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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 125 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 janvier 2019

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous et bienvenue à cette séance du Comité de la défense.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la diversité au sein des Forces armées canadiennes. C'est notre première séance à ce sujet depuis le 18 octobre, ce qui fait un bon moment déjà.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos invitées. Nous accueillons Mme Sandra Perron de la firme A New Dynamic Enterprise, et Mme Kristine St-Pierre du WPS Group. Merci à toutes les deux de votre présence aujourd'hui.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Perron. Vous avez 10 minutes pour nous présenter vos observations préliminaires.
    Mesdames et messieurs, merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
    Il y a 35 ans, je joignais les rangs des forces armées à titre d'officier de logistique avant de devenir officier d'infanterie lorsque le Tribunal des droits de la personne a supprimé tous les obstacles juridiques empêchant d'employer des femmes dans des rôles de combat. Je parle d'obstacles juridiques, car je pense qu'il relève du mythe d'affirmer qu'absolument tous les obstacles ont été éliminés.
    Je ne vais pas vous donner tous les détails de ma carrière militaire, car vous pouvez les trouver dans mon livre, un succès de librairie. On va en tirer un film, et je ne veux pas en révéler le dénouement. C'est toutefois surtout parce que la solution la plus facile pour les responsables consiste à affirmer que les choses ont changé depuis. J'ai vécu ces expériences à l'époque, mais la situation n'est plus la même. On n'agit plus de cette manière.

[Français]

     Je tiens à vous parler des réactions à mon livre, car c'est très révélateur. J'ai reçu quelques centaines de lettres, de notes, de messages, de textos et de courriels à la suite de la publication de mes mémoires Seule au front. Je peux mettre toute cette correspondance dans les quatre catégories, dont je vais maintenant vous faire part.
    Dans la première catégorie, il y a des lettres de femmes qui se reconnaissent dans mon histoire. Chacune d'elles pourrait écrire son propre chapitre assez coloré sur son parcours difficile de haine, d'abus et de rejet. Ces lettres me rendent très triste, pas seulement parce que ces choses se passent encore de nos jours, mais aussi parce que, dans presque toute leur correspondance, elles commencent en me priant de garder cela secret et confidentiel. Elles ont toujours peur aujourd'hui de raconter leur histoire.

[Traduction]

    En second lieu, je reçois aussi des lettres en provenance de femmes qui veulent m'assurer que je n'ai pas livré mes combats en vain. Ces femmes s'épanouissent pleinement au sein de leur unité; elles y sont bien acceptées et appréciées à leur juste valeur. Elles me disent que tout n'est pas encore parfait, mais qu'elles sont reconnaissantes pour la voie que d'autres militaires et moi-même avons tracée pour elles. C'est toujours pour moi une grande joie de recevoir des lettres semblables.

[Français]

    La troisième catégorie regroupe des lettres d'hommes qui ont lu mon livre et qui reconnaissent qu'ils pourraient être de meilleurs défenseurs des femmes, non pas parce que nous sommes faibles ou que nous sommes des princesses ayant besoin d'être sauvées, mais parce qu'ils savent que, pour les femmes qui vivent aujourd'hui dans notre pays, lequel figure en tête des meilleurs endroits où vivre, les plaintes de harcèlement ou d'inégalité peuvent avoir des conséquences dévastatrices. Cette catégorie de lettres me réjouit, car je vois que les femmes de la prochaine auront des alliés pour relever leurs défis.
    Enfin, la quatrième et dernière catégorie est celle qui me touche le plus. C'est une correspondance d'hommes qui s'excusent pour le mal qu'ils m'ont causé. Ils ont lu mon livre et s'y reconnaissent, même s'ils n'y sont pas nommés. Il n'y a qu'une poignée de ces lettres, mais leurs auteurs reconnaissent qu'ils m'ont fait du tort et le mal qu'ils ont causé. Ce qui est remarquable de ces lettres, c'est que beaucoup de ces hommes servent encore au sein des Forces canadiennes.
    Dans le cadre de l'engagement du général Vance envers l'opération Honour et la tolérance zéro, ces lettres signées par des hommes qui reconnaissent leur culpabilité pourraient bien sonner la fin de leur carrière. Ces lettresme donnent un grand espoir et une tranquillité d'esprit, car je sais que ces hommes seront de meilleurs êtres humains, des dirigeants, des leaders et des champions pour les femmes.

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que les Forces armées canadiennes ont amorcé un virage vers une culture militaire plus inclusive et accueillante qui valorise davantage la diversité. Cela se fait toutefois trop lentement. Il ne suffit pas d'amorcer un virage. Une transformation radicale s'impose.
    Il faut absolument faciliter les choses à ceux et celles qui ont été victimes d'abus, leur fournir une tribune pour signaler les inconduites sexuelles, et leur offrir des services de counselling et des soins médicaux. Les Forces armées canadiennes doivent maintenir le cap à ce chapitre.
    Il est difficile et démoralisant d'entendre tous ces récits de sévices subis, mais cela démontre que nous avons créé un environnement où les victimes sentent qu'elles peuvent dénoncer leur agresseur en toute sécurité. C'est une démarche qui témoigne de leur force, plutôt que de leur ressentiment.
(1535)
    Il est impossible de rectifier le tir si l'on n'est pas au courant de la situation. Il faut désormais intervenir en amont pour empêcher que des incidents semblables puissent se produire, et la meilleure façon d'y parvenir, c'est de changer la perception des hommes à l'égard de femmes. Nous devons remettre en question nos paradigmes dans tous les aspects de la formation, du déploiement et de la gestion des ressources humaines.
    Les conflits ont beaucoup évolué depuis la fin de la guerre froide. La guerre de nouvelle génération s'articule autour de missions complexes en rapide mutation exigeant le déploiement de groupes de combat possédant des compétences diversifiées dont certaines sont surtout maîtrisées par les femmes. La présence bien intégrée dans ces équipes de combat de femmes pouvant s'épanouir pleinement est non seulement le reflet des transformations que nous souhaitons voir se produire dans ces États fragilisés, mais peut aussi y contribuer. En effet, dans ces régions du monde ravagées par la violence, il est bon de redonner espoir aux femmes maltraitées, victimisées, dépossédées et violées en leur montrant qu'il est possible pour elles d'aspirer à un meilleur sort.
    Comme je le disais tout à l'heure, rien de plus facile pour un soi-disant leader que de considérer les erreurs commises par le passé pour apporter les correctifs nécessaires pour l'avenir. Il faut toutefois être un véritable visionnaire en examinant les pratiques actuellement en usage pour se demander si elles ne nous feront pas rougir de honte dans 5, 10, 15 ou 20 ans d'ici.
    Permettez-moi de vous donner deux exemples pour vous faire comprendre ce que j'entends par la remise en question de nos paradigmes actuels.
    Il y a d'abord la Mère de la Croix d'argent. Chaque année, nous reconnaissons le sacrifice des mères qui ont perdu un enfant au service de notre pays en désignant la Mère de la Croix d'argent qui est choisie par la Légion royale canadienne. Cette importante tradition nous permet de commémorer avec toute la compassion nécessaire la peine de ces mères de partout dans le monde qui ont perdu un enfant au service de leur pays.
    Le temps est venu de moderniser cette tradition afin de mieux tenir compte des différentes formes de parentalité. Il fut un temps où c'était surtout les mères qui devaient s'occuper des enfants, et il n'était pas rare qu'elles doivent le faire toutes seules lorsque leur époux partait pour la guerre. C'était la norme à ce moment-là, mais les temps ont changé. Bien que nous n'ayons pas encore atteint la pleine égalité, les pères jouent maintenant un rôle de plus en plus important dans la vie de leurs enfants, et on ne devrait pas les exclure lorsque l'on commémore les sacrifices consentis par les parents, tous les parents.
    En désignant uniquement une Mère de la Croix d'argent, on dévalorise le rôle joué par les pères tout en contribuant à la stigmatisation de ceux qui choisissent de prendre un congé parental ou de demeurer à la maison pour s'occuper de leurs enfants. On perpétue par le fait même la perception suivant laquelle les femmes sont les seules qui ont à s'occuper des enfants ou voulant qu'elles aient une contribution plus importante à ce chapitre. C'est néfaste autant pour les hommes que pour les femmes, et ce n'est pas représentatif de la variété des modèles familiaux actuels. Certains militaires ont maintenant deux pères, un père célibataire ou deux mères. Comment choisir? Les sacrifices faits par ces différents parents ne méritent-ils pas la même reconnaissance de notre part? Il est temps que l'on désigne un parent de la Croix d'argent.
    Mon second exemple est lié à la difficulté de recruter des femmes pour occuper des rôles non traditionnels au sein des forces de défense et de sécurité et dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Nous devons tous nous employer à bien faire comprendre aux filles que les possibilités qui s'offrent à elles sont illimitées.
    Je fais du bénévolat pour le Projet Mémoire. Nous nous rendons dans les écoles pour parler des anciens combattants aux jeunes de troisième et quatrième années. Je suis là devant eux avec mes médailles, mon insigne de parachutiste et tout mon attirail militaire, et ils attendent encore l'arrivée du major Perron. Encore aujourd'hui, nos enfants ont une certaine perception de l'allure que devrait avoir un ancien combattant. Il semble toutefois que ce soit la même chose pour les adultes. Au cours des trois dernières années, la Monnaie royale canadienne a frappé de nouvelles pièces à l'effigie de héros canadiens: pompiers, policiers et soldats. Ce sont tous des hommes. La seule exception est une infirmière qui conduit une ambulance. Ce sont tous des personnes de race blanche. Nous continuons de perpétuer cette image. Les fillettes grandissent donc en considérant principalement les domaines traditionnels d'emploi, et nous nous étonnons ensuite de ne pas parvenir à atteindre nos cibles de recrutement.
(1540)

[Français]

     En conclusion, je vous laisse avec cette pensée.
    Les Forces armées canadiennes ne font pas tout cequ'il faut faire en ce qui concerne la diversité et l'élimination de l'inconduite sexuelle. Parfois, ils sont maladroits; parfois, ils essaient tellement fort qu'ils trébuchent, mais je connais plus que quiconque les sacrifices que font nos militaires, et pas seulement sur le champ de bataille.
     Tous les deux ou trois ans, ils déracinent leur famille. Ils doivent trouver une nouvelle école, un médecin et obtenir des plaques d'immatriculation. Ils perdent des amis et l'équité à long terme de leurs maisons. Ils sont éloignés de leur famille. Les hommes et les femmes de nos forces armées méritent non seulement notre loyauté, mais également notre plus grand respect et notre admiration. Je leur dis de garder le cap.

[Traduction]

    Merci.
    Merci beaucoup pour ces commentaires.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme St-Pierre.
    Nous vous écoutons.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Perron.
    Je vais faire ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre aux questions en français.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
    Je m'appelle Kristine St-Pierre et je suis directrice du WPS Group, une organisation regroupant des spécialistes des questions liées à l'égalité entre les sexes et à l'avancement des femmes, de la paix et de la sécurité. Voilà plusieurs années déjà que nous offrons aux policiers canadiens déployés dans le cadre de missions internationales une formation concernant les femmes, la paix et la sécurité. Nous procédons également à des analyses comparatives entre les sexes en plus d'élaborer des stratégies organisationnelles pour la promotion de l'égalité des sexes.
    Je comparais également devant vous en ma qualité de membre du comité directeur du Women, Peace and Security Network - Canada, un réseau de bénévoles regroupant plus de 70 particuliers et organisations non gouvernementales du Canada. Notre réseau a pris les deux engagements suivants: assurer la promotion et la surveillance des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour la mise en oeuvre et le soutien des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité; et offrir une tribune pour les échanges et les interventions de la société civile canadienne dans les dossiers touchant les femmes, la paix et la sécurité.
    Au cours des dernières années, notre réseau a été l'un des interlocuteurs clés du gouvernement du Canada aux fins de la mise en oeuvre de son plan d'action national. J'ai également fourni au Comité notre rapport d'examen des politiques du ministère de la Défense nationale pour 2016.
    Je vais vous exposer aujourd'hui mes points de vue personnels, lesquels s'inspirent toutefois de mes consultations auprès de collègues ainsi que des recherches et analyses menées par le Women, Peace and Security Network - Canada.
    L'un des objectifs stratégiques des Forces armées canadiennes en matière de diversité consiste à « inculquer une culture de la diversité », ce qui exige de « développer une culture organisationnelle militaire plus inclusive et respectueuse démontrant ainsi à la société canadienne que les Forces armées canadiennes adhèrent aux valeurs de la diversité ». Mes observations d'aujourd'hui vont porter sur deux considérations relatives à cet objectif d'inculquer une culture de la diversité.
    Je veux d'abord traiter de la nécessité d'adopter une politique d'ensemble englobant les enjeux liés à l'égalité entre les sexes et à la diversité. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont pris de nombreux engagements relativement à l'équité, l'égalité et la diversité. On peut penser notamment à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, un engagement législatif à adopter des pratiques d'emploi proactives pour accroître la représentation des membres des quatre groupes désignés, y compris les femmes. Il y a aussi les engagements pris dans le cadre de l'opération Honour qui vise à éliminer les comportements sexuels préjudiciables et inappropriés au sein de nos forces militaires. Notons aussi la stratégie pour la diversité qui préconise la reconnaissance, l'adoption et la promotion active de la diversité à titre de valeur institutionnelle fondamentale des Forces armées canadiennes. Ajoutons à cela les engagements pris dans le cadre du plan de la Défense 2018-2023 en faveur de l'intégration des considérations sexospécifiques aux plans, aux politiques et aux opérations de la défense. Il y a enfin les engagements découlant du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité dont les objectifs sont principalement liés à l'amélioration de la gouvernance, de la formation et de l'éducation, de la reddition de comptes, du recrutement et de l'intégration des considérations relatives au sexe dans les opérations des forces militaires.
    Ces différents engagements visent des objectifs distincts mais se recoupent pour produire des résultats importants. L'efficacité des efforts déployés dans le cadre de l'opération Honour pour créer un environnement exempt de discrimination et de harcèlement sexuel contribuera grandement à faciliter le recrutement par les Forces armées canadiennes d'un plus grand nombre de femmes et de membres des différents groupes désignés. Il est en outre essentiel de pouvoir recruter davantage de femmes pour respecter nos engagements en vertu du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité. Ce plan d'action national peut quant à lui devenir un outil essentiel à l'intégration par le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes des considérations liées au sexe à leurs plans, leurs politiques et leurs opérations à l'étranger.
    J'estime primordial de mettre en place un cadre stratégique global articulant toute la gamme des engagements liés à la diversité et à l'égalité entre les sexes dans le contexte de la mise en oeuvre des recommandations du rapport Deschamps; de l'opération Honour; du plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité; de la quête d'une diversité accrue au sein des Forces armées canadiennes, notamment via une plus grande participation des femmes; du recours à l'analyse sexospécifique plus pour toutes les politiques et les opérations; et de l'élimination des comportements et des pratiques sexistes et homophobes
(1545)
    Un tel cadre stratégique global serait bénéfique à plusieurs égards. On s'assurerait ainsi d'une action plus cohérente quant aux suites à donner aux différents engagements ainsi qu'une meilleure coordination entre les différentes unités et divisions du ministère et des forces armées. On pourrait définir plus clairement l'importance accordée aux différents engagements et les liens qui les unissent. Cela faciliterait en outre les communications à tous les paliers relativement à ces questions en plus de montrer bien clairement à la population quelles sont les intentions du ministère et des forces armées en matière d'égalité et de diversité.
    Plus important encore, on enverrait ainsi un message clair en faveur d'un changement transformationnel dans la façon dont les forces armées envisagent leur travail. On ferait comprendre aux gens qu'Il ne s'agit pas seulement d'intégrer de nouvelles personnes pour accomplir le même travail, mais aussi de profiter de l'occasion pour modifier les façons dont on a toujours fait les choses. Cette démarche témoignerait en outre d'une volonté de revoir les structures mêmes au sein desquelles on veut intégrer davantage de femmes et de membres de divers groupes.
    Ma seconde considération est liée à la nécessité de tendre vers une plus grande diversité au sein des forces, non seulement parce que cela va les rendre plus efficaces, mais aussi parce que c'est une question d'équité.
    Voici d'ailleurs ce qu'indiquent les forces armées dans leur stratégie pour la diversité: « ... nous reconnaissons et allons promouvoir activement dans nos pratiques, nos politiques et notre culture institutionnelle, une stratégie à l'égard de la diversité. » Une recherche rapide nous révèle toutefois qu'aussi bien les déclarations récentes des forces armées que les reportages médiatiques portant sur leur stratégie en matière de diversité font valoir que celle-ci va permettre d'améliorer l'efficacité. Précisons que les forces armées ne sont pas la première organisation à surtout faire valoir les avantages du point de vue opérationnel que peut lui procurer la diversité et la prise en compte des considérations relatives au sexe.
    De nombreux travaux de recherche portant sur d'autres industries et le milieu des affaires démontrent les avantages d'une main-d'oeuvre diversifiée et de l'accession d'un plus grand nombre de femmes à des postes de direction. Les chercheurs ont par exemple démontré que les groupes diversifiés sont généralement plus intelligents et aptes à prendre de meilleures décisions que ceux qui sont homogènes. Les entreprises ayant nommé plus de femmes à des postes de direction se tirent généralement mieux d'affaire financièrement, et les unités fonctionnelles bénéficiant d'une plus grande diversité entre les sexes obtiennent de meilleurs résultats financiers. L'Agence américaine pour le développement international a noté pour sa part que l'élimination de la discrimination à l'endroit des femmes en milieu de travail peut accroître la productivité. Des résultats de recherche publiés dans le Harvard Business Review indiquent que la diversité organisationnelle mène à une meilleure capacité d'innovation, et ce, plus rapidement. En outre, un bassin plus diversifié d'employés donne accès à une meilleure capacité de réflexion et de prise de décisions.
    Il ne fait aucun doute que la présence d'un soldat canadien parlant le pachto peut être bénéfique pour une mission en Afghanistan, ou que la participation de soldates peut faciliter l'accès aux femmes du pays ou permettre de les soumettre à une fouille. Il ne faut toutefois pas perdre de vue pour autant les impératifs liés aux droits de la personne et à l'égalité entre les sexes et veiller à inculquer ces valeurs à l'ensemble du personnel. Il faut absolument une action réfléchie et soutenue à cet égard si l'on veut changer la culture des Forces armées canadiennes.
    Il est notamment primordial que la quête de diversité et l'intégration des considérations liées au sexe ne mènent pas à l'instrumentalisation des droits des femmes. Margaret Jenkins, membre du Women, Peace and Security Network - Canada, soutenait dans une publication récente que l'accent mis sur l'efficacité opérationnelle:
risque d'instrumentaliser la participation des femmes — c'est-à-dire qu'elles sont mobilisées pour les missions de paix et de sécurité en raison de leur contribution particulière, et que tout échec sera attribué à leur inefficacité... Les femmes devraient pouvoir participer de plein droit aux missions de paix et de sécurité parce qu'elles ont droit aux mêmes possibilités que les hommes, et non en raison des avantages pouvant être tirés de leur participation.
    De nombreuses variables influent sur la réussite et l'impact de la participation et de l'intégration des femmes, y compris la persistance de comportements et de préjugés sexistes autant chez les hommes que chez les femmes. Il sera extrêmement difficile d'agir pour changer ces comportements et ces préjugés profondément ancrés à l'égard des femmes et des membres de différents autres groupes si nous n'inscrivons pas dès le départ l'égalité et la diversité dans nos valeurs institutionnelles fondamentales. C'est à la fois la chose intelligente à faire et la bonne chose à faire.
(1550)
    En conclusion, je veux d'abord reconnaître les efforts importants et soutenus du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes en faveur de l'égalité et de la diversité. Je veux en outre souligner que l'objectif d'inculquer une culture de la diversité doit être considéré dans une perspective à long terme exigeant des efforts de tous les instants de la part de tous les membres des forces armées, en commençant par les hauts gradés.
    En terminant, je veux rappeler à quel point il est important que les militaires comblent leur manque d'expertise en matière d'équité entre les sexes en apprenant à tirer parti de celle acquise par la société civile — et notamment par des organisations comme le Women, Peace and Security Network - Canada — pour en arriver à bien comprendre tous les enjeux liés à cette problématique.
    Je vous remercie.
    Merci pour votre témoignage.
    Avant d'aller plus loin, je vous signale que nous avons eu un petit problème avec l'interprétation. L'audio anglais était transmis via le canal français. Il y a eu inversion, mais le tout a été réglé.
    À ce sujet, je sais qu'il arrive souvent que certains interprètes... Dans nos anciennes installations, vous deviez vous faire plus discrets, mais nous avons maintenant cette cabine insonorisée qui vous permet de parler plus fort de telle sorte que nous puissions tous bien vous entendre sans avoir à jouer sans cesse avec le volume.
    Je sais que vous avez tous au moins deux appareils électroniques, quand ce n'est pas trois, et je vous demanderais simplement de vérifier encore une fois si vous les avez bien mis en mode silencieux, car j'ai entendu quelques cloches et sifflets.
    Je rappelle à tous que lorsque je brandis ce carton, la personne qui a la parole doit commencer à songer à conclure. Il ne s'agit pas de vous interrompre d'un coup sec; nous vous laissons 30 secondes. Vous pouvez le faire élégamment en récapitulant vos remarques avant que nous passions au prochain intervenant. Je dois assurer le respect du temps imparti de telle sorte que chacun ait une chance équitable de participer aux échanges.
    Cela dit, je vais maintenant céder la parole à M. Spengemann pour les sept premières minutes de questions.
    Merci beaucoup, major Perron et madame St-Pierre, de votre présence aujourd'hui. Merci pour l'expertise dont vous nous faites bénéficier et pour les services rendus à notre pays. Vous accomplissez un travail très important.
    J'aimerais d'abord que nous jetions un coup d'oeil à ce tableau que je remercie nos analystes d'avoir préparé. On y présente en parallèle la proportion de femmes et de membres des minorités visibles au sein des forces armées en 2018. Comme on pouvait s'y attendre, au fur et à mesure que l'on avance dans la hiérarchie, en allant, du côté des sous-officiers, des simples soldats jusqu'aux grades supérieurs d'adjudant-maître et d'adjudant-chef, et par ailleurs des élèves-officiers jusqu'au général, on note une forte baisse du nombre de femmes et de membres des minorités visibles. Il est un peu gênant de constater qu'il y a seulement deux catégories, et ce, pour les femmes, où l'on franchit la barre des 20 %. En 2018, les femmes comptaient pour 24,4 % des lieutenants et 21,1 % des élèves-officiers. Dans toutes les autres catégories, la proportion est inférieure à 20 % pour devenir malheureusement nulle lorsqu'on atteint les grades de général.
    Je ne veux pas consacrer tout mon temps à l'analyse de ces données. J'aimerais que vous puissiez toutes les deux nous dire quels sont les obstacles qui empêchent les femmes et les membres des minorités visibles d'atteindre les grades supérieurs, tant du côté des sous-officiers que chez les officiers. Vous pouvez nous donner des exemples précis, si vous le désirez. Vous avez été sans doute toutes les deux témoins de situations ou d'incidents pouvant nous permettre de mieux comprendre pourquoi on ne retrouve pas de femmes ou de membres des minorités visibles aux échelons supérieurs.
     C'est une très bonne question. L'autre jour, je portais un t-shirt sur lequel il était écrit « Vous me devez 21 ¢ ». L'idée est de susciter des discussions sur les disparités salariales entre les hommes et les femmes. L'un de mes amis militaires m'a dit: « Heureusement, cela n'existe pas dans l'armée, parce qu'à grade égal, nous avons droit à une paye égale. » Je lui ai répondu que s'il n'y a que 10 % de femmes parmi les hauts gradés et que 90 % des forces déployées se composent d'hommes, c'est synonyme d'occasions ratées pour les femmes. C'est que les femmes restent à la maison pour s'occuper de leurs proches, de leur famille, de personnes âgées, et que cela nuit à leur carrière.
    Si l'on se demande pourquoi les femmes ne progressent pas plus, il suffit de regarder les chiffres sur le nombre d'hommes qui prennent un congé parental ou s'occupent de personnes âgées. Encore aujourd'hui, selon les statistiques, les soins aux aînés sont offerts par des femmes dans 70 % des cas. Cela signifie qu'elles perdent des occasions de déploiement, qu'elles ratent des occasions d'exercer leur leadership et d'obtenir le genre d'évaluation personnelle qui leur procurerait une promotion et tout le reste. Je pense que c'est l'une des très grandes raisons pour lesquelles les femmes ne montent pas dans la hiérarchie.
(1555)
    Merci.
    Madame St-Pierre.
    Évidemment, je suis d'accord.
    J'ajouterais qu'il y a beaucoup de recherches qui ont été faites sur les obstacles aux femmes dans les diverses armées du monde. Il y a des obstacles réels, mais il y a aussi les perceptions. Il y a effectivement ce que le major Perron a mentionné, c'est-à-dire les effets du déménagement sur la famille et la perception d'une institution militaire dans laquelle la violence sexuelle est endémique. Ce peut être une perception, mais c'est aussi une réalité. Les perceptions retiennent certaines personnes de se joindre à l'armée, mais peuvent aussi les empêcher de monter dans la hiérarchie.
    Il y a aussi un coût professionnel à la maternité et à l'aptitude de prendre congé. Ce n'est pas qu'une perception attribuable à ce qu'on peut lire dans les journaux. L'idée selon laquelle il faut choisir entre sa carrière et sa famille quand on monte dans la hiérarchie est encore plus apparente. Il y a des normes sociales qui définissent les genres. L'armée est perçue comme un espace dominé par les hommes, où il faut prendre des traits masculins et agir comme un homme pour être accepté. Ces facteurs s'additionnent pour créer un environnement qui n'est pas toujours propice à ce que les femmes veuillent rester dans l'armée. Cela s'applique aussi aux autres groupes de la diversité, notamment aux membres de la communauté LGBTQ2. L'environnement de harcèlement et de discrimination joue sûrement un rôle là-dedans.
    Je pense qu'il est extrêmement important d'aspirer à la création d'un milieu propice et au respect de toutes les promesses faites par le MDN et les FAC. S'ils arrivent à respecter toutes ces promesses, y compris à susciter un changement de mentalité et de culture, cela pourrait changer la donne.
    Major Perron, vous avez été la première femme officière dans l'infanterie au Canada. Je ne sais pas si vous l'avez mentionné dans votre déclaration préliminaire, mais c'est évidemment tout à votre honneur.
    J'aimerais parler quelques instants des corrélations qui existent et des femmes issues des minorités visibles. Nous parlons beaucoup de la communauté LGBTQ2, mais nous parlons moins des Canadiens d'identité de genre ou d'expression non binaire. Devons-nous y accorder plus d'attention et quelle est l'importance de ce travail si l'on fait le parallèle avec les catégories de l'égalité des sexes et des minorités visibles?
    La réponse est simple: tout à fait, nous devons y consacrer plus de temps et de réflexions. C'est tellement loin de la zone de confort de bien des gens. Beaucoup de personnes imprégnées de la culture traditionnelle n'ont jamais été exposées à cela. Il faut en parler, exposer les gens à ces réalités; il faut aussi revoir nos paradigmes à l'égard de toutes les questions non binaires.
(1600)
    Merci, monsieur le président. C'est tout le temps que j'avais.
    Je vous remercie toutes deux.
    Merci.
    La suivante sera Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Perron.
    Dans son rapport de l'automne 2018, le vérificateur général a été particulièrement critique à l'égard de l'opération Honour. Il a évoqué des séances d'information et des enseignements fragmentés, un soutien insuffisant aux victimes et un manque de respect envers elles.
    Pouvez-vous dire au Comité ce que vous pensez du rapport du vérificateur général sur l'opération Honour?
    Je pense que l'opération Honour était un mal nécessaire, en ce sens qu'elle nous a propulsés vers l'avant et nous a obligés à examiner les problèmes. Je fais beaucoup de présentations à des bataillons, à des unités de combat, et je sens qu'il ne faut pas trop leur parler de l'opération Honour. Ils ne veulent plus en entendre parler. Les contrecoups de cette opération sur les femmes sont atroces. Elles sentent que c'est de leur faute si tout le monde doit se soumettre à des séances d'information sur le harcèlement, ce qui a beaucoup d'effets négatifs, mais cela a des effets positifs aussi. Cela a fait éclater la vérité au grand jour.
    On ne peut pas ordonner aux soldats de respecter les femmes, les membres des communautés LGBT, des minorités visibles ou de tout autre groupe désigné. Il faut générer des situations qui créent un déclic dans l'esprit des militaires et les amènent à se dire: « Wow! nous sommes chanceux d'avoir des femmes parmi nous », parce que les femmes de leurs pelotons peuvent les aider à mieux réussir un exercice d'une certaine façon.
    Si nous structurons notre formation de manière à ce que les femmes soient valorisées, dans des contextes comme en Afghanistan ou à Haïti, où des femmes ont exercé un leadership en parlant avec les femmes du côté des belligérants pour établir des liens, les hommes verront que s'ils n'avaient pas de femmes parmi eux, ils n'auraient pas accès à toute cette information, et à ces renseignements précieux. Nous ne le faisons pas. Nous les forçons à respecter les femmes, puis nous créons des courses à obstacles qui mettent en lumière les faiblesses physiques des femmes plutôt que leurs forces.
    C'est ce que j'entends par un changement de paradigme.
    Avez-vous déjà entendu le sobriquet de l'opération Honour « hop on 'er ».
    Plus souvent que je ne peux le compter.
    De quel régiment faisiez-vous partie?

[Français]

     Il s'agissait du Royal 22e Régiment.

[Traduction]

    Je n'ai pas lu votre livre, mais je le ferai peut-être si vous piquez assez ma curiosité. Dans votre exposé, vous avez mentionné avoir été souvent victime de harcèlement, d'agression sexuelle et de viol.
    Dans quel genre de circonstances une agression comme le viol a-t-elle pu être commise contre vous? Vous n'êtes pas la seule femme à l'avoir vécu. Cela arrive encore aujourd'hui. Dans quel genre de circonstances les femmes peuvent-elles se trouver dans une telle situation de vulnérabilité?
    Je pense qu'il n'y a pas qu'un type de circonstances où cela peut arriver. Il y a toutes sortes de situations dans lesquelles les femmes se font harceler, agresser et oui, violer. Je ne suis pas ici pour vous parler de ma propre histoire, mais je reçois des lettres de femmes qui ont vécu toutes sortes d'inconduites sexuelles. C'est différent pour chacune. Parfois, elles font confiance à leur supérieur. Parfois, elles font confiance aux collègues avec qui elles seront déployées en théâtre de guerre et c'est là où elles se mettent en situation de vulnérabilité et se font agresser.
    Je ne crois pas qu'il n'y ait qu'une réponse à cette situation, qui arrive plus à ces femmes que partout ailleurs, dans tout autre régiment, même.
    Avant que l'opération Honour ne soit officiellement lancée et avant les élections de 2015, notre comité se faisait dire à répétition par des femmes militaires que quoi qu'on fasse, quelle que soit la solution proposée, il fallait extraire les volets enquête et services policiers de la chaîne de commandement.
    Compte tenu des systèmes en place actuellement, est-ce toujours aussi nécessaire? Faut-il exiger que la chaîne de commandement reste hors de l'enquête et de tout le suivi quand un incident est signalé à la police militaire?
(1605)
    Absolument, je pense que c'est essentiel.
    Les victimes d'agression ou d'inconduite sexuelle se trouvent souvent obligées de signaler l'incident à un officier ou à un haut gradé qui n'a pas reçu de formation sur les méthodes d'enquête et d'entrevue adaptées aux victimes d'inconduite sexuelle. Il y a toutes sortes de blocages, de perceptions et d'idées préconçues sur les femmes qui dénoncent une inconduite. C'est dévastateur pour leur carrière.
    Il y a une raison pourquoi les femmes m'écrivent de ne le dire à personne. Elles ont toujours peur de la chaîne de commandement.
    D'accord.
    D'après ces lettres, avez-vous toujours l'impression que les hommes se couvrent les uns les autres?
    Oh! Mon Dieu! Oui, tout à fait. Pas toujours. Il y a beaucoup de situations où ils ne le font pas, mais oui, tout à fait, ils s'appuient les uns les autres, ils se tiennent entre eux.
    Avez-vous eu la chance de lire le rapport du vérificateur général?
    Oui.
    Quel genre de questions auriez-vous à poser au vérificateur général après votre lecture?
    Ai-je le temps de répondre à la question?
    Vous avez environ 10 secondes, mais je suis presque certain qu'il restera du temps à la fin de ce cycle de questions.
    Nous pourrons peut-être y revenir, alors, parce que nous aimerions bien poser ces questions au vérificateur général. J'espère que le Comité aura la chance de le faire lui aussi.
    J'en prendrai bonne note.
    Merci.
    Madame Blaney, je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.
    Je vous remercie infiniment d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de ce témoignage. Je comprends vraiment ce que vous nous dites. Je pense qu'il est important de ne pas oublier que quand il y a un prédateur qui rôde, ce n'est pas vraiment à la victime de faire en sorte qu'il ne réussisse pas à s'en prendre à elle. Je tiens à le souligner.
    Je commencerai par vous, major Perron. Le vérificateur général parle un peu, dans son rapport, du recrutement et des défis à cet égard. Par contre, on n'entend pas beaucoup parler — et peut-être que c'est parce que je n'ai pas compris — des questions de promotion et de rétention. Je constate qu'on ne voit pas encore beaucoup de femmes obtenir une promotion, même si les choses s'améliorent un peu, mais encore faut-il arriver à les retenir. Les femmes sont là, mais si elles ne peuvent pas obtenir de promotion — et c'est le son de cloche que je reçois de nombreuses femmes dans les FAC —, elles finissent par partir vers là où elles auront accès à des promotions.
    J'aimerais que vous nous en parliez un peu, et si vous voulez intervenir ensuite, ce serait apprécié.
    Les femmes quittent les forces pour diverses raisons et pas seulement pour des questions de promotion. Les promotions et l'avancement de la carrière entreront toutefois en ligne de compte pour n'importe quelle femme qui a travaillé si fort pour établir sa carrière, mais il y a tellement d'autres exigences qui lui prennent du temps qui nuiront à sa carrière. Si elle est prête à faire tous les sacrifices nécessaires pour être déployée huit mois en ex-Yougoslavie ou dans n'importe quel autre théâtre de guerre, elle voudra voir ses efforts reconnus et pouvoir progresser au même rythme que ses pairs, mais selon les données, ce n'est pas ce qui se passe.
    Pourquoi? Parce qu'on considère que ce qui est mesuré correspond à ce qui est fait, et dans les unités, on ne mesure pas le succès ni les progrès des femmes. On ne le fait pas non plus au collège militaire. Quand je siégeais au Conseil des gouverneurs du collège militaire, toutes les années, je demandais pourquoi nous ne mesurions pas le succès des femmes. Nous mesurons le nombre de femmes qui entrent dans l'armée, au moment du recrutement, puis quand elles échouent, nous ne nous demandons pas pourquoi. Nous ne le mesurons pas. Nous n'observons pas le phénomène.
    Nous avons besoin de meilleures données à toutes les étapes. Les entreprises recueillent des données à toutes les étapes. J'ai travaillé comme gestionnaire chez General Motors et Bombardier. Nous utilisions des indicateurs pour évaluer le succès des membres de groupes désignés à toutes les étapes de leur carrière pour nous assurer de faire ce qu'il faut. Quand nous constations que les femmes n'obtenaient pas de promotion, nous analysions le phénomène. Nous nous attaquions au problème et nous demandions pourquoi nous perdions ainsi nos femmes. Parfois, c'était une question de conciliation travail/famille, mais il arrivait aussi que ce soit pour des raisons liées à l'avancement de la carrière.
(1610)
    Merci.
    Vous avez dit que l'opération Honour avait été chaotique. C'est une partie chaotique du processus. Quand on lit le rapport du vérificateur général, on se rend compte qu'il y a un manque de formation sur la façon d'accueillir la personne qui dénonce une situation. Il y a beaucoup d'inquiétude à l'idée de dénoncer et de ce qui peut arriver ensuite. Les victimes savent ce qui les attend. Elles peuvent se dire: « On me l'avait dit, et maintenant je dois m'adresser à la chaîne de commandement. Est-ce que je le fais? Est-ce que je les écoute? » C'est ce qui préoccupe les femmes.
    J'aimerais que nous parlions un peu de ce chaos et de la richesse qui peut en ressortir.
    Nous demandons aux dirigeants de tous les niveaux, depuis le grade de sergent, de donner des cours sur la diversité et le harcèlement. Ils se trouvent ensuite devant une classe contre leur gré, ils n'y croient pas. Ils n'ont jamais eu de problème eux-mêmes avec les femmes, donc ils se demandent pourquoi ils devraient même se pencher sur la question. La première chose qu'ils disent quand ils se retrouvent devant une classe — pas toujours, mais c'est une grande partie du problème —, c'est: « Cette formation est obligatoire, donc vous allez l'accepter et vous taire pendant la prochaine demi-heure. Vous signerez ensuite le papier qui dit que vous avez reçu une formation sur le harcèlement. Si l'un d'entre vous fait quelque chose de mal après, j'aurai votre signature manuscrite pour prouver que vous étiez au courant. »
    Ils n'y croient pas. L'information est donnée sans conviction, et c'est le problème.
    Oui. Je comprends la difficulté. Je pense que l'une des choses contre lesquelles l'armée se bat, et contre lesquelles je me bats aussi de l'extérieur, c'est la culture interne qui crée cette ambiance. Il faut nous demander comment nous attaquer aux causes profondes de cette culture.
    Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.
    La carrière de militaire ne date pas d'hier. Je ne dirais pas qu'elle est aussi vieille que d'autres, mais les hommes font la guerre depuis des siècles. Ce n'est que depuis quelques dizaines d'années que les femmes se battent à leurs côtés, donc c'est une culture qui prendra beaucoup de temps à s'établir, à évoluer. C'est un fait. Pour accélérer le processus, nous devons intervenir en amont et créer des conditions favorables dès la formation pour que les femmes soient valorisées et que soudainement, les hommes se rendent compte qu'ils sont encore plus forts à la guerre quand des femmes se battent à leurs côtés. Ce n'est pas à entendre parler de diversité en classe qu'ils l'apprendront. C'est ainsi que la culture changera.
    Si vous en parlez avec les 42 artilleurs antichars qui ont été déployés en Croatie avec moi, vous verrez qu'ils sont convaincus de la place des femmes au combat, mais qu'ils ne l'étaient peut-être pas tellement avant. Nous avons créé des conditions propices pour que les hommes valorisent les femmes parce qu'elles apportent quelque chose et non parce qu'ils se le sont fait dire et parce que c'est la bonne chose à faire sur le plan politique.
    Je pense que Kristine l'a mentionné.
    C'est intéressant, parce que cela signifie qu'il faut surtout veiller à ce que des femmes assument des postes de leaders pour que tous puissent le voir et que cela devienne une réalité concrète.
     Cela me ramène à ce que tant de femmes se font dire, à la partie difficile de l'histoire, c'est-à-dire au fait que les femmes peuvent être blessées dans l'armée. C'est une autre chose qui est assez chaotique dans les mesures de recrutement pour attirer les femmes.
    Absolument.
    Comment arriverons-nous à recruter des femmes aux plus hautes fonctions si elles ont l'impression qu'elles n'y seront pas en sécurité?
    Je laisserai Kristine répondre à cette question.
    Il faut commencer par le début, par ce que fait le major Perron dans les écoles pour changer les perceptions, changer la mentalité. Il faut commencer par l'éducation, au CMR ou même ici. C'est clairement un premier pas dans la bonne direction que de montrer que nous pouvons tous travailler ensemble.
    Merci.
    Le dernier bloc de questions de sept minutes ira à M. Robillard.
    La parole est à vous.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Perron.
    Dans votre livre Seule au front, vous parlez des difficultés auxquelles vous avez fait face lorsque vous avez voulu témoigner des agressions que vous aviez subies.
     Pouvez-vous nous dire à quoi étaient liées ces difficultés?
(1615)
    Je veux d'abord dire qu'à l'époque, je pensais être le problème. C'est le cas de bien des femmes aujourd'hui. Je pensais que j'étais la cause des agressions, qu'il s'agisse de viol ou d'autres transgressions, de rejet ou de la façon dont mes collègues me traitaient. Je me disais que j'étais nouvelle, que j'étais en train de paver la voie, que j'étais la première et que, de ce fait, ils ne comprenaient pas, mais qu'ils allaient s'habituer à moi. C'était la première raison.
     La deuxième, c'est que je ne pouvais pas me plaindre à un commandant qui ne croyait pas en ce que je représentais en tant que femme dans l'infanterie. Je ne pensais pas qu'on m'appuierait.
    La troisième raison, c'est qu'il y avait un millier de transgressions. Comment aurais-je pu aller voir un commandant et lui dire que les gars avaient mis des œufs dans mes bottes ou volé mon béret? Il m'aurait dit:

[Traduction]

    « Endure, princesse. »

[Français]

    Il m'aurait dit que, comme je faisais désormais partie de l'infanterie et que je me trouvais par le fait même « dans la cour » des hommes, il fallait que j'endure certains traitements. Il m'aurait dit que c'était cela, l'infanterie. Tous ces facteurs ont fait que je n'ai pas pu parler. Je ne me sentais pas à l'aise. Moi, j'avais comme mission de faire partie de l'infanterie, et tout le reste était secondaire.
     Vous a-t-il fallu un certain temps pour sortir de cette spirale?
    Oui, il m'a fallu 25 ans pour trouver le courage de raconter mon histoire.
    Récemment, le ministère de la Défense nationale a commencé à offrir à tous ses membres un atelier intitulé « Respect dans les Forces armées canadiennes ». Ces nouveaux ateliers sont dirigés par des experts et prévoient des discussions avec les participants.
    Comment de tels ateliers peuvent-ils contribuer à faire évoluer la culture dans les Forces armées canadiennes?
    Ces ateliers sont importants. Par contre, c'est comme lorsqu'on apprend à faire du vélo. On ne peut pas réunir une foule de gens dans une salle et leur expliquer comment faire du vélo. C'est sur un vélo que cela s'apprend. Il faut faire des erreurs quelques fois, tomber et se faire mal pour réaliser que faire du vélo, ce n'est pas si facile. On peut offrir des ateliers, des cours et de la formation, mais ce n'est pas de cette façon qu'on apprend le respect. Il faut se trouver dans des situations qui, de par leur nature, les gens à respecter leurs collègues — hommes ou femmes.
    Mes prochaines questions s'adressent à Mme St-Pierre.
    Dans un article sur le Plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité, vous avez souligné l'importance de l'évaluation des initiatives prises par le gouvernement.
    De quelle façon les Forces armées canadiennes peuvent-elles améliorer l'évaluation de l'impact de l'opération Honour?
    Il s'agirait d'abord de déterminer si les femmes se sentent plus à l'aise de rapporter des transgressions. Il faudrait voir, à l'aide de questionnaires et de discussions, s'il y a une amélioration quant à la possibilité de rapporter une transgression. L'environnement dans lequel elles travaillent s'est-il amélioré? Se sentent-elles en sécurité dans cet environnement? Les transgressions continuent-elles? Le respect est-il présent? Leur travail est-il valorisé?
    Je pense que ce serait des façons de mesurer l'impact de cette opération.
(1620)
    Au cours de votre carrière, vous avez dispensé de la formation sur les violences sexuelles à du personnel militaire au Nigeria. Pouvez-vous nous parler de vos expériences en matière de formation et des enseignements que pourrait en tirer ce comité?
    Oui. Au Nigeria, il s'agissait d'un groupe defemmes policières. Nous traitions des violences sexuelles basées sur le genre et de la façon dont la police pouvait accepter les victimes et les rencontrer dans le cadre d'entrevues. Sur le plan de la formation, je suis complètement d'accord sur ce que dit Mme Perron. S'entraîner en classe n'est pas suffisant. Il faut, au moyen de scénarios et d'études de cas, se mettre dans des situations où l'on fait face à diverses difficultés et où il faut travailler ensemble pour s'en sortir.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous passerons maintenant à des séries de questions de cinq minutes, et nous commencerons par M. Fisher.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie infiniment de votre témoignage. Je vous remercie d'être ici et je vous remercie de votre service.
    Je m'adresserai au major Perron. Vous avez dit — et je pense que c'est une citation de l'une des lettres que vous avez reçues — que les choses ne sont pas encore parfaites. Vous avez dit que nous avons « amorcé un virage » vers quelque chose de mieux, mais que cela se fait trop lentement et qu'« une transformation radicale s'impose ». Donc si vous pouviez concevoir vous-même l'opération Honour, de quoi aurait-elle l'air? Que feriez-vous? À quoi ressemblerait cette transformation radicale selon vous?
     Il y a plusieurs pistes de réponses que j'approfondirais. Je vous dirais premièrement qu'il faut intervenir en amont pour prévenir ce genre de choses. Il faudrait pour cela que chaque femme ou membre d'un groupe désigné ait un mentor de son choix, homme ou femme. Il y a des programmes de mentorat dans l'armée, mais on ne s'en sert pas.
    Deuxièmement, il devrait y avoir des entrevues de départ. Quand des femmes quittent l'organisation, on devrait les interroger pour connaître leur expérience et en tirer des leçons.
    Il y a aussi toute la formation que nous offrons, et je l'ai déjà mentionné. Il faut revoir la formation, y compris les courses à obstacles, pour faire ressortir ce que différentes personnes peuvent faire. C'est l'une des choses que je changerais dans l'opération Honour.
    Vous avez dit: « C'est l'un des ». Pensez-vous qu'il faut modifier légèrement le programme ou le revoir en profondeur?
    Je pencherais pour quelque chose qui serait entre les deux, pas une refonte totale ni quelques améliorations. Je crois qu'il faudra pas mal de modifications.
    Le deuxième facteur, c'est celui des données. Nous devons recueillir de meilleures données. Aux fins de l'opération Honour, très peu de données sont conservées sur le nombre d'infractions ou de plaintes. Or, il faudrait avoir des données pour chaque unité. Chaque unité à chaque échelon devrait faire l'objet d'un suivi non seulement en fonction des plaintes, mais également en fonction du cheminement professionnel, des taux d'échec et de réussite, du recrutement, des réussites et des échecs aux cours, et des raisons sous-jacentes. Parfois, c'est tout simplement une question d'équipement. Dans d'autres cas, c'est la façon dont les cours ont été conçus.
    Je fais partie de ceux qui croient que les normes en matière de compétences physiques ne devraient jamais être modifiées ou réduites pour un groupe de personnes. Si l'ennemi construit des murs de deux mètres, chaque soldat devrait pouvoir escalader des murs de deux mètres. Cependant, si nous disons que tous nos soldats doivent faire 1,70 mètre parce que nous avons retenu le fournisseur le moins cher pour construire un aéronef et c'est la taille minimale qu'il faut avoir, il y a un problème. Les normes légitimes ont leur place, mais il faut contester les autres.
    Donc, ce qui peut être mesuré peut être fait.
    Tout à fait.
    J'ajouterais cependant que les unités n'ayant jamais enregistré de plaintes devraient être fichées, selon moi, et les unités faisant l'objet de nombreuses plaintes devraient être félicitées et se voir offrir plus de formation et de mentorat.
(1625)
    Kristine, je vous pose la même question. Vous avez parlé de votre objectif, qui consiste à rendre la culture militaire plus inclusive, à y inculquer la diversité et l'égalité des sexes. Si vous étiez chargé de concevoir, de refaire ou de modifier l'opération Honour, que feriez-vous?
    Je soulignerai le besoin de données désagrégées. Ce n'est pas difficile, et pourtant les lacunes sont partout. Qu'il s'agisse d'opérations de maintien de la paix ou de police dans un contexte militaire, le besoin de données est toujours exprimé. Même lorsqu'il s'agit de fixer des cibles pour recruter davantage de femmes ou avoir des groupes plus diversifiés, il faut comprendre qui se présente, pourquoi certaines personnes abandonnent et qui gravit les échelons. Ma priorité numéro un, ce serait d'avoir un mécanisme qui permettrait de disposer de données solides et d'être ensuite en mesure de les analyser et de les comprendre.
    Ensuite, je crois que l'un des gros problèmes, c'est la communication. On peut bien fixer des cibles et avoir des programmes ambitieux, mais si on communique mal au sein de l'organisation et si on a des gens qui ont une perception erronée quant à l'opération Honour ou n'en comprennent pas la raison d'être, on ne réalisera pas de progrès. Je crois qu'il faut avoir un plan de communication solide et efficace qui permet à chacun, allant du haut de l'échelle jusqu'en bas, de bien comprendre pourquoi nous le faisons et pourquoi c'est tellement important de changer la culture de l'organisation militaire.
    Vous avez un peu dépassé le temps, mais je voulais vous entendre.
    Je cède maintenant la parole à M. Martel.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Perron, votre parcours m'impressionne beaucoup. C'est pour cela que je vais commencer par vous.
    En 1992, vous êtes devenue la première femme des Forces armées canadiennes à intégrer une unité de combat. Je trouve votre parcours impressionnant. Je suis curieux de savoir combien de femmes, après vous, ont réussi à intégrer une unité de combat.
    Il n'y en a pas beaucoup. Vingt-cinq ans après avoir obtenu mon diplôme, 0,7 % des membres de l'infanterie, de laquelle je faisais partie, sont des femmes. La progression est lente. Les femmes sont en train de prendre leur place lentement, mais il y a quand même des progrès.
    Quand des femmes veulent joindre l'armée, leur objectif premier est-il d'intégrer une unité de combat?
    Cela dépend des femmes. Les femmes connaissent probablement moins bien les armes de combat. L'armée est habituée à voir des femmes dans des métiers traditionnels, par exemple infirmière, commis, diététicienne ou logisticienne. À l'occasion, on les encourage à joindre une unité de combat. Les gens des centres de recrutement ont peut-être reçu comme instruction qu'il faut recruter des femmes dans les unités de combat, mais leurs croyances font qu'ils ne sont pas très enclins à encourager les femmes à intégrer une unité de combat.
    Je n'ai pas fait de recherche et je peux me tromper, mais selon les statistiques, il y a 2,9 % de femmes dans les unités de combat. Ce n'est même pas 3 %.
(1630)
    Au départ, votre objectif était d'intégrer le Régiment aéroporté du Canada. Pourquoi n'avez-vous jamais réussi à l'intégrer? Est-ce parce qu'on ne vous a pas permis de le faire? Je ne vois pas pourquoi on vous en a empêchée.
    Moi non plus. J'ai reçu un non catégorique. C'était mon rêve et je l'ai demandé pendant plusieurs années. Je suis arrivée première à un cours de parachutisme, mais on me disait que les femmes n'avaient pas leur place dans le Régiment aéroporté du Canada.
    Dans votre parcours, je ne vois absolument rien qui démontre que vous n'aviez pas tout ce qu'il fallait pour faire partie de ce régiment.
    Que pensez-vous de l'opération Honour, qui prévoit une obligation de signaler tous les incidents d'inconduite? Dans son dernier rapport, le vérificateur général mentionne que certaines victimes ne sont pas prêtes à dénoncer l'incident ou ne désirent pas le faire. Que pensez-vous de cela?
    Je crois que la victime a le choix d'aller à son rythme et de décider si elle veut dénoncer l'incident ou non. Je comprends que l'organisation veuille absolument avoir connaissance des incidents afin de pouvoir y donner suite comme il se doit, mais parfois, une dénonciation cause plus de dommages qu'autre chose.
    En ce qui a trait à l'opération Honour, croyez-vous qu'il y ait un désir profond d'améliorer les choses? Ressent-on que cette opération reflète un désir profond de changer la culture? Pouvez-vous me donner au moins un point faible et un point fort de cette opération?
    L'intention est là. J'ai toujours cru que les Forces canadiennes veulent améliorer les choses et faire qu'il y ait plus de femmes dans des postes de leadership. Elles savent pourquoi il faut qu'il y ait plus de femmes. Par contre, la façon dont elles s'y prennent est parfois maladroite et cause plus de tort qu'autre chose.
     Y a-t-il un point faible, d'après vous? Quel est le plus gros aspect qui devrait être amélioré? Êtes-vous en mesure de me le dire?
    On ne peut pas donner des ordres pour que les femmes soient respectées. S'ils ne respectent pas leurs collègues féminines, ce n'est pas un ordre qui va changer cela.
    Qu'est-ce qui se fait de bien présentement? On voit une grande différence, justement, avec l'opération Honour.
    On en parle.

[Traduction]

    Merci.
    Au tour maintenant de Mme Dzerowicz.
    Vos présentations sont excellentes. J'ai beaucoup de questions et seulement cinq minutes pour les poser.
    Major Perron, je songe notamment à ce que vous avez dit pour faire embarquer les hommes. Vous n'avez pas posé la question, mais je vais... Comment mieux le faire? Moi-même, j'ai travaillé exclusivement dans des milieux essentiellement masculins, donc je connais très bien le besoin de changer la culture. Voilà la première partie de ma question.
    La deuxième partie, à laquelle je viens de penser, c'est de savoir dans quelle mesure ceux, c'est-à-dire les hommes qui sont militaires depuis un certain temps et à qui on demande tout d'un coup de changer, ont peur d'avoir commis une bourde dans le passé. C'est presque comme s'ils doivent reconnaître qu'ils ont commis des actes répréhensibles. De plus, il y a une échelle graduée. On peut dire des choses et on peut les faire; il y a le niveau 1, le niveau 2, et ainsi de suite. Il y a des niveaux de gravité différents. Il se peut que la transgression remonte à 30 ou à 20 ans. La crainte s'installe, et il devient plus facile de dire: « non, nous ne changeons rien », plutôt que d'accepter que l'on n'a peut-être pas agi de façon exemplaire. Voilà ce qui contribue à la résistance au changement de culture.
    Il se peut que ce soit juste moi, mais lorsque vous nous parlez dans le cadre de notre étude, une idée m'est venue qui est peut-être pertinente. Dans quelle mesure devons-nous tenir quelqu'un responsable d'un acte commis il y a 20 ou 30 ans? De plus, comment pouvons-nous établir les conditions nécessaires pour qu'il y ait une certaine reconnaissance tout en permettant d'avancer?
    Qu'en pensez-vous?
(1635)
    Vous avez tout à fait raison. Il faut faire la distinction entre avoir commis un acte il y a 30 ans, à savoir, violer quelqu'un, et à avoir fait une blague des plus vulgaires. Il faut le reconnaître.
    Nous devons également reconnaître la différence entre les gens qui tentent de bien faire et qui font des gaffes et ceux qui ne veulent rien savoir des femmes dans le milieu de travail. On peut bien voir la différence. Si c'est une blague mal intentionnée, cela fait mal et rabaisse les femmes, mais parfois, il n'y a aucune arrière-pensée. Dans d'autres circonstances, la blague veut bien dire qu'on ne veut pas de femmes. Il faut pouvoir faire la distinction entre les intentions.
    En ce moment, je suis membre d'un comité de commissionnaires. Je suis la seule femme. Ils vont de temps en temps dire que je suis la « diversité ». Ils diront: « Demandons à notre diversité. » C'est faux, mais ils sont bien intentionnés, et ils essayent très fort de progresser et de changer de mentalité.
    Il faut pouvoir faire la distinction. Si les gens nous parlent de leur expérience loin dans le passé et reconnaissent qu'ils ont eu tort d'agir de la sorte, nous ne devrions pas les punir, à moins que ce soit un acte criminel. Nous devrions les féliciter de reconnaître leur comportement et de mûrir.
    Quelle serait votre recommandation à ce moment-là? C'est presque comme s'il faut faire avancer tout un groupe. Comment procéder? Avez-vous une recommandation précise? Si rien ne vous vient à l'esprit tout de suite, je vous encourage toutes les deux à nous envoyer vos propositions après la réunion.
    Encore une fois, je viens d'y penser. C'est presque comme un exercice de vérité et de réconciliation quand l'on passe aux aveux. Il faut reconnaître son tort. C'est presque comme si l'on passe par une barrière et on se rend de l'autre côté.
    Je vais poser ma question d'ordre général. Vous n'êtes peut-être pas les personnes indiquées pour me dire comment nous pouvons faire embarquer davantage d'hommes. Vous avez tout à fait raison: on ne peut obliger personne à changer. Il faut en faire plus que de tout simplement montrer les divers aspects de la question; il faut réagir aux craintes également. C'est peut-être cela que nous devons faire.
    Qu'en pensez-vous? Je ne sais pas si vous avez des commentaires.
    Je suis d'accord que l'on ne peut forcer les gens à emboîter le pas, mais je crois que la direction et les leaders à divers niveaux peuvent beaucoup faire. Par exemple, il y a le sergent qui donne un cours sur la diversité et dit: « Eh bien, c'est obligatoire. » C'est là qu'on devrait commencer, et dire: « Nous le faisons parce que c'est important. »
    Si c'est cela le point de départ, je crois que l'on fera beaucoup de progrès, en plus de changer la formation et d'autres aspects. Il faut que tous les dirigeants de tous les grades y croient, tout d'abord, et il reste encore bien des gens qui ne sont pas convaincus.
    J'ai une autre question. Avant de devenir députée, j'étais cadre dans le secteur financier. Nous avons beaucoup parlé des mérites du mentorat et du parrainage, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Une fois que l'on a gravi les échelons, il me semble qu'il faut être parrainé, car c'est ce que l'on fait pour les hommes. On a besoin de quelqu'un qui nous prend en charge, qui nous emmène avec eux et qui peut nous positionner. Le mentorat concerne davantage les niveaux subalternes. Le mentorat permet d'améliorer les compétences.
    Pensez-vous que ce modèle pourrait s'appliquer lorsque nous essayons d'accroître le nombre de femmes aux grades les plus élevés et de recruter davantage de femmes militaires?
    Pardon, je ne peux vous permettre de répondre, car je dois céder la parole à M. Bezan.
    Il nous restera du temps. Je sais que Mme Gallant veut faire un suivi, et je note que Mme Dzerowicz le souhaite également.
    Monsieur Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Major Perron, je vous remercie de votre service. Je vous remercie d'être pionnière, malgré toutes les difficultés que vous avez rencontrées au sein des Forces armées canadiennes. Vous servez de modèle à tant de jeunes hommes et femmes en raison de votre rôle, et je vous suis reconnaissant.
    J'ai bien aimé ce que vous avez dit sur la nécessité de recueillir des données, car j'ai toujours pensé que si nous ne sommes pas en mesure de mesurer la chose, on ne peut la gérer. Si nous voulons bien gérer ce dossier, nous devons disposer de meilleurs ensembles de données que nous n'en avons maintenant.
    Je sais que nous avons été saisis de nombreuses transgressions qui ont lieu, d'obstacles qui ont gêné la promotion des femmes dans les Forces armées. Regardons le revers de la médaille.
    Vous parlez de progression professionnelle, mais quels sont les facteurs qui attirent les femmes vers les Forces armées au départ? Si nous apportons tous les changements, si l'opération Honour donne les résultats escomptés, si le mentorat est en place, si nous recueillons tous les renseignements et nous éliminons le harcèlement sexuel, les inconduites sexuelles et l'intimidation au sein des Forces armées, si la culture change véritablement et nous avons un meilleur milieu de travail pour tous, que faut-il faire du côté du recrutement pour attirer les jeunes femmes vers les Forces armées?
(1640)
    J'allais vous souhaiter bonne chance, mais je conserverai mon sarcasme pour un autre jour.
    Sachez que je me rends dans des écoles chaque année, et je constate que même les jeunes générations sont aux prises avec des stéréotypes et des rôles traditionnels. Je leur fais jouer un jeu. Je leur montre des photographies d'hommes et de femmes, et je leur demande de deviner qui fait quoi. Qui est le pompier? Je vois que les enfants souscrivent en grande majorité aux vieux stéréotypes. C'est parce qu'ils reçoivent 30 000 messages par jour sur Internet. Si vous allez chez vous et vous faites une recherche Google en utilisant les termes « soldat », « marin », « camionneur », « chauffeur de taxi » ou « professeur universitaire », vous allez obtenir des hommes comme résultat. Si vous faites une recherche Google avec les termes « aide-soignant », « professeur d'école », ou « agent de bord », vous obtiendrez des femmes comme résultat.
    Il faut aller au niveau le plus bas, c'est-à-dire les plus jeunes, pour leur faire changer d'avis, car c'est à cet âge qu'ils se font des idées quant aux possibilités devant eux. Si l'on fait une recherche Google avec le terme « navire », par exemple, on trouvera 800 images d'hommes à la barre de navires. Les enfants se font programmer à un très bas âge. il faut donc commencer par les plus jeunes.
    Deuxièmement, il faut viser la jeunesse, les jeunes adolescents dans nos activités: on devrait les inviter à venir aux bases militaires et demander aux femmes de leur parler. Il y a des pistes de ce côté-là.
    Ne recrutons pas aux matchs de hockey masculins où tous les visages sont blancs, parce que, à ce moment-là, nous allons continuer à recruter ce que nous avons déjà. On pourrait le faire, parce qu'il faut en avoir dans un certaine proportion, mais le bassin ne sera pas diversifié, c'est certain.
    Je comprends. Je sais que dans ma province du Manitoba, il y a eu un programme favorisant la participation des femmes dans l'industrie de l'aéronautique. Des militaires de la 1re Division aérienne du Canada et de la 17e Escadre font la promotion des forces à côté des recruteurs de Boeing, de Magellan et d'autres acteurs de l'aérospatiale. On parle aux enfants, aux tout-petits même. C'est une journée formidable. Des milliers de gens y assistent. Je suis d'accord avec vous à 100 % .
    Je connais votre parcours. Je n'ai pas encore lu votre livre, mais je me souviens lorsque votre histoire a fait les manchettes, les images de vous attachée à l'arbre, les épreuves... Votre histoire est horrible, et malheureusement j'ai entendu parler de cas semblables qui se produisent au Collège militaire royal, notamment. On aurait cru que la présence des professeurs et d'organismes civils et la direction militaire auraient suffi pour reconnaître et éliminer ce genre de comportement il y a des décennies. J'ai également entendu parler de femmes qui se sont rendus au collège militaire pour donner une formation sur le harcèlement et se font siffler lorsqu'elles se présentent dans les salles de classe.
    Vous avez parlé de notre jeunesse, celle qui devrait être plus au fait et sensible que... la génération d'il y a 30 ans. Là encore, est-ce que cela concerne notre système scolaire public, est-ce la société en général et l'influence d'Internet, et le fait que les jeunes ne peuvent pas contrôler tout ce qui se passe dans leurs vies?
    Je crois que c'est partout. Si l'on se rend dans les universités, on le constate dans une certaine mesure. Est-ce plus grave au collège militaire? Les études ont montré que c'est effectivement le cas, ou que cela l'a déjà été, que c'est progressivement plus grave qu'ailleurs et qu'il reste du pain sur la planche.
    Cela peut s'expliquer d'une certaine façon. Ces étudiants se font dire qu'ils sont la crème de la crème. On leur répète qu'ils sont l'élite. Lorsque l'on se fait répéter quelque chose suffisamment, on commence à croire que l'on est au-delà de tout reproche et on commence à déroger des règles et des règlements.
    Je ne pense pas que cela vient des écoles ou d'un endroit particulier forcément. C'est peut-être la façon dont nous les avons choisis, et ensuite formés pour leur faire croire qu'ils sont les meilleurs.
(1645)
    Seulement une...
    Il faut s'arrêter ici, James. Vous pourrez vous reprendre, si vous voulez.
    La parole est à vous, monsieur Gerretsen.
    Merci, mesdames, d'être ici.
    Revenons au sujet entamé avec M. Bezan, qui a rempli la discussion entre vous, sur les rôles féminins et la diversification des rôles offerts aux femmes, grâce à une exposition différente des enfants aux divers rôles qu'ils peuvent jouer plus tard. Vous venez tout juste d'en parler.
    Distinguez-vous la responsabilité de la société et celle que vous attribuez aux parents? Quelle est l'influence des parents par leur façon d'élever leurs enfants et de veiller à leur développement? Quelle est celle de la société sur les méthodes des parents?
    Waouh, quelle...!
    Je suis désolé. J'aurais dû commencer par dire que c'est un problème très profondément enraciné dans la culture, qui ne se pose pas seulement dans le militaire, mais, manifestement, partout.
    Je suis d'accord.
    Mon fils de deux ans regarde La Pat' Patrouille. Si vous ignorez ce que c'est...
    Non, je sais.
    Vous savez donc qu'un seul des sept personnages de l'émission est féminin. Les autres sont des chiots mâles. Si jeune et, déjà, on lui inculque l'idée que ces domaines sont à prédominance masculine. Mais pouvons-nous accuser les concepteurs de ces dessins animés ou contribuons-nous déjà au maintien d'une norme périmée et qui pourrait recueillir l'adhésion des parents? Où la distinction se fait-elle?
    Je n'irais peut-être pas jusqu'aux accusations, mais je pense que c'est endémique dans la société. C'est l'état actuel des lieux. Des mouvements comme #MeToo nous sensibilisent rapidement à ce qui se passe.
    Tous, nous sommes responsables, pas seulement les militaires ou la classe politique. À nous tous il incombe d'ouvrir les yeux, de reconnaître les stéréotypes sexuels et d'en parler à nos enfants, de nous procurer des livres qui ne font pas de discrimination sexuelle ou qui sont centrés sur des héroïnes.
    La semaine dernière, j'ai reçu une brochure de la CAA dont toutes les illustrations montrent des hommes qui sauvent la vie de femmes immobilisées au bord de la route et incapables de remplacer un pneu. C'est insultant, mais la plupart y seraient indifférents. Nous avons seulement besoin d'y être sensibilisés.
    Ça commence par des organisations comme la CAA, qui s'assure de s'y prendre de la bonne manière.
    Plus tôt, vous avez répondu qu'on ne pouvait pas ordonner le respect aux soldats. J'ai vraiment apprécié, parce que je suis absolument d'accord avec vous. Vous avez enchaîné avec un exemple anecdotique du rôle qu'une femme pourrait jouer en Afghanistan, qui serait différent de celui d'un homme, pour bien mettre en évidence ses compétences. Pouvez-vous nous donner un exemple de ce genre de rôle?
    Comprenez-moi bien. Les femmes sont des guerrières féroces. Elles peuvent être des militaires et commander. Dans un pays où les femmes ont été maltraitées et opprimées, où elles n'adressent pas la parole aux hommes ou ne peuvent pas se trouver dans la même pièce qu'eux, nous pouvons demander à des commandantes de peloton de s'adresser à elles, de dialoguer avec elles pour bâtir la confiance nécessaire et se rendre dans les villages, comme on l'a fait à Haïti. Nous pouvons les utiliser à des fins de renseignement.
    À la dernière séance consacrée à ce sujet, un témoin est venu nous dire — comme le président l'a dit, c'était en automne, et je ne peux donc pas me rappeler qui c'était — de ne pas décrire les femmes comme si leur point fort allait être leur éventuel instinct maternel, parce que ça ne fait que les cantonner, avec encore plus de force, dans une catégorie à part. Dans quelle mesure êtes-vous d'accord et dans quelle mesure ça change ce que vous venez de dire?
(1650)
    C'est la raison pour laquelle je dis de ne pas sous-estimer la férocité guerrière des femmes. Nous devons créer des situations où elles peuvent jouer sur les deux tableaux et ne pas toujours leur demander de nous ouvrir les portes d'un village de femmes maltraitées. Je dis que chaque soldat possède un don particulier, utile à son unité. Nous ne recherchons pas des Rambos uniquement. Nous avons besoin du coureur de vitesse, du transporteur de lourdes charges, de celui qui parle une autre langue ou la langue locale, de celui qui a le sens de l'orientation. Un peloton a besoin de tous ces talents. Les femmes en possèdent, qui peuvent nous servir.
    Je pense que vous voulez dire que les femmes peuvent avoir tous les talents, comme les hommes, parce qu'elles peuvent aussi être des Rambos.
    Oh oui!
    D'accord. Je m'arrête ici.
    Je dois vous arrêter ici, Rambo.
    La dernière intervention officielle, d'une durée de trois minutes, est celle de la députée Blaney. J'ai pris note des noms de deux ou trois personnes qui voulaient qu'on leur accorde plus de temps. Si vous en voulez, faites-moi signe à moi ou à notre greffière, et nous inscrirons votre nom.
    Madame Blaney.
    Merci, monsieur le président.
    L'idée d'une entrevue de départ me séduit vraiment. Quelle bonne idée! Par simple curiosité, quelles questions devons-nous poser aux femmes dans cette entrevue?
    Que faisons-nous comme il faut? Que devrions-nous continuer à faire? Que devrions-nous cesser de faire? Pourquoi partez-vous?
    Vous avez parlé de mentorat, puis nous y avons fait ajouter le parrainage. Vous avez dit que ça existait, mais qu'on ne s'en servait pas. Pouvez-vous l'expliquer? Y a-t-il moyen pour nous de recommander une manière de l'encourager?
    Le mentorat prend du temps. Un mentorat réussi, il faut des moyens pour le mettre en oeuvre et le formaliser. Ça prend du temps. Les forces ont rédigé un livre magnifique, épais, sur le mentorat — une politique — et elles ne l'ont jamais mis en oeuvre. Un peu partout, on agit en fonction des circonstances, et on laisse aux unités le soin d'assurer le mentorat qu'elles peuvent. Si vous leur demandez, 80 % peut-être des militaires répondront qu'ils n'ont jamais eu de mentor ou qu'ils ne l'ont jamais été officiellement. Pourquoi? Dans les entreprises, ça se fait tout le temps, et ça donne des résultats.
    Avez-vous des idées sur la façon dont nous pourrions...? Je comprends qu'un livre n'ait jamais servi, mais y a-t-il des recommandations sur la façon d'encourager...?
    Même si je vous disais qu'on ne peut pas ordonner aux soldats de respecter leurs collègues, on ne peut pas les y forcer, mais on peut certainement obliger une unité à mettre sur pied un programme de mentorat et à en mesurer les résultats.
    Grâce à une meilleure collecte des données... Bien sûr, les données possèdent toujours tellement de puissance, et elles nous permettent vraiment des mesures. On nous a notamment dit qu'on obtient de meilleurs résultats quand on peut faire des mesures. Que devons-nous mesurer? Je vous le demande à vous deux.
    Mesurons aussi les aspects positifs, le taux de réussite des femmes, le nombre de femmes et de membres d'un groupe désigné encadrés par un mentor, le nombre de diplômes obtenus et de promotions par ces membres d'un groupe désigné et leur représentation.
    Ensuite, mesurons les aspects moins positifs. Le nombre d'accidents et la mortalité dans une unité; le nombre de plaintes et de celles auxquelles on a bien répondu.
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je pense qu'il importerait aussi de mesurer la capacité des femmes d'exprimer leurs opinions, de prendre la parole. Je pense qu'on pourrait le mesurer d'une manière très particulière. Quantitativement, c'est sûr — combien de recrues? de promotions? ce genre de renseignements — mais qualitativement aussi. Que sont-elles capables d'accomplir? À quoi peuvent-elles contribuer? Nous devons aussi parler de participation au vrai sens du terme et non pas de simple présence.
    Merci.
    Merci.
    Vu le temps qui reste, j'ai les noms des députés Gallant, Dzerowicz, Bezan et Spengemann, qui voulaient poser plus de questions. Ça signifie que nous pouvons accorder à chacun encore cinq minutes.
    À vous d'abord la parole, madame Gallant.
(1655)
    Je reprends où j'en étais avec Mme Perron. C'est-à-dire que si vous aviez la possibilité de questionner maintenant le vérificateur général, quelles seraient vos questions?
    Pourquoi ne mesurons-nous pas la réussite des femmes à chaque niveau, y compris celle de tous les autres membres d'un groupe désigné? Je les ajouterais, même si je parle surtout des femmes. Pourquoi ne le faisons-nous pas?
    Le rapport parlait notamment des victimes, du devoir de dénoncer et du manque réel d'appui pour les victimes. En fait, certaines m'ont dit qu'après s'être manifestées elles ont subi l'examen avec la trousse de prélèvement en cas de viol et tout le reste, mais que c'est elles qu'on retirait de l'unité, qu'on mettait à part et dont on faisait cesser l'entraînement. Interdit de parler de ce qui s'est produit; de prévenir les autres femmes, mais on leur dit que les autres femmes de l'unité sont informées. Elles constatent ensuite que personne ne les a prévenues. Elles ignorent donc s'il y a eu récidive, parce que personne n'a encore été arrêté.
    Est-ce que ça vous rappelle ce que vous lisez dans les lettres que vous recevez?
    Absolument. Et pas seulement les lettres; des amies proches l'ont vécu. On les a retirées de leur unité et affectées à une section différente, parfois dans le même immeuble ou sur le même étage que leur agresseur. J'ai entendu avant ces anecdotes dans le cercle de mes proches amis.
    D'accord.
    Votre validation de témoignages que j'ai entendus m'amène à proposer une motion pour convoquer le vérificateur général devant le comité de la Chambre des communes pas plus tard que le 31 mars 2019, relativement à ses rapports 3 et 5 de l'automne 2018 respectivement intitulés La force aérienne de combat du Canada — Défense nationale et Les comportements sexuels inappropriés — Forces armées canadiennes, et que sa comparution soit télévisée.
    Nous veillerons à vous prévenir aussi, si la motion est adoptée et si nous pouvons convoquer ici le vérificateur général et l'interroger, parce qu'il nous a écrit qu'il voulait comparaître et répondre à nos questions.
    Je la propose.
    C'est un avis de motion.
    Non, elle l'a proposée.
    D'après l'opinion experte de notre greffière, vous avez déposé une motion semblable, qui a été défaite. Votre motion d'aujourd'hui peut servir d'avis de motion, mais vous ne pouvez pas la proposer aujourd'hui, vu l'ordre du jour.
    Je l'accepte comme avis de motion et, à la prochaine séance, nous pourrons certainement la mettre aux voix.
    Monsieur Bezan.
    Monsieur le président, uniquement pour le motif que la motion se distingue nettement de la motion antérieure et parce qu'elle a été déposée pendant une discussion qui cadre très bien avec notre étude et avec le témoignage que nous venons d'entendre et que le rapport du vérificateur général a été évoqué, je crois qu'il est admissible de la proposer maintenant.
    Je vous comprends, mais j'ai décidé que c'était un avis de motion.
    Inutile de contester la décision de la présidence, parce que c'est la défaite assurée.
    La motion est actuellement recevable parce qu'elle fait partie de la discussion. Nous discutions du rapport du vérificateur général...
    Non, madame Gallant. J'ai rendu ma décision. Ce sera un avis de motion. Je suis heureux d'en prendre connaissance, et, dans 48 heures, à la prochaine séance, nous pourrons discuter de la possibilité de la mettre aux voix.
    Madame Dzerowicz, vous disposez de cinq minutes.
    Excellent. Seulement cinq minutes pour tant de questions.
    Revenons à la question que j'ai laissée en suspens. Le parrainage se pratique à un certain niveau ou au-dessus, le mentorat aux échelons inférieurs. Dans le cas d'une femme, diriez-vous que toutes celles d'un grade supérieur à celui de lieutenant-colonel seraient admissibles au parrainage? Que recommanderiez-vous?
    Ça dépend du corps de métier. Les unités qui comptent moins de femmes que les autres devraient être précisément visées pour l'avancement professionnel et le parrainage. Dans les armes de combat, tous les grades supérieurs à celui de major seraient admissibles au parrainage et, dans tous les autres corps de métier, peut-être à partir du grade de lieutenant-colonel, les officiers supérieurs.
(1700)
    Nous sommes tellement en retard. Comme si la société était rendue ici et l'armée était là-bas, pour les femmes occupant des postes supérieurs — pas dans tous les cas, mais dans certains. J'essaie de discerner les changements que nous pouvons provoquer. Le parrainage aux niveaux supérieurs pourrait en être un.
    Oui, absolument.
    Pendant que nous parlions, il m'est revenu que, dans le monde des affaires, un nouveau directeur général qui arrive dans un poste monte habituellement sa propre équipe. Ce n'est pas entièrement la sienne, mais il accorde des promotions. Puis il instaure des incitations pour l'atteinte de certains objectifs. Des objectifs financiers, mais qui pourraient aussi concerner le nombre de femmes ou de membres de minorités visibles.
    Vous avez toutes les deux beaucoup parlé de l'importance capitale de la direction et dit que, faute d'une bonne direction, il sera absolument impossible de provoquer des changements. Je pense que vous, madame St-Pierre, vous avez dit que, en ce moment, un certain nombre de chefs, aux différents niveaux, n'y croient pas nécessairement. Comment affecter au bon endroit les bons chefs? D'abord, le chef des forces armées est-il également capable de placer les chefs qu'il faut dans les postes clés? Ensuite, favorise-t-il l'augmentation du nombre de femmes dans différents secteurs?
    Non. Je ne dirais pas que n'importe qui a le pouvoir de choisir sa propre équipe. À l'échelon le plus élevé, je pense qu'ils vont chercher à avoir leurs propres équipes dans certains secteurs. À l'échelon de l'unité, ils n'ont pas grand-chose à dire sur les personnes qui vont faire partie de l'unité ou qui vont y occuper des postes de direction. Ils n'assument pas la responsabilité du cheminement de carrière ou du succès de leurs membres, mais ils devraient le faire, c'est sûr. Je suis d'accord avec vous.
    D'accord.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je crois que cela pourrait faire partie de… Tout comme dans le monde des affaires ou dans n'importe quelle organisation, en ce qui concerne la gestion du rendement ou la promotion, ils pourraient examiner les divers engagements et poser la question: « Avez-vous été en mesure d'accomplir ceci ou cela sur le plan des engagements en matière de diversité et d'égalité? » Il faudrait inclure cela dans les responsabilités des dirigeants.
    Je me situe un peu à l'opposé. J'ai assumé des rôles dans des domaines très dominés par les hommes. J'ai adopté beaucoup d'attributs masculins. Dans le monde des affaires, on assure votre encadrement une fois que vous avez passé un certain niveau, afin de vous aider à cerner vos préjugés inconscients, ainsi que les faiblesses que vous devez surmonter pour atteindre un échelon beaucoup plus élevé. Est-ce que cela existe en ce moment dans le monde militaire? Le savez-vous?
    Des cours sur l'encadrement sont offerts aux militaires, mais à ma connaissance, il n'y a rien en ce moment qui relèverait d'une procédure opérationnelle normalisée à un certain niveau. Je crois que ce serait brillant.
    D'après moi, vous avez beaucoup de gens qui pensent véritablement être bien, mais qui ne sont pas nécessairement bien. Mais cela ne se voit pas, alors vous ne pouvez pas vraiment les blâmer parce qu'ils ne peuvent pas le voir. Ils ont besoin de quelqu'un qui va changer l'approche et qui va dire quelque chose devant eux. Encore là, il faut que cela relève d'un niveau de leadership minimum.
    Je pensais aux avantages liés à la présence des femmes dans les forces armées, et je me demandais si nous avions des données nous permettant de savoir si notre capacité de faire notre travail s'est améliorée en raison de la présence d'un plus grand nombre de femmes. Avons-nous de telles données? Avons-nous cette documentation? Il n'est pas question que de la capacité des femmes d'aller dans les zones de guerre, ou du fait que d'autres femmes soient plus à l'aise de discuter avec eux. Je crois qu'en réalité, la capacité générale de nos Forces armées canadiennes s'en trouve améliorée. Cependant, avons-nous de la documentation, des résultats de recherche, des données qui nous permettraient de confirmer cela?
    D'après moi, surtout en ce qui concerne les Nations unies et les opérations de maintien de la paix, il s'est fait beaucoup de recherche sur l'importance d'entendre les femmes, qu'il soit question de processus de paix, de négociation, de médiation, ou d'opérations de maintien de la paix. Je crois que nous pouvons extraire des données de cela.
    Nous parlons de masse critique, et je sais que vous en avez parlé en octobre. Je crois qu'il est très important d'avoir une masse critique pour changer l'environnement et changer la culture, mais il faut aussi le soutien que procurent tous les autres engagements et les changements dont il est question. Il y a ce 30 % qui ne va tout simplement pas suivre les changements. Un plus grand nombre de personnes exprimeront leurs opinions, leurs désirs et l'importance qu'elles accordent au changement, mais il faut aussi que les structures et les politiques soient en place.
(1705)
    Merci.
    Député Bezan.
    Je veux revenir à la question que j'ai posée précédemment. Nous parlions de mentorat.
    Quand vous regardez le Canada… Il y a d'autres pays dans le monde qui ont d'autres programmes, une meilleure participation des femmes, et une plus grande diversité au sein de leurs forces armées.
    Madame St-Pierre, dans le cadre de votre travail, vous regardez ce qui se fait à l'étranger. Qui devrait offrir du mentorat au Canada? Qui a des pratiques exemplaires que nous devrions adopter?
    C'est une excellente question.
    Je n'ai pas étudié tous les pays. Je me suis un peu penchée sur l'Australie et sur la Suède, concernant les questions de diversité et d'égalité. En Australie, ils ont effectivement adopté des mesures pour améliorer la situation. C'est quelque chose que nous pourrions regarder, mais je ne peux pas vous présenter de données précises à ce sujet.
    Je crois qu'il y a au Canada beaucoup d'initiatives — même dans le cadre des programmes touchant les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que dans le Plan d'action national du Canada —, et il en ressort que les Forces armées canadiennes devraient offrir du mentorat à d'autres pays et aider au développement des capacités d'autres pays. C'est formidable, mais encore là, comme vous l'avez mentionné, je crois qu'il est également important de nous pencher sur nos propres structures et de prêcher par l'exemple avant d'aller offrir du mentorat à d'autres pays en matière de diversité et d'égalité.
    Je suis d'accord.
    Major Perron.
    Je dirais qu'Israël est l'une des références de l'industrie concernant les femmes en situation de combat. Ils pourraient nous en apprendre beaucoup. Je ne sais pas ce qu'il en est d'autres pays…
    Ils ont recours à la conscription.
    Je sais. Personne n'est aussi à l'avant-garde que le Canada, d'après moi, sur le plan de la valorisation de la diversité. Nous avons 25 années d'avance sur les États-Unis et sur de nombreux autres pays, mais il existe des pratiques exemplaires à l'étranger.
    Je dirais qu'il faut que nous sortions du contexte militaire et que nous regardions du côté des sociétés — elles font très bien ce travail. Certaines universités excellent dans ce domaine. Pourquoi est-ce le cas des universités et non de nos collèges militaires? Qu'est-ce qui est si différent?
    C'est ce que je voulais dire.
    Vous avez été déployée, et vous avez servi. En ce qui concerne les obstacles que vous avez rencontrés ici au Canada, j'aimerais savoir si c'était mieux ou pire quand vous avez été déployée. Quand vous étiez côte à côte, frères et sœurs d'armes, dans le théâtre, étiez-vous traitée différemment? Étiez-vous mieux traitée?
    Franchement, cela dépend de la mission. Il y a eu une progression.
    Comme dernière affectation, je suis allée en Croatie. Les trois mythes relatifs aux femmes, soit leur condition physique, la cohésion du groupe et l'efficacité opérationnelle ont été déboulonnés. Mon peloton a frappé trois mines antichars, et nous avons survécu à de nombreuses attaques. Nous avons accompli de nombreuses missions, et mon sexe n'a eu absolument aucun effet sur ces missions.
    Je ne peux pas en dire autant pour mon premier déploiement. On m'a enfermée dans une salle de service et je n'avais pas le droit de quitter le camp. Je pense bien que tout dépend du leadership, des possibilités et du temps.
(1710)
    Vous avez été déployée dans le contexte de certaines coalitions, et j'aimerais savoir quelle réception certains de nos alliés vous ont faite.
    Encore là, cela dépend. Il y avait un peu de différence entre un bataillon espagnol et un bataillon britannique, et les gens des Pays-Bas accueillaient très favorablement les femmes. J'ai constaté un éventail de réactions. Ma présence avait un effet polarisant dans la plupart des situations.
    Je vous remercie d'être venue nous parler de votre expérience aujourd'hui.
    Merci.
    Merci.
    Je vais donner la parole au député Spengemann, puis à la députée Blaney.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci encore pour cette discussion. C'est vraiment une période propice pour parler de transition et de transformation.
    Je veux revenir à ce que vous avez toutes les deux décrit — ou l'une d'entre vous — comme étant des conversations éclairantes, et parler de la façon dont vous avez obtenu que les hommes s'investissent dans cet enjeu. Madame St-Pierre, je crois que vous avez dit au début que c'est une question d'ordre moral, concernant le droit de servir dans les forces canadiennes.
    Sur d'autres fronts, comme la conversation au sujet de l'égalité des sexes et de ses avantages économiques, il y a des recherches que nous aimons souligner. La Banque Royale du Canada a réalisé une recherche selon laquelle instaurer l'équité salariale dès demain se traduirait globalement par un apport de plus de 10 billions de dollars américains. Quand vous dîtes cela à des spécialistes de services de banque d'investissement, tout à coup, une lumière s'allume, mais ce n'est pas la bonne façon d'aborder la question. Comme vous l'avez souligné, c'est de l'instrumentalisation.
    Est-ce que ces deux aspects peuvent être mis en valeur de façon parallèle jusqu'à ce que nous arrivions à faire une percée et obtenir l'engagement des hommes, après quoi nous pourrions les situer dans le bon paradigme? Devrions-nous absolument éviter l'instrumentalisation? Existe-t-il une autre option? Le véritable point de départ, c'est que nous sommes au Canada, et que nous sommes en 2019. C'est une question de droits de la personne, en quelque sorte, et il faut toujours que cela le demeure, mais pour vraiment réaliser des percées et faire que les lumières s'allument, devons-nous explorer d'autres avenues pour lancer la conversation ?
    Vous posez vraiment une excellente question, et compte tenu de ce que le major Perron disait — qu'on ne peut pas imposer le respect à un soldat —, ce sont des questions très difficiles.
    L'efficacité opérationnelle n'est pas une nouvelle chose. Depuis le début des années 2000, les Nations unies s'en servent pour promouvoir l'égalité des sexes, affirmant que c'est la raison pour laquelle il faut plus de femmes dans les missions de maintien de la paix de l'ONU: elles vont le faire; elles vont être en mesure d'aider les victimes de violence fondée sur le sexe; elles vont être capables de parler aux femmes et de servir d'exemple pour les femmes de ces pays. De nombreuses organisations misent sur cet argument, en partie parce qu'on cherche à convaincre les gens de la valeur de cela. L'argument des droits de la personne à lui seul ne donne pas de résultats, et l'argument voulant que nous ayons un droit parce que nous formons 50 % de la population ne fonctionne pas non plus. Ce n'est pas fondé sur l'argent ou les aspects financiers.
    En ce qui concerne les Nations unies, on voit un changement. Il n'est plus question de se concentrer uniquement sur l'efficacité opérationnelle, car cela a pour effet de confiner les femmes à certains rôles. Les femmes sont déployées et affectées à certains postes particuliers, et on ne leur permet pas de s'adonner à l'éventail complet des activités.
    C'est une situation très délicate, et il faut bien comprendre le véritable contexte de cette institution — les Forces armées canadiennes —, ce qu'elle est en mesure de faire et jusqu'où elle peut aller. Il faut être prudent, mais il faut aussi recourir aux mesures qui vont d'après vous mener à ce changement.
    Major Perron.
    J'ai deux choses à souligner concernant ce que vous avez dit.
    La première, c'est qu'il faut d'après moi que les gens comprennent que nous recrutons nos soldats parmi 26 % de la population, quand nous recrutons principalement des hommes blancs. Ce sont des données économiques.
    La deuxième, c'est que je pense que les hommes détiennent l'essentiel du pouvoir quand il s'agit de faire progresser les choses et de donner de l'élan au changement. Imaginez une classe où le même sergent dit à tous qu'il ne veut rien enseigner à propos des foutaises de l'opération Honour, mais qu'un caporal de sexe masculin se lève et dise: « Un instant. Je trouve que c'est vraiment important et cela m'intéresse. Je veux qu'on m'en parle. Je ne veux pas me contenter de cocher la case, et je ne veux pas être inoculé. Je veux vraiment tirer des leçons de cela. »
    Cela changerait tout si ce n'était pas la femme dans la pièce qui dit: « Un instant. Il faut que nous fassions cela. » Les hommes détiennent le pouvoir. Ils doivent se faire les champions de cette cause.
(1715)
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    C'est Rachel Blaney qui va poser les dernières questions.
    Je dirais que la chose qui me frappe le plus dans le rapport du vérificateur général, c'est qu'il faut vraiment beaucoup de temps pour résoudre les cas de violence. Entre autres choses, nous savons que quand le processus ne fonctionne pas et qu'il est trop lent, les victimes n'y croient plus. Elles se trouvent encore plus muselées, et le cycle continue sans que la situation s'améliore.
    Il y a deux choses pour lesquelles j'aimerais savoir ce que vous pensez. Premièrement, quels sont les facteurs qui empêcheraient les femmes qui sont dans les forces de parler? Deuxièmement, qu'est-ce qui explique d'après vous la lenteur du processus en ce moment?
    Encore ici, je vais m'exprimer de façon anecdotique seulement, car je ne possède pas toutes les données.
    Je sais que le processus est lent à cause de la langue. Le processus est lent à cause du manque d'enquêteurs.
    Je crois que principalement, les femmes ne se manifestent pas parce qu'elles craignent les réactions négatives, la fin de leur carrière et les représailles — encore aujourd'hui. C'est ce que j'entends.
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame St-Pierre?
    C'est aussi ce que j'ai entendu. Je crois que cela correspond au reste de la société. Il y a des représailles et des effets négatifs, mais dans les forces, c'est tissé serré…
    Ce que nous avons vu dans les médias aussi, ce sont les carrières qui prennent fin. Quand vous avez travaillé vraiment très fort au sein de l'unité pour atteindre vos objectifs professionnels, il est très difficile de voir votre carrière se terminer ainsi.
    Oui. Cela témoigne de la force de ces femmes.
    C'est tout ce que j'ai. Je vous remercie.
    J'ai dit qu'il s'agirait des dernières questions, mais il nous reste du temps. Un membre du Comité voulait poser une autre question.
    Madame Dzerowicz, vous avez la parole.
    Merci.
    Je vous tiens toutes les deux responsables. Vos témoignages sont tellement formidables que cela me porte à soulever d'autres choses.
    Quelqu'un a dit que les normes légitimes sont une bonne chose, mais que nous devons remettre plusieurs des normes actuelles en question. Cela m'a fait réfléchir à la façon dont, au fil du temps, l'organisation de nos forces armées a changé parce que nous voulons gagner et atteindre nos objectifs. Je me demande dans quelle mesure la structure même de nos forces en ce moment, la façon dont nous nous sommes organisés pour gagner, nous empêche, nous les femmes, de nous enrôler, de progresser et de faire changer la culture.
    Honnêtement, quand je pense aux forces, je me dis que c'est tellement enrégimenté et que je ne voudrais absolument pas m'enrôler. Ce n'est pas une question de sécurité, et ce n'est pas parce que je pense ne pas être capable. C'est juste que la seule idée de…
    Je me demande dans quelle mesure nous n'aurions pas besoin d'une nouvelle façon de nous organiser de sorte que nous ayons un nouveau moyen de gagner dans le monde. Le monde a changé. Nous devons presque changer complètement notre manière d'être, de sorte que nous pensions à l'armée d'une manière différente.
    Je viens de penser à cela et comme je l'ai dit, je vous tiens toutes les deux responsables, car vous répondez si intelligemment. Je me demande si vous pouvez répondre à cela.
    Allez-y; je parlerai après.
    Je ne sais pas ce qu'il en est pour la structure de l'armée. Je crois que cela a été mis à l'essai et qu'il y a eu une évolution. La hiérarchie est vraiment nécessaire pour des raisons de leadership. Je ne crois pas que je remettrais cela en question.
    C'est sûr qu'il faut remettre en question la façon dont les femmes s'intègrent dans cet environnement. Je vais vous donner un exemple. On enseigne aux femmes qui s'engagent dans l'armée qu'elles doivent s'adapter à la façon dont les hommes poussent leurs limites: la compétition, les relations entre copains, l'attitude « allons nous battre dehors puis prendre quelques bières ».
    Ce n'est pas naturel pour les femmes. Nous faisons les choses différemment. Ce qui est naturel pour nous, c'est l'entraide à différentes étapes de nos vies. Puis nous entrons dans l'armée et devons soutenir la compétition; nous devenons pires ennemies plutôt que de nous soutenir mutuellement. Dans le contexte militaire, on ne nous enseigne pas à aider les autres femmes. Quand je parle à des femmes dans les forces, tout à coup elles comprennent: « Bien sûr! Nous pouvons être bonnes les unes pour les autres. Nous pouvons nous aider et nous encourager mutuellement. » À nous les femmes, on ne nous enseigne pas cela dans les forces.
(1720)
    Quelle recommandation feriez-vous?
    Ce serait d'inclure cela dans nos discussions et montrer aux femmes à être de meilleurs mentors, les mentors que nous n'avons jamais eus.
    Pour les autres femmes…
    Mme Sandra Perron: Oui.
    Mme Julie Dzerowicz: Avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
    Nous parlons d'attirer dans les forces plus de femmes et des membres de groupes plus divers, mais il ne s'agit pas que de les attirer. Il faut aussi reconnaître que ces personnes apportent des perspectives différentes et des façons différentes de faire les choses. Il faut être prêts à remettre en question le statu quo, ou la façon de faire les choses maintenant, compte tenu de ces nouvelles perspectives. Il faut aussi être prêts à entendre ces nouvelles perspectives.
    Merci.
    La seule chose que je dirais, major Perron, c'est que vous avez raison. Je m'entraînais pour faire des demi-marathons, et lors du premier demi-marathon que j'ai couru, il y avait un type au sommet d'une côte. J'arrivais à la fin de mes 17 kilomètres, et il était là, en haut de la côte, à me crier: « Tu peux y arriver! Tu peux y arriver! Cours! Cours! Tu vas y arriver! » Quand je suis arrivée en haut de la côte, j'avais presque le goût de le tuer. Je lui ai dit que c'était la pire façon de m'encourager à franchir mon dernier demi-kilomètre pour atteindre le haut de la côte.
    Vous avez raison: ce qui nous motive est très différent.
    Merci.
    Je vous remercie toutes les deux d'être venues et d'avoir ajouté de la valeur à cette importante conversation.
    La séance est levée.
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