FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 octobre 2006
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la 14e séance du Comité permanent de la condition féminine.
Bonjour à toutes et à tous et surtout à nos témoins.
La sergente Lori Lowe appartient à la Sous-direction des questions d'immigration et de passeport, intégrité des frontières, Opérations fédérales et internationales de la GRC. elle est coordonnatrice nationale de lutte contre la traite des personnes.
Yvon Dandurand appartient au Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice criminelle à l'Université de la Colombie-Britannique. Il est également doyen de la recherche et des études du deuxième et troisième cycle au Collège universitaire Fraser Valley.
Je vous souhaite à tous deux la bienvenue à notre comité qui entame son étude sur un sujet très important: la traite des personnes. Comme nous ne courons pas contre la montre ce matin, ne vous sentez pas pressés par le temps. Il est important que les membres du comité appréhendent correctement toute cette question, qu'ils sachent ce qui s'est fait et ce qu'il reste à faire. J'ai cru comprendre que vous alliez nous faire profiter de la connaissance très approfondie que vous possédez de ce sujet avant de répondre aux questions des membres du comité.
Je vais demander à la sergente Lowe de commencer.
Je vous remercie, madame la Présidente. Je suis heureuse de vous rencontrer aujourd’hui pour discuter des actions entreprises par la GRC pour lutter contre le trafic de personnes.
Le trafic de personnes concerne le recrutement, le transport ou l’hébergement de personnes afin de les exploiter, habituellement dans l'industrie du sexe ou pour les soumettre au travail forcé. Les enfants sont particulièrement exposés à l’exploitation vu leur compréhension limitée des événements qui les entourent.
Les trafiquants utilisent diverses méthodes pour asseoir leur mainmise sur leurs victimes, incluant le recours à la force, les agressions sexuelles et les menaces de violence. Il faut reconnaître qu’un des aspects importants de ce crime est le degré élevé de victimisation qui lui est associé. Les personnes sont réduites à des simples marchandises et traitées à ce titre.
Bien que les Nations Unies estiment qu’un million de personnes sont victimes de ce trafic dans le monde chaque année, on ignore l’étendue du trafic à destination du Canada, de passage au Canada ou à l’intérieur du Canada, en raison du caractère clandestin de cette activité et de la difficulté de distinguer les victimes de ce trafic, des migrants en situation illégale.
En 2004, la GRC a publié les conclusions d’une évaluation du renseignement stratégique visant à examiner les tendances actuelles et historiques dans le domaine du trafic de personnes au Canada. Cette évaluation a permis de découvrir que le Canada, étant une nation développée qui possède une économie forte et stable et de généreux programmes d'assistance sociale, constituait une destination attrayante et que les victimes du trafic au Canada étaient destinées aux marchés intérieur et américain. Elle a permis d’obtenir une première analyse de la nature et de l’étendue du trafic de personnes au Canada depuis 1999. Avec le temps, le repérage de cas et la collecte de renseignements permettront de mieux comprendre les divers aspects du trafic, tant à l’étranger qu’au Canada.
La première accusation de trafic de personnes en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a été déposée à Vancouver en avril 2005. Ce cas s'est présenté lorsqu’une employée d’un studio de massage a communiqué avec la police parce qu’elle avait été agressée par le propriétaire. Une enquête conjointe de la GRC et du Service de police de Vancouver s’en est suivie et le propriétaire a été accusé relativement à diverses infractions en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du Code criminel du Canada. Ce cas se trouve actuellement devant les tribunaux.
J’aimerais aujourd’hui discuter avec vous des priorités de la GRC en matière de lutte contre le trafic de personnes, notamment les initiatives de sensibilisation; la protection des victimes et la consolidation des partenariats. Le Programme d’exécution de la loi en matière d’immigration et de passeport vise la collaboration avec les organismes nationaux et internationaux de tous les niveaux, ainsi que la collectivité dans son ensemble, pour protéger la qualité de vie des personnes et l’améliorer par le biais de l’éducation, de la prévention et de l’application de la loi. Simultanément, notre stratégie consiste à contrer et à interrompre la migration clandestine et le trafic de personnes.
Compte tenu de ces priorités, le Programme d’exécution de la loi en matière d’immigration et de passeport a donné lieu à la création du premier Centre national de coordination de la lutte contre le trafic de personnes au Canada, situé à Ottawa, pour s’acquitter des volets national et international des enquêtes sur des cas de trafic de personnes. L’effectif du Centre est complet depuis mai 2006 et comprend quatre agents de la GRC et un analyste membre civil de la GRC.
Pour mieux décrire le Centre, disons qu’il se compare à un « centre d'échanges » ou à un « centre de coordination », où le personnel travaille à mettre sur pied de nouvelles initiatives comme des outils d’éducation et de formation à l’intention des responsables de l’application de la loi, à élaborer des politiques, à coordonner les enquêtes – incluant les demandes de renseignements des organismes internationaux d’application de la loi, et à assurer des services d’analyse, entre autres choses. Il s’agit d’un nouveau concept et, bien que le Centre vive actuellement une petite crise de croissance, je suis fière de notre personnel dévoué et suis enchantée du nombre d’initiatives que nous avons pu déclencher en si peu de temps.
En plus d’exploiter le nouveau centre, la GRC s’emploie à mettre sur pied des initiatives pour assurer la protection des victimes. La sécurité et l’intégrité physique des victimes doivent être prises en considération à toutes les étapes du processus du système de justice pénale et, au besoin, des mesures doivent être adoptées pour protéger les victimes. Nous tentons de trouver des façons de mieux repérer les personnes qui se sont laissé tenter par la perspective d’un emploi attirant, et ont finalement vu leur rêve d’une vie meilleure tourner au cauchemar de la violence et de l'humiliation. Nous devons aider les responsables de l’application de la loi à les secourir et à poursuivre les contrevenants.
Comme vous l’imaginez bien, pour atteindre ces buts, un protocole complet d’aide et de protection est nécessaire pour fournir aux victimes la protection et les services qui s’imposent. Grâce à ce genre de protocole, les responsables de l’application de la loi auront de meilleures chances d’obtenir la collaboration des victimes et, au bout du compte, d’être en mesure de poursuivre les trafiquants.
Notre Section des questions d’immigration et de passeport de la région du Pacifique a, en collaboration avec le Centre national de coordination de la lutte contre le trafic de personnes, tracé le diagramme du fonctionnement des soins et de la protection des victimes, qui suit une victime pas à pas, à compter du moment où elle est repérée, jusqu’à celui où elle est rapatriée ou se voit accorder un statut, en passant par l’évaluation des risques, la prestation de services et l’assurance de sa protection, et l’enquête. Cette section a fait de grands pas dans l’établissement de rapports de confiance avec des organismes non gouvernementaux et des groupes confessionnels.
En partenariat avec le Ministry of Children and Family Development de la Colombie-Britannique, la section est en train de mettre sur pied un groupe de travail composé de fournisseurs de services sociaux, d’organismes d’application de la loi et d’autres ministères directement engagés dans la lutte contre le trafic de personnes.
Une fois établi, ce groupe élaborera une stratégie de coordination de ses ressources dans le but de garantir aux victimes repérées une intervention complète et opportune. Ce groupe exécute actuellement le travail de base qui permettra d’améliorer la coordination entre les organismes partenaires, qui, selon moi, sera adapté par les sections des questions d’immigration et de passeports partout au Canada et sera communiqué à des organismes d’application de la loi dans le monde entier.
Soucieuse de mener à bien des initiatives de formation ou d’éducation, la GRC – en collaboration avec notre région du Pacifique, le Centre de lutte contre le trafic de personnes, le ministère de la Justice, Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada – a produit une vidéo de 13 minutes très instructive qu’elle montre aux organismes d’application de la loi partout au pays. La vidéo contient de l’information fournie par une gamme d’experts, incluant des enquêteurs, des universitaires et des chefs d’organismes non gouvernementaux ayant travaillé avec des victimes. La vidéo explique la différence entre l’introduction de clandestins et le trafic de personnes, fournit des conseils sur la façon de repérer les victimes, les éléments d’une enquête concernant le trafic de personnes et, surtout, l’importance de travailler conjointement.
Dans le nouveau matériel de sensibilisation, on retrouve une affiche dressant la liste des indices permettant de repérer une victime et les coordonnées des personnes ressources.
De plus, nous avons créé une « carte de contact » du format d’une carte de visite, sur laquelle sont fournis des trucs sur le repérage de possibles victimes du trafic de personnes et des numéros de téléphones pour joindre des agents de la GRC spécialisés qui répondront directement, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, aux questions des organismes d’application de la loi sur des aspects du trafic de personnes.
En outre, les agents de la GRC contribuent à mieux faire connaître les aspects du trafic de personnes aux organismes d’application de la loi, aux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, au moyen de conférences régionales, de rencontres non officielles et de présentations structurées, notamment au sein d’institutions telles qu’Interpol et Europol, au cours desquelles nous expliquons les stratégies canadiennes.
Interpol est le seul forum international permettant l’échange de renseignements et de stratégies pour contrer le trafic de personnes à l’échelle mondiale. Ce rassemblement de ressources optimise les possibilités d’aide mutuelle entre les autorités policières.
Le Programme d’exécution de la loi en matière d’immigration et de passeport de la GRC a eu un caractère préventif, car il a amélioré nos partenariats internationaux visant la lutte contre le trafic de personnes. Parmi nos partenariats actuels, mentionnons le groupe de travail Canada Chine; le Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes; le comité directeur du groupe de travail de l’Interpol sur le trafic de femmes exploitées sexuellement à des fins commerciales; la réunion annuelle d’experts d’Europol dans le domaine du trafic d’êtres humains pour l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe.
Finalement, bien que nous fassions de grands pas, il reste évidemment beaucoup de travail à accomplir. Dans l’avenir, il s’agira d’atteindre entre autres les buts suivants : élaborer et donner des ateliers à l’intention des ONG pour améliorer la coopération et faciliter l’échange de renseignements; fournir de l’information aux casques bleus canadiens envoyés dans des pays sources, au sujet de la montée de la violence et de l’exploitation des victimes, pour obtenir leur engagement personnel; travailler avec l’Agence des services frontaliers du Canada pour élaborer de la formation destinée aux agents de la force publique et aux agents à la frontière qui sont souvent les premiers à avoir un contact avec des victimes potentielles ou effectives de ce genre de trafic; coordonner des conférences régionales avec des agents chargés de l’application de la loi pour discuter d’enquêtes particulières ou échanger des renseignements; établir des partenariats avec des agents chargés de faire appliquer le règlement municipal, pour effectuer des contrôles auprès des travailleurs agricoles; concourir à l’élaboration de programmes de sensibilisation pour les orphelinats et les organismes de parrainage chez nous et à l’étranger; travailler avec l’Organisation internationale pour les migrations et les agents de liaison internationale de la GRC pour élaborer une structure en vue du rapatriement des victimes; dresser l’inventaire des mesures de protection des victimes partout au Canada.
Pour terminer, Madame la Présidente, je soulignerai de nouveau que la lutte contre le trafic de personnes est très importante pour la GRC. Nous croyons que cette lutte nécessite une approche multidimensionnelle et la GRC est résolue à continuer de travailler en étroite collaboration avec ses nombreux partenaires pour réagir à ce type de criminalité à l’échelon local, national et international.
Le trafic de personnes n'est pas un problème que les responsables de l’application de la loi peuvent régler seuls, mais qui nécessite la collaboration de plusieurs organismes. Nous espérons élaborer et mettre en oeuvre une gamme étendue d’initiatives à l’avenir pour mieux faire connaître ce crime odieux.
Merci de m’avoir invitée aujourd’hui.
Merci, madame la présidente, et merci de m'avoir invité à la séance d'aujourd'hui.
Comme vous le disiez, je suis affilié au Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice criminelle, à Vancouver, qui est un institut de recherche affilié aux Nations Unies et au Collège universitaire Fraser Valley.
Au cours des quatre ou cinq dernières années, mes collègues et moi-même avons eu à maintes reprises l'occasion de travailler sur la question de la traite des personnes et d'étudier ce phénomène. Il y a plus de cinq ans de cela, nous avions commencé par participer aux discussions qui ont conduit à l'adoption de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s'y rattachant; nous l'avons fait en qualité d'observateurs mais aussi en tant que membres du comité d'experts. Nous avons également participé à la conception et à l'élaboration de guides législatifs destinés aux États membres, guides portant sur la façon de mettre ces instruments internationaux en oeuvre, et cela avec l'appui du gouvernement du Canada. Nous avons participé à l'élaboration d'une série d'instruments à l'intention des États membres sur la façon de mettre en oeuvre le protocole sur la traite des personnes et nous avons élaboré des manuels destinés aux policiers, au Canada et à l'étranger. À l'échelle locale et nationale, nous avons collaboré avec nos homologues de la GRC et des autres corps policiers. Nous avons aussi mené la lutte contre la traite des personnes à l'échelle internationale, au Vietnam et en Birmanie, en collaboration avec nos homologues de l'Amérique centrale et de l'UNICEF. Nous avons donc une bonne idée de la complexité des problèmes et nous vous proposons de vous faire part de quelques remarques sur les progrès accomplis au Canada et sur ce qu'il nous reste à faire pour lutter contre ce problème.
Comme la sergente Lowe vous l'a dit, nous sommes assez mal informés au Canada, nous n'avons pas de renseignements systématiques sur l'étendue du problème. D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'il s'agit de la première séance de votre comité sur le thème de la traite des personnes. Je suis certain qu'à la faveur de vos travaux vous entendrez des points de vue différents su mien sur l'ampleur de ce problème au Canada. Ce désaccord quant à la nature du phénomène et à son étendue chez nous est encore dû, en partie et malgré les nouvelles définitions juridiques dont il fait l'objet, à la différence de point de vue quant à ce qui constitue un problème. L'autre raison, c'est que ce problème n'est pas facile à étudier parce que, les crimes étant clandestins par nature, il est difficile de mesurer un tel phénomène. Le crime organisé ne publie pas de rapports annuels et il est donc très difficile de se faire une idée de ce dont il retourne.
D'un autre côté, au cours des cinq à dix dernières années, on s'est davantage intéressé à cette question, un peu partout dans le monde, et l'on sait un peu mieux comment le problème se présente et ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas pour essayer de le régler. Je crois pouvoir dire que la communauté internationale est encore en train d'essayer de dégager des pratiques exemplaires en la matière, mais nous en savons aujourd'hui davantage sur ce problème et sur la façon d'y répondre qu'il y a une dizaine d'années par exemple.
Vous aurez sans doute remarqué qu'on n'entend parler que de quelques cas officiels de traite des personnes au Canada. Par « cas officiels », je désigne ceux qui ont été portés à l'attention des services de police et qui ont été pris en compte et reconnus comme étant des cas de traite des personnes. Quand aborde ainsi la question, on se demande ce qui se passe vraiment. Sommes-nous véritablement le seul pays où la traite des personnes est aussi peu présente? Est-il vrai qu'il n'y a pas plus de cas que cela ou plutôt que le problème tient au fait qu'un grand nombre de victimes au Canada ne se sentent encore pas suffisamment en sécurité pour signaler leur cas et demander de l'aide?
Au Canada, nous ne disposons pas encore d'une méthode efficace de suivi des différents cas. Je sais que nos amis de la GRC sont en train de mettre au point des bases de données, notamment dans le domaine du renseignement, afin de faire le suivi des informations dont ils sont saisis, que ce soit par le truchement de plaintes ou des données du renseignement. Il demeure que de nombreux problèmes subsistent au Canada sur la façon d'étudier le problème et de déterminer comment il s'articule chez nous. Par exemple, il n'existe que quelques cas officiels de traite d'enfants au Canada, pour ne pas dire aucun. Sommes-nous censés croire que nous sommes le seul pays occidental où il n'y a pas de trafic d'enfants? J'en serais très surpris.
Nous devons donc nous attaquer à cette question-là d'une façon différente et nous montrer plus vigilants. Il ne s'agit pas bien sûr de cas qui sont spontanément portés à l'attention des corps policiers. Nous sommes dans un domaine où l'application proactive de la loi est très importante, raison pour laquelle le travail décrit plus tôt par la sergente Lowe est tellement important, non seulement en ce qui concerne la GRC, mais aussi pour l'ensemble des corps policiers au Canada, ce sur quoi je reviendrai dans un instant.
Si je vous ai laissé entendre jusqu'ici que nous ne sommes pas aussi efficaces que nous le devrions en matière de lutte contre la traite des personnes au Canada, mais je ne condamne pas le Canada pour autant. Nous ne sommes ni mieux ni pires que les autres pays. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles nous avons tendance à ne pas réagir aussi bien que nous le devrions et je vais vous en citer quelques-unes, ne serait-ce que parce qu'il en sera de nouveau question dans vos travaux et dans vos délibérations.
La première raison qui fait que nous ne sommes pas aussi efficaces que nous le devrions dans la lutte contre la traite des personnes, c'est qu'on ne s'entend pas sur la définition du mot « traite ». C'est pour cela qu'il est très important de renseigner le public et de le sensibiliser à ces questions-là. Il nous faut parvenir à une terminologie et à une compréhension communes de ce problème, si nous voulons le distinguer d'autres phénomènes tout aussi importants, comme l'exploitation sexuelle des travailleurs du sexe, mais qui ne sont pas forcément à la traite des personnes. Il est important que nous dégagions une compréhension collective de ces différents problèmes et que nous trouvions de meilleures façons de nous y attaquer.
L'autre raison qui explique notre défaut d'efficacité, c'est que nous ne savons pas vraiment à quoi ressemble actuellement la traite des personnes au Canada, ce qui nous amène à penser que nous devrions effectuer davantage d'enquêtes systématiques. Pour mieux comprendre ce dont il retourne, il faut que les chercheurs collaborent avec les corps policiers et les autres intervenants, comme les ONG et tous ceux et toutes celles qui ont une connaissance directe de cette réalité.
L'autre raison qui explique nos difficultés, c'est que le phénomène évolue rapidement. Les modes opératoires des trafiquants de personnes changent constamment. Ces gens-là cherchent à ne pas être détectés et ils trouvent toujours de nouvelles façons d'opérer. Ainsi, dès que l'on braque les projecteurs dans une direction, ils se déplacent ailleurs. On a affaire ici à ce que les criminologues appellent le « déplacement du crime ». Les trafiquants appliquent des méthodes différentes. Ils se rendent dans des endroits différents. Ils suivent des itinéraires également différents. Dès lors, tout ce que l'on croit savoir de la traite des personnes n'est vrai que pour ce qui s'est passé la semaine dernière ou l'année dernière, parce qu'au moment où l'on se parle, les trafiquants agissent déjà différemment.
Cela étant, nous devons améliorer notre efficacité dans l'échange d'informations, surtout — mais pas uniquement — entre les organismes d'application de la loi, mais j'y reviendrai. Il s'agit-là d'un aspect où les corps policiers doivent travailler en étroite collaboration avec les groupes communautaires, avec ceux qui oeuvrent au contact des nouveaux immigrants ou des différentes communautés ethniques au Canada.
Une autre raison pour laquelle nous ne faisons pas aussi bien que nous le pourrions, c'est que nous avons beaucoup de difficultés à évaluer l'aboutissement de nos efforts. Quand on ne sait pas si ce que l'on fait donne des résultats, il est difficile de perfectionner les méthodes. Cela nous ramène, encore une fois, à la nécessité de disposer de bons renseignements sur ce que nous faisons.
Il y a une autre raison: il existe encore de nombreux obstacles à la collaboration internationale. Je ne vais pas trop rentrer dans le détail de ce sujet, mais je serais très heureux de fournir un complément d'information au comité, si vous le désirez. Il se trouve que ce genre de crime se produisant le plus souvent hors de nos frontières, pour le prévenir et le combattre — et pour traduire les coupables devant la justice —, il faut d'abord que les organismes d'application de la loi et les autorités judiciaires des deux pays concernés travaillent en excellente collaboration, ce qui est très loin d'être facile. Grâce à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, à laquelle le Canada est partie, nous avons réalisé d'énormes progrès, pas seulement chez nous, mais aussi sur la scène internationale. Cette convention règle sans doute un grand nombre de problèmes, mais nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements d'une ère de collaboration internationale. La collaboration internationale n'est pas sans risque comme nous l'avons tous, je crois, constaté récemment et c'est donc là un aspect auquel nous allons devoir nous attarder davantage dans l'avenir.
Enfin, je dirais que l'une des raisons pour lesquelles nous ne réussissons pas toujours, c'est que nous n'avons pas systématiquement examiné les hypothèses que nous formulons au sujet de la traite des personnes, de ce qu'elle est, de ceux qui y participent, des victimes qu'elle fait, de ce à quoi elle ressemble, de ses origines et d'autres questions du genre.
On nage en pleine mythologie dans ce domaine, notamment à propos de ce qu'on entend par crime organisé. Quand on pense au crime organisé, on pense au Parrain et on a toute sorte d'images stéréotypées qui nous viennent à l'esprit mais, dans la réalité, le crime organisé est bien différent — surtout dans le cas de la traite des personnes et des autres formes de trafic. Il s'apparente davantage à une nébuleuse constituée de groupes transfrontières qui n'ont pas entre eux d'association formelle. Ainsi, pour être efficaces dans la lutte contre ce genre de crime organisé, nous allons devoir réviser nos perceptions à son sujet.
Je pense que, collectivement, nous savons bien mieux qu'avant comment réagir à ce problème. Tout à l'heure, la sergente Lowe vous a parlé de l'importance de la protection. Au gouvernement fédéral, on parle effectivement beaucoup des trois « p »: la prévention, la protection et les poursuites. Ces trois « p » peuvent être trompeurs à l'occasion, mais ils peuvent aussi nous aider à nous organiser à condition que nous n'oubliions jamais la priorité absolue qu'il convient d'accorder à la protection des victimes, parce que la prévention, les poursuites et tout le reste dépendent de la qualité de la protection des victimes.
Nous avons, par exemple, constaté que la protection des victimes est primordiale et qu'elle doit être au centre des préoccupations de tous les intervenants. Nous savons aussi que l'application de la loi ne peut se faire en vase clos et qu'elle doit être prolongée par un vaste réseau de services d'aide aux victimes et autres services afin d'assurer la protection des victimes.
Beaucoup de ces organismes appartiennent à la société civile. Certains ne travaillent pas depuis très longtemps avec les corps policiers et s'en méfient même; dès lors, nous en sommes au stade où un grand nombre d'organismes d'application de la loi doivent instaurer des réseaux et des relations d'un type différent avec les fournisseurs de service, pour ce groupe de victimes.
Je suis heureux de dire que la GRC a fait preuve d'initiative à cet égard au Canada. Dans ma région, en Colombie-Britannique, la GRC n'a pas travaillé seule. Elle a rassemblé tous les groupes communautaires et a élaboré, entre autres, des protocoles de coopération entre organismes. Tout cela était très utile, mais il faudra faire davantage. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un problème qui concerne uniquement la GRC, puisqu'il y a lieu de mobiliser bien d'autres organismes et particuliers au Canada pour réagir à ce problème.
Je vais brièvement vous parler du projet de loi C-49. Celui-ci est très important et je suis certain que vous bénéficierez d'un exposé en bonne et due forme sur ce que ce projet de loi a permis d'accomplir et sur la façon dont il criminalise la traite des personnes, notamment par la l'ajout de nouvelles infractions. Ce que je regrette, c'est qu'il n'ait pas été adopté plus tôt. Il existe une différence dans la criminalisation des comportements entre la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et le Code criminel. La principale de ces différences tient évidemment au fait que, dans le dernier cas, on parle d'infractions au Code criminel imposant toutes sortes de responsabilité aux corps policiers municipaux et aux organismes réguliers d'application de la loi.
L'ancienne formule, c'est-à-dire en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, faisait problème parce qu'elle plaçait l'insistance sur les personnes franchissant la frontière. Certes, cela fait souvent partie du crime, mais on a alors a priori tendance à se tourner vers les victimes et à s'intéresser à ce genre de crime au niveau de la frontière. Personnellement, j'estime que c'est un problème qui concerne la surveillance de la frontière, et qu'il convient de déployer davantage de personnel pour cela.
D'ailleurs, les recherches qui ont été effectuées un peu partout nous montrent que la frontière est le dernier endroit probable pour trouver des victimes de la traite des personnes. Quand elles franchissent une frontières, la plupart de ces victimes croient qu'on les fait passer clandestinement dans un autre pays où elles auront un avenir meilleur. Cela en fait presque des complices. Elles collaborent avec les passeurs et les trafiquants parce qu'elles ne savent pas encore qu'elles sont victimes d'un crime. Ainsi, le pire endroit pour essayer de mettre la main sur les victimes de ce crime, c'est à la frontière.
Cela étant, où les trouver? Eh bien, dans votre collectivité, dans les salons de massage, sur les exploitations agricoles... bref, dans tous ces endroits-là. Or, qui visite ces lieux? Le policier qui patrouille à pied et qui tombe sur ces cas plus ou moins par accident. Il est donc très important de mobiliser tous les corps policiers pour qu'ils travaillent ensemble, en collaboration avec les organismes locaux.
Le projet de loi C-49 a donc marqué un heureux changement et il constitue un texte de loi important. Vous entendrez sans doute des gens vous dire qu'il aurait dû être différent, qu'il aurait dû aller plus loin et ainsi de suite. Personnellement, je pense qu'il est trop tôt pour se prononcer à ce sujet. C'est une excellente mesure législative. Nous devrions voir ce qu'il donne en pratique et le genre de résultat auquel il donnera lieu, mais vous entendrez certainement d'autres témoins vous présenter des points de vue différents.
Il s'est produit quelque chose d'autre qui n'est pas négligeable dans les tentatives visant à régler une situation particulièrement problématique pour la protection des victimes de la traite des personnes, surtout dans le cas de personnes venant d'autres pays. Comme il n'existait pas de mécanisme adapté pour permettre aux victimes de demeurer au Canada pendant un certain temps, l'adoption des permis de résidence temporaire par Citoyenneté et Immigration Canada représente donc un autre grand pas dans la bonne direction.
La façon d'appliquer ces permis et le moment où il convient de le faire continuent toutefois de faire problème, et l'on note encore une certaine ambivalence chez ceux et celles qui travaillent au contact des victimes, des immigrants illégaux et d'autres, de même que chez les policiers. Je suis certain que tout cela va s'arranger. Cette mesure est relativement nouvelle, mais elle est un pas dans la bonne direction. Le comité devrait veiller à ce que le processus soit suivi de près pour que nous sachions comment il est mis en oeuvre et s'il y a moyen de l'améliorer dans les prochains mois ou les prochaines années.
Je n'en dirai pas plus, mais vous entendrez beaucoup parler de la difficulté d'identifier les victimes de ce genre de crime. C'est toujours très difficile d'y parvenir, et cela pour tous ceux qui sont concernés. Les victimes de ce type de crime ne se dévoilent pas forcément. Elles ne savent pas forcément, dans un premier temps, qu'elles vont être victimes d'un trafic. Comment donc pourraient-elles déclarer que tel est le cas? Une fois qu'elles s'aperçoivent qu'elles sont des victimes, elles ne peuvent pas non plus dénoncer la situation pour toutes sortes de raisons. Elles font l'objet d'intimidations. Elles sont victimes d'actes de violence. Elles ont peur. Elles ne font pas confiance aux policiers. Certaines d'entre elles viennent de pays où l'on ne fait pas confiance à la police. Il existe donc toutes sortes de raisons pour lesquelles les victimes demeurent silencieuses et c'est pour cela qu'il est si important de s'attarder à cet aspect. Nous devons travailler ensemble et nous doter des mécanismes et des moyens appropriés afin d'encourager les victimes à s'identifier et à leur faire savoir qu'elles ne courent aucun risque à le faire.
Je vais à présent conclure, madame la présidente, en dégageant sept grands aspects auxquels il conviendrait que nous nous attardions au Canada et à propos desquels votre comité sera sans doute appelé à formuler des recommandations.
Il y a d'abord la question des services de soutien aux victimes. Actuellement, ils sont insuffisants au Canada, surtout en ce qui concerne les victimes de la traite des personnes, et tout le monde ne comprend pas encore que les services réguliers aux victimes ne sont pas toujours adaptés aux victimes de la traite des personnes, à celles qui viennent d'autres pays ou aux victimes du crime organisé en général. C'est une chose que d'aider quelqu'un qui s'est fait volé hier dans la rue, mais c'est tout à fait autre chose que d'essayer de porter assistance à quelqu'un qui est tombé dans les griffes d'un important groupe criminel organisé et dangereux.
Je ne réclame pas la mise en oeuvre d'un nouvel ensemble de services aux victimes, mais j'estime que nous devons aider les organismes existants à se doter de la capacité nécessaire pour aider les victimes de la traite des personnes. Certes, les cas de ce genre n'ont pas été nombreux jusqu'ici, du moins pas les cas officiels, et la plupart de ces organismes en sont encore à la phase d'apprentissage. Ils vous diraient qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour faire un bon travail dans ce domaine, qu'ils doivent former les volontaires et leur un personnel, et ainsi de suite. Voilà donc un premier aspect.
L'autre aspect est celui de l'appui à apporter aux organisations qui travaillent auprès des victimes en général.
En outre, je ne sais pas si le projet de loi est appliqué de façon systématique ou du moins aussi bien qu'il le devrait. Je songe plus particulièrement à cet égard à la formation des fonctionnaires. Je pense aussi à l'information du public et à l'éducation juridique, et ainsi de suite. Il y a certainement d'autres mesures que j'ignore, mais depuis mon poste d'observation, je n'ai pas constaté l'application d'une approche systématique en matière de mise en oeuvre du projet de loi C-49, comme cela s'imposerait.
Je dois également dire qu'une autre grande priorité est celle de l'élaboration de stratégies à l'échelon local, parce que ce n'est véritablement que par le biais d'une bonne coopération et de relations efficaces entre les divers organismes à l'échelon local que nous parviendrons à régler ce problème. Nous en avons déjà quelques exemples, et je vous ai cité ce qui se fait en Colombie-Britannique. Je sais que des initiatives ont été mises en oeuvre à Ottawa également et qu'il y en a bien d'autres ailleurs. Il faut que l'on agisse ainsi à l'échelle du territoire, ce qui ne se fera pas sans un coup de main, ce qui m'amène naturellement à vous parler de la question suivante, celle du manque de ressources que l'on constate partout pour appliquer ces mesures. Il faudra apporter un appui là aussi, parce que ces choses là ne se font pas seules.
Quand on parle de soutien, d'assistance et d'administration de la justice, on parle forcément de responsabilités des provinces. Il y aura donc lieu de coordonner étroitement le travail des gouvernements fédéral et provinciaux qui devront savoir exactement ce qu'il faut faire pour s'attaquer à ce genre de problème.
J'ai deux autres choses à rajouter.
La coopération internationale exigera une attention constante et davantage d'investissements de notre part si nous voulons qu'elle aboutisse. Il n'est pas possible de l'envisager de façon générale et d'essayer de collaborer avec 197 pays, et une stratégie s'impose donc. Nous connaissons les pays avec lesquels il y a le plus de problèmes et ceux avec qui nous devons absolument travailler en plus étroite relation. Voilà donc un autre aspect qui mérite notre attention.
Pour ce qui est des données et comme je vous l'ai dit à plusieurs reprises, nous ne disposons pas des informations nécessaires. Nous devons nous doter d'une stratégie de collecte des renseignements, pas uniquement des renseignements policiers — sans pour autant les oublier — afin d'avoir une meilleure idée de ce à quoi nous nous attaquons.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à vous deux.
Voilà, je pense, qui va nous aider à lancer le débat.
Nous allons débuter notre première série de questions de sept minutes; nous commencerons par les Libéraux et poursuivrons par le Bloc, les Conservateurs et le NPD. Après cela, nous passerons à une série de cinq minutes par question.
C'est à vous, madame Minna.
Merci, madame la présidente.
Merci pour vos exposés qui étaient très intéressants.
Je suis ravie et déçue tout à la fois de vous entendre dire que le projet de loi C-49 est une bonne chose, mais qu'il n'est peut-être pas appliqué comme il le devrait. C'est là une des grandes failles pour la plupart de nos lois. Nous pouvons adopter autant de lois que nous le voulons mais, au bout du compte, si elles ne sont pas correctement mises en oeuvre, si on ne s'en sert pas vraiment, les ressources ne sont pas bien utilisées et c'est donc un grave problème.
Ma première question concerne votre réaction à la loi elle-même, parce que j'aimerais savoir s'il y a lieu de lui apporter des changements, même si vous avez déjà déclaré qu'il est trop tôt pour se prononcer à ce sujet. Je me demandais ce que l'on fait pour que cette loi soit véritablement mise en pratique. Vous nous avez déjà fourni quelques bonnes suggestions à cet égard.
Vous nous avez dit que nous ne disposons pas encore de suffisamment de données et que nous n'avons pas effectué suffisamment de recherches jusqu'ici. Savez-vous si la GRC, par exemple, ou n'importe quelle autre institution, est en train d'effectuer des recherches à propos de ces données que vous jugez nécessaires, mais qui nous font défaut? Sinon, qui, selon vous, devrait effectuer ce genre d'étude? À quoi le gouvernement devrait-il accorder son attention et consacrer des ressources et des fonds, pour que les choses débloquent à cet égard?
La GRC recueille en permanence des informations et fournit des renseignements à ses agents sur le terrain. On ne fait pas mieux en matière de collecte de données. Notre analyste du Centre de coordination national de lutte contre la traite des personnes se charge de faire des rapports. Elle est sans cesse en train de préparer des documents, de récupérer des informations en provenance du terrain et de les diffuser.
Pour ce qui est du genre de recherches que nous aimerions effectuer, je puis vous dire que notre Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants aimerait pouvoir étudier la traite des enfants, parce que rien n'a jamais été fait à ce sujet. C'est quelque chose que nous aimerions entreprendre. Par ailleurs, notre sous-direction des services de police autochtone aimerait effectuer une étude sur les femmes autochtones qui sont victimes d'un vaste trafic à des fins d'exploitation sexuelle.
Je comprends que vous vouliez faire ce genre de recherches, l'un des obstacles auxquels vous vous heurtez pour l'instant, c'est le financement, le fait que vous manquez de ressources. Je suppose que ces recherches se feraient en partenariat avec différentes collectivités au Canada et que vous vous tourneriez vers les organismes dont M. Dandurand a parlé tout à l'heure, soit des organismes qui sont présents dans les différentes villes et villages au Canada. Je suppose que c'est ainsi que vous fonctionneriez pour cette recherche?
Oui.
Si vous vous rappelez, j'ai également dit que ce problème tient en partie au fait qu'un grand nombre de ces cas n'arrivent pas aux oreilles de la police. Ainsi, malgré l'importance du travail de collecte d'informations et de renseignements par la GRC, travail qui doit se poursuivre, il faut autre chose, je veux parler de la collecte d'informations par d'autres organismes — qu'il s'agisse des organismes de protection de l'enfance, des organismes d'immigration, des avocats spécialisés en immigration, bref de tous ceux qui peuvent recueillir ce genre d'informations, Malheureusement, il n'existe pas de façon systématique de collecter ce genre de données.
D'autres pays ont mis au point des modèles hybrides. La Hollande, par exemple, a nommé un rapporteur spécial indépendant qui obtient des informations des deux côtés. Cette formule est particulièrement intéressante parce qu'en règle générale les corps policiers ne peuvent pas diffuser, comme ça, les informations dont ils disposent étant donné qu'ils risqueraient de porter atteinte à la valeur des renseignements obtenus. Il en va de même des ONG et des organismes de service qui sont nombreux à estimer qu'il faut traiter avec soin de l'information dont ils disposent pour ne pas risquer mettre les victimes en péril.
Il faut donc disposer d'un mécanisme de collecte de données qui garantisse la sécurité des victimes et protège l'intégrité des données du renseignement recueillies par les corps policiers. Je ne pense pas que nous ayons fait suffisamment de progrès au Canada sur ce plan. Nous gaspillons du temps à parler méthodologie tandis que nous devrions carrément nous attaquer au problème.
C'est intéressant, parce que vous nous dites que c'est un organisme distinct, faisant appel aux organismes d'application de la loi, aux collectivités et à bien d'autres, qui devrait effectuer cette recherche et non la GRC et d'autres corps policiers même si ces derniers font déjà ce genre d'études.
Cela nous ramène donc à ce que vous disiez tout à l'heure, autrement dit que le projet de loi C-49 du gouvernement précédent est peut être une bonne mesure législative, mais il n'est pas aussi efficace qu'il le pourrait parce qu'on ne sait pas exactement ce qui se passe sur le terrain. Tout cela est très intéressant parce que tout le monde se tourne, pour commencer, vers les institutions en place, mais il semble que nous soyons en train d'envisager quelque chose de légèrement différent pour ce qui est de la collecte des données et de la réalisation d'études. Bien, ça va.
Mon autre question concerne les racines du problème. Je sais que l'on n'a pas effectué de recherche à ce propos, mais d'après ce que vous savez à ce stade, êtes-vous en mesure de dire quels sont les principaux motifs qui poussent certains à faire de la traite de personnes, outre l'appât du gain et l'appartenance au monde de la criminalité? Nous connaissons évidemment les motifs de ceux qui commettent ce genre de crime et, dans une certaine mesure, je crois savoir que ce qui attire les femmes, ce sont des motifs économiques. Elles viennent ici pour être effeuilleuses ou occuper un autre emploi, mais elles aboutissent dans tout à fait autre chose. Selon vous, est-ce qu'on a effectué des études d'un point de vue économique — pour ce qui est de la prévention — pour que nous puissions couper la source d'approvisionnement de ce type de trafic et nous attaquer au problème du soutien du revenu et de la prévention, en partenariat avec les pays qui sont peut-être les principales sources de ce genre de trafic? En fait, je cherche à mettre le doigt sur la question fondamentale.
Vous avez parlé de l'appât du gain, mais d'un autre côté, il y a aussi le rêve, celui de ceux et de celles qui sont en quête d'une vie meilleure; il y a donc l'appât du gain et le rêve.
Effectivement. Il y a la triste réalité de l'appât du gain qui fait que certains sont prêts à n'importe quoi pour le profit. D'un autre côté, il y a ceux qui rêvent. Il y a ceux et celles qui sont désespérés et prêts à faire n'importe quoi pour améliorer leur situation. Malheureusement, ces gens-là sont des proies et deviennent des victimes toute désignées.
Pour ce qui est de la prévention en général, il est évident que tout ce que nous pourrions faire — surtout dans les pays en développement où se trouvent les populations les plus vulnérables — pour aider les gens à accéder à des débouchés légitimes, pour poursuivre un rêve dans leur propre pays, ne pourrait qu'aider. Il est donc très important que l'on favorise le développement.
Il existe une autre forme de prévention davantage ciblée que nous pourrions appliquer dans les pays qui sont à l'origine d'un important trafic. Il s'agit de travailler en collaboration avec les personnes qui entretiennent des rêves d'évasion pour leur expliquer les risques qu'elles peuvent courir et pour les aider à ne pas devenir victimes des trafiquants. Mais cela, c'est très difficile parce qu'à Manille, aux Philippines, par exemple, on voit de longues files de jeunes femmes et de jeunes hommes devant les bureaux de placement. Tous ces bureaux ne sont pas légitimes. Certains remettent carrément ces demandeurs d'emploi à des trafiquants, mais d'autres bureaux sont tout à fait légaux. Les victimes potentielles, elles, n'ont aucun moyen de le savoir.
Encore une fois, cela nous ramène à la coopération internationale et au travail en relation avec les pays concernés, car nous devons nous assurer qu'ils adoptent une réglementation et qu'ils prennent des mesures dans le cas des bureaux de placement à l'étranger. Nous devons travailler avec ces pays. Je crains qu'il n'existe pas de solution facile pour empêcher l'exploitation de ceux et de celles qui ont une vie difficile dans leur pays.
Merci beaucoup.
Nous allons passer à l'intervenant suivant qui aura sept minutes, questions et réponses comprises. J'essaie de faire preuve de souplesse et je veux m'assurer que nous aurons le temps de poser le plus de questions possible.
C'est au tour de Mme Mourani.
[Français]
Madame la présidente, je voudrais vous remercier de votre présence et de vos paroles.
J'ai beaucoup aimé, monsieur Dandurand, que vous ayez dit que parfois on perd du temps avec des définitions et des façons de faire, ce qui est vrai. Je le vis moi-même sur le plan des gangs de rue. On perd du temps à définir ce qu'est un gang et à déterminer si cela se situe au niveau du crime organisé. C'est un grand problème. Le fait qu'on n'arrive pas à s'entendre sur des définitions permet, d'une certaine manière, à ce phénomène de prendre de l'ampleur, sans qu'on puisse l'évaluer ou le contrôler.
Selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 92 p. 100 des victimes de traite humaine sont destinées à la prostitution. On estime que 48 p. 100 des victimes sont des enfants.
Croyez-vous qu'une législation qui permettrait de décriminaliser le proxénétisme et, par conséquent, les maisons de débauche ne ferait que contribuer à libérer un marché souterrain et peu évalué? Pensez-vous que cela ne ferait que contribuer à laisser libre cours à ces réseaux criminels? C'est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante. Lorsqu'un État — le Canada ou l'État québécois — donne des visas temporaires pour des soi-disant artistes qui sont généralement destinés à l'industrie du divertissement masculin, croyez-vous qu'on ouvre la voie à la traite? Pensez-vous que ce programme devrait être aboli? J'estime que c'est une espèce de traite légale un peu déguisée.
En ce qui a trait à votre première question sur le proxénétisme et ses liens avec la traite des personnes, les opinions sont partagées. Comme principe général, je pense que plus on maintient certaines de ces activités dans la clandestinité, plus il est facile pour le crime organisé d'exploiter les gens. Je ne pense pas un seul instant que l'on suggère de décriminaliser le proxénétisme lorsqu'il s'agit d'enfants. Par contre, lorsqu'il s'agit d'adultes... Une des choses qui aide les groupes criminels est le fait que la prostitution est maintenue dans la clandestinité et que, par conséquent, les personnes qui oeuvrent dans ce domaine n'osent pas demander de l'aide parce qu'elles ne savent pas quelle sorte de réponse elles obtiendront des autorités, surtout lorsqu'elles proviennent d'autres pays où la répression peut être parfois assez importante. C'est une question complexe et je ne peux l'éviter, mais je pense que la réponse réside en partie dans des mesures qui retirent la prostitution de la clandestinité, particulièrement lorsqu'on parle d'adultes consentants.
Les chiffres de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime que vous avez cités sont bons, mais vous avez sans doute noté aussi qu'on recommandait aux lecteurs de ces rapports de tenir compte du fait que la raison pour laquelle ce pourcentage est si élevé est que ce sont les types de cas sur lesquels on s'attarde.
Je vous disais plus tôt, lors de ma présentation, que nos postulats en ce qui a trait à la traite des personnes dictent souvent nos actions. Si on s'imagine que la traite des personnes est pratiquée surtout à des fins de prostitution ou d'exploitation sexuelle, on va braquer nos phares dans cette direction, on va confier les enquêtes à des escouades de moralité, et ainsi de suite. Les résultats confirmeront notre impression qu'il s'agit principalement d'exploitation sexuelle.
Si, dans un autre pays, vous commencez à porter attention, par exemple, à l'exploitation de travailleurs agricoles, tout à coup vous vous rendrez compte que 80 p. 100 des travailleurs en sont victimes. Il faut faire attention à ces pourcentages. Toutefois, il est tout à fait clair, comme vous l'avez souligné, que l'exploitation sexuelle, particulièrement celle des femmes et des enfants, est une des grandes dimensions de ce problème. Ce n'est probablement pas la seule, mais c'est une des grandes dimensions.
Tout ce que l'on sait des opérations du crime organisé est qu'elles profitent du fait qu'on a réduit ces activités à des activités clandestines dans notre société. Il est difficile pour les victimes de demander de l'aide.
Si je comprends bien ce que vous me dites, la clandestinité contribue à renforcer et favoriser l'expansion du crime organisé, et si on légalisait le proxénétisme ou les maisons de débauche, le crime organisé ne pourrait plus opérer dans ce domaine. Est-ce exact?
Non, ce n'est pas ce que je disais.
Certains pays ont légalisé la prostitution. Je pense notamment à l'Autriche, où il existe aussi des problèmes de traite des personnes également à des buts d'exploitation sexuelle. Le problème s'y pose de façon un peu différente. En Autriche, il y a une prostitution réglementée et légalisée qui coexiste avec la prostitution clandestine. Il est plus facile pour les victimes de se sortir du guêpier où elles se trouvent lorsqu'elles savent que le fait qu'elles s'adonnaient à des activités de prostitution ne sera pas nécessairement considéré comme une activité criminelle.
[Traduction]
[Français]
En ce qui a trait aux visas, faudrait-il abolir ce fameux programme de visas d'artistes pour l'industrie masculine?
Je croyais que ce programme avait été aboli. Ce programme a créé beaucoup de difficultés. Il n'y a vraiment pas de raison, me dit-on, de maintenir un tel programme.
[Traduction]
Je tiens à remercier tout particulièrement la sergente Lowe et M. Dandurand de s'être déplacés aujourd'hui.
Je suis d'accord avec Mme Mourani pour dire qu'il faut arrêter ce genre de programme. De ce côté-ci de la Chambre, c'est précisément ce que nous voulons faire.
Il a beaucoup été question de coopération internationale. J'ai trouvé très utiles et perspicaces certaines de vos remarques à tous deux. J'ai une question précise à poser à la sergente Lowe. Notre comité devrait accueillir une dame qui travaille pour une agence de mannequins depuis longtemps. On entend de nombreux récits de Canadiennes blanches ayant été enlevées et s'étant retrouvées dans un autre pays. Cela se fait d'une façon bien particulière qu'elle va nous décrire. Les agences de mannequins organisent des événements de grande envergure et les jeunes filles qui veulent y participer et montrer leur beauté doivent payer 500 $. Elles croient être à l'aube d'une carrière formidable, mais c'est quelque chose de bien différent qui les attend.
Vous avez dit que vous aviez besoin de plus de matériel d'information, comme la vidéo qu'a produite la GRC. Je l'ai vue et je félicite la GRC d'avoir fait cela. La vidéo, qui est très utile, a été faite avec tact. Il faut débloquer le plus rapidement possible les ressources nécessaires pour produire d'autres vidéos qui seront distribuées dans des centres communautaires et ailleurs.
À propos de ces jeunes filles qui travaillent pour des agences de mannequins, pourriez-vous nous parler un peu de la structure en place, nous dire si ces jeunes filles innocentes qui se retrouvent soudainement dans un pays étranger se voient retirer leur passeport, si elles sont contraintes à faire certaines choses contre leur gré pour survivre? Nous connaissons une jeune fille qui s'est retrouvée dans cette situation et nous espérons qu'elle viendra faire part de son expérience au comité. Le temps nous dira si elle se sent assez courageuse pour témoigner ainsi lors d'une des séances que nous tiendrons avant les Fêtes.
Pouvez-vous me dire ce qui serait le plus utile pour la Gendarmerie royale du Canada, pour ses programmes et en fonction des objectifs dont vous avez parlé tout à l'heure? Vous avez dit que vous devez vous tourner vers les organismes non gouvernementaux et les centres communautaires.
Nous venons, récemment, de mettre en service 1 000 nouveaux agents de la GRC. Mais nous sommes aux prises avec un gros problème. Comme vous l'avez si bien dit tous les deux, les gens commencent tout juste à savoir ce qui se passe. Nous avons affaire à une petite société secrète. Si un de mes enfants n'était pas dans la police, si je n'avais pas été porte-parole en matière de la justice au Manitoba, à une autre époque, je n'aurais jamais entendu parler de tout cela.
J'estime qu'il nous incombe de prendre part à ce terrible combat. Je vous demande donc à vous deux, à commencer par la sergente Lowe, de nous éclairer un peu sur tout cela.
Vous voulez que je vous dise ce que nous aimerions avoir pour en faire davantage.
Jusqu'ici, nous nous sommes débrouillés en fonction des ressources financières et matérielles dont nous disposons. Nous avons pu en faire pas mal, mais nous pourrions en faire davantage.
En Colombie-Britannique, deux de nos agents sillonnent la province pour donner des conférence sur ce sujet, or ils doivent refuser des invitations parce que leur calendrier est plein. Il nous faudrait donc un personnel supplémentaire pour faire ce genre de travail. Ces agents projettent la vidéo et distribuent les affiches, les cartes de contact et leurs propres cartes de visite. Les gens nous disent que nous devrions déployer plus d'agents comme ça. C'est ce que nous disent le public et les autres corps policiers.
Pour l'instant, ils s'adressent plus particulièrement aux services de polices, soit aux détachements de la GRC dans la province et aux corps policiers municipaux.
Ils s'adressent aux ONG, qui forment des groupes importants. Les agents leur disent en effet que s'ils réunissent beaucoup de participants, ils seront heureux d'aller leur faire une présentation. Les ONG peuvent se réunir à plusieurs; c'est ce qu'elles font et cette formule a remporté beaucoup de succès.
Nous avons besoin de plus de ressources pour sensibiliser les gens un peu partout au Canada. Nous comptons six sous-directions des questions d'immigration et de passeport au Canada. Or, nous n'avons même pas six agents qui peuvent se consacrer à cette tâche. En Colombie-Britannique, nous n'en avons qu'un seul qui peut le faire, même si un autre est en train de l'aider en ce moment.
Nous avons besoin de plus de ressources au niveau de chaque sous-direction des questions d'immigration et de passeport pour offrir ce genre de programmes de sensibilisation. Nous avons besoin d'agents sur le terrain pour faire les enquêtes, pour rechercher, puis pour protéger les victimes.
Nous avons besoin de personnel pour effectuer des études, surtout dans les communautés du Nord et dans les Prairies. Il faut aller dans les réserves pour parler aux Autochtones, il faut parler avec les ONG, de même qu'avec les corps policiers. Or, nous n'avons actuellement pas les ressources pour cela et nous en avons désespérément besoin.
Ce sont actuellement nos besoins les plus importants.
J'ajouterai simplement que la GRC, comme je le disais tout à l'heure, a fait preuve d'initiatives et d'efficacité dans le milieu policier au Canada. Certes, elle a bénéficié d'un temps d'avance parce qu'elle était déjà chargée de faire appliquer les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les autres corps policiers commencent tout juste à imiter la GRC parce qu'avant cela, ces questions ne relevaient pas de leur responsabilité. En vertu du projet de loi C-49, tout le monde devra faire la même chose. J'oserais dire qu'un grand nombre de ces corps policiers sont sans doute encore assoupis. Il est possible qu'ils ne sachent pas encore exactement ce que cela signifie dans leur cas.
La sergente Lowe vous a parlé du cas de la Colombie-Britannique. La GRC a visité les corps policiers municipaux pour les renseigner sur cette question-là. Je crois que la GRC et le Centre national en particulier ont un rôle fondamental à jouer, mais je me permets de vous signaler qu'il y a lieu de faire intervenir les autres corps policiers et d'autres groupes. Cette question ne concerne pas uniquement la police nationale. Il faut mobiliser tout le monde.
C'était cela que j'entendais quand je parlais de la mise en oeuvre de la loi. Qui s'adresse aux policiers municipaux pour leur expliquer cette nouvelle loi et leur dire ce qu'elle signifie pour eux?
Votre temps est écoulé et vous l'avez même dépassé d'un peu. Nous allons essayer de maintenir le rythme pour que vous ayez une autre occasion d'intervenir.
Madame Mathyssen.
Merci, madame la présidente.
J'ai plusieurs questions à poser dont l'une porte sur ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'appuyer la société civile qui prend en charge les victimes de la traite des personnes. J'aimerais que nous examinions la question sous deux angles.
D'abord, en ce qui concerne les femmes victimes de la traite des personnes au Canada, je sais qu'il existe déjà certaines mesures. Au printemps dernier, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avait annoncé de nouvelles mesures pour aider ces victimes: 120 jours de soutien psychologique et médical pour favoriser leur rétablissement. Cependant, je pense à quelque chose de plus. Je pense à la réalité de ces femmes victimes des trafiquants qui les font passer chez nous. Si nous avions respecté nos obligations internationales en matière d'aide extérieure — puisque nous n'avons jamais respecté nos engagements sur ce plan dans le passé — je me demande si cela aurait permis d'éviter à certaines femmes d'être victimes de la traite des personnes et de se retrouver au Canada?
Si ce genre d'intervention avait vraiment porté fruit, oui, cela aurait changé les choses. C'est une oeuvre de taille, pour les Canadiens, que d'essayer d'abolir la pauvreté sur la planète en agissant seuls. Certes, nous devrions faire davantage, mais ce que nous faisons est déjà beaucoup. Il demeure que nous devrions faire davantage sur ce plan. Si nous voulons prendre les mesures pour prévenir la traite des personnes en particulier, nous devrions conduire des interventions plus ciblées et travailler davantage en collaboration avec les autorités d'autres pays.
Tout à l'heure, je vous ai donné l'exemple des bureaux de placement, des agences de voyage. Il y a toutes sortes de gens avec qui nous pourrions collaborer et faire du travail de réglementation pour nous assurer que les criminels qui exploitent des personnes qui ne se doutent de rien.
Personnellement, je dirais qu'il serait sans doute plus efficace à court terme de conduire des interventions plus ciblées, en collaboration avec d'autres pays.
Très bien, je vous remercie.
Je pense aussi aux femmes qui se trouvent ici, au Canada. Comme vous l'avez indiqué, on leurre des jeunes femmes qui, innocemment, croient qu'elles vont embrasser une carrière intéressante alors qu'il n'en est rien. À ce sujet, je pense aux programmes sociaux qui existent actuellement. Vous avez parlé des services de soutien aux victimes, mais si nous disposions de meilleurs programmes sociaux pour lutter contre la pauvreté des femmes et essayer de leur apporter une véritable sécurité économique, ne pensez-vous pas que nous ferions beaucoup pour éviter à ces jeunes femmes de tomber dans le piège de la pauvreté qui les amène à se retrouver dans des situations où elles sont exploitées?
Oui, je pense que cela aiderait effectivement. Le grand problème, c'est que les femmes ont besoin d'argent et qu'elles vont faire ce qu'il faut pour en obtenir. L'autonomie financière, la possibilité de suivre une formation professionnelle, de faire d'autres études, bref tout ce qui peut rapporter un avantage, ne peut que contribuer à les remettre sur pied et à être fières de ce qu'elles font.
Merci.
On a beaucoup parlé de Condition féminine Canada et du rôle que joue cet organisme pour améliorer la qualité de vie des Canadiennes et leur donner l'espoir d'une amélioration sur ce plan.
Selon vous, est-ce que cet organisme, qui dépend du gouvernement, a un rôle à jouer dans tout ce dossier?
Tout à l'heure, nous avons parlé de la nécessité d'effectuer des études. Eh bien, il se trouve que quelques-unes des premières études réalisées au Canada ont été commandées et financées par Condition féminine Canada. Il faut que quelqu'un assume un rôle de chef de file à l'échelle nationale, il faut un phare qui ne peut pas être exclusivement celui de l'application de la loi. Il faut évidemment un point de mire en matière d'application de la loi, mais nous avons besoin de quelque chose de plus général, de quelqu'un, quelque part, qui puisse assumer le leadership des échanges fédéraux-provinciaux, mais aussi mobiliser les ONG et les autres intervenants de la société civile afin que ce problème soit bien compris et que nous nous entendions, ensemble, sur ce qu'il convient de faire.
Je ne sais pas si ce rôle devrait incomber à Condition féminine Canada, mais ce que je sais, c'est qu'il nous faut un phare et que c'est Condition féminine Canada qui joue ce rôle depuis longtemps.
Ainsi, vous dites que nous avons besoin d'un tel leadership pour regrouper tous les éléments.
Merci beaucoup.
Eh bien, j'avais une question assez longue à poser qui concernait les victimes de la traite des personnes.
Je sais que la GRC a pour politique de porter assistance à ces personnes et de faire tout ce qui est possible pour elles, mais comme on dit dans les notes d'information que certaines de ces femmes sont renvoyées dans leur pays d'origine... Que leur arrive-t-elles une fois qu'elles ont été déportées, qu'elles se retrouvent dans leur pays d'origine? A-t-on le moyen de se renseigner à leur sujet? Est-ce qu'elles se retrouvent dans la même situation ou bénéficient-elles d'un soutien?
Si une femme est renvoyée dans son pays pendant que la GRC fait enquête, c'est parce que c'est elle qui l'a souhaité. C'est la raison. Si nous faisons enquête, nous voulons qu'elle soit à disposition pour témoigner et ce n'est certainement pas nous qui allons décider de la déporter. Je le répète, si une femme retourne chez elle, c'est qu'elle le demande.
Avant cela, toutefois, nous veillons à informer notre agent de liaison international dans la région concernée. Celui-ci accueille la personne à l'aéroport ou il demande à un agent d'un corps policier local de le faire, et il prévient les autorités locales de l'arrivée de la personne pour s'assurer qu'elle ne sera pas de nouveau victime du phénomène de traite et qu'elle ne sera pas non plus poursuivie pour ce qu'elle a fait au Canada.
Merci. Je suppose qu'on lui assure une certaine protection une fois qu'elle est rentrée chez elle, au cas où les auteurs du crime ne seraient pas particulièrement ravis qu'elle ait dénoncé leurs activités.
Il existe plusieurs réponses. La politique de la GRC que vous a décrite la sergente Lowe est très importante. Toutefois, elle est coûteuse et difficile à mettre en oeuvre parce qu'elle dépend de la qualité de nos relations avec les autres pays. C'est pour cela que la GRC n'assure pas la protection des victimes à l'étranger et qu'elle le fait seulement localement. Quand on regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde, on se rend compte que l'on a affaire à toute une gamme de situations. Il y a eu des cas avérés de victimes à qui l'on a donné du cyanure à la frontière, à leur retour en Birmanie, parce qu'elles avaient contracté le VIH/sida. Et puis, il y a les victimes qui rentrent du Canada et qui bénéficient de programmes d'assistance et de protection variés.
Il existe donc de nombreuses variantes, mais la déportation des victimes est un aspect très délicat de notre intervention. C'est difficile. Pour que cela fonctionne, il faut avoir des liens positifs avec les autres pays, et même à cela, rares sont les pays qui offrent des services d'accueil et l'on peut bien avoir toutes les ententes que l'on veut avec certains pays, cela ne sert pas à grand chose... Fondamentalement, les gens doivent compter sur le peu qu'ils vont trouver en rentrant, que ce soit du côté des services médicaux ou autres. C'est un problème délicat.
Merci beaucoup.
Je vais prendre un instant pour accueillir les deux étudiants stagiaires qui nous viennent d'Ukraine. Il s'agit de Nick Pekh et de Julie Bura qui sont quelque part dans la salle et que j'invite à se lever.
Bienvenue parmi nous. Nous espérons que cette expérience sera chargée d'enseignement pour vous.
Pour mémoire, je me permets de corriger ce qu'a dit Mme Mourani tout à l'heure, au sujet du programme pour les artistes et l'industrie du divertissement. Un permis de résidence temporaire peut être émis à la discrétion du ministre ou du ministère pour des raisons d'ordre humanitaire, pour un motif de compassion ou pour des motifs exceptionnels, mais il doit exister des raisons solides. Il demeure qu'il ne s'agit pas d'un programme consistant à émettre des permis en vertu de cette catégorie. Je tenais à tirer cela au clair pour la retranscription.
Nous allons maintenant passer à une série de questions et réponses de cinq minutes.
Madame Stronach.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup de vos exposés de ce matin.
Vous avez beaucoup parlé de la nécessité d'accroître la coordination et la coopération internationale. Qu'en est-il du Canada? Les divers ordres de gouvernement ont-ils amélioré la coordination entre eux? Vous pourriez peut-être nous parler un peu de ce que nous pourrions faire chez nous pour progresser à cet égard.
J'ai quelques questions à poser, mais ce sera ma première.
Nous avons un groupe de travail interministériel à l'échelon fédéral qui s'occupe de la question de la traite des personnes et nous avons des responsables chargés de coordonner les efforts à l'échelon fédéral. Les provinces, de leur côté, sont en train de mettre sur pied des comités régionaux visant à rassembler les ONG autour d'une même table avec les corps policiers et les autres organismes provinciaux.
Ce sont là les principales étapes que nous avons adopté pour essayer de coordonner nos actions.
Bien. Je représente une circonscription dans la région de York. Nous avons un peu parlé de ce sujet avec la police locale qui nous a appris que cette question est prioritaire pour elle étant donné la présence des salons de massage dans le sud de la région.
Nous nous sommes également renseignés au sujet des ressources mises à la disposition des victimes. Nous avons eu de la difficulté à savoir exactement quelles ressources sont disponibles et nous avons constaté que la police ne donne pas beaucoup de soutien aux victimes. Qu'avez-vous à dire à ce propos?
Je sais que vous avez déjà beaucoup parlé de la nécessité de soutenir les victimes, mais vous pourriez peut-être nous parler un peu de cela.
J'aurais deux brèves remarques à faire en réponse à votre question.
D'abord, vous aurez beaucoup de mal à trouver une organisation quelconque qui travaille auprès des victimes de la traite, qui cherche à les aider à dénoncer leur situation, qui n'éprouvent pas de graves problèmes de ressources. Toutes ces organisations sont en permanence en quête de ressources, mais nous en sommes à un stade critique.
Dans les quelques cas qui ont été signalés, il a fallu adopter des mesures spéciales, que ce soit sous l'égide de la GRC ou d'autres, pour répondre à des besoins immédiats, mais il n'existe rien de durable. À un moment donné, il faudra bien disposer d'un réseau de services pour favoriser des interventions rapides.
Heureusement, nous n'avons pas récemment connu de cas graves concernant plusieurs victimes, mais cela pourrait arriver. Nous pourrions très bien nous retrouver avec un nouveau conteneur plein de victimes ou avec une dizaine d'enfants se présentant un beau jour à la frontière ou ailleurs. Soudain, il nous faudrait déployer un effort spécial pour faire face à la situation, mais rien n'est en place et nous ne pouvons compter sur aucun service pour cela.
Pour ce qui est de la coopération, l'expérience à laquelle j'ai eu l'occasion de participer en Colombie-Britannique nous a enseigné qu'il ne suffit pas de convenir de travailler ensemble. La coopération est très complexe et très délicate. Il va falloir se pencher sur bien des choses, comme la protection de la vie privée, la sécurité des victimes et ainsi de suite.
La coopération passe par des ententes et des protocoles interorganismes très détaillés. En Colombie-Britannique, il a fallu au moins un an pour s'entendre sur ce qu'il fallait faire, quand il fallait intervenir et le genre de collaboration qu'il convenait de mettre en place. Pour élaborer ces ententes, il faut être déterminé et avoir des ressources, surtout des ressources.
Nous n'avons pas, jusqu'ici, eu des cas de grande envergure, mais nous devrions nous préparer pour de tels événements parce que c'est une tendance. Quand on trouve une victime, il arrive très souvent qu'on en trouve 10, 15, voire 20 autres. C'est une tendance. Aucune organisation criminelle ne s'en prend à une seule victime. S'il y a une victime, c'est qu'il y en a d'autres. La question est de savoir où elles se trouvent. Quand on les a trouvé, on a soudainement et immédiatement besoin d'un grand nombre de services pour tout un grand nombre de personnes.
Voici mon autre question. Avez-vous des données sur le nombre de femmes ayant été victimes de la traite des personnes à l'étranger et qui ont été renvoyés dans leur pays d'origine? Avez-vous ce genre de statistiques?
Non.
Nous n'en avons pas parlé, mais il y a un problème de revictimisation dans de nombreux pays. Malheureusement, bien des victimes sont victimisées à plus d'une reprise. Après leur rapatriement, les personnes ne sont plus protégées et elles sont donc de nouveau exploitées. On craint même que, si l'on est trop efficace et si l'on renvoie trop vite les victimes dans leur pays, on ne crée d'autres occasions pour les organisations criminelles. Finalement, on se trouve à renvoyer une personne qui est ensuite revendue une deuxième, une troisième fois.
Je ne veux pas paraître alarmiste, mais tous ces cas ont été documentés, ce sont des cas réels.
Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins.
J'ai deux questions à poser et cinq minutes seulement pour le faire et je vais donc essayer de synthétiser au mieux.
Tout d'abord, pourriez-vous me dresser un profil de la victime de ce genre de crime? D'où vient-elle en règle générale? Vient-elle d'autres pays ou du Canada? Les personnes qui tombent dans ce genre de piège essaient-elles de se sortir d'une misère noire ou appartiennent-elles à la classe moyenne?
Pouvez-vous me répondre, sergente Lowe?
Bien sûr. Je peux vous citer certains pays d'où proviennent des victimes dont nous nous occupons actuellement ou dont nous nous sommes occupés dans le passé, et M. Dandurand pourra peut-être vous parler davantage de leur profil.
Les pays en question sont la Thaïlande, le Cambodge, la Malaisie, le Vietnam, la Corée, l'Afrique et l'Europe de l'Est. Dans les cas dont j'ai eu connaissance, il s'agissait de jeunes femmes qui s'étaient retrouvées ici espérant décrocher un emploi de serveuse, par exemple, mais qui ont abouti dans l'industrie du sexe. Les victimes n'ont aucune idée de ce qui les attend tant qu'elles ne sont pas ici. Elles n'en ont aucune idée. Une fois qu'elles s'en rendent compte, elles n'en reviennent pas. Elles ne parviennent pas à s'échapper.
Donc, elles ne viennent pas forcément ici parce qu'elles cherchent à échapper à la pauvreté. Elles pensent peut-être parvenir à élargir leurs horizons professionnels, à moins qu'elles ne soient emballées à l'idée de travailler dans un autre pays. Je me trompe?
Dans la plupart des cas que je connais, ces femmes sont venues travailler au Canada parce qu'elles avaient besoin d'argent pour elles-mêmes et pour leur famille. Ainsi, un grand nombre d'entre elles voudraient bien repartir mais, si elles le font, c'est leurs familles qui en souffrent.
Tout cela est exact, parce que c'est précisément de ce côté-là que nous cherchons.
Il faut aussi parler de la victime qui veut venir au Canada parce qu'elle pense pouvoir y suivre des études. La personne vient ici en pensant qu'elle va aller dans un collège, mais d'un seul coup elle se rend compte qu'elle est exploitée, sexuellement ou autrement.
Il y a aussi la victime qui ne manque pas d'argent et qui veut devenir mannequin vedette, qui pense qu'on lui offre l'occasion de sa vie. Après tout, qui n'a pas envie de devenir mannequin vedette?
Il y a aussi la victime qui veut devenir musicien adulé. On lui offre la chance de venir travailler dans une boîte de nuit comme musicien et elle pense qu'elle va pouvoir percer sur le marché américain. D'un seul coup, elle se rend compte que c'est sur le plancher qu'elle travaille et pas sur la scène.
Voilà ce qui se produit. Ce sont des tendances que l'on constate, mais ces tendances sont celles de cas que nous connaissons déjà. Dans les toute premières études sur la traite des personnes, la plupart des chercheurs se sont surtout efforcé de retracer les itinéraires empruntés. Vous avez sans doute vu ces cartes, tout le monde en a. Ce sont des mappemondes portant des flèches qui vont dans toutes les sens.
Le problème, c'est qu'elles illustrent la situation de l'année dernière ou d'il y a deux ans ou trois ans. Ce sont des cas que nous connaissons. Si nous disons que cette année le problème vient de Corée, vous savez ce qui se passe? Les trafiquants passent à la Birmanie. Si nous disons que c'est la Jamaïque, d'un seul coup on s'aperçoit qu'il s'agit en fait du Honduras. Si l'on dit Honduras, ce sera ailleurs.
Pourquoi? Parce que, par définition, ces criminels sont organisés et qu'ils cherchent par-dessus tout à ne pas être détectés. Ils prennent grand soin à essayer de savoir ce que font les organismes d'application de la loi. Ils se demandent après qui ils en ont cette semaine, par quel aéroport il est plus facile de rentrer au pays.
Voilà ce dont il s'agit et ce n'est pas un phénomène statistique. S'il est important de dresser un profil des victimes à qui nous avons actuellement affaire, nous ne devons pas nous laisser aller à penser que les choses demeureront telles quelles. Tout change en permanence.
Je ne veux pas vous interrompre, mais il ne me reste qu'une minute.
Savez-vous si des poursuites ont été entreprises en vertu du projet de loi C-49 jusqu'ici?
Bien.
Vous avez dit vous heurter à d'importants obstacles pour mobiliser les autres corps policiers. Existe-t-il d'autres initiatives dont vous pourriez me parler et qui ont pour objet d'aider les organismes d'application de la loi à prendre davantage conscience de leurs obligations en vertu du projet de loi C-49?
Nous collaborons avec le ministère de la Justice pour former les agents de police. Nous avons commencé à Ottawa et nous allons faire le tour du pays.
Vraiment? Je m'en suis mieux sorti que je ne le pensais.
Pour terminer, quel conseil pourriez-vous donner à ce comité pour qu'il rédige un rapport complet sur le sujet? Quel serait, selon vous, le meilleur résultat auquel on pourrait parvenir aux termes de quelques mois d'audience? Que pourrait faire ce comité pour faire progresser les choses à l'avantage de notre société et surtout les victimes?
Continuer d'appuyer les organismes fédéraux dans les efforts qu'ils déploient et maintenir cette question à l'avant-plan. Les trafiquants savent quand nous sommes sur une piste et ils nous devancent. Si nous maintenons les projecteurs braqués sur cette question, ils réfléchiront peut-être à deux fois avant de faire ce qu'ils font. Même s'il y a peu de chance que cela donne des résultats, il vaut la peine d'essayer.
Je suis d'accord. J'ajouterai que c'est une question de ressources et de coordination avec les provinces. Il y a tellement de choses qui relèvent avant tout de la responsabilité des provinces: l'administration de la justice, les services sociaux et la protection de l'enfance. Vous devez travailler en étroites relations avec les provinces. En plus de ce que j'ai suggéré tout à l'heure, c'est sans doute là la grande priorité.
[Français]
Monsieur Dandurand, un peu plus tôt, vous avez dit que dans les pays où on avait légalisé la prostitution, un marché parallèle s'était malgré tout développé. On voit donc que la légalisation porte à s'interroger.
D'autre part, j'ai lu que l'âge moyen d'entrée dans le monde de la prostitution serait de 14 ans. Avez-vous les mêmes données? J'ai également lu quelque part que la route de la traite serait carrément la route de l'esclavage, comme au temps de l'esclavage des Noirs.
Pour terminer, pensez-vous que les municipalités devraient renoncer à accorder des permis d'agences d'escorte, entre autres? En ce qui a trait aux fameux programmes de visas temporaires pour les artistes ou pour les travailleurs domestiques, croyez-vous que ces programmes constituent des failles dans notre système d'immigration? Que les visas soient accordés par le ministre ou non n'est pas vraiment important, cela existe. Vous me corrigerez si ce n'est pas le cas. Croyez-vous que ce sont des failles dans notre système?
Vous soulevez plusieurs questions très complexes. Je pense que les données que vous citez en ce qui a trait à l'âge moyen où l'on commence à se prostituer sont probablement les bonnes. C'est le cas, non seulement au Canada, mais aussi ailleurs. Il semble que l'âge diminue d'année en année; on commence à les recruter de plus en plus jeunes. Je pense qu'il faut mettre ces questions de côté. Si on parle d'enfants, il n'est pas question de légaliser la prostitution ni d'approuver ou d'avoir des permis temporaires d'immigration. De toute façon, il ne faut pas aller dans ce sens. Il faut donc faire attention à cela.
Que les victimes de ce genre d'exploitation soient également des victimes de la traite des personnes ou non n'est vraiment pas une question importante. Il y a plusieurs façon d'exploiter les gens, y compris les enfants et les femmes. La traite des personnes n'est qu'une de ces façons. Évidemment, il faut prendre d'autres mesures pour protéger les gens qui sont victimes de différentes formes d'exploitation, même s'ils ne sont pas victimes de traite des personnes.
C'est pour cela que certains intervenants vont vous dire qu'il faut d'abord s'attaquer à la question de la prostitution, etc. Il faut s'occuper de toutes ces questions. Si on commence à les mêler toutes et à en faire un problème unique, cela complique les choses plutôt que de nous aider à élaborer des stratégies pratiques. Un certain nombre de mesures devraient être prises en vue de protéger les femmes et les enfants canadiens contre l'exploitation sexuelle. Au fond, cela n'a rien à voir avec la traite des personnes. D'autres mesures doivent être prises pour contrer la traite des personnes. Vous avez cité des programmes ou des pratiques. Il serait peut-être plus juste de parler de pratiques plutôt que de programmes. Ces pratiques existent pour d'autres raisons, souvent louables et légitimes.
Il arrive que ces programmes soient détournés de leurs objectifs initiaux par le crime organisé. Il est très difficile de ne pas mettre en vigueur des programmes qui ne seront pas, à un moment donné, complètement détournés par le crime organisé. On vous dira souvent, par exemple, que tout ce que l'on peut faire pour rendre la vie plus facile à des victimes — entre autres les permis de séjour temporaire — peut être utilisé par les bandes du crime organisé. Quelqu'un qui fait partie d'un groupe de trafiquants peut dire aux victimes que puisque le Canada est un pays tolérant qui respecte les droits de la personne, ils n'ont qu'à lui donner 10 000 $ et il va organiser leur entrée chez nous. Aussitôt arrivés, toujours selon ce trafiquant, tout ce qu'ils auront faire sera de se déclarer victime pour obtenir un permis de séjour temporaire et avoir accès à des services médicaux, etc. Toutes les mesures que l'on prend pour protéger les victimes peuvent être détournées contre celles-ci par des membres du crime organisé.
Il ne faut quand même pas s'empêcher d'adopter des mesures pour protéger les victimes. Il faut savoir que chaque fois que l'on agit, comme le disait le sergent Lowe, le crime organisé ne demeure pas passif: il trouve des façons de contrer nos mesures ou ce que l'on essaie d'accomplir.
[Traduction]
[Français]
On me disait que lorsque les victimes étaient détectées, on les déportait. Ne pensez-vous pas qu'on devrait plutôt accorder à ces personnes une résidence permanente?
Je crois que c'est une chose à considérer. Tout d'abord, en créant la possibilité de leur offrir une résidence temporaire pour quelques mois, on a déjà fait un pas dans la bonne direction. Il faut pouvoir trouver un mécanisme qui nous permette de savoir s'il s'agit véritablement de victimes ou non. Si on ouvre la porte toute grande et qu'on dit que toute personne qui se déclare victime est la bienvenue au Canada, il y aura un déluge de personnes qui voudront immigrer illégalement au Canada et qui se déclareront victimes. Il faut prendre garde parce que cela pourrait jouer contre les victimes.
[Traduction]
Merci.
Ma question concerne davantage le centre pour lequel vous travaillez. Celui-ci a été créé en 1991 grâce à une initiative du gouvernement du Canada. Vous êtes un organisme sans but lucratif. Qui finance votre organisme? Le gouvernement?
Je ne connais pas tous les détails du financement. Je suis simplement premier agréé. Je n'administre pas le centre, mais je crois savoir que celui-ci continue d'être financé par l'intermédiaire de Justice Canada.
Je ne sais pas dans quelle mesure le ministère le finance, mais je sais que le centre est également financé par le gouvernement de la Colombie-Britannique, même si ce n'est pas dans autant.
J'ai remarqué que vous faites de la recherche et de l'analyse politique, que vous diffusez de l'information et mettez en oeuvre des programmes d'assistance technique. Quelle importance votre capacité de diffuser l'information revêt-elle pour vous assurer que l'on s'attaque vraiment à des problèmes comme la traite des personnes?
La valeur de notre centre dans le fait qu'il aide les autres organismes et groupes au Canada à jeter des passerelles et à établir des relations avec les résidents d'autres pays. Grâce à sa capacité de travailler dans des pays différents, de participer à l'élaboration des politiques à l'échelon international, d'effectuer des recherches et ainsi de suite, le centre est une ressource pour les autres.
Par exemple, nous avons collaboré avec le Centre national de coordination en Colombie-Britannique que nous avons appuyé et que nous avons fait bénéficier de toute l'information et de toutes les ressources que nous avons pu obtenir d'ailleurs. À cet égard, nous sommes donc une ressource importante et je pense pouvoir dire sans fausse modestie que nous contribuons à la capacité du Canada de combattre le problème.
Si ce financement était interrompu, cela aurait d'importantes conséquences négatives. Je pense à tous les organismes du pays, à tous les groupes qui cherchent à faire en sorte que les organisations aient la capacité et les informations voulues pour faire leur travail et je pense aussi au fait que tout cela est important pour disposer d'un tableau complet de la situation.
Il est vrai que le financement est essentiel pour des organisations comme le centre ainsi que pour toutes les autres organisations qui oeuvrent dans ce domaine. N'oubliez pas que, dans le cas d'une activité transnationale comme celle-ci, il faut se rendre à l'étranger, qu'il faut se déplacer et que rien de cela n'est gratuit. Je sais que les coûts peuvent parfois paraître exorbitants, mais il arrive que, pour un seul cas, on doive se rendre à plusieurs reprises à l'étranger, qu'il s'agisse de représentants de corps policiers ou d'autres intervenants.
Il est rare que des organismes de services aux victimes très bien structurés aient l'occasion de collaborer avec leurs contreparties à l'étranger. Ils s'occupent des besoins des victimes ici et un point c'est tout. Toutefois, dès qu'il est question de la traite de personnes, les organismes canadiens de services aux victimes doivent établir des liens avec leurs pendants à Manille ou ailleurs dans le monde pour répondre correctement aux besoins des victimes et s'assurer que celles-ci seront prêtes pour leur retour. Il s'agit d'une activité nouvelle qui n'est pas financée et qui donne lieu à un important besoin.
Plus nous offrons de services de soutien sur le terrain et plus notre action collective est efficace, qu'il soit question de garantir l'égalité aux femmes, de leur offrir la sécurité économique ou d'éviter qu'elles ne soient victimes de la traite des personnes.
Il y a une autre raison importante. Si nous voulons combattre ce problème, poursuivre les criminels et nous attaquer à cette forme du crime organisé, il faut que les victimes se fassent connaître. Il faut qu'elles collaborent avec les services de police et les autres organismes concernés. À moins qu'on les protège et qu'on les aide, on n'y parviendra pas.
Il faut évidemment aider les victimes, car c'est ce dont elles ont besoin. Nous le faisons par compassion, parce que nous nous préoccupons du sort de ces personnes, mais ne serait-ce qu'au titre de la lutte contre cette forme de criminalité, il faut collaborer avec les victimes parce que, sinon, on se retrouve sans cause. On ne peut pas faire grand chose sans la collaboration des victimes et celles-ci ne collaborent pas à moins qu'elles se sentent protégées et aidées. C'est un tout. Voilà pourquoi j'ai dit que tout semble très logique en principe quand on parle de protection, de prévention et de poursuites, mais en pratique, on est obligé de mener les trois de front ou l'on arrive à rien.
Merci, madame la présidente et merci à nos témoins d'avoir pris le temps de nous rencontrer et de nous avoir fait un exposé.
Existe-t-il un lien entre la traite des personnes, le crime organisé et la prostitution?
Tout à fait. Mais il existe aussi un lien avec l'industrie du divertissement et l'industrie des petits fruits d'où je suis issu. Les liens sont nombreux, mais celui que vous mentionnez est le plus important de tous, comme nous le disions tout à l'heure. D'après les données actuelles, même si elles ne sont pas parfaites, il semble qu'il s'agit-là de la principale forme d'exploitation qui conduit à la traite des personnes.
Est-ce que les agents et les enquêteurs de la GRC sont formés dans le domaine de la traite des personnes?
Oui. Nous offrons un cours à l'échelle du pays, deux fois par an, aux enquêteurs dans le domaine de l'immigration et des passeports. Il s'agit d'une formation d'une journée complète sur la traite des personnes. Nous collaborons avec l'École de la GRC à Regina, qui forme les futurs gendarmes, pour qu'elle inscrive la question de la traite des personnes à son programme.
Nous consacrons beaucoup de temps à l'étude de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et nous avons ajouté l'étude de la traite des personnes, qui est assortie d'un scénario et de peines différentes, par exemple pour le passage de clandestins. Nous sommes également en liaison avec les différents collèges de police au Canada en ce qui concerne les programmes offerts aux élèves. Enfin, nous offrons une formation aux membres des autres corps policiers, partout au Canada.
Il a été suggéré à plusieurs reprises, autour de cette table, que certaines des causes fondamentales de l'inégalité entre hommes et femmes, des comportements criminels et même de la traite des personnes sont de nature économique. Êtes-vous d'accord avec cette déclaration à l'emporte-pièces?
Si je me fie à mon expérience, au travail bénévole que j'ai effectué et à ma formation, je ne dirais pas que les causes sont entièrement économiques. Parfois, tout est une façon de voir et de penser le crime organisé, comme vous l'avez indiqué.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Nous parlons ici de pays où les femmes ne sont pas autorisés à travailler. Si elles vont ailleurs, elles peuvent travailler, mais pas chez elles. C'est cela qui les pousse à prendre contact avec un recruteur et à quitter leur foyer pour aller travailler dans un autre pays dans l'espoir de devenir autonomes. Elles pensent que c'est ce qui va arriver, mais les choses tournent autrement. C'est là que se situe la tromperie.
Les gens qui sont économiquement vulnérables peuvent être exploités, mais la vulnérabilité revêt bien d'autres visages. Il arrive que les gens soient vulnérables parce qu'ils ne sont pas très intelligents. Parfois, ils sont vulnérables parce qu'ils sont beaucoup trop ambitieux. Voilà autant de raisons qui font que certaines personnes sont vulnérables en partant ou qu'elles le deviennent.
Ceux qui sont économiquement vulnérables, ceux qui n'ont pas accès à des débouchés, sont les proies idéales des trafiquants d'êtres humains. Mais ce ne sont pas les seuls.
Je suis d'accord, surtout en regard du travail que nous effectuons en Afghanistan où les femmes peuvent maintenant quitter leur foyer. Il fut un temps où on leur brisait les os du corps si on les trouvait hors de chez elles. Elles se rendent compte maintenant qu'il existe de nombreuses possibilités pour elles, à l'extérieur, qu'il existe autre chose que ce qu'on leur a toujours enseigné, que les anciennes façons de raisonner.
Je vais répéter une remarque perspicace que l'un de vous a faite en mentionnant que certaines jeunes femmes veulent devenir des vedettes. Elles sont issues de bonne famille, mais elles sont rongées par l'ambition. Elles estiment que les agences de mannequins et la possibilité de se rendre à Milan leur permettront de réaliser leur rêve. Puis, soudainement, elles se rendent compte que loin d'être devenues des étoiles, elles sont victimes d'un trafic humain et que leur vie toute entière a bousculé.
N'êtes-vous pas d'accord?
Je vous remercie beaucoup pour les renseignements que vous nous avez communiqués. Vous avez jeté des bases très solides pour les travaux importants que notre comité a entrepris.
Je vais suspendre la réunion un instant pour vous permettre de quitter la table et nous préparer pour la suite.
Je veux souligner quelque chose qui me préoccupe énormément. On vient juste de nous dire à quel point il est important que les organisations bénéficient de l'appui du gouvernement pour améliorer leur capacité d'intervention, et effectuer les recherches et les sondages nécessaires pour s'acquitter de leur mandat. On vient juste de me dire que le mandat de Condition féminine Canada vient d'être affiché sur le Web. Eh bien, je suis préoccupée par l'absence de soutien pour des activités comme le renforcement des capacités, la recherche et les sondages, autant d'éléments dont on vient juste de nous dire à quel point ils sont importants pour un travail sérieux.
La ministre viendra nous rencontrer jeudi et je demande très respectueusement qu'à cette occasion nous tenions une discussion sur le nouveau mandat de Condition féminine Canada afin que nous sachions exactement le genre d'activité que va financer cet organisme, à l'appui de ces organisations qui font un travail remarquable pour favoriser l'égalité des femmes.
Je tiens à vous préciser que la ministre sera présente de 11 heures à midi. Elle ne passera donc qu'une heure avec nous. Comme je le disais plus tôt, nous lui avons demandé un autre rendez-vous. Elle nous a indiqué qu'elle essaierait de se libérer, mais qu'elle ne pourra pas rencontrer de nouveau avant la fin novembre étant donné qu'elle va devoir s'occuper du budget des dépenses principal et des réponses aux rapports 1 à 3 du gouvernement. Je préférerais que nous nous concentrions sur les questions pour lesquelles nous voulons obtenir une réponse directe de la ministre.
Les fonctionnaires, quant à eux, resteront pour une deuxième heure durant laquelle nous pourrons toujours parler de vision, de mandat et autres. Si nous parvenions à poser des questions les plus succinctes possible jeudi, je pense que nous pourrions nous faire une meilleure idée de ce qu'est le mandat et de ce vers quoi nous nous acheminons, et nous tiendrions tout cela de la ministre elle-même, sachant que les hauts fonctionnaires resteront après son départ.
Vous devriez avoir reçu une étude sur le budget des dépenses principal, de même que les documents concernant des crédits pour Patrimoine canadien, soit les crédits provisoires 110 et 115. Il serait bien que vous les examiniez avant la réunion de jeudi pour préparer des questions très précises, car cela nous serait utile. Par ailleurs, à votre retour dans vos bureaux, vous trouverez un rapport sur les plans et priorités. Je vous invite à examiner toutes ces questions.
Il me reste huit ou neuf exemplaires d'un document du forum sur les tensions en matière de pension, qui s'est déroulé ce matin. J'en avais une dizaine en partant et j'en ai rapporté quelques copies pour le comité. Ce document n'est sont pas officiel et si vous en voulez un, dites-le moi.
Vous auriez dû recevoir toute cette documentation par courriel. Veuillez vérifier si elle parvenue à vos bureaux. Dans le cas contraire, veuillez communiquer tout de suite avec la greffière pour que nous puissions donner suite.
Madame Smith.
Je me suis entretenue avec la ministre il y a deux ou trois jours de cela et elle m'a fait part de son impatiente à venir nous rencontrer. Elle est emballée à l'idée de communiquer certaines informations au comité et à la population en général sur tous ces dossiers et je vous invite donc à préparer vos questions.
J'ai une question, madame la présidente.
Vous avez parlé de deux crédits. Pouvez-vous nous répéter cela? C'était plutôt rapide. Avez-vous dit que tout cela se trouve dans la documentation que nous avons reçue?
Effectivement, il s'agit des crédits provisoires 110 et 115 concernant Patrimoine canadien. C'est l'information que j'ai reçue.
Si nous ne votons pas sur ces crédits au comité, ils seront considérés comme ayant été adoptés quand ils arriveront à la Chambre en novembre. Si nous avons des questions ou des réserves à leur sujet, nous devrons essayer d'obtenir des réponses de la ministre ou de ses fonctionnaires qui resteront pendant une heure après son départ.
S'il n'y a rien d'autre, je propose que nous levions la séance.