination des impôts sur le capital et d'une autre réduction des impôts sur le revenu des sociétés et sur les gains en capital entravera également les investissements d'affaires, la création d'emplois et la croissance économique. Par conséquent, tous les Canadiens en feront les frais, tout comme ils ont bénéficié de la croissance stimulée par les allégements fiscaux antérieurs.
Mais toutes les guerres exigent des sacrifices et, dans le conflit présentement devant nous, la sécurité des Canadiens et la survie de nos valeurs doivent avoir préséance sur les améliorations à court terme de notre niveau et de notre qualité de vie. Le fait de remettre à plus tard les réductions de l'ensemble du fardeau fiscal ne signifie pas que nous devons ignorer toute possibilité d'améliorer notre régime fiscal. Au contraire, c'est quand l'argent est rare que nous devons veiller à en tirer le maximum.
Il est peu probable que le gouvernement ait les moyens, à court terme, de se départir de ses revenus, mais il demeure possible de faire certains réaménagements à l'intérieur de l'assiette fiscale. Nous avons proposé diverses options en ce sens dans notre mémoire au premier ministre daté du 7 septembre, et nous serions disposés à en discuter avec vous au moment qui vous conviendra le mieux.
Le fait que nous n'ayons pas de surplus d'argent ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire. Il existe des moyens créatifs d'améliorer notre régime fiscal. Il est également possible d'innover dans notre façon de dépenser. Par exemple, un grand nombre de commissions, de comités et d'organismes, y compris le CCCE, sont à la recherche de moyens d'obtenir plus de valeur pour l'argent que le Canada consacre aux soins de santé publique. Le gouvernement pourrait renouveler ses efforts de refonte du système d'assurance-emploi. Il est également crucial que les sommes énormes consenties aux peuples autochtones soient investies de manière à encourager plus efficacement leur développement économique et social.
La réforme de la réglementation est un autre puissant outil dont nous disposons pour améliorer le climat d'affaires sans qu'il soit nécessaire d'augmenter les dépenses publiques. Par exemple, il n'en coûterait rien aux gouvernements concernés de cesser d'ergoter et d'embrasser l'esprit et la lettre de l'accord sur le commerce intérieur. Ce qui fait notre force, c'est la possibilité de vivre, de travailler, d'échanger et d'investir partout où il y a une occasion de le faire à l'intérieur de nos frontières. En temps de guerre, le maintien de barrières qui sapent nos énergies et diminuent nos possibilités n'est rien de moins que du sabotage. Il est temps de penser d'abord aux intérêts du Canada.
• 0925
Nous devons être tout aussi vigilants et éviter toute mesure
réglementaire législative qui découragerait les investissements ou
augmenterait les coûts d'exploitation des entreprises. Plus
spécifiquement, le Canada ne devrait pas prendre de décisions au
sujet de la ratification du protocole de Kyoto sur le changement
climatique avant de comprendre clairement les coûts supplémentaires
dont écoperaient les consommateurs, les industries et les
gouvernements. Alors que le prix de bien des exportations
canadiennes exigeant beaucoup de ressources énergétiques est à la
baisse, il faut être très prudent de ne pas imposer aux entreprises
canadiennes de nombreux fardeaux auxquels nos concurrents étrangers
ne sont pas assujettis.
En conclusion, monsieur le président, j'en arrive à ce qui pourrait bien être notre défi national le plus pressant, à savoir l'avenir de nos relations avec les États-Unis. Le CCCE a joué un rôle clé dans l'amorce des discussions qui ont mené à l'accord sur le libre-échange avec les États-Unis et aux énormes avantages dont tous les Canadiens ont bénéficié. Par contre, certaines querelles, notamment celle concernant le bois-d'oeuvre résineux, s'enlisent dans la complaisance résultant de l'intégration de nos économies. De longues files d'attente à la frontière dans les jours qui ont suivi les attaques du 11 septembre ont fait ressortir le danger du laisser-aller.
Le CCCE a ouvert, il y a plus de deux ans, un dossier sur ce qu'il prévoyait être la prochaine étape importante dans les relations canado-américaines. Il était déjà clair à l'époque qu'à la longue liste de différends en matière d'échanges s'ajoutaient sans cesse d'autres questions non commerciales telles la défense et la sécurité, l'immigration illégale et le trafic de stupéfiants. La question fondamentale qui revenait sans cesse était la suivante: le Canada devrait-il se contenter d'un travail à la pièce, traitant séparément de chaque question qui se présente, ou devrait-il plutôt adopter une approche plus intégrée? Sur le plan pratique, les questions stratégiques que nous nous posions étaient de savoir si le Canada devait tenter de se placer sous le chapiteau américain ou s'il devait continuer d'avoir sa propre tente, et de savoir également dans quelle mesure nous devrions adopter une stratégie davantage distincte tout en maintenant notre accès au marché américain.
Monsieur le président, du jour au lendemain ces questions sont devenues cruciales et pressantes. Dans la vaste offensive qui a été déclenchée à la suite des attaques du 11 septembre, personne ne pourra rester neutre, comme l'a si bien dit le président Bush. Si cela ne signifie pas nécessairement que les alliés devront toujours marcher au même pas, il n'en demeure pas moins que le Canada devra donner suite à des interventions concrètes. Plus précisément, comme le suggérait la semaine dernière l'ambassadeur des États-Unis au Canada Paul, Cellucci, pour nous assurer que notre frontière méridionale demeure ouverte, il nous faudrait pouvoir convaincre nos alliés américains de l'intégrité de notre périmètre extérieur.
La façon dont le Canada décidera de gérer ses politiques en matière de défense, de contrôle policier, de douane et d'immigration aura un impact important sur nos relations avec les États-Unis et l'économie canadienne. Mais agir de façon à assurer l'intégrité de nos frontières ne constitue pas un abandon de notre souveraineté comme le prétendent certains. Au contraire, cela représenterait un engagement important envers la sécurité des Canadiens et notre style de vie. Lors de l'élaboration de la stratégie du Canada, nous devrons considérer comment la sécurité des Canadiens peut être améliorée grâce à une plus grande coopération et collaboration avec les États-Unis, et de quelle façon nous devrons nous engager à procéder à une harmonisation et une intégration plus fondamentales.
Les Canadiens ont choisi librement de se joindre aux États-Unis et aux autres pays civilisés pour livrer la guerre à ceux qui voudraient détruire en un instant ce que des générations ont travaillé à bâtir pendant des décennies. La semaine dernière, un participant à un forum télévisé au réseau anglais de Radio-Canada s'opposait à la participation du Canada, sous prétexte que «c'est leur guerre et non la nôtre». Mes collègues au CCCE et moi-même sommes en profond désaccord. Ce n'est pas une guerre entre un groupe de terroristes et les États-Unis d'Amérique. C'est bel et bien, comme le soulignait le président George W. Bush dans son discours au Congrès américain, une guerre entre la liberté et la peur. Les Canadiens se sont déjà battus pour la liberté—sur les plaines des Flandres, sur les plages de Normandie, sur les eaux périlleuses de l'Atlantique Nord, sur les collines glacées de la Corée et dans le ciel au-dessus du Kosovo. Les Canadiens se sont déjà interposés fièrement pour protéger ceux qu'ils aiment contre la dévastation de la guerre et nombreux ont fait le sacrifice ultime.
Il y a deux semaines, des terroristes ont attaqué des civils, des avions et des immeubles aux États-Unis. Mais c'est la souveraineté du Canada, la liberté du Canada, la démocratie du Canada, la prospérité du Canada, l'ouverture du Canada, la diversité du Canada et la tolérance du Canada qui ont été la cible de ces terroristes—pas seulement le World Trade Centre et le Pentagone. C'est aussi la guerre du Canada, non pas parce que nous avons peur d'offenser nos puissants voisins, mais parce que nous ne voulons pas trahir notre patrimoine et nos valeurs.
• 0930
Ne nous faisons pas d'illusions sur nos chances de régler
cette affaire rapidement et de façon décisive. En réalité, il et
très peu probable que ce conflit se solde par une victoire sans
équivoque. Mais notre victoire se mesurera par le degré d'ouverture
et d'optimisme, de tolérance et de diversité, de prospérité et de
générosité que nous saurons conserver au sein de notre société.
En conclusion, je vous dirais ceci: Aujourd'hui, le Canada doit faire face à de nouvelles priorités pressantes. Nous avons des craintes fondées au sujet des perspectives de notre économie. Nous avons des choix pénibles à faire. Pour nous rétablir et reprendre notre élan le plus rapidement possible, nous devons être prudents, nous devons être créatifs, nous devons être tenaces et, avant tout, nous devons travailler ensemble. La route devant nous ne sera pas facile. Mais l'esprit humain a sans cesse triomphé de l'adversité et nous ne doutons pas que les Canadiens et les autres peuples qui chérissent leur liberté seront à la hauteur de ce nouveau défi.
Au nom des membres du Conseil canadien des chefs d'entreprises, permettez-moi de vous assurer que tous les dirigeants des 150 plus importantes entreprises du pays s'engagent à faire leur part pour faire en sorte que les valeurs du Canada et des Canadiens sortiront grandies de cette épreuve.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur d'Aquino.
Nous allons maintenant passer aux questions, pour un tour de cinq minutes à chacun. Monsieur Kenney, s'il vous plaît.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur d'Aquino et vos collègues, pour cet excellent exposé.
Monsieur d'Aquino, vous nous mettez au défi, à juste titre à mon avis, de réfléchir dans ce nouvel environnement, de reconsidérer fondamentalement nos priorités dans le nouveau contexte impératif de la sécurité nationale. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut le faire en dehors de tout esprit partisan et de toute idéologie.
Je voudrais signaler, par exemple, que l'administration conservatrice du président Bush n'a pas été la seule à insister sur ce nouvel impératif occidental de sécurité; même le gouvernement pratiquement socialiste du Royaume-Uni a fait la même chose. Voilà un objectif que partagent les gens de tous les horizons politiques.
Monsieur d'Aquino, vous suggérez—encore une fois à juste titre—que la priorité dans notre planification financière devrait aller à l'amélioration de notre capacité de protéger l'intégrité de nos frontières et de garantir notre sécurité nationale. Dans votre exposé d'aujourd'hui, vous n'avez pas donné de détails à ce sujet.
Je voudrais vous soumettre quelques statistiques pour vous montrer, mais aussi montrer à mes collègues ici présents et à tous les Canadiens, l'ampleur du défi que nous avons à relever si le Canada décide d'investir dans la sécurité nationale en proportion de ce qui y investissent nos alliés.
À titre d'exemple, le budget du SCRS représente environ 0,2 p. 100 de notre PIB, alors que les États-Unis consacrent 2 p. 100 du leur au renseignement, soit 10 fois plus que le Canada. Pour autant que je sache, le Royaume-Uni dépense six à sept fois plus que nous à son service du renseignement.
Dans le domaine de la défense nationale, le Canada se classe avant-dernier parmi les pays de l'OTAN en ce qui concerne les dépenses de défense par rapport au produit intérieur brut avec 1,2 p. 100, alors que la moyenne est de 2 p. 100 pour l'ensemble de l'OTAN. Nos amis américains y consacrent 3,5 p. 100 de leur PIB. Si nous devions augmenter nos dépenses de défense pour rejoindre la moyenne de l'OTAN, ce qui nous mettrait mieux en mesure d'honorer nos obligations découlant des traités, le Trésor public fédéral devrait supporter une ponction supplémentaire d'environ 8 à 9 milliards de dollars. Il ne s'agit donc pas de bricolage ni d'opération marginale.
J'aimerais donc avoir votre avis sur l'importance qu'il convient d'accorder à l'investissement dans la sécurité nationale, sur son ampleur et sur la nécessité de reconsidérer les priorités du gouvernement fédéral.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Kenney, vous soulevez là une question d'une extrême importance pour notre pays, et je vais vous dire à quel point elle l'est.
Nous, au CCCE, pendant plus de 10 ans, jusqu'à la chute du mur de Berlin, avions un groupe de travail très actif sur la politique de défense et la sécurité. Nous avons préparé de nombreux rapports qui sont du domaine public, puis nous avons comparu devant les comités parlementaires pertinents, en ne cessant de faire valoir que la détérioration de la capacité de sécurité du Canada représentait un énorme risque.
• 0935
Donc la détérioration que nous avons constatée dure depuis
très longtemps, 25 ans. Une crise d'une telle ampleur souligne la
sagesse de toutes ces personnes, dont un grand nombre dans cette
Chambre, qui ont soutenu au fil des ans qu'il fallait en faire
plus.
La difficulté qui se pose maintenant, c'est qu'il est impossible de restructurer et de refinancer les forces armées en six mois. Il faudra du temps pour le faire, probablement cinq ans ou plus. J'encouragerais fortement le comité à insister sur l'importance de le faire en ayant recours à l'argent du contribuable canadien car il s'agit d'une bonne utilisation de cet argent et ce ne serait pas simplement pour satisfaire nos alliés de l'OTAN, ni pour marcher la tête un peu plus haute dans le monde, ni pour satisfaire les Américains. Il s'agit d'une mesure absolument essentielle à la sécurité du Canada. Si vous en doutez, vous n'avez qu'à parler aux Canadiens dans la rue aujourd'hui. Cela exigerait effectivement des dépenses importantes avec le temps. Mais vous savez également que la planification de la défense prend énormément de temps, beaucoup trop de temps à mon avis. Par conséquent, il s'agira d'un développement progressif. Mais cela devrait être l'élément qui nous incite à agir et nous devrions prévoir des crédits au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années à cette fin. Il serait irresponsable de ne pas le faire.
Deuxièmement, nous considérons que les ressources à la disposition de la Gendarmerie royale du Canada sont nettement insuffisantes. Je suis de cet avis depuis longtemps. Je sais que c'est une opinion que partage un grand nombre de mes collègues. Il est impossible de lutter contre le cyber-crime, de protéger nos frontières et de donner suite à tous nos problèmes internes à l'aide d'un corps policier qui ne dispose pas de fonds suffisants. Ce sont des hommes et des femmes admirables, tout comme le sont nos soldats. Ils ont besoin d'appui. Cela ne se fera pas en six semaines ou en six mois, mais nous devrions nous engager à le faire au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années.
En ce qui concerne le renseignement de sécurité, je suis au courant des chiffres comparatifs. De toute évidence, nous devons en faire plus aussi dans ce secteur. C'est pourquoi dans notre déclaration, monsieur Kenney, nous n'avons cessé de dire qu'il faut désormais s'en tenir à l'essentiel. Nous devrons examiner tous les secteurs où nous pouvons faire des économies. Nous devrions réaffecter les ressources. Mais n'oublions pas que ce n'est pas uniquement le prochain budget de M. Martin qui nous permettra de le faire. Il faudra aussi que nous changions radicalement notre façon de penser.
J'aimerais conclure par une dernière réflexion. De nombreux commandants militaires m'ont dit, avec beaucoup de tristesse, qu'il n'y avait personne à la table du cabinet pour défendre leur cause. La raison pour laquelle nous n'avons personne qui défende leur cause à la table du cabinet, c'est parce que peu de Canadiens semblent se soucier de la défense. Si nous voulons développer et accroître notre capacité, nous aurons besoin de l'appui du public. Sans cet appui, nos politiciens n'agiront pas. Il s'agit donc d'un défi national et non uniquement d'un défi que doit relever le ministre de la Défense nationale.
Le président: Je vous remercie, monsieur Kenny.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur d'Aquino, bonjour. J'aimerais vous entendre sur les nombreuses demandes qui sont faites actuellement de la part d'entreprises comme Air Canada et Air Transat et aussi de la part de différentes entreprises liées au transport par camions, au tourisme aussi. Elles demandent l'aide du gouvernement puisque depuis les événements tragiques qui se sont passés aux États-Unis le 11 septembre dernier, ces entreprises et plusieurs des industries dont les porte-parole se sont prononcés vivent des moments vraiment pénibles. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord ou non sur une intervention du gouvernement fédéral pour les aider à traverser cette crise?
M. Thomas d'Aquino: Merci, monsieur Loubier. C'est une très bonne question et je sais que mes collègues ont des opinions sur cette question aussi. J'aimerais seulement dire ceci.
[Traduction]
Tôt ce matin, j'ai lu un éditorial très intéressant dans le numéro actuel de la revue The Economist. Cette revue, que John McCallum et un grand nombre d'entre vous j'en suis persuadé lisent de façon régulière, offre parfois de très sages conseils. La revue The Economist présente un argument que le comité devrait considérer encourageant, à savoir qu'il y a toujours eu des crises. Ce siècle a connu beaucoup de crises très graves. Souvent, dans ce genre de situation, l'économie subit un choc. Certaines industries s'en tirent bien, d'autres pas. Cependant, la plus grave erreur est de partir du principe que rien ne va plus, que le marché ne fonctionne plus, et que le gouvernement doit se précipiter pour offrir massivement son aide.
• 0940
Le danger est le suivant: tout d'abord, dès que vous allez
commencer à accorder de l'aide—vous représentez tous des gens dans
vos circonscriptions—vous allez voir arriver une longue file de
personnes qui prétendront qu'elles ont subi un préjudice indirect
et qu'elles ont besoin d'aide. Où va-t-il falloir s'arrêter? Je
pense qu'il faut donc être très prudent quant à l'utilisation des
fonds publics pour venir en aide aux personnes en difficulté.
Doit-il y avoir des exceptions à cette règle? Lorsque la sécurité nationale est en jeu, il devrait y avoir des exceptions. Aux États-Unis—et je suis sûr qu'il en sera de même en Europe et au Canada—le législateur a considéré, dans sa sagesse, qu'il est indispensable que les avions continuent de voler. Ils sont essentiels à l'économie et à l'emploi. Si nous nous trouvions soudain privés de compagnies aériennes, les secousses dont nous parlons seraient beaucoup plus graves. J'estime donc qu'il faut considérer sérieusement les demandes des transporteurs aériens qui ont eu besoin d'aide au cours des 72 dernières heures étant donné que les aéroports et les avions ne sont plus assurés. Voilà une situation dans laquelle les gouvernements doivent intervenir.
Y a-t-il d'autres mesures à prendre? C'est une question que vous devez impérativement vous poser. Parmi les critères que je voudrais y appliquer, je me demanderais si la mesure envisagée est absolument essentielle au mouvement des personnes et au commerce ainsi qu'à la sécurité du pays. Si elle ne l'est pas, elle devra être rejetée avec opiniâtreté: l'aide sera refusée. Dans les industries qui présentent une surcapacité, la restructuration n'est jamais une mauvaise chose.
Ce qu'a signalé aussi la revue The Economist, c'est que les économies mondiales étaient déjà en difficulté avant le 11 septembre, et nous nous dirigions déjà vers une récession, qui était due notamment à une offre excédentaire de services, de capacité de fabrication et de production. Il n'est pas nécessairement mauvais qu'une période de difficulté impose des mesures de restructuration.
En règle générale, je propose donc d'opposer un refus, auquel on dérogera dans certains cas où la sécurité nationale sera en cause. Cette forme d'aide ne doit être ni la manne, ni de l'argent jeté par les fenêtres. Il doit s'agir d'une aide conditionnelle. La formule de renflouement devait être mise au rancart en temps de crise et en temps de paix.
Le président: Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour, monsieur d'Aquino.
Vous dites dans votre mémoire que l'on constate notamment dans la poussée soudaine des appels, tant au Canada qu'aux États-Unis, réclamant des interventions massives pour stimuler l'économie, réduire les impôts et consentir de nouvelles dépenses.
Vous dites que ces suggestions sont imprudentes et qu'il est trop tôt pour intervenir. Qu'est-ce que vous entendez par là? Est-ce qu'il faut attendre d'être en récession complète pour intervenir? Vous savez qu'avant le 11 septembre, il y avait déjà un ralentissement de l'économie au Canada.
M. Thomas d'Aquino: C'est une très bonne question.
[Traduction]
Je peux vous dire ceci. C'est du reste ce que nous disons très clairement dans notre mémoire et les dirigeants des banques centrales—quoi que vous puissiez penser à leur sujet—disent la même chose. On ne peut pas nier que nous devons nous attendre à des difficultés, à des secousses, et que nous aurons du mal à éviter la récession. Mais avant de faire le saut en décidant de nouvelles dépenses et de nouvelles mesures de stimulation, veillons soigneusement à avoir tout d'abord une bonne lecture de la situation et ensuite, à prendre des mesures qui lui seront parfaitement adaptées.
Dans sa déclaration de vendredi dernier, le gouverneur de la Banque du Canada a dit qu'il fallait miser sur les stabilisateurs de notre économie pour faire face aux secousses qui nous menacent à court terme. Alan Greenspan a dit la même chose. Nous disons aussi la même chose. Nous ajoutons cependant que des dépenses supplémentaires seront indispensables. Et comme il va falloir faire des dépenses supplémentaires, sans doute plus que nous le pensons actuellement, soyons très prudents quant à la façon d'employer le reste de l'argent des contribuables. Voilà notre raisonnement.
Si le Canada sombre dans la récession, cette récession finira bien un jour mais en attendant, il existe dans notre économie des stabilisateurs pour répondre aux besoins des sans-emploi. Nous avons le fonds de l'assurance-emploi, nous avons divers outils pour faire face au chômage. Il ne faut pas présumer que cette récession sera forcément plus grave que celles de 80-81 ou de 91. Au cours de ces périodes-là, on a été assez stupides—et vous savez le prix qu'il a fallu payer—pour dire: «nous sommes en récession, endettons-nous jusqu'au cou», à tel point que la dette publique s'est aggravée considérablement et que chaque Québécois et chaque Canadien s'est retrouvé avec une mouette sur l'épaule, jusqu'à ce que M. Martin commence à résorber cette dette, ce qui nous permet d'économiser 2,5 milliards de dollars rien que pour cette année.
Le président: Merci, madame Picard.
Monsieur McCallum.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je crois que je suis d'accord avec pratiquement tout ce que vous avez dit, Tom, ce qui n'est pas toujours le cas. J'ai simplement deux petites précisions à vous demander. La première concerne le déficit et l'autre le périmètre continental.
À propos du déficit, je ne suis pas de ceux qui réclament des mesures soit disant massives de stimulation fiscale. La question que je veux vous poser est un peu plus complexe. Nous vivons une période d'incertitude et il est possible que les politiques actuelles nous mènent à un déficit—c'est une possibilité—cette année ou l'année prochaine. Personne ne le nie. J'aimerais donc vous demander si dans de telles circonstances vous laisseriez se mettre en place ce que les économistes appellent les stabilisateurs automatiques, si vous laisseriez le déficit s'installer si tel était l'issue ou bien si vous effectueriez des compressions des dépenses pour éviter le déficit?
Ma deuxième question concerne le périmètre continental que vous avez mentionné. Personne ne semble d'accord sur ce que cela signifie. Je rappellerais simplement que l'ambassadeur des États-Unis a clairement indiqué qu'il était contre une entente de style Union européenne. Il ne veut pas que nous ayons nécessairement les mêmes lois que les États-Unis. Il ne veut pas d'agents d'immigration américains et d'agents du FBI dans nos aéroports. Cela me semble totalement logique. Il reste que j'aimerais savoir ce que vous entendez exactement par périmètre nord-américain?
Ce sont mes deux questions.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, j'espère que tous les libéraux convaincus de votre comité se sentent rassurés du fait que John McCallum n'est pas toujours d'accord avec moi.
Monsieur McCallum, pour répondre à votre première question concernant le déficit, je crois qu'il est vraiment important—c'est un mot que je n'aime pas du tout utiliser...je ne l'utiliserai pas. J'allais dire qu'il y avait un mot que je n'aimais pas du tout utiliser et par conséquent je ne l'utiliserai pas. Mais je crois qu'il faut être prudent sur le plan psychologique. J'ai entendu l'interview donnée par M. Martin dans le cadre de l'émission The House samedi matin. J'ai pensé que M. Martin avait tout à fait raison de dire que nous n'étions pas du tout pressés de revenir à une situation de déficit car abattre le déficit et reconstituer des réserves a coûté très cher aux Canadiens.
De plus, M. Martin et d'autres intervenants ont dit que se diriger à grands pas vers une situation de déficit et s'y préparer est la pire des choses à faire. Je crois qu'en réalité, John, ce que nous essayons de dire c'est qu'il ne faut pas se dire que le déficit est inévitable et qu'en conséquence il faut se préparer au déficit. Ce qu'il faut dire c'est que nous ferons tout pour prévenir un retour à une situation de déficit, ce qui nous obligera à réfléchir à toutes les autres options. M. Martin a dit, selon ses propres termes: «Nous sommes confrontés à des choix difficiles». C'est la recommandation que nous faisons à votre comité. Si vous ne dites pas qu'une situation de déficit est inévitable, nous pourrons commencer à penser aux autres options. Dites que nous essaierons d'éviter le déficit, qu'il pleuve ou qu'il vente—pour citer un certain ministre des Finances—et en conséquence, avant même d'en être là, étudions les diverses options qui s'offrent à nous. Je crois que c'est l'état d'esprit de la majorité des Canadiens, n'importe comment, car cet exercice a coûté très cher aux Canadiens. Vous l'avez longuement commenté. Vous savez combien cela a coûté cher.
Deuxièmement, à propos du périmètre, nous avons réfléchi, au cours des deux dernières années—et vous le savez pour avoir lu ce que nous avons fait. En fait, vous étiez même un des conseillers dans le cadre de l'initiative de leadership mondial du Canada. Une partie de notre travail nécessitait l'examen des perspectives futures des relations entre les États-Unis et le Canada. Nous ne recommandions pas une suppression pure et simple de la frontière entre nos deux pays, mais une redéfinition de ce qu'elle représente.
Pour vous donner un simple exemple, la semaine dernière j'ai discuté avec les présidents de nos compagnies de chemin de fer. C'était au moment où il fallait 8 à 14 heures aux camions pour franchir la frontière. Les présidents de nos chemins de fer m'ont dit que les trains passaient la frontière sans problème, sans retard. Je me suis demandé, comment se fait-il que les trains passent sans problème alors que les camions sont bloqués? Que font les trains que ne font pas les camions? Ce que je veux dire, en réalité, c'est qu'il nous faut réfléchir de manière plus intelligente, plus créatrice, plus novatrice aux problèmes de la frontière. Pas simplement en termes de biens et de services, mais en termes de pré-dédouanement, en associant les marchandises transportées à des critères de risque plus ou moins élevés—il y a toutes sortes de solutions qui pourraient être adoptées et qui d'ailleurs l'ont été la semaine dernière. Lorsque nous nous sommes retrouvés avec ces files d'attente invraisemblables, le bon travail fait des deux côtés de la frontière a permis en quelques jours de passer de presque 14 heures d'attente à plus que seulement deux heures. Cela prouve qu'on peut y arriver.
• 0950
Le périmètre extérieur est beaucoup plus intéressant et à mon
avis représente un plus gros défi. L'idée du périmètre extérieur
revient simplement à dire ceci: lorsque deux économies sont
intégrées, pas simplement en termes de biens et de services, mais
hautement intégrées en termes d'idées politiques, de valeurs, de
transparence, de liberté, de tout ce que j'ai mentionné dans ma
déclaration, il est peut-être nécessaire, au nom de l'efficacité,
de l'efficience, d'unir les efforts sous la forme d'un périmètre
commun pour solutionner le problème d'immigrants clandestins, du
blanchiment de l'argent du trafic de drogues et des menaces
terroristes.
D'aucuns m'accusent de tenir de tels propos pour faire plaisir aux Américains. Non, ce n'est pas pour cela, c'est parce que c'est important pour la sécurité canadienne. Si cela fait en plus plaisir aux Américains, et si ce qu'ils font aujourd'hui qu'ils ne faisaient pas hier nous fait plaisir, c'est encore mieux. Mais c'est ce que nous devrions faire.
Nous avons toutes sortes d'idées précises, John, sur ce périmètre extérieur, et nous nous ferons un plaisir de vous en parler en plus grand détail si cela vous intéresse.
Le président: Merci, monsieur McCallum.
Permettez-moi, monsieur McCallum, de profiter de vos questions pour en poser une autre.
Monsieur d'Aquino, à propos du déficit, les Canadiens se sont battus comme des lions pour gagner la guerre contre le déficit. Le simple fait d'envisager un retour éventuel à une situation de déficit... Pour être tout à fait franc, je crois qu'étant donné la situation économique actuelle, l'impact psychologique sur la confiance des entreprises et des consommateurs serait très grave. N'est-ce pas?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, vous vous êtes souvent et avec bravoure prononcé personnellement sur cette question et nous vous en félicitons. Nous avons comparu devant votre comité. Nous avons lu le rapport dans lequel vous disiez qu'avant de partager le gâteau, il fallait le faire. Nous sommes tout à fait conscients de l'engagement qu'a pris votre comité vis-à-vis de l'importance d'éviter tout retour à une situation de déficit et d'accroître la productivité. Je ne pourrai jamais être plus d'accord avec vous. Il y aura toujours des gens qui n'ont jamais vraiment cru qu'un gouvernement dépensier était une mauvaise chose en soi. Certains d'entre eux pourront peut-être penser que c'est le moment ou jamais pour les gouvernements de reprendre possession d'une grande partie du terrain occupé par le secteur privé.
En fait, il y a deux choses qu'il ne faut pas oublier. D'abord, notre expérience des 10 dernières années. Lorsque j'ai comparu devant ce comité en 1991, les journaux canadiens se demandaient ouvertement si le Canada n'allait pas s'enfoncer à un tel point dans l'endettement qu'il faudrait réclamer l'intervention du FMI. Regardez les énormes progrès que nous avons faits au cours des 10 dernières années, progrès en grande partie soutenu par votre comité. Ne pensons donc même pas à un éventuel retour à cette situation car le prix est beaucoup trop élevé.
Mais il faudra peut-être relever un défi encore plus grand, monsieur le président, à savoir la redéfinition du champ de dépenses du gouvernement. Si M. Kenney a raison—et je crois qu'il a raison—quant au niveau d'engagement que nous devrons prendre pour régler les problèmes d'une machine militaire en pleine décomposition, d'une gendarmerie royale et d'une structure de sécurité manquant cruellement de ressources, sans mentionner les autres infrastructures de sécurité qui vont au-delà de ces trois administrations...ce sont des sommes énormes qui sont en jeu.
Pour commencer, il nous faudra compter sur une croissance économique pour générer les revenus qui nous ont aidé à financer le genre de dépenses que nous avons faites au cours des quatre, cinq et six dernières années. En passant, 122 mois, 10 ans, de croissance illimitée sans précédent aux États-Unis nous y ont aidés. Mais la situation aujourd'hui est totalement différente.
Donc, pour être vraiment créatif il ne suffit pas de dire pas de déficit; il faut réfléchir à la manière de dépenser notre argent d'une manière plus judicieuse et pour le bénéfice des générations futures tout en réglant le problème immédiat auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.
Le président: Monsieur Brison, je vous en prie.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Merci, monsieur le président, et je remercie le CCCE de sa contribution permanente et importante à la politique publique du Canada.
• 0955
Ma première question fait suite à certaines des inquiétudes
soulevées par M. Kenney relativement aux problèmes de ressources et
tout particulièrement au problème du blanchiment d'argent. vu la
complexité des instruments financiers d'aujourd'hui, l'utilisation
de la technologie et les progrès de la technologie et tout
particulièrement de la technologie des télécommunications, il est
devenu extraordinairement difficile de suivre à la trace les
transferts d'argent. Avant les événements du 11 septembre nous
avions déjà un Bureau du surintendant des institutions financières
qui souffrait de sous-financement chronique. Nous comptons 10
commissions de réglementation des valeurs boursières au Canada,
seule nation industrialisée sans commission nationale de
surveillance. Même avant les événements du 11 septembre,
n'aurions-nous pas dû nous intéresser sérieusement à un
renforcement conséquent de la surveillance à tous les niveaux dans
ces domaines? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Thomas d'Aquino: Merci beaucoup. Excellente question.
C'est un problème auquel nous avons beaucoup réfléchi au cours des 10 derniers jours. Nous savions qu'inévitablement serait réclamée une plus grande surveillance, une plus grande invasion de la vie privée, une réglementation améliorée, qu'il s'agisse d'une réglementation améliorée des contrôles de sécurité aux aéroports ou d'une amélioration de la surveillance des transactions bancaires et financières.
Comme nous le disons dans notre déclaration, certaines de ces conséquences sont inévitables. Si nous sommes vraiment en temps de guerre, certaines de ces conséquences sont non seulement inévitables mais nécessaires. Je ferais un pas de plus. Tout comme nous estimons qu'il a peut-être fallu le 11 septembre pour nous faire prendre conscience de l'importance de faire quelque chose pour nos administrations sous-financées et notre machine militaire détériorée, nous estimons également que cela nous a peut-être fait prendre aussi conscience de notre naïveté qui nous faisait penser qu'il n'y avait des terroristes qu'ailleurs, là-bas, qu'il n'y avait des bombes qui explosaient qu'en Espagne, dans les Balkans, en Irlande, enfin dans ces pays.
Nous savons aujourd'hui que le terrorisme est partout. En conséquence, dans cette guerre contre le terrorisme, la capacité de nos administrations à débusquer les transactions terroristes criminelles et malhonnêtes est d'une importance extrême. Nous sommes tout à fait pour. Nous devançons même peut-être ceux qui se consacrent entièrement et sans relâche à la défense des libertés civiles. Nous croyons que c'est important et nous savons que le monde des affaires serait disposé à l'accepter. En dernière analyse, ce que je dis toujours à mes interlocuteurs c'est que s'ils n'ont rien à se reprocher, ils n'ont absolument rien à craindre et s'ils n'ont rien à craindre ce n'est pas un petit degré de surveillance supplémentaire qui les gênera.
Par contre, ce à quoi nous devons tous faire très attention, et les parlementaires ont un rôle spécial à jouer, c'est qu'en temps de guerre—et nous l'avons constaté pendant la Deuxième Guerre mondiale et à diverses autres époques de crise nationale—certaines personnes ont tendance à pêcher par excès de zèle. Seule une Chambre des communes sur le qui-vive et un groupe d'acteurs extérieurs à la Chambre des communes sur le qui-vive peuvent permettre de contrôler et d'éviter ces excès de zèle. Et nous y comptons bien.
Il est certain qu'améliorer la surveillance dans le domaine des institutions et des transactions financières est important, mais comme l'a dit hier Paul O'Neil, ce n'est pas facile. Il y a un grand nombre de transactions qui échappent totalement à l'économie numérique d'aujourd'hui.
M. Scott Brison: Mais il ne s'agit pas simplement de renforcer les lois actuelles, il suffit des les appliquer et d'avoir les moyens de les appliquer.
M. Thomas d'Aquino: C'est exact.
M. Scott Brison: À propos d'Air Canada et de sa demande de renflouement de l'ordre de quatre milliards de dollars, j'ai entendu des membres du conseil des ministres dire lors d'interviews que nous ne laisserons pas disparaître notre compagnie nationale, déclaration qui ne prête à aucune équivoque, si Air Canada a vraiment besoin de quatre milliards de dollars pour ne pas couler. Selon certains calculs, 100 à 150 millions de dollars de pertes peuvent être légitimement associées aux conséquences du 11 septembre et de la situation qui a suivi, et le reste ne serait que le reflet de déficiences opérationnelles chroniques.
• 1000
En premier lieu, ne peut-on pas dire qu'il existe des
compagnies aériennes canadiennes qui sont en mesure de reprendre
une bonne partie des opérations, et je pense à certains des
transporteurs régionaux et à rabais que sont les WestJet et Air
Canada 3000 à qui Air Canada a livré une concurrence assez féroce.
En deuxième lieu, seriez-vous d'accord avec le cabotage et avec
l'idée que les compagnies aériennes étrangères puissent jouer un
rôle plus actif sur les routes aériennes du Canada, l'objectif
ultime étant d'offrir de meilleurs services et des services plus
fiables aux consommateurs canadiens à des prix plus concurrentiels?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Brison, le CCCE sera toujours parmi les premiers à réclamer une plus grande concurrence. Nous serions ravis que la concurrence soit plus musclée dans le secteur du transport aérien et dans tous les secteurs du Canada, car, à notre avis, la concurrence est très saine dans le secteur du transport aérien tout particulièrement, surtout lorsqu'une compagnie aérienne domine toutes les autres. Je ne crois pas que M. Milton soit contre la concurrence.
M. Scott Brison: Je n'en suis pas si sûr.
M. Thomas d'Aquino: Eh bien! M. Milton a pourtant parlé dans ses discours de l'importance de la concurrence et de l'importance de la garder vivante. Vous n'avez qu'à vous reporter à ses propres paroles.
Elle est importante pour maintenir les coûts. Mais nous ne connaissons toujours pas l'ampleur de ceux-ci. Si je vous ai bien compris, l'appui financier, quel qu'il puisse être, devra être juste, légitime et fondé sur des chiffres réels. Il ne s'agit pas uniquement de distribuer de l'argent à tous venants. Il s'agit d'abord de faire une évaluation correcte des besoins, nous sommes tous d'accord là-dessus. La grande question, ce n'est pas la perte de 150 millions de dollars qu'Air Canada et d'autres compagnies aériennes pourraient avoir subie au cours des 10 derniers jours. La grande question, c'est de savoir si ces entreprises pourront durer au cours des 90, 120 ou même peut-être 600 prochains jours.
Aux États-Unis, c'est parce que certaines des grandes compagnies aériennes auraient pu faire faillite dans les 90 jours que le Congrès et l'administration américaine ont jugé qu'ils devaient agir. Je ne sais pas si vous y étiez lorsque je me suis expliqué, mais la question que nous devons vraiment nous poser est celle-ci: je veux bien que nous soyons contre le renflouement, mais que faire dans le cas d'une entreprise ou d'une industrie donnée dont le rôle est crucial en matière de sécurité nationale? Il faudrait sans doute faire une exception, mais il faudrait aussi se demander dans quelle mesure il faut l'aider et à quelle hauteur cela conviendrait. Il ne s'agit pas d'ouvrir grande la porte du coffre en vue de garder viable et à tout jamais une compagnie aérienne.
À mon avis, il est nécessaire d'agir de façon judicieuse et prudente. Même si je m'oppose au renflouement, je dois quand même me demander ce que je ferais et ce que feraient les Canadiens s'il n'y avait plus d'avions. Cela pourrait nuire considérablement à l'économie et pourrait nous coûter très cher. Voilà votre dilemme, et vous devez tirer vos propres conclusions après avoir fait les recherches qui s'imposent.
M. David Stewart-Patterson (vice-président principal, Politique et communications, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Me permettez-vous d'intervenir brièvement? Si vous recevez des demandes d'aide de la part de compagnies aériennes canadiennes, vous devez vous poser la question fondamentale, comme je l'ai déjà dit: qu'est-ce qui compte pour notre pays? Il saute aux yeux que le Canada a besoin d'un système de transport aérien rentable. Que faut-il pour le maintenir rentable? Dans le cas des aéroports, il y a eu la question des assurances qui a déjà été réglée, parce qu'il était essentiel de le faire pour pouvoir continuer à fonctionner. À mon sens, c'est le critère fondamental.
Le marché sait comment s'ajuster aux problèmes qui surviennent au cas par cas avec les compagnies. Vous avez signalé vous-même que le cabotage restait une façon de rendre le marché concurrentiel. Mais il faut ajouter autre chose à cet égard: dès lors que vous voulez permettre une plus grande concurrence au Canada, même de la part de compagnies étrangères, vous devrez vous demander si les règles du jeu sont équitables. Autrement dit, dès lors que vous traitez un transporteur canadien différemment des transporteurs étrangers à qui vous donnez accès à vos routes, il se peut que vous soyez en train de miner votre propre industrie. Dès que vous envisagez la possibilité d'avoir recours à des solutions de rechange comme le cabotage, il devient important de permettre à tous de lutter à armes égales.
Le président: Je vous remercie.
Bien entendu, nous demanderions la réciproque. Nous y arrivons, mais, cela dit, c'est extrêmement difficile à obtenir.
M. Brison, votre temps d'intervention est écoulé, et je dois donner la parole à M. Nystrom.
M. Scott Brison: Je n'avais pas nécessairement dit... Peut-être pourrions-nous demander la réciproque, mais si nous ne l'obtenons pas, ce qui est fort peu vraisemblable, nous pourrions juger qu'il y va de l'intérêt du consommateur canadien de permettre à des compagnies aériennes étrangères d'offrir au Canada un meilleur niveau de services. Peut-être donc n'obtiendrions-nous pas la réciprocité en matière de cabotage.
Le président: Monsieur Nystrom, vous serez le dernier à intervenir.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur d'Aquino, l'industrie du transport aérien est extrêmement importante—je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet—et cette industrie a encaissé des pertes à cause des événements du 11 septembre. Par contre, elle avait également connu des pertes dues à la diminution de son chiffre d'affaires, et c'est la raison pour laquelle les États-Unis envisagent une grosse opération de renflouage à l'intention des compagnies aériennes américaines.
• 1005
Alors, monsieur d'Aquino, au lieu de se contenter de donner de
l'argent à Air Canada, ce qui pourrait être considéré comme un
genre d'assistance publique à son endroit si nous promettions
effectivement d'ouvrir largement les cordons de la bourse à Air
Canada, ne préconiseriez-vous pas plutôt que l'État devienne
actionnaire? Vous êtes un homme d'affaires très avisé et j'imagine
que si c'était vous, et si vous décidiez de dépenser un peu
d'argent de cette manière, vous voudriez obtenir des parts
d'entreprise en contrepartie. Ne devrait-il pas en être de même
dans le cas d'une politique publique?
Il me semblerait logique que l'État devienne actionnaire d'Air Canada s'il doit la renflouer. M. Kenney par contre préférerait plutôt que l'État se contente de donner de l'argent les yeux fermés à Air Canada...
M. Jason Kenney: Non, pas du tout.
M. Lorne Nystrom: ...sans que le contribuable obtienne quoi que ce soit en contrepartie. Seriez-vous favorable à ce que l'État investisse sagement de cette manière au nom des citoyens?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Nystrom, c'est là une autre façon de dire que le Canada et les Canadiens, par l'entremise de leur gouvernement, devraient en être de gros actionnaires. Est-ce que je me trompe?
M. Lorne Nystrom: Écoutez, s'ils doivent avancer de l'argent, il est normal qu'ils obtiennent des parts en contrepartie. Après tout, il s'agit ici de l'argent des contribuables, et si vous préconisez que l'État dépense une partie de cet argent, ne devrait-il pas obtenir quelque chose en échange?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Nystrom, cela fait déjà longtemps que nous nous livrons vous et moi à ce genre de discussion ici en comité, et je pense que pendant tout ce temps-là, le peuple canadien a toujours, et à juste titre, préféré que le gouvernement cesse d'être propriétaire, administrateur et exploitant. C'est en grande partie grâce à cela que nous avons pu voir ces énormes bénéfices.
L'aide que l'État peut accorder à une compagnie aérienne peut revêtir bien des formes différentes, mais avec pour résultat, en définitive, que nous finissons par avoir à un moment donné une compagnie qui offre un bon service, qui dégage des bénéfices pour ses actionnaires, et qui donne un bon service et avant tout un service essentiel à la population. C'est à cela que les compagnies aériennes vont pouvoir arriver, je l'espère, c'est ce que nous espérons tous d'ailleurs pour toutes les compagnies aériennes.
Si nous acceptions votre argument, nous serions sur une pente savonneuse. Si les compagnies aériennes sont en difficulté, reprenons-les à notre compte. Nous le ferions également pour les hôtels, pour toute l'industrie touristique, pour n'importe quelle entreprise en difficulté. Et à ce moment-là, on installerait partout des fonctionnaires. Je ne pense pas que ce soit ainsi qu'il faille procéder.
M. Lorne Nystrom: Je suis étonné que vous vous portiez ainsi à la défense de l'assistance publique donnée aux entreprises. Vous seriez prêt à injecter de l'argent à tort et à travers dans des mégaentreprises. Pourquoi ne pas réclamer des parts en contrepartie?
J'aurais également une autre question à l'intention de M. d'Aquino. Vous avez parlé de la possibilité de jeter un coup d'oeil sur le système de santé et le financement ou l'aide économique aux Autochtones dans le but de réaliser quelques économies. S'agissant de la lutte contre le déficit, ce sont en fait ceux-là qui ont payé la note du déficit—un déficit humain énorme. Au Canada, l'endettement des ménages est énorme de nos jours. Le système de santé est durement sollicité. Les Autochtones—et j'en ai beaucoup dans ma circonscription avec 12 réserves et énormément d'Autochtones en milieu urbain—vivent souvent comme des gens du tiers monde. Quel genre d'économies envisageriez-vous de faire là sans risquer d'aggraver encore le déficit humain et d'aggraver également l'endettement des ménages? Les récessions sont surtout causées par une baisse de la demande. Ces gens-là n'ont pas un sou à dépenser. Pouvez-vous encore presser le citron davantage?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Nystrom, vous savez aussi bien que moi que, si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, le fait que tous les contribuables canadiens dépensent près de 10 milliards de dollars par an pour aider les Autochtones...ce n'est pas la dépense qui pose problème. Le problème réside ailleurs, et vous le savez tout aussi bien que moi. J'aimerais simplement que le public et les politiciens finissent par l'admettre. C'est déjà le cas, Dieu merci, pour certains d'entre eux. Ce n'est pas un problème de dépenses, vous le savez comme moi.
En second lieu, depuis 10 ans, c'est au chapitre de la santé que les dépenses ont le plus augmenté au Canada. Par conséquent, prétendre que les Autochtones et le domaine de la santé ont déjà «payé la note» de la lutte contre le déficit est une affirmation ridicule, et vous le savez aussi bien que moi. Ceux qui ont payé la note de la lutte contre le déficit, ce ne sont ni les Autochtones, ni les gens du système de santé; ce sont les Canadiens dont les revenus se situent dans la moyenne et qui, jusqu'à il y a environ un an et demi, n'ont pas vu augmenter leur revenu disponible pendant plus de 10 ans. Ce sont ces gens-là qui ont véritablement payé le prix de la lutte contre le déficit.
M. Lorne Nystrom: Et pas les Autochtones? Venez donc en Saskatchewan voir le tiers monde au coeur de Regina, là où on trouve le taux de criminalité le plus élevé au Canada, où les prostituées arpentent les trottoirs et où il n'y a pas...
M. Thomas d'Aquino: Vous savez ce que...
M. Lorne Nystrom: Et même dans les réserves, où le taux de chômage est de 80 ou de 90 p. 100.
M. Thomas d'Aquino: J'en suis douloureusement conscient, mais je sais également autre chose. Même si on doublait les dépenses fédérales en les emmenant à 20 milliards de dollars, il y aurait toujours des gens dans la rue. Il faut alors se demander comment régler ce problème. C'est l'un de nos plus gros problèmes, c'est l'un des plus grands scandales du Canada, mais de toute évidence dépenser sans compter comme nous l'avons fait depuis 10 ans n'a pas fait grand-chose pour faire disparaître le problème. Il faut donc commencer à abandonner les raisonnements traditionnels, et c'est d'ailleurs ce que font déjà beaucoup de membres de votre parti, beaucoup de gens de la gauche, du centre et de la droite, pour affronter honnêtement le problème. Le problème n'est pas un problème de dépenses, le problème se situe ailleurs. Allons voir là. Mais ce n'est pas pour parler de cela que nous sommes ici aujourd'hui.
M. Lorne Nystrom: Si je suis votre logique, 10 milliards de dollars c'est beaucoup trop étant donné que ces 10 milliards de dollars n'ont pas permis de faire disparaître le problème, n'est-ce pas? Vous préconisez donc de réduire les dépenses dans le dossier autochtone, n'est-ce pas?
M. Thomas d'Aquino: Mais pas du tout. Ce que je recommande, c'est de faire en sorte que ces dépenses...si des membres de la communauté autochtone étaient ici aujourd'hui, ils ne vous diraient pas, monsieur Nystrom, de leur donner 20 milliards de dollars en prétendant que cela réglerait leurs problèmes. Ce n'est pas cela qu'ils disent. Écoutez ce que Matthew Coon Come a à dire, et d'autres aussi. Le problème n'est pas là. Le problème est ailleurs.
M. Lorne Nystrom: J'écoute très attentivement, mais ces gens-là ne préconisent pas non plus qu'on réduise leurs budgets.
M. Thomas d'Aquino: Pas plus que moi.
M. Lorne Nystrom: Où allons-nous donc pouvoir faire des économies? Je vous demande simplement de regarnir un peu le buffet.
M. Thomas d'Aquino: Allez donc interroger vos grands-oncles sur ce qui c'est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lorsqu'un pays est au bord du gouffre, il trouve toujours le moyen de faire des économies et de dépenser là où il faut dépenser. C'est cela, faire preuve d'un sens public des responsabilités. Si cela exige d'éliminer tout le superflu, c'est cela qu'il faut faire. Si cela concerne certains secteurs pour lesquels il n'est pas absolument essentiel de dépenser de l'argent, c'est le genre de choix à faire.
Vous savez quoi? Tony Blair et les gouvernements socialistes de France et d'Allemagne ont tous fait des choix extrêmement difficiles et tous ont fort bien réussi à surmonter leurs difficultés économiques. Ce ne sont pas des gens qui affirment que la seule façon de régler nos problèmes consiste à faire intervenir davantage le gouvernement. Lisez donc les discours de Tony Blair. J'aimerais tellement que les membres de votre parti, monsieur Nystrom, adoptent les politiques de Tony Blair. Vous pourriez même finir par arriver au pouvoir.
M. Lorne Nystrom: Nous avons déjà formé de nombreux gouvernements provinciaux—en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique—et ces gouvernements provinciaux ont fort bien réussi à équilibrer leurs budgets et à contrôler les finances publiques. La Saskatchewan en est un excellent exemple. Cette province a également beaucoup investi...
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Nystrom, je suis un grand admirateur de Roy Romano, peut-être parce qu'il ressemble davantage à Tony Blair... Mais moi qui suis né en Colombie-Britannique, je voudrais vous demander de réfléchir un peu aux problèmes de cette province. Dites-moi donc ce qu'a fait ce merveilleux gouvernement qui a jadis dirigé la Colombie-Britannique pour la population de cette province.
M. Lorne Nystrom: Le gouvernement de la Saskatchewan a pris...
Le président: Merci, monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom: Je suis heureux d'entendre M. d'Aquino appuyer la politique de M. Romano.
Le président: Monsieur Nystrom, je vous remercie beaucoup. J'ai également pris note de ce que vous avez dit au sujet de l'équilibre budgétaire chez les gouvernements néo-démocrates. C'est dans cet esprit que nous allons procéder, et le comité ne va probablement pas préconisé un rétablissement du déficit grâce sans doute à vos bons conseils.
Monsieur d'Aquino et messieurs du CCCE, je voudrais vous remercier pour votre présentation que j'ai trouvée extrêmement réfléchie.
Comme vous le savez, notre comité a toujours été très favorable à une stratégie propice à la croissance, c'est quelque chose que nous défendons et, pour cette raison, le problème de la sécurité nationale, vous le constaterez, a de toute évidence gagné en importance en raison des événements du 11 septembre. Par ailleurs, nous sommes également tout à fait conscients des conditions qui régnaient avant cette date, et qui font que nous devons continuer à faire preuve d'une certaine prudence fiscale—vous savez que les Canadiens comptent sur nous—et rester fidèles à notre engagement d'offrir 100 milliards de dollars de réduction d'impôt. Je ne pense pas que nous veuillons commencer à nous écarter de cette route.
Une fois encore, je vous remercie, et comme d'habitude vous êtes venus enrichir nos consultations prébudgétaires.
M. Thomas d'Aquino: Merci beaucoup.
Le président: Je vais... Oui?
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Stratchcona, Alliance canadienne): Monsieur le président, je vous ai donné préavis de deux motions que j'aimerais présenter maintenant, si c'est possible.
S'agissant des événements tragiques du 11 septembre à New York, je propose, conformément à l'article 108 du Règlement, que le comité convoque devant lui dans les meilleurs délais le commissaire de l'Agence canadienne des douanes et du revenu.
En second lieu, je propose, conformément à l'article 108 du Règlement, que le comité convoque devant lui dans les meilleurs délais le ministre du Revenu national.
Le président: Nous allons étudier ces motions l'une après l'autre, dans l'ordre. Elles sont relativement simples.
Quelqu'un veut-il en discuter? Monsieur McCallum.
M. John McCallum: C'est quelque chose qui fait un peu le lien entre les deux, mais je pense que ce serait peut-être une bonne idée. De toute évidence, il y a des choses importantes dont nous devons débattre, et je suis tout à fait d'accord sur le fait que nous devrions convoquer le commissaire. Quant à la nécessité de convoquer également le ministre, je proposerais personnellement que nous entendions d'abord le commissaire puis, pour nous faire gagner du temps et en faire gagner également au ministre, attendre pour en décider d'avoir entendu d'abord le commissaire de l'Agence.
Le président: Je voudrais également attirer l'attention du comité sur le fait que, comme nous allons à un moment donné étudier le projet de loi S-23 qui est du ressort du ministre, celui-ci va devoir comparaître devant nous et nous pourrions peut-être profiter de sa comparution à ce moment-là pour en discuter avec lui. Qu'en pensez-vous?
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Je pense que cette motion, que j'appuie d'ailleurs, a pour but d'organiser une séance extraordinaire du comité durant laquelle nous pourrions entendre en même temps et le ministre et le commissaire. Après tout, le commissaire de l'Agence est à toutes fins pratiques le sous-ministre. Il est coutumier qu'un ministre comparaisse devant un comité en même temps que les plus hauts fonctionnaires de son ministère. Je pense que ce n'est pas simplement une question qui relève du programme législatif de la Chambre, mais bien d'une question d'une impérieuse nécessité faisant intervenir des questions politiques qui vont beaucoup plus loin que le projet de loi S-23 ou toute autre mesure législative inscrite au Feuilleton. Le premier ministre a invité les comités à prendre l'initiative dans le contexte du nouvel environnement qui est le nôtre en matière de sécurité et, pour cette raison, je soutiens qu'il nous faudrait faire comparaître en même temps et le ministre et le commissaire de l'Agence.
Le président: Ma question suivante est de savoir s'ils pourraient comparaître en même temps selon la formule de la table ronde?
Je voudrais vous poser une question par curiosité. Pourquoi inviter l'Agence des douanes et du revenu du Canada à comparaître et pas le commissaire de la GRC et le SCRS, par exemple?
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Ce sont les ministres qui dont directement responsables devant notre comité.
Le président: Mais si on examine la sécurité nationale et l'investissement de ressources pour s'attaquer à certains des problèmes liés à la GRC et au SCRS, pourquoi ne pas les inviter également à comparaître?
M. Jason Kenney: Monsieur le président, je crois comprendre qu'en fait le Comité de la justice a reçu des motions afin que ces témoins comparaissent devant lui. Je ne m'opposerais certainement pas à ce que ces hauts fonctionnaires comparaissent devant notre comité pour parler plus particulièrement de l'impact fiscal sur leurs organismes, mais je crois comprendre qu'ils comparaîtront peut-être devant d'autres comités pour aborder ces questions également.
Le président: Aux fins du compte rendu, à titre de président de votre comité, je préférerais que ces personnes comparaissent également puisque nous allons aborder la question des ressources qui seront accordées à ces organismes.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je pense que le ministre et le commissaire de l'ADRC comparaîtront dans le cadre de l'examen du projet de loi S-23. Pourquoi ne profiterions-nous pas de l'occasion pour aborder cette question avec eux?
Nous recevrons ensuite un autre projet de loi, le projet de loi C-16. Nous entendrons alors Lawrence MacAulay et d'autres collègues. Je pense que cela devrait être distinct.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
La motion fait allusion aux événements tragiques du 11 septembre dernier à New York et demande que l'on invite le commissaire de l'Agence de douanes et du revenu Canada à comparaître devant notre comité, mais on ne mentionne pas les questions qui seraient alors abordées. Je pense que certaines questions seraient assez évidentes, mais je demanderais à l'auteur de la motion de dire au comité exactement quelles questions il souhaite poser au commissaire. Je voudrais reprendre ce qu'a dit mon collègue. Le projet de loi S-23 sur la modernisation de Douanes Canada est à la Chambre à l'heure actuelle. Pourquoi ne pourrions-nous pas aborder les deux questions ensemble?
M. Rahim Jaffer: Monsieur le président, comme mon collègue M. Kenney l'a dit, lorsqu'un projet de loi est renvoyé devant un comité, le ministre ou les personnes intéressées doivent seulement aborder le contenu précis du projet de loi. Étant donné que bon nombre de questions de sécurité ont fait surface depuis le 11 septembre, je pense qu'il serait dans l'intérêt de notre comité et de la sécurité nationale d'aborder spécifiquement la question d'un périmètre commun et d'autres questions, qui vont bien au-delà des projets de loi que vous avez mentionnés. Donc, je pense qu'il serait utile d'entendre le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu Canada en même temps que le ministre. Nous pourrions inclure la GRC également, et je suis prêt à modifier ma motion pour les inclure. Ensemble, ils pourraient aborder précisément les questions de sécurité qui, je crois, ne sont pas abordées dans les projets de loi mentionnés par Mme Leung.
Le président: Un assez grand nombre de membres du comité voudraient débattre de cette question. Je voudrais rappeler aux membres du comité que nous sommes au milieu de nos consultations prébudgétaires et qu'il y a des personnes qui attendent très patiemment pour faire leur exposé. Je me demande si le moment est bien choisi pour parler de cette question.
Une voix: Monsieur le président...
Le président: Je vais finir de dire ce que j'ai à dire, ensuite je vous donnerai la parole. Il serait peut-être préférable d'entendre d'abord ce qu'ils ont à dire avant de revenir sur cette question, à moins que vous soyez prêts à laisser tomber les déclarations qu'ils s'apprêtent à faire. Je ne pense pas que cela soit juste à l'égard de nos témoins de les faire attendre pendant que nous réglons cette question.
M. Lorne Nystrom: Nous avons les motions devant nous. Nous connaissons le pour et le contre. Passons maintenant au vote par respect pour nos témoins.
Le président: Très bien.
Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: M. Jaffer a dit que le projet de loi S-23 n'avait rien à voir avec cette question. Je pense que c'est tout à fait le contraire. Il porte sur la modernisation de l'Agence des douanes et du revenu Canada, c'est-à-dire qu'il faudra examiner la loi dans le contexte d'aujourd'hui. Donc je pense que c'est tout à fait pertinent. Je ne comprends pas son argument.
Le président: Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Monsieur le président, moi aussi je suis d'accord pour dire que le projet de loi S-23 ne concerne pas du tout... En tout cas, il avait été fait avant les attentats du 11 septembre. C'est une autre chose.
Je pense que nous devrions appuyer les deux motions qui sont ici. Nous devrions recevoir le commissaire et le ministre. Ce n'est pas une situation normale, et puisque vous avez parlé des témoins tout à l'heure, ils vont comprendre que la situation que nous vivons était tout à fait imprévue dans le temps. Alors, il est important, à mon avis, qu'on puisse recevoir le ministre du Revenu et le commissaire de l'agence pour débattre de la situation réelle, de ce qui se passe depuis le 11 septembre. Alors, je suis en faveur des deux motions.
[Traduction]
Le président: Nous allons passer au vote.
M. Ken Epp: Monsieur le président, pourrions-nous demander au greffier de confirmer que tous les membres qui sont présents sont membres en règle du comité?
Le président: Oui, nous prendrons une minute ou deux pour le faire.
La question n'a pas été tranchée. Nous avons l'égalité des voix, huit et huit.
Nous pouvons passer à la motion suivante, si vous le voulez, monsieur Jaffer.
M. Rahim Jaffer: La deuxième motion est la suivante: conformément à l'article 108 du Règlement, que le comité invite le ministre du Revenu national à comparaître devant le comité dès que possible.
Le président: Encore une fois, nous avons l'égalité des voix.
Nous allons maintenant entendre les témoins.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): J'ai un rappel au Règlement.
[Traduction]
Le président: Oui.
[Français]
M. Bernard Bigras: Monsieur le président, j'aimerais que vous me confirmiez le fait que le greffier avait signé le formulaire avant même que la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement soit entrée et qu'elle se soit assise.
[Traduction]
Le président: Cela n'a pas compté. Nous pouvons faire un calcul rapidement. Prenez la liste et dites-moi le total que vous obtenez. C'est neuf. J'ai dit qu'il y avait égalité des voix, donc huit et huit.
M. Bernard Bigras: Très bien.
Le président: Je demanderais aux témoins d'excuser notre retard. Je voudrais maintenant vous inviter à prendre place afin que nous puissions entendre ce que vous avez à dire au sujet d'une question très importante, l'environnement.
Je vais suspendre la séance pour deux minutes.
Le président: Nous poursuivons nos travaux.
Tout d'abord j'aimerais vous remercier pour votre patience, mais le comité doit faire son travail.
Nous avons l'occasion aujourd'hui d'entendre des experts en matière d'environnement, une question très importante pour notre comité dans le cadre de ses consultations prébudgétaires. J'ai lu vos mémoires avant votre comparution, et vous avez travaillé très fort, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous avons des représentants de la Fédération canadienne de la nature, Mme Christie Spence, directrice adjointe, «Wildlands Campaign». De la Green Budget Coalition, nous avons Robert Hornung, directeur des politiques, Pembina Institute for Appropriate Development, et Sara Wilson, directrice. Du Fonds mondial pour la nature au Canada, nous avons Julie Langer, directrice des programmes internationaux.
Je n'ai oublié personne?
Mme Joan Kuyek (directrice générale, Mining Watch Canada, Green Budget Coalition): Je m'appelle Joan Kuyek, je représente Mining Watch Canada et la Green Budget Coalition.
Le président: Bienvenue à tous. Nous allons procéder selon l'ordre dans lequel vous figurez à l'ordre du jour, c'est-à-dire que nous allons commencer par la Fédération canadienne de la nature. Bienvenue.
Mme Christie Spence (directrice adjointe, Wildlands Campaign, Fédération canadienne de la nature): Bonjour. Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant votre comité aujourd'hui. Je sais que vous avez de nombreuses autres questions importantes à l'ordre du jour.
J'ai préparé une quantité énorme de documentation pour votre comité. Mes observations seront très brèves, mais nous avons préparé un mémoire détaillé et d'autres documents qui j'espère sauront vous intéresser.
Mon travail à la Fédération canadienne de la nature consiste à aider à mettre au point un réseau de parcs nationaux et à assurer la protection des parcs nationaux pour les générations futures. J'ai d'abord une formation d'écologiste. Je n'aurais jamais imaginé me retrouver habillée en tailleur, à discuter des budgets fédéraux aussi souvent que je l'ai fait récemment.
La raison pour laquelle je suis ici, c'est qu'il m'est apparu très clairement, comme à bon nombre d'autres personnes dans le milieu de la conservation, qu'on ne pourra tout simplement pas faire progresser le dossier des parcs nationaux, qu'il s'agisse des parcs existants ou de nouveaux parcs, tant que Parcs Canada ne recevra pas des fonds supplémentaires importants. Dans le milieu de la conservation, le consensus général veut que la chose la plus importante que nous puissions faire pour la conservation de la nature et le plus important gain sera d'investir dans nos parcs nationaux et dans nos systèmes nationaux d'aires marines de conservation. Les aires protégées sont la pierre angulaire de tout programme de conservation important, et elles sont fondamentales si nous voulons vraiment conserver les espèces et leurs habitats ainsi que les services écosystémiques vitaux, notamment la protection de l'eau—l'eau propre.
• 1035
Sur le plan des avantages, il est important de reconnaître
qu'il s'agit là d'un investissement à long terme dans la
biodiversité, dans la protection des habitats, dans la protection
des bassins hydrographiques, dans les collectivités autochtones et
rurales et certainement dans le développement économique durable.
L'engagement à mettre au point un réseau a été pris en 1988. En 1993, le gouvernement libéral a d'abord promis de compléter le réseau d'ici l'an 2000. Nous sommes en 2001, et il faudra encore 14 nouveaux parcs nationaux pour parachever le réseau, et nous avons à peine commencé à créer des aires marines de conservation. Les parcs constituent donc un engagement de longue date pour le gouvernement, engagement qu'il a cependant négligé jusqu'à présent.
Je me suis demandé pourquoi. Cet engagement se retrouve dans les deux derniers discours du Trône et dans les trois plateformes libérales. Je pense qu'on devait avoir l'impression que cela pouvait attendre, que les grandes régions sauvages n'attendent que le jour et le moment où nous aurons un gros excédent et que nous aurons fait tout le reste. Et cela était probablement vrai pendant un certain temps. Cependant, nous sommes à un point où si nous ne faisons pas les investissements et ne prenons pas l'engagement maintenant, nous n'aurons plus la possibilité de le faire. Le paysage canadien change rapidement, avec l'exploitation pétrolière et gazière, la mise en valeur des minéraux et les forêts qui empiètent sur des régions sauvages que nous pensions inatteignables. Donc, ces régions sauvages qui ne sont pas protégées et qui sont vraiment représentatives des régions que nous voulons protéger et qui contiennent les espèces que nous nous sommes engagés à protéger se font de plus en plus rares.
Non seulement nous risquons de perdre des possibilités futures, mais nous risquons sérieusement de ne pas pouvoir conclure les ententes pour la création de nouveaux parcs nationaux et de nouvelles aires marines de conservation qui font l'objet de négociations depuis des décennies. Parcs Canada et la ministre du Patrimoine canadien ont été très clairs et ont dit qu'ils ne pouvaient tout simplement pas créer de nouvelles aires protégées sans investissements supplémentaires.
L'un des meilleurs exemples c'est qu'après 20 ans de négociations avec les Inuits à Repulse Bay en vue de créer le parc national Wager Bay, Ukkusiksalik, Parcs Canada a annulé la cérémonie de signature le 13 juin dernier. La seule explication possible, c'est qu'il n'y a tout simplement pas d'argent pour concrétiser l'entente.
Par ailleurs, nous attendons toujours l'annonce d'un nouveau parc national dans les îles du Golfe qu'on s'apprête à créer en Colombie-Britannique. Il y a aussi la création d'un nouveau parc national dans les monts Torngat au Labrador et d'une aire marine de conservation au lac Supérieur en Ontario. Le seul élément qui manque, c'est le financement. Des années de négociations difficiles et de dur travail pour aller chercher l'appui de la collectivité risquent d'avoir été inutiles.
Ces retards envoient un message inquiétant. En fait, le gouvernement pourrait être accusé d'avoir agi de mauvaise foi dans ses négociations avec les gouvernements autochtones, territoriaux et provinciaux s'il ne peut tout simplement pas mettre en oeuvre les ententes qui ont été négociées.
Par ailleurs, des fonds sont également nécessaires pour s'attaquer au problème urgent du mauvais état de nos parcs nationaux existants. Malheureusement, même une bonne mesure législative—et nous avons une excellente mesure législative avec la Loi sur les parcs nationaux—ne suffit pas pour protéger ces habitats et les espèces qui y vivent. Parcs Canada doit avoir la capacité de bien gérer les impacts des visiteurs, de faire de la recherche et de la surveillance et de participer aux processus de planification régionaux de l'utilisation des terres qui affecteront en bout de ligne sa capacité de protéger les ressources naturelles dans les parcs.
Bon nombre des propositions que vous entendrez au cours de vos consultations porteront sans doute sur de nouvelles initiatives captivantes et importantes en matière de dépenses. Les parcs ne constituent pas une nouvelle initiative en matière de dépenses. C'est une priorité du cabinet depuis longtemps, depuis 1993, et Parcs Canada a une obligation légale aux termes de la Loi sur les parcs nationaux qui vient d'être renouvelée de protéger l'intégrité des parcs pour les générations futures et d'en assurer. Jusqu'à ce que des fonds soient disponibles, cependant, l'avenir des parcs est très morne.
La bonne nouvelle, c'est qu'il est possible de réaliser d'importants gains de conservation assez facilement et rapidement en allouant immédiatement de nouveaux fonds à Parcs Canada. Lorsque le Canada se joindre aux autres pays du monde à Johannesburg en septembre 2002 pour faire rapport sur les progrès qu'il a réalisés depuis le Sommet de la Terre à Rio, nous pourrions fièrement et facilement signaler la création de trois nouveaux parcs nationaux et d'une aire marine de conservation.
Les investissements dans les zones protégées seront extrêmement avantageux pour la conservation de la nature et le développement économique. Mais il ne faut pas attendre un avenir lointain pour les réaliser, une fois qu'on se sera occupé d'autres priorités. C'est maintenant qu'il faut faire cet investissement pour les générations futures.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Hornung.
M. Robert Hornung (directeur de la politique, Pembina Institute for Appropriate Development; Green Budget Coalition): Merci, monsieur le président. Je suis venu aujourd'hui vous soumettre les propositions de la Green Budget Coalition, une coalition de 16 grands groupes environnementaux qui vont de Ducks Unlimited à Greenpeace, et qui se sont tous mis d'accord sur des initiatives que nous souhaiterions voir adopter dans le budget fédéral.
Je remplace aujourd'hui Julie Gelfand, présidente de la coalition, qui est malheureusement malade et n'a pas pu venir.
Nous vous sommes très reconnaissants de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui, et nous apprécions l'intérêt et l'attention croissants que votre comité porte aux questions d'environnement. Nous estimons que c'est parfaitement judicieux. Après tout, un budget est un exposé public des priorités du gouvernement qui exprime ainsi les questions qu'il considère comme les plus importantes et urgentes. Nous estimons que le budget est l'exposé annuel de politiques environnementales le plus important que formule un gouvernement.
Étant donné les craintes de ralentissement économique qui se manifestent dans la foulée des événements du 11 septembre, nous pensons qu'il va être très important de chercher dans le budget à trouver des formules gagnantes pour tout le monde qui nous permettront d'atteindre de multiples objectifs, trouver des ouvertures qui nous permettront à la fois de stimuler l'économie et de poursuivre notre effort de protection de l'environnement. Nous pensons que les propositions que nous vous soumettons vont dans ce sens.
On sait que l'environnement et l'économie sont étroitement liés. Quatre-vingt-cinq pour cent des Canadiens participent à des activités liées à la nature. Ce faisant, ils dépensent 11 milliards de dollars, suscitent un chiffre d'affaires brut de 16 milliards de dollars, rapportent 5 milliards de dollars au gouvernement sous forme de taxes et assurent l'emploi de plus de 200 000 personnes. D'après Statistique Canada, on consacre 19 milliards de dollars par an à la protection de l'environnement au Canada, les exportations des industries environnementales du Canada s'élèvent à 540 milliards de dollars par an, et le secteur environnemental emploie 150 000 Canadiens. Et c'est sans compter tous les services que rend un environnement sain à l'économie grâce à de l'air et de l'eau propres.
Nous estimons qu'il faut permettre à ces secteurs de réaliser leur plein potentiel et utiliser le budget pour les inciter à laisser de côté des activités qui compromettent l'intégrité de l'environnement au profit d'activités qui protègent l'environnement et qui stimulent l'économie. Malheureusement, nous avons le sentiment que le Canada est très en retrait des autres pays dans ce domaine. Dans le rapport sur la compétitivité mondiale de l'an 2000, publié par le Forum économique mondial, on constate que le Canada est passé du 5e au 7e rang en matière de compétitivité. Pourquoi? L'un des principaux facteurs mentionnés pour expliquer ce recul était la qualité médiocre de notre activité environnementale, notamment l'absence d'une politique sérieuse sur l'efficacité énergétique au Canada.
Dans son rapport annuel de l'an 2000 sur le Canada, l'OCDE critiquait la performance du Canada sur le plan de l'environnement, citant l'absence d'un plan concret pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le recours à des dispositions facultatives inefficaces pour réduire la pollution, des subventions généreuses aux entreprises de l'industrie des ressources et de graves restrictions budgétaires qui ont entravé l'application des lois existantes sur l'environnement.
La Green Budget Coalition a proposé un vaste éventail de mesures visant, comme je l'ai déjà dit, à stimuler l'économie, améliorer la compétitivité et à protéger l'environnement. Nous vous avons distribué le texte de ces mesures aujourd'hui.
Je vais vous parler que de trois mesures prioritaires mentionnées dans ce document. Il y a tout d'abord la stratégie nationale de modernisation des immeubles, qui vise à améliorer l'efficacité énergétique de nos édifices; il y a ensuite un fonds du Canada propre destiné à régler le problème du nettoyage des sites toxiques du pays, il y a enfin le financement de nouveaux parcs nationaux, qui nous ramène à ce dont vient de parler Christie.
Nous savons qu'en moyenne, on peut améliorer de 10 à 35 p. 100 l'efficacité énergétique des immeubles au Canada. On sait que les investissements réalisés pour améliorer cette efficacité énergétique crée plus d'emplois que les investissements dans une nouvelle source d'énergie. On sait aussi que 20 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre du Canada proviennent de l'utilisation d'énergie dans les édifices ainsi que des polluants de l'air liés à cette consommation d'énergie.
Nous proposons l'adoption de trois mesures dans ce domaine. Nous préconisons d'abord l'investissement initial de 250 millions de dollars dans un fonds national pour de meilleurs immeubles afin d'inciter les secteurs institutionnels et commerciaux à augmenter l'efficacité énergétique de leurs immeubles. Il s'agit d'un investissement non répétitif. Le fonds s'autofinancerait à partir des économies énergétiques réalisées par les entreprises ayant emprunté de l'argent du fonds.
• 1045
Nous proposons en second lieu des incitatifs financiers pour
encourager les propriétaires à améliorer l'efficacité énergétique
de leur maison. Il ne s'agit pas de favoriser l'adoption d'une
technologie plutôt qu'une autre. L'actuel programme ÉnerGuide pour
les maisons pose déjà des moyens d'améliorer l'efficacité
énergétique des maisons. Quelle que soit la technologie qu'ils
choisissent, les propriétaires qui prennent les mesures voulues
pour améliorer l'efficacité énergétique de leur maison devraient
être récompensés.
Enfin, nous proposons la création d'un réseau national de collectivités vertes au pays qui prendrait la forme de services consultatifs. Des spécialistes de la question iraient chez les gens pour les renseigner sur les questions énergétiques et pour leur montrer comment réduire les émissions dans leurs maisons. Nous savons que ce genre de programmes donne de bons résultats.
À Toronto, on a créé un partenariat pour de meilleurs immeubles. Le gouvernement y a investi au départ 25 millions de dollars et le secteur privé quatre fois davantage. Le fonds connaît un rendement de 25 p. 100 par année quand on prend en compte le remboursement des prêts. Quatre cent soixante-sept immeubles ont maintenant été remis en état à Toronto, ce qui se traduit par une réduction des dépenses énergétiques pour ces immeubles de 19 millions de dollars par année, par la création de 3 800 années- personnes d'emploi et une diminution des émissions de gaz carbonique de l'ordre de 132 000 tonnes par année.
Je voulais aussi vous parler du fonds du Canada propre. Il s'agirait d'un fonds de démarrage qui servirait à nettoyer les sites contaminés jugés prioritaires et à déménager les collectivités à risques. Il s'agira encore une fois d'un investissement non répétitif qui serait renouvelé au moyen de l'imposition d'une taxe ou d'un prélèvement sur certains secteurs particuliers, par l'argent récupéré auprès des collectivités déménagées ou par la vente et la location des biens-fonds remis en état.
En outre, le fonds permettrait de financer les travaux du groupe de travail sur la gestion des sites contaminés et des spécialistes non gouvernementaux qui dressent l'inventaire des sites toxiques. Pourquoi ces travaux sont-ils importants? En avril 2002, l'inventaire des sites toxiques fédéraux sera achevé. Par la suite, le coût estimatif de la remise en état de ces sites apparaîtra comme un passif sur les comptes de biens immobiliers du gouvernement. Ce fonds permettra de réduire ce passif.
L'existence de sites toxiques pose clairement des risques pour la santé. Selon un rapport publié par l'Institut canadien de la santé infantile, on peut sans doute attribuer à l'exposition aux produits toxiques l'augmentation de 25 p. 100 constatée dans le nombre de cancers chez les enfants au cours des 25 dernières années. Pour ce qui est des cas d'asthme, ils ont quadruplé au cours de la même période.
Nous savons également que la contamination environnementale causée par les sites toxiques a eu une incidence sur la qualité de l'eau qui va se traduire par une augmentation des remises en état des sites dans l'avenir ainsi que par la perte de débouchés commerciaux.
La création de ce fonds se traduira par des avantages directs dans la mesure où il permettra d'éliminer le passif financier et environnemental et d'améliorer la santé des collectivités vivant près des sites toxiques.
Pour poursuivre dans la même veine que Christie, permettez-moi de répéter que les seize groupes qui constituent cette coalition ont choisi comme troisième priorité la création d'un fonds permettant de créer huit nouveaux parcs nationaux et quatre aires marines de conservation ainsi que la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail sur l'intégrité écologique.
Nous sommes d'avis que ces initiatives profiteront au Canada tant au plan économique qu'aux plans environnemental et social. Les rénovations visant à améliorer l'efficacité énergétique permettent aux entreprises et aux ménages de réaliser des économies au titre de l'énergie. Elles permettent aux gens de récupérer de l'argent dont ils se serviront pour acheter des biens et des services, d'ordinaire à l'échelle locale, stimulant ainsi l'économie. Elles permettent aussi de réduire la pollution aérienne ainsi que les émissions de gaz à effet de serre.
Le nettoyage des sites toxiques améliorera la santé des collectivités, les rendra plus sûres et augmentera la qualité de vie de leurs habitants. Une fois le nettoyage des sites toxiques terminé, les entreprises n'hésiteront plus à s'installer là où elles ne songent pas actuellement à le faire et il permettra aussi de prévenir des risques pour la santé, des maladies et des dépenses au titre de la santé publique.
Investir dans la protection de la biodiversité du Canada par la création de parcs nationaux, c'est investir dans le domaine des écoservices, comme l'assainissement de l'eau pour les collectivités situées en amont, ce qui ne peut que favoriser le développement et la diversification économiques des collectivités locales.
Enfin, l'adoption de ces trois propositions nous permettront de respecter nos engagements nationaux et internationaux. La création de parcs nationaux aidera le Canada à respecter les engagements qu'il a pris dans le cadre de la convention sur la biodiversité. Le fonds du Canada propre permettra au gouvernement de respecter l'engagement qu'il a pris dans le discours du Trône de protéger la santé des Canadiens des risques causés par les produits toxiques et les contaminants environnementaux. Investir dans l'amélioration énergétique des immeubles constitue l'une des premières mesures que nous pouvons prendre en vue de respecter nos engagements aux termes du protocole de Kyoto.
• 1050
Nous demandons que ces initiatives notamment se reflètent dans
le prochain budget. Nous continuerons de proposer des initiatives
de réformes fiscales à caractère écologique, de cerner les
subventions qui devraient être éliminées et les initiatives à
incidence neutre à mettre en oeuvre qui seront bénéfiques tant du
point de vue environnemental que du point de vue économique.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Hornung.
J'accorde maintenant la parole à la directrice des programmes internationaux du Fonds mondial pour la nature (Canada), Mme Julia Langer. Bienvenue.
Mme Julia Langer (directrice, Programmes internationaux, Fonds mondial pour la nature (Canada)): Je vous remercie.
J'aimerais attirer votre attention sur un aspect particulier des propositions de la Green Budget Coalition, soit sur l'agriculture et les pesticides, domaines qui ont beaucoup retenu l'attention du Fonds mondial pour la nature. Nous appuyons évidemment la création de parcs et le rétablissement des espèces en péril, deux domaines qu'on associe dans le monde entier avec le Fonds mondial pour la nature; je me permets cependant de faire remarquer qu'on ne peut pas toujours simplement tracer une ligne sur une carte et s'attendre ainsi à sauver des espèces en péril étant donné le tort que leur causent les produits chimiques, lesquels compromettent la reproduction des espèces ou causent des cancers, et tous les autres effets toxiques qui ont été mentionnés dans divers rapports.
Au moins cinq millions de kilogrammes de pesticides sont utilisés au Canada. Ces pesticides sont délibérément épandus dans l'environnement et se retrouvent dans notre nourriture. Nous devons évidemment tenir compte des effets de l'utilisation des pesticides, mais non pas au détriment des personnes pour lesquelles ils constituent un élément essentiel de leur pratique agricole. En élaborant une politique agricole durable, nous avons tâché de tenir compte de la réalité en prenant en compte à la fois nos objectifs en matière de protection de l'environnement et de la santé ainsi que les intérêts du secteur agricole qui compte malheureusement trop à l'heure actuelle sur les pesticides.
J'aimerais formuler une proposition à court terme sur laquelle je vous donnerai ensuite plus de précisions. Cette proposition a trait à la création du fonds de l'agriculture écologique dont il est question dans le mémoire de la Green Budget Coalition. On me dit qu'on est sur le point de modifier la Loi sur les pesticides. Je travaille à la modification de la loi depuis de nombreuses années et le ministre de la Santé, M. Rock, nous a promis cet amendement. La Loi sur les pesticides, adoptée en 1969, n'a pas été modifiée depuis même si nous en savons bien davantage sur les pesticides que nous n'en savions en 1969. Nous savons également beaucoup mieux comment lutter contre les ennemis des cultures sans avoir recours aux pesticides.
Quelque chose semble cependant retarder l'adoption de cette modification et si j'attire l'attention du comité sur la question, c'est qu'il semble s'agir d'un manque de fonds. Je comprends qu'on souhaite que la loi proposée ne soit pas trop coûteuse. À notre avis, ce projet de loi a besoin d'un petit coup de pouce, c'est-à-dire qu'il faut trouver les fonds nécessaires pour en assurer la mise en oeuvre, de sorte que la question puisse ensuite faire l'objet d'un débat à la Chambre des communes et soit renvoyée devant le comité de la santé. À notre avis, ce projet de loi constitue un élément fondamental des initiatives pouvant être prises pour réduire la dépendance à l'égard des pesticides.
Le coût ne nous semble pas énorme. D'après mes calculs, le budget actuel pour la réglementation des pesticides est de 29,5 millions de dollars. Si vous y ajoutez les nouvelles responsabilités promises par M. Rock, telles que la réévaluation des pesticides, l'inclusion des méthodes de rechange au processus réglementaire et certaines activités de conformité, la somme ne doublerait pas. Nous aimerions certainement que les fonds augmentent pour que le manque de fonds ne fasse pas obstacle au dépôt du projet de loi qui pourrait alors être débattu au Parlement.
Passons maintenant aux autres aspects du casse-tête. Même avec la meilleure mesure législative de la planète, de notre point de vue et de quelque point de vue que ce soit, la loi ne serait pas mise en oeuvre si personne ne s'en sert, si les agriculteurs n'ont pas d'autres solutions. Voilà justement ce que vise la proposition de la Green Budget Coalition: la création de programmes et d'incitatifs à l'intention des agriculteurs qui adoptent de nouvelles méthodes. La situation ne changera pas toute seule. Nous devons nous donner comme but la réduction de l'utilisation des pesticides chimiques si nous voulons y parvenir.
• 1055
Pour atteindre ce but, il faudra des programmes de recherches,
des programmes de vulgarisation pour les agriculteurs et des
incitatifs par hectare comme ceux qu'on retrouve en Europe et aux
États-Unis, où on a prévu des mesures incitatives pour les
agriculteurs qui envisagent de nouvelles méthodes et qui sont prêts
à relever le défi. C'est tout un défi que de mettre en oeuvre
certaines de ces méthodes prévoyant une réduction de l'utilisation
des pesticides et comprenant un risque moindre.
Notre proposition se fonde sur la formule employée habituellement au pays pour financer les programmes agricoles: une contribution fédérale, une contribution provinciale et une contribution des agriculteurs. On se donnerait un objectif, par exemple, faire en sorte que la moitié des terres à cultiver ne lÂest pas nécessairement de façon biologique, mais selon les méthodes de la lutte antiparasitaire intégrée. Cela constituerait environ 10 000 d'hectares au Canada. Avec une contribution en fonction du nombre d'hectares, nous proposons que le gouvernement fédéral verse 90 000 dans un fonds agricole qui appuierait le recours aux méthodes de rechange aux pesticides chimiques; les provinces et les agriculteurs en verseraient autant.
Cela contribuerait grandement à accroître la compétitivité du Canada sur les marchés agricoles. Les fermiers nous disent qu'il faut de nouvelles solutions pour répondre aux demandes des marchés européens et autres.
Je ne crois pas me tromper sur les souhaits des agriculteurs—j'aimerais beaucoup qu'ils vous le disent eux-mêmes et je suis certaine qu'ils le font et le feront—lorsque je vous dis qu'ils seraient heureux que le gouvernement fédéral les aide à assurer la pérennité de l'agriculture; ils ont tant d'autres problèmes à régler.
Voilà essentiellement nos représentations. À court terme, il faudrait adopter un projet de loi, s'assurer que le financement n'y fait pas obstacle et, à long terme, accorder une certaine attention à la pérennité agricole.
Le président: Merci beaucoup, madame Langer.
Nous passons maintenant à la période de questions. Monsieur Epp, vous avez cinq minutes.
M. Ken Epp: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
Ma première question révélera toute l'ampleur de mon ignorance. Je vous ai écoutés d'une oreille—la plupart d'entre nous avons un écouteur—pendant que je jetais un coup d'oeil au document. Dans ce livret, j'ai vu à maintes reprises l'acronyme «LAI». Je présume que cela a à voir avec la lutte antiparasitaire, mais ce document ne le dit pas clairement. Que signifie l'acronyme LAI?
Mme Julia Langer: Je m'en excuse. Je suis certaine qu'on l'a expliqué quand on l'a dit la première fois, mais c'est une bonne question quand même. LAI signifie «lutte antiparasitaire intégrée». Essentiellement, c'est une façon de faire pousser des récoltes, de prendre soin de la pelouse et des terrains de golf sans pesticides. Vous comptez plutôt sur la nature, les insectes bénéfiques qu'on trouve dans la nature et les produits biologiques que sur les produits chimiques. D'une part, il y a l'utilisation de produits chimiques uniquement, et je dirais que c'est ce que font bon nombre d'agriculteurs. D'autre part, il y a la méthode biologique qui interdit le recours aux produits chimiques. Nous estimons qu'un grand nombre de fermiers n'approuveront ni l'une ni l'autre de ces méthodes. Ils préféreront le juste milieu, ce que nous appelons la lutte antiparasitaire intégrée.
M. Ken Epp: J'ai grandi sur une ferme en Saskatchewan où il y avait toutes sortes d'animaux nuisibles. Il y avait le spermophile de Richardson qui s'attaquait à nos champs et dévorait les cultures si nous ne l'empêchions pas.
Je me souviens que nous avions des rats. Nous sommes partis pour l'Alberta...
Une voix: Il n'y a pas de rats, là-bas.
M. Ken Epp: Et aucun des rats de la Saskatchewan ne nous y a suivis. Vous savez sans doute qu'il n'y a pas de rats en Alberta. Il y a même des patrouilles à la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan—j'ignore si vous le saviez, mais c'est vrai—qui freinent l'entrée des rats. Elles utilisent divers produits chimiques pour atteindre cet objectif très louable, car le rat est une sale bête, je vous l'assure, ayant grandi en Saskatchewan, où il y en a.
• 1100
J'espère que vous n'affirmez pas que les agriculteurs et tous
ceux qui veulent limiter la prolifération des animaux nuisibles ne
devraient plus utiliser de produits chimiques.
Mme Julia Langer: J'estime que nous comptons trop sur les pesticides chimiques. Les praticiens de l'agriculture biologique sont souvent à la fine pointe de leur technique, et vous avez sans doute remarqué qu'il y a à l'échelle mondiale un créneau pour les aliments biologiques. Ce serait un objectif ambitieux que de viser une agriculture biologique à 10 ou 15 p. 100, mais la majorité des fermiers souhaitent tout simplement utiliser moins de produits chimiques. Ces produits sont coûteux. Ils ont des effets sur la sécurité et la santé. Ils ont aussi des effets sur l'environnement, car les pesticides ne se contentent pas nécessairement de tuer ce pour quoi ils ont été conçus; leur incidence est beaucoup plus vaste.
Je crois qu'on s'entend pour dire que nous devons réduire notre utilisation de pesticides, mais ce n'est pas facile. Ce n'est pas nécessairement simple. C'est possible, mais difficile; voilà pourquoi nous préconisons d'appuyer les agriculteurs en offrant des programmes d'incitatifs, de recherches et de vulgarisation. C'est ce que veulent les gens, mais il faut les aider un peu.
M. Ken Epp: J'ignore si vous le savez, et vous voudriez peut-être en parler au gouvernement, mais l'agriculture biologique est illégale au pays. J'ignore si vous étiez au courant, mais tel est bien le cas. Dans les Prairies, par exemple, certains agriculteurs décident de produire et de vendre des produits biologiques, sans produits chimiques aucuns. La Commission du blé, qui tient à mettre en marché toutes les céréales, n'est pas en mesure de s'occuper de ces produits biologiques. Elle ne peut vendre séparément les aliments biologiques; ces agricultures risquent la prison ou d'autres sanctions s'ils vendent leurs produits en marge du cadre de la Commission du blé, même si celle-ci ne peut vendre leurs produits.
Je vous encourage donc à en parler au gouvernement et au ministre de l'Agriculture, car c'est là un domaine où on pourrait apporter des changements très positifs. Il serait bon que le gouvernement encourage l'agriculture biologique et fasse en sorte qu'elle ne soit plus illégale.
J'aimerais maintenant poser une question à la Fédération canadienne de la nature. J'ai écouté les remarques de bien des gens. J'habite en Alberta où se trouvent sans le moindre doute—et je le dis sans hésiter—les parcs les meilleurs, les plus beaux et les plus pittoresques de toute la planète, soit Banff et Jasper.
Une voix: Oh?
M. Ken Epp: Si, si. J'en ai parlé avec des gens d'un peu partout dans le monde, et ils m'ont dit que la route qui relie Banff à Jasper offre l'un des panoramas les plus magnifiques qu'ils aient jamais vu.
Ma question, et c'est de cela que les gens me parlent, est la suivante: il semble que le gouvernement et les organisations telles que la vôtre veulent protéger les animaux et les parcs contre les gens; or, nous croyons que les parcs devraient aussi servir à l'agrément des gens. Comment peut-on concilier ces deux objectifs?
Je sais que les pratiques des gens ne sont pas toujours très écologiques. J'en ai été moi-même témoin. Ma famille et moi avons toujours dit qu'un bon campeur, c'est un campeur qui ne laisse derrière lui que le son de ses pas. Il faut donc penser à la sensibilisation, s'assurer que les gens savent ce qu'ils préfèrent.
Qu'en dites-vous à cette époque où les gens se sentent de moins en moins bienvenus dans nos parcs? Les frais d'entrée sont tels qu'une famille ordinaire, à revenu moyen, peut à peine se permettre d'aller dans nos parcs. Nous avons fait en sorte que la société ne s'intéresse plus qu'aux riches, ce qui m'apparaît très mal.
Mme Christie Spence: Vous avez posé deux questions.
Il est certain que, dans les parcs montagneux, nous avons hérité de toutes sortes d'installations, telles que des terrains de golf et des pentes de ski, qu'on n'oserait même pas envisager d'implanter dans un parc national de nos jours tout simplement parce que nous connaissons leurs effets dévastateurs sur le milieu naturel.
• 1105
Dans la dédicace de la Loi sur les parcs nationaux du Canada,
on dit que «les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien
pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances». Mais
on ajoute que les parcs doivent être entretenus et utilisés de
façon à rester intacts pour les générations futures. À tort ou à
raison, on a jugé qu'il s'agissait d'un double mandat: un à l'égard
de la population, un autre à l'égard de la nature.
La Loi sur les parcs nationaux, dans les diverses modifications qui y ont été apportées au fil des ans et dans la forme qui a été confirmée à la dernière législature, ne laisse aucun doute sur le fait que, d'abord et avant tout, nous devons nous assurer que, dans les parcs, la nature est protégée. Cela signifie-t-il que les gens ne peuvent y avoir accès? Absolument pas. J'habite dans un parc national. Mon parc national préféré est le parc national Kluane, au Yukon. Je vous invite tous à visiter certains des autres parcs spectaculaires du pays.
Les Canadiens peuvent profiter de nos parcs nationaux de bien des façons. La Loi sur les parcs nationaux prévoit un zonage pour certaines zones très délicates—l'habitat des espèces menacées, par exemple—où les véhicules sont interdits. Il n'y aura pas non plus de terrains de golf ni de pentes de ski dans ces régions. Mais les parcs nationaux regroupent bien d'autres régions. Ils sont énormes. Ensemble, ils représentent des centaines de milliers de kilomètres. Le parc national Wood Buffalo a une superficie de 33 000 kilomètres carrés. Il y a beaucoup de place pour les gens, mais selon certaines balises. Il y a bien des terrains de golf à l'extérieur des parcs nationaux, ainsi que des pentes de ski.
Manifestement, dans les parcs des Rocheuses, nous avons reçu un certain héritage que nous devons respecter. Cela ne signifie pas, à mon avis, que l'on refuse de faire en sorte que les Canadiens puissent profiter de leurs parcs nationaux. De plus, les usages par les collectivités autochtones et rurales sont reconnus, les usages traditionnels tels que la chasse et la pêche dans les parcs. C'est controversé, mais c'est une façon de reconnaître que les parcs existent pour la nature et aussi pour les gens.
La question des frais d'utilisation est très pertinente pour votre comité. Dans les années 90, le budget de Parcs Canada a été réduit de 25 p. 100, soit d'environ 100 millions de dollars. À la même époque, de nouveaux parcs ont été créés. C'était une excellente idée, une idée importante et urgente, mais le budget de services votés de Parcs Canada n'a pas augmenté. Le mandat a été élargi, davantage de pressions environnementales régionales s'exercent sur les parcs, mais Parcs Canada n'a pas la capacité scientifique de régler les problèmes même si on s'attend de cet organisme qu'il le fasse pour les collectivités.
Le problème est en partie attribuable au fait—et c'est aussi vrai pour la côte Est—que les parcs avaient un tel besoin de revenus pour survivre qu'ils ont fait totalement fi des besoins des visiteurs pour se contenter de dispenser les services de base. J'ai travaillé dans un parc national où tel était le cas. On m'a dit que je ne pouvais amener des gens en randonnée que s'ils étaient cinq qui étaient prêts à payer 10 $. Ce dont il s'agit, c'est de la capacité de Parcs Canada d'offrir ses services aux Canadiens. Si Parcs Canada n'a pas les fonds nécessaires, il devra augmenter les frais d'utilisation. Cela se fera au détriment de tous, et c'est précisément pour cela que nous sommes ici: Parcs Canada a besoin d'un minimum de financement pour remplir son mandat, pour que les Canadiens n'aient pas à payer pour profiter de leurs parcs.
Le président: Merci, madame Spence.
[Français]
Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, bienvenue à vous tous de chacun des groupes. Merci particulièrement à la coalition. Je pense qu'à chaque fois, vous réussissez assez bien à cerner l'endroit où devrait aller un réinvestissement en matière d'environnement. J'aimerais, à prime abord, que vous sachiez que je suis de ceux qui croient que le prochain budget doit prévoir un réinvestissement important, bien au-delà des 700 millions de dollars sur quatre ans qui étaient prévus dans le dernier budget.
Si nous étions un an plus tôt, je poserais des questions bien précises sur le plan que vous nous proposez. Mais la situation actuelle m'amène à poser des questions plus larges. Pourquoi? Parce que, comme on le sait, on se dirige vers un ralentissement économique important au Canada, un ralentissement économique dont le Canada va faire les frais, et historiquement, à chaque fois, le dossier de l'environnement et le ministère de l'Environnement sont les premiers à subir des coupures, les premiers à faire les frais d'un rétablissement de l'équilibre budgétaire ou des coupures du gouvernement.
Donc, je pense qu'il y a un courant dominant qui va entrer dans l'opinion public et chez ce gouvernement. On se se demandera où on doit couper afin de maintenir l'équilibre budgétaire, et ce sera en matière d'environnement.
Donc, ma question est la suivante. Comment convaincre ce comité et comment convaincre ce gouvernement que le rapport économie-environnement peut être rentable et que, dans une certaine mesure, un investissement en matière d'environnement ne constitue pas une dépense, mais un investissement pour l'avenir sur le plan économique aussi?
Le président: Qui voudrait répondre à la question? Monsieur Hornung.
M. Robert Hornung: Je donnerai une brève réponse, après quoi mes collègues pourront peut-être ajouter quelque chose s'ils le souhaitent.
D'abord, puisqu'il s'agit de quelque chose de concret, nous pouvons étudier toute une série d'exemples illustrant à quel point les investissements dans la protection environnementale procurent des avantages économiques. Des gens comme Michael Porter se sont penchés là-dessus, et il conclut qu'il est important de protéger l'environnement pour améliorer la compétitivité d'un pays.
En outre, même le secteur privé en voit l'avantage car il existe maintenant un indice de la viabilité écologique Dow Jones, conçu pour tenir compte des entreprises qui étaient à l'avant garde de la protection de l'environnement dans leur secteur d'activité. Or, on a découvert que ces sociétés dépassent constamment d'autres dans leur propre secteur. Pourquoi est-ce ainsi? Parce que les entreprises qui se soucient de l'environnement se sont rendu compte que leur action améliorait leur rendement, leur compétitivité et leur rapportait davantage de bénéfices.
Si l'on tient compte de ce qui se passe à cet égard dans divers pays, c'est-à-dire des investissements effectués pour nous préparer à un avenir où il nous faudra réduire, un peu du moins, la consommation de combustible fossile en raison des gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique, on remarque que certains pays et gouvernements ont une vision à long terme. C'est pour cela qu'ils consacrent des ressources importantes à l'amélioration du rendement énergétique et à la recherche de sources plus nombreuses d'énergie renouvelable. Ces pays se trouvent ainsi non seulement à améliorer l'état de l'environnement mais à se préparer à la nouvelle économie mondiale de l'énergie, qui se concrétisera dans 50 ou 60 ans. À cet égard, le Canada tire de l'arrière.
Notre exposé donnait certains exemples de mesures d'amélioration du rendement dans des municipalités comme Toronto et des avantages que cela représentaient sur le plan économique. On remarque constamment que les ressources affectées à la protection de l'environnement et à l'efficacité énergétique ainsi qu'un usage plus judicieux des ressources en général engendrent des avantages économiques.
J'aimerais que les autres répondent aussi à la question.
Mme Julia Langer: Si on voit les choses strictement sous l'angle de l'agriculture et des pesticides, ce qui correspond à mon créneau, l'une des choses à souligner est que le Canada va perdre des marchés s'il n'appuie pas l'agriculture durable. Cela correspond d'ailleurs aux préoccupations du comité de M. Speller, qui se penche présentement sur l'avenir de l'agriculture.
Cela me paraît venir à point nommé. Par exemple, nous travaillons avec des pomiculteurs du comté de Norfolk, et ils sont en train de s'implanter dans des marchés en Angleterre parce qu'ils ont adopté un régime de lutte antiparasitaire intégrée que nous avons mise au point avec leur collaboration. Ils estiment que ces marchés leur échapperaient autrement et qu'ils ne seront pas compétitifs à moins que le système d'homologation n'appuie le recours à des systèmes de lutte antiparasitaire de rechange à plus faibles risques car d'autres pays ont déjà accès à ces nouveaux produits mais pas eux.
D'autre part, si l'on tient compte des compressions budgétaires, l'une des choses qu'on remarque à la fois dans le budget et dans l'économie, ce sont des dépenses qui causent des préjudices à l'environnement. Nous avons notamment soulevé le fait que les produits pesticides sont exempts de la TPS, et cette question nous paraît extrêmement importante. On se trouve ainsi à encourager l'utilisation d'antiparasitaires chimiques. Je me rends bien compte que tout cela fait partie des structures agroalimentaires, mais réfléchissez-y un moment. On se trouve à soutenir cette façon de faire, et c'est peut-être ici que l'on pourrait réorienter les priorités budgétaires, en ce sens qu'on pourrait cesser d'appuyer ce qui est mauvais et soutenir ce qui est bon.
Le président: Madame Kuyek.
M. Joan Kuyek: J'aimerais pour ma part parler de la question des sites contaminés par rapport à cet enjeu. Au cours des cinq dernières années, le vérificateur général a insisté de plus en plus pour qu'on fasse figurer les sites fédéraux contaminés dans les livres de comptes. On les trouvera donc dans la prochaine série de comptes fédéraux, présentés sous forme de passif par rapport aux biens immobiliers du gouvernement fédéral. Or les chiffres là-dessus sont extrêmement élevés, malgré que certains facteurs les réduisent quelque peu.
Cependant, il n'y a pas que des enjeux liés aux biens immobiliers du gouvernement fédéral, il y a aussi les coûts à long terme des services de santé à fournir en raison des cancers et d'autres maladies qui résultent du lixiviat et d'autres problèmes. Il y a encore la possibilité que de très graves désastres et accidents se produisent et que le gouvernement fédéral ne soit pas nécessairement prêt à y faire face. Il est vrai que ces dernières années, le Conseil du Trésor a mis sur pied un groupe de travail sur la gestion des sites contaminés, dont font partie des fonctionnaires des services opérationnels de ministères comme l'Environnement, la Défense nationale, le Conseil du Trésor et d'autres. Ce groupe s'efforce de coordonner un programme de gestion des sites contaminés.
• 1115
Lorsque l'inventaire dressé par le groupe paraîtra en avril
2002, il serait important que le gouvernement fédéral soit prêt à
s'occuper de ces sites. Il serait toutefois très difficile de le
faire si aucun poste budgétaire n'y est affecté.
Le groupe de travail sur la gestion des sites contaminés a demandé 540 millions de dollars, une somme très modeste, à échelonner sur cinq ans, et on l'attend encore. Ce montant très raisonnable permettrait de poursuivre les travaux, d'établir des priorités et même de décontaminer certains sites et d'empêcher des accidents.
C'était l'un des aspects fondamentaux de la recommandation. Nous sommes aussi persuadés, même avant d'avoir reçu toutes les données, qu'une telle initiative permettrait d'économiser beaucoup plus que les sommes qu'il faudra débourser sur cinq ans, à la fois pour le gouvernement fédéral et pour les services de santé des Canadiens.
Le président: Merci. Nous allons maintenant accorder la parole à M. Szabo, puis à M. Cullen.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins.
Monsieur le président, en réponse à l'invitation lancée par le comité des finances de tenir des tables rondes ou d'autres consultations, j'aimerais simplement rappeler que j'ai effectué un sondage très poussé auprès de mes mandants et que j'ai reçu plus de 1 000 réponses. Je tiens à cet égard que l'on sache que mes électeurs de Mississauga-Sud appuient très fermement un visage écologique du budget.
Cela me paraît de bon augure par rapport aux priorités exposées par M. Hornung.
Le sondage Pollara a également révélé d'autres priorités de la part des Canadiens, comme la santé, qui vient en tout premier lieu, ce qui est tout à fait compréhensible. Cependant, il y a des liens très nets entre l'environnement et la santé, et ce choix ne vous causera donc pas de difficulté. L'impôt vient ensuite, suivi immédiatement de l'environnement. Je suis tout à fait d'accord avec cela, monsieur le président. Je me réjouis d'ailleurs d'avance de communiquer au comité des finances certains des avis de mes électeurs au sujet du virage écologique de notre budget.
Pour ce qui est des exposés, les initiatives qui nous permettraient de donner cette orientation écologique à notre budget m'ont beaucoup intéressé. Cela nous ramène aux réponses à mon sondage, où l'on dit que les enjeux les plus importants pour notre avenir sont les émissions de gaz à effet de serre et les polluants nocifs venant du transport et de la production de combustibles fossiles. Ce sont ces problèmes qui nous préoccuperont le plus dans les années à venir car ce sont eux qui entraveront le plus notre taux de croissance.
Cela dit, je me demande pourquoi nous n'avons pas mis en évidence le besoin de chercher et de trouver des sources d'énergie de remplacement, et un éventail d'autres initiatives, notamment la conversion à des combustibles de rechange, étant donné la gravité des enjeux environnementaux ainsi que nous le rappellent les experts dans ce domaine.
Le président: Allez-y, monsieur Hornung.
M. Robert Hornung: Je peux répondre. Merci de votre question. Notre exposé soulignait les questions prioritaires à nos yeux, et présentait des chiffres faciles à saisir dans une communication de cinq minutes. Toutefois, dans notre document complet, que vous aurez tous la chance de lire nous l'espérons, on trouve une section entière consacrée au changement climatique et à l'énergie, et cette section tient précisément compte de ce dont vous parlez. Ainsi, nous nous concentrons sur les améliorations à apporter aux immeubles pour améliorer le rendement énergétique. Nous abordons également la mise au point de technologies utilisant des énergies renouvelables, grâce principalement à des mesures de soutien à la production et à la consommation d'énergie écologique, ce qui est conforme à d'autres initiatives qui vont de l'avant. Nous avons aussi demandé qu'on soutienne davantage le transport en commun comme solution de rechange à l'automobile, car cela est au coeur de bon nombre des problèmes soulevés.
Vous avez tout à fait raison, le changement climatique et la pollution atmosphérique sont des problèmes graves. On ne peut se contenter de les combattre sur un seul front. Nous avons essayé d'en tenir compte dans la proposition, mais pour les besoins de notre exposé d'aujourd'hui, nous nous sommes centrés sur une approche seulement.
M. Paul Szabo: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Merci aussi à nos témoins.
J'ai quelques questions à poser, mais nous n'aurons probablement pas le temps de toutes les couvrir. De combien de temps est-ce que je dispose?
Le président: Vous avez cinq minutes.
M. Roy Cullen: J'ai une question au sujet des terrains de friche industrielle et une autre sur les transports en commun. Je vous les pose à l'instant, et quiconque veut y répondre pourra le faire...
Je suppose que les friches industrielles font partie des sites contaminés. Dans ma seule circonscription d'Etobicoke-Nord, en on trouve beaucoup, et de fait il y a énormément de ces zones désaffectées dans le Canada tout entier. Si l'on peut retrouver le pollueur à la source du problème, je suppose qu'on devrait l'obliger à payer, mais dans bon nombre de cas, il est impossible de le retrouver. En ce cas, comment faire pour que ces quartiers négligés redeviennent utilisables? Quelle politique est-ce que le gouvernement fédéral, les provinces, le secteur privé et d'autres intervenants devraient envisager pour corriger la situation?
Le président: Monsieur Hornung ou madame Kuyek, allez-y.
Mme Joan Kuyek: Lorsqu'il s'agit de résoudre les problèmes que posent les friches industrielles, la difficulté tient à la compétence des divers gouvernements dans ce dossier une fois que les pollueurs ont disparu, et à la question de savoir qui paie. À nos yeux, le gouvernement fédéral devrait s'affirmer dans les cas où il y a litige. L'ancien programme national de sites contaminés, abandonné en 1994, le faisait dans une certaine mesure, et le Conseil canadien des ministres de l'environnement avait adopté des politiques à cet effet. Notre proposition permettrait au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership par la relance d'un programme de ce genre.
Nous nous rendons bien compte qu'il s'agit probablement là d'une stratégie à long terme. Aussi, le gouvernement fédéral a manifesté un certain intérêt à assumer certaines responsabilités par rapport à cette question.
Cela dit, nous estimons qu'à long terme, ce sont les pollueurs qui devraient assumer les coûts, bien que le processus de poursuites puisse être très long. Il serait peut-être donc plus utile d'imposer une taxe, de percevoir des droits et ce genre de chose afin d'obtenir de l'argent des industries en général, plutôt que de chercher un pollueur particulier difficile à identifier.
M. Roy Cullen: Est-ce que les provinces font quoi que ce soit? Je crois savoir que l'Ontario a présenté un projet de loi sur les sites contaminés ou les friches industrielles. Est-ce que les municipalités elles font quelque chose? En ce cas, comment pourrait-on coordonner ce genre d'efforts?
Mme Joan Kuyek: La Fédération canadienne des municipales ainsi que la table de concertation nationale ont pris des initiatives à cet égard. Je pense qu'il y aurait probablement moyen de coordonner certaines des mesures qui débordent peut-être des cadres de ce dont nous avons à discuter ici.
M. Roy Cullen: Si vous permettez, j'aimerais passer à la pollution atmosphérique. Au cours des dix dernières années, j'ai remarqué qu'à Toronto, la qualité de l'air préoccupe les gens, en tout cas elle me préoccupe moi. Lorsqu'un gouvernement évalue divers moyens économiques, l'une des ses difficultés est de déterminer la valeur des divers instruments à sa portée, d'évaluer les avantages pour l'environnement et les coûts que des mesures en ce sens peuvent entraîner. À ce sujet, quels avantages tirons-nous de nos investissements?
À l'heure actuelle, ou très bientôt, la Chambre sera saisie de certaines initiatives des députés, où l'on demande d'envisager la possibilité de déduire le coût des cartes laissez-passer du transport en commun, ou que les employés ne soient pas obligés de payer d'impôts sur ce genre d'avantage ou encore des mesures qui conjuguent les deux aspects.
Selon certains économistes, l'avantage de ce genre de mesure n'est pas aussi important que ce que pourrait nous donner d'autres mesures de recours accru au transport en commun ou d'autres initiatives d'assainissement de l'air. Avez-vous une idée du coût relatif d'une initiative de ce genre par rapport à d'autres mesures du domaine public?
Le président: Monsieur Hornung.
M. Robert Hornung: Oui, je veux bien formuler un commentaire.
Le projet de laissez-passer pour le transport en commun peut certainement être avantageux pour la protection de l'environnement. On l'a toutefois toujours décrit comme une première étape dans l'atteinte de l'objectif de réduction des émissions du secteur du transport. On ne l'a jamais considéré comme un projet d'envergure qu'il fallait défendre absolument.
Quand, dans ce débat, on en sera à un point de conscientisation correspondant à la situation actuelle, avec de fréquentes alertes de smog, lorsque ce sera une préoccupation importante pour tous et qu'on sera prêt à envisager des projets plus coûteux, je dirais qu'on ferait mieux de se concentrer sur autre chose que les laissez-passer, et investir plus résolument dans les infrastructures de transport public, en fonction des performances. Il ne s'agit pas seulement de donner de l'argent, il faut prouver qu'on améliore l'efficacité du service, par exemple, pour changer les choses.
• 1125
C'est l'argent qui nous permettra de créer des mécanismes
favorisant d'autres moyens de transport que l'automobile. Lorsque
nous parlons de transport en commun, ce n'est pas seulement de
nouvelles lignes de métro et de choses du genre. Il peut s'agir du
transport adapté et de bon nombre d'autres choses qui sont moins
coûteuses et certainement plus efficaces, du point de vue
économique.
Mais oui, cela fait partie de l'ensemble, mais je dirais que c'est une relativement petite partie. Je crois que nous n'en sommes plus à l'étape où nous pouvons faire de tous petits pas. Il faut investir de manière plus convaincue, si on veut faire des progrès.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom: Je veux souhaiter la bienvenue au groupe qui comparaît ce matin devant le comité. Je vais poser quelques questions.
Le printemps prochain, ce sera le dixième anniversaire du sommet de Rio, qui remonte à 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil. À l'époque, nous avons pris divers engagements pour mettre en oeuvre l'accord. Je ne crois pas que nous avions alors mauvaise réputation à l'échelle mondiale en matière d'environnement. Mais depuis, nous traînons de la patte. À quel point notre prestation par rapport aux accords de Rio a-t-elle terni notre réputation?
M. Robert Hornung: Pour commencer, à ce sujet, je vais parler d'une question que je connais très bien, le changement climatique. Le Canada n'a pas un très bon bilan à ce chapitre. Nous n'avons pas tenu nos engagements. Nous avons échoué. Lorsque nous envisageons d'autres engagements, rien n'indique que nous pourrons les tenir.
Pour ce qui est de l'effet sur la réputation du Canada, si l'on considère ce qui s'est produit dans l'année écoulée dans les négociations internationales sur le changement climatique, alors que des groupes environnementaux du monde entier ont régulièrement fait des reproches au Canada pour sa position, je crois qu'on peut constater ce qui arrive quand on ne pratique pas ce qu'on prêche.
M. Lorne Nystrom: Je change maintenant de sujet, pour passer à celui du moteur à combustion interne, l'une des plus grandes causes de la pollution créée par les humains. J'aimerais savoir ce que vous nous conseillez, pour les combustibles de substitution. L'éthanol, par exemple, est une solution sérieusement envisagée dans les provinces des Prairies.
J'aimerais aussi vous questionner sur votre suggestion relative à une taxe liée à la pollution. Je présume que vous parlez aussi d'une taxe sur les hydrocarbures. Comment pensez-vous qu'il puisse s'agir d'une taxe juste, pour des régions comme celle d'où je viens, les secteurs ruraux de la Saskatchewan, où les gens doivent rouler longtemps, qu'ils le veuillent ou non, pour aller travailler, et où les agriculteurs doivent assumer le coût du combustible pour cultiver leurs champs? Comment concilier tout cela tout en étant équitable?
Ce n'est pas comme au centre-ville de Toronto, où l'on peut sauter dans un autobus, dans un métro, et se rendre où on veut. On peut même rouler à bicyclette ou marcher pour aller au travail. On ne peut pas marcher 30 ou 50 kilomètres matin et soir pour aller au travail, quand on vit à Kamsack, en Saskatchewan, par exemple. Avez-vous une solution juste et équitable à proposer pour ces cas-là?
Vous pourriez aussi formuler quelques commentaires au sujet des combustibles de substitution et des solutions que vous proposez dans ce domaine.
M. Robert Hornung: Bien. Ce sont de grandes questions. Je vais d'abord parler des combustibles de substitution.
Nous estimons que divers combustibles de substitution pourraient être envisagés, et qu'on aurait tort d'en choisir un seul. Nous craignons fort aussi qu'en considérant les combustibles de substitution, on ne tienne pas suffisamment compte de l'ensemble du cycle de vie de ces combustibles.
Prenons l'exemple de l'éthanol. Certains types d'éthanol sont clairement avantageux pour l'environnement, par exemple, l'éthanol produit à partir de déchets agricoles, comme la paille, dans les prairies. Il y a d'autres types d'éthanol produits à partir du maïs, par exemple, pour lesquels les avantages environnementaux sont beaucoup moins évidents, du moins pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre. Pour d'autres aspects, les avantages sont plus considérables. Il faut donc tenir compte de l'ensemble du cycle de vie.
Quand on pense aux piles à combustible alimentées par hydrogène, ce qu'il faut se demander, c'est d'où viendra l'hydrogène. Si l'hydrogène vient de combustibles fossiles, et qu'on tient compte de l'énergie consommée et de la pollution associée à la production des combustibles fossiles, où est l'avantage? Beaucoup d'études ont démontré qu'en produisant l'hydrogène à partir de l'essence, comme beaucoup le propose, il y a très peu d'avantages pour l'environnement. Si l'hydrogène est produit à partir d'une énergie renouvelable, l'avantage pour l'environnement est très grand. Il faut donc tenir compte de ces facteurs.
Pour répondre à votre deuxième question, nos propositions ne comprennent pas de taxes sur les hydrocarbures. Nous proposons bien une taxe sur le charbon, plus précisément parce que la combustion du charbon dans la production d'électricité n'est vraiment plus nécessaire, en fait. Il y a d'autres moyens d'en produire qui ne sont pas plus coûteux et qui sont tout aussi bons.
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Pour répondre à vos préoccupations au sujet des incidences
relatives à l'économie et à la répartition de ces taxes, notre
coalition préconise une réforme fiscale écologique qui prévoit
essentiellement une restructuration fiscale. Lorsque nous parlons
d'instaurer de nouvelles taxes sur les polluants, nous sommes prêts
à envisager une réduction des taxes dans d'autres domaines, afin de
stimuler l'activité économique. Nous encourageons les responsables
à y songer. Nous souhaitons une neutralité fiscale qui changera le
message transmis à l'économie: essentiellement, taxons le négatif
et réduisons les taxes sur le positif. En agissant ainsi, nous
encouragerions l'économie à se développer d'une façon plus durable
du point de vue environnemental.
M. Lorne Nystrom: Je suis certainement d'accord en principe, mais comment décider de ce qui est positif et de ce qui est négatif? C'est toujours la même question, je crois. Certains cas sont plus faciles à évaluer, comme celui des gros pollueurs qui sont très évidemment de gros pollueurs. L'agriculture organique—que j'appuie fermement, en passant—est certainement une très bonne chose. Pouvez-vous nous conseiller sur la façon de fixer des critères?
Mme Julia Langer: Permettez-moi de répondre rapidement, au sujet de la taxe sur la pollution. Outre les accords internationaux de haut niveau, pour déterminer ce qui est négatif, ce qui pollue, bon nombre de priorités nationales devraient être fixées, afin de prendre ces décisions.
Pour revenir à votre question sur la réputation du Canada depuis Rio, je dirais que le Canada mérite tout le crédit d'avoir été le premier pays à signer et ratifier la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, mais cette convention n'a porté que sur 12 substances. Remettons les choses en leur contexte. Il y a 23 000 produits chimiques sur la liste intérieure des substances du Canada, dont on doit refaire l'évaluation, mais pas suffisamment d'argent ni de ressources humaines pour le faire.
On pourrait peut-être adopter une autre approche et dire que d'après certains types de critères sur la toxicité ou les émissions dans l'environnement, certains sont mauvais, et faisons savoir qu'il doit y en avoir moins, ou encourageons leur réduction. Même si nous ne connaissons pas tous les détails sur tous ces pesticides et tous ces produits chimiques, moins il y en aura, mieux ce sera. Un message d'ordre économique pourrait le faire comprendre.
Le président: Merci.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'aujourd'hui pour leurs interventions.
Ma première observation, c'est que l'une des erreurs fréquentes dans l'élaboration des politiques publiques, c'est la tendance à isoler les questions environnementales de toutes les autres. Nous les mettons à part. S'il y a une chose qu'on a appris au cours des 20 dernières années, c'est que les mauvaises politiques environnementales sont aussi de mauvaises politiques économiques, et inversement. Si vous ne tenez pas compte de certains coûts, il n'y aura peut-être pas de coûts monétaires ou budgétaires à court terme, mais à long terme, il y aura des coûts environnementaux auxquels on ne pourra échapper. On finit par créer de graves problèmes. Je suis d'accord avec le vérificateur général: il faut tenir compte de certains problèmes qu'il faudra bien régler un jour.
Dans le même sens, on peut certainement affirmer que de bonnes politiques environnementales peuvent créer d'excellentes occasions d'affaires. L'écotourisme, par exemple, est un secteur dont peut profiter une province comme la mienne, c'est-à-dire la Nouvelle-Écosse. Un peu plus tôt, M. Epp faisait la promotion de l'Alberta, et je me dois de faire de même, avec autant d'ardeur. L'écotourisme n'est qu'un secteur où certains pays ont pu, grâce à des stratégies bien concertées et organisées, trouver des incitatifs commerciaux à des pratiques saines pour l'environnement.
En outre, si on tient compte de la façon dont les consommateurs étrangers, principalement européens, exigent du bois produit de manière respectueuse de l'environnement, ne devrait-on pas avoir une approche moins limitative? Industrie Canada, avec des groupes environnementaux, pourrait peut-être envisager non seulement un programme d'innovations, comme on le fait actuellement, mais un programme de synergie pour le secteur de l'environnement et celui des affaires.
C'est ma première question.
Le président: Vous avez la parole, madame Kuyek.
Mme Joan Kuyek: J'aimerais vous répondre en parlant du secteur minier, que je connais bien. Il y a certainement eu des répercussions en Nouvelle-Écosse, depuis longtemps, Le secteur minier est un exemple concret de l'effet des politiques économiques à oeillères. Le secteur minier est fortement subventionné, pour l'exploration, par les actions accréditives, puis par les déductions relatives aux ressources et les déductions pour amortissement accéléré. De nos jours, la plupart des mines ne sont pas exploitées très longtemps, quand il y en a. Elles ne le sont que pour 10 ou 15 ans.
Au Yukon, il y a plus de 43 mines abandonnées et fermées alors qu'une seule est en exploitation. Le niveau d'intervention du fédéral, notamment par ses subventions, pour garder ces mines ouvertes et pour essayer d'en faire des moteurs de l'expansion économique régionale a été incroyable avec le temps. Et maintenant, le gouvernement fédéral est confronté au problème du nettoyage de ces sites toxiques. Pour certains, les coûts seront calculés en millions de dollars. C'est la même chose dans les Territoires du Nord-Ouest et on pourrait en dire autant de la Nouvelle-Écosse.
Autrefois, l'exploitation minière fournissait de l'emploi pendant une longue période. Les populations en dépendaient. Je suis de Sudbury, je suis bien placée pour le savoir. Mais le gâchis qui reste après l'exploitation n'a jamais été prévu au départ. C'est pourquoi, récemment, on a commencé à s'assurer que des obligations de restauration de l'environnement sont exigées au début, à inscrire le passif environnemental dans les livres, dès le départ, mais on est encore loin d'avoir adopté couramment cette pratique et lorsque des comités comme le vôtre entendent les appels de l'industrie pour des actions accréditives ciblées, par exemple, les coûts éventuels pour l'environnement ne sont bien sûr pas présentés.
Par contre, d'autres moteurs économiques régionaux auraient pu être bien plus efficaces, l'écotourisme, dans certains cas, comme vous le dites. D'autres secteurs de l'économie auraient pu réussir bien mieux, et au lieu d'investir comme on le fait pour stimuler l'exploitation minière, on aurait peut-être dû songer à autre chose, à l'époque.
M. Scott Brison: Monsieur Hornung, vous disiez tout à l'heure que si vous évaluez les compagnies, certaines de celles qui ont été écartées des indices boursiers en raison de leurs pratiques écologiques saines ont constamment un meilleur rendement que d'autres. Pourquoi donc créer des incitatifs gouvernementaux, économiquement parlant, du point de vue du rendement de l'entreprise, leurs affaires vont bien? Il semblerait que le marché encourage déjà ce dont vous parlez.
M. Robert Hornung: J'ai quelques réponses à ce sujet. D'abord, à l'heure actuelle il n'y a qu'une poignée de compagnies qui ont des pratiques écologiques saines, qui prévoient en fonction de l'avenir et qui font les investissements requis. Nous vivons dans un monde où beaucoup d'entreprises font des investissements en capital en se basant sur le court terme, en gardant l'oeil sur le cours des actions et sur des facteurs semblables. Par conséquent, ces entreprises ne pensent pas toujours à long terme. Il nous faut donc offrir des incitatifs en ce sens.
Ensuite, même ces entreprises font face à des obstacles. Prenons l'exemple de l'énergie renouvelable. Au Canada, il existe un petit nombre de compagnies énergétiques qui désirent faire affaire dans le domaine de l'énergie renouvelable. Ces compagnies adoptent une perspective à long terme et déduisent que d'ici 50 ans, le gaz et le pétrole n'occuperont plus la place qu'ils ont aujourd'hui et se disent qu'elles doivent agir d'une telle façon. Ces compagnies regardent ce que d'autres pays font pour encourager l'investissement dans le secteur de l'énergie renouvelable. Elles se rendent ainsi compte que le Canada n'est pas concurrentiel dans ce domaine. Quand des entreprises telles que Suncor, Shell ou d'autres cherchent à investir dans le secteur de l'énergie renouvelable, elles se rendent compte qu'il est bien plus sensé d'investir en Europe, en France ou ailleurs, car ces pays ont établi des incitatifs à l'investissement dans ce domaine.
Je crois donc qu'il nous faut encourager le secteur privé à faire ce genre d'investissement. Certaines entreprises iront de l'avant, d'autres pas, elles ont le choix, mais je crois que si nous créons des incitatifs, nous passerons d'un petit nombre de compagnies isolées à un secteur privé qui prend une orientation plus durable.
Le président: Madame Langer.
Mme Julia Langer: J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de l'agriculture et des pesticides. Nous ne voulons pas seulement une approche individualisée, c'est une approche généralisée que nous préconisons. Donc, par exemple, d'un côté, les agriculteurs veulent réduire leur utilisation des pesticides et se trouver vers d'autres produits à risque moins élevé, et de l'autre côté, les consommateurs, ceux qui mangent, veulent consommer des produits agricoles qui n'ont pas été traités aux pesticides, ils veulent être moins exposés. Mais il y a les revendeurs entre les deux qui ne font rien ni pour l'un ni pour l'autre. Ils se battent avec les agriculteurs au sujet du prix et n'écoutent pas le consommateur. Si nous avions des incitatifs au niveau de la mise en marché, cela nous aiderait à surmonter les obstacles et à mettre en oeuvre une approche généralisée.
À mon avis, nous ne devons pas seulement nous tourner vers l'écotourisme ou vers le secteur de l'énergie renouvelable. Tout le Canada doit être inclus dans cette approche. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan en créant des incitatifs pour encourager l'investissement de démarrage. Cela aiderait vraiment à changer les choses.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions?
M. Scott Brison: J'ai une petite question. Vous avez dit que les agriculteurs n'ont pas à payer la TPS sur leurs achats de pesticides. Je me demande si Vision, un produit chimique, du même genre que Roundup, pour les forêts, fait également l'objet d'une exemption. De plus, il n'y a eu aucun réexamen majeur de la réglementation sur les pesticides depuis, je crois, 30 ans au Canada. Est-ce que d'autres pays ont étudié cette question, notamment en ce qui concerne Roundup et Vision? Je m'intéresse en particulier à Vision, car c'est un produit qu'on utilise dans les forêts de la Nouvelle-Écosse. C'est une question qui fait l'objet d'un grand débat dans ma circonscription et ailleurs dans la province.
Mme Julia Langer: Sans entrer dans les détails de la toxicologie précise de ce produit chimique, je crois que le Canada traîne de la patte par rapport à nos plus importants partenaires commerciaux en ce qui concerne nos lois et notre réglementation. Il y a un mouvement vers l'harmonisation. En fait, en vertu de l'ALENA, nous sommes obligés d'harmoniser nos règlements sur les pesticides. Aux États-Unis, la U.S. Food Quality Protection Act de 1996 va beaucoup plus loin que la loi canadienne pour régler les problèmes associés aux produits chimiques. C'est également vrai pour plusieurs autres pays membres de l'OCDE. J'ai dressé une liste de 60 produits chimiques qui sont interdits ailleurs dans le monde, mais qui sont encore homologués au Canada, et ce, parce que notre réglementation ne prévoit aucun réexamen à intervalles réguliers. Voilà une autre raison pour adopter des amendements. Comme je l'ai déjà dit, tout est prêt, M. Roch nous fait constamment des promesses, mais j'aimerais bien que le projet de loi soit débattu à la Chambre des communes.
Le président: Merci beaucoup.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier d'avoir comparu aujourd'hui, et je tiens également à vous remercier pour avoir participé à deux tables rondes avant la période de relâche estivale. Ces deux tables rondes nous ont fourni une base de connaissances qui nous sera utile au moment de rédiger le rapport.
Je suis également très heureux de constater qu'il y a un nouveau courant préconisant qu'il faut comprendre non seulement le besoin d'avoir un développement durable mais aussi une économie durable, et la fusion de ces deux idées crée, à mon avis, un équilibre parfait nous permettant de prendre des mesures dans le domaine de l'environnement.
Encore une fois, merci beaucoup.
La séance est levée, mais ne vous éloignez pas trop car nous avons une autre réunion dans environ deux minutes et demie.