Passer au contenu
;

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 050 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 avril 2007

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Nos témoins sont tous présents. Nous poursuivons notre étude sur la sécurité économique des femmes. Beverley Smith sera entendue à titre personnel; Monica Lysack et Emily King seront entendues comme représentantes de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance; et Michelle Harris Genge en tant que représentante du Women’s Network of Prince Edward Island.
     Il a dû vous être dit que chacun de vos groupes disposera d’un temps de parole de 10 minutes, que votre exposé soit présenté par une seule personne ou par plusieurs. Nous devons nous montrer très rigoureux à cet égard et, dès les 10 minutes écoulées, la sonnerie retentira. Je vous demande donc de porter votre regard vers moi, car je vous ferai signe de la main. Une fois les exposés présentés, les membres du comité auront l’occasion de vous interroger. Les points que vous n’auriez pas pu aborder pourront l’être lors de la discussion. À la fin, vous disposerez d’une minute pour revenir sur les principaux aspects de la question.
     Nous allons devoir aller voter à 17 h 30. Mesdames et messieurs les membres du comité, la sonnerie va t elle retentir à 17 h 30, ou est ce le vote qui aura lieu à 17 h 30? Bon, la sonnerie va retentir à 17 h 15, et nous allons donc devoir immédiatement quitter la salle. Nous devrons donc lever la séance.
     Madame Smith, voulez vous commencer? Nous pourrions également commencer par Emily. Comment voulez vous que nous procédions, madame Smith? Voudriez vous que nous commencions par quelqu’un d’autre?
    Non, je veux bien commencer.

[Français]

    Merci de m'avoir invitée ici. Je vais parler des femmes dont le travail est non payé ou peu payé.

[Traduction]

    Je tiens à aborder en premier la question des travailleuses qui sont soit mal rémunérées soit pas payées du tout.
     Les gouvernements qui se penchent sur la situation économique des femmes, constatent que pendant leur vie adulte et leur retraite les femmes ont un revenu inférieur à celui des hommes et beaucoup plus de chances d’être démunies.
     Vous vous demandez comment assurer la sécurité économique des femmes. Vous n’êtes pas sans savoir que la sécurité économique ne se limite pas au revenu perçu à une époque donnée mais s’entend de la régularité des ressources tout au long d’une vie. Par le passé, les économistes estimaient donc en général qu’il convenait, par l’équité salariale et l’action positive, aider les femmes à accroître leurs revenus en leur ouvrant la voie à des emplois mieux rémunérés. Beaucoup des mesures prises en ce sens ont donné de bons résultats et la discrimination fondée sur le sexe, que ce soit en matière d’embauchage ou d’avancement est maintenant reconnue comme une violation des droits de la personne.
     Une seconde approche du problème que nous évoquons a consisté à atténuer la vulnérabilité des femmes, essentiellement en faisant en sorte qu’elles n’aient pas à dépendre d’une autre source de revenu ou d’un autre soutien économique sur lesquels elles ne peuvent pas nécessairement compter. Cet argument continue à être avancé par certains groupes de défense des droits de la femme. Kathleen Lahey, professeure de droit à l’Université Queen’s, fait notamment valoir, que pour assurer leur sécurité économique, chaque femme devrait avoir un emploi hors de son domicile. Selon cette thèse, la femme doit, dans son propre intérêt, assurer sa sécurité économique et son indépendance financière.
     Les gouvernements ont réagi à cela et réduit, petit à petit, le soutien financier de la femme au foyer en mettant de côté toute notion de salaire familial et en supprimant la déduction pour enfant à charge ainsi que l’allocation familiale. Petit à petit, on a vu mettre en place des mesures incitatives destinées à récompenser les femmes qui trouvaient un emploi rémunéré à l’extérieur du foyer, en leur offrant non seulement un salaire, mais également des prestations pour soins dentaires et soins de santé, des prestations de retraite, des congés de maladie et des congés payés, autant de choses auxquelles n’avaient pas accès les femmes n’occupant pas un emploi rémunéré. Nous avons beaucoup progressé et nous tendons au but.
     Pour de nombreuses femmes, l’équité salariale est presque acquise. Mais nous ne sommes pas parvenues à faire reconnaître le rôle joué par les aidantes. Étant donné l’impossibilité de se trouver en deux lieux à la fois, les femmes, même lorsqu’elles sont capables de danser à reculons en talons aiguilles, se trouvent en porte à faux. Leur dilemme n’a rien à voir avec leur sexe mais bien avec les soins qu’on attend d’elles.
     Il s’agit là d’un rôle qui, traditionnellement, est étroitement associé à la femme. Au niveau du droit, il y a, entre les femmes et le rôle qu’elles jouent au sein de la société, une très grande identité car c’est la femme qui porte les enfants, les met au monde et les allaite. Lorsque la fiscalité rabaisse le rôle d’aidante, il rabaisse la femme.
     Jadis, la femme entretenait le feu, nourrissait les enfants, préparait les repas, cultivait la terre et s’occupait des malades. Les hommes, eux, se chargeaient de la chasse et de la cueillette. Les deux sexes étaient alors interdépendants. Or, chose étrange, lorsqu’on a commencé à accorder une rétribution pécuniaire à certains rôles, seuls les hommes en ont bénéficié. Le mot même de « travail » en est venu à désigner exclusivement les activités du sexe masculin. Ce changement a été le premier à entraîner une dévalorisation des rôles joués par la femme.
     Vue sous cet angle, la libération des femmes afin de leur permettre d’occuper un emploi rémunéré, de ne pas dépendre d’un homme et d’acquérir une autonomie financière est très incomplète. Outre cela, il faut en effet insister pour que soit reconnue la valeur de notre rôle d’aidante.
     Les gouvernements ont sollicité l’avis d’économistes tels que Cleveland et Krashinsky, selon qui seules les femmes qui gagnent de l’argent contribuent à la société. En tant que militante des droits de la femme, je constate que la lutte des femmes pour l’égalité a récemment pris une nouvelle orientation qui consiste à chercher des solutions à l’impasse dans laquelle se trouve actuellement toute la question du rôle de personne au foyer. Certains estiment qu’il faut accorder aux femmes des allégements fiscaux pour qu’elles puissent travailler à l’extérieur. Leurs arguments sont valables, mais le sont également ceux des personnes qui s’occupent des enfants et du foyer. Tous conviennent toutefois que les femmes ont le droit de choisir la contribution qu’elles veulent faire à la société, et que l’État doit aider à faire respecter ce choix.
     Si les femmes se voient accorder un soutien financier pour la garde d’un enfant, qu’elles partagent ou non leur foyer avec un homme, indépendamment des ressources financières de celui ci, elles deviennent moins vulnérables. Si nous avons vraiment la volonté de mettre fin à la pauvreté des enfants, le meilleur moyen est de subventionner le rôle d’aidante. Accordez une aide à l’enfant, peu importe où il se trouve, et indépendamment de la situation de famille du parent ou du fait qu’il occupe un emploi. Si nous souhaitons vraiment apporter à ce problème une solution moderne et créative, nous devons valoriser les soins apportés par le parent et accorder à ceux qui s’occupent des enfants une aide pécuniaire. Les femmes n’éprouveront un sentiment de sécurité économique que lorsqu’elles sauront que les choses se font ainsi.
     La valeur que le gouvernement accorde actuellement aux soins prodigués aux enfants apparaît le plus clairement dans la manière dont on traite la femme chef de famille. Le gouvernement considère avec mépris la femme qui, sans revenu et sans compagnon, s’occupe d’un petit enfant.
     C’est comme cela que les autorités considèrent les mères monoparentales. C’est la plus grosse injure faite au rôle d’aidante.
(1540)
    La législation sur les pensions de retraite ne tient pas compte des années consacrées aux enfants — mais nous ne vous le reprochons pas. Vous avez décidé de passer quelques années chez vous pour vous occuper de votre enfant, nous ne vous en faisons pas le reproche. C’est une législation de condescendance envers les femmes car de tels textes se voudraient généreux. Ce n’est pas ce que nous entendons par valorisation du rôle d’aidante. En Italie, les années consacrées à la famille ouvrent droit à pension.
     Il est bon que les personnes âgées aient maintenant droit au fractionnement du revenu de pension. La réduction d’impôt qui en résulte reconnaît la contribution de celles qui n’ont pas gagné d’argent ou qui dans le ménage avaient les revenus les moins importants. Cela dit, il n’y a actuellement aucune reconnaissance, avant la retraite, du rôle de la personne qui s’occupe des enfants et qui en conséquence a eu les revenus les moins élevés. Or, cette reconnaissance, il faut y aboutir.
     Nous avons instauré des avantages fiscaux pour l’aide aux proches — comme si nous nous en soucions vraiment — par des mesures qui, paradoxalement, semblent expressément exclure les personnes qui s’occupent de ceux qui ont besoin de leurs soins. En effet, nous lions les congés de maternité, le congé parental et le congé pour s’occuper d’un mourant au montant gagné. La valeur que nous attribuons ainsi à ces rôles non rémunérés est ainsi fonction de la rémunération professionnelle de l’intéressé. Or, ce sont là, bien sûr, deux choses entièrement différentes, et cette manière de faire entraîne une dévalorisation du rôle d’aidante. Nous admettons ainsi que le gouvernement évalue notre rôle d’aidante non en fonction des soins dispensés mais en fonction de ce que nous gagnons à l’extérieur. En cela, nous avons toléré quelque chose qui n’est pas tolérable.
     Les femmes doivent non seulement défendre leur droit à l’égalité en vue de l’obtention d’un travail rémunéré, ce que nous sommes parfaitement confiantes de pouvoir faire, mais également de faire reconnaître la valeur de notre travail non rémunéré. Nous pouvons demander l’instauration d’un programme de garde d’enfants, mais une telle mesure ne réglerait pas vraiment le problème. En effet, cela ne ferait que continuer à reconnaître la valeur du seul travail rémunéré. Or, il faut que soit dorénavant reconnue la valeur des soins prodigués aux enfants, que ce soit dans une garderie, par une bonne d’enfants, à la maison, par le père ou par la mère qui exerce une activité professionnelle à domicile.
     La Cour suprême a récemment reconnu, dans des arrêts rendus en matière de divorce, que la personne au foyer avait apporté une contribution essentielle à l’économie du ménage, estimant qu’à ce titre la femme avait droit à la moitié des biens.
     De plus en plus de femmes créent, chez elles, leur propre entreprise, ce qui leur permet de travailler à distance. C’est l’avenir. En faisant preuve de créativité, elles évitent d’avoir à aller chaque jour travailler à l’extérieur de neuf à cinq. Il convient, je pense, d’en prendre note.
     En outre, beaucoup sont maintenant appelées à s’occuper d’un parent âgé. Nombreuses en effet sont les femmes d’âge moyen qui s’occupent de leurs parents et qui considèrent que le mouvement de défense de l’égalité des droits doit reconnaître l’importance de ce nouveau rôle.
     En 1995, à Beijing, le Canada et les autres pays membres des Nations Unies se sont engagés à valoriser les fonctions d’aide non rémunérée qui avaient jusque là été tenues pour acquises. Nous sommes, en tant que pays, engagés à prendre dorénavant ces fonctions en compte. Or, cet engagement est resté lettre morte.
     Les premières militantes des droits de la femme ne souhaitaient pas que l’on oblige les femmes à sortir du foyer. Le droit de vote a en effet été acquis pour toutes, pour les femmes au foyer comme pour les autres. Pour Nellie McClung, la fonction maternelle est, pour la société, une fonction importante qu’il convient de défendre. En 1970, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme a conclu qu’il conviendrait d’accorder aux femmes un soutien financier pour les soins qu’elles donnent aux enfants.
     Les féministes de la troisième vague demandent depuis de nombreuses années que le rôle de celles qui s’occupent des enfants soit davantage valorisé et je vous propose ici, très rapidement, quelques idées à cet égard. Il faut, d’abord, une véritable révolution qui passe par une redéfinition du travail. En effet, il faut arrêter de traiter comme quantité négligeable tout travail qui n’est pas rémunéré. Deuxièmement, il convient d’admettre le partage du revenu qui peut ainsi être réparti sur plusieurs personnes. Troisièmement, il conviendrait d’accorder des prestations de retraite aux aidants. Quatrièmement, nous devrons accorder des prestations de maternité à toutes les mères. Cinquièmement, il faudrait prévoir des prestations universelles pour les personnes qui s’occupent d’un enfant. Ces prestations suivraient l’enfant et iraient là où il se trouve. Sixièmement, il conviendrait de prévoir des allégements fiscaux pour les personnes qui ont recours à une garderie, comme pour les personnes qui s’y prennent autrement. Et septièmement, il conviendrait de prévoir le financement durable des actions de lutte pour l’égalité des femmes telles que celles qui sont menées par le Comité de la condition féminine et les divers autres groupes de défense des droits oeuvrant en faveur de l’égalité de la femme.
     En tant que femmes, nous devons faire preuve de courage. Je ne suis aucunement hostile aux hommes. Je les trouve même admirables, mais nous nous sommes laissées aspirer par une notion de l’économie traditionnellement masculine qui veut que l’on ne tienne compte que du travail donnant droit à salaire. Or, il nous faut défendre l’idée que le travail non rémunéré doit lui aussi être pris en compte.
(1545)
    Je vous remercie.
     Nous passons maintenant à Michelle Harris Genge qui, elle aussi, dispose d’un temps de parole de 10 minutes.
    Bonjour. Je m’appelle Michelle Harris Genge. Je suis codirectrice générale du Women’s Network P.E.I. L’organisme que je représente est un organisme à but non lucratif qui oeuvre au soutien et au renforcement des efforts engagés par les femmes de l’Île du Prince Édouard afin d’améliorer la situation de la femme au sein de notre société.
     Je vous suis reconnaissante de cette occasion d’évoquer devant vous la question de la sécurité économique des femmes. J’aborderai essentiellement le problème sous l’angle des prestations de maternité et du congé parental —
    Puis je vous demander de parler plus lentement. Si vous parlez trop vite, les interprètes ne peuvent pas faire leur travail.
     Ms. Michelle Harris Genge: Voulez vous que je recommence? Non? Bon.
    Quand ma fille est née, j’occupais un emploi qui m’a procuré un revenu confortable pendant tout mon congé de maternité. L’année de naissance de ma fille a été une année formidable. J’ai pu l’allaiter sans me faire de souci, et je n’ai pas éprouvé de grosses inquiétudes financières qui auraient nui au bonheur que j’éprouvais chaque jour auprès d’elle. J’ai ainsi pu l’observer lorsqu’elle a commencé à ramper, puis lorsqu’elle a commencé à marcher. J’étais là lorsqu’elle a pris sa première bouchée, lorsqu’elle a prononcé un mot pour la première fois.
     Le nouveau congé de maternité prolongé a été pour moi quelque chose de formidable. Je n’ai jamais eu, après une nuit blanche, à me lever tôt pour aller travailler ou conduire mon enfant à la garderie. Je n’ai pas eu à renoncer à allaiter mon enfant en raison de longues absences. Je ne touchais qu’environ la moitié de mon salaire normal, mais je ne me suis jamais sentie stressée, lasse ou anxieuse parce que je ne voyais pas comment faire face aux factures qui continuaient à s’accumuler.
    Je ne me rendais pas compte qu’en cela j’étais très privilégiée. J’imaginais que tout le monde avait droit à de telles prestations et je ne me souciais guère de voir plus loin. Une année de congé avec sa nouveau née — de quoi pourrait on se plaindre? Cette possibilité de me consacrer à mon bébé a été pour moi une expérience exceptionnelle.
    Beaucoup de gens, lorsqu’ils envisagent l’idée de soins, pensent tout de suite à une mère s’occupant de son bébé. Pour un nouveau né, les soins revêtent effectivement une importance vitale. C’est, en effet, une question de survie. Le programme de prestations de maternité et de congé parental a été porté à un an afin que les bébés nés au Canada, leur mère et leur père puissent bénéficier, au départ de leur nouvelle vie, des meilleures conditions possibles. C’est une bonne chose pour l’avenir de notre société, mais uniquement pour ceux et celles qui sont en mesure d’en profiter. Hélas, au Canada, de nombreuses femmes n’ont pas accès à ce précieux avantage. On constate en effet que la politique instaurée ne profite pas également à toutes les femmes, cela étant particulièrement vrai de celles dont le travail ne correspond pas aux normes habituelles.
    Au début de 2001, l’une des membres du conseil d’administration du Women’s Network attendait un enfant. Nous étions toutes emballées par les nouvelles dispositions renforçant la législation sur le congé de maternité, car nous pensions qu’elle pourrait passer toute une année chez elle avec son nouveau bébé. Elle nous a tout de suite détrompées. En effet, en tant que travailleuse autonome contractuelle, elle n’était pas admissible aux prestations prévues.
    J’insiste sur le fait que les membres du conseil d’administration du Women’s Network, comme de nombreuses autres Canadiennes, supposaient à l’époque que toute personne donnant naissance aurait droit à une année de congé payé. Nous ne connaissions pas les conditions auxquelles les prestations en question étaient subordonnées. Vu la situation dans laquelle se trouvait notre collègue, le conseil d’administration s’est dit qu’il devait y avoir de nombreuses femmes qui ne seraient, comme elle, pas considérées comme admissibles. Le Women’s Network P.E.I., de concert avec les parents de la région de l’Atlantique et les organisations féminines revendiquant l’égalité ont engagé un travail de recherche et de concertation. Il s’agissait de savoir si la politique appliquée à l’époque par RHDSC s’appliquait de manière impartiale à toutes les femmes.
     Nous avons tendance, nous les Canadiens, à prendre un certain nombre de choses pour acquis. Nous prenons pour acquis, par exemple, qu’en matière de prestations sociales, les femmes sont traitées sur un pied d’égalité alors que, par exemple, l’accès au congé parental est en fait plus largement ouvert aux hommes qu’aux femmes. Les statistiques démontrent que ce sont plutôt les femmes qui s’absentent de leur travail afin de s’occuper d’un nouveau né et, de manière générale, des enfants, mais les hommes sont néanmoins plus nombreux à êtres admissibles à un congé parental.
    Nous avons tendance à supposer que les mères jugées admissibles pourront bénéficier des prestations prévues pendant toute une année. Tout le monde pense qu’il s’agit d’une année entière de prestations alors qu’en fait il y a, au cours de l’année en question, deux semaines sans prestations. Le Canada est l’un des seuls pays qui ait instauré, pour le congé de maternité, un délai de carence. Nous voudrions croire que chaque femme au travail a droit aux prestations mais, au Canada, les travailleuses autonomes ne bénéficient ni des prestations de maternité ni des congés parentaux.
    Quelles sont, donc, les femmes qui ne sont pas admissibles à ces prestations? Les femmes dont le travail ne correspond pas aux normes habituelles ne sont pas admissibles ou, du moins, peuvent avoir beaucoup de peine à être jugées admissibles aux prestations de maternité et aux congés parentaux. En 2003, au moins 35 p. 100 des femmes qui ont eu un enfant n’étaient pas admissibles aux prestations de maternité et au congé parental.
     Vu la somme de travail non rémunéré qu’elles accomplissent au sein de la famille par les soins qu’elles assurent, les femmes subissent un désavantage sur le plan de leur sécurité économique en raison des modalités du programme d’assurance emploi. Les prestations de maternité et les congés parentaux ne sont pas adaptés au travail accompli par la mère au sein de la famille et une mère a, par conséquent, moins de chances que les autres d’être admissibles aux prestations en question. À chaque fois qu’une femme donne naissance, elle réduit d’autant ses chances d’être admissible aux prestations.
     Je rappelle, enfin, que les travailleuses autonomes ne sont pas admissibles à ces prestations.
     En 2001, environ une femme sur quatre n’était pas comptée comme faisant partie de la population active dans les 12 mois précédant la naissance de son enfant. À cause de cela, une femme sur quatre n’était pas admissible aux prestations. Certaines femmes admissibles à l’assurance emploi se trouvaient à nouveau enceinte alors qu’elles bénéficiaient d’un congé et ne pouvaient donc que difficilement accumuler suffisamment d’heures de travail pour être admissibles à l’AE. Cela réduisait sensiblement les chances qu’elles avaient d’être admissibles aux prestations de maternité après la naissance de ce deuxième enfant.
     En prévoyant la possibilité d’une réadmission, comme celle qu’autorise le programme d’assurance emploi, on accroîtra les chances d’admissibilité des femmes qui ont dû interrompre un travail rémunéré. On pourrait aussi, par ce biais, intégrer une partie des travailleuses autonomes.
(1550)
     Il faudrait que le Canada offre un soutien aux nouveaux parents et que pour cela il prenne en compte l’évolution du marché du travail et contribue à équilibrer les responsabilités professionnelles et familiales. Les entreprises appartenant à des femmes forment, au sein de l’économie canadienne, le secteur commercial en plus forte croissance. En effet, les femmes créent des entreprises à un rythme qui est le double de celui des nouvelles entreprises créées par les hommes. La majorité de ces femmes, soit 59 p. 100, ont entre 20 et 45 ans, c’est à dire l’âge de fécondité. Aux termes du programme actuellement en vigueur, hormis les pêcheuses autonomes, les travailleuses autonomes ne sont pas admissibles à l’assurance emploi. Cette condition leur ferme l’accès aux prestations de maternité et au congé parental.
     Une travailleuse autonome sur trois reprend le travail dans les deux mois suivant la naissance de son enfant. Ce taux est à comparer au chiffre de 5 p. 100 pour les employées. Le Canada est un des seuls pays ayant instauré un délai de carence de deux semaines pour les prestations de maternité et le congé parental. Le fait d’avoir à attendre deux semaines avant de toucher, pour le restant de l’année, seulement 55 p. 100 de votre revenu habituel impose à de nombreuses femmes un énorme fardeau financier. La logique qui sous tend cette politique et qui vise à éviter les prestations d’assurance emploi pour les semaines de travail écourtées ne convient pas du tout aux prestations de maternité. Le délai de carence de deux semaines doit être éliminé afin d’améliorer la sécurité économique des femmes.
    Le Canada applique l’un des plus faibles taux de remplacement du revenu gagné au monde, tous pays confondus, et il en résulte une détresse financière pour les Canadiennes, quel que soit leur niveau de vie. Comme le salaire des femmes est en général inférieur à celui des hommes, leurs prestations sont moins élevées. Afin que les prestations prévues deviennent, pour de nombreuses mères, une réelle solution, le taux de remplacement, actuellement de 55 p. 100, doit être augmenté.
    Les prestations de maternité et le congé parental sont un facteur à la fois de sécurité économique et de capacité à prodiguer des soins. Les recherches que nous avons menées sur les prestations de maternité et les congés parentaux en vigueur dans d’autres pays montrent qu’il y a beaucoup de politiques progressistes pourraient être prises comme modèles par les décideurs canadiens. De nombreux pays reconnaissent que la vie familiale est essentielle au bien être des enfants et ont, pour cela, mis en place des politiques familiales adaptées. Ces politiques consistent en général à équilibrer les frais engagés pour élever un enfant, à fournir aux personnes qui veulent avoir des enfants les moyens nécessaires, à assurer une redistribution des revenus afin d’assurer à chacun un niveau de vie suffisant et à concilier le travail et la vie familiale. Les politiques familiales en vigueur dans les pays en question fonctionnent en tandem avec des politiques en faveur de l’égalité des sexes dans la vie professionnelle. Certaines de ces politiques visent à renforcer un taux de natalité jugé trop faible et, au cours de nos recherches, nous avons constaté que certains pays ont augmenté les prestations parentales et de maternité justement afin de compenser une baisse de la natalité.
    Je tiens à dire, pour terminer, qu’il est absolument essentiel à l’avenir du Canada que nous passions à une société de l’entraide attachée à la sécurité économique des femmes. Il ne s’agit pas du tout de deux choses distinctes. Cela nous permettra en outre de parvenir à une société plus juste. Merci.
    Nous vous remercions.
     Nous passons maintenant à — qui va prendre la parole en premier? Monica?
     Allez vous partager votre temps de parole?
    Bon. À vous deux, vous disposez d’un temps de parole de 10 minutes.
    Bon. Nous n’épuiserons probablement pas notre temps de parole, mais il me semble avoir déjà dit cela.
     Bonjour, je m’appelle Monica Lysack. Je suis directrice générale de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance. Je suis accompagnée d’Emily King qui, au sein de notre association, exerce les fonctions d’économiste et d’analyste des politiques.
    C’est très volontiers que nous prenons aujourd’hui la parole au nom de notre organisation, je dirais même au nom des quatre millions de Canadiens affiliés à l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance. L’Association célèbre cette année 25 années d’action militante en faveur de la qualité et de l’universalité des services de garde d’enfants. Nous sommes une organisation à but non lucratif constituée de membres assurant une représentativité régionale. Notre but est de promouvoir des services de garde subventionnés de bonne qualité et accessibles à tous. Nous regroupons plus de quatre millions de Canadiens, y compris des parents, des aidants naturels, des chercheurs et des étudiants ainsi que des organisations de défense des droits des femmes oeuvrant dans les domaines de la pauvreté, du travail, de la justice sociale, des handicaps et de la situation en zone rurale, au niveau provincial, territorial, régional et pancanadien.
    Nous nous faisons une certaine idée du Canada, comme d’un pays qui aide les familles à élever leurs enfants en implantant dans la communauté des services de garde de qualité bénéficiant de subventions publiques. De tels services s’inscriraient naturellement dans le paysage local, seraient ouverts à tous et à la portée de tous ceux qui souhaiteraient y avoir recours. La mise en place, à l’échelle nationale, d’un système universel de garde d’enfants à but non lucratif bénéficiant d’un financement public est absolument essentielle si nous voulons parvenir à l’égalité des femmes. Depuis la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme, c’est à dire il y a 35 ans, l’instauration d’un tel système constitue une des exigences essentielles du mouvement de défense des droits de la femme.
(1555)
    Dans ce pays, les femmes sont appelées à jouer des rôles multiples. Souvent, en effet, elles sont à la fois mère, conjointe et, aussi, travailleuse. De bons services de garde d’enfants les aident à assumer ces rôles divers. Ce genre de service soutient les efforts des 72 p. 100 de femmes qui occupent un emploi rémunéré, qui poursuivent leurs études ou suivent une formation, ainsi que les femmes qui oeuvrent à la maison et qui souhaitent que leurs enfants puissent s’engager sans tarder sur la voie de l’instruction.
     De bons services de garde d’enfants sont essentiels à la sécurité économique des femmes et les aident notamment à équilibrer leur vie professionnelle et leur vie familiale.
     Un écart subsiste entre les sexes au niveau de la rémunération. Les femmes ne gagnent en effet qu’environ 73 p. 100 de ce que gagnent les hommes. Cela est en partie dû au fait que les responsabilités familiales obligent les femmes à demander un congé beaucoup plus souvent que les hommes.
     De bons services de garde d’enfants contribuent à la lutte contre la pauvreté des femmes et de leurs enfants car ils améliorent leurs perspectives professionnelles et les occasions qu’elles ont d’entreprendre une formation. Cela est particulièrement vrai du plus de 50 p. 100 des femmes monoparentales qui sont démunies ou des femmes et des enfants qui, pour des raisons d’ordre économique, sont pris au piège d’une relation abusive. De bons services de garde d’enfants renforcent l’indépendance économique des femmes dans leur l’ensemble.
     Nous devons, au Canada, nous interroger quant à l’importance que nous attachons aux enfants, quant à la valeur que nous attribuons à leur maternage et aux rôles traditionnellement exercés par les femmes. Nous devons également nous demander quelle importance nous attachons à l’égalité de la femme. En moyenne, les travailleurs des services à l’enfance gagnent 45 p. 100 de moins que ceux qui exercent un autre métier.
     Ce chiffre montre que l’on continue manifestement, au Canada, à sous évaluer les tâches traditionnellement accomplies par la femme, notamment au niveau de l’éducation des enfants. Ce chiffre, et d’autres encore, permettent de constater les retards accumulés par le Canada par rapport aux autres pays. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, de 14 pays, le Canada arrive en dernière position pour ce qui est du financement public des programmes de garde d’enfants calculé en pourcentage du produit national brut, et en dernière position aussi, cette fois parmi 20 pays, pour ce qui est de l’accès des enfants de trois à six ans à de bons programmes de garde.
     On peut même dire que dans la plupart des régions du Canada, et à l’exception du Québec, la garde d’enfants n’est qu’un amas de services, chichement financés pour la plupart, mais néanmoins hors de portée et d’accès de la plupart des Canadiens. Ajoutons qu’en général les travailleurs pédiatriques sont mal rémunérés. Il n’y a pas assez de places dans les garderies pour tous les enfants qui en auraient besoin, les prix sont élevés et la qualité incertaine.
     À cet égard, le Québec fait figure d’exception. En effet, son système de garderies qui ne coûtent que 7 $ par jour et par enfant, compte 43 p. 100 des places de garderie officielles au Canada bien que la province n’abrite que 23 p. 100 des enfants de moins de 13 ans habitant le pays. Ajoutons que depuis l’adoption, en 1997, d’une politique familiale qui assure l’universalité des services de garde d’enfants, le Québec est la seule province à pouvoir faire état d’une baisse du taux de pauvreté des enfants.
     Le cas du Québec démontre que les services de garde d’enfants peuvent être rentables puisque les recherches menées en ce domaine permettent de constater qu’au cours de la première année les investissements en services de garde d’enfants ont donné un rendement de 40 p. 100.
     Hélas, l’annulation des accords de principe conclus en matière d’apprentissage et de garde d’enfants, les ententes bilatérales, montrent que le gouvernement fédéral a renoncé à instaurer dans les provinces et territoires un système de garde d’enfants. Pour remplacer ces ententes, on a prévu de transférer chaque année aux provinces et territoires 250 millions de dollars en crédits fédéraux, sans cependant accompagner ces transferts de directives précises quant à la manière dont les fonds devraient être dépensés. Cela représente une baisse de 950 millions de dollars, soit de presque 80 p. 100 par rapport aux engagements que le gouvernement fédéral précédent avait pris à l’horizon 2007.
     L’actuel gouvernement fédéral a, à la place, adopté en faveur des familles, de modestes mesures de soutien du revenu, mais cela ne répond guère à la situation car, dans la plupart des régions du Canada, les bons services de garde d’enfants sont soit excessivement coûteux soit inexistants.
(1600)
    Selon l’ACPSGE, comme les écoles et les bibliothèques, de bons services de garde d’enfants devraient être financés sur fonds publics et ouverts à tous ceux qui souhaiteraient y recourir. Les services ainsi offerts seront à la fois inclusifs et sensibles aux divers besoins éprouvés par familles ainsi qu’à la précieuse diversité de nos communautés.
     Des centres et foyers homologués de garde d’enfants seront dotés d’un personnel qualifié correctement rémunéré compte tenu des services essentiels qu’ils assurent au sein de la société. Les fonds nécessaires au financement d’un tel système devront être transférés aux provinces sous la responsabilité desquelles ils seront engagés afin d’améliorer l’accès à des services de garde qui sont à la fois de qualité et d’un prix abordable. Non seulement faudrait il ouvrir davantage de places de garderie, mais il faudrait également, par un financement public, veiller à ce que le personnel qualifié soit aussi bien rémunéré que les personnes oeuvrant dans d’autres domaines. Ces objectifs devraient en outre trouver place dans une législation nationale.
     Selon l’ACPSGE, cette vision est non seulement réalisable mais fiable économiquement. Le financement public permettra de mettre en place un bon système de garde d’enfants qui permettrait d’accueillir, d’ici 2010, tous les enfants âgés de trois à cinq ans qui en auraient besoin et, d’ici 2017, tous les enfants de moins de 12 ans.
    La promotion de l’égalité de la femme au Canada et la promotion des services de garde d’enfants forment un tout. Ce sont là deux choses indissociables. La sécurité économique des femmes exige que l’on mette à leur disposition des services d’apprentissage et de garde d’enfants qui soient à la fois abordables et de qualité. Sans cela, il n’y aura pas, au Canada, de véritable égalité pour les femmes.
     Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
     Nous disposons maintenant de sept minutes pour la première série de questions.
     Madame Minna.
    Merci, madame la présidente.
     Je tiens à vous remercier de la qualité des exposés que vous nous avez présentés. Les documents qui nous ont été remis étaient, eux aussi, du plus grand intérêt.
     Je voudrais, d’abord, au nom du comité, présenter nos excuses à Monica Lysack pour les moments pénibles qu’elle a vécus à la Chambre. Je sais qu’elle n’avait aucun moyen de défense et j’ai tenté en son nom —
    Je suis sensible à votre intervention et je vous en remercie.
    Mais comme vous n’aviez pas, à la Chambre, de moyen de défense, j’entends, ici, rappeler qu’un tel comportement à l’égard de personnes qui ne peuvent pas se défendre est parfaitement inadmissible. Les parlementaires bénéficient d’un privilège, certes, mais c’était injuste envers vous.
    Je tenais donc à vous dire, étant donné que vous êtes à nouveau présente pour nous faire part des informations que vous avez recueillies, que je rends hommage à votre courage. Il nous appartient non seulement de vous écouter mais de vous témoigner quelque reconnaissance pour le temps que vous nous consacrez.
    Cela dit, j’aurais un certain nombre de questions à vous poser. J’en ai même beaucoup à poser à nos divers témoins, mais je sais que la présidence ne m’a accordé que sept minutes.
    Je dois d’abord dire, à l’intention des témoins venant de l’Île du Prince Édouard, que j’ai trouvé votre document excellent, et excellentes aussi les recommandations que vous avez formulées. Vous avez peut être pris connaissance de ce que nous dénommons « le livre rose ». Il va largement dans le même sens. Parmi les solutions que propose notre bord, il y a l’idée de retirer le congé parental du système d’assurance emploi et de l’intégrer à quelque autre mécanisme, un peu comme l’a fait le Québec, afin d’imprimer davantage de souplesse à l’ensemble.
    Est ce là une recommandation que vous seriez prête à avaliser?
    En ce qui concerne le problème précis de la sécurité économique des femmes, il importe beaucoup, me semble t il, que cela continue à relever des compétences fédérales. Il y a, en effet, des provinces telles que l’Île du Prince Édouard qui n’ont tout simplement pas les moyens de —
    J’entends bien que cela demeure dans le domaine des compétences fédérales, mais pas nécessairement dans le cadre de l’assurance emploi car cela impose en effet d’importantes restrictions.
    Oui, tout à fait. En fait, cela va dans le sens de notre —
    Cela est d’ailleurs, sur bien des plans, conforme aux idées que vous nous avez exposées.
    : Oui, parfaitement.
    Je sais que les femmes qui travaillent à temps partiel, les travailleuses autonomes, le nombre d’heures de travail effectuées, les gains — tout cela — Personnellement, je voudrais voir retenue une période de deux ans.
    Nous y serions effectivement favorable, surtout si cela permet d’aborder la question de l’admissibilité. Si l’on retient le délai de deux ans mais que, dès le départ, certaines femmes en sont exclues, cela ne nous avancerait pas à beaucoup.
     Mais notre recommandation ultime concerne la mise en place d’une stratégie nationale de soutien des aidants.
(1605)
    C’était l’objet de ma question suivante, et après cela j’entends poser une question à Mme Smith.
     Dans le cadre de cette stratégie nationale en faveur des aidants, vous invoquez non seulement le congé parental mais également la question des soins prodigués avec compassion lorsqu’il s’agit de s’occuper d’un enfant ou d’un parent ou proche malade. Est ce bien cela?
    Oui, il s’agirait d’un programme élargi.
    Bon. Il s’agirait donc d’instaurer un programme élargi en faveur des aidants, mais à l’échelle nationale.
    Oui. La notion d’aidant englobe beaucoup de choses puisqu’elle commence avec une nouvelle vie, c’est à dire avec les prestations de maternité et de congé parental, mais elle comprend également les soins prodigués à des parents âgés. Une stratégie en faveur des aidants engloberait tout cela.
    Je suis entièrement d’accord car, bien sûr, au départ on s’occupe des enfants, et plus tard d’autres personnes encore. Il faut ensuite penser aux personnes qui ne font plus partie de la population active, qui ont terminé — Je rappelle depuis longtemps que les aidants d’aujourd’hui sont les personnes âgées et démunies de demain car, pour les femmes, il n’y a aucune possibilité de cotiser à un régime de pension de retraite adéquat. Je suis donc entièrement d’accord avec vous.
    J’aurais une brève question à poser à Mme Smith. Pourriez vous, en quelques mots, nous dire quelque chose du régime en vigueur en Italie? J’aurais plusieurs questions à vous poser, mais j’aimerais que vous me répondiez sur ce point. Dans votre recommandation concernant les prestations de retraite à l’intention des aidants, vous dites « comme en Italie ». Pourriez vous me dire ce que vous entendez par cela et comment, au juste, cela fonctionne? Nous n’avons pas examiné les autres modèles, mais nous devrions le faire. Puisque vous êtes là —
    Je souhaiterais pouvoir vous donner une réponse plus complète, mais je ne suis pas en mesure de le faire. Je suis en contact, à Rome, avec UNICA qui — les Italiennes sont très décidées — et cet organisme a exercé des pressions, organisé des manifestations et fini par obtenir des prestations de retraite. Le gouvernement tarde à donner suite aux décisions qui ont été prises, mais le principe en est tout de même acquis. Je ne sais pas ce que cela donnera. Les Italiennes s’impatientent des tergiversations du gouvernement, mais elles poursuivent leurs efforts.
    Cela m’encourage à contacter les amis que j’ai là bas. C’est mon pays d’origine et comme j’y retourne assez souvent, j’aurai l’occasion d’approfondir la question. Nos recherchistes pourraient peut-être nous fournir des éléments supplémentaires.
     La recommandation six a retenu mon attention. Il s’agit de quelque chose que je prône depuis longtemps. Vous proposez de porter de 4 000 $ à 5 000 $ la prestation fiscale pour enfants.
     Les 1 200 $ de ce qui a été appelé la prestation universelle d’aide à l’enfance mais qui, comme nous le savons toutes les deux, ne constitue aucunement un programme universel d’aide à l’enfance — ce 1 200 $, donc, inscrit au budget il y a un an, et sur lequel sera imposé le salarié à faible revenu, veut dire que ce salarié recevra en fait moins que les 100 $ annoncés, alors qu’il n’y a toujours pas suffisamment de places dans les garderies... Vous savez bien de quoi je parle? Bon.
     Ces 1 200 $, les emploieriez vous à augmenter la prestation fiscale pour enfants? Pour l’instant, la somme prévue est imposable.
    Nous parlions, Michelle et moi, de façon globale. S’il y avait un ministère des soins — et en cela, je ne voudrais pas vous faire dire quelque chose que vous n’avez pas dit, mais nous en parlions effectivement — si un tel ministère, donc, se consacrerait à cela, nous pourrions effectivement transformer radicalement bon nombre de choses.
     Je dis cela pour ma part car, effectivement, je ne veux pas parler pour elle.
    Je suis pour les transformations radicales. Allez y.
    Merci. Bon.
    Réunissons ces prestations fragmentées applicables aux divers types de soins. Il y a les 1 200 $, somme tout à fait insuffisante; puis il y a la prestation fiscale pour enfants qui n’est, malheureusement, pas universelle mais fonction du revenu d’un ménage; puis il y a l’allocation de frais de garde qui s’élève à 10 000 $ par enfant et par an. Réunissions tous ces éléments, voyons un peu la somme à laquelle on aboutit et prononçons nous en faveur de l’universalité des prestations.
    Vous recommandez donc de porter au moins à 5 000 $ la prestation fiscale pour enfants?
    Oui.
    Je suis d’accord avec vous quant au montant. Je n’y trouve rien à redire. Je disais simplement que la prestation de 1 200 $ instaurée il y a un an —
    L’y intégrer?
(1610)
    Oui, l’y intégrer, elle aussi. Ah bon, je n’étais pas certaine que c’est ce que vous vouliez dire.
    Pourrions nous aborder très rapidement la question du partage du revenu? Pourriez vous m’expliquer en quoi cela serait équitable, surtout en ce qui concerne les personnes seules. Je songe là aux mesures de partage du revenu inscrites dans le dernier budget. Selon ces mesures, les personnes qui profiteront le plus de ce fractionnement — Plus la pension est élevée, plus la mesure se révèle avantageuse car le partage du revenu se fait entre les deux membres d’un couple. En effet, les personnes seules ne peuvent pas fractionner leur revenu et rien n’est prévu, par exemple, pour les veufs ou les personnes âgées qui vivent seules. J’aborde maintenant la question des personnes âgées. Le fractionnement s’applique donc aux prestations d’un régime privé de pension ou aux gains ouvrant droit à pension.
    Plus votre revenu ouvrant droit à pension est élevé, plus vous serez avantagé par les nouvelles mesures. Plus votre revenu ouvrant droit à pension est faible, moins vous serez avantagé et les couples à revenu modeste qui ne touchent en fait aucun revenu de pension n’auront aucune possibilité de partager.
    Pourriez vous nous dire comment, selon vous, cette mesure serait appliquée aux personnes seules.
    En France, les enfants comptent parmi les personnes avec qui vous pouvez partager votre revenu, et les familles à revenu unique pourraient bénéficier d’une telle formule.
     Aux États Unis, c’est le chef de famille. Si vous êtes chef de famille monoparentale, vous pouvez partager votre revenu avec vos enfants. C’est une formule qui pourrait être adoptée dans l’intérêt des chefs de famille monoparentale.
     Le système actuellement en vigueur me paraît très déséquilibré. Les riches restent riches. S’il s’agit, en fait, d’aménager le système actuel, il faudra peut être envisager, afin de parvenir à une plus grande égalité, l’adoption de mesures différenciées. Je ne pense pas qu’il faille buter sur l’inégalité des aménagements apportés.
     Si des personnes à faible revenu voient leur situation améliorée, c’est tout de même un progrès. Le fractionnement du revenu profiterait au personnel, mal rémunéré, des garderies.
    Je vous remercie.
     Madame Smith, disposez-vous de modèles analytiques illustrant les questions que nous venons d’aborder?
    Vous voulez dire les deux questions concernant le fractionnement du revenu?
    Oui.
    En janvier, au cours d’une conférence qui a eu lieu dans cet immeuble même, plusieurs intervenants ont présenté sur la question des très intéressants exposés. Puis, en octobre, il y a eu une conférence sur le partage du revenu de pensions. Jack Mintz y a pris la parole, ainsi que David Murrell de l’Université du Nouveau Brunswick. Ils sont tous deux économistes. Or, je ne suis moi même pas économiste. Il y a effectivement des modèles très probants. Des analyses démontrent que tout cela est possible. Oui.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Deschamps qui, elle aussi, dispose d’un temps de parole de sept minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier d'être présentes aujourd'hui. Je vous remercie aussi de vos présentations, qui vont sûrement nous éclairer davantage.
    Pour ma part, j'aimerais revenir sur la question du régime d'assurance-emploi. À mon avis, celui-ci, dans son état actuel, est un régime discriminatoire, surtout à l'égard des femmes. De plus, le régime n'est financé que par les employés et les employeurs, et le gouvernement n'y verse pas un sou.
    J'ai eu la chance, durant la présente législature, de déposer un projet de loi qui vise à bonifier le régime d'assurance-emploi. Il en est à l'étape de la troisième lecture et il serait très souhaitable qu'il puisse recevoir l'aval de l'ensemble des députés de la Chambre afin que ce régime soit bonifié et qu'il réponde davantage aux besoins et à la réalité des travailleurs d'aujourd'hui.
    Tout dépend de la volonté du gouvernement. Je suis d'une région située au nord de Montréal où beaucoup de femmes sont à la merci du travail saisonnier. Ce n'est souvent pas par choix ou, si ça l'est, c'est parce qu'il n'y a que ce type d'emploi qu'elles peuvent accomplir.
    J'aimerais vous parler des modifications qui se trouvent actuellement dans le projet de loi C-269, entre autres parce qu'elles font suite aux recommandations que l'on retrouve dans votre mémoire, madame Harris.
    Par exemple, on recommande de réduire la période de qualification à 360 heures de travail; d'augmenter la durée de la période de prestations, qui est en général d'une durée de 45 semaines, à 50 semaines; d'augmenter le taux des prestations hebdomadaires à 60 p. 100, ce qui fait partie de vos recommandations; d'abroger le délai de carence de deux semaines; d'éliminer les distinctions entre les personnes qui deviennent membres de la population active et celles qui le redeviennent; d'augmenter le maximum de la rémunération annuelle assurable; de calculer la prestation à partir de la moyenne des 12 semaines travaillées les mieux payées au cours de l'année et, dernièrement, de permettre aux travailleurs autonomes d'accéder au régime d'assurance-emploi sur une base volontaire.
    J'aimerais vous entendre au sujet de l'importance d'adopter ce projet de loi au cours de cette législature. À mon avis, cela répondrait aux attentes et aux réalités des femmes, des jeunes et aussi des hommes.

[Traduction]

    Ce que vous nous avez dit s’accorde sur bien des points avec les propositions que nous avons formulées, notamment en ce qui concerne la possibilité qu’il conviendrait de donner aux travailleurs et aux travailleuses autonomes de cotiser à ces divers régimes sociaux. Cela aiderait beaucoup les familles. En supprimant le délai de carence de deux semaines, on aiderait financièrement de nombreux Canadiens. De quoi parlait on... des 45 semaines? Pourriez vous nous expliquer de quoi il s’agit?
(1615)

[Français]

    La durée de la prestation est de 45 semaines, en général. Dans le projet de loi, on demande que la durée passe de 45 à 50 semaines. Il s'agit donc d'un ajout de cinq semaines pour l'ensemble des prestataires.

[Traduction]

    : Oui, ce serait très certainement —
    Je viens de l’Île du Prince Édouard, région où le taux de chômage est très élevé. Les travailleurs saisonniers seraient particulièrement intéressés par les solutions que nous avons évoquées dans la mesure où cela leur permettrait de bénéficier de l’assurance emploi. La situation est beaucoup plus difficile. Comme vous le disiez tout à l’heure, ce n’est pas tout le monde qui a le luxe de choisir. Votre emploi dépend souvent de votre lieu de domicile. Je songe, par exemple, à une mère qui travaille dans une usine de transformation du poisson et qui se trouve enceinte à un moment qui ne fait pas du tout son affaire sur le plan financier... Le fait d’occuper un emploi saisonnier impose d’énormes contraintes à celles qui doivent s’occuper d’autrui et rend certaines personnes non admissibles aux congés de maternité ou aux congés parentaux.
    Il y a ainsi la recommandation prévoyant la possibilité d’être réadmis avec la prise en compte du travail effectué au cours des trois à cinq années précédant la naissance d’un enfant. Cela me semble devoir être extrêmement utile à beaucoup de travailleurs saisonniers, comme le serait une mesure abaissant le nombre de jours ou d’heures de travail ouvrant droit aux prestations.

[Français]

    Dans le mémoire que vous nous avez présenté, vous avez fait certaines recommandations qui se trouvent à la fin du document. Parmi ces recommandations, il y en a une, entre autres, qui demande d'assurer un financement des actions de lutte pour l'égalité des femmes. Vous dites qu'il est très important, et je vous cite :
[...] de veiller à ce que les droits de toutes les femmes soient défendus et d'assurer l'égalité et la solidarité non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les femmes elles-mêmes.
     Vous savez que Condition féminine Canada a subi d'importantes coupes de son financement.
    Pouvez-vous faire un commentaire à ce sujet? Le fait d'avoir modifié le PPF, le Programme de promotion de la femme, pourrait-il avoir un impact négatif sur les actions ou sur les moyens —
    Madame Deschamps, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.
    Est-ce qu'elle peut répondre?
    Oui.
    Si je comprends bien la question —
    Est-ce que ces coupes ont un impact négatif sur les avancées ou les efforts que font les groupes de femmes afin de lutter pour les droits des femmes?
    Lorsqu'on a réduit les fonds?
    Oui.
    Absolument. Cependant, il faut reconnaître que les fonds n'étaient pas toujours investis correctement, parce qu'ils ne répondaient qu'à quelques désirs et besoins des femmes.
    Or, il faut répondre à tous les besoins. On a donc très bien fait l'analyse de la situation des femmes qui travaillent à la maison, mais on n'a pas assez reconnu celle des autres. Il faut donner des fonds à tout le monde.
    Merci, madame Smith.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Grewal qui, elle aussi, disposera d’un temps de parole de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je tiens à remercier l’ensemble des témoins qui sont venus ici nous présenter un exposé.
     Ma question s’adresse à Mme Smith.
    Beverley, au cours de votre audition, en septembre, devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, vous avez fait valoir que « la politique actuelle favorise massivement un mode de garde, les services de garde institutionnels, assuré par des tiers ». Pourriez vous, s’il vous plaît, nous en dire un peu plus sur ce point et nous expliquer en quoi une telle politique serait imprévoyante?
    Le Canada a adhéré à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Or, cette convention contient un certain nombre d’articles reconnaissant à l’enfant le droit d’être, si possible, élevé par ses parents ou par les personnes choisies par ceux ci; et reconnaissant que les parents sont les mieux placés pour juger de l’intérêt supérieur de l’enfant. Aucune disposition de cette convention ne s’oppose aux garderies. Au contraire, la convention encourage le recours, en cas de besoin, aux soins prodigués par un tiers, mais les décisions les plus importantes relèvent, selon le texte, des parents à qui l’on doit accorder sur ce plan la plus grande confiance. Je pense que Mme Lysack est, elle aussi, de cet avis.
     Je tiens simplement à préciser quelque chose sur lequel elle ne s’est pas prononcée de manière explicite. Je veux dire par cela que le moyen le plus efficace serait d’accorder un soutien financier aux parents et de leur laisser la faculté de choisir. Je ne veux aucunement dire par cela que je ne suis pas partisane des garderies car, en effet, je ne nourris à leur encontre aucun sentiment d’opposition. Nous savons, certes, qu’il y a de mauvaises garderies mais qu’il y en a aussi de bonnes. Ayons donc recours aux bonnes garderies, le choix en ce domaine étant laissé aux parents. J’estime que c’est effectivement aux parents qu’il appartient de décider.
     L’amour ne se décrète pas. Placez l’enfant là où il sera baigné d’affection. Croyez moi, pour l’enfant c’est l’essentiel. Je ne vois pas comment nous pourrions faire de cela l’objet d’une disposition législative, mais il faut trouver le moyen d’assurer que le financement ira là où l’enfant pourra effectivement être accueilli avec affection.
(1620)
    Les aidantes prodiguent leurs soins aux enfants, aux malades, aux handicapés et aux personnes âgées. Pourriez nous dire quelque chose des difficultés auxquelles doit faire face toute personne prodiguant ce type de soin? Ma question s’adresse à tous nos témoins. Y a t il quelqu’un qui voudrait y répondre?
     Je vous demande simplement de nous préciser les difficultés particulières auxquelles doivent faire face les divers groupes d’aidantes.
    La majorité des gens sont, à une certaine époque de leur existence, les bénéficiaires de soins, et la plupart finissent par eux mêmes en prodiguer. Il est fréquent, lorsqu’on reçoit des soins, de se trouver en situation de vulnérabilité puisqu’on a besoin des autres. Cela arrive à chacun à certaines époques de l’existence. Voilà ce que nous avons en commun.
     La plupart des personnes âgées ou des personnes handicapées souhaitent préserver une certaine autonomie, « et bien, certes, je ne peux pas marcher et je ne peux pas me nourrir, mais je voudrais tout de même pouvoir prendre certaines des décisions qui m’affectent. Pourriez vous donc à tout le moins me laisser choisir la personne qui s’occupera de moi? » En Colombie Britannique, il y a eu, il y quelques années, une affaire portée devant le Tribunal des droits de la personne, l’affaire Hutchinson. Le gouvernement de cette province voulait bien payer quelqu’un pour s’occuper de Mme Hutchinson, mais refusait que ce quelqu’un soit son père. Le Tribunal des droits de la personne a répondu « Je vous demande pardon, mais il nous faut accepter de payer le père si c’est lui dont elle veut. » Ce que nous avons en commun ce sont les droits reconnus à la personne recevant des soins.
    Quelqu’un d’autre veut il répondre à la question?
    Oui, j’aimerais aussi y répondre.
    Nous reconnaissons tous, je pense, qu’en ce qui concerne leurs enfants ce sont les parents les principaux aidants. Personne n’en doute et même lorsque mes enfants passent la journée à l’école, je demeure celle qui s’occupe d’eux au premier chef. Nous partageons certaines responsabilités et si, parfois, il m’arrive de m’occuper d’un parent ou d’un autre membre de ma famille, cela ne m’est pas toujours possible. C’est pourquoi il faut adopter une approche communautaire et nous avons , en tant que société, pris les dispositions nous permettant de le faire.
    Il me semble cependant essentiel de reconnaître qu’il faut tout de même laisser aux gens une certaine liberté de choix. Pour qu’il y ait, effectivement, ce choix, et cela est particulièrement vrai en matière de garde d’enfants, il nous faut faire en sorte que tous ceux qui en ont besoin puissent y avoir accès. Or, il nous faut pour cela un système, ce qui n’est pas le cas actuellement. Nous nous trouvons actuellement face à un ensemble d’éléments disparates qui, contrairement à ce qu’il en est au Québec, ne forment pas un système auquel les familles pourraient avoir correctement accès.
    C’est un peu comme si l’on disait aux étudiants postsecondaires « Nous vous donnons 10 000 $ par an; arrangez vous pour voir si vous ne parvenez pas à trouver quelqu’un qui pourrait vous enseigner, disons les sciences de la santé. Vous pourriez peut être en outre demander à cette dame qui habite un peu plus loin d’assurer la coordination.» Ce n’est pas de cette manière là que nous procédons.
    Les institutions ne méritent pas certaines des critiques que nous leur adressons parfois. Il s’agit, en effet, de structures sociales que nous avons créées dans l’intérêt même des citoyens.
    Je n’en dirai pas plus.
    Madame la présidente, me reste t il un peu de temps?
    Oui, il vous reste environ une minute et demie.
    Vous pouvez donc poser votre question.
    Bon. J’hérite donc de ce qui reste de son temps de parole.
    Je tiens, d’abord, à remercier chacune d’entre vous des exposés que vous nous avez présentés. J’y ai pris grand intérêt et nous avons pu recueillir d’excellentes propositions. Je vous remercie, en effet, d’avoir proposé des solutions et de ne pas avoir simplement insisté sur les problèmes.
     Avant de passer à ma première question, je tiens à vous dire ceci.
    S’agissant de la garde d’enfants et du rôle qui revient en ce domaine au gouvernement fédéral, vous vous êtes, Monica et Emily, penchées sur la question et vous considérez que le gouvernement fédéral cherche à se défausser.
    Ma municipalité a été le lieu d’un des projets pilotes en matière de garde d’enfants en zone rurale dans le cadre du programme Meilleur départ instauré en Ontario, programme qui, soit dit en passant, a donné d’excellents résultats. J’ai pris la peine de m’entretenir avec le directeur de programme responsable de deux comtés et il m’a fait part de sa grande satisfaction au vu des résultats obtenus.
    Je craignais qu’il soit mis fin à ce projet pilote et que les choses s’arrêtent là. Or, ils ont pris l’initiative de contacter à ce sujet les autorités provinciales, sachant que le gouvernement fédéral continuait à transférer aux provinces des crédits pour cela. Ils ont remporté un franc succès. Le projet a été maintenu comme prévu au départ.
    Il m’a ensuite assuré que, compte tenu des crédits inscrits au budget fédéral de 2007, il ne devrait y avoir aucune difficulté à assurer la mise en oeuvre intégrale du programme.
    Je tenais donc à préciser que tout n’est pas noir dans ce tableau. Il y a des gens qui ont su faire avancer les choses dans le bon sens. Ils ont conclu des partenariats et sont allés de l’avant.
(1625)
    Avez vous une question à poser? Votre temps de parole est presque épuisé.
    J’allais consacrer aux questions les cinq minutes qui me sont imparties, et donc —
    Très bien. Vous pourrez alors reprendre la parole.
    S’il vous plaît. Je vous remercie.
    Devrais je offrir une réponse?
    Elle ne vous a pas en fait posé de question. C’était davantage une déclaration.
    Je tenais simplement à apporter une petite précision. J’allais tout de suite après vous poser une question, mais j’en aurai l’occasion au prochain tour.
    Je tenais simplement à ajouter quelque chose au sujet de la garde d’enfants en zone rurale —
    Vous en aurez l’occasion au prochain tour.
    Mme Mathyssen, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aussi pour les excellents renseignements que vous nous avez fournis.
    Permettez moi de commencer par Mme King et par Mme Lysack. Je suis très intéressée par les renseignements que vous nous avez fournis. Vous nous avez dit que le Québec, qui réglemente la garde d’enfants dans le cadre d’un excellent programme universel, est parvenu à réduire la pauvreté des enfants et à rentabiliser ses investissements dans ce domaine.
     Lors de recherches que j’avais entreprises sur une autre question, je suis tombée sur des données démontrant que chaque dollar investi dans le secteur de la garde d’enfants produit, pour la communauté, un rendement qui se situe entre 2 $ et 17 $. Les enfants vulnérables profitent particulièrement de cet investissement, mais, en fin de compte, ce programme profite à la communauté tout entière. C’est comme pour notre régime de soins de santé; on en retire un très gros avantage.
    Pourriez vous nous en dire un peu plus sur ce point auquel je m’intéresse beaucoup.
    En ce qui concerne le rendement de chaque dollar investi, la fourchette de 2 $ à 17 $ me semble énorme, non? Plusieurs facteurs interviennent en cela.
    En ce qui concerne la question de la pauvreté des enfants, je tiens d’abord à dire que c’est, bien sûr, un thème qui nous inspire beaucoup de sympathie. N’oublions pas cependant que si les enfants sont pauvres c’est parce que leur mère et leur famille sont pauvres. La plupart du temps, là où les enfants souffrent le plus c’est dans les familles monoparentales où seule la mère est présente. Il ne faut donc pas oublier le lien entre ces deux types de situation.
    La sécurité économique des femmes est intimement liée au bien être des enfants. Or, la garde d’enfants offre en cela deux axes de progrès. D’abord, elle permet de remédier du moins en partie à la pauvreté des foyers qui n’ont pas les moyens d’offrir aux enfants la stimulation et les chances d’enrichissement plus souvent apportées aux enfants de milieux plus aisés. Il n’est en effet pas facile de passer de longues heures à faire la lecture à vos enfants si vous n’êtes pas certaine de pouvoir les nourrir. Il convient de tenir compte de cela.
    La fourchette de 2 $ à 17 $ traduit le fait que le rendement le plus élevé est lié aux cas les plus vulnérables. Le rendement le plus faible — c’est à dire le rendement de 2 $ dont il est fait état dans l’étude menée par l’Université de Toronto et auquel je pense que vous faites allusion — constitue en fait une estimation très prudente qui prend en compte les recettes fiscales plus que le rendement social de la politique en question. Cette étude ne prenait notamment pas en compte l’incidence d’une telle politique sur les familles vulnérables. En effet, dans le cadre de ces travaux, toutes les familles étaient prises en compte au même titre.
    Le cas du Québec est tout à fait étonnant. Pour chaque dollar dépensé par la province pour instaurer un système universel de garde d’enfants, on a constaté, au cours de la première année, un rendement de 40 ¢ dû essentiellement à une augmentation de la sécurité économique des femmes. N’est ce pas là un excellent argument à invoquer lorsqu’il s’agit d’améliorer la sécurité économique des femmes par le truchement de la garde d’enfants.
(1630)
    J’irai même plus loin que vous. Nous évoquions tout à l’heure la question des parents et de la sécurité économique de la famille. Il est clair que cela importe énormément au niveau de la qualité de la vie et des chances que l’on peut offrir à un enfant, mais en tant qu’éducatrice, il m’a été permis de constater des différences frappantes quant à l’état de préparation des enfants admis à l’école. J’enseignais dans le secondaire et lorsque j’entrais en contact avec ces jeunes, leur sort était déjà en grande partie fixé.
    N’oublions pas non plus que les six premières années de la vie d’un enfant revêtent une importance critique car c’est au cours de cette période que sont jetées les bases du succès ou de l’échec. J’ai pu notamment constater que les jeunes que j’accueillais dans ma classe étaient ceux qui étaient parvenus à surmonter leurs difficultés d’apprentissage ou leurs problèmes d’adaptation aux obstacles qu’ils avaient rencontrés.
    Lors de votre exposé vous avez évoqué le caractère disparate des services offerts dans les diverses régions de notre pays — hormis bien sûr le cas du Québec. Cela nous ramène à la question des enfants et des avantages que peuvent leur procurer un système de garderies et d’apprentissage. Le plan mis en place par le gouvernement fédéral en matière de garde d’enfants contribue t il à ces disparités? Réduit il en fait les chances d’assurer aux enfants une base plus solide afin qu’ils puissent, plus tard, contribuer davantage à la société?
    Assurément.
     Il convient d’abord de rappeler les inégalités criantes de ce système disparate. Il y a effectivement d’énormes disparités, mais on ne peut même pas parler de système. Un autre comité, le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA) se penche au moment même sur le projet de loi C-303 qui doit garantir l’application d’un certain nombre de normes en matière d’investissement afin que l’on ne puisse pas renoncer aux progrès accomplis dans le cadre des ententes bilatérales et qu’un nouveau gouvernement ne puisse pas simplement écarter ces acquis.
    Vous avez soulevé la question de savoir si les investissements effectués actuellement contribuent au caractère disparate des mesures prises jusqu’ici. Certes, des investissements sont prévus, mais il n’y aura, en fait, que 250 millions de dollars car les crédits prévus à l’origine ont été amputés de 950 millions de dollars. On ne peut pas donc vraiment parler de nouveaux investissements mais, plutôt, d’une baisse des crédits. Ajoutons que ce 250 millions de dollars, dans la mesure où il ne s’inscrit dans aucun cadre législatif et où l’engagement de ces crédits n’est soumis à aucune obligation de rendre des comptes, sera affecté à des projets sans lendemain qui finalement ne donneront pas grand-chose. Certains des outils que nous tentons de développer au sein de l’ACPSGE devraient nous permettre, justement, de mesurer les résultats obtenus par une province qui investit par des subventions, et d’être à même de décider, donc, si les investissements ainsi consentis permettent effectivement de rendre les services en question plus abordables pour la population. Or, on s’aperçoit qu’il n’en est pas nécessairement ainsi étant donné que les frais d’utilisation ont tendance à augmenter. Il est donc non seulement important de veiller à la solidité des investissements mais également de les inscrire dans le cadre d’un schéma fondé, par exemple, sur les quatre principes dits QUAD (qualité, universalité inclusive, accessibilité et développement).
    Merci.
    Passons maintenant au deuxième tour.
    Madame Neville, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Je tiens à vous remercier des exposés très fournis que vous nous avez présentés.
    J’ai plusieurs questions à poser. J’en poserais d’autres encore si j’en avais le temps.
    Madame Smith, je voudrais vous demander votre avis sur une question évoquée par Mme Minna au sujet des prestations de retraite pour les aidantes. Vous avez cité le cas de l’Italie sur lequel vous semblez vous être penchée.
    Vous êtes vous penchée aussi sur le Régime de pensions du Canada. Est il possible de faire en sorte que puissent bénéficier du RPC les aidantes qui auraient la possibilité d’y cotiser volontairement? Avez vous envisagé cette possibilité? Avez vous également examiné les autres solutions qui permettraient d’améliorer la situation des aidantes, notamment par le truchement de la fiscalité? Qu’en est il selon vous?
    Madame Harris Genge, vous m’avez beaucoup intéressée par ce que vous avez dit, notamment au sujet de l’importance des travailleurs autonomes. Comme vous le savez peut être, le comité a entrepris une étude sur les travailleurs autonomes et sur les moyens permettant de leur assurer un certain nombre de prestations. La question n’est pas du tout aussi simple que nous l’avions pensé. Il semblerait, cependant, que la meilleure manière de procéder serait par le truchement de l’assurance emploi, en créant par contre, dans le cadre de ce régime d’assurance, une structure distincte. Pourriez vous nous dire si vous avez creusé davantage cette idée et si vous avez des propositions à nous faire quant à la forme à donner à cette structure qui serait mise en place dans l’intérêt des travailleuses autonomes. Mes propres filles ont eu à faire face à ce problème et je sais que cela crée de réelles difficultés.
    Je m’intéresse également à la question de la flexibilité en faveur de laquelle vous vous êtes prononcée. J’y adhère en principe, mais ne je vois pas très bien comment financer cela. Avez vous réfléchi à cet aspect de la question? Voilà tout pour l’instant. Nous verrons un peu plus tard s’il nous reste du temps.
(1635)
    Permettez moi de répondre en premier. Nous n’avons pas été en mesure d’approfondir nos recherches sur les travailleuses autonomes. En ce qui concerne la possibilité qui pourrait leur être donnée de cotiser, c’est effectivement quelque chose qui a été proposé dans le cadre de nos concertations avec les femmes et les organismes de promotion de l’égalité de la femme. Nous nous sommes aperçues que les femmes souhaiteraient pouvoir choisir d’y participer ou non. Quant aux mécanismes qu’il conviendrait d’instaurer, je ne saurais vous dire.
     Parmi les mesures qui seraient très utiles aux travailleuses autonomes, je peux citer le programme de retour en arrière que j’ai évoqué dans le cadre d’une de nos recommandations. Si le programme pouvait en effet prendre en compte le travail effectué au cours des trois ou cinq années précédentes, on élargirait les conditions d’admissibilité de bon nombre de femmes récemment entrées dans la catégorie des travailleuses autonomes.
    Il s’agirait donc de prendre en compte l’époque à laquelle elles étaient employées.
    Le mécanisme nécessaire a déjà été instauré. Il s’agit du programme d’aide au travail indépendant. Ce programme permettrait d’aider les travailleuses autonomes à bénéficier des prestations d’assurance emploi en cas de maternité ou de congé parental.
    Madame Smith, j’aurai dans un instant une question à vous poser.
     Au sein de notre parti, nous avions créé un groupe de travail sur les entrepreneuses. Les deux sujets qui n’ont cessé d’être évoqués étaient, d’une part, l’importance que revêt la garde d’enfants et l’accès à des services de qualité et, d’autre part, la question du travail autonome et de la possibilité de cotiser afin d’avoir droit aux prestations.
     Il ne me reste que cinq minutes et donc, madame Smith —
    Je voudrais aborder, très rapidement, certaines de ces questions. Bon nombre d’entrepreneuses travaillent à domicile car elles souhaitent être proches de leurs enfants. Pour elles, la garde d’enfants n’est pas une solution.
     En ce qui concerne la flexibilité de l’assurance emploi, avez vous envisagé la possibilité de faire en sorte que les cotisations du conjoint permettent à son épouse de rester à la maison pour s’occuper de leur enfant? Les cotisations de la femme ouvriraient des droits analogues au conjoint étant donné que c’est leur enfant à tous les deux.
    À New York, j’ai eu l’occasion de prendre la parole lors d’une émission débat. Il semblerait qu’aux États Unis on accorde une pension de retraite au titre des années passées sous les drapeaux, puisqu’il s’agit d’années passées au service de la nation. Ces prestations de retraite sont versées par le gouvernement fédéral. C’est une solution que nous pourrions peut être envisager. En effet, l’éducation des enfants intéresse au plus haut point la société et l’État pourrait peut être lui même verser les cotisations du parent en question pendant les premières années de la vie de l’enfant.
    Lors d’une autre émission débat, j’ai même évoqué la question avec Paul Martin. Je pouvais à peine y croire. Je lui ai dit « Nous donneriez vous la possibilité de cotiser? » Non. En tant que ménagère, on nous refuse la possibilité de cotiser. Nous sommes tellement mal considérées qu’on ne veut même pas de notre argent! Il s’agit là d’un problème qu’il va falloir régler.
     Permettez moi de préciser, très rapidement, que si j’ai choisi de rester à la maison avec mes enfants c’est que je voulais les élever moi même. Cet apprentissage peut certes se faire dans une garderie, mais il relève également des parents et certains d’entre nous souhaitent assurer à nos enfants un apprentissage, disons, haut de gamme. C’est pour ça que nous souhaitons rester à la maison.
    Merci.
     Nous passons maintenant la parole à Mme Davidson, qui disposera, elle aussi, de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aussi à toutes celles qui nous ont présenté un exposé.
    Ma question s’adresse à Mme Smith.
    Dans l’exposé que vous nous avez remis, vous affirmez qu’en 1995, à Beijing, nous nous sommes engagés avec tous les pays membres des Nations Unies, à prendre en compte dorénavant la valeur des soins prodigués par des personnes non rémunérées. Puis, vous avez rappelé l’action de Nellie McClung en 1915. Cela montre bien que tous ces problèmes ont déjà été évoqués et que depuis des années nous manifestons l’intention de les régler. Or, nous n’y sommes pas encore parvenus. Nous ne sommes pas encore parvenus à une solution.
    Je nourris l’espoir que, cette fois ci, au sein du comité, nous allons pouvoir aboutir. Nous nous sommes toutes penchées sur la question. Ma collègue a décrit la concertation avec divers groupes et évoqué le cas des entrepreneuses. Tout cela me paraît important. Il faut, effectivement, recueillir des données sur lesquelles nous puissions nous baser pour tenter de parvenir à certaines conclusions. Encore une fois, je tiens à vous remercier des résultats dont nous vous avez fait part et des solutions que vous nous avez proposées. Il y a là une quantité de renseignements très utiles.
    Puis, vous rappelez que, depuis plus de 10 ans, les féministes réclament une amélioration de la situation des aidants, insistant sur l’importance essentielle d’assurer, en matière de soins, la liberté de choix et la dignité. Je suis entièrement d’accord avec vous. Tout cela est essentiel. Vous nous avez également rappelé que c’est un non-sens de parler d’une mère qui ne travaille pas, et cela, toutes les femmes le savent. J’ai personnellement eu la chance de pouvoir rester chez moi et d’élever mon enfant sans avoir à le confier à une garderie. Je n’entends aucunement critiquer les garderies, mais c’est le choix que j’ai fait et il me semble important d’offrir aux parents la possibilité de choisir.
    Je passe maintenant à la recommandation 7, là où vous évoquez la question des déductions fiscales pour les personnes qui optent pour une garderie ainsi que pour celles qui décident de s’organiser autrement. Or, j’ai l’impression que nous avons un peu négligé cet aspect de la question. Nous avons insisté sur les services de garde d’enfants, mais nous n’avons pas beaucoup parlé de ceux qui préfèrent assurer eux mêmes ce service. Je constate à cet égard l’existence d’opinions divergentes. Certaines d’entre nous préféreraient, si nous en avons la possibilité, élever nous mêmes nos enfants. Ce n’est pas le cas de tout le monde et, disons le franchement, dans certains cas, il peut être préférable de recourir à une garderie.
    Vous avez également évoqué la question du financement des places de garderie et, pour commencer, la mise en place des infrastructures nécessaires. Il ne faut pas, selon vous, s’insurger contre les garderies, mais subventionner aussi bien les garderies que les soins apportés aux enfants dans un autre cadre. Comment envisagez vous les solutions à cet égard? Vous avez rapidement évoqué les déductions fiscales et une allocation spécifique pour chaque enfant. Pourriez vous nous en dire un peu plus au sujet des moyens permettant d’accomplir tout ceci?
(1640)
    Je suis partisane d’accorder une somme assez importante, disons de 5 000 $ à 10 000 $ par enfant, et de laisser aux parents le soin de s’organiser au niveau de la garde de leurs enfants.
    Je suis consciente de la puissance du mouvement en faveur des garderies. C’est un groupe de pression qui a su se faire entendre par le gouvernement et les arguments qu’il avance sont difficilement réfutables. De toute manière, on ne saurait revenir sur ce qui a été fait jusqu’ici et le gouvernement se voit sans doute dans l’obligation de financer les garderies. Cela dit, il faudrait d’après moi qu’il finance également les autres solutions qui s’offrent à nous. C’est ce qui se fait en Europe. En comparant notre système de garde d’enfants aux systèmes instaurés en Europe, nous passons sur un certain nombre d’aspects essentiels.
    On me dit, par exemple, qu’en Allemagne les femmes ne travaillent qu’à temps partiel; la garderie est à deux coins de rue et les femmes peuvent passer voir leurs enfants à midi. C’est tout de même quelque chose. À Calgary, par contre, il vous faudra peut être vous rendre dans un autre faubourg et ce n’est que 10 heures plus tard que vous aurez la possibilité de revoir votre enfant. Il nous faut donc étudier attentivement les diverses solutions possibles, mais si vous entendez assurer un financement public — vous m’avez demandé de proposer une solution — il va falloir à la fois financer les places de garderie et financer aussi les soins assurés par les parents qui entendent élever eux mêmes leurs enfants.
    Peut on prendre l’Allemagne en exemple, ou la Norvège? Dans votre exposé vous citez également le cas de la Norvège. Quel pays vous semble t il offrir le meilleur modèle?
    Je pense qu’il convient d’étudier tout ce qui se fait ailleurs. En Autriche, les parents se voient délivrer des coupons. En Norvège, l’État accorde une subvention aux parents qui s’occupent chez eux de leurs enfants. Je suis récemment tombée sur quelque chose concernant la Tchécoslovaquie où, me semble t il, on accorde aux femmes un congé de maternité de trois ans. Pourquoi ne pas s’inspirer de l’exemple européen étant donné que ces pays là semblent être parvenus à un équilibre. En matière de garde d’enfants, ils sont en pointe, mais ils sont également en pointe au niveau de la valeur qu’ils accordent aux soins prodigués par les parents à la maison. En suède, le pays phare en quelque sorte, le gouvernement qui s’était fait le défenseur d’un régime national de garderies vient d’être renvoyé par les électeurs. C’est dire que la population ne se satisfait pas d’un réseau de garderies subventionnées.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Demers, qui disposera, elle aussi, d’un temps de parole de cinq minutes, s'il vous plâit.

[Français]

    Merci, Madame la présidente.
    Merci d'être ici.
    Madame Harris, connaissez-vous la politique familiale du Québec?
(1645)

[Traduction]

[Français]

    Plus tôt, vous avez parlé de revenu de remplacement pour un couple, par exemple, qui aurait un enfant. Vous ne parlez que des politiques familiales d'autres pays, comme la Norvège et la France, qui sont pourtant des politiques familiales semblables à celle du Québec. Par contre, vous dites que vous ne voudriez pas d'un programme similaire à celui du Québec, parce que vous souhaitez un programme fédéral.
    Je ne comprends pas. La politique familiale du Québec, qui comprend le système de garderie et le programme de congé parental, a permis une augmentation des naissances de 6 p. 100 cette année. On s'attend à une augmentation de 8 p. 100 durant la prochaine année. Les centres de naissance sont remplis à capacité, le nombre de naissances est incroyable.
    Ne croyez-vous pas qu'une mesure comme celle-là pourrait contribuer à améliorer la situation dans votre province?

[Traduction]

    Tout à fait. J’estime que le Québec est un exemple qui peut être cité dans tout le Canada.

[Français]

    Madame Smith, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que les parents devraient avoir le choix de rester à la maison avec leurs enfants ou de les placer en garderie.
    Ne croyez-vous pas qu'en donnant de si petits montants d'argent aux parents, cela porte à penser que les femmes constituent un cheap labour? On parle de 1 200 $ par année par enfant de moins de six ans.
    Vous avez également fait allusion à la promesse électorale de l'Action démocratique du Québec de M. Dumont de verser, aux familles qui s'occupent elles-mêmes de leurs enfants, une somme de 5 200 $ par année par enfant d'âge préscolaire. La femme qui reste à la maison le fait parce qu'elle veut donner à son enfant le maximum, mais elle veut aussi avoir le choix. J'ai de la difficulté à comprendre ce que vous disiez plus tôt.
    Pouvez-vous m'expliquer votre position à ce sujet?
    On ne donne presque rien à une mère à la maison. Alors, 5 000 $, c'est beaucoup. Au contraire, j'ai l'impression qu'on propose de donner 10 000 $ aux personnes qui placent leurs enfants en garderie.
    On propose de leur en donner plus.
    On propose de leur en donner plus, mais de ne rien donner aux personnes dont les enfants ne sont pas en garderie. C'est injuste. Je suis d'accord que 5 000 $ par enfant, ce n'est pas beaucoup. Toutefois, si vous avez deux ou trois enfants, c'est assez. En ce moment au Canada, mais peut-être pas au Québec, si vous avez trois enfants, le gouvernement vous aidera à placer vos enfants en garderie et paiera plus que ce que vous gagneriez dans un poste à mi-salaire. Il en coûterait moins cher de permettre à la mère de rester à la maison.
    J'ai beaucoup de difficulté à comprendre votre équation. Nous savons toutes que pour avoir un bon système de garde, il faut premièrement que ce soit un système structuré. Il faut aussi que les personnes qui y travaillent puissent recevoir de la formation de qualité et aient de bonnes conditions de travail, afin que l'enfant puisse avoir une relation avec les personnes de l'extérieur qui soit aussi une relation aimante et une relation qui le nourrira. Même si on veut faire son possible à la maison, on ne peut pas toujours être là.
    J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous privilégiez un système plutôt qu'un autre alors qu'on devrait privilégier les deux systèmes et permettre, grâce à une politique familiale globale, aux femmes de rester à la maison tout en se sentant valorisées, et non pas en étant considérées comme du cheap labour. Il faudrait avoir une politique familiale qui permette aussi, si on le désire, de placer son enfant dans une garderie qui offre un bon service.
    Et qu'est-ce que vous proposez?
    Je ne le sais pas, madame. C'est pour cela qu'on vous invite ici, pour que vous nous donniez des idées et que vous nous fassiez des suggestions en vue d'améliorer la situation. Le fait de donner 1 200 $ par année par enfant n'améliore pas la situation.
(1650)
    Cinq mille dollars, c'est beaucoup plus que 0 $.
    Cette somme est imposable. Ainsi, une personne qui reste à la maison avec trois enfants gagne, au bout du compte, en une année, moins d'argent que ce qu'elle toucherait de l'assistance sociale. Cela n'a pas de sens.

[Traduction]

    Une voix: J'invoque le Règlement —[Note de la rédaction: Inaudible].
    Elle ne vous harcèle aucunement. Elle demande simplement une réponse. Elle sollicite une précision.
    Je n'harcèle personne.

[Français]

    Je veux comprendre.
    Ce que je désire, c'est une moralité. Si on établit des garderies qui offrent de bons salaires, il faut également de bons salaires pour les femmes à la maison. On est d'accord.
    Tout à fait.
    Alors, on doit demander davantage.
    Tout à fait, madame. Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant la parole à Mme Mathyssen, qui disposera, elle aussi, de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J’aurais une ou deux questions à poser. J’espérais interroger chacune de nos témoins, mais cela ne va pas être possible.
    Madame Smith, dans votre exposé, vous évoquez la question du partage du revenu et les travaux que vous avez menés sur la question. Vous évoquez également le fractionnement du revenu de pension. Ce qui me préoccupe dans tout cela c’est que, d’après votre exposé, cela ne procurera pas aux personnes riches un avantage indu.
    Je me suis documentée sur la question. Une des inquiétudes que j’éprouve à cet égard découle de données réunies par le Congrès du travail du Canada. Leurs recherchistes ont cherché à préciser le nombre de foyers canadiens ne disposant que d’un seul revenu. Il semblerait qu’il y ait, au Canada, 2,8 millions de personnes vivant au sein d’une famille à revenu unique. Ce sont elles qui auraient le plus de chances de profiter de ce fractionnement du revenu. Mais, de ces 2,8 millions de personnes, la plupart ont un revenu familial ne dépassant pas 36 000 $. La possibilité d’effectuer un partage du revenu familial n’épargnerait à ces ménages qu’environ 200 $ — c’est à dire une différence de 200 $ entre l’avantage que confère cette mesure et le crédit d’impôt pour conjoint — alors qu’une famille à revenu unique dont le revenu s’élève à 230 000 $ économiserait 9 000 $.
    Parmi les groupes avec lesquels nous nous sommes entretenues, il y en a un qui est venu nous parler de fractionnement du revenu de pension et qui avait même préparé un tableau. Ce tableau, je l’ai ici. On peut constater qu’un couple qui touche environ 21 000 $ par an ne tirerait aucun avantage du fractionnement de son revenu de pension alors qu’un couple qui touche 121 000 $ par an économiserait presque 9 000 $.
    Je trouve cela gênant car le fractionnement du revenu coûtera au gouvernement fédéral environ 5 milliards de dollars par an, selon les calculs effectués. Ce que je trouve gênant dans tout cela c’est que ça réduira d’autant les ressource fédérales affectées au financement de services profitant à tous les Canadiens.
    Je m’interroge donc au sujet de cette disparité et j’aimerais savoir comment vous pouvez considérer le fractionnement du revenu comme une bonne chose étant donné cette contradiction.
    La question est pertinente.
    En matière de partage du revenu, il y a bien des modalités possibles. Aux États Unis, en raison des tranches de revenu, les riches payent plus que les pauvres. Cela répond en partie à l’inquiétude que vous éprouvez à l’idée qu’une telle mesure procurerait aux riches un avantage indu. Une autre solution consisterait à fixer un seuil d’admissibilité et de prévoir que cette mesure ne s’appliquerait qu’aux personnes ou aux foyers dont le revenu ne dépasse pas un certain montant. Une autre idée serait de rendre cette mesure facultative, ce qui réglerait peut être une partie du problème.
    Les gens, me semble t il, ont tendance à penser que le partage du revenu serait réservé aux familles à revenu unique. Or, cette mesure s’appliquerait à toutes les familles, la plupart ayant en effet deux revenus. Si vous ne gagnez pas grand chose et que la personne avec qui vous habitez gagne beaucoup plus, étant donné que vous partagez un logement, vous bénéficiez probablement du même niveau de vie que l’autre. Il est donc absurde de ne pas vous considérer comme un partenaire. La législation fiscale actuellement en vigueur vous considère comme un soutien économique et comme une bouche inutile si vous n’avez pas de revenu ou comme un soutien économique et quelqu’un de piètre mérite. Or, la signification psychologique de ce partage du revenu est que vous êtes à égalité, vous partagez à titre de partenaire. Il ne s’agit donc pas de dépendance mais d’interdépendance. C’est, pour les femmes, un message très important. Ça, c’est une première chose.
     J’estime, en outre, que si vous envisagez cette mesure sous l’angle de ce qu’elle peut coûter au gouvernement, vous analysez d’un point de vue purement financier quelque chose qui est en fait, comme l’a souligné Mme Lysack, un investissement. Si vous accordez cette reconnaissance aux aidants — et cette mesure est une manière de le faire — vous épargnez des milliards de dollars au système de santé. Cette mesure permet en effet à un certain nombre de personnes handicapées de demeurer chez elles tout en bénéficiant de soins affectueux et, par exemple, d’éviter aussi à certains jeunes une vie d’errance, ce qui, dans certains cas, permettra de réduire les coûts de la justice pénale.
    J’estime qu’on ne peut donc pas insister uniquement sur les coûts d’une telle mesure.
    C'est intéressant. Nous parlons des handicapés. J'ai beaucoup travaillé avec certains de mes mandants qui avaient des enfants gravement handicapés. Ce que je retire de cette expérience, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme de soutien et que ces gens-là ne parviennent pas à s'en sortir. Donc, si nous voulons vraiment examiner l'ensemble de la situation, il va falloir que nous fassions beaucoup mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.
    Je suis heureuse que vous recommandiez une augmentation du nombre des tranches de revenu. La perte de toutes ces tranches imposerait certainement une charge inéquitable aux personnes à faible revenu.
(1655)
    Mme Mathyssen, fini.
    Mais, madame la présidente, j'ai tant d'autres questions à poser.
    Je sais. C'est le cas pour tout le monde.
    Nous allons maintenant entendre M. Stanton, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aussi aux témoins pour les déclarations qu'ils ont faites cet après-midi.
    J'ai une remarque d'ordre général à faire au sujet de la plupart de vos déclarations. Je n'ai pas d'objection à faire à ce que je considère comme des remarques tout à fait pertinentes, en particulier en ce qui concerne la possibilité d'une meilleure rémunération des prestataires de soins et des personnes qui assument des responsabilités importantes au foyer mais je voudrais en venir à la question de l'égalité sur le plan des revenus, étant donné que, comme vous le savez, nous la considérons spécifiquement sous l'angle de la sécurité économique.
    En écoutant vos déclarations, j'ai cependant été frappé par l'idée qu'en fin de compte — je prends, par exemple, le plan en huit points de Mme Smith — le coût, la charge, sur le plan fiscal, que représentent ces propositions, seraient considérables. J'en viens donc à demander comment nous pourrions payer la facture.
    Je le répète, je ne me place pas là au plan philosophique. Je ne suis pas contre ce que vous essayez d'obtenir, mais dans un pays où nous sommes obligés d'établir un équilibre entre la charge pour le trésor public, si vous voulez, que ce soit sur le plan provincial ou fédéral — dans le cas présent, c'est à peu près partagé — et à une époque où notre pays est confronté à toute une série de priorités, dont la moindre n'est pas de devoir faire face au problème de la réduction des gaz à effet de serre et à une foule d'initiatives en matière de politique publique.
    Comment aborder la question du paiement pour tout cela? Cela représente des milliards de dollars, peut-être 15 à 30 milliards de dollars par an. Au niveau fédéral, l'impôt sur le revenu au Canada rapporte environ 75 milliards de dollars par ans. Il faudrait donc envisager une augmentation substantielle des impôts ou sinon, supprimer d'autres programmes. Pourriez-vous — chacun des trois témoins présents pourrait répondre — peut-être pourriez-vous me dire comment vous envisagez une prise en charge par le trésor public, ou alors nous dire si vous avez examiné un modèle qui rendrait cela fiscalement réalisable?
    Je peux commencer.
    Je vous remercie. C'est une question vraiment importante, en particulier en ce qui concerne la garde des enfant pour laquelle nous envisageons un coût annuel d'environ 10 milliards de dollars afin de pouvoir disposer d'un système totalement accessible, universel et de qualité, qui soit aussi inclusif et réponde à tous les besoins. Cela paraît effectivement une bien lourde facture à acquitter, mais il est important de ne pas s'y arrêter, de commencer à considérer cela dans son ensemble et en fonction de sa rentabilité. Les résultats obtenus au Québec sont très encourageants et sont une raison pour nous de nous en inspirer. Ce système ne se contente pas de couvrir ses propres frais, il soutient en fait d'autres programmes.
     Les exemples qui nous ont été donnés montrent effectivement que de nombreux pays européens accordent des allocations ou des contributions financières supplémentaires aux familles qui n'utilisent pas le système public d'apprentissage et de garde des jeunes enfants et —
    Excusez-moi de vous interrompre, que seraient ces allocations supplémentaires? Pourriez-vous m'en donner un exemple?
    La Finlande nous en offre un bon exemple. J'ai eu l'occasion de parler à un membre du gouvernement finnois qui participait à l'élaboration d'une politique dans ce domaine. Comme la Finlande a un programme national, tous ceux qui veulent des programmes d'apprentissage et de garde de jeunes enfants peuvent y avoir accès. Donc, à cause du soutien économique ainsi fourni, il est possible de dire aux familles qui n'ont pas choisi cette formule, tenez, voici — En un sens, c'est une sorte de remise, je suppose.
    J'étais en Alberta, il y a deux semaines, et j'ai appris que le gouvernement albertain a offert de payer aux familles — je ne connais pas tous les détails, je viens de l'apprendre — 100 $ si elles ne demandaient pas d'allocation pour service de garde d'enfants. Très peu de personnes se sont prévalues de cette offre parce qu'avant toute autre chose, c'est le service lui-même qu'elles veulent. Il existe donc là un important besoin insatisfait, mais une fois qu'il le sera —
(1700)
    Il est donc possible de transférer cette prestation allocation à quelqu'un d'autre. C'est bien cela? Ce n'est pas nécessairement universel. Si quelqu'un n'en a pas besoin, l'allocation peut être transférée à une autre personne qui, elle, en a besoin? Ai-je bien compris?
    De toute façon, je vérifierai les bleus après la réunion. Je vous remercie. Je voulais entendre à nouveau madame Harris. Nous ne vous avons pas beaucoup entendu cet après-midi et nous pourrions peut-être vous accorder 30 secondes.
    Excusez-moi, M. Stanton, c'est fini pour vous, mais nous allons lui accorder 30 secondes.
    Madame Harris.
    En ce qui concerne plus précisément les prestations de maternité et les prestations parentales, comme elles demeurent liées au système de AE, l'argent viendrait de l'excédent au titre de l'AE.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à la troisième série de questions. Nous aurons suffisamment de temps pour deux questions.
    Mme Minna, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    On a dit beaucoup de choses aujourd'hui, dont certaines fort intéressantes. De mon point de vue, nous parlons de la sécurité économique des femmes. Nous parlons donc de la manière d'assurer leur sécurité financière, pendant leur jeunesse, pendant leur vie active, et lorsqu'elles prennent leur retraite. Nous visons donc un programme d'aide familiale national qui prendrait en compte le travail non rémunéré au foyer, qu'il s'agisse de s'occuper d'un membre de la famille malade ou d'un enfant, comme nous essayons de le faire grâce aux congés parentaux et aux soins dispensés par des professionnels. Aucune des deux formules n'est très efficace; elles ne fonctionnent pas très bien.
    En ce qui concerne les soins dispensés par des professionnels, la suspension des versements au titre du RPC affecte directement l'accumulation de la pension. Les emplois... les femmes entrent et sortent constamment de la population active, et point n'est besoin de vous décrire tous les scénarios qui influent sur la sécurité du revenu des femmes et en fin de compte sur le revenu de retraite.
    Je voudrais revenir à ce dont nous avons parlé, ce que j'appelle l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Le programme Meilleur Départ mentionné plus tôt par Mme Davidson, a été établi par le gouvernement de l'Ontario. Il faisait partie du programme national de garde d'enfants de cinq milliards de dollars, mais l'Ontario avait préféré baptiser programme Meilleur Départ. Ce programme devait, en grande partie, être négocié et dispensé par l'intermédiaire des écoles élémentaires, car il avait la flexibilité nécessaire pour fonctionner dans les collectivités rurales qui avaient décidé d'utiliser des mécanismes de prestation différents. Bien entendu, la province avait mené de nombreuses consultations.
    Mes questions s'adressent à Mme Harris, à Monica ou encore à ... À mon avis, les meilleurs atouts du Canada sont ses habitants, c'est cela le point de départ. Donner à chaque enfant le meilleur départ possible dès sa naissance... Dites-moi, le programme national d'apprentissage et de garde des jeunes enfants tel que nous l'avons dans nos écoles élémentaires, est-il la meilleure façon de procéder? L'enseignement élémentaire est universellement accessible dans tout le pays. Certains préfèrent utiliser les écoles privées, mais ils ont l'argent nécessaire pour cela. De toute façon, tous les enfants vont à l'école élémentaire. Nous n'avons pas dit qu'on allait vous remettre un bon de 100 $; nous avons dit que c'est quelque chose d'une importance fondamentale pour notre société.
    Il me semble que ce serait la même approche en ce qui concerne l'éducation et le développement des jeunes enfants. J'ai simplement besoin d'un éclaircissement. Fais-je fausse route?
    Pas du tout. Ce qui nous définit en tant que Canadiens, c'est notre système public de soins de santé, notre système public d'éducation. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre nous sommes passés par ce système, même si, comme vous le dites, il existe d'autres mécanismes d'octroi de bons ou d'aide qui vous permettent de choisir quelque chose de différent. Nous considérons donc qu'un système public d'apprentissage et de garde des jeunes enfants fait partie de ce qui nous définira en tant que Canadiens, et que tous les enfants doivent y avoir accès. Nous savons aussi que les parents qui n'exercent pas un emploi à l'extérieur de la maison ont accès à ces programmes pour leurs enfants. Ils considèrent qu'ils sont importants. Bien sûr, c'est très bien. Lorsque nous considérons les travaux de Fraser Mustard sur la malléabilité du cerveau et que nous considérons nos investissements, pourquoi investissons-nous si peu au début de la vie et tant à l'âge adulte alors nous savons que le cerveau est beaucoup plus vulnérable chez les jeunes et que nous pourrions faire beaucoup plus, avec des effets durables?
(1705)
    Vous venez de dire quelque chose d'important qui m'a frappé. Dans ma circonscription, un des programmes les plus populaires s'appelle le Early Years Program. Chose intéressante, il est seulement accessible pour les mères au foyer, ou celles qui travaillent à temps partiel. Si vous travaillez à plein temps, vous ne pouvez pas laisser votre enfant dans une garderie couverte par ce programme. Cela fonctionne à la demi-journée ou à la journée complète. Il y a quatre centres principaux dans ma circonscription. Ils ont été créés grâce aux 500 millions de dollars dégagés en 2000. Ils ont beaucoup de succès. Les parents au foyer, qui sont les mères dans la plupart des cas, aiment beaucoup ce programme car il apporte très tôt à leurs enfants le genre de stimulus dont ils ont besoin.
    En ce qui me concerne, le programme d'apprentissage et de garde des jeunes enfants combine les deux. Offrir ce programme dans des écoles élémentaires des grands centres — dans les zones rurales du Canada où la situation est probablement différente — est une excellente formule car cela vous permet de déceler les problèmes que pourraient avoir les enfants avant qu'ils ne commencent à fréquenter le jardin d'enfants à temps partiel. Comprenez-vous ce que je veux dire? C'est cela le modèle.
    Merci, madame Minna.
    J'ai dit que par souci d'équité, j'accorderais trois minutes à l'autre parti.
    Mme Smith, vous avez cinq minutes.
    Vous pourrez faire vos remarques de récapitulation.
    Merci beaucoup. Je tiens à remercier tout le monde d'être venu et de nous avoir présenté des observations extrêmement intéressantes.
    Mme Smith, j'ai été vraiment intéressé par ce que vous aviez à dire, par le fait que vous vous êtes présentée à titre individuel devant ce comité, sans intérêt personnel dans quoi que ce soit, en dehors de l'importance de la garde et du bien-être des enfants et des prestataires de soins.
    J'ai été très frappée par ce que vous avez dit au sujet de l'importance que vous accordiez à la garde d'enfants. Je sais que dans notre famille, ma soeur est toujours restée chez elle avec les enfants. J'ai placé les miens en garderie et pourtant, je trouve que le travail de ma soeur a été totalement sous-estimé, à de nombreux égards. C'était une mère remarquable, qui faisait une foule de choses, et qui pourtant, n'a jamais bénéficié d'aucun avantage.
    J'ai aussi été frappée par ce que vous dites au sujet du partage des revenus et des avantages qu'offre l'égalité pour les femmes lorsque l'on compare une personne qui a un revenu très bas à une autre personne qui a un revenu très élevé. Il y a là une certaine égalité car il arrive souvent que ce soit la femme qui a un faible revenu, et le sentiment de dignité, celui d'investissement de partenariat jouent un rôle.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? J'aurais pu vous écouter pendant toute la journée, vraiment, car j'ai eu le sentiment que vous aviez su cerner un certain nombre de questions vraiment importantes que j'ai entendu évoquer dans tout le pays.
    Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet? Je ne veux pas abuser de votre temps. Je vous donne entière liberté.
    Eh bien! Merci.
    En fait, j'aime bien le programme Early Years. Ma fille l'utilise, et je n'ai rien contre. Ce qui ne me plaît pas, c'est que pour avoir accès à ce programme ou à la garderie, vous êtes obligé de payer quelqu'un d'autre. Cela ne rapporte pas un sou à la mère.
    Lorsque l'on m'a demandé de parler de l'étude de M. Mustard, j'ai utilisé l'analogie suivante: vous pouvez vous rendre dans un centre où l'on vous donnera beaucoup de conseils sur la manière de vous occuper de votre enfant, mais si celui-ci a besoin de nourriture, lire une brochure sur l'alimentation ne le nourrira certainement pas. Je suis vraiment convaincue que la démocratie est redevable aux parents de l'aide financière, qui leur est donnée. Ils peuvent alors aller au centre Early Years, qui est gratuit, ce qui est merveilleux, mais après tout, ce sont leurs impôts qui financent ce centre, ou ils peuvent se rendre à la garderie d'enfants, massivement financés elle aussi par leurs impôts qu'ils décident de l'utiliser ou non.
    Il faut donc offrir des choix aux gens, mais il faut que ce soit les parents qui choisissent. Monica et moi avons utilisé les mêmes mots, mais le choix n'est véritable que lorsque le parent a l'argent nécessaire pour le faire.
    À propos de ce que vous disiez également, en termes de valeur, je sais qu'il y a eu une étude récente sur le fait de confier l'enfant, comme vous le disiez, à la garde d'une personne qui l'aime. Certains parents sont dysfonctionnels dans certains domaines. La plupart d'entre eux, je dirais, aiment leurs enfants, quelles que soient les circonstances, qu'ils soient dysfonctionnels ou non, et ils veulent ce qu'il y a de mieux pour eux.
    Pourriez-vous nous parler des économies qui pourraient être réalisées si nous mettions plus l'accent sur la prestation de soins proprement dite? Pourriez-vous nous parler des économies que nous réaliserions en évitant les risques que les enfants négligés soient attirés par la criminalité?
    La raison pour laquelle je mentionne constamment Mme Lysack est que je ne sais pas si vous comprenez que les médias nous considèrent comme deux adversaires, alors que nous avons en fait beaucoup de choses en commun. Nous ne nous sommes encore jamais trouvées dans la même salle, parce que les gens pensaient que cela provoquerait un vrai feu d'artifice.
(1710)
    En fait, nous l'avons été. Nous étions à une table ronde animée par Ken Dryden avec —
    Oh, vous étiez là? Je ne le savais pas.
    Je vois que j'avais fait une forte impression.
    Eh bien, il y avait 19 personnes représentant des garderies et moi-même.
    Quoi qu'il en soit, M. Stanton a posé une excellente question sur la façon de procéder pour payer tout cela, et je crois que c'est quelque chose qui nous préoccupe toutes les deux. Mais il faut que vous compreniez que le travail des femmes représente un tiers du PIB, ce dont on n'a tenu absolument aucun compte. Un rajustement serait certainement remarqué, et cela va coûter assez cher.
     Je crois que nous avons toutes deux aussi fait valoir qu'il s'agit d'un investissement rentable car il y a aujourd'hui tant d'enfants diagnostiqués comme ayant une tendance à pratiquer l'intimidation ou comme souffrant d'une déficience de l'attention, entre autres.
    [Note de la rédaction: Inaudible]— en ce qui concerne l'élément criminel — car j'ai travaillé avec des personnes dont les enfants étaient devenus membres de gangs et s'étaient trouvés impliqués dans d'autres activités du même genre — s'ils avaient bénéficié des soins appropriés, quelles auraient été les conséquences?
    J'ai deux réponses à donner à cela.
    Le Sénat a fait une étude sur l'Enfant à risque, il y a quelques années, qui a révélé que les deux éléments de l'apport de soins à un enfant qui lui évitent de se retrouver dans le système de justice pénale sont le fait d'avoir le même prestataire de soins pendant les trois premières années de sa vie; ce peut-être un employé d'un service de garderie, une gouvernante, une maman, un père, ou toute autre personne — mais il faut que ce soit la même personne, c'est une garantie de stabilité. Il faut aussi que ce soit quelqu'un qui ait de l'affection pour cet enfant, car les enfants sentent la différence.
     Deuxièmement, il y a ce qu'on a appelé les troubles de l'attachement à son entourage, constatés lorsque de jeunes enfants ont des gardien(ne)s qui changent tous les six mois ou chaque année. Ils cessent alors de compter sur lui (elle) comme source de stabilité, et se tournent donc vers leurs copains.

[Français]

    J'aimerais reprendre l'exemple que vous avez donné, madame Lysack. Vous comparez cette subvention avec le fait de remettre 10 000 $ à des étudiants de niveau postsecondaire et de leur dire qu'à partir de ce moment-là, ils doivent s'arranger, trouver les services pédagogiques dont ils ont besoin et essayer de se retrouver dans les dédales du système d'éducation.
     Je mentionne cela pour revenir au modèle québécois des services de garderie, les CPE, les centres de la petite enfance. Je les ai vu naître, je les ai vu grandir, j'ai aussi vu les enfants qui les ont fréquentés. On a acquis une expérience qui nous permet de constater les bienfaits de ces services auprès des enfants qui sont maintenant d'âge scolaire.
     Vous savez que dans le cadre nos services de garderie, on a aussi des techniciennes qui sont formées non seulement pour garder les enfants, mais aussi pour les stimuler, les socialiser et même pour détecter, déjà à cet âge, des carences ou des difficultés, de manière à ce que lorsqu'ils arrivent à l'âge préscolaire, on puisse les aider à mieux fonctionner.
     Je pense qu'il est important de se doter ou de mettre en place un système de garderie universel. Ce qu'on nous dit et ce qu'on remarque actuellement, c'est qu'il y a une augmentation importante du nombre de garderies en milieu familial. Je pense qu'on a noté une augmentation de 54 p. 100 entre 2001 et 2003, et les coûts entre certains milieux et certaines régions varient, tout comme le service peut varier. À mon avis, il est important pour le bien-être de l'enfant d'assurer une certaine universalité des services que l'on offre. Les centres de la petite enfance du Québec sont un bon modèle de prestation de services aux enfants.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord pour dire que le modèle québécois de garde d'enfants est excellent. Il n'est pas sans problème, et a certainement connu une crise de croissance. Beaucoup de gens voulaient qu'il soit immédiatement opérationnel, et bien entendu, il n'y avait pas assez d'installations et pas suffisamment de prestataires de soins bien formés. Il lui a donc fallu un certain temps pour se développer et prendre de l'expansion, mais la plainte la plus sérieuse contre lui est que ce système est insuffisant et qu'il a besoin de s'étendre encore pour répondre à l'augmentation des besoins.
    Il est aussi important de prendre conscience que c'est très populaire auprès des familles dont les membres ne travaillent pas à l'extérieur du foyer. Cela vient appuyer la notion que, si les familles ont le choix et si le coût est raisonnable, elles pencheront pour cette option. Tous en bénéficient donc.
    Merci beaucoup.
    Mme Mathyssen, vous disposez de trois minutes avant la sonnerie du timbre.
    Merci, madame la présidente.
    Il est intéressant qu'on entende dire continuellement, « D'où va venir l'argent? » Bien sûr, nous avons un excédent de neuf milliards de dollars, du moins l'avions-nous, et nous voyons les excédents au titre de l'AE passer dans les recettes générales au lieu d'être utilisés pour aider les personnes qui devraient y avoir droit.
    Une brève question. On parle beaucoup des coûts et de ce que nous sommes obligés de payer. Combien faudrait-il pour payer la mère afin qu'elle puisse fournir des soins à plein temps? Quelle somme serait-elle suffisante?
(1715)
    Excellente question, car en tant que mère moi-même, je peux vous dire que je n'ai jamais travaillé aussi fort que lorsque mes enfants étaient jeunes, avec toutes les exigences que crée le fait d'avoir trois jeunes enfants. Oui, ça coûte très très cher.
    En avons-nous les moyens? Je ne sais pas.
    Peut-être Mme Smith pourrait-elle nous dire combien une mère à plein temps devrait être payée.
    Il y a un tas de magazines qui se sont livrés à de charmants petits calculs à ce sujet. Je crois que selon les derniers calculs d'un magazine aux États-Unis, cela coûterait 150 000 $ par an, mais je n'en demande pas tant.
    La question n'est donc pas de savoir comment payer, puisque la contribution des femmes — un économiste pourrait nous le dire exactement — à notre économie est importante grâce aux impôts. Si nous supprimons cela, comment pourrons-nous continuer à fonctionner?
    Je pense qu'il faut établir un certain équilibre et qu'il faut aussi reconnaître qu'un choix est nécessaire, qu'il ne s'agit pas simplement d'une question de besoin économique, mais qu'il faut que les femmes puissent faire ces choix.
    J'étais très attachée à mes enfants, mais je voulais aussi poursuivre ma carrière et mon éducation.
    Merci.
    J'invite chacune d'entre vous à prendre une minute pour conclure. Il nous reste encore un peu de temps. Nous pouvons facilement nous rendre de l'autre côté; il y aura donc une minute pour chacune, nous lèverons ensuite la séance.
    Mme Smith.
    Ma fille est avocate, et c'est une féminisme du calibre des membres des grands groupes d'activistes en faveur des garderies de jour. Elle critique mes activités depuis de nombreuses années, ce qui donne lieu à de bonnes discussions, entre nous mais elle commence à me comprendre maintenant qu'elle a des enfants.
    Je crois qu'elle a toujours été profondément étonnée par le fait que j'utilisais la terminologie du mouvement féministe pour défendre les femmes au foyer, parce que, rester chez soi, n'est pas un pas en arrière, mais un grand pas en avant. Je vous encourage vivement à considérer que ce que je dis représente un pas en avant en faveur des droits de la femme, qu'il ne s'agit pas de perdre l'acquis mais aussi de valoriser notre travail non rémunéré.
    Merci.
    Mme Harris-Genge.
    La part qu'occupent les femmes dans le travail non rémunéré, y compris la prestation de soins, est demeurée stable depuis les années 1960. Les femmes sont donc beaucoup plus susceptibles que les hommes d'occuper un emploi de nature non traditionnelle, tel que le travail saisonnier, à temps partiel ou sous contrat, si bien qu'il est fréquent qu'elles ne travaillent pas le nombre d'heures requis pour être admissibles.
    Pour accroître l'accès aux prestations de maternité et aux prestations parentales, il faut donc accroître l'accessibilité, l'admissibilité et la flexibilité; cela permettra d'augmenter la sécurité économique des jeunes mères.
    Merci.
    Mme Lysack.
(1720)
    Merci.
    Je voudrais dire deux choses. La première est que l'ACPSGE a toujours promis toute une gamme de services de soutien à la famille. Le gens s'attachent surtout au fait que nous défendons un système d'apprentissage et de garde de jeunes enfants, mais cela s'accompagne de toute une gamme d'autres interventions en faveur des congés de maternité et des congés parentaux prolongés — y compris les conditions d'admissibilité — ainsi que des mesures de soutien du revenu familial, encore qu'à notre avis, un mécanisme tel que la prestation fiscale canadienne pour enfants, qui reconnaît les familles à faible revenu et leur accorde des prestations plus élevées, serait plus utile.
    La seconde chose dont je voudrais parler ou en tout cas résumer, est que nous n'avons plus de mécanisme de responsabilisation dans le domaine de l'apprentissage et des soins aux jeunes enfants. Nous avions réalisé des progrès à l'époque où nous avions des ententes agrémentées d'un certain nombre de conditions; aujourd'hui, nous avons les transferts.
    Lorsque Mme Davidson a mentionné le programme Meilleur Départ et a dit qu'il serait utile dans ce domaine, c'est parce que les transferts 2005-2006 et 2006-2007 dans le cadre des anciens accords bilatéraux avec les provinces et les territoires avaient été étendus sur plusieurs années.
    Lorsque vous examinez leur analyse — je serais heureuse de vous la faire parvenir. Vous pouvez d'ailleurs aussi la trouver sur notre site Web — on constate que c'est en fait une sorte de jeu des gobelets. Ce qu'il y a de regrettable dans tout cela, c'est que des sommes modestes ont été déboursées et que ça s'arrêtera là.
    Merci.
    Je vous remercie au nom du comité. Vous nous avez donné ample matière à réflexion.
    La séance n'est pas encore levée. Pouvez-vous m'accorder une seconde, s'il vous plaît?
    Nous allons réfléchir à ce que vous nous avez dit. Votre rôle de témoins est de nous faire des suggestions. Notre rôle de parlementaire est d'examiner les questions d'interdépendance, de fiscalité, et tout le reste. C'est la raison pour laquelle nous vous posons des questions. Nous aimons avoir des éclaircissements. Mais nous prendrons vos remarques au sérieux, et je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu faire le voyage pour nous rencontrer.
    Sur ces bonnes paroles, je déclare la séance levée.